Le romantisme tragique…

Transcription

Le romantisme tragique…
PREV EW>
Sambre
YSLAIRE
Ce nouvel album débute une dizaine d’années après la fin du précédent
(Faut-il que nous mourions ensemble…). Bernard Sambre est mort, la
Révolution aussi. Après avoir chassé le roi, la France a laissé un empereur
renverser la République. Julie a survécu, pour son malheur. Internée,
puis transférée de bagne en bagne, elle croupit désormais à Brest. Elle
a eu deux enfants de Bernard, mais un seul a survécu : Bernard-Marie,
qui a les traits de son père, et les yeux rouges de sa mère. L’enfant lui
a été enlevé à la naissance et confié aux bons soins de Sarah, sa tante,
à “la Bastide”. Il est “embastidé”…
Le romantisme
tragique…
PREVIEW>
SAMBRE de YSLAIRE
Plus romantique que jamais, le nouvel album d’Yslaire, Le
Dernier des Sambre, sort ce mois-ci, après cinq ans
d’absence. C’est un véritable événement.
Sambre :
Interview de Paul Herman, directeur de collection
Vécu : Selon Bernard Yslaire, les parents constituent un
obstacle à l’amour. Dans Sambre, la mère, le père à titre
posthume, et surtout la sœur, sont des obstacles
insurmontables aux amours de Bernard et Julie.
C’était d’ailleurs également le cas dans Bidouille et
Violette, où le père de Bidouille, par son obstination,
créait une situation d’amour impossible et tragique. Et
la mort est au bout, dans les deux cas. Les amours sontelles adolescentes et vouées à l’échec ?
Paul Herman : Bernard Yslaire est avant tout un auteur
romantique, mais il ne prend pas parti dans l’opposition
parents - adolescents. Il raconte les émois d'adolescents qui
se déroulent généralement en dehors du monde adulte ou
de la famille. L’univers des adultes est différent, voire séparé
de celui de l’enfance. Le premier délimite les interdits quand
le second est celui des découvertes et des audaces.
Il ne faut pas nécessairement comparer Bidouille et Violette
à Sambre mais plutôt considérer une œuvre qui évolue
dans le temps. Yslaire est devenu Yslaire ; il a lui-même
évolué en tant que personne, en tant qu'adulte. Pourraitil aujourd'hui raconter la même histoire que lorsqu'il
réalisait Bidouille et Violette ? Vraisemblablement non,
car Bidouille est une œuvre marquée par son temps,
se référant aux actualités de l'époque (les victoires
de Borg au tennis), à la mode (pattes d'éléphants),
voire à l'environnement (les “friteries” ont quasiment
disparu du paysage bruxellois). Les ados des années
1970 - 1980 n'ont plus rien à voir avec ceux du
troisième millénaire. Les relations parents - enfants
ont elles aussi évolué. Dans Sambre, les principaux
sujets sont l'amour impossible entre Bernard et
Julie, la quête de la liberté (principalement chez
INTERVIEW RÉALISÉE PAR ÉRIC ADAM
le romantisme tragique…
UN CRÉATEUR EN PERPÉTUELLE ÉVOLUTION
Julie), et la folie marquée par la malédiction de la famille
Sambre. Des thèmes propres au Romantisme du XIXe siècle.
Vécu : Comment Yslaire se documente-t-il pour réaliser
ses albums ? Et d’une manière plus générale, comment
travaille-t-il ? Écrit-il le scénario complet, avec les
dialogues, avant de se mettre aux dessins, ou n’a-t-il en
tête que les grandes lignes de l’histoire ?
Paul Herman : L'élaboration d'un album de Sambre est le
fruit de l'écriture de plusieurs versions successives de
l'histoire. Si Bernard Yslaire a une ligne conductrice, il en
modifie régulièrement la trame, ajoutant, permutant des
séquences qu'il juge nécessaires au fil de ses relectures.
Certains passages ont été réécrits jusqu’à sept fois !
Yslaire travaille énormément sur la “dramatisation” lors d'un
pré-découpage qui ne tient pas compte d'impératifs
éditoriaux : d'abord le récit, son contenu, puis le choix de
l'essentiel. Il pratique une sorte d'élagage pour arriver à la
version définitive. Le tome 5 comportait plus de 80 pages
dans la première version écrite. Plusieurs versions ont été
rédigées pour la fin de cet épisode. Qu'est-ce qui est le plus
fort comme chute ? Telle est l'interrogation de l'artiste. Le
dessin ne vient qu'après de nombreuses esquisses qui ne
suivent pas nécessairement la chronologie du récit mais
plutôt les envies du dessinateur. Parallèlement, Bernard
Yslaire se veut très exigeant dans sa recherche de
documentation. Dans ce nouveau tome, il a imaginé Julie
au bagne de Brest. Il s’est donc informé précisément sur
l'histoire des bagnes en France, sur l'origine de Cayenne et
le traitement quotidien des bagnards, tout ce qui peut ajouter
du réalisme au récit (notamment Bagnards à Brest, de
Philippe Henwood. Éditions Ouest France. Voir encadré).
Dans les tomes précédents, un soin particulier était apporté
à la restitution du Paris de l'époque : la représentation d’une
place, d’une fontaine devait rester fidèle à celle
de l'époque.
Il ne faut pas oublier que Sambre fait
constamment référence à l'Histoire, celle des
révolutions qui secouèrent la France du XIXe, et
qu'il faut donc tenir compte des changements.
Vécu : La révolution de 1848 a permis de
chasser Louis-Philippe et de donner à la France
son premier Président de la République, qui
deviendra rapidement un nouveau dictateur
sous le nom de Napoléon III, ce sera le
Second Empire. Peut-on faire un parallèle
avec la destinée des Sambre ? Un Sambre
a donné sa vie, son fils le remplace, mais
grandit sous le joug de sa tante. À partir
de 1858, date à laquelle débute ce
nouvel épisode, quelques timides
libertés commençaient à être
accordées au peuple. Guizot
(homonyme du Guizot, ultra
conservateur, ministre de LouisPhilippe), de son côté, propose
une semi-liberté à Julie…
Paul Herman : La question et la
comparaison me paraissent
exagérées. Retenons que dans
le premier cycle, Bernard
Sambre traverse la révolution
de 1848, mais qu’il en est
un acteur bien malgré lui,
même s'il sera considéré
comme un martyr par la
suite. Mais son martyr
PREVIEW>
est plutôt récupéré. Il recherche ses origines. Julie est en
fait la véritable héroïne. Si la saga des Sambre se déroule
sur un fond d’événements politiques, ce n'est pas une BD
de type historique classique, démontrant l'évolution des
révolutions successives. La quête de la liberté est par ailleurs
sous-jacente. Le second cycle de Sambre est bien plus axé
sur l'histoire de Julie séparée de son fils.
Vécu : Les Sambre sont roux, avec des yeux noirs. Julie,
et sa mère, ont les cheveux noirs, avec les yeux rouges.
Je ne résiste pas à l’envie de citer Pierre Desproges :
“… on reconnaît le rouquin aux cheveux du père, et le
requin aux dents de la mère”. Traditionnellement, la
rousseur, couleur de l’opprobre, est réservée aux
prostituées. Ici, les rôles sont, en apparence, inversés.
Ce sont les bourgeois qui sont roux, et qui vouent aux
gémonies ceux qui ont les yeux rouges. Alors que la
sensualité est d’habitude dans les cheveux, Hugo Sambre
la place dans les yeux. Est-ce le regard des autres qui
définit chacun de nous ?
Paul Herman : La place des yeux rouges dans Sambre est
capitale et remonte à l'obsession d’Hugo Sambre, auteur
d'un livre inachevé intitulé La Guerre des yeux. Après la
mort d’Hugo, père de Sarah et de Bernard, c'est Sarah qui
veut poursuivre l’œuvre de son père. Elle est évidemment
elle aussi, comme son père, frappée de démence. Elle ne
peut que ressentir de la haine pour Julie dont les yeux rouges
effraient Sarah qui se sent investie d'une mission de mémoire.
Dans le tome 2, le lecteur en apprend plus sur Julie, sur ses
origines, sur sa mère, Iris, prostituée qu'aurait fréquenté
Hugo Sambre. Et de là, on entrevoit l'inceste : Julie seraitelle la demi-sœur de Bernard et leurs amours autrement
coupables ? Le regard est ici un signe d'appartenance.
16>
SI LA SAGA DES
SAMBRE SE
DÉROULE SUR
UN FOND
D’ÉVÉNEMENTS
POLITIQUES,
CE N'EST PAS
UNE BD DE TYPE
HISTORIQUE
CLASSIQUE,
DÉMONTRANT
L'ÉVOLUTION DES
RÉVOLUTIONS
SUCCESSIVES.
Vécu : Concernant la couleur, justement, le noir et le
rouge ont évidemment une importance extrême dans le
récit. Il ne s’agit pas d’un parti pris juste esthétique. La
symbolique de ces couleurs joue son rôle dans le récit.
Bernard Yslaire a entièrement refait la couleur des quatre
premiers albums. Pourquoi ?
Paul Herman : Évidemment, le choix des couleurs est
primordial dans Sambre. Yslaire a décidé de réviser
entièrement la mise en couleurs des quatre tomes parus,
accentuant une quasi-bichromie où le rouge et le noir
dominent. Ce sont les couleurs du romantisme. Le rouge
est à la fois la couleur du sang, celui du drapeau de la
révolution et celui des yeux de Julie. Si le personnage
d’Olympe personnalise la révolution de Delacroix, qui a
peint La Liberté conduisant le peuple, il est vrai qu’Olympe
représente la “vieille” liberté, flétrie et usée. Julie est donc
la symbolique d'une nouvelle Liberté, d'une nouvelle
révolution, celle de 1848. Yslaire fait évidemment référence
au roman de Stendhal, Le Rouge et le noir, très représentatif
du romantisme. Le rouge est aussi la marque de l'hémophilie
héréditaire dont est frappé le petit Bernard. Une manière
de marquer sa fragilité et sa destinée.
Vécu : Comment Bernard Yslaire a-t-il travaillé pour cet
album ? Privilégie-t-il l’informatique, ou préfère-t-il
toujours les couleurs directes ?
Paul Herman : Pour le tome 5, Bernard Yslaire a une fois de
plus évolué dans son travail. C'est un artiste en constante
réflexion, ouvert à l'évolution technologique. Pour les albums
du XXe siècle, Bernard Yslaire a abondamment utilisé
l'informatique, détournant parfois des photographies d'actualité
avec Photoshop. Mais le dessin manuel reste la base.
Pour Sambre, il a réalisé beaucoup d'aquarelles, de croquis
rehaussés de couleurs. Puis il numérise les dessins et les
met en page sur écran. Il choisit le meilleur plan, zoomant
éventuellement sur certaines parties du dessin. L'informatique
reste un outil. S'il n'y a plus de planches originales classiques,
il y a par contre une flopée de dessins souvent très aboutis
que l'on pourrait comparer à des “rushes” au cinéma, ceuxci allant être montés pour terminer les fichiers de la BD.
Vécu : L’utilisation de l’ordinateur donne-t-elle plus de
souplesse, ou au contraire, est-ce plus contraignant ?
Paul Herman : L'ordinateur ne change rien à l'âme du dessin
qui reste la base principale. Bernard prend autant de plaisir
à manier l'ordinateur qu’à dessiner à la main. C'est un esprit
curieux qui sait faire la part des choses. Tout dessinateur
regrette le plus souvent la perte de son crayonné, puisqu’il
encre traditionnellement sur le crayon, perdant souvent le
côté le plus vivant du dessin. C'est une véritable obsession
chez beaucoup de dessinateurs. L'utilisation de la couleur
directe à la place du bleu de coloriage qui restitue fidèlement
l'encrage, est pour sa part tributaire des moyens de
photogravure et d'impression. Si dans ce domaine les progrès
sont également énormes, ils ne règlent pas nécessairement
le problème du trait initial. En utilisant l'ordinateur, un
dessinateur peut sauvegarder les étapes de son travail et,
éventuellement revenir en arrière sans tout recommencer.
En ce qui concerne la couleur, la souplesse est encore plus
grande puisque l'on peut comparer des choix très différents
beaucoup plus rapidement qu'en manuel. Par contre,
l'informatique ne signifie pas aller plus vite, il faut s’adapter
à un rythme différent. L'utilisation de l'ordinateur a ses
avantages mais aussi ses inconvénients. La préparation des
fichiers pour la photogravure est par exemple une charge
supplémentaire et purement technique.
Pour Yslaire, la nervosité du trait, le velouté des couleurs
et l’efficacité du cadrage sont les objectifs majeurs.
Vécu : Quels sont les rapports d’Yslaire avec la
psychanalyse ? Sambre ressemble à un catalogue de
névroses. L’histoire débute par le meurtre de la mère.
Puis Bernard, après avoir fait l’amour (avec celle qu’il
ne sait pas encore être sa sœur) sur la tombe de son
père, se retrouve dans le lit d’une mère symbolique
(Olympe, figure officielle de la République), poussé là
par un cousin qui joue le rôle de frère aîné… C’est une
histoire de famille.
Paul Herman : La psychanalyse intéresse l'auteur de
Sambre depuis longtemps. Il a beaucoup lu Lacan, et sa
compagne est elle-même psychanalyste. Les rapports
névrotiques entre les protagonistes de la saga sont
essentiels pour activer le récit. C'est évidemment une
histoire de famille qui remonte bien plus loin qu’Hugo
Sambre. C'est cette histoire de malédiction ancestrale
que le père de Bernard voulait raconter dans La Guerre
des yeux.
Vécu : C’est une histoire d’amour, mais aussi une histoire
de la folie, de toutes les folies. Qui est raisonnable dans
ce récit ? Tout le monde est-il fou ?
Paul Herman : Chacun trouvera dans le récit des personnages
atteints de folie ou de raison, selon sa propre vue. Le plus
raisonnable pourrait être Guizot dans la mesure où ses
décisions froidement prises servent ses intérêts. Il n'est pas
fou mais n'attire évidemment pas la sympathie. Au début
de Sambre, Bernard apparaît comme le héros fragile
subissant les drames familiaux. Mais Yslaire le fait évoluer
d'album en album, le faisant subir de plus en plus les
événements. À la fin du premier cycle, il apparaît falot alors
que Julie se révèle femme de caractère y compris face à
l'adversité.
17>
PREVIEW>
Vécu : La Guerre des yeux, seraitce une fiction romanesque, un
récit historique, ou le délire d’un
schizophrène ?
Paul Herman : La Guerre des
yeux est tout cela à la fois. Mais
le récit sombre définitivement dans
la folie, le jour où Sarah décide
d'écrire la suite.
Vécu : Bernard Yslaire est belge.
Pourquoi cette passion pour
l’histoire de France ? Et pourquoi ce
nom de Sambre, nom d’une rivière
que partagent la France et la
Belgique ? En 1830, c’est la
révolution en France, et la
Belgique en profite pour
devenir, après des siècles
d’esclavage, une monarchie
indépendante.
Paul Herman : Bernard
Yslaire a été marqué par
ses lectures d'enfance. Son
père, grand journaliste
d'un quotidien belge, lui
permettait l'accès à une
excellente bibliothèque où
il put, adolescent, dévorer
les classiques du XIXe : Les
Trois mousquetaires, Les
Mystères de Paris, Quentin
Durward, etc. Il a beaucoup
apprécié les graveurs de
IL NE FAUT PAS
CONFONDRE LES
RÉVOLUTIONS.
LE BUT DE
SAMBRE N’EST
PAS DE
DÉLIVRER
UN MESSAGE
POLITIQUE.
S’IL Y EN AVAIT
UN, CE SERAIT
QUE LA LIBERTÉ
EST UNE
UTOPIE.
l'époque, dont Gustave Doré. Le germe du romantisme vient
de là. Le romantisme est lui-même une adaptation lyrique
de l'Histoire, dont celle de France. Par contre, contrairement
à ce que vous dites, la révolution belge ne profite pas
directement de la révolution de 1830, puisqu'elle est avant
tout une réaction contre l'occupation hollandaise et une
décision, qu’on pourrait qualifier d’internationale, pour créer
un état tampon entre la France, l'Allemagne, les Pays-Bas
hollandais protestants et l'Angleterre. Le XIXe est le siècle
des révolutions nationales (exemple de la Grèce). Le tout
démarre plutôt avec la Révolution française et la fin du droit
divin.
Vécu : Y a-t-il un message politique dans la mise en scène
de cette révolution, qui, après Paris et la France,
essaimera sans succès dans toute l’Europe ?
Paul Herman : Il ne faut pas confondre les révolutions. Le
but de Sambre n’est pas de délivrer un message politique.
S’il y en avait un, ce serait que la liberté est une utopie. Mais
Sambre est avant tout un drame passionnel où chaque
protagoniste est ballotté par des événements qui lui
échappent la plupart du temps. Julie n'a évidemment pas
choisi d'être la fille d'une prostituée ni de se retrouver accusée
de meurtre pour finir au bagne et être séparée de son enfant.
Elle est jusqu'à présent le personnage principal. L'évolution
de la série dépendra directement de celle du petit BernardMarie.
Vécu : La révolution de 1848 est présentée de façon
assez décousue. À la fin de Faut-il que nous mourions
ensemble…, on ne sait pas vraiment qui va l’emporter.
On sait que Bernard Sambre est mort pour cette cause,
mais quelle cause ? Celle des intellectuels qui manipulent
le peuple, pour l’amener à se soulever ?
Paul Herman : À nouveau, l'auteur ne raconte pas une
révolution ; elle est seulement le fond historique propice à
la vie des personnages. À la limite, peu importe qui remporte
la révolution, le lecteur informé qui connaît l'histoire de ce
siècle le sait. D'ailleurs, les personnages historiques
n'apparaissent pas dans le récit. Peut-on dire que Bernard
meurt pour cette cause ? S’il meurt un peu par hasard, il
n'est certainement pas un militant convaincu. Il est de
nouveau victime d'événements qui le dépassent. Il ne faut
pas confondre l'histoire de la révolution et celle de Sambre.
Vécu : À propos, le titre Faut-il que nous mourions
ensemble…, n’inclut pas de point d’interrogation à la
fin. La forme interrogative de la phrase contient sa
propre réponse ?
Paul Herman : Les trois petits points ont plus de poids
qu'un point d'interrogation. C'est une affirmation marquée
de doute. Donc la réponse n'est pas aussi simple que cela
et n'est pas donnée dans la phrase. Ce serait trop facile…
Vécu : Paris, c’est la ville des barricades. 1830, 1848,
1870, 1945, 1968. Cycliquement, la ville se soulève
contre un pouvoir qui l’opprime. La province ne suit
en général le mouvement qu’avec un peu de retard,
voire de réticence. Bernard Sambre, c’est la province,
c’est une France bourgeoise, ouverte aux idées neuves,
mais dépassée par la vitesse des changements. C’est
aussi un adolescent à la découverte de son corps et
de sa sexualité. Est-ce là la vraie et perpétuelle
révolution ? Celle des corps, intime, incompréhensible,
bouleversante ? Et Paris serait LA femme, celle qu’il
faut posséder pour être un homme ? Rastignac lui
parle comme à une femme “… à nous deux, Paris…”.
Paul Herman : Bernard est bien évidemment marqué par
un côté provincial, mais on ne sait pas grand-chose de ses
convictions. S'il va à Paris, c'est pour retrouver Julie et revenir
sur les traces de son père. Je suis mal votre développement.
À force de vouloir trouver des explications à tout prix on
est tenté de pousser des comparaisons ultimes. Pour rappel,
Paris n'est qu'une étape pour Julie et non une fin en soi.
Vécu : Yslaire sait-il combien d’épisodes comportera la
série ? Ou est-ce ouvert ?
Paul Herman : La suite est ouverte. Il y aura encore plusieurs
tomes. Initialement, Yslaire envisageait de faire mourir
Bernard Sambre sur les barricades de 1870. Il a depuis
changé d'avis et l'a fait mourir en 1848. Sambre est une
œuvre en évolution. Il aimerait également, un jour, raconter
en BD les épisodes de La Guerre des yeux.
Vécu : Envisage-t-il de reprendre un jour Bidouille et
Violette ? Et surtout, Bidouille est-il mort ?
Paul Herman : Bernard a eu dans le passé envie de donner
une suite à Bidouille. Il a même été question d'un repreneur.
Mais il juge aujourd'hui que Bidouille est le reflet de luimême à une certaine époque. Quant à la question “Bidouille
est-il mort ?”, rien n'est précisé et donc la réponse est laissée
au lecteur. C'est cela aussi le côté romantique. Pour donner
une suite à Bidouille, il faudrait soit revenir dans l'esprit de
l'époque ce qui est difficile, soit imaginer Bidouille vingt ans
après. Encore faut-il que les multiples projets et réalisations
de Bernard Yslaire lui en laissent le temps…
19>