Les avions de la Grande Guerre

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1914-1918
Les avions
de la Grande Guerre
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Sommaire
Avant-propos .............................. 4
Les avions de combat .............. 5
Blériot XI ..................................... 8
Etrich Taube ..............................10
Zeppelin .....................................12
Sikorsky Ilya Mouromets ........14
Aviatik B.II ..................................16
RAF BE2 .....................................18
Voisin type L ............................ 20
Morane type L .......................... 22
Caudron G...................................24
Morane type N ......................... 26
Fokker type E ........................... 28
SPAD A2 .................................... 30
LFG Roland C.II ......................... 32
Nieuport 11 .............................. 34
Airco DH2 .................................. 36
Sopwith 1½ Strutter ............... 38
Nieuport 17 .............................. 40
SPAD VII ..................................... 42
LVG C.V ...................................... 44
Caudron G6 .............................. 46
Handley-Page 0/400 .............. 64
Sopwith Pup ............................. 48
Albatros D.V .............................. 66
Albatros D.III ............................. 50
Breguet 14 ............................... 68
Salmson 2A2 ............................ 82
Sopwith Triplane ...................... 52
Sopwith Camel ......................... 70
Morane-Saulnier AI ................... 84
RAF SE5 .................................... 54
SPAD XII ......................................72
Nieuport 28 ............................... 86
Gotha G.IV ................................. 56
Hanriot HD1 ...............................74
Phönix D.I ................................. 88
Airco DH.4 ................................. 58
Pfalz D.III.................................... 76
Fokker D.VII .............................. 90
Caproni Ca.3 ............................. 60
SPAD 13 ......................................78
Siemens-Schuckert D.III .......... 92
Bristol F2 Fighter .....................62
Fokker Dr.1 ................................ 80
Pfalz D.XII ................................. 94
Les avions de combat
1914-1918
Avant-propos
IL EST COMMUN DE DIRE QUE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE A MARQUÉ LE PASSAGE À LA GUERRE MODERNE. Et s’il est un domaine où ces mutations ont atteint
leur plus haut niveau, c’est bien l’aviation. Car bien avant 1914, les sous-marins existaient et n’attendaient plus
que l’opportunité de montrer leur puissance. L’artillerie avait depuis longtemps évolué grâce au chargement par la
culasse, aux nouveaux projectiles et poudres. Quant aux chars, s’ils allaient naître durant ce conflit, il leur faudrait
encore de longues années pour atteindre un niveau d’efficacité déterminant.
Ce qui marque le plus lorsque l’on lit ce « en images », c’est la vitesse à laquelle les avions se succédèrent. Passe
encore que les modèles « ratés » ne soient pas restés bien longtemps opérationnels, c’est la moindre des choses.
Mais on constate que même les Mythes, tant alliés qu’allemands, ne restaient en service – du moins sur les fronts
les plus durs – que quelques mois. L’un après l’autre ils étaient dépassés, submergés par un nouveau venu plus
rapide, mieux armé, plus manœuvrant. Cette constatation contribue à rendre ce livre encore plus intéressant,
encore plus nécessaire. Pour celui qui penserait que l’arme absolue avait pour nom Sopwith Camel, Fokker DR1 ou
SPAD XXIII, il faut reconsidérer toute approche des hiérarchies, et intégrer à chaque fois « quand se battait-il ? » et
« contre qui le faisait-il ? ».
Quant aux hommes, il y a longtemps que l’on sait que les combattants de la Grande Guerre ne manquaient pas de
courage ni d’abnégation. Les aviateurs inventèrent leur arme, passant du salut « amical » des débuts à la férocité
des combats « à mort », car le parachute n’était pas utilisé. Ils lancèrent d’abord des fléchettes en plomb par-dessus
bord, et finirent par transporter des tonnes de bombes sur de grandes distances. Ils inventèrent leurs tactiques,
leurs missions, et après eux, rien ne fut plus jamais comme avant sur les champs de bataille.
Gilles Garidel
Lorsque la mobilisation générale est décrétée le 2 août 1914, l’aviation n’est plus tout à fait balbutiante. Blériot a traversé la Manche dès
1909 et Roland Garros la Méditerranée en 1913. Le Déperdussin Monocoque a atteint la vitesse sensationnelle, pour l’époque, de 200 km/h.
L’avion s’est également affranchi des Alpes, bien que Géo Chavez, aviateur péruvien, ait payé de sa vie son exploit.
Pourtant au sein de l’État-Major, on regarde encore ces drôles de
machines avec un œil sceptique ; Foch n’a-t-il pas déclaré en 1911 :
« l’aviation c’est du sport, pour l’armée c’est zéro ! ». Pour autant, l’armée française dispose d’une force de 21 escadrilles de 6 avions et de
3 escadrilles de 5 avions pour un total de 250 pilotes. Ces appareils
sont essentiellement dévolus à la mission cruciale de l’observation du
champ de bataille. Chez les alliés, l’Angleterre ne dispose que de 84 avions et la Russie 190. L’Allemagne, quant à elle, emploie 238 appareils
et l’Autriche 72.
Du salut au mousquet... puis à la mitrailleuse
Dans les premiers jours de conflit, les avions d’observation des deux
camps survolent les champs de bataille. Les aviateurs adverses qui se
croisent parfois se saluent car nous sommes entre gentlemen. On ne
sait pas d’où est venu le premier coup de feu, mais peu à peu les aviateurs s’arment, de pistolets, de mousquets puis de fusils. Le 5 octobre
1914, Joseph Frantz, pilote, et Louis Quenault, mitrailleur, à bord de leur
biplan Voisin rencontrent un Aviatik au-dessus de Jonchery-sur-Vesle
René Fonck, l’as français aux 75 victoires,
pose devant son chasseur SPAD. (DR)
(Marne). Après un tir de 47 cartouches de la mitrailleuse de Quenault,
l’Aviatik tombe en flamme. Wilhelm Schlichting et Fritz von Zangen deviennent les premières victimes de l’aviation de chasse.
Mais c’est à l’aviation d’observation que revient le premier grand exploit de la guerre lorsque les observations combinées des aviateurs
français et anglais permettent de détecter un mouvement de troupes
allemandes en direction de la Marne. La contre-offensive rondement
menée aboutit à la première victoire significative des troupes alliées,
jusque-là bousculées par l’avancée des armées du Kaiser, lors de la
Bataille de la Marne.
En quelques semaines, d’une guerre de mouvement, le conflit qu’on
espérait violent mais court, se transforme en guerre de position et les
troupes se terrent dans les tranchées qu’elles vont occuper pendant
quatre longues années.
Au-dessus d’eux, l’aviation se structure. La bataille de la Marne a démontré l’utilité et l’influence des avions d’observation à qui on a confié
aussi le réglage de l’artillerie, le compte rendu des observations des
tirs permettant d’ajuster la précision des salves suivantes.
Balayer du ciel les yeux de l’ennemi devient une priorité et lorsque
l’apocalyptique bataille de Verdun commence, le commandant de Rose
se voit chargé d’organiser une véritable doctrine pour la chasse française. Il s’appuie sur des escadrilles spécialisées, équipées d’un matériel adapté pour nettoyer le ciel de toute présence allemande afin que
les offensives et contre-offensives françaises puissent se préparer en
toute discrétion.
Si les premiers mois de la guerre ont été effectués avec des avions
parfois directement issus de la grande période héroïque de l’aviation,
comme les Blériot XI ou les Morane monoplans, l’évolution technologique se fait plus sensible, plus rapide.
Dans le camp allemand, l’aviation repose sur un trio. Le biplace d’observation Aviatik, le bombardier Taube et le chasseur Fokker E.III monoplan. Cet appareil rapide et maniable permet aux premiers grands
pilotes de chasse de marquer l’histoire. Max Immelmann et Oswald
Boelcke en tête obtiennent victoires aériennes sur victoires aériennes
grâce à leur mitrailleuse synchronisée permettant de tirer à travers le
champ de l’hélice.
Cette innovation, ils la doivent à Roland Garros qui avait expérimenté
un déflecteur de tir sur l’hélice de son Morane monoplan. Après avoir
engrangé quelques victoires, Garros était malheureusement tombé en
panne au-dessus du territoire occupé. N’ayant pas eu le temps de détruire son ingénieux système, celui-ci était tombé entre les mains du
non moins ingénieux constructeur hollandais Anthony Fokker, fournisseur d’aéroplanes du Kaiser. Il en améliora le principe et c’est ainsi que
le Fokker devint si redoutable que les aviateurs alliés l’appelèrent le
« Fléau ». Le règne du E.III s’acheva avec l’apparition du Nieuport type
XI, dit « bébé » plus rapide et beaucoup plus maniable qui le dominait
largement en combat aérien. De leur côté, les Anglais remplaçaient leur
DH2 par des Sopwith Pup tout aussi efficaces. La supériorité aérienne
changea de camp.
Les combats aériens devinrent nombreux et les journaux se firent
l’écho des exploits des nouveaux chevaliers de l’air. Il fallait redonner
de l’espoir à « l’arrière » et donner des héros aux nombreux anonymes qui constituaient la chair à canon des tranchées. Les aviateurs,
aux personnalités si tranchées, aux exploits solitaires et identifiables,
arrivaient à point nommé. Les pilotes obtenant cinq victoires aériennes devenaient des « As ». Ils se retrouvaient à la une des quotidiens
et des magazines spécialisés comme La Guerre Aérienne de Jacques
Mortane.
Et la foule se mit à vibrer aux exploits de René Dorme, chasseur solitaire, de Charles Nungesser, le casse-cou, et surtout celui qui allait devenir le héros, mythe fondateur de la future armée de l’Air, le frêle Georges Guynemer qui se transformait en prédateur implacable lorsqu’il se
trouvait aux commandes de son SPAD.
Les aviateurs « d’en face » ne manquaient pas non plus ni de courage ni de panache. Le plus brillant d’entre-eux devint même une légende
vivante, Manfred Von Richthofen, le Baron Rouge, commandant de la
Jasta 11, la plus glorieuse escadrille de l’aviation allemande. Il était réputé pour ses avions écarlates afin que l’adversaire sache à qui il avait
affaire. 80 avions tombèrent sous ses balles avant qu’il ne soit tué en
plein vol, un matin d’avril 1918. Guynemer était tombé « en plein ciel de
gloire » le 11 septembre précédent. Car qu’elle se fasse en plein ciel ou
dans la boue, la guerre est faite de drames et d’horreur.
Les aviateurs volaient sans protection dans des appareils de bois et
de toile. Ils ne disposaient pas de parachutes, « afin qu’ils ne soient pas
tentés d’abandonner leurs appareils à la moindre contrariété », dixit
l’état-major. C’est ainsi que de nombreux pilotes ou observateurs sont
morts brûlés vifs dans leurs avions en flamme, écrasés au sol dans leurs
machines désemparées. La guerre de 14 n’a pas été économe de soldats
mais combien de vies ont été ainsi gaspillées ? Il fallut attendre 1918
pour que des pilotes de chasse allemands emportent enfin un parachute
et qu’ainsi, certains, dont Ernst Udet, puissent survivre à la grande boucherie.
La chasse accaparait les feux des médias de l’époque. Pendant ce
temps, les avions avaient évolué. Des frêles chasseurs de 1914 on était
arrivé à des appareils aboutis, efficaces et puissants. Le SPAD XIII volait
à plus de 220 km/h et ses deux mitrailleuses lui conféraient une puissance de feu importante. Le Sopwith Camel avait une maniabilité hors du
commun et devint le meilleur chasseur anglais de la guerre. En face, l’Allemagne avait mis en service le Fokker DVII, reconnu comme l’un des appareils les plus performants de l’époque, maniable, rapide et bien armé.
Ces avions n’avaient plus rien des avions de combat improvisés quatre
ans plus tôt.
La naissance des bombardiers
L’apparition de moteurs plus puissants et l’évolution technologique
aidant, les avions d’observation ont vu leur charge utile s’accroître, leur
autonomie augmenter. On les équipa dans un premier temps de fléchettes en plomb, mortelles pour les hommes et les chevaux, puis on modifia
des obus d’artillerie pour les lancer par-dessus bord. L’appui tactique balbutiait. À la fin de la guerre, les Anglais avaient mis en service le HP400,
capable d’emporter une tonne de bombes, les Allemands avaient le Gotha
tout aussi impressionnant. Mais c’est avec les Zeppelin, les dirigeables
rigides de la marine allemande, que les Allemands réussirent à porter la
guerre jusqu’à Londres. Le bombardement stratégique était né et si son
influence sur le cours du conflit est relativement réduite, il n’en sera plus
de même lors des guerres suivantes.
Une arme complète, et autonome
En 1918, les avions effectuaient des missions de chasse, d’appui tactique, de bombardement tactique ou stratégique, des vols d’observation
ou de reconnaissance, de lutte anti-navire. En quatre ans, l’aviation était
passée du stade de gadget amusant à celui d’arme efficace et indispensable. Ainsi, le Royal Flying Corps obtient son indépendance et devient
la première aviation militaire indépendante le 1er avril 1918 : la Royal Air
Force.
Les doctrines concernant son usage étaient écrites et c’est selon ces
préceptes que les avions de combats d’aujourd’hui sont encore employés, même si la technologie n’a plus rien à voir.
Cette guerre a vu également la naissance d’une véritable industrie,
capable de produire des avions par centaines, des moteurs par milliers.
Les écoles de pilotage formaient les équipages à tour de bras et ce sont
ces mêmes hommes, une fois démobilisés, à bord de ces mêmes avions
démilitarisés qui ont posé les bases d’une autre aviation, bien plus pacifique, en créant les premières liaisons aériennes locales, nationales puis
internationales, pour le transport du courrier puis des hommes d’affaires ; l’aviation commerciale.
En l’espace de quatre ans, l’aviation est passée de l’enfance à la maturité. En 1918 l’essentiel des éléments de son développement futur était
posé. Cette période a sans doute été la plus cruciale de son évolution, les
machines créées, construites et employées pendant ces années noires
portent en elles les gènes de l’histoire du XXe siècle, les connaître, les
découvrir, c’est connaître et découvrir les racines de l’aviation.
Blériot XI
LE 25 JUILLET 1909, Louis Blériot gagne son pari. Vaincre la Manche par les airs lui permet, non seulement de faire une
entrée triomphale dans les livres d’histoire, mais également d’assurer à son entreprise aéronautique un avenir plus radieux.
Cet exploit, il le doit à son monoplan type XI équipé d’un moteur Anzani de 25 ch seulement, et qui se dirige par
gauchissement des ailes. Il décroche ainsi une première commande militaire dès la fin de cette année et le concours de 1911
lui permet de vendre plus de 130 machines.
À l’entrée en guerre, les Blériot XI sont les appareils les plus répandus dans l’aviation militaire française. Ils équipent au
moins 8 escadrilles dont la BL3 future SPA3 « Cigognes ». Employés pour l’observation du champ de bataille, ces avions
biplaces, équipés de moteurs de 80 ch, sont parfois détournés de leur mission initiale pour lancer des fléchettes sur les
tranchées, ouvrant ainsi les premières missions d’appui aérien. Et c’est avec un Blériot de la BL18 qu’une première tentative
de bombardement tactique est lancée contre un aérodrome allemand dans la région de Metz ; les bombes sont des obus de
75 mm lancés à la main par-dessus bord par l’équipage.
Dès 1915, les Blériot sont considérés comme totalement dépassés pour les missions en première ligne et sont
rapidement remplacés par des avions plus modernes. Ils finissent leur carrière aux mains des élèves pilotes
dans les centres d’entraînement et de formation.
Le Blériot XI a connu l’une des plus importantes carrières pour un appareil conçu avant 1910 puisqu’on le
retrouve dans l’inventaire de plus de 15 pays dont l’Angleterre et la Russie, même si ce n’est parfois qu’à
hauteur d’un ou deux exemplaires.
“De la Manche
à la Marne
8)
”
France
1 pilote, 1 observateur
110 km/h
Observation
1 Gnome 80 ch
Quelques kg de bombes
et de fléchettes
À l’entrée en guerre, le Blériot XI était l’appareil le plus fréquent de l’aviation militaire française. (F. Marsaly)
(9
Etrich Taube
C’EST EN 1909 QUE L’AUTRICHIEN IGO ETRICH conçoit un monoplan qui fait son premier vol en 1910. Les formes particulières
de ses ailes et de son empennage amènent à le baptiser Taube (pigeon ou colombe en allemand). Les qualités de vol de cet
appareil lui valent d’être mis en production à la fois en Autriche et en Allemagne chez Rumpler, sous licence. Rumpler finit
par produire ces appareils pour son compte propre sans payer de royalties. D’autres constructeurs suivent cet exemple et le
Taube finit par atteindre un total, assez extraordinaire pour l’époque, de 500 unités environ.
Dès 1911, en Lybie, un Taube a effectué un bombardement avec une charge utile de 2 kg de bombes et en 1914, le Taube est
l’avion de combat majeur des forces de la Triple Alliance. Parmi ses grands faits d’arme, son rôle décisif pendant la bataille de
Tannenberg sur le front Est, lui vaut une certaine célébrité mais sans commune mesure avec la légende qui se crée autour de
cet appareil lorsqu’à la fin du mois de septembre 1914, un Taube largue quatre bombes et quelques tracts sur Paris. Plusieurs
raids vont avoir lieu, jusqu’à la fin de l’année, qui font une dizaine de morts et une cinquantaine de blessés.
Les Taube sont retirés des unités de première ligne à la fin de 1914 ; trop lents, trop vulnérables, peu efficaces. Mais le nom
de cet appareil est resté dans l’histoire comme celui du premier avion capable de frapper les populations jusqu’alors
à l’abri de la guerre, même si ses premières apparitions dans le ciel de Paris prenaient l’allure d’une attraction
inédite pour les parisiens.
“ Une colombe
bien peu
pacifique
10)
”
Autriche - Allemagne
1 pilote, 1 observateur
115 km/h
Observation
1 Mercedes de 100 ch
Quelques kg de bombes
La forme particulière de la voilure des Taube est à l’origine de son nom. (SHD-Air)
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