L`étiquette, cet unique moyen de communication
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L`étiquette, cet unique moyen de communication
VITICULTURE Conférence Université de Haute-Alsace L’étiquette, cet unique moyen de communication Avec l’interdiction de la publicité sur le vin, le packaging devient finalement le seul moyen de communication du vin. L’étiquette sur la bouteille occupe donc une place centrale pour comprendre le vin. n La première des cinq conférences, proposées notamment par la faculté de marketing et d’agrosciences de l’Université de Haute-Alsace, avait pour thème « Les enjeux du packaging et de l’étiquetage pour le marketing des vins de qualité ». Le conférencier François Bobrie est expert européen en marketing des indications géographiques. Contrairement aux autres produits de l’agroalimentaire, dans le packaging du vin, l’étiquette devient pratiquement le seul moyen de communication, et ce d’autant que la publicité est interdite pour le vin. « C’est par l’étiquette que se fait la communication et la compréhension du vin. On aurait donc tort de sousestimer son importance ». Surtout en linéaire de supermarché, où le consommateur ne dispose que de quelques secondes pour sa lecture. Mais il faut cependant considérer que celui-ci se rend régulièrement devant le linéaire et que par ailleurs, les étiquettes sont appelées à être reprises par le magasin pour ses supports de communication sur papier, lors des foires aux vins par exemple ou par internet pour le drive. L’étiquette va donc être dupliquée dans les médias, sur internet, par les mobiles, sur facebook, etc. « Les médias internet ne vont qu’accroître l’importance du packaging, dont l’étiquette est le pivot de la politique de commercialisation ». En résumé, l’étiquette n’est certainement pas un aspect de la gestion d’un domaine viticole à négliger. Contrairement à une idée reçue dans le monde vigneron, une étiquette, même avec des tailles de typographie et un contenu très réglementés, offre de grandes opportunités de communication : l’ensemble (formes, couleurs, illustrations, style typographique) va organiser un véritable récit sur le contenu de la bouteille. Sur écran, smartphone, papier ou internet, elle véhicule donc une foule d’informations. Sans compter qu’il est possible d’y ajouter une contre-étiquette, un macaron, une collerette. Et 80 % des étiquettes de vins primés privilégient l’origine. « L’idée selon laquelle les vins du nouveau monde misent sur l’identité du cépage est donc fausse ». Pour quel lecteur ? Laurent Grimal, à gauche, président de la faculté de marketing et agro-sciences de Colmar, et François Bobrie, le conférencier, expert en packaging. DL à la grande différence d’un spot publicitaire, le récit de l’étiquette présente la particularité d’être organisé par son lecteur : « Tandis que la publicité agit sur l’esprit de façon assaillante, l’étiquette met en situation de consommation ». Sur une bouteille, l’œil se porte à n’importe quel endroit et c’est le cerveau qui reconstitue le message. À la lecture de ce message, le cerveau se pose des questions : qui raconte le récit ? De quoi parle-t-on ? Est-ce à ma portée socio-culturelle ? Qui a fait ce vin et pourquoi ? L’étiquette répond à ces questions en mettant en scène l’énonciateur, en l’occurrence l’auteur du vin. « Vin qui est le personnage principal du récit, souligne François Bobrie. Il va falloir lui donner une personnalité, le faire vivre comme un personnage ». Cette personnalité du vin peut être liée principalement soit à la vigne, soit à son élaboration, « mais le récit doit établir un équilibre entre viticulture et élaboration ». « La difficulté pour le markéteur, le concepteur de l’étiquette, est de ne pas nier l’un ou l’autre ». Il doit également tenir compte de l’environnement socio-culturel de celui qui reçoit ce message. Quel dialogue fautil établir ? Dans quel style ? Est-ce un connaisseur en vin ? La question de l’énonciateur Certains énonciateurs font le choix de statut fort, c’est-à-dire une mise en avant de l’auteur du vin. D’autres, le choix de statuts faibles, où l’auteur s’efface devant d’autres données telles la cuvée, la région, la parcelle, le cépage… Dans ce cas, « le propriétaire du domaine se met en retrait et met en avant sa création ». « Il y a des options, elles sont libres, et c’est bien le viticulteur qui décide ce qui doit être mis en avant. En général, le marketing ne fait que confirmer le choix du vigneron ». En Alsace, il y a des cas fréquents où l’on a un énonciateur à deux visages, avec la mise en avant du domaine et de l’entreprise, c’est-à-dire de la viticulture et du savoir-faire, observe François Bobrie. Le vin, ce héros de l’étiquette Entrons à présent dans le corps du récit. Quel que soit l’énonciateur, à statut fort ou faible, le vin est en réalité le vrai héros de l’étiquette. Le récit privilégie une raison majeure de la qualité du vin. Tous les vins parlent d’une localisation mais ce n’est pas suffisant. Le cépage, unique ou en assemblage, renseigne également sur l’élaboration du vin. Mais pour compléter la description de la personna- lité, on peut également renseigner sur la méthode de vinification, la garde : « Sur lie, en fût, méthode traditionnelle… » Cependant, une d’étiquette ne doit pas se limiter à raconter une seule caractéristique, par exemple l’origine du terroir. Il y a toujours de multiples caractéristiques racontées, avec certaines plus ou moins mises en valeur. « Le grade du parcellaire est cependant ressenti comme source de qualité ». En étudiant les étiquettes du top 100 du magazine Wine Spectator entre 2009 et 2013, François Bobrie observe que Selon François Bobrie, une étiquette se conçoit toujours en fonction d’un lecteur pré-supposé. Il faut donc segmenter, connaître la mentalité culturelle du futur consommateur pour concevoir l’étiquette, le message, en fonction de celui-ci. Il y a deux manières de dialoguer : soit convaincre par l’accumulation des preuves, soit séduire par les évocations du vin. S’adresser en quelque sorte à la raison ou aux sentiments. Certains vont donc apposer des signes de qualité qui pour le vin, sont cumulatifs (accumulation de preuves). Tandis que le message de séduction mettra par exemple en avant de la joie de vivre, l’euphorie, le partage, la fête… pour donner envie de boire. Ce qui cependant, ne suppose pas de gommer ce qui est sérieux, précise François Bobrie. Le conférencier a argumenté son exposé avec une multitudes d’exemples, d’innombrables étiquettes. Son auditoire composé d’une centaine d’étudiants principalement, et de vignerons, l’a questionné sur les contre-étiquettes. « Le problème, c’est d’être complémentaire, elle ne se conçoivent donc qu’en respectant l’équilibre avec l’énoncé sur l’étiquette. L’idée du contenu est de surenchérir sans être ennuyeux sur la compréhension du vin ». Une question plus générale avait trait à la ringardise supposée d’étiquettes françaises : Pour François Bobrie, les Français sont très en pointe. Par contre, les étrangers refont leurs étiquettes tous les deux-trois ans. DL Trois autres conférences à venir La faculté de marketing et d’agrosciences, le laboratoire vigne, biotechnologie et environnement de Colmar, le service universitaire de l’action culturelle de l’université de Haute-Alsace et le Civa proposent un cycle de conférences : - le triomphe des vins de terroir au XXe siècle. Histoire de la construction et de la promotion des AOC en Bourgogne, par Olivier Jacquet, historien, ingénieur de recherches à la Chaire Unesco « culture et traditions du vin » de l’université de Bourgogne. - Histoire du vignoble d’Alsace par Claude Muller, professeur à l’université de Strasbourg, directeur de l’institut d’Histoire d’Alsace, Jeudi 8 janvier 2015 à 18 h 30. Ces deux conférences ont lieu à l’amphithéâtre - biopôle - bâtiment pôle agronomie 33 rue de Herrlisheim à Colmar. - Recherches scientifiques et construction politique des marchés : l’exemple de l’économie vitivinicole dans l’Union européenne par Antoine Roger, professeur de sciences politiques à Sciences Po Bordeaux, membre du centre Émile Durkheim (UMR 5116) et de l’institut universitaire de France. Jeudi 15 janvier à 18 h 30 à la Maison des vins d’Alsace - 12 avenue de la Foire aux Vins à Colmar. EN BREF... .vin : la secrétaire d’État au numérique pour une réforme de la gouvernance d’Internet La secrétaire d’État au numérique, Axelle Lemaire, estime nécessaire une réforme de la gouvernance d’Internet, a-t-elle déclaré à l’assemblée générale de la Confédération des AOC viticoles (Cnaoc), le 25 novembre. En effet, dans le système actuel, les noms de domaine d’Internet comme les « .vin » et « .wine » risquent d’être utilisés sans protection des appellations, ce qui donnerait des noms comme « www.champagne.wine ou www.cotesdurhone.vin », qui seraient vendus aux plus offrants. « Le vin est l’exemple type qui illustre la nécessité de modifier les règles de gouvernance d’Internet », pour des raisons économiques (60 % du commerce extérieur agroalimentaire), culturelles et de défense du consommateur (risque tromperie sur le produit). Le vin est en pointe dans ce combat, a-t-elle salué, mais de nombreux secteurs sont dans le même cas, avec le risque de voir arriver des « .cheese », « .musique », « .sport ». La secrétaire d’État a rappelé un précédent fâcheux : la ville marocaine de Tata a perdu le bénéfice de l’utilisation de son nom, au profit d’une grande entreprise qui a acheté le nom de domaine. Le « Nous avons à protéger notre façon de vivre et notre savoir-faire », a résumé Bernard Farges, président de la Cnaoc. LE PAYSAN DU HAUT-RHIN François Bobrie a donné les clefs de lecture et de conception des étiquettes. Ici les étiquettes conçues chez GRAI-imprimeur à Colmar. Grai - imprimeur Etiquettes VI - N° 48 - Vendredi 28 novembre 2014 - page 21