ASBL et secteur non marchand en Belgique
Transcription
ASBL et secteur non marchand en Belgique
ASBL et secteur non marchand en Belgique : analyse statistique de l'emploi Michel Marée, chargé de recherches à l'ULg (Centre d'Economie Sociale) Article paru dans le Revue Non Marchand, n°11/2003, Bruxelles, pp.39-50 Introduction On sait que les ASBL constituent l'essentiel du volet privé des activités hors marché et qu'elles jouent un rôle-clé dans la fourniture de services relatifs à la santé, à l'éducation, à l'action sociale,… Mais quel poids représentent en fait les services non marchands dans l'emploi salarié en Belgique? Et quelle est la part précise de ces services qui est assurée par le secteur associatif? C'est à ces deux questions, et plus particulièrement à la seconde, que nous tenterons de répondre dans les lignes qui suivent. Plus précisément, nous nous proposons d'examiner en détail la manière dont la production des services non marchands, appréhendée au travers des emplois qu'elle génère, se répartit entre les associations d'une part, et le secteur public (entreprises et services publics) d'autre part. Rappelons que dans un précédent article1, nous avons déjà examiné la place occupée par les ASBL dans les statistiques de l'emploi salarié total en Belgique. D'après nos estimations, le personnel des associations représente 7,2% ou 12,9% du total de l'emploi salarié (mesuré en équivalents temps plein), selon que l'on prend en compte le personnel propre des ASBL ou l'ensemble du personnel qu'elles occupent (données de 1998)2. La présente analyse s'appuie sur l'exploitation des données disponibles auprès de l'ONSS et de l'ONSS-APL (Office national de la Sécurité sociale des Administrations des Pouvoirs locaux)3, exploitation réalisée par le Centre d'Economie Sociale dans la cadre du Projet interuniversitaire de recherche sur le secteur non marchand, initié en 1998 sous l'égide de la Fondation Roi Baudouin4. Ainsi que nous l'avons rappelé dans notre précédent article, l'analyse des fichiers communiqués par les deux institutions précitées a permis d'obtenir la 1 M. Marée (2002). Les chiffres sont respectivement de 194 569,5 ETP et 349 294,3 ETP. Le premier montant concerne le personnel employé directement par les associations et repris dans leurs déclarations trimestrielles à l'ONSS. Nous le qualifions ici de "personnel propre" des ASBL. On obtient le second montant relatif au "personnel occupé" en ajoutant deux catégories de salariés : le personnel enseignant subventionné de l'enseignement libre (141 174,0 ETP), et les employés PRIME, TCT et DAC (13 550,8 ETP). Bien qu'ils soient occupés dans les ASBL, ces salariés ont respectivement pour employeur effectif les Communautés et les services subrégionaux de l'emploi. Rappelons que les PRIME, TCT et DAC ("Derde Arbeid Circuit") sont des emplois crées dans le cadre de programmes de résorption du chômage dépendant respectivement de la Région wallonne, de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Région flamande. 3 Ensemble, ces deux sources sont en effet exhaustives pour ce qui concerne l'emploi salarié dans le secteur non marchand. Les trois autres organismes de sécurité sociale, le FNROM (Fonds national de Retraite des Ouvriers mineurs), la CSPM (Caisse de Secours et Prévoyance pour les Marins) et l'OSSOM (Office de Sécurité sociale d'Outre-Mer) ne concernent pas l'emploi non marchand. 4 Une synthèse des résultats de la recherche a été publiée par la Fondation Roi Baudouin (2001). 2 -Version 13/1/2003 – p.1 première mesure précise du poids économique du secteur non marchand en Belgique (emploi salarié, valeur ajoutée)5. Ci-après, nous décrirons succinctement l'emploi dans le secteur non marchand (section 2), avant d'examiner la manière dont il se répartit entre les ASBL et le secteur public (section 3). Mais, préalablement (section 1), il convient d'exposer dans ses grandes lignes la définition que nous avons adoptée pour cerner le secteur non marchand en Belgique6.On verra que cette définition prend en compte les quatre branches traditionnellement considérées comme non marchandes (santé, éducation, action sociale et culture), mais englobe également l'administration publique, la défenses des droits et intérêts, etc. 1. Définition du secteur non marchand7 Sur un plan théorique, il est possible de délimiter le secteur non marchand en recourant à la combinaison de deux critères : peuvent en effet être considérées comme étant non marchandes les organisations économiques qui sont animées d'une finalité non lucrative et qui recourent à d'autres types de ressources que la vente pour couvrir leur coût de production. Il s'agit donc des organisations qui vérifient simultanément un critère de finalité (but non lucratif) et un critère d'origine des ressources, celles-ci pouvant consister en dons, subventions publiques, cotisations,…8 Cette définition présente l'avantage d'être conceptuellement rigoureuse, mais elle soulève des difficultés de deux ordres. Tout d'abord, elle est malaisée à appliquer sur un plan opérationnel. Pour traduire concrètement les deux critères de définition théorique (finalité et ressources) et repérer en pratique les organisations non marchandes dans les fichiers statistiques, la référence à la forme juridique des organisations semble à priori très commode, dans la mesure où les principales sources statistiques proposent un classement des unités économiques par statuts juridiques. Ainsi, les formes suivantes permettent à priori de préjuger une finalité non lucrative et le recours à des ressources non marchandes : ASBL, association de fait, mutuelle, fondation (parenthèse retirée), service public et entreprise publique9. Malheureusement, les opérateurs revêtant l'une des formes énumérées ne sont pas nécessairement non marchands : tel est notamment le cas des "fausses" ASBL ou de certaines entreprises publiques qui se financent sur le marché ou présentent un caractère lucratif. En second lieu, le champ couvert par la présente définition peut se révéler trop large par rapport aux besoins socio-politiques en la matière. En effet, prendre en compte toutes les formes juridiques précitées confère au non-marchand un contour qui dépasse le cadre proposé 5 Voir M. Marée et S. Mertens, (2002), dont sont extraits la plupart des tableaux analysés dans cet article. Phrase supprimée 6 Le volet théorique de cette définition a déjà été présenté dans cette revue (voir S. Mertens et M. Marée, 1999). Depuis lors, la nécessité d'un repérage concret des organisations non marchandes dans les statistiques disponibles sur l'emploi a donné lieu à une formulation pratique de cette définition, basée comme nous le verrons sur une double conception, large et restreinte, du secteur non marchand. 7 Cette définition a également été reproduite dans M. Marée (2002a). Pour une présentation détaillée et argumentée de cette définition, voir M. Marée et S. Mertens, (2002), chapitre 1. 8 Le financement de l'activité par des ressources non marchandes n'exclut cependant pas le recours à la vente. On parle dans ce cas d'organisations à ressources "mixtes". 9 Il conviendrait en principe d'ajouter également à cette liste certains statuts très spéciques repris au Registre national des personnes morales : les organisations scientifiques internationales (code 022 du Registre), les associations étrangères (code 023) et les unions professionnelles (020). -Version 13/1/2003 – p.2 par les définitions courantes de ce secteur. Par exemple, celles que l'on retrouve dans les textes juridiques sont généralement plus étroites et excluent la fonction administrative du secteur public assurée par les administrations, ainsi que les activités usuellement considérées comme soumises au marché telles que le transport, la finance, l'énergie,… L'introduction d'un troisième critère de délimitation du non-marchand, celui de la nature des activités, permet en principe de répondre à ces deux limites : parmi les opérateurs qui satisfont les critères de la finalité (non lucrative) et des ressources (mixtes ou non marchandes), seront ainsi exclus ceux qui forment l'administration publique ainsi que ceux qui sont actifs dans les branches essentiellement soumises au marché. L'exclusion de celles-ci non seulement rapproche la présente définition des définitions courantes du secteur, mais conduit également à rejeter les "fausses" ASBL et les entreprise publiques marchandes, qui se trouvent principalement localisées dans ces branches. Cependant, la combinaison des trois critères (finalité, ressources, activités) pour délimiter de manière opérationnelle le non-marchand n'est pas non plus satisfaisante, car elle tend à donner à ce dernier un contour cette fois trop restreint. En effet, les branches d'activités exclues sur base du critère des activités (industrie, commerce, transport,…) peuvent en fait abriter des organisations qui doivent, sur un plan théorique, être considérées comme non marchandes. Tel est le cas par exemple, d'associations comme les ONG (organisations non gouvernementales) ou les EFT (entreprises de formation par le travail), qui appartiennent à ces branches mais poursuivent une finalité non lucrative et se financent par des ressources qui ne sont pas exclusivement marchandes. En résumé, selon que l'on recourt à deux ou trois critères pour circonscrire en pratique les activités non marchandes, on aboutit à un champ soit trop large, soit trop restreint. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi, dans l'exploitation des données disponibles auprès de l'ONSS et de l'ONSS-APL, de retenir une double conception du non-marchand et de présenter deux estimations de l'emploi dans ce secteur : - Dans la conception large, assimilée à la borne supérieure du secteur, seuls les critères de la finalité (non lucrative) et des ressources (mixtes ou marchandes) sont pris en compte. Ces deux critères sont traduits dans les statistiques en se référant à la forme juridique des organisations; - Dans la conception restreinte, correspondant à la borne inférieure du secteur, on ajoute aux deux critères précédents celui de la nature des activités. Cette conception revient donc à croiser, dans les statistiques, deux modes de classement des organisations, celui du statut juridique et celui de la nature de l'activité10. Le tableau suivant résume l'approche que nous avons retenue pour délimiter en pratique le secteur non marchand : Tableau 1 : Définition pratique du secteur non marchand 10 La nature de l'activité est identifiée par le code d'activité NACE-BEL à 5 chiffres. -Version 13/1/2003 – p.3 Critères théoriques de définition des organisations non marchandes : - Statuts juridiques : ASBL, mutuelles, fondations, associations de fait, services publics, entreprises publiques Non marchand au sens large Non marchand au sens restreint Branches d'activités concernées (critère des activités) : Critère de la finalité : non lucrative Critère des ressources : non marchandes ou mixtes Toutes Sont exclues l'Administration publique et les activités réputées soumises au marché Notons que les fondations occupent une place relativement mineure en termes d'emploi dans le secteur non marchand. Pour cette raison, elles ne seront pas prises en compte dans la présente analyse. Il en va de même pour les associations de fait, sur lesquelles on ne dispose pratiquement d'aucune donnée statistique11. En d'autres mots, les organisations constitutives du secteur non marchand dans le présente analyse sont les ASBL, les mutuelles, les services publics et les entreprises publiques. Les deux derniers types d'organisations sont dans la suite du texte regroupés sous le vocable de secteur public. 2. L'emploi dans le secteur non marchand en Belgique Le tableau 2 ci-après donne, pour l'année 199812, les chiffres de l'emploi non marchand en Belgique et sa part dans l'emploi salarié total du pays : Tableau 2 : L'emploi salarié du secteur non marchand en Belgique (1998) Non marchand au sens large Salariés 1 314 866 ETP 1 058 765,0 Non marchand au sens restreint Salariés ETP 780 564 583 444,1 Emploi salarié du non marchand Emploi salarié en Belgique 3 190 396 2 714 869,3 3 190 396 2 714 869,3 Emploi salarié du non marchand en % 41,2% 39,0% 24,5% 21,5% Sources : Nos calculs, sur base de fichiers communiqués par l'ONSS et l'ONSS-APL13. Emploi salarié en Belgique : ONSS (1999), p. 19 et 39, et fichiers communiqués par l'ONSS-APL 11 Sont donc exclus de notre analyse les organisations syndicales et les partis politiques, érigés en associations de fait. 12 Rappelons que, dans le Projet interuniversitaire de recherche sur le secteur non marchand, l'année 1998 a été retenue comme année de référence pour l'analyse quantitative du secteur . 13 Sauf pour les mutuelles. Dans tous les tableaux présentés, les données relatives à ces dernières proviennent d'une estimation effectuée sur base du nombre de travailleurs occupés en 1996 et 1997 (Voir S. Adam, 1999). -Version 13/1/2003 – p.4 Le tableau montre qu'environ 1 300 000 personnes occupent en Belgique un emploi salarié dans le secteur non marchand pris au sens large, soit plus d'un million d'emplois équivalents temps plein. En termes relatifs, les deux cinquièmes de l'emploi salarié total en Belgique participent à la production de services non marchands. Dans l'optique restreinte du secteur, c'est-à-dire en excluant l'emploi dans l'Administration publique et dans les branches essentiellement soumises au marché, la part du non-marchand représente encore près d'un quart des salariés et plus d'un cinquième des emplois équivalents temps plein. Comment l'emploi non marchand en Belgique est-il réparti entre les différentes branches d'activités? Le tableau suivant permet de répondre à cette question14 : Tableau 3 : Répartition des emplois du secteur non marchand entre les branches d'activités (Belgique, 1998) Branches d'activités Non marchand au sens large Salariés 1. Culture, sports et loisirs 2. Education et recherche 3. Santé 4. Action sociale 5. Défense des droits et intérêts 6. Administration publique 7. Autres organisations non marchandes 8. Activités non définies ailleurs 9. PRIME, TCT, DAC Total 48 329 355 001 152 467 172 316 4 668 356 788 190 541 14 677 20 082 1 314 866 Sal. en % ETP 3,7% 26 809,0 27,0% 280 825,4 11,6% 114 801,0 13,1% 122 374,0 0,4% 3 792,1 27,1% 314 597,9 14,5% 171 900,0 1,1% 10 114,8 1,5% 13 550,8 100,0% 1 058 765,0 ETP en % 2,5% 26,5% 10,8% 11,6% 0,4% 29,7% 16,2% 1,0% 1,3% 100,0% Non-marchand au sens restreint 1. Culture, sports et loisirs 2. Education et recherche 3. Santé 4. Action sociale 5. Défense des droits et intérêts 48 329 355 001 152 467 172 316 4 668 14 6,2% 45,6% 19,6% 21,9% 0,6% 26 809,0 280 825,4 114 801,0 122 374,0 3792,1 4,6% 48,2% 19,7% 20,8% 0,7% Rappelons que nous recourons ici à une nomenclature d'activités spécifiquement conçue pour les organisations du secteur non marchand (voir M. Marée et S. Mertens, 2002, chapitre 1). Les quatre premières branches correspondent aux activités traditionnellement considérées comme non marchandes. La branche 5 (Défense des droits et intérêts) vise essentiellement les activités des associations patronales et professionnelles . La branche 6 (Administration publique) concerne la fonction administrative remplie par les administrations de l'Etat (administration générale à tous niveaux de pouvoirs, services collectifs généraux, sécurité sociale), mais également les ASBL qui en dépendent. La branche 7 (Autres organisations non marchandes) rassemble principalement des activités qui, bien que généralement soumises au marché, peuvent néanmoins être assumées par des organisations définies par nous comme étant non marchandes. Il s'agit des activités suivantes : agriculture, chasse, sylviculture et pêche; industries extractives et manufacturières; électricité/gaz/eau, construction; commerce de gros et de détail, réparations; hôtels et restaurants; transports, communications, activités financières, immobilier, location, activités informatiques; autres services aux entreprises. Outre les activités qui viennent d'être énumérées, on retrouve également dans la branche 7 les services collectifs, personnels et domestiques, ainsi que les associations religieuses. La branche 8 rassemble des activités mal définies qui n'ont pu faire l'objet d'un classement dans les autres branches. Enfin, une neuvième branche a été ajoutée pour répertorier les travailleurs des programmes de résorption du chômage PRIME, TCT et DAC qui, dans les statistiques de l'ONSS, ne sont pas comptabilisés auprès de leur employeur respectif mais sont regroupés sous un code d'activité spécifique. -Version 13/1/2003 – p.5 7. Autres organisations non marchandes 13 027 1,7% 11 177,0 8. Activités non définies ailleurs 14 677 1,9% 10 114,8 9. PRIME, TCT, DAC 20 082 2,6% 13 550,8 780 564 100,0% 583 444,1 Total Source : Nos calculs, sur base de fichiers communiqués par l'ONSS et l'ONSS-APL 1,9% 1,7% 2,3% 100,0% Conformément à la définition que nous avons adoptée, c'est au regard des branches Administration publique et Autres organisations non marchandes que s'opère la distinction entre la conception large et la conception restreinte du secteur non marchand. Dans un cas comme dans l'autre, les opérateurs retenus comme non marchands sont les ASBL, les mutuelles, les services publics et les entreprises publiques. Cependant, dans la conception large, toutes les branches d'activité sont prises en compte, alors que dans la conception restreinte, sont exclues les organisations présentes dans la branche 6 (Administration publique) et, dans la branche 7, celles qui correspondent à des activités essentiellement soumises au marché. Cela étant, l'examen de la partie supérieure du tableau fait ressortir le poids relativement important de l'Administration publique (branche 6), ainsi que de l'Education. La branche Autres organisations non marchandes, qui concentre principalement les entreprises publiques, occupe également une place non négligeable. Par contre, la branche Culture, sports et loisirs représente une part relativement limitée de l'emploi non marchand. En faisant abstraction des administrations publiques et, au sein de la branche 7, des activités plutôt soumises au marché, la partie inférieure du tableau met en évidence les trois principales branches (en termes d'emplois) du non-marchand au sens restreint, à savoir l'Education, l'Action sociale et la Santé. 3. Répartition de l'emploi non marchand entre les ASBL et le secteur public Le tableau 4 ci-après décrit la ventilation de l'emploi non marchand entre les ASBL, les mutuelles et le secteur public : Tableau 4 : Répartition des emplois équivalents temps plein du secteur non marchand entre ASBL, mutuelles et secteur public (Belgique, 1998) Non marchand au sens large ASBL (1) Mutuelles (2) Secteur public ETP 349 294,3 11 584,0 697 886,7 1 058 765,0 ETP en % 33,0% 1,1% 65,9% 100,,0% Total Non marchand au sens restreint ASBL (1) 335 193,9 57,5% Mutuelles (2) 1 158,4 0,2% Secteur public 247 091,8 42,4% 583 444,1 100,0% Total (1) Y compris le personnel subventionné de l'enseignement libre et les emplois PRIME/TCT/DAC -Version 13/1/2003 – p.6 (2) La fonction administrative des mutuelles (gestion de l'assurance obligatoire) mobilise environ 90% de leur personnel. Le reste (environ 10% des emplois) est affecté à la fourniture de services sociaux ou de santé (assurance libre et complémentaire, services à domicile,…), qui seuls font partie du non-marchand au sens restreint. Source : Nos calculs, sur base de fichiers communiqués par l'ONSS et l'ONSS-APL Etant donné la part relativement modeste des mutuelles (1,1%), les emplois privés du secteur non marchand sont essentiellement concentrés dans les ASBL, qui totalisent ainsi un tiers du total des emplois (33,0%), le reste relevant du secteur public. Le poids du monde associatif devient cependant prépondérant (57,6%) si l'on envisage la définition restreinte du secteur, qui exclut les administrations et les entreprises publiques. Il convient d'affiner cette vue globale et d'analyser la manière dont les emplois non marchands se répartissent, pour chaque branche d'activités, entre les ASBL et le secteur public. En fait, on distinguera à ce stade trois catégories d'opérateurs en répartissant les organisations du secteur public en deux volets : d'une part, celles qui dépendent du pouvoir central (Fédéral, Communautés et Régions), et d'autre part, celles qui relèvent des pouvoirs locaux (communes, CPAS, intercommunales et provinces). Quels sont dès lors, pour chaque branche d'activités du non-marchand, les opérateurs privilégiés pour assurer la production des services? Le tableau 5 permet de répondre à cette question. Une lecture horizontale du tableau révèle, activité par activité, le poids relatif de chaque catégorie d'opérateurs dans le volume de l'emploi (mesuré en équivalents temps plein) affecté à cette activité : Tableau 5 : Répartition des emplois équivalents temps plein dans le secteur non marchand au sens large, par type d'opérateurs et pour les différentes branches d'activités, mutuelles exclues (Belgique, 1998) Branches d'activités ASBL Pouvoir Pouvoirs Total central locaux ETP 1. Culture, sports et loisirs 39,1% 37,1% 23,7% 100,0% 26 809,0 2. Education et recherche 53,2% 45,0% 1,9% 100,0% 280 825,4 3. Santé 56,6% 15,8% 27,7% 100,0% 114 801,0 4. Action sociale 69,6% 0,6% 29,8% 100,0% 121 215,6 5. Défense des droits et intérêts 98,7% 0,3% 1,0% 100,0% 3 792,1 6. Administration publique 0,7% 59,6% 39,7% 100,0% 304 172,3 7. Autres organisations non marchandes 8,2% 84,0% 7,8% 100,0% 171 900,0 8. Activités non définies ailleurs 65,2% 28,7% 6,2% 100,0% 10 114,8 9. PRIME, TCT, DAC 100,0% 0,0% 0,0% 100,0% 13 550,8 33,4% 46,2% 20,5% 100,0% 1 047 181,1 Total Source : Nos calculs, sur base de fichiers communiqués par l'ONSS et l'ONSS-APL Pour l'ensemble des activités non marchandes (mutuelles exclues), les emplois se répartissent entre les ASBL, le pouvoir central et les administrations locales, à raison de respectivement 33,4%, 46,2% et 20,5%. Mais derrière ces chiffres se profilent d'importantes disparités. Relevons d'abord que les ASBL rassemblent la majorité des emplois dans trois des quatre branches d'activités traditionnellement non marchandes, à savoir l'Action sociale (69,6% des emplois), la Santé (56,6%) et l'Education (53,2%). Elles constituent également le principal pourvoyeur d'emplois dans la branche de la Culture (39,1%) et ce, en dépit de l'importance numérique du personnel occupé dans les institutions publiques de radio-télévision. -Version 13/1/2003 – p.7 Le tableau permet ensuite de mettre en évidence le rôle non négligeable joué par les pouvoirs locaux dans la fourniture de services non marchands, que ce soit en matière d'Action sociale (29,8% des emplois), de Santé (27,7%) ou encore de Culture (23,7%)15. Compte tenu de la place occupée par ailleurs par les ASBL, il est permis d'affirmer que, dans une certaine mesure, les emplois liés à la production des services non marchands "classiques" sont largement décentralisés, et que ces emplois se répartissent à raison de deux tiers dans le monde associatif, et d'un tiers dans les administrations locales. Quant au pouvoir central, il est, sans surprise, prépondérant dans deux types d'activité : l'Administration publique et les Autres organisations non marchandes. Pour cette seconde branche, le poids du pouvoir central s'explique essentiellement par la présence des entreprises publiques, en particulier dans les domaines des transports et des communications. Conclusion Rappelons les principaux chiffres qui se dégagent de ce bref aperçu de la place tenue par le secteur associatif au sein du non-marchand. En définissant en pratique ce dernier comme étant constitué des ASBL, des mutuelles, des services et entreprises publics, nous en avons proposé une double approche, large et restreinte, fondée sur la nature des activités réalisées. Selon la conception retenue, le secteur non marchand représente, en termes d'équivalents temps plein, 39% ou 21,5% du total de l'emploi salarié en Belgique. Dans la conception large, les ASBL fournissent un tiers (33,0%) de ces emplois, tandis que dans l'approche restreinte, qui exclut l'administration publique et les entreprises publiques, ce pourcentage monte à 57,5%. En d'autres termes, les ASBL rassemblent la majorité des emplois non marchands au sens restreint. Ce constat se vérifie plus particulièrement dans trois branches, à savoir l'action sociale (69,9% des emplois), la santé (56,6%) et l'éducation (53,2%). Références bibliographiques Adam, S. [1999], Panorama statistique des mutuelles en Belgique, Document de travail, Centre d'Economie Sociale, Université de Liège. Deville, C., Marée, M., Mertens, S., Mignot, D., Pirard, C. [2001], Le secteur non marchand en Belgique : Analyse conceptuelle et statistique, Rapport de recherche réalisé dans le cadre du Projet interuniversitaire sur le secteur non marchand en Belgique (deux vol.), Centre d'Economie Sociale, Université de Liège, mai 2001. Fondation Roi Baudouin [2001], Le secteur non marchand en Belgique. Aperçu socioéconomique, Rapport de synthèse, Bruxelles, octobre 2001. Marée, M., [2002], "De quoi parle- t-on? Le poids économique des ASBL en Belgique", in Non marchand, n° 9, pp.13-25, Bruxelles. 15 Soulignons également que le chiffre des pouvoirs locaux relatif à l'Education (1,9%) est ici nettement sousestimé. En effet, le personnel enseignant employé dans les établissements scolaires dépendant des provinces et des communes (enseignement officiel subventionné), mais financé par les Communautés, est inclus dans les statistiques relatives au pouvoir central. -Version 13/1/2003 – p.8 Marée, M., [2002a], "L'emploi salarié dans le secteur non marchand", in Wallonie, n° 73, pp.51-62, décembre 2002, Liège. Marée, M., Mertens, S. [2002], Contours et statistiques du non-marchand en Belgique, Editions de l'Université de Liège, Liège. Mertens, S., Marée, M. [1999], "L'importance de l’emploi dans le secteur non marchand", in Non marchand, n° 4, pp.11-27, Bruxelles. Office National de la Sécurité Sociale [1999], Estimation rapide de l'emploi salarié pour le deuxième trimestre 1998, Bruxelles. Office National de la Sécurité Sociale [2001], Employeurs et travailleurs assujettis à la sécurité sociale au 30 juin 1998, édition corrigée, Bruxelles. -Version 13/1/2003 – p.9