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Mode et société
Marseille mars 2004
Compte-rendu de Jean Jacques Clariond Conseiller pédagogique 05
La mode est un phénomène de société. C'est une préoccupation majeure de nos élèves mais elle
nous concerne tous, même si nous n'en sommes pas conscients.
C'est un secteur débouchant sur des activités professionnelles nouvelles et intéressantes qui attirent
les jeunes
Le design de mode trouve sa place dans les arts visuels puisqu'il met en oeuvre le volume, la
matière, la couleur.....
La création de vêtements, de bijoux, d'accessoires de mode peut donner lieu à des projets PAC pour
bénéficier du concours d'artistes.
Imaginer une collection, la monter comme une création lors d'un défilé, est un projet que le
conseiller pédagogique d' Arts visuels peut mener avec vous.
Voici quelques notes intéressantes montrant l'importance de la mode dans la société à travers
l' Histoire, l'intérêt qu'elle peut avoir dans le développement socioaffectif de l'enfant, et la place
que l'École peut lui laisser aujourd'hui.
Intervention de Farid CHENOUNE
(agrégé de lettres modernes, historien de la mode )
Le vêtement est une second peau, une partie de soi même. Il nous renvoie l'image de l'autre.
Il nous conduit dans une recherche de l'authenticité.
Le vêtement nous fait rentrer dans l'humanité, dans l'humain. Quand on arrive au monde, on
est tout nu.
La mode fabrique un autre corps que le corps anatomique avec lequel il faut faire avec . On
se fabrique un corps de mode, un objet de désir.
Le vêtement répond à un besoin (chaleur, confort, protection). La mode renvoie au désir, au
symbole, à l'imaginaire. On consomme la mode et on achète des vêtements. On consomme la mode
par l'image. La mode existe avant la création de vêtements.
Le vêtement est un marqueur social et un marqueur sexuel.
Un marqueur social:
- Le vêtement est une source de fierté(fierté professionnelle), l'élégance renvoie à la classe
supérieure. «Un complet neuf, ça nous renverse les idées» Céline dans Voyage au bout de la nuit.
La mode c'est une aliénation, c'est l'opium des femmes.
– Le vêtement marque une anticipation sociale. On s'habille comme on voudrait être. Il faut être
bien à chaque moment de la journée selon la circonstance. «Il n'avait pas le bon bleu» Balzac.
– L'anticipation sociale est un ressort de la mode: on s'habille avec un fantôme de soi. Pas de mode
sans miroir (dédoublement de l'individu).
La mode est une performance. On croit que tout le monde peut s'habiller comme tout le
monde. C'est faux! On cherche toujours mieux, autre chose.
«Si vous m'avez remarqué, c'est que je ne suis pas élégant» Brummel
Un marqueur sexuel:
- Il faut différencier Sexe et Genre. Le sexe nous est donné par la naissance. Le Genre c'est
l'entrée dans le social et le culturel. Le genre c'est une identité sexuelle qui est un processus
pénélopien ( on fait et on défait toujours )
– On peut parler de fétichisme car le vêtement est un objet inanimé. Il fait de l'individu un
narcissique inquiet. ( il y a toujours quelque chose qui ne va pas , un seul défaut et plus
rien ne va)
– Emprunter un costume à l'autre sexe c'est une prise de pouvoir (inversion des codes
comme dans le carnaval) Quand Mlle Chanel en 1920 coupe les cheveux, abandonne le
corset, refuse les arts de la femme comme le jupon ou la coiffe, raccourcit les jupes c'est
bien une prise de pouvoir et une certaine libération. Mais cette conquête s'accompagne
d'un nouvel esclavage.
La mode a un caractère fugitif. On se produit et on se consomme soi même rapidement
Slogan du magasin Le Printemps :«Inventez vous»
La mode est une expérience. On y apprend sa fonction sociale et sexuelle.
La mode est une expérimentation. On est avec la mode sa propre avant garde.
La mode est une substitution des rites de passage: 1° culotte,1° pantalon long, 1° costume, le
trousseau transmis avec le point de marque (symbole de la 1° tache de sang sur le lin exécuté aux
premières règles)
La mode a une culture. Les photos de famille sont cette culture.
L' Enfant et le vêtement par Sylvie Richoux-Bérard
Conservateur du musée de la mode de Marseille
Au XVIII ° siècle, l'enfant n'existe pas. Il meurt souvent. Il ne doit pas déranger: il est emmailloté.
Il ressemble à l'adulte: robe de la cour Il porte un bandeau au front pour amortir les chutes.
Dans les musées, on ne trouve que des costumes d'apparat ou des costumes de rites( communion,
baptême, bal....)
Au XIX ° et même XX ° siècle on garde les vêtements pour les autres enfants. Dans les année 60 ,
avec le baby boom, on doit habiller beaucoup d'enfants.
Vers 1910, grâce aux progrès techniques, le vêtement évolue et la production augmente: apparition
de la maille et du tricot pour plus de confort
En 1970 apparition du baby gros: côté facile et pratique.
L'enfant ne choisit pas ses vêtements, même s'il le fait de plus en plus, ce sont toujours les parents
qui paient ( relation tripartite )
Le vêtement et la mode dans le développement psychoaffectif de l'enfant
par Michèle Battista-Dubreuil Pédopsychiatre
Pendant la grossesse, le ventre s'arrondit ainsi que les vêtements. Aujourd'hui la femme reste
féminine pendant sa grossesse. Elle se montre, elle est belle. Le toucher, le mouvement sur
le ventre sont un moyen de communication. L'échographie apporte une relation
supplémentaire parent-enfant.
Le vestiaire de l'enfant est anticipé avant le départ à la maternité (bébé bleu, bébé rose)
L'enfant est anticipé par le vêtement
On dit porter un vêtement, on dit aussi porter un enfant dans ses bras.
On change de vêtements selon la journée, les circonstances, la nuit, le jour. Cela aide
l'enfant a acquérir un micro rythme
Le vêtement lui donne des repères. Un bébé voit son pied mais ne sait pas qu'il est à lui. Si le
pied est recouvert d'une chaussette verte, il prend des repères.
Les parents proposent un vêtement et ce sont les enfants qui prennent contact avec les
autres(l'école) . Le choix du vêtement est source de conflit avec les parents si ce dernier ne
plait pas aux copains. ( Le matin on s'habille pour se vendre)
Le parent se représente son enfant par la taille du vêtement . Il le voit trop grand trop petit
selon la taille qu'il achète
Pour l'adolescent, le vêtement marque une opposition , une distance. Il sert aussi à se
rapprocher des autres pour former un groupe de paires. En m' habillant comme mon copain,
je choisis l'autre comme groupe identitaire:l'autre qui est encore plus mal dans sa peau que
moi.
Le vêtement marque une identité temporelle de ce corps qui change tout le temps.
Plus le groupe est banalisé, plus l'adolescent va aller plus loin du modèle. Si la mode de
l'adolescent est prise en compte par l'adulte, l'adolescent va au delà en recherche d'idéal.
Les paradoxes de la mode contemporaine
Olivier SAILLARD
Responsable de la programmation Musée de la Mode et du Textile
Depuis le XX ° siècle, la mode n'est pas seulement le vêtement, mais c'est tout un
espace: photos, parfums, accessoires .
Il fut bien différencier Mode et Création : Adidas n'est pas un créateur de mode.
La création de mode va avec la signature, le logo du couturier.
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Dans la société d'Athènes l'artisan tailleur ne signe pas.
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Au Moyen Age les étoffes sont marquées pour lutter contre la copie.
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Au XVIII°siècle c'est le brodeur qui compte. Le rôle de l'artisan tailleur est limité. Il
assemble et coupe autour des broderies prêtes au bon endroit: poche, revers. Rose Bertin
est la 1° créatrice avec l'arrogance d'une Coco Chanel ou d'un K. Laguerfel
–
Sous le 1° Empire, c'est le marchand de Mode qui vient ajouter les ornements aux
costumes. Il ajoute rubans et broderies à une pièce réalisée pour une personne. C'est un
assemblier , pas un couturier.. Louis Hypolyte LE ROI habille Napoléon, il aime se
travestir, porter les robes qu'il prépare.
–
En 1860 le 1° couturier qui crée un défilé c'est Charles Frédéric WORTH. Un anglais qui
propose de changer tous les 6 mois. Il installe ses ateliers à Paris et fait porter ses modèles
à sa femme qui devient ainsi le 1° mannequin. On parle de sosie pour citer la personne
qui porte la future robe d'une cliente. Les sosies défilent enveloppés dans un écrin de
satin noir pour ne pas porter les robes à même la peau. Il faudra attendre 1904 pour voir le
1° mannequin défilant «en peau» avec la robe à même la peau sans fourreau.
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C'est donc dans les années 1900 que la signature apparaît sur les créations, une grosse
étiquette qui protège le modèle des copies. Cette signature fait de la création un objet
d'art. (comme pour une toile)
–
Vers 1930 on voit des étiquettes sur la poche intérieure des gilets d'hommes.
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Le 1° grand couturier – collectionneur est Jacques DOUCET. Il est conseillé par André
BRETON. Il collectionne des oeuvres d'art dont «Les demoiselles d'Avignon» de Picasso
–
Paul POIRET dès 1910 commence à s'intéresser à comment diffuser ses travaux et son
nom. Il sort, il se fait inviter. Depuis il est de bon ton d'inviter un couturier dans les
soirées mondaines. On l'appelle «le sultan de la mode» dans un 1° article de presse. Il
propose une mode orientale (turban, tunique, babouches...). Il enlève le corset aux
femmes. Il crée un parfum «Rosine» du nom de sa fille. Avant lui seuls les parfumeurs
pouvaient créer des parfums. Il lancent des ateliers-écoles où sont réalisés des papiers
–
peints, des décorations.(Les ateliers Martine, nom de sa 2° fille) . Il collabore avec le
peintre Raoul Duffy pour ses créations. Il sera acteur dans une pièce de Colette.
Vers 1920 paraît le 1° magazine de mode «Fémina»
–
Mlle Chanel va donner du mythe, elle sera la rivale de Poiret qui après une vie luxueuse
meurt seul et ruiné. Chanel est son propre modèle. Elle pose pour son parfum N°5.
Chantal Thomass fonctionnera sur ce principe. Chanel invente un style et une vie
romanesque. Elle inonde les magazines, c'est un Couturier de Mode .
–
Madeleine VIONNET photographie chacun de ses modèles sous toutes ses faces comme
une oeuvre Elle est célèbre pour la coupe en biais.
–
Elsa SCAPARELLI s'intéresse à l'image du vêtement plis qu'au vêtement lui même
(contraire de Chanel). Elle comprend que le vêtement est un vecteur de provocation
(vêtement non portable). C'est aussi un vecteur de communication. Elle use du
surréalisme de son époque. C'est la 1° créatrice de vêtements importables.
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En 1957 Christian DIOR invente le new look. Il active le vieillissement des modes. Il
change rapidement de longueur de couleurs. C'est un dictateur de la Mode.
–
Yves St Laurent le médiatique. Il pose nu pour son parfum. Avant lui les couturiers
posaient toujours avec des épingles au poignet; (Symbole)
–
Pierre Cardin signe un grand nombre de licences. Il établit un empire, dessine des
avions... C'est un industriel de la Mode
–
Petit à petit les couturiers deviennent des stylistes: Chantal Thomass , Kenzo créent pour
la marque Dorothennis. Emmanuelle Kan crée une ligne de prêt à porté pour Sylvie
Vartan, on reconnaît sa griffe avec ses grandes lunettes, ses pneus transparents
–
Dans les années 1970 les stylistes deviennent des créateurs Ils sont les archétypes d'eux
mêmes. On reconnaît J P Gaultier à ses cheveux blonds et son pull marin qu'il déclinera
en paillettes pour Sylvie Vartan, il devient même chanteur; Karl Laguerfel avec son
catogan et son éventail. C'est une caricature.
–
Les années 1980 font d'eux des marionnettes. On assiste à des défilés de mode mis en
scène et le podium est surélevé. On lève la tête pour regarder un défilé comme on regarde
Dieu c'est de l'art sacralisé.
–
Les années 1990 Popy MORENI se transforme en clown, se travestit en Picasso pour ses
cartons d'invitation. Martin MARGIELA donne sa main en photocopie comme portrait.
Sa griffe est un rectangle de coton blanc cousu aux quatre angles.
Comment faire rentrer le design de Mode à l'école primaire?
–
Classe à PAC: exemple avec J.C de Castelbajac sous le titre «Mode et Mode de vie» avec
l'IMF Isabelle Courties de Paris
–
Une entrée transdisciplinaire:
– la révolution industrielle: la mécanisation, le prêt à porter qui remplace les tailleurs sur
mesure, le progrès technique de la machine à tricoter, les nouveaux matériaux comme
le jersey qui conduisent à de nouvelles formes, de nouveaux vêtements.
–
Une approche historique diachronique:
– le vêtement au fil des âges
– l'évolution des costumes et uniformes de travail
–
Arts et géométrie:
– le corps est un volume, c'est une enveloppe qui peut être métamorphoser. On peut donc
s'amuser à changer les volumes en jouant sur le gonflant
– jouer sur la couleur
– jouer avec les matières
– jouer avec les formes
– enrouler, draper, épurer, symboliser, tout un vocabulaire d'art visuel
–
Le vêtement peut être une création, il peut être également un support
–
Dans un projet , aller jusqu'au bout, de la création au défilé. Le défilé au service de la
création, c'est le vêtement qui doit être vu pas la personne qui le porte (pas de sourire).
Liens avec la mise en scène, l'expression corporelle , la musique, la lumière, le spectacle.
Jean Jacques Clariond
Conseiller pédagogique
GAP 05