La crise financière et ses conséquences première pour l`économie

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La crise financière et ses conséquences première pour l`économie
République du Sénégal
UN PEUPLE - UN BUT - UNE FOI
MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES
CENTRE D’ETUDES DE POLITIQUES POUR LE DEVELOPPEMENT
LA CRISE FINANCIERE ET SES CONSEQUENCES PREMIERES POUR
L’ECONOMIE SENEGALAISE
CEPOD, MARS 2009
DOCUMENT DE TRAVAIL
RESUME
Les effets de la crise financière de 2007-2008, née de la crise américaine des subprimes ont
d’abord porté sur les marchés financiers et par la suite sur l’économie réelle. Les pays
développés et émergents ont été les premiers touchés par cette crise. Les répercussions de la
crise ont été plus lentes à se faire sentir dans pays d’Afrique subsaharienne, faiblement
intégrés dans les marchés financiers mondiaux. Toutefois, les pays africains, le Sénégal
notamment ont subi les effets indirects de la crise, à travers les répercussions de cette dernière
sur le secteur réel. Par ailleurs, la détérioration de la situation budgétaire et le déficit soutenu
du compte courant constituent des facteurs aggravants des répercussions de la crise sur
l’économie sénégalaise. La baisse attendue des flux de capitaux (aide publique au
développement, investissement direct étranger, transferts des migrants) et des exportations et
les difficultés du secteur touristique constituent autant de facteurs qui peuvent affecter les
revenus des ménages, des entreprises et de l’Etat et remettre en cause les résultats escomptés
des initiatives entreprises pour stimuler la croissance et créer les conditions de l’émergence
économique et de l’éradication de la pauvreté.
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SOMMAIRE
RESUME ANALYTIQUE ......................................................................................................... 4
Introduction générale .................................................................................................................. 9
Première partie : Origine, naissance, généralisation et manifestations de la crise financière .. 11
I. Origine de la crise ................................................................................................................. 11
1. Hausse de l’endettement, de la consommation et effondrement de l’épargne des ménages
.............................................................................................................................................. 11
2. La bulle immobilière ....................................................................................................... 15
II. Naissance et généralisation de la crise................................................................................. 16
1. Naissance de la crise ........................................................................................................ 16
2.
La généralisation de la crise ....................................................................................... 17
 La transmission par les fonds d'investissement .......................................................... 19
 La contagion dans le système bancaire, les dépréciations d’actifs ............................ 20
III. Répercussions de la crise sur les différents secteurs de l’économie .................................. 21
1. Les secteurs porteurs de croissance touchés par la crise .................................................. 21
2. Des économies développées ou émergentes en difficultés ............................................... 24
3. Les effets sociaux de la crise ........................................................................................... 28
Deuxième partie : les répercussions de la crise sur l’économie sénégalaise ............................ 32
I. Les facteurs d’aggravation des répercussions de la crise ...................................................... 32
1. La détérioration de la situation budgétaire ....................................................................... 32
2. Un déficit soutenu du compte courant .............................................................................. 33
II. Les conséquences de la crise sur l’économie sénégalaise ................................................... 35
1. La baisse des flux de capitaux .......................................................................................... 35
a) L’aide publique au développement .............................................................................. 35
b) L’investissement direct étranger .................................................................................. 36
c) Risques de baisse des transferts des sénégalais de l’extérieur ..................................... 38
2. Le repli du taux d’accroissement des recettes de l’Etat ................................................... 39
3. Les exportations entre contraintes d’offre et baisse de la demande ................................. 40
4. Le tourisme, des difficultés possibles en 2009 ................................................................. 42
III. Les conséquences socio-économiques .............................................................................. 44
1. La baisse du pouvoir d’achat des ménages ...................................................................... 44
2. L’emploi, principalement le fait du secteur dit informel ................................................. 45
3. Risques de ralentissement dans le progrès vers l’atteinte des OMD ................................ 46
Conclusion générale ................................................................................................................. 48
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RESUME ANALYTIQUE
PREMIERE PARTIE : ORIGINE, NAISSANCE, GENERALISATION ET
MANIFESTATIONS DE LA CRISE FINANCIERE
ORIGINE DE LA CRISE
Comme cause lointaine, la crise financière peut être imputée au modèle de croissance mis en
place aux Etats-Unis depuis le début des années 1980 et qui a été tirée par la consommation.
Ce modèle, qui a fortement favorisé la hausse des inégalités, a entraîné la croissance de
l'endettement, de la consommation et la baisse de l'épargne. Cela s'explique par l'effet de
richesse qui est le résultat de l'augmentation de la valeur des actifs détenus par un
consommateur et qui l'incite à faire des dépenses supplémentaires, stimulant ainsi la
croissance.
En effet, lorsque la valeur de marché d'un actif (immobilier par exemple) augmente, de
manière soutenue et durable, les ménages ont alors tendance à consommer davantage et à
épargner moins. Les entreprises et les ménages tendent à s'endetter plus pour investir ou
placer leurs fonds.
Ainsi, face à la hausse soutenue et durable des prix de l'immobilier, les ménages américains
se sont fortement endettés pour l'achat de maisons, ce qui en retour, a entraîné la hausse
vertigineuse des prix de l'immobilier.
Cependant, depuis 2006, le phénomène s’est inversé. Le retournement du marché immobilier
s’est traduit par un ralentissement marqué de la demande en prêts hypothécaires et, par suite
de la consommation (il y a alors un effet de richesse négatif). Désendettement et hausse de
l'épargne se sont alors cumulés pour contribuer à faire baisser fortement la consommation sur
les différents marchés conduisant à l’éclatement de la bulle immobilière qui a résulté de
l’accélération continue des prix immobiliers et du crédit hypothécaire.
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NAISSANCE ET GENERALISATION DE LA CRISE
La crise financière actuelle, en cours depuis l’été 2007 a débuté avec l’éclatement de la bulle
immobilière américaine. Elle est appelée « la crise des subprimes » parce qu’elle trouve son
origine immédiate dans l’offre excessive de crédits hypothécaires aux ménages américains
sans prise en compte de leur capacité de remboursement. Ces crédits hypothécaires, ont été,
au niveau des banques, transformés en titres, puis vendus à des fonds d'investissement et
autres institutions de placement.
Le non paiement à date de ces crédits s’est alors répercuté sur le bilan de l’ensemble des
acteurs, qui voient en outre le déficit de leurs opérations s'aggraver du fait de la dépréciation
des actifs, ce qui a conduit à une perte de confiance généralisée entre banques (acteurs). Cette
perte de confiance entre acteurs a alors conduit à un assèchement du marché interbancaire
conduisant ainsi à une crise de liquidités, qui s’est traduite par une envolée des taux de
refinancement des banques. C'est alors la naissance de la crise financière.
Partant des ménages dont les maisons ont été saisies, la crise a remonté progressivement aux
prêteurs hypothécaires spécialisés, aux banques, aux rehausseurs de crédits, puis aux agences
gouvernementales américaines chargées de refinancer les crédits immobiliers, Freddie Mac et
Fannie Mae, par le biais de la titrisation, des fonds d'investissement mais aussi à cause des
dépréciations d'actifs dans le système bancaire.
REPERCUSSIONS DE LA CRISE SUR LES DIFFÉRENTS SECTEURS DE
L'ECONOMIE
Le système bancaire assurant le financement des activités du secteur privé à partir des dépôts
collectés et des transactions interbancaires, les difficultés qu'il peut rencontrer se
répercuteront nécessairement sur l'ensemble de l'économie. Ainsi des secteurs porteurs de
croissance, comme le secteur de l'immobilier, de l'automobile, font face à des difficultés
notoires. C'est le cas aussi des économies développées ou émergentes dont la croissance est
fortement tributaire de ces secteurs.
Les Etats-Unis dont le produit intérieur brut a reculé de 0,5% au troisième trimestre 2008 (en
rythme annuel) par rapport au précédent, la France et l'Italie qui ont connu une récession en
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2008, l'Espagne qui met un terme à une décennie de croissance, portée notamment par
l'explosion du marché immobilier et la Chine dont la croissance est passée en dessous des
10%, subissent de plein fouet les premiers effets de la crise financière.
Au plan social, les difficultés concernent surtout la remontée du taux de chômage aussi bien
dans les pays développés, émergentes ou en développement, mais surtout la dégradation des
conditions de vie des populations avec la baisse de leur pouvoir d’achat et l’aggravation de la
pauvreté.
DEUXIEME PARTIE : LES REPERCUSSIONS DE LA CRISE SUR L’ECONOMIE
SENEGALAISE
Les effets de la crise financière d’abord visibles dans les pays développés et émergents, se
sont aussi fait sentir dans les pays en développement, notamment au Sénégal, où les crises
énergétique et alimentaire avaient déjà notablement contribué à la détérioration de la situation
budgétaire et financière en plus du caractère chronique du déficit de la balance commerciale.
Les transferts de capitaux publics et privés et les échanges de biens et services (tourisme, télé
services etc) sont les principaux canaux de transmission de la crise à l'économie sénégalaise.
Ainsi, l'aide publique au développement, les investissements directs étrangers et les envois de
fonds des sénégalais de l'extérieur, pourraient diminuer ou ralentir leur rythme de croissance
des années précédentes, compte tenu de la récession et de la contraction du crédit dans les
pays riches.
Concernant l'aide publique au développement, il est prévu en 2009, une diminution de 30%
au niveau mondial. Si une telle baisse devait se répercuter au Sénégal, cela se traduirait par un
impact négatif sur les ménages avec la baisse probable des dépenses d'investissement et de
fonctionnement dans les services publics.
Quant aux flux d'IDE, qui ont connu une forte croissance à partir de 2006, leur baisse pourrait
affecter la croissance économique mais aussi les efforts de réforme consentis ces dix dernières
années. Pour la réalisation de l’émergence économique, les IDE devraient progressivement
remplacer les capitaux publics dans la couverture du déficit des paiements courants.
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La crise financière, dans ses lots de conséquences, a entraîné une perte importante d'emplois
des travailleurs étrangers dans les pays développés. La perte de revenus de ces derniers
pourrait se traduire par une diminution de leurs envois de fonds vers leur pays d’origine. Pour
le Sénégal, la baisse des transferts des migrants qui sont supérieurs aux flux d'IDE, pourrait
entraîner un relèvement du niveau de la pauvreté et une perte importante d'activités dans le
secteur du bâtiment.
Pour les exportations qui connaissaient bien avant la crise des difficultés liées à une
insuffisance de l'offre, elles peuvent subir le contre-coup d’une baisse de la demande
mondiale, les volumes du commerce international pouvant se réduire de 2,1% selon certaines
organisations internationales. Toutefois, il importe de rappeler que la destination des
exportations est de plus en plus africaine aux dépens de l’Europe.
Bien avant la crise, le tourisme sénégalais faisait également face à de nombreux problèmes,
relatifs, notamment, à un déficit de promotion intérieure et extérieure, aux forts taux de
fiscalité liés à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Avec la crise financière et le déclin du
tourisme mondial, le nombre de touristes à destination du Sénégal pourrait fortement baisser,
même si les statistiques disponibles montrent qu'il n'y a pas eu d'impact notable jusqu'en fin
2008.
Les conséquences d’un ralentissement persistant de la croissance, voire d’un recul du PIB réel
des suites de la crise concerneraient aussi et surtout les recettes (recettes douanières et
recettes intérieures) de l'Etat. En effet, le repli annoncé du commerce mondial qui devrait se
contracter de 2.1% en volume, en 2009 pourrait freiner la hausse de 9 à 10% par an des
recettes fiscales entre 2001 et 2008. Une baisse substantielle des recettes budgétaires se
traduirait par une revue du portefeuille des dépenses publiques, en termes de montant total et
de répartition entre investissement et fonctionnement. Une telle baisse serait ainsi d’autant
plus dommageable qu’elle diminuerait encore davantage les capacités du budget à financer
des dépenses de relance économique pour contrer les effets de la crise sur le secteur réel.
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Les conséquences socio-économiques
Au plan socio-économique, les conséquences de la crise financière au Sénégal pourraient être
la baisse du pouvoir d'achat et de l'emploi mais surtout le ralentissement dans l'atteinte des
OMD.
Le pouvoir d'achat des ménages est fortement atteint avec la réduction des principales
sources de revenu qui participent à la réduction de la pauvreté : envois des émigrés, vente à la
sauvette (cas des marchands ambulants) et prix rémunérateurs des produits de l’agriculture de
rapport (arachide et coton, notamment).
La plupart des emplois recensés étant créés dans les secteurs informel ou tertiaire, surtout
dans les secteurs d’exportation et les activités commerciales mais aussi dans les secteurs
agricoles, sont ainsi fortement dépendantes de la situation économique dans les pays clients.
Or, une baisse d’activités dans ces secteurs se traduirait par une réduction du taux d’emploi
qui était déjà en baisse : 87% en 2002 contre 91.5% en 1998 et par une hausse du taux de
chômage qui, entre 1998 et 2002, est passé de 8.5% à 13%.
Si le Sénégal fait partie avant la crise des pays les plus avancés dans le processus d’atteinte
des OMD, les performances notées ont été possibles grâce à des efforts considérables de la
part du gouvernement sénégalais, mais aussi du fait de l’aide reçue des pays développés. Une
baisse de l’aide, ainsi qu’une hausse moins importante des recettes de l’Etat serait alors un
frein à la réalisation des OMD et de l’émergence économique.
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Introduction générale
La crise américaine des risques subprimes a secoué le monde entier. A partir de l’automne
2008, la profondeur de la crise s’est dévoilée en prenant une nouvelle dimension. La crise a eu
des répercussions immédiates sur les marchés mondiaux, elle a pris rapidement une ampleur
globale.
En cours depuis l’été 2007, ses origines peuvent remonter aux années 1980, années pendant
lesquelles la consommation a été un des principaux moteurs de la croissance de l’économie
américaine. En effet, sur les dix dernières années (du 1er trimestre de 1998 au 1er trimestre de
2008), le Pib des Etats-Unis a augmenté de 31 %, soit 2,7 % par an. La consommation des
ménages a progressé en moyenne de 3,4 % par an1. Cet accroissement de la consommation a
entraîné une baisse de l’épargne et une hausse de l’endettement des ménages. Cet endettement
des ménages a été facilité par la Réserve Fédérale Américaine qui a abaissé ses taux directeurs
jusqu’au niveau de 1%, pour faciliter le crédit, ce qui, par la suite, conduit à la formation et à
l’éclatement de la bulle immobilière.
Née de l’éclatement de cette bulle immobilière en 2007, la crise s'est fortement aggravée en
2008 à partir de la semaine du 14 Septembre 2008 lorsque plusieurs établissements financiers
américains entrent en situation de faillite. Certains de ces établissements sont sauvés in
extrémis par la Réserve Fédérale ou la Banque Centrale Américaine, ou rachetés par des
concurrents en meilleure situation, ou tout simplement liquidés (comme c’est le cas de
Lehman Brothers). Ces évènements se sont répercutés rapidement dans le reste du monde, en
particulier en Europe où plusieurs institutions financières connaissent de très graves
difficultés et sont sauvées par l'intervention d'Etats et des Banques Centrales.
D’abord financière, la crise s’est ainsi transmise au secteur réel. Aucun secteur de l’économie
ne devrait être épargné. Les premiers à subir les conséquences de la crise sont le secteur
automobile et l’immobilier. Cela a occasionné des pertes de richesse qui ont pénalisé le
pouvoir d’achat et la capacité d’emprunt des ménages ; et qui ont entraîné la fragilisation des
banques avec les pertes dues aux défauts de paiements sur les crédits subprimes etc. Au delà
des problèmes de ces secteurs, les volumes du commerce mondial devraient se réduire de
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Source : Etats-Unis : la fin d’un modèle Michel Husson, La Brèche n°3, 2008
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2,1 % en 20092 et par conséquent, les exportations des pays en développement en souffriront
fortement. La croissance des investissements, devrait baisser tant dans les pays développés
que dans les pays en développement en raison du resserrement des crédits et de
l’augmentation de l’incertitude. La baisse devrait être de 1,3 % dans les pays développés et,
dans les pays en développement, leur croissance ne serait que de 3,5 % en 2008, contre 13%
en 2007. En 2008, la CNUCED a prévu un recul de 10% des flux d'IDE sur la base des
données disponibles à la fin du premier semestre. Un recul de l’aide au développement, des
transferts des migrants en direction des pays en développement est aussi à prévoir. Ainsi, les
pays africains qui ont été épargnés par les premiers effets de la crise, parce que n’étant pas
bien intégrés dans le système financier mondial, ne resteront pas en marge des effets réels de
la crise. Toutefois, sa dépendance financière (aide, transferts, IDE) et économique
(exportations par exemple) à l’égard des pays développés devrait être le canal par lequel la
crise atteindra la croissance de ses économies, notamment l’économie sénégalaise.
Au Sénégal, les effets de la crise devraient être une baisse des flux de capitaux privés, un repli
des recettes de l’Etat et des recettes touristiques et par la suite une détérioration des conditions
de vie des populations. Le Sénégal sera davantage interpellé pour le maintien du niveau de
l’aide publique au développement et pour l’amélioration de la gestion des finances publiques,
mais aussi pour l’amélioration des conditions d’offre de la plupart des produits exportés.
La présente étude se propose de faire le point sur les origines de la crise, ses manifestations et
ses répercussions sur l’économie réelle, notamment sur l’économie sénégalaise. Le plan du
rapport est le suivant : dans une première partie nous parlerons des Origines, de la naissance,
de la généralisation et des manifestations de la crise financière. La deuxième partie permettra
de passer en revue ses répercussions sur l’économie sénégalaise à travers ses conséquences
économiques mais aussi socio économiques. Mais il sera d’abord fait un point sur les facteurs
qui peuvent favoriser ou aggraver les effets de la crise sur le Sénégal.
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Source : http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/NEWSFRENCH/
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Première partie : Origine, naissance, généralisation et
manifestations de la crise financière
I. Origine de la crise
La crise financière peut être imputée au modèle de croissance qui s’est mis en place aux EtatsUnis au début des années 1980 et qui a été tirée par la consommation. Ce modèle de
croissance basé sur le libéralisme économique a, par ailleurs accru les inégalités sociales
occasionnant un dérèglement de la structure de l’économie américaine, qui a conduit à la crise
actuelle.
1. Hausse de l’endettement, de la consommation et effondrement de l’épargne des
ménages
La hausse de l’endettement, de la consommation et la baisse de l’épargne, dues à
l’accroissement des inégalités sont les causes fondamentales de la crise. En effet, aux EtatsUnis les inégalités de revenu sont considérables. Une infime partie de la population possède la
quasi- intégralité des richesses. Depuis la période 1917-1928, les 10 % les plus riches voient
leur part du gâteau national progresser nettement, passant de 40 % à 49 %.
L’année 2006, enregistre un record historique : les 10 % les plus riches dépassent leur
performance de 1928 et, pour la première fois, ils perçoivent la moitié du revenu des
ménages. La hausse des inégalités suppose empiriquement la baisse de la consommation des
pauvres, non compensée par la hausse de celle des riches, et donc la baisse de la
consommation totale (relativement au PIB). Mais aussi, elle suppose la hausse du taux
d’épargne des riches puisqu’ils deviennent de plus en plus riches (et que plus on est riche,
plus on épargne) ; et une baisse du taux d'épargne des pauvres, accentuée par le crédit.
Cependant depuis des années, on assiste à une hausse de la consommation et à la baisse de
l’épargne.
Cela est dû principalement à l’effet richesse qui désigne l'impact de la variation (à la hausse
comme à la baisse) de la valeur du patrimoine (actifs immobiliers et/ou actifs mobiliers) sur le
comportement des agents économiques en matière de consommation, d'épargne,
1
1
d'investissement, placement et d'endettement. En effet lorsque la valeur de marché d'un actif
(immobilier par exemple) augmente, de manière soutenue et durable, les ménages ont alors
tendance à consommer davantage et à épargner moins. Les entreprises et les ménages tendent
à s'endetter plus pour investir ou placer leurs fonds.
ENCADRE 1. Effet de richesse. L'effet de richesse est un concept dû au professeur Pigou. On l'appelle
aussi "effet d'encaisse réelle" ou "effet Pigou". Il se fonde sur le constat simple que le pouvoir d'achat
augmente quand les prix baissent... Corollairement, la valeur des actifs liquides (financiers), c.à.d. leur
pouvoir d'achat augmente quand les prix baissent ; au premier chef la monnaie détenue par les agents. A
condition bien sûr que la valeur de ces actifs ne soit pas elle-même touchée par les variations de prix.
L’effet richesse est ainsi le résultat de l'optimiste qui résulte de l'augmentation de la valeur des actifs
détenus par un consommateur qui l'incite à faire des dépenses supplémentaires, stimulant ainsi la
croissance. Ces actifs peuvent être soit des titres dont la valeur augmente par suite de l'évolution des
marchés boursiers, soit la résidence dont la valeur augmente par suite de l'évolution du marché immobilier.
L'effet richesse est plus marqué lorsqu'il s'agit d'actifs immobiliers que lorsqu'il s'agit de valeurs boursières.
Aux Etats Unis il a été estimé qu'une augmentation de 100$ de la valeur des biens immobiliers se traduit à
court terme par une augmentation de 2$ des dépenses des ménages à court terme et de 9$ à long terme.
En résumé l’effet de richesse agit comme suit : lorsque le taux d'intérêt du marché monte, la valeur de
revente de l'épargne placée baisse mécaniquement, et donc le pouvoir d'achat potentiel dont on dispose
aujourd'hui aussi: on s'est "appauvri", et on a un effet de richesse négatif. Inversement si le taux diminue,
on devient mécaniquement plus riche : l'effet est positif.
Dans le premier cas, on peut penser que les épargnants, sauf contrainte absolue, vont choisir d'attendre le
terme pour récupérer leur mise de départ et ne pas subir de perte. Dans le second, ils vont être tentés de
profiter de la situation favorable pour désépargner, donc consommer plus, parce qu'ils se sentent plus riches
(d'où "effet de richesse"), leur épargne ayant pris de la valeur, ils peuvent en dépenser une partie tout en
conservant le même niveau d'épargne.
Ce phénomène a été constaté aux Etats-Unis où la hausse durable et soutenue des prix des
maisons sur les marchés immobiliers s'est accompagnée de la croissance de l'endettement des
ménages pour l'achat immobilier, lequel, en augmentant, a soutenu en retour la montée rapide
des prix de l'immobilier. Simultanément, ce puissant effet de richesse positif entretenu par
l'endettement a provoqué une baisse du taux d'épargne.
1
2
Il ne semblait pas vraiment utile de maintenir une épargne de précaution dans une période où
la hausse de la richesse facilitait l'accès à l'endettement etc. Les sommes empruntées
permettaient ainsi aux ménages de consommer plus mais elles étaient aussi utilisées comme
alternative à des crédits autre que ceux hypothécaires (assurance santé, carte de crédit, etc.).

Hausse de l’endettement
La baisse continue du revenu réel aux USA a poussé les ménages américains à avoir recours à
l’endettement pour joindre les deux bouts. Ce dynamisme a été soutenu par la Fed qui a
encouragé le crédit facile pour relancer l’économie et permettre ainsi à des millions de foyers
modestes de devenir propriétaires, moyennant des prêts à des clients dits « subprimes ».
L’endettement des ménages a permis d’augmenter leur consommation avec un revenu
stagnant. Ainsi aux Etats-Unis, la dette des ménages est passée de 62 % du revenu disponible
en 1975 à 127 % en 2006.
Cet endettement a été permis par la croissance de la valeur du patrimoine immobilier et
financier via “l’effet richesse”. En effet, les ménages ne consomment pas seulement en
fonction de leur revenu, ils prennent en compte leur richesse globale qui augmente avec le
patrimoine. Cette croissance de la valeur de l’immobilier a rendu plus facile l'accès à
l'endettement car elle rend l'emprunteur plus solvable dans la mesure où elle peut servir de
garantie en cas de défaut au niveau de sa solvabilité revenu. Aux Etats-Unis, lorsque le bien
immobilier voit sa valeur augmenter, les ménages peuvent accroître leur endettement
hypothécaire à proportion de la valeur du bien gagé.
De plus, les institutions financières s’efforçaient d’étirer au maximum la capacité
d’endettement des ménages grâce à un marketing bancaire à la limite de l’escroquerie. S’est
ainsi créée une bulle à la fois financière et immobilière.
Cette bulle a éclaté lorsque les ménages les plus endettés, qui payaient des “subprimes”
(primes de risque), n’ont pu faire face à leurs échéances, étant soumis à des taux d’intérêts
quasi usuraires. Des millions d’américains ont ainsi perdu du jour au lendemain leur maison
qui a, d’ailleurs, perdu brusquement de sa valeur.
1
3

Accroissement de la consommation et baisse de l’épargne
L’accroissement de la consommation a été possible grâce à l’endettement des ménages.
De 1998 à 2008, le PIB des USA a augmenté de 31% soit 2.7% par an. L’élément moteur de
cette croissance a été la consommation des ménages qui a progressé en moyenne de 3.4% par
an. Sur cette période, la part de la consommation dans le PIB a donc augmenté, passant de
67.1% à 71.6%. Cette augmentation de 4.5 points sur 10 ans permet d’évaluer à un demi-point
la contribution de la consommation à la croissance. Sans ce dynamisme de la consommation
(principal soutien à la croissance), la croissance des Etats-Unis n’aurait pas été plus rapide
que celle de l’Union Européenne.
Le niveau de consommation dépendant du revenu permanent et du patrimoine accumulé, une
appréciation du patrimoine immobilier des ménages, donc de la principale garantie
mobilisable, a induit une diminution du coût du crédit hypothécaire (une baisse de la « prime
de financement externe » exigée par les banques) et a contribué à augmenter la capacité
d’emprunt des ménages. Les fluctuations des prix des logements ont ainsi amplifié celles de la
consommation.
Le surcroît de consommation a été financé par les « extractions hypothécaires » à partir de
2002. En effet, la forte croissance de l’immobilier a contribué à la fois à une augmentation
sensible des refinancements hypothécaires, et à une hausse marquée de la richesse
immobilière, ce qui a, in fine, conduit à une consommation plus forte.
En effet, profitant de la hausse de la valeur de leur bien immobilier et de taux d’intérêts
faibles, les ménages renégociaient leurs prêts hypothécaires sur la nouvelle valeur de leur bien
et utilisait une partie de la nouvelle liquidité extraite pour consommer. Le dynamisme de la
consommation a été supérieur à celui des revenus disponibles et a entraîné au fur et à mesure
la baisse du taux d’épargne. De décembre 1998 à février 2008, ce taux a ainsi chuté à 0,2%.
Cependant, depuis 2006, le phénomène s’est inversé. Le retournement du marché immobilier
s’est traduit par un ralentissement marqué de la demande en prêts hypothécaires et, par suite
de la consommation. Désendettement et hausse de l'épargne se cumulent pour contribuer à
1
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faire baisser fortement la consommation sur les différents marchés conduisant à l’éclatement
de la bulle immobilière.
2. La bulle immobilière
La bulle immobilière est le résultat d’une accélération rapide des prix immobiliers et du crédit
hypothécaire. Après l’éclatement de la bulle des nouvelles technologies de l’information et de
la communication en 2001, le gouvernement américain a mis en place une série de mesures
visant à améliorer les conditions de vie des ménages. Parmi ces mesures on note une baisse
extraordinaire du taux de la banque centrale américaine, taux ramené en un temps très court
de 6 % à 1 % (soit un taux réel négatif, si on tient compte de l’inflation).
Cette baisse de taux a grandement facilité le crédit hypothécaire et lancé la bulle immobilière.
En effet, avec des taux d’intérêts moins élevés, les ménages américains bénéficient d’une
richesse supplémentaire sur les maisons empruntées. Ils ont alors profité de l’extraction
hypothécaire pour s’endetter encore plus. C’est ainsi que le taux d’endettement des ménages
américains a bondi de 107 % en 2001 à 140 % en 2006, ouvrant la voie à la crise de
surendettement actuelle.
L’accroissement de la richesse patrimoniale a accru la demande de logements des ménages
américains. La demande augmentant et l’offre étant plus rigide à court terme (parce qu’il faut
un certain temps pour construire plus de logements), les prix des maisons ont monté. De façon
indirecte, les banques aussi ont entretenu les hausses des prix sur le marché puisqu’elles ont
continué à soutenir la demande en procurant à leurs clients des moyens de financement.
Cependant, la FED a progressivement relevé son taux directeur de 1 % à 5,25 %, entre 2004
et 2006, et les prix de l’immobilier ont commencé à chuter dans plusieurs régions des ÉtatsUnis à partir de 2006. Le marché immobilier américain a ainsi perdu aux alentours de 20 %
durant les 18 derniers mois précédant la crise.
A la suite de la hausse du taux directeur de la FED, les ménages n’ont pas pu faire face aux
remboursements de leurs prêts généralement assortis de taux d’intérêt révisables indexés sur
les taux directeurs de la FED majorés d’une prime de risque « subprime ». Les banques ont
alors entrepris de revendre les logements saisis. L’afflux de mises en vente a aggravé le
1
5
déséquilibre du marché immobilier où les prix se sont effondrés et ceci a aboutit à
l’éclatement de la bulle immobilière et à la crise financière actuelle.
II. Naissance et généralisation de la crise
Les crises financières pour la plupart trouvent leur origine dans une prise de risque excessive
des acteurs du marché. Ces risques sont en général des risques de marchés qui sont liés aux
variations des taux ou des cours des actifs (risque de taux, risque de change) ; des risques de
crédit liés à la fiabilité d’une contrepartie et des risque liés au fonctionnement même du
marché et à la possibilité ou non de revendre un actif (risque de liquidités).
La crise financière actuelle, en cours depuis l’été 2007 a débuté avec l’éclatement de la bulle
immobilière américaine. Elle s'est fortement aggravée en 2008 à partir de la semaine du 14
Septembre 2008 lorsque plusieurs établissements financiers américains entrent en situation de
faillite.
1. Naissance de la crise
La crise financière mondiale qui a débuté pendant l’été 2007 est partie de la crise des
subprimes qui est le résultat d’une offre excessive de crédits hypothécaires aux ménages
américains sans prise en compte de leur capacité de remboursement. De plus, les
établissements de crédits ont transformé leurs créances immobilières en des titres qui ont été
vendus à des fonds de pensions et à des banques américaines. Le non paiement de ces crédits
s’est ainsi répercuté sur le bilan de l’ensemble des acteurs. En effet, les établissements
concernés ont vu le déficit de leur bilan s’aggraver du fait de la dépréciation des actifs, ce qui
a conduit à une perte de confiance généralisée entre banques.
La perte de confiance entre banques a conduit à un assèchement du marché interbancaire
conduisant ainsi à une crise de liquidités, qui s’est traduite par une envolée des taux
interbancaires et des taux de refinancement des banques. Elle est renforcée par l’asymétrie
d’informations entre banques, qui sont donc réticentes à se prêter entre elles. Certaines
banques en sont arrivées à acheter à des taux élevés pour refinancer des crédits qu’elles ont
accordés à des taux moindres. Les Banques Centrales américaines et européennes ont, pour
éviter tout risque de crise systémique, procédé à une injection importante de capitaux. C’est
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ainsi que le 09 Aout 2007 par exemple, la BCE a injecté sur le marché 94,8 milliards d’Euro
et la FED 24milliards de dollars US.
Les conséquences sur les comptes des banques sont énormes. Elles subissent une dépréciation
substantielle d’actifs à partir du troisième trimestre de 2007. Les établissements financiers les
plus vulnérables sont tombés en faillite, d’autres sont rachetés par des concurrents en
meilleure posture ou nationalisés. C’est le début d’une réaction en chaîne qui va toucher des
banques dans le monde entier.
NorthernRock, établissement spécialisé dans le crédit immobilier au Royaume-Uni, sera
nationalisé en février 2008, faute de repreneur, après que les images des longues files
d’épargnants venus retirer leur argent en catastrophe aient fait le tour du monde. En France,
BNP-Paribas a été obligé de fermer plusieurs de ses fonds. La Société Générale a annoncé une
dépréciation de 2 milliards d’euros suite à cette crise.
Les marchés financiers internationaux par l’effet de contagion, ont, eux aussi, subi les effets
de la crise. Des indices boursiers, comme le CAC40 de la bource de Paris par exemple, ont
perdu 1000 points soit 20% de leur valeur.
2. La généralisation de la crise
Au-delà de la chaîne des effets directs (insolvabilité des emprunteurs subprime, faillite des
sociétés de crédit spécialisées, pertes de la part des grandes banques qui les détenaient ou
travaillaient avec elles), l'essentiel des effets de la crise des subprimes est indirect. En effet,
partant des ménages dont les maisons ont été saisies, la crise a remonté progressivement la
chaîne : les prêteurs hypothécaires spécialisés, les banques, les rehausseurs de crédits, puis les
agences gouvernementales américaines chargées de refinancer les crédits immobiliers,
Freddie Mac et Fannie Mae. Cette généralisation de la crise s’est faite à travers différents
mécanismes.
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Encadré 2 : Fannie Mae et Freddie Mac. Fannie Mae (Federal National Mortgage Association) et
Freddie Mac (Federal Home Loan Mortgage Corporation) sont des agences de refinancement hypothécaire. Ce
sont deux sociétés privées, qui ne sont pas liées formellement à l'Etat américain mais qui disposent d'une ligne
de crédit garantie par ce dernier. Cette facilité leur permet d'emprunter de l'argent sur le marché à des taux
bien plus faibles qu'une banque.
Les banques dégagent ainsi des liquidités qui leur permettent d'effectuer de nouveaux prêts, contribuant ainsi
au dynamisme du marché immobilier. Fannie Mae et Freddie Mac détiennent ou garantissent ainsi plus de
40% des prêts immobiliers accordés aux Etats-Unis. Les deux groupes assurent depuis quarante ans la fluidité
du marché du crédit immobilier américain et ont permis de faciliter l'accès à la propriété de la classe moyenne
américaine.

La transmission de la crise par la titrisation
Le premier canal de transmission de la crise réside dans le phénomène de la titrisation de
créances. La titrisation est un instrument de financiarisation de marchés tels que le marché
immobilier.
La titrisation a porté à l'origine sur des prêts immobiliers, puis s'est étendu aux prêts à la
consommation et aux crédits commerciaux. Une telle titrisation s'opère en regroupant un
portefeuille de créances de nature similaire (prêts immobiliers, prêts à la consommation,...)
que l'on cède alors à une structure ad hoc (fonds d’investissements classiques, fonds
spéculatifs, etc.) qui en finance le prix d'achat en plaçant des titres auprès d'investisseurs. Les
titres (obligations, billets de trésorerie, ...) représentent chacun une fraction du portefeuille de
créances titrisées et donnent le droit aux investisseurs de recevoir les paiements des créances
sous forme d'intérêts et de remboursement de principal.
La titrisation peut également viser à ne transférer aux investisseurs que le risque financier lié
aux actifs concernés, auquel cas les actifs ne sont pas vendus, mais le risque ou partie du
risque est transféré grâce à une titrisation synthétique. La titrisation est donc pour les banques
et les assurances, mais aussi pour des émetteurs non financiers, un instrument de gestion de
bilan. Il s'agit d'éliminer du bilan soit des actifs à faible risque pour les transformer en
liquidité, soit des actifs à haut risque de façon à cantonner la perte.
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Le marché des subprimes a été massivement financé par la titrisation, les créances de
mauvaise qualité étant regroupées dans des véhicules de refinancement et transformées en
titres négociables restructurés souscrits par les investisseurs du monde entier sans qu’ils aient
une juste notion du risque sous-jacent. Ainsi, l’insolvabilité des débiteurs et la chute des prix
de l'immobilier ont provoqué la chute ou la faillite de plusieurs entreprises de prêts
hypothécaires à risque tels que la en avril 2007, conduisant à l'effondrement du prix des
actions de l'industrie du crédit.
Encadré 3. Le marché des « subprimes » est constitué de prêts risqués qui peuvent être hypothécaires
(gagés sur l’immobilier résidentiel), des cartes de crédit, de la location de voitures et autres, accordés à une
clientèle peu solvable ou à l'historique de crédit difficile. Ce marché s'est largement développé aux ÉtatsUnis à partir de 2001, passant d'un montant de 200 milliards
USD pour les prêts hypothécaires en 2002 à
640 milliards USD en 2006. Ce montant représentait 23 % du total des prêts immobiliers souscrits.
Les emprunteurs à risque peuvent contracter un emprunt
immobilier sur ce marché, moyennant un taux
d'intérêt révisable généralement indexé (par exemple sur le taux directeur de la Fed), majoré d'une
« prime
de risque » (subprime) pouvant être très élevée. Typiquement, les premières années du prêt (1, 3
ou 5 en général) sont couvertes par un
taux d'intérêt fixe promotionnel qui devient ensuite variable. Les
emprunteurs hypothécaires américains ont la possibilité d'emprunter jusqu'à 110 % de la valeur de
l'immeuble objet du prêt, d'avoir la possibilité de ne rembourser que la partie intérêt de leur mensualité, un
intérêt d'ailleurs entièrement déductible d'impôts.

La transmission par les fonds d'investissement
La deuxième courroie de transmission de la crise est constituée des fonds d'investissement qui
ont eux-mêmes acheté les créances titrisées. Les fonds d'investissements ont été créés au
début des années 1980. Ils collectent l'argent de grands investisseurs (assureurs, fonds de
pension, fonds souverains...) et utilisent cet argent pour acheter des entreprises, si possible en
totalité, et les revendent avec profit quelques années après. Leur ascension spectaculaire à
partir des années 2000 tient évidemment au coût très faible de l'argent qui leur a permis de
jouer au maximum de l'effet de levier pour acquérir des entreprises de plus en plus grosses.
Le système fonctionnait, car la hausse continue de la Bourse entre 2003 et 2007 permettait de
revendre toujours plus cher. De plus les crédits subprimes offrant des rendements élevés dus
au paiement par l’emprunteur d’un taux d’intérêt plus élevé que pour le marché prime, les
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investisseurs ont exercé une forte demande de ce type de produits afin de doper les
performances de leurs fonds d’investissement. Ces fonds se sont trouvés en difficulté du fait
de la chute de la valeur de leurs actifs. Ils sont dans l’incapacité de se refinancer au jour le
jour sur un marché devenu extrêmement méfiant. L'effondrement de la valeur de deux fonds
d'investissement de la banque américaine Bear Stearns, révélé le 17 juillet 2007, a donné le
signal de la crise de confiance. Tous les fonds d'investissement sont alors devenus suspects.

La contagion dans le système bancaire, les dépréciations d’actifs
Les fonds d'investissement appartiennent ou sont financés par les banques. Ces dernières
reprennent donc par ce biais les risques qu'elles avaient dans un premier temps confiés aux
marchés. La communauté financière s’est alors rendu compte, à l’été 2007, que l’ensemble du
système bancaire international supportait des risques de crédits, non seulement dans les fonds
que les banques finançaient, mais aussi dans les fonds qu’elles géraient.
Les banques du monde entier ont donc dû passer chaque trimestre dans leurs comptes des
dépréciations de la valeur de leurs actifs liées aux subprimes afin de respecter les normes
comptables et d’évaluation des risques. En effet, les banques sont tenues de valoriser leurs
actifs au prix du marché (« mark to market »), ce qui les a forcées
à procéder à des
dépréciations massives lorsque les dérivés de crédit immobilier « subprime » se sont
effondrés.
Ces charges ont réduit leurs fonds propres, les obligeants à se recapitaliser en urgence et/ou à
vendre des actifs pour tenir leurs obligations réglementaires et conserver leurs notations
financières. Au final, ces institutions ont donc été contraintes d’afficher des pertes colossales
dont le montant s’élevait, à la fin du premier semestre 2008, à quelque 400 milliards d’euros,
entrainant la faillite de certaines d’entre elles, à l’instar de Lehman Brothers.
Les incertitudes sur les engagements directs et indirects des établissements financiers en
matière de crédit à risque, mais aussi la crainte d’un ralentissement général des activités de
banque de financement et d’investissement, très rentables et moteurs de la croissance au cours
des années précédentes, ont fini par entraîner une véritable crise de confiance entre banques.
Un mouvement de faillites et de recomposition du paysage bancaire international s’est alors
engagé sur fond de chute généralisée des bourses.
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III. Répercussions de la crise sur les différents secteurs de l’économie
Le système bancaire assure le financement des activités du secteur privé à partir des dépôts
collectés et des transactions interbancaires. Il occupe une place centrale dans l’économie de
marché. C’est pourquoi, les problèmes qu’il rencontre ne manquent pas de se répercuter sur
l’économie dans son ensemble.
La crise financière des risques subprimes a enregistré dans son lot de conséquences : la chute
de la production, de la consommation, l’augmentation du chômage, la hausse de l’inflation,
des taux d’intérêt, du déficit extérieur, les restrictions de crédit, la morosité croissante des
banques, le prix des matières premières qui ont battu tous les records. Ses effets peuvent ainsi
être déterminés sur les plans économique et social.
1. Les secteurs porteurs de croissance touchés par la crise
La propagation de la crise financière a été un facteur d'aggravation et de diffusion d’une crise
économique, via la crise de liquidité, le resserrement du crédit et l'effet de richesse devenu
négatif (la forte baisse de valeur des actifs boursiers réduit la valeur du patrimoine de ceux qui
détiennent ces actifs, et les oblige à consommer moins avec le resserrement du crédit).
Les économies de tous les pays sont touchées de manière plus ou moins prononcée, via une
réduction de la croissance économique et une hausse du chômage. Les problèmes rencontrés
par certains secteurs clés de l’économie des pays développés tels que l’automobile et
l’immobilier permettent de mettre en exergue l’ampleur des effets de la crise au niveau du
secteur réel.

Le secteur de l’immobilier
Après les Etats-Unis, c’est surtout en Espagne que la crise immobilière a été la plus profonde ;
en Espagne où la croissance de l’économie est largement due à l’immobilier, qui représente
près de 18% de son PIB, les transactions immobilières ont baissé de quelque 60% au premier
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trimestre 2008. Les prix y ont atteint 20% de baisse ; ce qui a pu entraîner des pertes de
250 000 emplois.
La plus grande partie des crédits contractés par les ménages espagnols a été absorbée par le
secteur de l'immobilier : le cumul des hypothèques destinées aux ménages, des crédits pour la
construction, et de ceux destinés aux professionnels de l'immobilier représente 60% du total
des crédits du système financier espagnol. D’un autre point de vue, le crédit accordé aux
activités immobilières représente le double de celui destiné à l'industrie. En septembre 2008,
les permis de construire ont chuté de 59%.
La France a été frappée elle aussi par le renchérissement du crédit. Dans le secteur de la
construction de logements, le volume des transactions y a chuté de 25%, entrainant dans la
crise le secteur du BTP, traditionnellement gros pourvoyeur d'affaires et d'emplois.
Les problèmes rencontrés par l’immobilier ont aussi un impact sur la consommation. En effet,
les ménages ne pouvant plus se servir de leur maison comme hypothèque pour emprunter et
consommer, l’activité est asphyxiée par le manque de crédits à consentir aussi bien aux
acquéreurs qu'aux professionnels.

Le secteur de l’automobile
L'industrie automobile, aussi bien européenne qu'américaine, est après le secteur immobilier,
la première grande victime de la crise financière. La vitesse à laquelle le secteur subit les
conséquences du ralentissement économique est considérable. En France PSA PeugeotCitroën a enregistré un recul de 8.7% de ses ventes, aux Etats-Unis les ventes totales ont
baissé de 35.7% en décembre 2008. Aucun constructeur n'échappe à une révision à la baisse
de ses perspectives de bénéfices. En effet, entre l'assèchement du crédit, les menaces de
chômage et le pouvoir d'achat en baisse, les consommateurs européens et américains
n'achètent plus de voitures.
Aux Etats-Unis, General Motors, premier constructeur du pays et Chrysler sont les plus
touchés par la crise. GM a enregistré en Octobre 2008 une baisse de 45% de ses ventes aux
Etats-Unis due surtout à la chute des ventes de gros 4x4 et pick-up, ses modèles les plus
rentables.
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La crise du crédit aura été cruelle pour les constructeurs automobiles des Etats-Unis, General
Motors, Chrysler et Ford, dans un contexte où les banques rechignent à prêter aux
consommateurs. Le secteur de l’automobile américain a terminé l'année 2008 en implorant le
Congrès pour une avance de 34 milliards de dollars pour échapper à la faillite. General
Motors et Chrysler avaient, par ailleurs, averti qu'ils risquaient de déposer le bilan dès le
début de 2009 sans aide des pouvoirs publics.
La crise est tout aussi importante en Europe où les constructeurs automobiles annoncent des
baisses successives de leurs ventes. Au mois de Novembre 2008, les ventes de véhicules neufs
de l'industrie automobile française, qui emploie 10 % de la population active, accuse une
baisse de 7,3 % par rapport à l'année dernière. Les ventes des deux groupes français PSA
Peugeot Citroën et Renault ont reculé respectivement de 4,7% et de 9,8% au mois d’Octobre
2008.
Le constructeur allemand de voitures de sports Porsche a annoncé avoir enregistré un recul de
39% de ses ventes en Amérique du Nord en Octobre par rapport au même mois de 2007 en
raison de la crise économique.
En Italie, Fiat a annoncé la fermeture d'usines et des mises à pied temporaires dans des usines
de Turin, Melfi, Imola et en Sicile du fait d’une chute progressive des ventes dans le pays qui
a atteint 20% pour les mois d’Octobre et de Novembre 2008.
Le constructeur allemand Daimler a lui aussi décidé de suspendre sa production pendant un
mois à compter de décembre 2008. Peugeot, Volvo et Fiat ont également adopté des mesures
similaires. Le groupe Renault a annoncé une réduction de personnel de près de 6000
personnes, et ses 10 usines en France vont suspendre leur activité pendant une à deux
semaines
Les pays émergents ne sont pas épargnés par la crise, particulièrement le Brésil, et même la
Chine où la hausse du marché atteignait encore 20% à 30% ces dernières années et où les
immatriculations ont chuté de 10,3% en novembre 2008. Dans le reste de l’Asie, même
Toyota a dû avertir en novembre 2008 que ses bénéfices allaient plonger en 2009 à leur plus
bas niveau depuis neuf ans.
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Pour faire face à cette baisse des ventes qui ont largement dépassé les 40% dans de nombreux
pays, les constructeurs européens et américains mais aussi asiatiques ont adopté des mesures
afin de sortir le secteur de l’automobile de la crise. Il s’agit, entre autres, d’un recours au
chômage technique (en suspendant leur production pour un certain temps) et d’une réduction
de personnel etc.
Les Etats ont eux aussi mis en place des stratégies pour aider ces constructeurs à faire face à
la crise. C’est à cet effet que le Trésor des Etats-Unis a étudié les moyens de fournir au mieux
une assistance financière destinée à faciliter une fusion éventuelle entre General Motors et
Chrysler. Le montant de l’aide s’est élevé à 13,4 milliards de dollars En France, le président
de la République, Nicolas Sarkozy a annoncé une prime à la casse de 1.000 euros pour
soutenir le renouvellement du parc automobile.
Les secteurs de l’automobile et de l’immobilier ont été les plus touchés par la crise dont les
répercussions sont visibles dans l’ensemble des pays développés à partir du quatrième
trimestre 2008. Face à la recrudescence des problèmes que rencontrent les secteurs porteurs
des économies développées, ces dernières sont entrées en récession.
2. Des économies développées ou émergentes en difficultés
La crise a mis en difficultés l’économie de beaucoup de pays développés ou émergents, qui
sont plus intégrés dans les marchés financiers. La plupart d’entre eux sont entrés en récession
depuis le début de la crise. C’est le cas aux Etats-Unis qui est en récession depuis Décembre
2007 ou de l’Espagne qui l’est depuis le dernier trimestre de 2008. L’étude de la situation de
certains pays pourrait permettre de mesurer l’ampleur de la crise.

Les Etats Unis
L’impact du krach immobilier est énorme aux Etats-Unis. Les premiers effets se sont faits
sentir dans les domaines qui, pendant longtemps, ont fortement profité du financement par
crédit. C'est le cas, par exemple, de la vente de véhicules automobiles, qui a chuté au cours
des derniers mois aux Etats-Unis en raison de la difficulté qu'éprouvent les acheteurs au
revenu modeste à accéder à des crédits.
Le produit intérieur brut des Etats-Unis a reculé de 0,5% au troisième trimestre 2008 (en
rythme annuel) par rapport au précédent selon le chiffre définitif publié par le département du
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Commerce américain. Le taux de croissance du PIB des Etats-Unis tomberait à 2,6 % en 2008
et à 2,5 % en 2009. En effet, il y a une baisse de la plupart des composantes principales du
PIB. Il ya un recul notoire des dépenses de consommation, qui en temps normal, assurent 70%
de la croissance de l'économie américaine.
La baisse découle d'une chute des achats de biens durables de 14,8%, et d'un recul marqué des
achats de biens non durables (-7,1%) pour le troisième trimestre 2008. Ce recul est de 3,8% en
rythme annuel au troisième trimestre, faisant perdre 2,75 points (au lieu des 2,69 estimés
précédemment) de croissance à la première économie mondiale.
Ces chiffres traduisent le fait que la crise a conduit nombre d'Américains à réduire leur
consommation et à reporter leurs gros achats, du fait conjugué de la hausse du chômage et de
la difficulté à obtenir des crédits.
Les investissements privés dans le logement ont chuté de 16,0% faisant perdre 0,60 point de
croissance aux Etats-Unis au troisième trimestre. De plus, les dépenses d'investissements hors
logement ont reculé plus que prévu (de 1,7% et non 1,5%).
Cependant, le recul du PIB a été freiné par le commerce extérieur, mais celui-ci n'a finalement
apporté que 1,05 point de croissance. La hausse des exportations a été revue à 3,0% (contre
3,4%) et le recul des importations s'est établi à 3,5% (au lieu de 3,2%).
Tirée par des dépenses militaires au plus haut depuis le début de la guerre en Irak, la hausse
des dépenses de l'Etat (Etat fédéral et collectivités territoriales), autre élément ayant contribué
à freiner le recul du PIB, a été revue à 5,8% (au lieu de 5,4%), ce qui reste leur plus forte
progression depuis le printemps 2003. Leur contribution à la croissance a été de 1,14 point.
L'indice des prix liés aux dépenses de consommation (PCE), référence de la Réserve Fédérale
pour jauger l'inflation, a finalement progressé de 5,0% en rythme annuel au troisième
trimestre. Hors énergie et alimentation, sa hausse a été de 2,4%.

La France
En France, presque tous les secteurs sont touchés par la crise, l’immobilier, le bâtiment, la
construction d’automobile, le transport etc. La baisse du pouvoir d’achat, les difficultés, voire
l’impossibilité d’accéder au crédit ont eu raison de la consommation des ménages français.
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Ainsi, les secteurs de l’immobilier, du bâtiment, de l’automobile enregistrent des baisses
record.
Les ventes de logements neufs ont chuté de 44% au troisième trimestre 2008 et devraient
également baisser en 2009 (environ 60.000, contre 80.000 en 2008 et plus de 120.000 en
2007). Entre août et octobre 2008, les mises en chantier de logements ont reculé de 20,6%,
comparé au niveau atteint à la même période un an plus tôt. Tandis que pour l’automobile les
marques françaises enregistrent des baisses de ventes de 7% pour le mois d’octobre 2008,
avec une part de marché qui s'effondre à 53% dans l’Hexagone.
Les problèmes touchent aussi les banques et le marché des actions. Les pertes enregistrées par
les banques françaises dépassent 11 milliards d’euros. Si BNP Paribas est la moins touchée
(avec 1 milliard de pertes), la Société Générale a enregistré un résultat net en baisse de 87%
pour le troisième trimestre 2008. De leur côté, les groupes Banque Populaire, Caisse
d’Epargne et Crédit Agricole enregistrent des pertes équivalentes à 4,6 milliards d’euros.
La France entraînée par le ralentissement mondial depuis un an, lié à la crise financière, a
connu une récession en 2008, après trois trimestres de croissance négative (– 0,3% au
deuxième ; – 0,1% au troisième ; – 0,1% au quatrième) selon l’INSEE. Elle devra aussi faire
face à une baisse de ses exportations, en raison d’une diminution de l’activité chez ses
principaux partenaires commerciaux. La demande mondiale adressée à la France se replierait
de plus de 3 % entre le troisième trimestre 2008 et le deuxième trimestre 2009, alors qu’elle
avait progressé de 6 % en 2007.

L’Espagne
Depuis le début de l'année 2008, l'Espagne fait face à un très fort ralentissement économique,
avec pratiquement tous les indicateurs qui se sont dégradés : croissance, emploi, comptes
publics, etc. L'Espagne met ainsi un terme à plus d'une décennie de forte croissance, portée
notamment, par l'explosion de son marché immobilier.
Le remboursement des crédits immobiliers, dit « la hipoteca » est au cœur du problème
économique en fin 2008 et début 2009. Le poids de l'endettement immobilier, 540 milliards
d'euros, soit 70 % du produit intérieur brut (PIB), fragilise l'économie. Surtout depuis que les
craquements américains débordent les frontières des Etats-Unis.
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La cinquième économie du continent européen, qui a régulièrement affiché des taux de
croissance annuels proches de 4% ces dernières années, a enregistré au troisième trimestre
une croissance négative de 0,2% par rapport au deuxième. Selon la Banque Centrale et
l'Institut national de la statistique (INE) espagnole, l‘économie espagnole est entrée en
récession pour la première fois depuis 15 ans au 4ème trimestre 2008. La Banque d’Espagne
explique que la contraction de l’activité observée au troisième trimestre 2008, s’est prolongée
au cours des trois derniers mois de l’année. De 3,8% en 2007, la croissance espagnole devrait
passer selon le FMI à 1,4% en 2008 et devenir négative à -0,7% en 2009.
Au troisième trimestre 2008, le chômage en Espagne atteignait 11,33% de la population
active. Le Fonds monétaire international (FMI) anticipe 14,7% en 2009. Les répercussions de
la crise sont telles que les chômeurs espagnols ont repris les chemins des champs pour
effectuer des travaux jusque là réservés aux immigrés.

L’Italie
L'Italie, troisième économie de la zone euro, est entrée en récession au troisième trimestre
2008, son Produit intérieur brut (PIB) ayant reculé de 0,5% après une contraction de 0,3% au
deuxième trimestre, selon une première estimation publiée en novembre par l'Institut de la
statistique (ISTAT). Ce recul de 0,5% par rapport au trimestre précédent est beaucoup plus
élevé qu'attendu. Par rapport au troisième trimestre 2007, le PIB s'est contracté de 0,9% alors
que les économistes s'attendaient à un recul de 0,3%.
De plus, l’amélioration en début 2008 du solde extérieur italien n’a pas résisté au
ralentissement des principaux partenaires commerciaux du pays puisque les exportations ont
chuté de 3,1% en glissement annuel. L’investissement est en fort recul : les composantes
« biens d’équipement » et « transport » chutent respectivement de 3.5% et 2.2%.
Le gouvernement italien table officiellement sur une croissance de 0,1% en 2008 et de 0,5%
en 2009. En Juillet 2008, les économistes ont abaissé leurs prévisions de croissance pour
l'Italie à 0,4 pour cent contre 0,5 pour cent et ont réduit les perspectives pour 2009 à 0,7%.
Mais d’après le FMI, la croissance s’établirait en 2008 et 2009 à 0,3 % dans ce pays.
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
La Chine
La Chine n'est pas épargnée par la crise économique et financière actuelle qui secoue la
planète. Les baisses du taux directeur témoignent de la volonté des autorités chinoises de
tenter de soutenir son économie après des mois de hausse des taux d’intérêt pour tenter
d'endiguer la surchauffe. Mais désormais, la croissance chinoise est passée bien en dessous
des 10%. Une quasi récession pour un pays en plein développement avec des zones rurales
encore d'une très grande pauvreté.
Selon la Commission nationale pour la réforme et le développement (CNRD), tout le pays est
touché par la crise, plus seulement les zones côtières très industrialisées mais aussi les régions
intérieures ; ni seulement les grandes entreprises mais aussi les petites et moyennes, ou
seulement les firmes exportatrices mais aussi toutes les entreprises chinoises. Le secteur
automobile est, notamment, touché par la baisse de croissance de l'économie nationale. Selon
certaines estimations, la croissance du marché des voitures particulières a baissé de plus de
moitié, passant de près de 22 % en 2007 à moins de 10% en 2008.
En outre, les experts ne s'attendent pas à son rebond en Chine avant 2010, voire plus tard.
Pour une relance de ce secteur qui fait vivre 150 autres industriels, notamment dans l’acier et
dans la pétrochimie, la l'agence chinoise de planification économique a prévu un plan de
sauvetage du secteur automobile avec, notamment, une réduction de 10% de la taxe sur les
achats de voitures afin de les relancer.
Cependant, les économistes misent sur un redémarrage de l'économie chinoise au deuxième
semestre 2009. Pékin pourrait décider d'aider certains secteurs en difficulté, par exemple le
transport aérien. Le marché spécule, notamment, sur des soutiens qui seraient apportés aux
acteurs de ce secteur, comme à China Eastern, troisième compagnie aérienne chinoise. Il y
aura aussi des réductions accrues d'impôts sur les exportations pour les machines outils ou les
produits électroniques.
3. Les effets sociaux de la crise
Au-delà des reports de projets d'investissements, les difficultés de trésorerie qui se
multiplient, les nombreuses faillites d’entreprises, la récession qui touche beaucoup de pays
etc., les effets de la crise sur le plan social se font sentir. Les premiers effets de la crise au
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niveau social se font surtout sentir avec la remontée du taux de chômage, la baisse du pouvoir
d’achat et le reflux des flux de capitaux etc.
a. Les pertes d’emplois
L’accroissement du taux de chômage est visible dans tous les pays touchés par la crise. Le
ralentissement de l’activité économique s’est fait sentir plus tôt aux États-Unis, où le taux de
chômage était de 6.5 % en octobre 2008 et où le rythme des destructions d’emplois
mensuelles avait atteint un niveau inégalé depuis sept ans. Au cours des douze derniers mois,
le nombre de chômeurs s’est accru de 2.8 millions environ dans ce pays.
La situation est tout aussi déplorable dans la zone OCDE où plusieurs pays sont entrés en
récession. D’après le numéro des Perspectives économiques de l’OCDE paru en Novembre
2008, la zone pourrait atteindre un taux de chômage moyen de 7.3% d’ici à 2010.
Globalement, il ressort de ces prévisions que le nombre de chômeurs dans la zone de l’OCDE
passera de 34 millions en 2008 à 42,1 millions en 2010, soit la plus forte progression du
chômage enregistrée dans les pays de l’OCDE depuis le début des années 90.
Dans l’UE des 15, le chômage progresse aussi, mais plus lentement. En Espagne et en Irlande,
toutefois, il a enregistré une hausse sensible en 2008, sous l’effet d’une forte chute de la
construction résidentielle, conduisant à des pertes importantes d’emplois dans le secteur, alors
qu’en France et surtout en Allemagne, le nombre de chômeurs n’a pas encore augmenté de
façon sensible. L’emploi diminue au Japon, avec une hausse du taux de chômage depuis le
début de l’année, mais par rapport à des taux très faibles.
En Chine, le taux de chômage évolue actuellement autour de 4 et 5% de la population active
urbaine, soit environ 8,3 millions de personnes selon le ministère du Travail et de la Sécurité
Sociale.
Le chômage touche de façon disproportionnée les travailleurs de certains secteurs qui sont
impliqués directement ou non dans la bulle immobilière. Il s’agit entre autres des secteurs de
l’immobilier qui est un des secteurs les plus touchés dans des pays comme l’Espagne. Mais
aussi de la construction automobile par exemple aux Etats unis où l’emploi a connu un repli
de 14% en Octobre 2008par rapport à l’année précédente contre une baisse d’un peu moins de
1% de l’emploi total.
2
9
Parmi la population la plus touchée par le chômage se retrouvent surtout des jeunes, des
immigrants, les travailleurs peu qualifiés et les travailleurs temporaires. L’emploi temporaire
a par exemple diminué de 8% au troisième trimestre 2008 en Espagne et l’emploi dans les
agences d’intérim a reculé de 10 % sur la même période en France.
b. La dégradation des conditions sociales
Les principaux effets de la crise sur les personnes physiques sont : la baisse du niveau de vie,
du pouvoir d’achat des ménages, l’aggravation de la pauvreté etc. Dans les pays développés,
les populations sont confrontées non seulement à des pertes d’emploi, de logements, à la
baisse de leur consommation (à cause de la réduction du crédit), mais aussi à la hausse du
nombre de pauvres. En effet, des sommes importantes sont injectées dans leur système
financier.
C’est le cas aux Etats-Unis où le gouvernement de l’administration Bush a proposé de 700
milliards qui verrait le gouvernement racheter aux banques leurs actifs douteux liés aux prêts
hypothécaires, alors qu’elles auraient pu servir au financement de programmes visant à
promouvoir la baisse de la pauvreté ou la création d’emplois. Les pertes seront tout aussi
importantes dans les pays pauvres dans la mesure où la diminution des recettes fiscales des
pays de l’Europe et des Etats-Unis aura forcément un effet sur l’aide étrangère qui est
financée par ces mêmes recettes fiscales.
Dans les pays pauvres et particulièrement en Afrique, les problèmes sociaux seront accentués
par :

la baisse des prix des matières premières d’origine agricole et minière pour les
producteurs et les exportateurs ce qui pourraient entraîner de graves problèmes
de liquidités et de financement extérieur. En outre, cette baisse des prix ne
concerne pas toujours dans la même mesure les produits de grande
consommation importée et constitue donc pour les producteurs ruraux une
perte nette de revenus non compensée par les gains de pouvoir d’achat des
consommateurs urbains ;

des risques de baisse des investissements directs étrangers qui commençaient à
prendre la direction africaine dans le financement de secteurs porteurs de
croissance comme les infrastructures. En effet les taux de croissance record
3
0
enregistrés en Afrique au cours de ces dernières années sont en partie dus aux
investissements privés étrangers qui jouent un rôle de plus en plus important
dans le développement économique du continent. Le ralentissement des flux
d’investissement pourrait avoir des conséquences sévères sur le développement
des infrastructures qui sont majoritairement financées par ces flux ;

des risques de baisse de l’Aide Publique au Développement qui est cruciale
pour le financement des activités de développement des pays africains au vu
des sommes importantes décaissées par les gouvernements occidentaux pour la
restructuration de leur économie et l’appui à leurs banques qui sont en état de
faillite. La diminution de l’aide aurait pour conséquence de menacer la vie de
millions d’Africains dont les gouvernements dépendent de cette aide pour faire
face aux défis de lutte contre la pauvreté, la faim et les épidémies telles que le
paludisme, la tuberculose et le VIH/SIDA ;

la diminution probable des transferts des migrants qui sont les premières
victimes des pertes d’emploi en Europe. En effet, une étude récente de l'INSEE
montre que le taux de chômage des immigrés est le double de celui des
Français de souche.
La crise pourrait ainsi déprécier les taux de réalisation des Objectifs du Millénaire pour le
Développement. En définitive, la croissance qui avait bien repris, risque de se déprimer
entraînant l’accentuation de la pauvreté. Une situation qui va alourdir les problèmes que
traversent certains pays africains qui sont confrontés à une situation macro- économique liée
à la crise financière ou pas.
3
1
Deuxième partie : les répercussions de la crise sur
l’économie sénégalaise
Les effets négatifs de la crise financière, économique et sociale, ne se limiteront pas en 2009
aux seules économies des pays développés ; ils affecteront aussi celles africaines qui, pourtant
avaient commencé à connaitre des taux de croissance élevés. Outre la baisse des recettes
d’exportations, la diminution des flux financiers étrangers est le risque le plus important que
courent les pays africains dépendants de l’aide publique au développement.
L’économie sénégalaise particulièrement, étant fortement tributaire de l’extérieur, la crise ne
manquera pas d’avoir des conséquences instables sur la croissance qui a été tirée depuis la
dévaluation par des secteurs comme le bâtiment, les télécommunications, l’industrie
agroalimentaire, et le commerce.
I. Les facteurs d’aggravation des répercussions de la crise
La détérioration de la situation budgétaire et financière, le déficit persistant de la balance
commerciale mais aussi la dépendance économique et financière du Sénégal envers le reste du
monde et des transferts des émigrés, font que la crise financière actuelle est sources de
menaces pour la stratégie de croissance et de développement du Sénégal.
1. La détérioration de la situation budgétaire
A partir de 2006, le Sénégal qui s’était distingué au cours des dernières années par une gestion
saine et équilibrée de ses finances publiques, connaît des tensions de trésorerie qui ont fini par
entraîner une accumulation d’arriérés de paiements inconnue depuis la dévaluation de 1994.
Selon certaines estimations, le déficit budgétaire (dons y compris) a doublé entre 2005 et
2006, passant de 3 % à près de 6 % du Produit intérieur brut (PIB). Le Sénégal qui réalisait
traditionnellement des performances meilleures que la moyenne des pays de l’UEMOA a
enregistré un déficit supérieur à la moyenne de l’Union en 2006.
Ce déficit a fait suite à la volonté affichée depuis 2006, par le gouvernement de satisfaire la
forte demande sociale qui requiert de plus en plus un accroissement des dépenses allouées aux
3
2
secteurs sociaux, notamment l’éducation et la santé ; de préserver un certain niveau de
pouvoir d’achat des ménages, notamment les plus pauvres, par le maintien de la politique de
subvention de certains produits énergétiques dans un contexte de hausse persistante des prix
de ces produits ; de développer un certain nombre de projets d’infrastructures pour améliorer
la mobilité à Dakar.
En 2007 et 2008, les crises énergétiques et alimentaires ont poussé l’Etat à augmenter le
volume des subventions et à ralentir l’exécution et le paiement de certaines dépenses de
fonctionnement. La hausse des subventions a surtout concerné le secteur de l’énergie pour
répondre à la crise au sein de la SENELEC et de la SAR. Ces transferts ont totalisé environ
140 milliards de FCFA en 2006 contre une dotation initiale de moins de 70 milliards FCFA
dans la Loi de Finances 2006, ce qui représente un bond de plus de 110 %. En 2007, les
subventions dégagées par les pouvoirs publics ont atteint 77 milliards, sous l’effet de la
flambée des cours du pétrole et des produits alimentaires.
Afin de compenser les hausses de subventions, les autorités ont ralenti l’exécution et le
paiement de certaines dépenses (salaires, dépenses sociales concernant l’éducation et la santé
etc.). Ce ralentissement s’avère prononcé puisque les taux d’exécution sur ces dépenses
avaient, en moyenne, dépassé 90 % pendant la période 2000-2003. Les autorités ont préféré
« couper » les dépenses de maintenance et d’équipement, en retardant leur engagement, leur
exécution ou même leur paiement, c’est-à-dire en accumulant des impayés. L’accumulation
d’impayés a conduit à la dette intérieure à un moment où la crise des risques subprimes est
venue assombrir les perspectives de solutions que pouvaient offrir les marchés internationaux
de capitaux.
2. Un déficit soutenu du compte courant
Le déficit du compte courant en pourcentage du PIB, est en nette augmentation. De 5.8% en
1999, il est ressorti à 9.5% du PIB en 2006, soit près du double de la limite maximale retenue
dans le pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité de l’UEMOA, fixée à
5% du PIB.
3
3
Déficit du Compte
Courant
Evolution Balance des Paiements Courants en
pourcentage du PIB
10
8
6
4
2
0
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
Années
Source : BCEAO, Balance des Paiements Extérieurs du Sénégal
La détérioration du déficit courant s’explique par celle de la balance commerciale qui
s’accroît chaque année, avec un taux de couverture des importations par les exportations de
plus en plus bas.
Valeurs
Evolution du taux de couverture
80,0
70,0
60,0
50,0
40,0
30,0
20,0
10,0
0,0
Evolution du taux de
couverture
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Années
Note : Calcul du taux de couverture effectué à partir de données de la DPEE
L’étude du graphique montre un taux de couverture en baisse continue ; ce qui correspond à
un accroissement du déficit de la balance commerciale. En 2005, ce déficit s’est élevé à 562,9
milliards contre 521,1 milliards en 2004, soit une dégradation de 41,8 milliards, consécutive à
une hausse des importations (101 milliards) plus importante que celle des exportations (59
milliards). En 2007, La situation s’est dégradée avec la crise énergétique et alimentaire. Le
compte extérieur courant a enregistré pour cette période un déficit estimé à 529,8 milliards
contre 450,7 milliards en 2006, soit une détérioration de 17,6% imputable toujours à la
balance commerciale3.
3
DPEE, Situation économique et financière en 2007 et perspectives en 2008, Juin 2008
3
4
Le déficit du compte courant a comme contrepartie l’excédent des flux de capitaux extérieurs,
(IDE, APD, envoie de fonds des migrants) dont leur part dans le PIB croît de manière
considérable ; elles représentent 9.7% du PIB en 2006 contre 3.1% en 1999.
La détérioration de la balance courante devant être compensée par des emprunts auprès
d'agents extérieurs ou encore par la vente d’actifs détenus à l'extérieur du pays, le déficit du
compte courant peut alors représenter pour le Sénégal un déséquilibre potentiellement
insoutenable entre épargne nationale, investissement et accumulation de dette extérieure.
N’eût été l’appartenance du Sénégal à l’UMOA, cela pouvait constituer à terme, un facteur de
vulnérabilité face à des crises comme celle des risques subprimes.
II. Les conséquences de la crise sur l’économie sénégalaise
Pour le Sénégal comme pour les autres pays africains, les principaux canaux de transmission
de la crise à l’économie nationale sont le canal des transferts de capitaux publics et privés et
celui des échanges de biens et services (tourisme, télé services, par exemple).
1. La baisse des flux de capitaux
Les transferts de fonds, qui sont devenus une importante source de financement externe pour
le Sénégal, seront probablement affectés par le ralentissement de l'économie dans les pays
développés. Pour suivre l’impact de la crise, l’attention sera portée d’abord sur l’aide publique
au développement dont le volume risque de baisser, compte tenu des contraintes budgétaires
des principaux pays avancés. De plus, compte tenu
de la contraction du crédit et du
ralentissement de l’économie mondiale, les flux d’investissement des multinationales et les
envois de fonds des sénégalais de l’extérieur pourraient diminuer.
a) L’aide publique au développement
Le Sénégal reçoit depuis 1994 une aide publique au développement (APD) très soutenue qui
en fait l’un des pays les plus aidés d’Afrique subsaharienne. Les principaux bailleurs du
Sénégal sont la France, le Japon et les Usa. Entre 1994 et 2003, le Sénégal a reçu 37.000
FCFA d’APD par habitant et par an, alors que la moyenne de la région est de 19.000 FCFA
(27,5 €). Selon des statistiques publiées par l’OCDE, le Sénégal a reçu plus de 1 milliard de
dollars en 2004, soit l’équivalent de 100 dollars par habitant ou 1000 dollars par ménage4.
4
Extrait du magazine « Les échos de la Banque Mondiale », numéro 5 –Juillet 2006
3
5
L’aide a permis la réalisation de nombreux projets de développement et a aussi contribué à la
création d’emplois. Selon des données de la Banque Mondiale, 5 à 10 travailleurs en moyenne
sont employés par les projets ; cela fait des projets financés par les bailleurs de fonds le
second employeur après l’État, avec quelque 2 370 à 4740 employés, comme pour les ICS et
avant devant toute autre entreprise du secteur privé formel.
Avec la crise financière actuelle, le volume de l’aide va probablement baisser, même si les
pays développés s’engagent à l’augmenter. Au niveau mondial, il est prévu une diminution
globale de l’aide de 30% en 2009. En effet, les pays donateurs (Etats-Unis, Europe etc.), ont,
pour éviter l’effondrement de leur système financier, injecté des sommes importantes dans
leur économie (700 milliards pour les Etats-Unis, 162 milliards pour l’Union Européenne en
2008). Il est alors fort à craindre que l’ampleur de la crise financière n’hypothèque la
promesse faite par les pays développés (G 8) à l'Afrique, en 2005 à Glenneagles en Ecosse
d'octroi de 25 milliards de dollars de plus par an pour lui permettre de diviser par deux la
pauvreté de ses populations d'ici à 2015 conformément aux Objectifs du Millénaire pour le
Développement.
Toutefois, en France, le projet de budget 2009 prévoit 4,6 milliards de crédits, soit une
augmentation de 3,6% (+ 160 millions d’euros). Là où le Japon qui a accru son budget 20092010 de 6,6% par rapport à 2008-2009, prévoit une diminution de 4% de l’aide au
développement.
Si les craintes se confirmaient, les efforts d'ajustement de l'Etat pourraient avoir un impact
négatif sur les ménages (baisse des investissements et dépenses de fonctionnement dans les
secteurs sociaux, etc.). Les entreprises pourraient également en pâtir en raison des risques
d'accumulation d'arriérés de paiements par l'Etat. De plus, vu le nombre important d’emplois
créés grâce à l’aide, une réduction de celle-ci se traduira par une baisse de l’emploi et donc
une hausse du taux de chômage, mais aussi par la fuite des cerveaux.
b) L’investissement direct étranger
Les investissements directs étrangers et les prêts directs octroyés par les banques ou
multinationales étrangères au secteur productif africain risquent de connaître un
ralentissement si ce n’est un arrêt momentané. Or, les taux de croissance relativement élevés
enregistrés au Sénégal au cours de ces dernières années sont en partie dus aux investissements
3
6
privés étrangers qui jouent un rôle de plus en plus important dans le développement
économique du continent. En effet, les réformes structurelles et institutionnelles adoptées au
Sénégal, ont permis d’accroitre les flux d’investissement, avec, notamment la mise en place
de l’APIX et les mesures d’amélioration de l’environnement des affaires (la plus importante
concernant la réduction de l’impôt sur les sociétés, de 33 à 25 pour cent). En 2006, les flux
d’IDE ont atteint 110. 031 milliards de francs CFA contre 27.592 milliards en 20055.
Evolution des IDE
250,0
Montants
200,0
150,0
IDE
100,0
50,0
0,0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Années
L’augmentation considérable des IDE en 2006, qui s’est poursuivie en 2007 et 2008, pourrait
laisser la place à une baisse avec la crise financière actuelle, si des partenaires comme IFFCO
dans les phosphates, Arcelor Mittal dans les mines de fer, Dubaï Port World et JAFZA
devraient revoir leur marges d’investissement au Sénégal en termes de calendrier et de
volume.
Cette baisse résulterait essentiellement de la crise financière et de la baisse du prix du pétrole,
qui ont, d’une part, restreint l’accès aux capitaux privés, et d’autre part, réduit les perspectives
de rentabilité des investissements. Selon un rapport de la CNUCED6, les flux internationaux
d'investissements directs étrangers ont diminué de quelque 21% en 2008 et risquent encore de
se contracter en 2009. La Banque mondiale estime que " les flux privés vers les pays en
développement vont baisser de 1 000 milliards de dollars (795 milliards d’euros) en 2007 à
environ 530 milliards de dollars en 2009, soit de 7,7 % à 3 % du produit intérieur brut de ces
pays"(Le Monde, 12 Novembre 2008).
5
6
Balance des Paiements Extérieurs du Sénégal, BCEAO, 2006-2002
Source REUTERS (Genève)
3
7
Un ralentissement de l’IDE aura de graves conséquences sur la croissance économique. En
effet, l’IDE est un stimulant pour l'emploi, et en plus de cela, il est perçu comme un moyen
permettant aux pays en développement d'acquérir de nouvelles technologies et méthodes de
gestion, et d'avoir accès aux marchés des pays développés.
Un recul des flux d’investissements pour le Sénégal serait une entrave à l’exécution de
certains grands travaux de l’Etat et entrainerait aussi une perte importante d’emplois.
c) Risques de baisse des transferts des sénégalais de l’extérieur
Lorsqu'une récession s'installe, les entreprises s'ajustent généralement par le biais du facteur
travail selon le processus du cycle de productivité. Les licenciements qui finissent par être
opérés se traduisent par une remontée du chômage ; ce qui, dans les pays développés pourrait
provoquer des pertes importantes d'emplois chez les travailleurs migrants. De même, les
migrants non employés et spécialisés dans la vente à la sauvette (exemple des modou modou
en Italie) devront également s'attendre à une chute de leur chiffre d'affaires en raison de la
baisse du pouvoir d'achat des ménages occidentaux, consécutive à la récession. Dans un
deuxième temps, la baisse des revenus des travailleurs étrangers pourrait se traduire par une
diminution de leurs envois de fonds vers leur pays d’origine.
Or les envois de fonds constituent une source croissante et importante de revenus des
ménages en Afrique. Estimés en 2007 à quelque 25 milliards de dollars, ces envois sont
supérieurs aux flux d’IDE dans certains pays. Le Sénégal entre dans cette catégorie de pays.
En effet, les transferts des migrants représentaient en 2007, 459.1 milliards7 de Francs CFA,
ce qui est supérieur aux flux d’IDE.
Montants
Evolution des transferts des migrants
700
600
500
400
300
200
100
0
Transferts
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Années
7
Source DPEE, Etude sur « l’Impact des transferts des migrants sur la pauvreté au Sénégal »
3
8
Le graphique ci-dessus montre une évolution exponentielle du montant des transferts depuis
2002. En effet, le taux de croissance annuel moyen des envois de fonds est de 16.70% entre
2002 et 2008. Les transferts sont pour le Sénégal, une source d’accroissement de la demande,
donc de la croissance économique, de réduction de la dépendance du Sénégal vis à- vis de la
coopération bilatérale et multilatérale, d’amélioration de la position extérieure du Sénégal, de
création d’emplois supplémentaires dans l’économie sénégalaise, de réduction de la pauvreté
à travers un accroissement des revenus des familles des émigrés.
De plus, les envois de fonds, contrairement à d’autres transferts, vont directement aux
ménages et servent à régler les dépenses courantes des familles telles que l'alimentation, les
dépenses « personnelles » de santé, l'éducation des enfants, la construction de logements etc.
Un repli de ces transferts aura alors des conséquences négatives sur la réduction de la
pauvreté, sur le compte courant, sur l’économie, mais surtout sur le secteur du bâtiment.
En effet, selon un rapport de la BAD « 30% du milliard d’Euros transférés au Sénégal sont
affectés au secteur de l’immobilier », notamment pour le remboursement du crédit, la
construction, le paiement de loyers etc. Or les effets de la crise se font sentir petit à petit. En
effet, les transferts ont commencé à baisser en 2008, le taux de croissance entre 2007 et 2008
est de 14.98% contre 16.70% de croissance moyenne les autres années. Cette tendance à la
baisse va donc freiner la consommation en logements des ménages et, par effet de suite,
affecter le secteur des BTP.
2. Le repli du taux d’accroissement des recettes de l’Etat
Comme dans la plupart des pays africains, l’essentiel des ressources budgétaires au Sénégal
repose sur les taxes. Ces revenus proviennent essentiellement des recettes douanières mais
aussi de la perception des impôts et taxes au niveau interne. En 2008, les recettes douanières
ont permis de collecter 467 milliards de francs CFA contre 435 milliards en 2007. Alors que
les impôts directs se sont chiffrés à 231,6 milliards en 2007 contre 219,1 milliards en 2006.
S’agissant des impôts indirects, ils sont évalués en 2007 à 743,3 milliards contre 662,4
milliards en 2006, soit une hausse de 12,2% en valeur relative traduisant le bon comportement
des taxes sur biens et services. Les recettes non fiscales se sont chiffrées à 58,6 milliards en
2007 contre 40,7 milliards un an auparavant, soit une hausse de 17 milliards imputable aux
3
9
recettes liées à la concession du domaine minier du Sénégal oriental et au bon niveau de
recouvrement des dividendes de l’Etat.
Ev olution de s re ce tte s de l'Etat
Valeurs
1500,0
Recettes budgétaires
totales
1000,0
500,0
Recettes fiscales
20
08
20
07
20
06
20
05
20
04
20
03
20
02
20
01
0,0
Recettes non fiscales
Années
Source : Direction de la Prévision et des Etudes Economiques, TOFE 2001-2008
Le graphique ci dessus montre une augmentation considérable des recettes fiscales qui ont
représenté environ 95% des recettes de l’Etat entre 2001 et 2008. Cependant, le repli annoncé
du commerce mondial qui devrait se contracter de 2.1% en volume, en 2009 est susceptible de
corriger ces chiffres à la baisse. En effet, selon les statistiques des douanes, les recettes de
l'année 2008 font ressortir une moyenne mensuelle de recettes qui se situaient autour de 35
milliards de francs Cfa. Du moins, jusqu'au mois de novembre qui a enregistré des recettes de
7 milliards de francs Cfa parce qu’il y’avait moins de marchandises à dédouaner. Les taxes
intérieures devraient aussi diminuer avec les contre performances des entreprises sénégalaises.
En effet, les entreprises font face à une baisse d’activité du fait du non paiement de la dette
intérieure par l’Etat, mais elles seront aussi victime de la baisse de croissance au niveau
mondial.
3. Les exportations entre contraintes d’offre et baisse de la demande
La part du commerce extérieur dans le PIB du pays est d'environ 70%. Le Sénégal exporte
principalement vers les pays membres de l’UEMOA et de la CEDEAO, les pays européens,
Espagne, Italie, Suisse, France, les Etats-Unis, l’Inde, etc. Depuis plusieurs années, la Chine
est un partenaire de plus en plus grandissant comme en témoigne les sommets Chine-Afrique.
Il faut, cependant, noter que la part des exportations sénégalaises vers le continent européen
est en baisse depuis 2000. Elle est passée de 35% du total des exportations en 2002, à 29% en
2006 avant de remonter à 30% en 2007. Là où la part des exportations en direction des pays
4
0
africains évolue depuis la mise en place du TEC. En 2006, elle a atteint 44% contre 52% en
2007.
Les exportations sont axées essentiellement sur les produits arachidiers, le coton, les
phosphates, les produits halieutiques, le sel, le coton, qui sont des exportations
traditionnelles ; les légumes, les fruits, les produits horticoles etc. qui sont des exportations
non traditionnelles mais aussi sur les produits pétroliers, les engrais, les acides phosphoriques,
le ciment etc.
Les exportations sénégalaises font face à de nombreuses difficultés. En effet, elles se heurtent
à un problème d’offre du côté des exportations traditionnelles ; et à un problème de norme du
côté des exportations non traditionnelles (car le système de production a de la peine à
s’adapter à la demande mondial) ; ce qui freine leur accès aux marchés des pays développés.
Concernant l'offre de produits agricoles, la pluviométrie, la baisse de rendements, la faible
utilisation de l'engrais et les difficultés d'accès au crédit sont les principaux obstacles pour une
offre suffisante. Quant aux exportations de produits halieutiques elles sont limitées par
plusieurs contraintes : la pêche est une activité saisonnière et l'outil de production (chalutiers)
est vieillissant (la moyenne d'âge est égal à 23 ans alors que le délai normal d'amortissement
est de 10 ans) ; les problèmes d'ordre logistique (capacités de fret) limitent considérablement
les exportations de produits frais).
Par ailleurs, en plus des problèmes d’offre, les exportations traditionnelles font face à une
baisse de la demande mondiale. Cette baisse concerne surtout les oléagineux, dont l’arachide,
qui enregistre une baisse tendancielle de sa part relative dans la demande d'oléagineux. Car
l'huile d'arachide est fortement concurrencée par le soja et le tournesol.
Selon certaines organisations internationales, les volumes du commerce mondial devraient se
réduire de 2,1 % en 2009 et par conséquent, les exportations des pays en développement en
général et du Sénégal en particulier en souffriront fortement. De plus, des pays clients du
Sénégal comme la France par exemple, sont entrée en récession en 2008 après trois trimestres
de croissance négative, ce qui suppose un repli de leurs importations.
4
1
La situation est pareille dans d’autres pays clients du Sénégal comme l’Italie, l’Espagne, les
Etats-Unis etc. Mais aussi dans les pays membres de l’UEMOA, principales destinations des
produits sénégalais depuis la mise en place du tarif extérieur commun (TEC). Ces derniers,
font face comme le Sénégal, à une baisse de la demande et de la valeur de leurs biens exportés
ce qui répercutera forcément sur leur croissance. Or la baisse de la croissance dans les autres
pays suppose une baisse de leur demande et par effet de suite un repli des exportations
sénégalaises.
Toutefois, une analyse de l’évolution des exportations du Sénégal vers le Mali, la Côte,
l’Espagne et l’Italie en 2008, montre une baisse en valeur de celles—ci à partir du troisième
trimestre, alors qu’elles se sont accrues durant la même période pour la France, les USA et
l’Inde (voir annexe). Cela laisse supposer que malgré la crise, un accroissement de l’offre
pourrait permettre d’augmenter le volume des exportations sénégalaises.
4. Le tourisme, des difficultés possibles en 2009
Fortement promu par les autorités sénégalaises, le tourisme a connu un essor considérable au
cours des années 1970 et est devenu l’une des premières sources de devises pour le pays. Déjà
en 2000, les revenus du tourisme étaient en seconde place au Sénégal après le secteur de la
pêche et avant celui des arachides et des phosphates. Le tourisme avait dès lors entraîné la
création directe de 12 000 emplois, et 18 000 indirectement, et contribué pour 2,5% du PIB.
Dans certaines localités, il constitue le premier pourvoyeur de revenus.
Cependant, l’histoire récente montre que le secteur est en croissance mais qu’il perd des parts
du marché international et régional en expansion constante. Entre 1975 et 1997, le Sénégal est
passé de la 7ème place à la 16ème dans le classement de l’Organisation Mondiale du
Tourisme pour les vingt premières destinations africaines. De plus, selon la PANA, avec
992000 visiteurs en 2006 - 2007, le Sénégal n’en a enregistré que 800 000 en 2008 avec un
taux moyen d’occupation de 34% et 300 milliards de recettes brutes. Le bulletin mensuel des
statistiques de l’ANSD, de Décembre 2008, donne un nombre de visiteurs pour le loisir égal à
245347 en 2008 contre 257975 en 2007, soit une baisse de 12628 visiteurs.
Le secteur touristique connaît de nombreux problèmes qui sont relatifs, entre autres, au
manque de visibilité, à un déficit de promotion intérieure et extérieure, aux forts taux de
fiscalité liés à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) qui ne permettent pas au Sénégal d’être
4
2
compétitif par rapport à des destinations plus à la mode comme Cuba, Thaïlande ou d’autres
pays africains.
A ces problèmes vient s’ajouter la crise financière qui force les européens à réduire leur
budget de vacances. En effet, l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) a affirmé que le
tourisme mondial avait été touché dès la deuxième moitié de 2008 par une économie
mondiale extrêmement volatile (crise financière, augmentation du prix du pétrole et
fluctuation intensive des taux de changes). Le nombre de touristes qui avait augmenté de plus
de 2% en début 2008 par rapport à l'année 2007 a radicalement baissé les six derniers mois de
l’année. Les 5% de croissance enregistrés de janvier à juin ont de ce fait été suivis d'un déclin
de 1% les six mois suivants.
En France, par exemple, 80% des français ont choisi la « destination France » pour leurs
vacances. Ce qui pourrait constituer une perte considérable pour le Sénégal dont la principale
clientèle est constituée de français. Cependant, une analyse des entrées de touristes entre 2007
et 2008 montre que le nombre de visiteurs n’a pas réellement baissé (voir graphique).
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Entrées des touristes pour
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Nombre
Entrées des touristes pour le loisir
Mois
Source : Agence Nationale de la Statistique et de la démographie
L’étude du graphique montre que le nombre d’arrivées de touristes a évolué de la même
manière qu’en 2007. Les hausses ou baisses du nombre de touristes se font aux mêmes
périodes de l’année. En effet, la courbe a la même allure suivant qu’on est entre NovembreDécembre 2007 ou en Novembre- Décembre 2008. Elle est à ces périodes sur la barre des
30000 entrées de touristes au titre du loisir.
Au vu de ces données, on est en mesure de dire que, la crise n’a pas encore d’impact réel sur
le tourisme à la fin de l’année 2008. En outre, une analyse plus détaillée confirme ces mêmes
4
3
observations car, aussi bien pour les hôtels, les résidences, et les campements, le nombre de
touristes a légèrement augmenté si on le compare à 2007. Seules les auberges ont enregistré
une baisse du nombre de leurs clients.
III. Les conséquences socio-économiques
La crise (financière), si elle n'est pas prise en compte, et suffisamment à temps, par le
gouvernement sénégalais peut très bien affecter les efforts de long terme pour stimuler la
croissance. La baisse du pouvoir d’achat, du niveau de l’emploi, et le report de la date
d’atteinte des OMD sont les principales conséquences socioéconomiques auxquelles le
Sénégal peut faire face.
1. La baisse du pouvoir d’achat des ménages
Au Sénégal, le salaire moyen se situe entre 150 et 350 euros dans la fonction publique et entre
200 et 1000 euros dans le secteur privé avec des pics parfois supérieurs à 1000 euros pour les
cadres intermédiaires et supérieurs. Dans le secteur informel, les travailleurs qui représentent
76,4 % des actifs occupés, ne gagnent que 39 000 francs CFA (74 dollars) mensuels, c'est-àdire moins que le salaire minimum. Avec ces revenus, le nombre de ménages pauvres, ne
cesse de croître. La crise financière est venue aggraver une situation rendue encore plus
difficile par les crises alimentaire et énergétique.
Avec la crise financière, il y a réduction des principales sources de revenu qui participaient à
la réduction de la pauvreté : envois des émigrés, vente à la sauvette (cas des marchands
ambulants) ce qui conduit non seulement à une baisse de revenus mais aussi à celle du
pouvoir d’achat. Auparavant, la montée des prix des denrées de première nécessité avait grevé
le revenu réel des ménages puisque le revenu nominal est resté le même pour une bonne partie
de la population, s’il n’a pas enregistré de baisse. C’est pourquoi l’inflation est devenue
insupportable, le carburant et les denrées de première nécessité sont devenues quasi
inaccessibles pour les populations.
Le niveau record de l’inflation est l’un des dommages collatéraux majeurs du krach financier.
En effet, les tensions qui préexistaient sur les marchés de l’énergie ou des produits
alimentaires, principaux responsables de la flambée des prix, ont été aggravées par des
phénomènes spéculatifs en liaison directe avec la crise financière et le traitement qu’ont tenté
de lui appliquer les grandes banques centrales. La ruée sur des produits tels que le pétrole, le
blé, le soja ou le maïs contient ainsi une dimension très spéculative, directement liée à la crise.
4
4
Au niveau de l’UEMOA, le Sénégal a battu des taux d’inflation record en 2008, 5.8%,
contrairement aux autres pays dont la moyenne s’est fixée autour de 3.1%. Cela a grevé de
façon drastique le pouvoir d’achat des ménages sénégalais entrainant par ailleurs des
manifestations de la population.
Cependant à la fin de 2008, les prix des principales matières premières importés ont
commencé à baisser. En effet, les prix qui avaient commencé à baisser à la fin de l’année
2008 continuent leur chute. En Janvier 2009, la DPEE a annoncé, dans sa note de conjoncture
une baisse des prix à la consommation de l’ordre de 1.8%, consécutive à celle de 0.8% en
Décembre 2008. Ces baisses sont dues au repli de 2.3% des prix des produits alimentaires, de
4.5% des services de transports et de 1.7% des services de logement, eau, électricité, gaz et
autres combustibles. Il faut toutefois noter que même si baisse il y a, les prix restent toujours
élevés.
Cette baisse des prix est accompagnée d’un double impact sur les populations. Pour les
populations, consommatrices de ces produits, il ya une amélioration du pouvoir d’achat,
même si elle est moindre. Du côté des populations exportatrices, les paysans par exemple, qui
vivent des recettes de leurs ventes, toute baisse de prix entraine celle de leur revenu et par
conséquent de leur pouvoir d’achat.
2. L’emploi, principalement le fait du secteur dit informel
Le problème de l’emploi est récurrent au Sénégal, il est antérieur à la crise. Mêmes les taux
de croissance élevés de ces dernières années n’ont pas permis, de réduire significativement la
pauvreté et le chômage. Les principaux maux qui sont responsables de cette situation ont pour
nom : faiblesse du taux de création d’entreprises et même s’il y a création d’entreprises, ces
dernières préfèrent acquérir du capital plutôt que d’embaucher ; manque de qualification des
jeunes (à cause de formation inadaptées aux besoins de l’entreprise), crise des huileries et des
industries textiles (exemple des Industries Chimiques du Sénégal), qui sont d'importantes
pourvoyeuses d'emplois.
Certaines enquêtes réalisées par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, en
2002 (ESAM) et en 2004 (ESPS) révèlent un taux de chômage qui avoisine 12%. Une étude
de la Banque Mondiale en 20078, confirme ces chiffres et évalue le sous emploi à 30% de la
8
« A la recherche de l'emploi - le chemin vers la prospérité », Banque Mondiale, 2007
4
5
population totale.. Au total, il n’y a qu’une personne sur cinq qui travaille à plein temps au
Sénégal, ce qui représente un taux élevé de dépendance, contribuant ainsi à mettre une
pression croissante sur le taux de pauvreté qui se situe à un peu moins de 50% des ménages.
La même étude révèle qu’entre 1988 et 2002 plus d’un million d’actifs ont pu trouver une
occupation, ce qui correspond à la création de plus de 75 000 emplois par an. Cependant, ce
résultat globalement positif en termes de demande de travail masque des différences notoires
à travers les secteurs. La création d’emplois a surtout été portée par le secteur primaire
(agriculture, élevage et foret) en milieu rural et par les activités commerciales dans les villes,
qui ont contribué respectivement pour 37,3% et 34,5% à la croissance de la population active
occupée au Sénégal pendant la période 1995-2004.
En termes de croissance annuelle, le diagnostic est différent puisque le commerce (5,9%),
suivi par les services (3,7%) et la construction (3,5%,) ont été les secteurs les plus
dynamiques. Dans le secteur formel, la création nette d’emplois s’est située autour de 1,1%
par an entre 1995 et 2004, uniquement stimulée par l’expansion des secteurs de l’éducation et
de la santé.
Ainsi, la plupart des emplois créés sont dans les secteurs informel ou tertiaire. Les activités
agricoles, surtout celles portées vers l’exportation et les activités commerciales sont fortement
dépendantes de la situation économique dans les pays clients. Donc une baisse d’activités
dans ces secteurs se traduira forcément par une réduction du taux d’emploi qui était déjà en
baisse : 91.5% en 1998 contre 87% en 2002 et par une hausse du taux de chômage qui, entre
1998 et 2002, est passé de 8.5% à 13%.
3. Risques de ralentissement dans le progrès vers l’atteinte des OMD
En tant que réponse aux défis du développement et aux demandes de la société civile, les
OMD visent à réduire la pauvreté, à promouvoir l'éducation, à améliorer la santé maternelle, à
faire avancer l'égalité des sexes. Ils s'attachent également à combattre la mortalité infantile, le
HIV/SIDA et les autres maladies.
Fixés en référence à l’année 1990 pour l'année 2015, les OMD sont un ensemble d'objectifs
qui ne pourront être atteints que si tous les acteurs apportent leur contribution. Les pays
pauvres se sont engagés à mieux gouverner et à investir dans leurs populations par le biais de
4
6
la santé et de l'éducation, les pays riches à les appuyer par le biais de l'aide, de l'allègement de
leurs dettes et d'un commerce plus juste.
Cependant, la crise sévit à un moment où, plusieurs pays en développement comme le
Sénégal, ont connu des avancées remarquables vers l’atteinte de ces objectifs fixés. Le
Sénégal fait partie à cet effet, des pays les plus avancés dans le processus de mise en œuvre
des OMD. Il a élaboré en 2006, avec l’appui technique et financier du Millenium Project, ses
programmes sectoriels (y compris pour les infrastructures) qui sont pris en charge par le
Document de Stratégie de réduction de la Pauvreté.
Des secteurs comme l’éducation et la santé ont enregistrés des niveaux de dépenses publiques
substantielles, de l’ordre de 40% et 10% du budget du Sénégal depuis 2004. Le niveau de
mortalité des enfants de moins de 5 ans est passé de 157 pour mille en 1992 à 121 pour mille
en 2005, même s’il reste toujours élevé. Le taux de mortalité maternelle est de 401 décès
maternels pour 100 000 naissances vivantes pour la période 1998- 2005 alors qu’il était de
510 pour 100 000 naissances vivantes au cours de la période 1986-1992. Au niveau de
l’éducation le taux net de scolarisation est passé 48.5% en 2000-2001 à 69.3% en 2003-20049.
En 2005, le Sénégal a enregistré une baisse significative de l’incidence de la pauvreté. La
proportion d’individus vivant en dessous du seuil de pauvreté est passée de 57,1% en 2001 à
50,6% en 2005. En ce qui concerne les ménages, la proportion vivant en dessous du seuil de
pauvreté a également connu une baisse significative passant de 48,5 % en 2002 à
42,6% en 2005.
Les performances notées ont été possible grâce à des efforts considérables de la part du
gouvernement sénégalais, mais aussi du fait de l’aide reçue des pays développés. Une baisse
de l’aide, ainsi qu’une hausse moins importante des recettes de l’Etat serait un frein à
l’atteinte des OMD qui risquent d’être victime des compressions de dépenses publiques aussi
bien du gouvernement sénégalais que des principaux partenaires techniques et financiers.
9
Rapport de suivi des OMD, Sénégal, 2006, seconde édition
4
7
Conclusion générale
La crise financière a touché, directement ou indirectement, tous les pays du monde. Bien
qu’elle ait éclaté sur les marchés américains, elle a une ampleur telle qu’aucun pays du monde
n’est épargné.
Les Etats-Unis et les pays européens, qui ont été les premiers concernés par les effets de la
crise, ont adopté de nombreuses mesures visant à ralentir ces effets par le biais de leur Banque
Centrale. Ces dernières ont, soit injecté des sommes importantes d’argent dans l’économie
pour sauver des entreprises, ou abaissé leur taux d’intérêt directeur.
Ces politiques très expansionnistes se sont traduites par des baisses de taux d'intérêt et par
l’augmentation du déficit public dans certains pays.
Tous les secteurs de l’économie mondiale sont touchés. Sur la liste figurent en première
position, l’industrie automobile, l’immobilier, les exportations, le tourisme etc. Les
conséquences sur le plan social sont aussi importantes. L’aggravation des crises alimentaires
et énergétiques, les pertes d’emplois, la baisse du pouvoir d’achat des ménages sont autant
d’effets qui attestent de la profondeur de la crise.
Au Sénégal, les conséquences du ralentissement de l’activité mondiale commencent à se faire
se sentir. Les premiers menacés sont les recettes de l’Etat dont la croissance a notablement
baissé en 2009 et les transferts des Sénégalais de l’Extérieur dont le volume ou la croissance
pourrait baisser en 2009 par rapport aux autres années.
Des risques pèsent sur tous les autres secteurs de l’économie. Il s’agit d’un probable repli des
exportations, de l’aide publique au développement, des investissements directs étrangers et
d’une aggravation de la situation socioéconomique du pays à travers un accroissement des
pertes d’emploi, un ralentissement dans l’atteinte des OMD, etc.
Il faut, toutefois, noter qu’au Sénégal, certaines contraintes étaient présentes bien avant la
crise. Du côté des exportations par exemple, les limites à leur expansion ont plutôt pour noms,
insuffisance de l’offre, ou non adaptabilité aux normes internationales. Concernant le
4
8
tourisme, le problème réside dans le déficit de promotion du secteur ou dans le manque
d’infrastructures.
Vu l’ampleur de la crise, des réponses urgentes et efficaces doivent être trouvées. C’est à cet
effet que plusieurs rencontres sont initiées au niveau international afin de prendre des
mesures adéquates pour limiter les effets de cette crise. A noter les différents sommets du G4,
du G8 et plus récemment du G20.
Au niveau africain, les initiatives conjointes de la BAD et de l’Union africaine, montrent la
volonté des gouvernements et les institutions de développement à venir au bout de cette crise.
Toutefois, en marge des solutions préconisées lors de ces différentes rencontres, le Sénégal
devrait mettre en place des mesures visant à gérer au mieux la crise et ses effets et à préparer
son appareil de production à l’après-crise. Le DSRP II et la Stratégie de Croissance accélérée
offrent des cadres idoines à cet effet.
« Face à la baisse attendue du commerce mondial, les pays développés et en développement
doivent résister à la tentation de recourir au protectionnisme qui ne ferait que prolonger et
approfondir la crise ».
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ANNEXE 1: Evolution du nombre de touristes, par lieu d’accueil
Hotels
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Résidences
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Auberges
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Auberges
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Parents et amis
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ANNEXE 2 : Evolution des exportations sénégalaises en direction de quelques pays
clients
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Investissement Direct de l'économie dans l'étranger
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Montants
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-20,0
-25,0
-30,0
Années
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Philippe D'Arvisenet: De la crise financière à la récession, Octobre-Novembre 2008
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Articles
Banque Mondiale: Un mécanisme de financement rapide pour faire face à la crise, 10
Décembre 2008
Global Europe Anticipation Bulletin: crise systémique globale: quatre tendances pour la
période 2008-2013, 15 Avril 2008
Lota Dabio Tamini: l'Afrique et la crise des marchés financiers, 06 Octobre 2008
Mathieu Maury, l'Info 24/7: Avec la crise, le risque pays des économies émergentes se
dégrade, 13 Janvier 2009
Rodolphe de Céglie, la dépêche, la crise financière produits ses premiers effets sur les
marchés agricoles, 19 Décembre 2008
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