Mai 2005 - De la mère au nourrisson
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Mai 2005 - De la mère au nourrisson
de la MÈRE au NOURRISSON Pour y voir plus clair dans le traitement de l’infertilité L’infertilité se définit par une absence de conception après un an de relations sexuelles régulières sans utilisation de méthode contraceptive1. Au Canada, un couple sur huit connaît des problèmes d’infertilité2. Étant donné que le nombre de consultations pour ce problème est en augmentation et que les traitements évoluent, le pharmacien est de plus en plus appelé à intervenir auprès de ces couples. Dans cet article, nous présenterons les principales modalités de traitement utilisées dans le traitement de l’infertilité féminine. Nous ne discuterons pas de l’infertilité liée au partenaire masculin. Pathophysiologie Cycle menstruel Nous décrivons ici les principales caractéristiques du cycle menstruel afin de faciliter la compréhension des traitements utilisés lors d’infertilité3,4. Le cycle est illustré à la figure 1. Le jour 1 correspond à la première journée de la menstruation (flot sanguin soutenu). L’hypothalamus libère de façon pulsatile la gonadolibérine (GnRH ou gonadotropin releasing hormone). Sa libération est stimulée par l’adrénaline ou la noradrénaline, et est inhibée par la dopamine ou la sérotonine. Au niveau de l’hypophyse antérieure, la GnRH stimule la libération des gonadotrophines, soit l’hormone folliculo-stimulante (FSH) et l’hormone lutéinisante (LH). La FSH stimule le recrutement (3e au 7e jours) et la maturation (7e au 14e jours) de quelques follicules ovariens. En général, un seul devient le follicule dominant et libère de l’œstradiol, dont la quantité augmente au fur et à mesure de sa maturation. L’œstradiol exerce une rétroaction négative sur la libération de GnRH et de FSH, amenant la dégénérescence des autres follicules recrutés. L’œstradiol prépare aussi l’implantation de l’embryon et favorise la production d’un mucus de bonne qualité pour la motilité des spermatozoïdes. Lorsque les concentrations sériques d’œstradiol atteignent un certain seuil de façon soutenue, il y a une libération rapide de LH au niveau de l’hypophyse, permettant la maturation finale du follicule et l’ovulation, soit la libération de l’ovule par le follicule dominant. L’ovule se rendra par la suite dans la trompe de Fallope, où a lieu la fécondation. Le reste du follicule dominant devient alors le corps jaune ou corpus luteum. Le pic de LH stimule le corps jaune à sécréter de la progestérone, qui agit au niveau de l’endomètre pour permettre l’implantation de l’embryon et le maintien de la grossesse. La progestérone inhibe aussi la libération de GnRH, de FSH et de LH, afin de prévenir le développement d’autres follicules. S’il y a grossesse, l’hormone chorionique humaine (hCG) produite par les trophoblastes de l’embryon (placenta) empêchera la dégénérescence du corps jaune afin qu’il maintienne sa production de progestérone et d’œstradiol jusqu’à ce que la stéroïdogenèse du placenta soit bien établie, soit jusqu’à la 9e ou la 10e semaine de grossesse. S’il n’y a pas de fécondation, il y aura dégénérescence du corps jaune et, par conséquent, diminution de la production de progestérone et d’œstradiol, amenant la menstruation, l’arrêt de l’inhibition de la FSH et le début d’un nouveau cycle. Texte rédigé par Jihad Kahwati, B. Pharm., M. Sc., Pharmacie François J. Coutu, et Caroline Morin, B. Pharm., M. Sc., CHU Sainte-Justine. Texte original soumis le 18 janvier 2005. Texte final remis le 21 février 2005. Révision : Louis Granger, MD, FRCSC, CHU Sainte-Justine, Hôpital MaisonneuveRosemont, département d’obstétriquegynécologie de l’Université de Montréal, PROCREA Cliniques. Cas clinique Sophie, 34 ans, vient vous voir à la pharmacie avec l’ordonnance suivante : • Éthinylœstradiol 30 mcg + désogestrel 150 mcg (MarvelonMD) 1 comprimé per os die pour 21 jours • Leuprolide (LupronMD) 5 mg/mL : 0,1 mL S.C. die, à diminuer à 0,05 mL S.C. die lors de l’ajout de RepronexMD • Ménotrophines (RepronexMD) 2 ampoules S.C. die pour 10 jours • hCG 10 000 UI S.C. pour une injection • Progestérone (PrometriumMD) 200 mg par voie intravaginale TID pour 15 jours, à poursuivre si grossesse Elle vous demande de lui expliquer les étapes de cette ordonnance et le rôle de chaque médicament. Elle prend déjà une multivitamine prénatale contenant 1 mg d’acide folique une fois par jour. Elle ne prend aucun autre médicament et ne présente pas de problème de santé particulier. Université de Montréal Faculté de pharmacie Chaire pharmaceutique Famille Louis Boivin Médicaments, grossesse et allaitement HÔPITAL SAINTE-JUSTINE Pour l’amour des enfants Québec Pharmacie vol. 52, no 5, mai 2005 307 de la MÈRE au NOURRISSON Étiologie de l’infertilité L’infertilité chez la femme est responsable de 30 % à 50 % des cas de couples infertiles5. Les raisons principales sont liées à des anomalies aux niveaux ovarien, tubaire, utérin ou cervical5. Dans 10 % à 20 % des cas, l’étiologie demeure inconnue5. Les anomalies ovariennes représentent de 30 % à 40 % des causes d’infertilité chez la femme5,6. Tout élément influant sur l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien pourra affecter la sécrétion de GnRH, de LH et de FSH. Une hyperprolactinémie, un changement de poids majeur, l’exercice physique intense, une hypothyroïdie et certains médicaments peuvent affecter l’axe4,5. De plus en plus de femmes décident de reporter Légende : E : œstradiol; FSH : hormone folliculo-stimu- la grossesse à un âge plus lante; LH : hormone lutéinisante; M : menstruation; P : proavancé, ce qui entraîne une gestérone. Adapté avec la permission de la référence 3. augmentation de la prévalence des couples infertiles. Six pour cent des femmes de 20 à 24 ans sont incapables de concevoir, alors que ce problème atteint 30 % des femmes âgées de 35 à 39 ans7. Cette augmentation de l’infertilité avec l’âge serait liée à des anomalies au niveau des ovules, mais surtout à une diminution de la réserve ovarienne8. Le syndrome des ovaires polykystiques se caractérise par Six pour cent des cycles anovulatoires, une oligoménorrhée depuis la des femmes de 20 à 24 ans ménarche en excluant les années d’utilisation de contracepsont incapables tifs oraux (de 50 % à 90 % des cas), une obésité (de 40 % de concevoir, à 60 % des cas), un hyperandrogénisme clinique (hiralors que sutisme, acné ou alopécie frontale) et/ou biochimique, et ce problème une hyperinsulinémie compensatoire à une résistance 4,9 atteint 30 % des périphérique à l’insuline (jusqu’à 80 % des cas) . Cet excès femmes âgées d’insuline augmente la sécrétion d’androgènes, influe sur 9 de 35 à 39 ans7. l’axe hypothalamo-hypophysaire et affecte l’ovulation . De 55 % à 75 % de ces femmes ont des problèmes d’infertilité9. Toute anomalie au niveau des trompes de Fallope peut aussi entraîner des difficultés de conception4,5. Les infections pelviennes inflammatoires représentent la cause la plus fréquente d’anomalie tubaire. L’endométriose, des facteurs péritonéaux tels des adhérences, une cervicite chronique ou des changements, quoique rares, dans la qualité du mucus cervical peuvent aussi affecter la fécondité. Figure 1 2 Le traitement On doit suggérer certaines mesures non pharmacologiques lorsqu’elles sont indiquées4,5. La perte de poids en cas 308 Québec Pharmacie vol. 52, no 5, mai 2005 d’obésité, la diminution du stress et le report de régimes amaigrissants sévères sont des exemples. L’hypothyroïdie, ou tout autre état contribuant à l’infertilité, doit être corrigée. Les patientes présentant un problème d’infertilité devraient, si possible, s’abstenir de prendre des anti-inflammatoires non stéroïdiens autour de la période de l’ovulation puisque les prostaglandines sont nécessaires à la libération de l’ovule par le follicule dominant et à l’implantation de l’embryon au niveau de l’endomètre4,10. Par mesure de prudence, on doit éviter les médicaments pouvant amener une hyperprolactinémie, telles le métoclopramide, la dompéridone et les phénothiazines4. Enfin, certains lubrifiants vaginaux peuvent affecter la motilité des spermatozoïdes5. Nous verrons, dans un premier temps, les médicaments utilisés pour induire ou stimuler l’ovulation et, dans un deuxième temps, les différents médicaments utilisés lors des techniques de reproduction assistée, dont les étapes sont présentées au tableau I. On propose les techniques de reproduction assistée au couple lors d’infertilité liée à des problèmes au niveau des trompes de Fallope, d’infertilité masculine grave, d’infertilité inexpliquée ou d’échec aux autres méthodes. L’insémination artificielle est une autre technique qui consiste à déposer du sperme lavé (où seulement les spermatozoïdes de bonne qualité sont conservés) à l’intérieur de la cavité utérine à l’aide d’un petit cathéter. On l’utilise lors d’infertilité masculine ou d’infertilité inexpliquée. Elle peut aussi être associée à des médicaments qui induisent ou stimulent l’ovulation. Au tableau II figurent les principaux médicaments utilisés dans le traitement de l’infertilité. Les médicaments qui induisent ou stimulent l’ovulation On parle d’induction de l’ovulation quand une patiente n’ovule pas régulièrement et de stimulation de l’ovulation quand la patiente ovule régulièrement et ne tombe pas enceinte (infertilité inexpliquée). Ces médicaments sont généralement utilisés seuls, mais on peut parfois les associer à l’hCG ou aux gonadotrophines. Le clomiphène Le clomiphène est le médicament de premier recours pour induire ou stimuler l’ovulation. En se liant aux récepteurs œstrogéniques au niveau de l’hypothalamus et de l’hypophyse, il bloque la rétroaction négative de l’œstrogène endogène, ce qui amène une augmentation compensatoire de la sécrétion des gonadotrophines endogènes (FSH, LH), favorisant ainsi le recrutement et la croissance folliculaires11. Pour qu’il soit efficace, il faut absolument que l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien soit fonctionnel. Le taux d’ovulation est d’environ 80 %11. L’effet antiœstrogénique au niveau de la muqueuse du col utérin et de l’endomètre et sa demi-vie de cinq jours pourraient nuire à l’implantation de l’embryon. Ce mécanisme est controversé dans la documentation médicale, mais il pourrait expliquer que seulement 70 % à 75 % des femmes ayant une ovulation sous clomiphène ont une grossesse11,12. Pour y voir plus clair dans le traitement de l’infertilité On débute le traitement de cinq jours au jour 3 à 5 du cycle et l’ovulation devrait avoir lieu de 5 à 10 jours après la dernière dose4,5,11. Le fait de débuter au jour 3 par rapport au jour 5 présente l’avantage de limiter les effets antiœstrogéniques au niveau de l’endomètre et du mucus cervical, et d’intervenir dans un meilleur temps pour le recrutement des follicules primordiaux. S’il n’y a pas de grossesse, on reprend la médication au cycle suivant. S’il n’y a pas eu de conception après six cycles, on doit envisager une autre option de traitement. L’ovulation est confirmée par le dosage urinaire de la LH, le dosage sérique de progestérone vers le jour 21 ou, encore, en confirmant la disparition du follicule dominant à l’échographie. Puisque le clomiphène peut augmenter la température basale, la mesure de cette dernière n’est pas un indicateur fiable d’ovulation. Dans des cas complexes d’induction de l’ovulation, on peut utiliser l’hCG pour déclencher la ponte de l’ovule. Les effets indésirables comprennent les bouffées de chaleur (11 %), les troubles visuels (2 %) tels que des scotomes, une vision floue ou une photosensibilité, les douleurs abdominales, la mastalgie et le syndrome d’hyperstimulation ovarienne habituellement léger4,5,11. Les troubles visuels sont généralement réversibles, mais quelques cas ont résulté en des symptômes persistants ou des neuropathies optiques11. Ainsi, on recommande l’arrêt du clomiphène si des troubles visuels surviennent. Une grossesse multiple est également possible dans 5 % à 12 % des cas, découlant du recrutement de plusieurs follicules4,5. Le létrozole Le létrozole est un inhibiteur de l’aromatase, l’enzyme responsable de la transformation des androgènes en œstrogènes. Ce mécanisme permet de lever l’inhibition de la libération de GnRH, de FSH et de LH. Quelques études ont montré qu’il avait une efficacité similaire à celle du clomiphène, mais, pour l’instant, le létrozole demeure un traitement de deuxième recours13-15. Par rapport au clomiphène, les avantages de ce médicament sont une demi-vie plus courte (deux jours), une absence d’effets antiœstrogéniques au niveau de l’endomètre, moins d’effets indésirables et moins de risque de grossesse multiple15. D’autres études sont nécessaires pour déterminer la posologie optimale du létrozole pour cette utilisation. Le tamoxifène On a montré que l’efficacité du tamoxifène est similaire à celle du clomiphène pour les taux d’ovulation et de grossesse16. Son mécanisme d’action serait similaire à celui du clomiphène. On l’utilise rarement puisque son efficacité et son innocuité sont moins bien attestées. Les médicaments utilisés lors des techniques de reproduction assistée Les gonadotrophines On administre les gonadotrophines (FSH, LH) afin de favoriser le recrutement et la maturation de plusieurs follicules. La fonction ovarienne doit être adéquate afin de répondre normalement à l’action de la FSH et de la LH. Tableau I : Techniques de reproduction assistée : exemple de protocole4,5 1) Suppression ovarienne : • Contraceptif oral combiné pendant 14 à 21 jours. • Un agoniste de la GnRH est débuté après le contraceptif oral et poursuivi pendant 14 jours. 2) Stimulation ovarienne : • Lorsque les concentrations d’œstradiol sont suffisamment basses, on débute l’administration des gonadotrophines. • L’agoniste de GnRH est poursuivi à dose réduite pendant 7 à 12 jours additionnels. 3) Déclenchement de l’ovulation : • Lorsque les follicules sont en nombre suffisant et que le diamètre des plus gros follicules est de 19 à 22 mm, l’hCG est administrée en une dose unique. 4) Prélèvement d’ovule : • De 34 à 36 heures après l’hCG. • Incubation de l’ovule avec le sperme (fertilisation in vitro). 5) Support lutéal : • Deux jours après le prélèvement d’ovule, on débute l’administration de la progestérone. 6) Transfert d’embryon : • De trois à cinq jours après le prélèvement d’ovule, on transfère de un à trois embryons, le plus souvent au niveau utérin. 7) Test de grossesse : • Effectué deux semaines après le transfert d’embryon. Si le résultat est positif, on poursuit l’administration de la progestérone pendant 8 à 10 semaines additionnelles. Les gonadotrophines utilisées en pratique sont les ménotrophines et des gonadotrophines issues de la technologie de l’ADN recombinant. Les ménotrophines proviennent de l’urine de femmes ménopausées et elles contiennent de la FSH et de LH. Vu leur provenance, il existe une certaine variation d’un lot à l’autre, elles présentent un faible risque allergène et le produit peut être en rupture d’approvisionnement. Les gonadotrophines provenant de la technique de l’ADN recombinant limitent ces inconvénients, mais elles sont plus coûteuses. Ces dernières contiennent seulement de la FSH, ce qui peut représenter un avantage chez certaines patientes puisque la LH peut amener une maturation trop rapide des follicules si des quantités significatives sont présentes tout le long de la phase folliculaire4. L’absence de LH peut être un avantage, entre autres, pour les patientes ayant un syndrome des ovaires polykystiques, puisque ces femmes ont déjà un ratio LH/FSH élevé dans 60 % des cas9. La posologie varie selon la technique de reproduction assistée utilisée. À titre d’exemple, on pourrait débuter les injections de gonadotrophines au jour 3 ou 4 du cycle et poursuivre jusqu’à l’administration d’hCG4,5. Elles peuvent aussi être utilisées lors d’induction d’ovulation. Les effets indésirables incluent une réaction allergique, surtout à la suite de l’utilisation des ménotrophines, une mastalgie, une réaction fébrile, des nausées, des vomissements, de la diarrhée, des douleurs abdominales et le syndrome d’hyperstimulation ovarienne4,5. La gonadotrophine chorionique (humaine) (hCG) L’hCG est une molécule dont la structure et l’activité sont Québec Pharmacie vol. 52, no 5, mai 2005 309 de la MÈRE au NOURRISSON semblables à celles de la LH, mais avec un temps de demi-vie plus long. On l’utilise en dose unique pour finaliser la maturation des follicules et déclencher l’ovulation4,5. Les effets indésirables les plus fréquents sont les céphalées, l’irritabilité, la fatigue, la douleur au point d’injection et, plus rarement, une rétention liquidienne4,5. L’hCG provient de l’urine de femmes enceintes, mais une nouvelle forme d’hCG issue de la technologie de l’ADN recombinant (OvidrelMD) a été commercialisée depuis peu. Les agonistes de la gonadolibérine (GnRH) On utilise ces médicaments pour diminuer la libération de gonadotrophines et prévenir ainsi un pic de LH prématuré et améliorer la qualité de l’ovule. Il y a une augmentation de la libération de LH et de FSH au début du traitement, mais, après une administration soutenue, les récepteurs hypophysaires sont désensibilisés et il y a diminution de la libération des gonadotrophines4,5. En conséquence, il se produit une diminution des concentrations sériques d’œstradiol, puis une désensibilisation ovarienne. On débute leur administration 14 à 21 jours après avoir introduit les contraceptifs oraux ou au jour 1 du cycle où les techniques de reproduction assistée seront utilisées4,5. On obtient la suppression de la fonction ovarienne après environ 14 jours de traitement4,5. Lorsque les concentrations d’œstradiol sont suffisamment basses, on peut débuter l’administration des gonadotrophines. Toutefois, on ne cesse pas l’agoniste de GnRH, mais sa dose est diminuée et on le poursuit jusqu’à l’administration de l’hCG. Les effets indésirables pouvant survenir après l’augmentation initiale de FSH et de LH comprennent des saignements vaginaux et une douleur pelvienne. Il y a aussi un risque d’environ 15 % de développer des kystes ovariens. Par la suite, après la diminution d’œstrogènes, la femme pourra avoir des céphalées, des bouffées de chaleur et une sécheresse vaginale4,5. Les antagonistes de GnRH On utilise ces médicaments pour les mêmes raisons que les agonistes de GnRH, sans avoir d’effet stimulant initial sur la libération de LH et de FSH. Ainsi, on les administre après l’introduction des gonadotrophines4,5. Ces agents ont été moins étudiés et utilisés en clinique, mais ils représentent des options de traitement prometteuses pour l’avenir. Les contraceptifs oraux On utilise les contraceptifs oraux combinés monophasiques pendant une période de 14 à 21 jours avant la suppression ovarienne, afin d’améliorer la désensibilisation ovarienne et de permettre une flexibilité dans la planification des cycles de reproduction. Ils permettent aussi de diminuer l’incidence de la formation de kystes ovariens observés avec les agonistes de la GnRH. La progestérone L’utilisation des gonadotrophines et des agonistes de GnRH peut rendre la phase lutéale plus courte et l’endomètre moins favorable à l’implantation embryonnaire. On utilise la progestérone pour mieux préparer l’endomètre 310 Québec Pharmacie vol. 52, no 5, mai 2005 et favoriser le maintien de la phase lutéale. On débute son administration 2 jours après le prélèvement d’ovule, on la poursuit pendant 2 semaines, puis pendant 8 à 10 semaines additionnelles si le test de grossesse est positif4,5. Les effets indésirables liés aux techniques de reproduction assistée Le syndrome d’hyperstimulation ovarienne est un effet indésirable exigeant un suivi particulier17. On l’associe surtout à l’administration des gonadotrophines exogènes et à une augmentation de la taille des follicules et de la perméabilité capillaire. Les symptômes sont souvent légers, mais ils peuvent progresser jusqu’à une forme grave dans 1 % à 3 % des cas. Lors de manifestations légères, les patientes présentent des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements ou des diarrhées. Une ascite, un gain de poids rapide, une hypovolémie, des déséquilibres hydroélectrolytiques et un syndrome de détresse respiratoire peuvent aussi accompagner les cas les plus graves. Les symptômes apparaissent habituellement de 3 à 10 jours après l’ovulation. Il faut adresser rapidement la patiente à son médecin traitant si l’on soupçonne ce syndrome. Pour le prévenir, il est possible de limiter le nombre de follicules recrutés, de diminuer de moitié la dose d’hCG et/ou de retarder son administration jusqu’à ce que les concentrations d’œstradiol soient plus faibles ou, encore, de reporter l’implantation de l’embryon dans un prochain cycle naturel. Les naissances multiples sont une autre conséquence des traitements d’infertilité. Dans le cas des techniques de reproduction assistée, elles peuvent atteindre 25 %, la majorité étant des grossesses gémellaires5. Les autres médicaments La metformine On utilise la metformine chez les femmes ayant un syndrome des ovaires polykystiques, afin de diminuer l’hyperinsulinémie, renversant ainsi l’excès de production d’androgènes et de LH, et restaurant les cycles ovulatoires. Les posologies utilisées dans les études sont de 500 mg per os trois fois par jour ou de 850 mg per os deux fois par jour, pris de façon continue5. S’il n’y a toujours pas conception après trois mois, on peut envisager l’ajout de clomiphène. Comme il y a un risque d’avortement spontané chez ces femmes, on doit poursuivre la metformine s’il y a grossesse. On la cesse habituellement à la fin du premier trimestre, bien que dans certaines études, on l’ait poursuivie pendant toute la grossesse. La bromocriptine La bromocriptine est un agoniste dopaminergique utilisé lors d’hyperprolactinémie. La posologie de départ est de 1,25 mg per os une fois par jour, puis elle est augmentée selon la prolactinémie de la patiente5. S’il n’y a pas eu de conception après trois mois, on peut associer le clomiphène ou les gonadotrophines à la bromocriptine. On la cesse lorsqu’une grossesse est confirmée. Pour y voir plus clair dans le traitement de l’infertilité Tableau II : Les principaux médicaments utilisés dans le traitement de l’infertilité féminine Nom, formes pharmaceutiques et posologie4,5 Place dans le traitement et commentaires4,5 Médicaments pour induire ou stimuler l’ovulation Clomiphène (ClomidMD, SeropheneMD), comprimé de 50 mg18 • 50 mg po die pendant 5 jours, à débuter au jour 3 à 5 du cycle. En l’absence d’ovulation, augmenter la dose de 50 mg par jour à chaque cycle (max : 250 mg par jour). Utilisé seul ou en association avec l’insémination intra-utérine. Létrozole (FemaraMD), comprimé de 2,5 mg18 • 2,5 mg à 5 mg po die pendant 5 jours, à débuter au jour 3 du cycle. Les gonadotrophines Ménotrophines, source urinaire (RepronexMD), fiole de 75 UI de FSH + 75 UI de LH18 • Poudre à reconstituer. Conserver à la température de la pièce. Croissance et maturation de plusieurs follicules ovariens. Produits recombinants Follitrophine alpha (Gonal-FMD)18,19 • Poudre à reconstituer. Conserver à la température de la pièce. • Seringues de 75 ou 450 UI de FSH. • Fiole multidoses de 1050 UI de FSH : stable 28 jours après reconstitution Follitrophine bêta (PuregonMD)18. • Prêt à l’administration. Conserver au réfrigérateur. Stable 3 mois à la température de la pièce. • Cartouches de 300 UI ou de 600 UI de FSH pour administration avec le Puregon PenMD (stylo injecteur), stable 28 jours après perforation. • Fioles de 50 UI ou 100 UI de FSH. Utilisé seul (lors d’échec au clomiphène ou au létrozole) ou associé à l’insémination intra-utérine ou les techniques de reproduction assistée. Dose de départ généralement de 75 à 150 UI die, S.C. ou I.M., à débuter au jour 3 ou 4 du cycle. Poursuivre jusqu’à ce que les concentrations sériques d’œstradiol, le nombre et la taille des follicules soient adéquats (généralement pour un maximum de 12 jours de traitement). La posologie varie selon ces paramètres. Gonadotrophine chorionique (humaine) (hCG) hCG, source urinaire (Gonadotrophine chorioniqueMD), fiole de 10 000 UI20 • Poudre à reconstituer. Conserver à la température de la pièce. • 10 000 UI S.C. pour une dose. hCG recombinant (OvidrelMD), seringue préremplie de 250 mcg19 • Conserver au réfrigérateur. Stable 30 jours à la température de la pièce. • 250 mcg S.C. pour une dose. Maturation finale du follicule dominant et ponte de l’ovule. Lors d’utilisation associée au clomiphène : administration de 3 à 4 jours après la dernière dose de clomiphène. Techniques de reproduction assistée : administration lorsque le follicule dominant a un diamètre de 19 à 22 mm. Agonistes de la GnRH Buséréline (SuprefactMD), fiole multidoses de 5,5 mg (1 mg/mL)18 • Prêt à l’administration. Conserver à la température de la pièce. • 500 mcg S.C. die jusqu’aux gonadotrophines, puis 200 mcg S.C. die. MD 18 Leuprolide (Lupron ), fiole multidoses de 14 mg (5 mg/mL) • Prêt à l’administration. Conserver au réfrigérateur. • 500 mcg S.C. die jusqu’aux gonadotrophines, puis 250 mcg S.C. die. Prévient un pic de LH prématuré. Doit être débuté pendant le cycle précédent ou au jour 1 du cycle où les techniques de reproduction assistée seront utilisées. Nafaréline (SynarelMD) (200 mcg/vaporisation, 60 vaporisations par inhalateur)18 • Conserver à la température de la pièce. Antagonistes de GnRH Cétrorélix (CetrotideMD), fioles de 250 mcg ou 3 mg18 Prévient un pic de LH prématuré (utilisé à la place • Poudre à reconstituer. Conserver au réfrigérateur ou à la température de la pièce. de l’agoniste de GnRH). Ils n’amènent pas • 250 mcg S.C. die : À débuter au jour 5 du cycle, à poursuivre jusqu’à hCG OU d’augmentation initiale de FSH et de LH. 3 mg S.C. en une seule dose au jour 7 du cycle. Pour la dose de 3 mg, si l’hCG n’est pas Ganirelix (OrgalutranMD), seringue préremplie de 250 mcg18 administrée 4 jours plus tard, il faut administrer • Conserver à la température de la pièce. 250 mcg S.C. die. Maximum de 30 heures entre • 250 mcg S.C. die. À débuter au jour 5 du cycle, à poursuivre jusqu’à hCG. la dernière dose de 250 mcg et l’hCG.18 Progestérone Progestérone pour injection, fiole de 500 mg (50 mg/mL)18 • Prêt à l’administration. Conserver à la température de la pièce. • 50 mg I.M. die. MD Progestérone micronisée (Prometrium ), capsule de 100 mg • 200 mg intravaginale TID. Maintien de la phase lutéale. Débuter 2 jours après le prélèvement d’ovule. Cesser si le test de grossesse est négatif. Poursuivre pour 8 à 10 semaines additionnelles si le test de grossesse est positif. Progestérone gel vaginal (CrinoneMD), gel 8 %18 • 1 application (90 mg) intravaginale die. Québec Pharmacie vol. 52, no 5, mai 2005 311 de la MÈRE au NOURRISSON Cas clinique (suite) Vous expliquez à Sophie les étapes de son ordonnance, en lui transmettant les informations contenues au tableau I, après vous être assuré que les étapes décrites concordaient bien avec le protocole utilisé à sa clinique de fertilité. Elle devra prendre ses médicaments dans l’ordre suivant : 1. MarvelonMD un comprimé par jour pendant 21 jours. 2. Par la suite, LupronMD administré chaque jour pendant 14 jours. 3. Lorsque les dosages d’œstradiol sont suffisamment bas : RepronexMD, administré chaque jour et diminution de la dose de LupronMD. 4. Lorsque les follicules sont suffisamment développés, l’hCG est administrée selon l’avis du médecin. On cesse alors le RepronexMD et le LupronMD. 5. Deux jours plus tard, PrometriumMD trois fois par jour par voie intravaginale, à poursuivre pendant 14 jours. Si le test de grossesse est positif, poursuivre l’administration de la progestérone pendant 8 à 10 semaines additionnelles. Références 1. Practice Committee of the American Society for Reproductive Medicine. Definition of « infertility ». Fertil Steril 2004; 82(Suppl 1) : S206. 2. Santé Canada. Introduction à la procréation assistée. 2002-05-01. [En ligne.] Adresse URL : http://www.hc-sc.gc.ca/francais/vie_saine/procreation/intro.html (Page consultée le 9 janvier 2005). 3. Beers MH, Berkow R. The Merck Manual of Diagnosis and Therapy. 17e éd. Whitehouse Station, NJ : Merck & Co. 1999 : 1929. [En ligne.] Adresse URL : http://www.merck.com/mr shared/mmanual/section18/chapter234/234a.jsp (Page consultée le 9 janvier 2005). 4. Lieu CL, Yoshida T. Infertility. Dans : DiPiro JT, Talbert RL, Yee GC et coll. Pharmacotherapy, a pathophysiologic approach. 5e éd. New york : McGraw-Hill. 2002 : 1431-43. 5. Yoshida T. Infertility. Dans : American College of Clinical Pharmacy. 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C Les troubles visuels sont un des effets indésirables possibles à la suite de l’utilisation de clomiphène, mais ils ne nécessitent toutefois pas l’arrêt du traitement. D Le syndrome d’hyperstimulation ovarienne est un des risques de l’administration de gonadotrophines et d’hCG. Cet effet indésirable peut être très grave et nécessite un suivi étroit et parfois même l’annulation du cycle de reproduction assistée. 312 Québec Pharmacie vol. 52, no 5, mai 2005 Conclusion Les taux de succès des techniques de reproduction assistée varient surtout avec l’âge de la femme, mais aussi selon l’expérience de la clinique de fertilité. Globalement, 65 % des couples ayant un problème d’infertilité chronique finiront par concevoir. Étant donné les coûts élevés associés aux techniques de reproduction assistée, le gouvernement du Québec offre un crédit d’impôt pouvant atteindre 30 % des coûts encourus jusqu’à concurrence de 6000 $ par an. Le traitement de l’infertilité continuera à évoluer dans les années à venir. De nouvelles molécules sont attendues, telle la LH issue des technologies de l’ADN recombinant (LuverisMD). D’autres molécules, tels le létrozole, la metformine et les antagonistes de GnRH, nécessitent plus d’études pour l’instant, mais sont très prometteuses pour un usage futur. 14. Fisher SA, Reid RL, Van Vugt DA et coll. A randomized double-blind comparison of the effects of clomiphene citrate and the aromatase inhibitor letrozole on ovulatory function in normal women. Fertil Steril 2002; 78(2) : 280-5. 15. Casper RF. Letrozole : ovulation or superovulation ? Fertil Steril 2003; 80(6) : 1335-7. 16. Boostanfar R, Jain JK, Mishell DR et coll. A prospective randomized trial comparing clomiphene citrate with tamoxifen citrate for ovulation induction. Fertil Steril 2001; 75(5) : 1024-26. 17. Practice Committee of the American Society for Reproductive Medicine. Ovarian hyperstimulation syndrome. 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Quel énoncé parmi les suivants ne représente pas un avantage des gonadotrophines recombinant par rapport aux ménotrophines ? A Une diminution du risque de réaction allergique. B L’absence de LH peut être un avantage pour les femmes ayant un syndrome des ovaires polykystiques, puisqu’elles ont déjà un ratio LH/FSH élevé. C Moins de rupture d’approvisionnement. D Moins de variation d’un lot à l’autre. E Moins de syndrome d’hyperstimulation ovarienne.