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1/6/2015 A$AP Rocky, rap dans les vapes Libération En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des services et offres adaptés à vos centres d'intérêt. En savoir plus # MUSIQUE Accueil › Next › Culture › Musique A$AP Rocky, rap dans les vapes OLIVIER LAMM 31 MAI 2015 À 18:26 A$AP Rocky à Los Angeles le 23 novembre. (Photo Frazer Harrison. Ama 2014. Getty) MUSIQUE ’ L excentrique Américain A$AP Rocky tente la jointure entre hip- ’ hop underground et pop mainstream. Au risque de s y perdre. Quel cœur étrange bat dans la poitrine d’A$AP Rocky ? On s’est beaucoup posé la question à propos de Kanye West, monstre de contradictions dont les saillies médiatiques prolongent une œuvre de plus en plus aberrante et ardue à résumer d’un coup de pinceau sur les réseaux sociaux. On se l’est moins posée pour celui dont l’état civil est Rakim Mayers, personnage central, bien que très élusif, du paysage rap contemporain, qui a déjà fait la couverture de dizaines de magazines de mode à travers le monde mais dont on peine à percevoir l’identité d’artiste depuis qu’il a abandonné le son épais et psychédélique qui l’a fait connaître, en 2011, avec la (fabuleuse) mixtape Live.Love.A$AP. Mayers, sacré fer de lance du renouveau rap à Harlem et d’un underground East Coast en berne depuis la génération Nas JayZ Mobb Deep, a de fait surtout prouvé que celuici n’avait plus besoin http://next.liberation.fr/musique/2015/05/31/aaprockyrapdanslesvapes_1320308?xtor=EPR450206&utm_source=newsletter&utm_medium=email&ut… 1/3 1/6/2015 A$AP Rocky, rap dans les vapes Libération d’orthodoxie pour exister dans une nation hiphop américaine de moins en moins soumise aux particularismes régionaux. Malgré des origines certifiées 100% street credible, ce fils de dealer élevé à Harlem, qui a perdu son grand frère à l’âge de 13 ans dans un assassinat crapuleux avant de devenir dealer à son tour, est le contraire d’un traditionaliste gangsta : plutôt un rappeur enchaîné à son goût et ses excentricités, qui noue ses liens bien audelà de son quartier (il collabore avec Danny Brown, rappeur de Detroit, l’angeleno Kendrick Lamar ou le Géorgien 2 Chainz), préfère revendiquer l’influence des cousins texans (UGK) ou sudistes (Three 6 Mafia) plutôt que les gloires locales The Diplomats, et s’envisage in fine comme une pop star en liberté plutôt que comme un rappeur attaché aux doctrines cachées du rap game. ÉTATS NARCOTIQUES Découvert comme petit génie de l’A$AP Mob, collectif pluridisciplinaire de rappeurs, clippeurs, stylistes et producteurs apparu à Los Angeles en même temps qu’Odd Future avec lequel il a un temps partagé la lourde responsabilité de renouveler un rap en manque de sève , Mayers a tout de suite joué le jeu de la créature emblématique de sa génération, capricieuse, déracinée, biberonnée sans états d’âme au toutéclectique postInternet. Largement produit par l’excentrique SpaceGhostPurrp et Clams Casino, brillant producteur expérimental du NewJersey (lire cicontre), Live.Love.A$AP, paru en 2011, reste comme le chefd’œuvre du cloud rap. Un sousgenre très flou et, c’est logique, brumeux du rap des années 2010, caractérisé par ses lyrics arty, ses tempos ralentis et son psychédélisme lourd, conséquence directe de la consommation intensive de syrup (le sirop contre la toux riche en codéine consommé de manière récréative), d’herbe et de LSD. Des critiques, aux EtatsUnis, ont souligné l’importance de l’évolution des habitudes de consommation de drogue psychédélique sur les mutations récentes de la pop en général et du rap en particulier, et A$AP Rocky, qui a fait de la consommation et des états narcotiques ses thématiques de prédilection, a un temps fait figure de rappeur fétiche de cette «génération Molly» qui gobe de la MDMA à toutes les occasions et sur toutes les musiques. MENTOR MORT Quatre ans plus tard, ce cocktail détonnant semble pourtant s’être largement éventé. Signé en 2012 sur la major RCA pour la somme record de 3 millions de dollars (2,7 millions d’euros, A$AP Rocky est rapidement passé de rappeur caractériel à cas d’école de ces jeunes MC virtuoses découverts sur Internet qui glissent de la hype au mainstream. Superstar incontestable pour une jeunesse sensible à la lueur de ses grillz (le plus gros tube de son premier album officiel, Long.Live.A$AP, s’appelle Goldie) et ses amourettes très glamour avec des stars (on laissera au lecteur le loisir de compulser ses sites people préférés), le NewYorkais a fait de l’émancipation artistique un leitmotiv, au point de ne plus se ressembler, voire de dissoudre son identité. Après avoir, pour ainsi dire, raté le cap d’un premier album indigeste pondu dans la douleur et la confusion, il a perdu presque tous les fans puristes qui auraient vendu père et mère pour une suite digne à sa première mixtape. Annoncé par un premier single de pop léthargique au titre et à la thématique équivoques (L$D) et une liste de participants fascinante d’invraisemblance (les très fades Danger Mouse et Mark Ronson, MIA, Mos Def, Future, Rod Stewart et Joe Fox, songwriter anglais sans maison de disques qu’il aurait découvert par hasard en errant dans la rue), ce deuxième AT.LONG.LAST.A$AP se rêve en grand album de stoner pour la génération connectée, mais engendre surtout une écoute très étrange. Un peu plus intense mais tout aussi inégal que Long. Live.A$AP, endeuillé en sus par la disparition d’A$AP Yams, membre fondateur de l’A$AP Mob, qui était son mentor, ALLA (c’est le petit nom de l’album) http://next.liberation.fr/musique/2015/05/31/aaprockyrapdanslesvapes_1320308?xtor=EPR450206&utm_source=newsletter&utm_medium=email&ut… 2/3 1/6/2015 A$AP Rocky, rap dans les vapes Libération semble avancer sans capitaine, sans âme et peine à faire la jonction entre pulsions underground et envies crossover, hésitant en permanence entre le blockbuster à vocation mondialisante qu’il se doit d’être pour les financiers et l’objet arty à moudre dans les galeries qu’il rêve d’incarner. FLOW VERSATILE Mal fichu mais aussi mal désordonné, l’album alterne ainsi sans logique trésors de rap très lent au ras du parquet en pin massif (l’excitant Wavybone, avec l’épatant Juicy J, des mythiques Three 6 Mafia de Memphis le terrible M’$ avec un Lil Wayne impérial) et des tentatives de fusion sans saveur, typiques de notre temps (Electric Body, l’aberrant Everyday avec Mark Ronson et Rod Stewart) qui semblent résumer tout ce dont le fameux webzine américain Pitchfork se serait rendu responsable ces dernières années aux yeux de ses détracteurs : l’aseptisation de tous les undergrounds et l’émergence d’un nouveau mainstream socialtraître, écervelé, terrifiant d’arrogance. Sans doute que l’erreur de l’oreille est de confondre ALLA avec un disque de rap, ce qu’il n’est presque plus, malgré les beats, les samples et le flow très versatile de son frontman qui préconise luimême de l’écouter autrement. On ne peut s’empêcher en tout cas d’y voir un disque affolé, un symptôme de plus de l’anxiété qui tourmente les superstars du rap actuel face au changement de paradigme incroyable qui agite le business depuis deux ans. A quoi servent encore ces superalbums pleins de stars et de singles potentiels quand une mixtape enregistrée à la vavite dans un soussol et téléversée gratuitement sur Internet suffit à faire ou défaire une carrière, à proclamer un roi ou lui couper la tête ? Certains répondront «à la grandeur de l’art». A écouter AT.LONG.LAST.A$AP, on ne leur donnera pas forcément raison. Par A$AP Rocky «At.Long.Last.A$AP» (RCA). Le 26 juin à Marmande (47) dans le cadre de Garorock, le 10 juillet à Liège (Belgique) dans le cadre du festival les Ardentes et le 16 juillet au Montreux Jazz Festival (Suisse). 0 COMMENTAIRES Identifiezvous pour commenter Plus récents | Plus anciens | Top commentaires http://next.liberation.fr/musique/2015/05/31/aaprockyrapdanslesvapes_1320308?xtor=EPR450206&utm_source=newsletter&utm_medium=email&ut… 3/3