Statut de la loutre, Lutra lutra, sur l`île d`Oléron (Charente

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Statut de la loutre, Lutra lutra, sur l`île d`Oléron (Charente
Statut de la loutre, Lutra lutra,
sur l'île d'Oléron (Charente-Maritime)
René ROSOUX*, Rachel KUHN**, Catherine LEMARCHAND*** et Christian BAVOUX***
En France, la loutre est relativement rare et localisée en milieu insulaire. Quelques
publications et notes diverses témoignent de sa présence historique et récente sur certaines îles
de la façade atlantique (Coll., 1991 ; Coll., 1999 ; Saint Girons et al., 1991 ; Lafontaine, com.
pers.).
A partir de 1982, les enquêtes de répartition successives coordonnées par le Groupe Loutre de
la S.F.E.P.M. ont mis en évidence la présence de la loutre sur quelques îles du Ponant
(Bouchardy, 1984 et 1986 ; Rosoux et al., 1995 ; Coll., 1999). De ces enquêtes, il faut retenir
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Dans "Peuplement mammalien d'îles atlantiques françaises", Heim de Balzac (1940) ne cite
pas la loutre sur Oléron, deuxième plus grande île métropolitaine (175 km²) après la Corse.
L'occupation de cette île –constituée pour un plus du quart de marais le plus souvent salés ou
saumâtres –remonterait à plus d'une vingtaine d'années à en croire le témoignage d'un ancien
chasseur oléronais qui détient une loutre naturalisée tuée à Oléron. À notre connaissance, la
première preuve formelle est due à Bertrand qui découvre en 1981 des traces dans le Marais
du Douhet (Bavoux et al., 1982).
Jusque vers le milieu des années 90 des indices de présence sont observés, lors de
prospections diverses, dans plusieurs sites distincts répartis du sud au nord de l'île, notamment
dans le Marais d'Avail et dans le parc ornithologique du Marais aux Oiseaux que l'espèce
paraît alors particulièrement fréquenter (Bavoux et al., 1994 ; Bavoux, Lemarchand et
Rosoux, obs. pers.). Dans l'enceinte de ce parc ainsi qu'aux alentours immédiats, des
épreintes, traces et reliefs de repas sont régulièrement notés jusqu'au début des années 90 par
Bavoux et Formon (obs. pers.) ; en 1984, Formon (com. pers.) y observe jusqu'à trois
individus jouant ensemble dans l'eau, par une nuit de pleine lune. La même année un mâle est
retrouvé pris par une patte dans un piège à lapins1 tendu dans le Bois d'Anga : n'étant
heureusement pas blessé ce dernier a pu être relâché après avoir été photographié (Formon,
com. pers.).
Durant cette période, deux cas de mortalité imputables au trafic routier ont été recensés sur
l'île : l'un en 1981 et l'autre en 1993 (Bavoux et al., 1994 ; Rosoux et Tournebize, 1995). Par
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Le Marais aux Oiseaux, Les Grissotières, 17550 Dolus-d'Oléron
Piège à mâchoire ganté.
ailleurs un autre cadavre a été trouvé dans les années 80 par Beillard (com. pers.) mais la
cause de la mort n'a pu être déterminée.
En 1996, une loutre est observée à quelques mètres de distance, traversant une route au
crépuscule, non loin du village de la Boirie (Lemarchand, obs. pers.). Depuis, peu d'indices de
présence ont été relevés. Des marquages territoriaux ont été observés en 1999, d'une part à la
Pointe de Chassiron (de Bellefroid et Rosoux in Kuhn, 2001) et, d'autre part, à la Grande
Varagne et au sud des Cabanes ostréicoles de la Baudissière, sur la côte est d'Oléron (Jourde,
in litt.). En 2000, quelques rares épreintes sont également découvertes à la Maratte, près de
Foulerot (Jourde, in litt.), ainsi qu'au Marais de la Martière et au Grand Marais Papinaud
(Bavoux et Lemarchand, obs. pers.). En revanche, aucun indice de présence n'est relevé au
Marais du Douhet, au Marais aux Oiseaux et au Marais d'Avail, malgré une forte pression
d'observation sur le terrain.
En 2001, dans le cadre d'un mémoire de D.E.S. à l'Institut de Zoologie de l'Université de
Liège, une prospection méthodique de toutes les grandes zones humides de l'île (marais
littoraux, marais salés et saumâtres, étangs et canaux) a été réalisée selon un protocole précis
(Kuhn, 2001). Cette prospection qui s'est déroulée sur trois mois, a donné peu de résultats
positifs : aucune épreinte n'a été découverte malgré un effort de recherche soutenu. Seule une
empreinte de pas a été découverte sur le Marais d'Avail au mois de mars.
Si les indices trouvés ces dernières années attestent bien que l'espèce est toujours présente, la
population de loutres de l'île d'Oléron connaît apparemment un net déclin, l'effectif se
résumant probablement à l'heure actuelle à quelques individus dont la présence devient de
plus en plus difficile à déceler. En effet, les loutres ne marquent plus guère leur territoire
lorsque la concurrence intraspécifique devient trop faible (Libois et al., 1990) : la plupart des
épreintes peuvent alors être évacuées au hasard et, le plus souvent, dans le milieu aquatique
(Rosoux, obs. pers.).
Les causes de cette raréfaction progressive ne sont pas connues ; toutefois, certaines
hypothèses peuvent être émises :
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Compte tenu du trafic touristique en période estivale, la majeure partie de la
population a pu être victime de la circulation routière, sachant que les loutres
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La majorité des individus a pu être décimée par une maladie ou une activité
humaine particulière (piégeage des déprédateurs par exemple).
En conclusion, il serait opportun, dans les années à venir, de rechercher les indices de
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Remerciements
Qu'il nous soit permis d'avoir une pensée émue pour A. Formon qui nous a quittés à l'automne
1989. Il nous est agréable de remercier ici P. Jourde pour ses données inédites ainsi que les
nombreuses personnes qui ont participé à un moment ou à un autre aux prospections ou
communiqué des informations : J.-M. Beillard, G. Burneleau, M. Daunas, E. Faux, P.
Goursaud, L. Mimaud, B. Potel, N. Seguin, O. Vézian et A. Yannis.
Références bibliographiques :
Bavoux, C., G. Burneleau, P. Nicolau-Guillaumet, M.C. Saint-Girons. 1982. Les mammifères de
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Libois, R. M., A. Paquot, M. Lambert. 1990. Les pièges à indices olfactifs pour détecter la présence
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