Dix questions/réponses sur l`amendement de Jean

Transcription

Dix questions/réponses sur l`amendement de Jean
1
Réponse à 10 questions sur notre amendement
Jean-Marc Ayrault et Pierre-Alain Muet
Les 10 réponses suivantes font suite aux interrogations posées et aux arguments développés
lors du débat en séance et dans la presse sur notre amendement. Cet amendement, devenu
article 34 bis du PLF, prévoit qu’une part de la prime d’activité sera versée directement sur la
feuille de paye des salariés, par un mécanisme de ristourne dégressive de CSG sur les salaires
horaires inférieurs à 1,34 SMIC (quelle que soit la durée de travail).
Ce dispositif s’inscrit dans la perspective tracée par le président de la République de la mise
en œuvre du prélèvement à la source de l’Impôt sur le revenu. De plus, en menant à bien les
engagements du quinquennat sur la réforme fiscale, cette mesure est conforme à l’esprit du
discours de politique générale du Premier ministre quand, en avril 2014, il proposait de
partager l’effort de redistribution entre les salariés les plus défavorisés qui ne sont pas
imposables à l’impôt sur le revenu et les contribuables modestes qui ont supporté certaines
hausses d’impôt.
1. Quels avantages pour ceux qui bénéficient du dispositif ?
Sa mise en œuvre est une simplification pour les salariés bénéficiant de la prime d’activité,
qui en recevront directement la part la plus importante sur leur feuille de paie, chaque mois,
sans aucune démarche de leur part, lorsque leur salaire horaire est inférieur à 1,34 SMIC.
Du fait de la perception directe et automatique de la prime d’activité, le taux de recours sera
largement plus élevé que celui estimé dans l’étude d’impact de la Loi Rebsamen (entre 50 %
et 66 %).
2. Combien cette mesure va-t-elle coûter à l’Etat ?
Le coût du dispositif (qui ne sera effectif qu’à partir de 2017) devrait être de l’ordre du
milliard d’euros en faveur des travailleurs les plus modestes, en raison d’un taux de recours
plus élevé.
3. Est-ce que cet amendement augmentera l’imposition des classes moyennes ?
Notre proposition consiste uniquement à abaisser la CSG sur les revenus les plus modestes
sans augmenter en aucune façon l’imposition des autres contribuables.
Notre imposition des revenus est en effet atypique : elle comprend deux impôts, l’IR et la
CSG, dont la somme est comparable à ce qu’est l’impôt sur le revenu chez tous nos voisins.
Mais dans aucun autre pays démocratique, on entre dans l’imposition des revenus à un taux
moyen aussi élevé (8 % par rapport au revenu brut, ce qui représente un taux de 9,7 % par
rapport au revenu « imposable » à l’IR). La seule façon de rendre notre imposition des
revenus juste et comparable à ce qu’elle est partout ailleurs, c’est d’abaisser la CSG de façon
dégressive au voisinage du SMIC comme l’illustre l’annexe 1.
2
4. Cet amendement sera-t-il validé par le Conseil constitutionnel ?
L’amendement reprend la logique de dégressivité des cotisations sociales proposée l’an
dernier par le gouvernement, mais cette fois-ci en s’appliquant à la CSG – un impôt - à
travers la Prime d’activité.
Contrairement à une cotisation salariale qui ouvre des droits à prestations (retraites
notamment) et ne peut être de ce fait dégressive, le Conseil constitutionnel ne s’oppose pas
à une forme de progressivité de la CSG qui est un impôt. Il impose en revanche que soient
prises en compte la situation familiale et le revenu global du foyer. C’est la raison qui a
conduit, après la censure de la ristourne de CSG en 2000, à créer la PPE avec un plafond
conjugalisé et familialisé. De même, les retraites et les allocations chômage bénéficient d’un
taux nul ou réduit de CSG quand le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain
plafond.
L’amendement est donc doublement garanti puisqu’il combine à la fois cette condition de
revenu fiscal de référence et la dimension familiale prévue pour la Prime d’activité.
5. Est-ce que cette mesure crée une inégalité avec les non-salariés ?
La jurisprudence constitutionnelle prévoit que la loi peut traiter différemment des situations
différentes. Or l’amendement ne modifie pas les droits de chacun à la Prime d’activité. Il
introduit simplement une différence dans le mode de versement car, par nature, un
versement sur la feuille de paie est impossible pour les non-salariés. Ce sera d’ailleurs
également le cas pour le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
En tout état de cause, cette différence de traitement est bien moindre que celles figurant
déjà dans le régime de la Prime d’activité pour les travailleurs indépendants et les
agriculteurs ou celles qui existaient dans le calcul de la PPE.
6. Dans quelle mesure l’application de ce dispositif pèsera-t-elle sur les ressources de
la sécurité sociale ?
La réduction de CSG sera automatiquement compensée par le budget de l’État en loi de
finances, comme cela s’est toujours fait pour les réductions de cotisations patronales. En
outre, en transformant une dépense (une fraction de la prime d’activité) en allègement
d’impôt, l’amendement réduit à la fois les dépenses publiques et les prélèvements
obligatoires.
7. Est-ce que le dispositif entraînera des reprises lors du paiement de l’impôt sur le
revenu ?
Pour répondre à cette question, il faut se placer dans le contexte de la mise en œuvre du
prélèvement à la source.
Il n’y aura pas de reprise pour 2017 puisque les revenus de l’année seront neutralisés par le
régime « d’année blanche » qui a déjà été annoncé.
3
A partir de 2018, en régime permanent, l’ajustement pourra relever soit du mécanisme au fil
de l’eau permis par le prélèvement à la source, soit de la régularisation qui interviendra
l’année suivante pour tous les contribuables sur l’ensemble des revenus déclarés.
Reprenons l’exemple mentionné lors du débat en 1ère lecture d’un couple marié dans lequel
l’un des conjoints a un salaire de 1 SMIC et l’autre de 3 SMIC, si bien que leur revenu global
les exclut du bénéfice de la prime d’activité. Le prélèvement au fil de l’eau - détaillé dans
l’annexe 2 - montre que le prélèvement appliqué à chacun des conjoints ne change en rien le
montant global d’Impôt sur le revenu et de CSG payé par le foyer, mais répartit la charge
fiscale globale (IR+CSG) de façon plus juste en fonction du revenu. Ce que certains appellent
« remboursement de la prime d’activité perçue à tort » devient, avec le prélèvement à la
source, une répartition plus juste du prélèvement entre les 2 conjoints.
Ces cas de « régularisation » seront d’autant moins nombreux que le texte précise que la
réduction de CSG est sanctuarisée pour tous les intéressés qui auront bénéficié de la Prime
d’activité correspondante.
8. Est-ce que la mise en œuvre de notre proposition augmentera le revenu fiscal de
référence (avec le même effet sur l’impôt local que la suppression de la demi-part
des veuves) ?
Ce risque ne vaut pas pour l’amendement qui précise expressément que la réduction de CSG
sera imputée « au titre » de la prime d’activité et, comme celle-ci, sera « affranchie »
d’impôt sur le revenu.
En revanche, on aurait eu cette conséquence sur les impôts locaux avec la diminution des
cotisations salariales votée en 2014 et invalidée par le Conseil constitutionnel. Celle-ci aurait
majoré le revenu net et donc le revenu fiscal de référence pris en compte dans le
plafonnement de la Taxe d’Habitation.
9. Cet amendement met à bas un dispositif, la Prime d’activité, pourtant à peine mis
en place.
D’abord, l’amendement conserve toutes les améliorations qui ont été apportées à la PPE et
au RSA par la loi Rebsamen : les bénéficiaires pourront demander trimestriellement le
complément de prime auquel ils peuvent avoir droit, notamment en fonction de leur
situation familiale.
Ensuite, on sait qu’en 2016, la distribution de la prime d’activité souffrira d’un taux de
recours largement insuffisant. L’amendement contribuera à l’améliorer dès la deuxième
année de sa mise en œuvre tout en préparant le basculement vers le prélèvement à la
source.
4
10. Est-ce que cet amendement a été rédigé et voté dans la précipitation ?
Cet amendement est le fruit d’une réflexion approfondie et construite de longue date autour
de la mise en œuvre du prélèvement à la source. Son principe en a été présenté lors d’une
réunion spécifique du groupe socialiste de l’Assemblée nationale le 27 mai dernier, dès
l’examen de la loi Rebsamen.
Les deux auteurs de l’amendement ont détaillé leur proposition dans un ouvrage publié en
août par la Fondation Jean Jaurès présenté publiquement lors de l’Université d’Eté de La
Rochelle. Son contenu avait, dès le mois de juillet, fait l’objet d’un échange avec le ministre
des finances et le secrétaire d’Etat au budget ; puis à nouveau début octobre au moment du
de la discussion du budget.
Voter le dispositif dans la Loi de finances pour 2016 est le seul moyen d’obtenir la validation
du Conseil constitutionnel, qui examinera la Loi de finances avant la fin de l’année, et de
disposer des délais satisfaisants pour ajuster les logiciels de paie et ceux des organismes
sociaux. Parallèlement, il restera possible de corriger, s’il y a lieu, à la fois les paramètres et
les détails législatifs d’ici la loi de finances pour 2017.
Quant au détail rédactionnel du texte, il n’a cessé d’être enrichi depuis la présentation de
l’amendement début octobre. Il a encore été précisé pour tenir compte des échanges avec le
gouvernement lors du débat qui a précédé son adoption par l’Assemblée nationale le 12
novembre dernier.
5
Annexe 1 : Progressivité de l’imposition globale des revenus avec la CSG dégressive
Le tableau suivant exprime le taux global d’imposition des revenus (IR, CSG et CRDS)
rapporté au revenu déclaré (celui que communique l’employeur come « revenu
imposable »), pour un célibataire dont le seul revenu est le salaire. Le taux de CSG y compris
CRDS (8 % appliqué à 98,25 % du salaire brut) correspond à un taux de 9,7 % rapporté à ce
revenu déclaré. En l’absence de CSG dégressive, c’est donc à ce taux moyen très élevé que
commence dans notre pays l’imposition des revenus, avant d’augmenter à partir d’un peu
moins de 1,2 SMIC avec la progressivité de l’impôt sur le revenu.
La CSG dégressive rétablit une continuité de la progressivité de l’imposition des revenus
depuis les revenus les plus modestes (un prélèvement de 1,4 % au SMIC, 3,8 % à 1,1 SMIC
7,5 % à 1,2 SMIC) pour se raccorder à partir de 1,34 SMIC à l’imposition traditionnelle. Il
rétablit, sans bouleverser la structure de l’IR et de la CSG, une progressivité de notre
imposition des revenus comparable à ce qu’elle est dans tous les pays.
Salaire / Smic
Salaire brut (€)
Revenu mensuel déclaré (€)
IR (% du revenu déclaré)
CRDS, CSG corrigée (% revenu déclaré)
Imposition globale (CRDS, CSG corrigée, IR)
Imposition globale avant (pour mémoire)
1,00
1 465
1 184
0%
1,4%
1,4%
9,7%
1,10
1 612
1 302
0%
3,8%
3,8%
9,7%
1,20
1 758
1 420
1,2%
6,3%
7,5%
10,9%
1,34
1 963
1 586
3,4%
9,7%
13,1%
13,1%
1,50
2 198
1 775
5,3%
9,7%
15,1%
15,1%
2,00
2 930
2 367
7,8%
9,7%
17,5%
17,5%
2,31
3 389
2 738
9,7%
9,7%
19,5%
19,5%
Annexe 2 : Comment se réalise l’ajustement au fil de l’eau avec le prélèvement à la source
de l’IR lorsque le revenu global du foyer exclut le bénéfice de la prime d’activité
Le tableau suivant décrit comment se réalise l’ajustement avec le prélèvement à la source de
l’IR dans l’exemple mentionné dans le débat en première lecture d’un couple marié sans
enfant dans lequel l’un des conjoints a un salaire de 1 SMIC et l’autre de 3 SMIC, si bien que
leur revenu global les exclut du bénéfice de la prime d’activité.
Le mode de prélèvement à la source de l’IR est celui que nous préconisons dans notre
ouvrage consistant, à partir du taux qui s’appliquerait au salaire de chaque salarié s’il était
célibataire. L’entreprise télécharge automatiquement chaque mois auprès de la DGFIP la
réduction à appliquer à ce taux de prélèvement pour tenir compte de la situation du foyer
fiscal.
Sans l’amendement, le conjoint A (1 SMIC) n’a pas de prélèvement au titre de l’IR et un
prélèvement mensuel de 9,7 % du revenu imposable au titre de la CSG. Le conjoint B
(3 SMIC) a un prélèvement de 9,7 % au titre de la CSG et un prélèvement ramené à 10,4 % au
titre de l’IR (grâce au bénéfice du quotient conjugal). Le taux prélèvement mensuel est de
9,7 % pour A et de 20,1 % pour B.
3,00
4 395
3 551
13,7%
9,7%
23,4%
23,4%
6
Avec l’amendement, le conjoint A n’a pas de prélèvement au titre de l’IR et un prélèvement
ramené à 1,4 % au titre de la CSG dégressive. Le conjoint B a un prélèvement de 9,7 % au
titre de la CSG et de 13,2 % au titre de l’IR (conjugalisé) soit un prélèvement global de
22,9 %. Dans le cas d’un couple qui ne bénéficie pas de la prime d’activité, le seul effet de
la CSG dégressive est de déplacer les prélèvements respectifs en réduisant le prélèvement
sur le plus modeste et en la reportant sur le conjoint le plus riche.
Salaire mensuel brut
Revenu déclaré
Taux global de prélèvement
CSG a taux constant
Taux global de prélèvement
CSG dégressive
Foyer fiscal
5 860
4 733
17,5 %
A (1 Smic)
1 465
1 183
9,7 %
B (3 Smic)
4 395
3 551
20,1 %
17,5 %
1,4 %
22,9 %
Dans les deux cas, le prélèvement mensuel global est le même (17,5 % du revenu du foyer)
mais sa répartition entre les 2 conjoints avec la CSG dégressive est plus juste. Ce que
certains appellent un remboursement du trop perçu pour un couple n’ayant pas droit à la
prime d’activité devient, avec le prélèvement à la source sur les 2 salaires, une répartition
plus juste du prélèvement entre les 2 conjoints.
Par ailleurs pour respecter la confidentialité vis-à-vis de l’entreprise, nous proposons dans
notre ouvrage que seule une réduction du taux de prélèvement de l’IR puisse être
téléchargée. C’est bien le cas dans cet exemple. Le conjoint A ayant un taux d’IR nul, le
bénéfice de la réduction résultant du quotient conjugal est concentré sur le conjoint B. Dans
les deux cas, le taux de prélèvement à la source de l’IR conjugalisé appliqué par l’employeur
de celui-ci est plus faible que le taux qu’il appliquerait au titre de l’IR à un salarié célibataire
(13,7 % comme indiqué dans l’annexe précédente). L’ajustement peut donc effectivement se
faire au fil de l’eau.