Immobilier résidentiel Évolutions récentes et perspectives 2015-2016

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Immobilier résidentiel Évolutions récentes et perspectives 2015-2016
Trimestriel – n°15/315 – Octobre 2015
FRANCE – Immobilier résidentiel
Évolutions récentes et perspectives 2015-2016
Rebond ou vraie reprise ?
Le marché se redresse depuis le début de l’année. Le
mouvement est net dans le logement neuf, avec au premier
semestre des volumes de ventes en progression de 19% sur un
an dans le segment promoteurs et de 16% dans les maisons
individuelles hors promoteurs. L’ancien montre également des
signes d’amélioration, avec sur les huit premiers mois de 2015
une hausse des ventes de 10% sur un an. Les prix restent en
baisse mesurée, de l’ordre de 2% sur un an. Deux facteurs
expliquent ce rebond du marché :
 le plan de relance dans le neuf, et notamment le dispositif
Pinel pour l’investissement locatif (formules à six, neuf et
douze ans, possibilité de louer aux ascendants et
descendants) et l’élargissement de l’accès au PTZ,
prolongé jusqu’en 2017, recentré sur les zones
moyennement ou peu tendues ;
 le niveau des taux de crédit ; ils sont très bas et jugés
proches de leur plancher, ce qui débloque ou accélère
certains projets et stimule les ventes.
Il semble toutefois prématuré de parler d’une reprise
durable du marché. Au-delà de ces deux moteurs, l’immobilier
résidentiel reste affecté par des facteurs conjoncturels négatifs
(croissance faible, chômage élevé, impact des mesures fiscales
de 2012-2013, prix élevés et encore surévalués), même s’il
bénéficie de fondamentaux favorables (démographie, effet
retraite, valeur refuge, modèle de crédit prudent, bas niveau
des créances douteuses).
De plus, les taux de crédit devraient remonter peu à peu au
cours des prochains trimestres, ce qui pourrait entraîner un certain
attentisme et un tassement des ventes dans l’ancien.
Plutôt que de reprise, il vaut donc mieux parler d’un rebond
en 2015, suivi en 2016 d’une stabilisation voire d’un léger
repli. Les volumes de ventes dans l’ancien seraient en
hausse de 10% en 2015 et en légère baisse en 2016. Les
volumes dans le neuf remonteraient de 17% en 2015 et 8%
en 2016. Les prix de l’ancien baisseraient de 1% par an.
Leur baisse cumulée atteindrait 9% entre 2011 et 2016.
Olivier ELUERE
Études Économiques Groupe
http://etudes-economiques.credit-agricole.com
Sommaire
Tendances récentes dans l’ancien et le neuf ................. 2
Ventes assez soutenues dans l’ancien........................... 2
Baisse des prix modérée dans l’ancien .......................... 2
Rebond des ventes de neuf au premier semestre 2015 2
Encours de logements neufs en repli ............................. 3
Moindre baisse des mises en chantier ........................... 3
2015-2016 : rebond fragile ................................................ 4
Deux facteurs expliquent la remontée du marché
en 2015 ............................................................................ 4
Les autres facteurs restent mitigés ................................. 4
Pourquoi le neuf repart-il plus vite que l’ancien ?........... 5
2016 : les conditions d’une vraie reprise ne sont
pas réunies ....................................................................... 6
Crédit habitat : offre prudente et risques modérés ....... 7
Un modèle de crédit habitat très prudent ....................... 7
Risques a priori limités pour les établissements
de crédit ........................................................................... 8
FRANCE – Immobilier résidentiel
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
[email protected]
Tendances récentes dans l’ancien et le neuf
Ventes assez soutenues dans l’ancien
Le nombre de transactions dans l’immobilier ancien se redresse
sur les derniers mois. Après deux années très dynamiques (près de
800 000 ventes par an en 2010-2011), il s’était replié de 12% en 2012
(705 000 transactions). Il fluctue depuis autour d’un niveau annuel
moyen de 700 000. Il a atteint 716 000 unités en 2013 et 690 000 en
2014. Il totalise 740 000 unités (en cumul sur douze mois) en août
2015. Ce niveau est quasi stable par rapport au niveau cumulé d’août
2014. Mais, sur les huit premiers mois de 2015, la hausse est de 10%
sur un an (source : Conseil général de l’environnement et du
développement durable, d’après les bases fiscales et notariales).
Les ventes sont donc bien orientées en 2015. Cette inflexion est liée
au niveau des taux. Une partie des acheteurs se décide à acheter car
les taux de crédit sont très bas et risquent de remonter. Mais il s’agit
d’un effet d’aubaine et plusieurs facteurs négatifs restent présents.
L’embellie actuelle est donc assez fragile (cf. p. 4). Par rapport aux
points hauts de 2006-2007, 815 000 ventes par an, le niveau actuel
est en repli de 10%, soit un recul limité.
France : transactions de logements
anciens (par trimestre)
250 000
200 000
150 000
100 000
50 000
04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
Nombre de transactions estimées
Source : CGEDD, Notaires, CA
En Ile-de-France, les ventes d’appartements anciens se sont effritées
en 2014, -2% sur un an, à 89 000 unités. Elles remontent un peu au
premier semestre, +3,4% sur un an.
France : prix des logements anciens
Baisse des prix modérée dans l’ancien
20
Les prix des logements anciens continuent à reculer lentement.
Encore en hausse en 2010 et 2011 (+7,6% a/a et +3,7% a/a en
glissement annuel), ils ont commencé à baisser en 2012, -2,1% a/a,
et en 2013, -1,9% a/a. En 2014, le repli a été plus prononcé, -2,5%
a/a. Début 2015, il est du même ordre, -2,7% a/a au deuxième
trimestre. La baisse cumulée des prix dans l’ancien depuis le début
du mouvement de correction (fin 2011) reste assez faible, -7%, à
comparer avec une hausse cumulée de 150% entre 1998 et 2011.
15
Au deuxième trimestre 2015, le repli est de 2,8% a/a en province, de
2,6% a/a en Ile-de-France. Il est plus fort à Paris, -3,1% a/a (source :
INSEE, Notaires). Au regard des données disponibles pour certaines
régions, les prix au premier trimestre 2015 se sont repliés de 2% a/a
en Rhône-Alpes, de 2,6% dans le Nord-Pas de Calais, et de 4,2% en
Provence-Alpes-Côte d’Azur. Par ville, les évolutions de prix des
appartements anciens sont contrastées : au premier trimestre 2015,
on note un recul de 12% à Metz, 11% à Nancy, 9% à Saint-Etienne,
8% à Marseille et Toulon. À l’inverse, les prix ont progressé de 3% à
Strasbourg et Rennes, 2% à Bordeaux.
Toutefois les prix montrent des signes de raffermissement sur
les mois récents. D’après les Notaires Paris Ile-de-France, les prix
des appartements en Ile-de-France remonteraient légèrement en
août-octobre, +1,4% t/t, soit une baisse quasi nulle sur un an, -0,5%.
A Paris, on aurait respectivement +1,5% t/t et + 0,1% sur un an.
a/a
indice
100
10
5
80
0
60
-5
-10
40
99 01 03 05 07 09 11 13 15
Variation sur un an, %
indice base 100 T1 2010
Source : INSEE, Notaires, Crédit Agricole S.A.
97
France : ventes de logements neufs
49
milliers par
trim.
41
33
Rebond des ventes de neuf au premier semestre 2015
Les ventes de logements neufs, en repli en 2014, rebondissent en
2015. Les ventes promoteurs (filière promoteurs, programmes d’au
moins cinq logements) ont baissé en 2011 et 2012, -8% et -15% sur
un an, stagné en 2013, +0,3% sur un an, et reculé à nouveau en
2014, de 3%, à 86 600 unités. Elles se redressent nettement au
premier semestre 2015, +19% sur un an. Ceci est lié notamment au
segment investisseurs. Le cumul sur douze mois atteint 95 000 unités
en juin. Il devrait avoisiner 100 000 unités sur l’année 2015. Par
N°15/315 – 26 octobre 2015
120
25
18
10
91
94
97
00
Mises en vente
Source : Ministère de l'Ecologie
03
06
09
12
Ventes
-2 -
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Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
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rapport aux points hauts de 2006-2007, 127 000 ventes par an, il
resterait toutefois assez bas, de 19% inférieur.
Le rebond des ventes de maisons individuelles hors promoteurs
est également prononcé. Au premier semestre 2015, les ventes sont
en hausse de 16% sur un an. Le cumul douze mois atteint 110 000 en
juin, +3% sur un an, après 99 000 unités en 2014, -4% sur un an.
Malgré ce rebond, on reste là encore nettement en deçà des points
hauts de 2006-2007 (189 000 unités par an).
En Ile-de-France, les ventes de neuf (promoteurs) avaient fortement
progressé en 2013, + 15,5%. Elles se sont stabilisées en 2014,+1,2%
a/a, et se redressent au premier semestre 2015, +6,4% a/a.
Dans l’enquête Insee auprès des promoteurs, la tendance sur la
demande de logements neufs continue à s’améliorer significativement
en juillet, -23 contre -34 en avril et -50 en janvier, tout en restant
encore en dessous de sa moyenne de long terme (-9).
Encours de logements neufs en repli
France : encours de
logements neufs
milliers
130
110
19
90
15
70
11
50
7
30
3
91
97
00
03
06
09
12
Encours à vendre
Encours en mois de vente (éch. dr.)
Source : Ministère de l'Ecologie
Les mises en vente, encore élevées en 2012, avaient été nettement
réduites en 2013, de 13% sur un an, et en 2014, de 11% sur un an, à
93 000 unités. Elles diminuent à nouveau au premier semestre 2015,
mais modérément, de 2% sur un an.
Les promoteurs réduisent leur offre en raison de la baisse des ventes
(en 2014) et du niveau élevé de l’encours de logements neufs
(achevés, en cours ou en projet) proposés à la vente. Celui-ci est
monté jusqu’à 107 000 unités au troisième trimestre 2014. Mais il se
réduit peu à peu depuis et est ramené à 97 500 unités au deuxième
trimestre 2015. Le ratio encours / ventes, qui mesure le délai moyen
d’écoulement de l’encours, redescend à 11,5 mois de vente au
deuxième trimestre 2015, contre 14,3 au quatrième trimestre 2014. Il
reste toutefois encore élevé par rapport au niveau moyen de 8,3 mois
observé sur la période 1995-2011. Les stocks proprement dits (encours de logements achevés ou en cours de construction) restent
faibles, 41 000 unités : 7% des encours sont achevés, 35% en cours
de construction, 58% en projet.
En Ile-de-France, l’encours de logements neufs se réduit également.
En mois de vente, il atteint 11 mois au deuxième trimestre 2015,
après 12,9 au quatrième trimestre 2014, grâce à un repli des mises en
vente et à la reprise des ventes.
Les prix des logements neufs restent quasi stables. Les prix des
appartements sont en légère reprise au deuxième trimestre 2015,
1,2% a/a après -0,3% au quatrième trimestre 2014. Les prix des
maisons reculent de 0,4% a/a au deuxième trimestre, après -0,8% au
quatrième trimestre 2014.
94
France : prix des logements
15
variation annuelle, %
10
5
0
-5
-10
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
appartements neufs
logements anciens
Source : Ministère de l'Ecologie, Insee-Notaires
France : permis de construire et mises
en chantier de logements
600
milliers, cumul 12m
500
Moindre baisse des mises en chantier
La construction de logements, encore soutenue en 2011 (423 000
mises en chantier), s’était infléchie en 2012 (-5,7% sur un an) et
stabilisée en 2013 (-0,4% sur un an). Le recul s’est accentué en 2014,
-10% pour les mises en chantier1 (356 000 unités), -11% pour les
permis de construire (375 000 unités). Mi-2015, la reprise des ventes
ne s’est pas encore transmise à la construction, compte tenu du délai
de plusieurs mois habituellement observé entre les ventes et les
mises en chantier. Mais la baisse est de moins en moins forte. Sur la
période juin-août, les mises en chantier reculent de 3,8% sur un an.
Les permis remontent légèrement, de 2,3%. Un redémarrage
graduel de la construction est attendu courant 2016.
1
mois
23
400
300
200
98
00
02
04
mises en chantier
06
08
10
12
14
permis de construire
Source : Ministère de l'Ecologie
Les séries ont été révisées en hausse, notamment pour les années 2010-2014, avec une nouvelle méthodologie : estimations (par méthodes
statistiques et économétriques) des permis et des mises en chantier, afin de pallier les délais de remontée de l’information pour les perm is
(plusieurs mois) et le manque d’exhaustivité pour les mises en chantier.
N°15/315 – 26 octobre 2015
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FRANCE – Immobilier résidentiel
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
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2015-2016 : rebond fragile
Le marché résidentiel français se redresse assez nettement depuis le
début de l’année. Comme vu au chapitre précédent, les ventes de
logements sont en hausse marquée dans l’ancien et encore plus
clairement dans le neuf. Les prix restent en léger repli mais des signes
de raffermissement apparaissent.
Les mouvements sont nets sur le crédit habitat. La croissance de
l’encours de crédit habitat réaccélère peu à peu, +3,3% sur un an en
juillet après +2,2% fin 2014. Et la production de nouveaux prêts à
l’habitat rebondit fortement : les niveaux mensuels remontent à 15
milliards par mois en mars-mai, 20 sur juin-août, contre 10 par mois en
moyenne en 2014. Le flux annuel serait en hausse de près de 50% en
2015. Ceci est lié en bonne partie aux rachats de crédits externes
(remboursements anticipés/nouveaux prêts dans une autre banque)
stimulés par le très bas niveau des taux de crédit. Au premier
semestre, ils sont très élevés et totalisent 30% de la production (contre
12% en 2014). Mais la production de crédits hors rachats est
également en hausse, de l’ordre de 15% sur un an.
Le redressement du marché intervient après trois années de baisse
(2012-2014). Rappelons que ce mouvement est resté lent et modéré.
La baisse des prix de l’ancien n’est que de 7% en cumulé depuis fin
2011. La France reste un cas particulier en Europe, où dans la plupart
des pays (Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande…), la
correction des ventes et des prix depuis 2008 a été à la fois marquée et
assez rapide. En France, comment s’explique le redressement actuel ?
Est-il l’amorce d’une reprise durable ?
Deux facteurs expliquent la remontée du marché en 2015

Taux de crédit habitat proches de leur plancher
Ils avaient baissé en 2013 (3,2% en moyenne annuelle, contre 3,8%
en 2012 pour un crédit habitat à long terme à taux fixe), et en 2014,
3% en moyenne et 2,61% en décembre. Cette baisse a été permise
par le repli continu des taux des OAT dix ans. Ils ont encore reculé
au premier semestre 2015 (2,18% en juin, 2,16% en juillet). Ces
taux sont jugés proches de leur plancher et risquent de remonter tôt
ou tard. Ceci crée un effet d’aubaine, qui conduit à accélérer ou à
débloquer certains projets, malgré le niveau élevé des prix. Les taux
remontent très modérément en août (2,18% contre 2,16% en juillet).
Ils devraient un peu s’accroître au cours des prochains mois, en liaison
avec la légère hausse attendue des taux OAT 10 ans.
 Plan de soutien pour le logement neuf
France : encours de crédits
habitat ménages
1000
Mds €
20
%, a/a
800
15
600
10
400
5
200
0
0
98
00
02
04
06
montants
Source : BdF, CA
08
10
12
14
croissance sur 12m (éch.dr.)
France : production de crédits habitat
(cumuls 12 mois)
160 000
80
M€
a/a, %
60
120 000
40
20
80 000
0
40 000
-20
0
-40
03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
montants
Source : BdF, CA
croissance sur 12m (éch.dr.)
Prix de l'immobilier résidentiel
400
Il est effectif depuis début 2015 et explique pour une bonne part la
reprise des ventes dans le neuf. L’accès au PTZ est élargi, prolongé
jusqu’en 2017, recentré sur les zones assez ou peu tendues (B1,
B2, C), la condition de performance énergétique est supprimée. Le
dispositif Duflot (rebaptisé Pinel) est réaménagé, avec notamment
des formules à six, neuf et douze ans, la possibilité de louer aux
ascendants et descendants et un net assouplissement de
l’encadrement des loyers. Jouent également la simplification des
normes et l’abattement de 30% sur les plus-values de cessions de
terrains jusqu’à fin 2015.
Indice
base 100=T1 1997
300
200
100
98
Les autres facteurs restent mitigés
00
UK
Au-delà de ces deux facteurs, le marché résidentiel reste caractérisé
par la conjonction de facteurs conjoncturels plutôt négatifs (les trois
premiers ci-dessous) et de fondamentaux favorables (les deux
suivants).
N°15/315 – 26 octobre 2015
02
04
06
Espagne
08
10
12
France
Sources : Halifax, Ministerio de Fomento,Insee, DS
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Irlande
FRANCE – Immobilier résidentiel
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
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 Croissance faible et chômage élevé
La croissance du PIB a été très modérée en 2014, 0,2% en volume,
et se redressera modérément, en 2015, 1,1%, et en 2016, 1,3%. Le
taux de chômage a atteint 9,9% en 2014, monte encore à 10,1% en
2015 et baisserait très peu, 10%, en 2016. Les revenus s’améliorent
à court terme mais les anticipations à moyen terme restent
médiocres. Une partie des primo-accédants potentiels renoncent à
acheter.
 Effets des mesures fiscales 2012-2013
France : prix des logements
anciens et taux de chômage
20
6
%
15
10
8
5
Certaines mesures fiscales prises en 2012-2013 continuent à peser
négativement sur la demande, notamment la réduction de
l’abattement sur les plus-values immobilières et l’arrêt du PTZ dans
l’ancien. Le dispositif Duflot a eu un succès très mitigé mais est
désormais assoupli (cf. plus haut).
 Prix de vente encore surévalués
0
10
-5
-10
12
87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07 09 11 13 15
hausse des prix sur un an
Source : Notaires,
taux de chômage (éch.dte inversée)
Insee
Les prix de vente sont encore surévalués, mais de moins en moins.
Ils l’étaient de près de 20% début 2012. Avec la baisse des prix et le
recul des taux de crédit, ils ne le sont que de 0 à 5% début 2015.
Les prix restent toutefois élevés et demeurent un frein pour la
demande.
 Demande de logements structurellement forte
La demande reste soutenue par des moteurs solides et durables :
désir d’accession à la propriété, démographie assez dynamique,
phénomènes de décohabitation, préparation de la retraite, saturation
du marché locatif, effet « valeur refuge ». Les niveaux très bas des
taux d’intérêt à court et à long terme et la forte volatilité des marchés
boursiers renforcent l’attractivité de l’immobilier, actif jugé moins
risqué, plus rassurant et plus rentable.
 Offre de crédit prudente
France : ventes et stocks
de logements neufs
milliers
45
mois
24
40
20
35
16
30
12
25
Le modèle français de crédit habitat est prudent. Les critères d’octroi
de crédit habitat sont restés stricts pendant le boom des années
2000 et le demeurent. Les ratios d’encours de créances douteuses
sont bas, 1,73% en 2014 pour les crédits habitat. Il n’a pas été
nécessaire d’opérer un net resserrement du crédit, à la différence
d’autres pays. Ces points sont développés pages 7-8.
Pourquoi le neuf repart-il plus vite que l’ancien ?
Le neuf et l’ancien n’évoluent pas en phase sur les dernières
années. Les ventes de neuf ont fortement baissé entre les points hauts
de 2006-2007 et 2014, -32% pour le neuf promoteur, -48% pour les
maisons individuelles. Dans l’ancien, le repli a été limité à 15%.
Symétriquement, le neuf rebondit plus vite en 2015. Ceci tient
notamment aux ventes « investisseurs », très sensibles aux dispositifs
fiscaux et dont le poids est important dans le neuf promoteurs. Elles
avaient chuté sur les années récentes, du fait des mesures fiscales
(contraintes du dispositif Duflot, mesures sur les plus-values) qui ont
rendu les investisseurs très hésitants. Elles rebondissent en 2015,
d’environ 40%, grâce au dispositif Pinel. Elles atteindraient 53 000
unités, niveau qui reste toutefois en deçà de 2006-2007 (65 000) et du
record de 2010 (72 000) lié au dispositif Scellier. Le segment «
accédants » du neuf promoteurs est plus stable. Il a reculé moins
nettement entre 2006-2007 et 2014 et stagne en 2015. Il est affecté par
la hausse du taux de chômage, le niveau élevé des prix et le poids des
normes (énergie, environnement, handicapés…). Les ventes de
maisons individuelles neuves rebondissent en 2015, d’environ 15%, du
fait notamment de l’élargissement de l’accès au PTZ.
Les ventes d’ancien connaissent des fluctuations plus modérées.
Après une baisse de 15% (entre 2006-2007 et 2014), elles remontent
N°15/315 – 26 octobre 2015
8
20
4
15
10
0
91
94
97
00
03
06
09
12
Ventes
Stocks en mois de vente
Source : Ministère de l'Ecologie
France : structure de la production
de crédits habitat
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
mars- sept.- mars- sept.- mars- sept.- mars12
12
13
13
14
14
15
Primo-accédants
Secondo-accédants
Rachats de crédits
Investissement locatif
Autres crédits
Source : ACPR, Crédit Agricole S.A.
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FRANCE – Immobilier résidentiel
Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
Olivier ELUERE
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de 10% en 2015. Au sein de ces ventes, dominent les « secondoaccédants » (acheteurs-vendeurs de résidence principale). Le bas
niveau des taux de crédit, la préparation de la retraite et l’effet valeur
refuge jouent à plein, tandis que le niveau élevé des prix est moins
pénalisant. Ce segment a totalisé 46% de la production de crédits fin
2014, contre 40% début 2012. À l’inverse, le poids des « primoaccédants » est faible et s’est réduit de 32% début 2012 à 16% fin
2014. Le niveau du chômage, les incertitudes sur les revenus futurs, la
surévaluation des prix et l’arrêt du PTZ dans l’ancien pèsent sur ce
segment, notamment sur les jeunes ménages à revenu modéré. Les
investissements locatifs dans l’ancien restent également mal orientés.
Au total, les volumes de transactions dans l’ancien seraient en
hausse de 10% en 2015. Les volumes dans le neuf seraient en
rebond de 17% (+40% pour les investisseurs, 0% pour les accédants
en neuf promoteur, +15% pour les maisons individuelles). Les prix de
l’ancien se redresseraient temporairement au cours du second
semestre et baisseraient de 1% sur un an fin 2015.
France : taux de crédit habitat
10
Moyennes trimestrielles en %
8
6
4
2
0
96
98
00
02
04
06
08
10
12
14
taux moyen d'un crédit habitat à taux fixe (TEG)
taux OAT 10 ans
Source : BdF, Crédit Agricole
2016 : les conditions d’une vraie reprise ne sont pas réunies
Il semble prématuré de parler d’une reprise durable du marché. Le
redressement est lié à deux facteurs conjoncturels, les mesures de soutien
au logement neuf et le niveau historiquement bas du coût du crédit. Le
premier facteur va continuer à jouer en 2016 mais le second point est par
nature temporaire. Les taux de crédit devraient remonter peu à peu en
2016, l’effet d’aubaine va disparaître, les coûts d’acquisition vont
remonter. La réaction des acheteurs est incertaine. Certains estimeront
que les taux restent bas et attractifs et qu’il est opportun d’acheter avant
qu’ils ne remontent davantage. Mais, face à la remontée des taux et au
niveau élevé des prix, d’autres devraient être moins pressés d’acheter,
plus hésitants et attentistes.
De plus, à la lumière du cycle immobilier précédent (1985-1998), on
peut estimer que deux éléments sont nécessaires pour initier un
nouveau cycle haussier durable, des niveaux de prix attractifs et
un taux de chômage plus bas. Après une hausse marquée (19851991), le marché s’est corrigé entre 1991 et 1997. La baisse des prix, le
recul des taux de crédit et la hausse des revenus ont permis une
resolvabilisation des ménages. Les prix sont redevenus clairement
sous-évalués et attractifs en 1998. De plus, le taux de chômage était en
recul continu, de 10,4% début 1997 à 9,1% fin 1999. D’où la reprise du
marché à partir de 1998-1999.
Ces deux éléments ne sont pas présents actuellement. D’une part, les
prix restent élevés. D’après notre indicateur mesurant la surévaluation
des prix et la capacité d’achat de logement d’un ménage, ils sont
désormais peu surévalués, grâce à la baisse des prix et au recul des
taux de crédit. Mais ils ne sont pas encore clairement sous-évalués, la
capacité d’achat de logement d’un ménage est encore loin de son
niveau de 1998-1999. Et elle risque de se dégrader si les taux de crédit
remontent. D’autre part, le taux de chômage est marqué et ne
s’infléchirait que très lentement en 2016-2017. Une reprise durable du
marché, via un retour des primo-accédants à revenu modéré, semble
donc peu probable en 2016. Elle est plutôt envisageable à l’horizon
2018-2019.
Au total, le marché serait un peu moins dynamique en 2016. Les
volumes de transactions resteraient élevés mais en léger repli
d’environ 4% dans l’ancien. Ils seraient en hausse de 8% dans le
neuf. Les prix de l’ancien baisseraient de 1% sur un an fin 2016.
La baisse cumulée des prix atteindrait 9% entre 2011 et 2016.
N°15/315 – 26 octobre 2015
France : prix des logements anciens
et stocks de logements neufs
17
mois
%
3
13
7
9
5
11
1
15
-3
-7
19
-11
87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07 09 11 13 15
hausse des prix sur un an
stocks neuf en mois de vente (éch.dte inv)
Source : Notaires, BdF
900
France : ventes et prix de
logements anciens
milliers
20
%
prév
800
15
10
700
5
600
0
500
-5
400
-10
300
-15
92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16
Ventes
variations de prix sur un an (éch. dr.)
Source : CGEDD, Notaires, CA
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Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
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Crédit habitat : offre prudente et risques modérés
Le marché immobilier se redresse depuis peu mais était en correction
graduelle entre 2011 et 2014. Les prix baissent lentement et devraient
continuer à s’ajuster en 2015-2016. Le taux de chômage reste très
élevé. Toutefois, l’étude annuelle de l’ACPR, publiée en juillet, retraçant
les résultats de son enquête sur le crédit habitat, nous rappelle que les
risques en matière de crédit habitat restent pour l’instant limités en
France et que les critères d’octroi demeurent stricts.
Les ratios de CDL ménages (encours de créances douteuses rapporté
à l’encours de l’ensemble des crédits) restent bas (3,39% au T2 2015)
et n’ont que peu progressé sur les années récentes. Ils étaient à un
plus bas de 2,8% en 2008. À titre de comparaison, ils avaient culminé à
7% en 1994, après l’éclatement de la bulle immobilière de 1985-1991 et
la récession de 1993. Ce ratio cumule les crédits habitat et les crédits
consommation. Sur les seuls crédits habitat, le ratio d’encours
douteux remonte mais reste faible, 1,73% en 2014. Il était à un plus
bas de 1,05% en 2008. Il est beaucoup plus modéré que dans la
plupart des pays européens.
Un modèle de crédit habitat très prudent
Le faible niveau du risque constaté jusqu’à présent peut surprendre,
compte tenu de l’ampleur du boom immobilier des années 1999-2007,
de la gravité de la crise de 2008-2009 et d’un taux de chômage élevé,
proche de 10% depuis 2013. On peut l’expliquer en bonne partie par le
modèle français du crédit habitat. L’offre de crédit habitat est prudente
et les critères d’octroi sont stricts, davantage que dans la plupart des
autres pays, notamment anglo-saxons :
 L’octroi d’un crédit habitat est fondé essentiellement sur la
capacité de remboursement de l’emprunteur (et non sur la
valeur et la qualité du bien comme dans les pays anglosaxons). En d’autres termes, la capacité d’emprunt est fondée
sur les revenus. Les prêts sont accordés à des ménages à revenus
réguliers. Le « taux d’effort » de l’emprunteur (part du revenu
consacrée au flux de remboursement du crédit) ne doit pas
dépasser significativement un tiers du revenu. Ce critère est
appliqué de façon assez stricte et le taux d’effort moyen est assez
stable sur les dernières années, dans une fourchette 29-31%. Il a
atteint 29,8% en 2014, après 30,1% en 2013 (source ACPR).
 La France n’a pas développé, à l’inverse d’autres pays, comme
par exemple le Royaume-Uni, un éventail de crédits non
standards. Les crédits sont quasiment toujours amortissables, et
généralement à annuités constantes. Le poids des crédits in fine est
extrêmement faible. Les mécanismes d’extraction hypothécaire
(hypothèque rechargeable) sont très encadrés et ne sont pas
utilisés.
 Le crédit habitat est très majoritairement à taux fixe sur toute la
durée du prêt. La part de la production de crédits à taux fixe est
supérieure à 80% depuis 2007 et dépasse 90% depuis 2012. Elle
atteint 92% en 2014. De plus, les taux variables sont le plus souvent
« capés ».
 La maturité des prêts reste « raisonnable », proche de 18 ans en
moyenne (durée initiale d’un prêt principal). Elle s’est accrue
graduellement de 2000 à 2008 et s’est un peu réduite depuis. Elle a
atteint 18,6 années en moyenne en 2014, comme en 2013, après un
maximum de 20 ans en 2008. Cette durée atteignait 25 ans en
moyenne en zone euro à la fin du boom, en 2007, avec le
développement dans certains pays de prêts à 30 ans et plus.
France : ratio CDL/crédits ménages
8 %
7
6
5
4
3
2
89 91 93 95 97 99 01 03 05 07 09 11 13 15
Créances douteuses et litigieuses/Crédits
Source : BdF, Crédit Agricole S.A.
en %
France : credit habitat
ratio encours douteux/encours total
2
1,8
1,6
1,4
1,2
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0
01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
Source : ACPR
 L’apport personnel reste relativement stable et assez élevé,
proche de 20%. La Loan to Value (LTV) à l’octroi, ou rapport entre le
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Evolutions récentes et perspectives 2015-2016
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montant du crédit octroyé et la valeur d’achat du bien, a atteint
82,5% en 2014, après 83,4% en 2013. Elle atteint 79,5% en
moyenne depuis 2001.
 Les encours de crédit habitat sont quasi intégralement garantis
(97,5% de l’encours en 2014). Ces garanties sont exigées par les
banques pour faire face à une éventuelle défaillance de
l’emprunteur. La caution d’établissement de crédit ou de société
d’assurance est depuis 2005 la principale forme de garantie. En
2014, elle représente 53% des encours, contre 35% seulement pour
l’hypothèque. Par ailleurs, plus de 80% des emprunteurs sont
couverts par des assurances décès et incapacité de travail.
 Le revenu moyen des nouveaux emprunteurs progresse assez
nettement sur longue période, +28% entre 2003 et 2014, alors que
le revenu moyen d’un ménage a progressé de 16% sur cette
période. Les acheteurs sont plus aisés, ce qui a priori conduit à des
profils de risques plus faibles.
France : durée moyenne initiale
d'un prêt principal à l'habitat
en années
20
15
10
5
Risques a priori limités pour les établissements de crédit
Ces éléments sur les conditions d’octroi du crédit expliquent en bonne
partie pourquoi les CDL n’ont que peu progressé sur les années
récentes. Ils expliquent aussi pourquoi, en cas de défaut, les impacts
sur les institutions de crédit seraient assez modérés.
0
01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
Source : ACPR
 Le fait de baser la capacité d’emprunt sur les revenus limite les
risques de défaut.
 La prépondérance des taux fixes protège les emprunteurs du
risque de remontée des taux d’intérêt. Un taux fixe permet une
annuité de remboursement constante au cours du temps. Par
ailleurs, les probabilités de défaut de crédit sont plus élevées pour
les prêts à taux variable que pour les prêts à taux fixe, les prêts à
taux variable étant plus fréquemment souscrits par des ménages
plus fragiles financièrement.
 Le niveau du LTV limite la « perte en cas de défaut » en cas de
baisse significative des prix immobiliers. La LTV moyenne de
l’encours de crédit habitat est de 52%. En moyenne, il faudrait une
baisse des prix de 48% pour avoir une valeur des biens inférieure à
l’encours de crédit et un risque de perte.
 Le poids des cautions dans les garanties est un élément plutôt
favorable en matière de risque. L’octroi de crédit porte en premier
lieu sur la solvabilité de l’emprunteur et non sur la valeur du bien
financé. La caution semble mieux adaptée à cette approche que les
garanties du type hypothèques. La caution est moins chère et plus
souple que l’hypothèque (pas d’inscription à la conservation des
hypothèques ni de frais de notaire).
 La perte d’emploi est le principal facteur a priori de tomber en
CDL, mais l’impact n’est pas immédiat : les prestations chômage,
aides sociales et assurances permettent de différer ou d’éviter le
passage en CDL ; et les emprunteurs accordent généralement la
priorité, en cas de difficultés, à rembourser leur crédit habitat. Il faut
cependant noter que seulement 3,3% des emprunteurs sont
couverts par une assurance perte d‘emploi.
France : crédits habitat
part des taux fixes et des taux
variables dans la production
100%
80%
60%
40%
20%
0%
03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
taux fixe
taux variable
Source : ACPR
L’ACPR indique que la légère hausse des risques est surtout imputable
aux primo-accédants et que les banques sont en mesure d’absorber un
stress sur le crédit habitat. Elle note toutefois qu’il faut rester vigilant,
notamment par rapport à la forte hausse récente des rachats de crédits
externes et des renégociations, qui conduit à une tarification des crédits
très faible et suscite des interrogations sur la rentabilité à venir des
portefeuilles de crédits habitat.
N°15/315 – 26 octobre 2015
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Achevé de rédiger le 23 octobre 2015
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