Introduction et analyse interprétative - méthode thématique
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Introduction et analyse interprétative - méthode thématique
Université Rennes 2 Un exemple d’analyse clinique projective LES ÉPREUVES PROJECTIVES THÉMATIQUES1 Plan V. UNE MÉTHODE D'ANALYSE DES RÉCITS T.A.T. 1. Principes généraux et critères d'analyse I. QU'EST-CE QUE LES ÉPREUVES PROJECTIVES THÉMATIQUES ? 2. Aperception - Résumé de l'histoire 1. Le T.A.T. de Morgan & Murray 3. Langage 2. Les autres épreuves thématiques 4. Structure temporelle - Structure dramatique 5. Analyse thématique II. PLACE ET FONCTION DES ÉPREUVES THÉMATIQUES DANS L'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE 1. Les prérequis qu'elles supposent 5.1. Le concept de thème 5.2. Comment dégager le thème d'un récit ou d'une suite de récits T.A.T. ? 2. Aspects développementaux : le récit enfantin 6. Mécanismes de défense 3. Comment introduire les méthodes thématiques dans l'examen psychologique 7. Commentaires diagnostiques 7.1. Qu'est-ce que diagnostiquer ? 7.2. Construction diagnostique III. L'UTILISATION DU T.A.T. EN EXAMEN PSYCHOLOGIQUE Références bibliographiques 1. Consignes spatiales et verbales 2. Consignes instrumentales : les planches 3. Conduite de l'observation I. QU'EST-CE QUE LES ÉPREUVES PROJECTIVES THÉMATIQUES ? IV. BREF APERÇU DES MODÈLES INTERPRÉTATIFS EXISTANTS 1. Le T.A.T. de Morgan & Murray 1. David Rapaport 2. Leopold Bellak 3. Zygmunt Piotrowski 4. Robert Holt 5. Vica Shentoub et l'école de Paris 6. Le groupe de Lausanne 7. La référence à l’Intrigue 1 En méthodologie projective, on appelle épreuves thématiques un ensemble de méthodes de tests qui ont pour point commun de demander au sujet testé de raconter des histoires imaginaires à propos d'images montrant des scènes dont la signification est plus ou moins ambiguë. La première méthode du genre est le Thematic Apperception Test (ou T.A.T.), inventé en 1935 par les psychologues américains Christiana D. Morgan et Henry A. Murray (édition définitive : 1943). Dans l'histoire de la psychologie clinique, le T.A.T. est un essai original et fondateur pour créer un mode d'exploration de la personnalité, qui puisse en saisir les caractéristiques singulières dans le cadre conceptuel d'une psychologie dynamique. L'hypothèse méthodologique à la base du travail de Morgan & Murray est que les particularités aperceptives de la réponse du sujet nous révèlent les principales caractéristiques de son univers psychique. A la même époque, d'autres psychologues américains, inspirés par la psychanalyse, préfèrent parler de projection pour rendre compte du fonctionnement supposé - Enseignant : Claude Bouchard, MC Psychologie clinique, Université Rennes 2 – mise à jour : février 2011. Les épreuves projectives thématiques / 1 et de l'intérêt méthodologique de telles méthodes de tests (notion de méthodes projectives : Lawrence K. Frank, 1939). « ... nous considérons l'histoire racontée pour chaque image du T.A.T. comme une projection, c'est-à-dire l'attribution par le malade de ses sentiments, besoins et tendances à des sujets (ou à des objets) du monde extérieur qui, en l'occurrence, sont les images. » - (Bellak, 1947, p. 5) découverte d'un dénominateur commun aux structures de comportement actuel d'une personne, et à la genèse de ces structures. Interprétation du T.A.T. signifie donc découverte de dénominateurs et de structures communs aux récits obtenus. » (Bellak, 1947, p. 7-8) Nous reviendrons plus loin sur les principes de l'analyse thématique et sur sa mise en œuvre. 2. Les autres épreuves thématiques Psychologie dynamique : On appelle psychologie dynamique une psychologie qui considère les faits psychiques comme étant la résultante de forces et de tensions en interactions (dynamis, en grec : force). La psychanalyse est un exemple de psychologie dynamique (notion de conflit intrapsychique), mais aussi la systémique ou encore la dynamique des groupes (K. Lewin). Aperception : « Appréhension d’informations par les voies perceptives. Le terme, peu usité aujourd’hui, évoque une saisie globale des stimulations perçues, voire une saisie consciente. C’est avec cette dernière connotation qu’il avait été repris par W. Wundt au vocabulaire de la philosophie. » (M. Richelle, in : R. Doron & F. Parot, dir., Dictionnaire de la psychologie, 1991, Paris, PUF, p. 46). L'originalité du T.A.T. est cependant que la réponse aux images composant le stimulus du test doit être « une histoire aussi vivante que possible » (manuel de Murray, trad. fr., p. 4), et que l'analyse psychologique qui va en être dégagée, va se faire par l'intermédiaire d'une analyse thématique des récits ainsi produits. On a souvent dit que la méthode de Morgan & Murray restait trop dépendante du contenu des histoires T.A.T. en privilégiant le « quoi » (contenu) de la réponse au détriment de son « comment » (forme), tout aussi riche en indices psychologiques significatifs. Ce reproche est cependant inexact et repose en grande partie sur une mauvaise compréhension de l'analyse thématique préconisée. En fait, on peut dire que Morgan & Murray ne s'intéressent au contenu des récits T.A.T. que dans la mesure où il permet de faire apparaître et de dégager des constantes formelles dans un ensemble de récits produits par un même sujet. Les thèmes extraits d'une série d'histoires ne sont pas réductibles aux situations que celles-ci mettent en scène et développent, mais correspondent à des formes (ou structures) abstraites organisatrices de sens-pour-le-sujet. On peut donc dire que l'analyse thématique telle que l'introduisent Morgan & Murray est une analyse psychologique de type structuraliste – ce qu'a très bien exprimé dès 1947 Leopold Bellak, disciple et collaborateur de Murray : « ... avant tout les images sont considérées, psychologiquement, comme une série de situations sociales et de rapports interpersonnels. Au lieu de réagir à des personnes réelles dans des situations réelles le client ou le malade réagit à des personnes représentées par les images, qu'il considère comme des situations sociales déterminées. [...] De cette façon, nous prenons connaissance des structures actuelles de son comportement social, et nous pouvons en déduire la genèse de ces structures. Interprétation signifie De nombreuses méthodes ont été créées dans la suite du T.A.T., dérivées de son modèle. 2.1. La plupart d'entre elles sont nées d'un souci d'adaptation des principes méthodologiques du T.A.T. à des populations spécifiques : Le Children’s Apperception Test (ou C.A.T.) a été conçu par Sonia Bellak et Leopold Bellak (1948, 1952) pour les jeunes enfants. Les figures humaines montrées par les planches du T.A.T. y sont remplacées par des figures animales anthropomorphiques. La même idée a été reprise par Gerald Blum pour ses Blacky Pictures (1950), dont l'originalité est surtout dans le choix de figurer toujours les mêmes personnages d'une planche à l'autre, en favorisant ainsi une production d'histoires à épisodes. (On peut remarquer que cet appareil donne un étayage dramatique plus sûr aux jeunes enfants, spontanément portés à une construction dramatique assez sommaire.) En France, Louis Corman a repris le principe de l’épreuve de Blum et l’a perfectionné avec son épreuve des Aventures de Patte-Noire (1961). Pour les écoliers, R. Nathan et G. Mauco ont créé en 1966 les Planches de situation scolaire complémentaires au T.A.T. Du côté des adolescents, citons principalement le test de Symonds (1948), et l'épreuve Dynamique Personnelle & Images (ou D.P.I) de Roger Perron (1969). Bien que conçu pour tous les âges, comme le T.A.T., le D.P.I. s'avère particulièrement adapté pour les enfants d'âge scolaire et les jeunes adolescents. Pour les personnes âgées, existent le Senior Apperception Test (ou S.A.T.) de Leopold Bellak (1990), et en France le Test Projectif pour Personnes Agées de Laforestrie-Missoum (publié dans les années 80). De très nombreuses variantes du T.A.T. ont également été créées pour s'adresser à des groupes ethniques spécifiques, tel par exemple le Congo-T.A.T. d'André Ombredane (1954), ou plus récemment les travaux de George De Vos (1990). (Voir aussi : Henry, 1951.) 2.2. D'autres épreuves thématiques se sont centrées sur des champs relationnels ou psychosociaux particuliers. Par exemple : le Family Attitudes Test de Lydia Jackson (1952), connu en France sous le nom de « Test des Attitudes familiales ». 2.3. Enfin, certaines épreuves thématiques se sont construites sur une transformation de l'instrument T.A.T. lui-même. Citons notamment : le Four Pictures Test (ou F.P.T.) de Van Lennep (1939, 1947), qui ne propose que quatre images, en couleurs, à combiner par le sujet pour une histoire unique, à produire par écrit ; le M.A.P.S. (Make-A-Picture-Story) d'Edwin S. Shneidman (1947), qui propose un appareil permettant de Les épreuves projectives thématiques / 2 dissocier personnages et décors dans un espace à trois dimensions ; l'O.R.T. (Object Relation Test) de Herbert Phillipson (1955), dont les planches intègrent les qualités d'indétermination formelle de l'épreuve de Rorschach, selon divers degrés de clarté perceptive et de coloration des images présentées ; les Pickford Projective Pictures de R.W. Pickford (1960) qui, en réduisant le format des planches proposées et en multipliant leur nombre (jusqu'à 120 !), permettent de disposer d'un matériel d'images abondant, utilisable avec souplesse en situation diagnostique et en psychothérapie. Il. PLACE ET FONCTION DES ÉPREUVE THÉMATIQUES DANS L'EXAMEN PSYCHOLOGIQUE 1. Les prérequis nécessaires Même si le principe de tout test est de mettre à 2 l'épreuve un sujet de façon à valider des hypothèses cliniques, cette mise à l'épreuve ne peut être tentée sans quelques prérequis nécessaires minimaux. En l'occurrence, la plupart des épreuves thématiques étant des épreuves verbales, elles ne peuvent être utilisées avec les sujets présentant des troubles importants du langage et/ou de la parole. Seuls le M.A.P.S. et le Scénotest, qui obligent une manipulation de matériel dans un espace à trois dimensions, peuvent éventuellement se passer d'une production verbale élaborée, pour limiter l'observation et l'analyse à des données de productions gestuelles et spatiales. Pour les mêmes raisons, les problèmes de langue peuvent être un obstacle important voire radical à l'usage de telles méthodes, sans compter que certains jeux d'images thématiques sont saturés de facteurs socioculturels qui supposent une familiarité avec le contexte de référence (d'où l'adaptation de certains tests : Congo T.A.T., Patte-Noire version « Mouton » pour les sujets musulmans, etc.). Toujours sur le plan verbal, les épreuves thématiques exigent chez le sujet un discours plus élaboré que, par exemple, dans les épreuves uniquement aperceptives de type Rorschach. Dans ces dernières, il peut suffire que le sujet nomme ce qu'il perçoit ou qu'il le qualifie, alors qu'avec les épreuves thématiques il lui faut décrire une scène et une action, production discursive plus complexe. Par ailleurs, il est parfois dit que le fait d'avoir connu une histoire personnelle perturbée ou déstructurée peut rendre difficile, pour certains sujets, de répondre à des épreuves qui demandent précisément de raconter des histoires. Notre expérience nous montre que cette difficulté éventuelle n'est nullement liée au fait que l'histoire du sujet soit « objectivement » complexe ou mouvementée, mais beaucoup plus au retentissement de ces événements chez le sujet et aux effets éventuels d'empêchement ou de désorganisation de sa capacité à se donner de l'histoire et à organiser de l'histoire. Certains enfants dont l'histoire vécue a été fort tourmentée, restent capables de produire des récits, et parfois même le font d'autant mieux que les récits demandés en situation d'épreuve thématique doivent être imaginaires et non réels. 2 - C’est le sens du mot test, qui signifie en anglais : « essai ». Enfin, la mise en scène plus ou moins nécessitée par les épreuves thématiques (selon leur variété) renvoie à une historicité (i.e. capacité à organiser historiquement le monde) qui n'est pas d'emblée disponible du point de vue du développement psychologique. D'où le fait que les épreuves thématiques ne puissent aisément être employées avec les jeunes enfants (de moins de 7 ans), à moins de recourir à des appareils pré-construits du point de vue de la mise en scène (par ex., dans le Patte-Noire chaque image est un épisode des mêmes « Aventures de Patte Noire », les personnages ayant été identifiés au départ grâce à la planche Frontispice), ou à moins de se contenter de réponses uniquement aperceptives (interprétations des images), sans véritables constructions et développements scéniques. Cette dernière remarque nécessite un développement particulier, car il s'agit d'un aspect souvent négligé ou sousestimé, notamment lorsqu'on analyse les récits d'enfants dans les épreuves thématiques. 2. Aspects développementaux : le récit enfantin Roger Perron, l'inventeur du test D.P.I., est l'un des rares auteurs, à notre connaissance, à avoir systématiquement étudié et repéré, d'un point de vue développemental, ce qu'il a appelé la maîtrise des « lois de construction du récit » (Perron, 1975). A partir d'une expérience portant sur les protocoles de D.P.I. produits par 300 enfants âgés de 5 à 14 ans (soit 7.000 histoires au total !), Perron dégage trois « stades » dans la mise en place évolutive de la « thématique d'entreprise », prise comme scénario-type (« un personnage engagé dans une action axée sur un but », 1975, p. 15) : le récit statique : soit 36 à 50 % des récits des enfants de 5-7 ans, mais fréquence importante et stable à tous les âges (28-35 %). « Simple énumération des éléments du dessin ; ou description d'actions actuelles, peu significatives, immédiatement visibles sur la planche (“il parle, il marche, il met le bras comme ça”, etc.) ; ou évocation d'une seule activité ou situation, sans qu'on puisse y distinguer des étapes distinctes : le héros joue, lit, rêve, etc., mais ceci est évoqué globalement sans qu'il apparaisse une action centrée sur un but, développée et aboutissant à une issue » - (Perron, 1975, p. 18) le récit juxtaposé : très fréquent à 5-7 ans, de plus en plus rare après 9 ans. « Evocation de plusieurs activités ou situations sans liens logiques nets ; c'est-à-dire qu'elles ne découlent pas les unes des autres par voie de conséquence ou sous l'effet d'un principe directeur commun. Il y a simple succession temporelle aléatoire, de sorte qu'on pourrait modifier l'ordre du discours sans en altérer le sens. […] De tels “récits”, qui se bornent à une simple succession temporelle d'activités banales, peuvent être commencés et terminés en n'importe quel point, abrégés ou indéfiniment allongés selon l’humeur du moment de l’enfant qui les donne ; ils reviennent souvent, à peu près identiques, sur des planches successives, l'enfant ne tenant que très peu compte de ce que chaque planche représente. » - (ibid., p. 18) le récit coordonné ne représente que 25 % des récits à 7 ans, mais il est dominant à partir de 9 ans, jusqu'à 70 % après 12 ans. « En ce cas au contraire on peut distinguer des moments successifs, correspondant à des étapes de l'action Les épreuves projectives thématiques / 3 logiquement enchaînées, où se marquent des effets de causalité et/ou un principe directeur commun. On ne peut intervertir ces moments sans absurdité. » - (ibid., p. 18) On remarquera que la structure « statique » est la moins significative du point de vue développemental, puisqu'elle apparaît à tous les âges dans une proportion non négligeable. Les structures « juxtaposée » et « coordonnée » sont beaucoup plus relatives à l'âge, et donc plus significatives d'une organisation historique dont les périodes-clés se situent aux alentours de 7 ans et de 12 ans. Ces constats rejoignent ceux des recherches (assez rares, en fait) sur la genèse de la production de récits (Fayol, 1985 - voir notamment p. 78-82). 3. Comment introduire les épreuves projectives thématiques dans l'examen psychologique Les méthodes projectives en général passent pour des méthodes plus « ouvertes », moins contraignantes que les épreuves psychométriques et leur place dans l'examen psychologique est souvent conçue à partir de cette idée. Dans la réalité, cet effet escompté de « libération » positive est loin d'être toujours confirmé, ce qui peut amener le clinicien à utiliser les épreuves projectives avec davantage de précautions que les épreuves métriques. Toutefois, il est tout aussi exagéré de penser que les épreuves projectives sont plus « violentes » que les épreuves psychométriques ou qu'une méthode d'entretien. C'est vrai pour certains sujets et pas pour d'autres, et l'idée que les tests « de personnalité » sont plus intrusifs que les autres méthodes repose en grande partie sur une idéalisation de ces tests comme pouvant explorer des aspects plus « profonds » ou plus intimes du psychisme. Les niveaux d'analyse impliqués par les épreuves projectives ne sont a priori ni plus sensibles ni plus chargés d'affects que ceux que l'on peut solliciter dans un entretien ou par le moyen de tests dits « objectifs ». On pourrait dire là encore que c'est vrai pour certains sujets et pas pour d'autres, et que c'est bien parce que chaque sujet réagit différemment à la diversité des sollicitations qu'on pourra lui proposer, qu'il est intéressant et important de varier et de moduler ces sollicitations en conséquence. C'est même à prendre en compte cette nécessaire variation que notre investigation sera clinique, i.e. qu'elle suivra le sujet au plus près de ses particularités singulières. De façon générale et comme pour tout test psychologique (fût-il même « psychométrique »), une épreuve projective thématique est à employer en fonction des interrogations préalablement dégagées par l'analyse clinique d'une situation-problème faisant « demande ». Le recours au test choisi correspondra ainsi à une triple pertinence : choix de procéder à un testing (pertinence d'expérimentation) ; choix de le faire à ce moment-là de l'investigation et/ou de l'intervention à mener (pertinence d'opportunité) ; choix de le faire avec cette méthode-là (pertinence d'indication). C'est en se posant ces trois questions et en y répondant, que le clinicien peut optimalement se maintenir dans une vigilance et une inventivité cliniques, loin de toute procédure uniforme et/ou « sauvage ». Place des épreuves thématiques dans l'examen psychologique de l'enfant « Par rapport aux épreuves d'efficience, la situation projective peut favoriser un moment de détente étant donné qu’il n'y a plus de performance à accomplir ; le chronométrage devient discret ou inexistant, l'enfant est libre de ses réponses. Certains enfants seront au contraire inquiets de voir disparaître un cadre strict. Dans les faits, si une approche clinique préside à l'ensemble de l'examen psychologique, il n'y a pas un hiatus total entre les diverses situations : toutes les réponses, “bonnes" ou pas, libres ou cadrées, offrent toujours un reflet du fonctionnement psychique ; certains subtests d'efficience sont même lourds d'implications projectives, livrant parfois ouvertement les problématiques en termes d'agressivité, de dépendance, de fragilité identitaire ou de troubles identificatoires. Demander à l'enfant de raconter les histoires correspondant à ses “arrangements d'images” du WISC-R peut constituer une excellente introduction aux épreuves thématiques verbales. » (M. Boekholt, Épreuves thématiques en clinique infantile. Approche psychanalytique, Paris, Dunod, 1993, p. 14.) III. L’UTILISATION DU T.A.T. EN EXAMEN PSYCHOLOGIQUE Nous envisagerons essentiellement l'exemple du T.A.T. de Murray, mais les indications concernant cette méthode peuvent être facilement transposées aux épreuves thématiques qui lui sont proches (C.A.T., test de Symonds, D.P.I.). D'autres méthodes, comme par exemple le M.A.P.S., le Scéno-test, et les épreuves d'aventures en série (type Blacky Pictures ou Patte-Noire), supposent des procédures d'administration et d'analyse spécifiques, dont nous ne parlerons pas ici. 1. Consignes spatiales et verbales 1.1. Les consignes spatiales et posturales correspondent à l'organisation et à la conduite de la séance (setting). Il conviendra de disposer d'un lieu et d'un temps suffisants pour mener l'expérience aussi confortablement que possible. Le sujet sera installé assis devant une table de hauteur normale et sur laquelle il pourra éventuellement poser les planches qu'on va lui montrer. Le psychologue sera installé assis sur un côté de cette table, prêt à enregistrer par écrit les réponses du sujet. Il dispose, à portée de la main, des « planches » qu'il va présenter au sujet, préparées dans l'ordre de leur présentation et face retournée vers le bas (le sujet ne doit pas voir à l’avance les images qui lui seront proposées). On peut user d'outils enregistreurs (magnétophone, caméscope), après accord du sujet comme il se doit. L'expérience montre toutefois qu'il est préférable, même en cas d'enregistrement audio ou vidéo, de prendre des notes en séance : afin de pouvoir éventuellement pallier les défaillances des enregistrements audio ou vidéo ; Les épreuves projectives thématiques / 4 parce que la prise de notes en situation capte des phénomènes plus directement perçus et ressentis, pas toujours repérables à la lecture hors-situation d'un enregistrement audio ou vidéo : un tel enregistrement peut tout au plus permettre de vérifier si les réponses du sujet ont été complètement notées, mais ne remplace jamais la perception in vivo et en relation du climat transférentiel ou émotionnel de la séance, ou de certains aspects posturaux, mimiques, de ton de voix, de qualité du regard, etc. – (bien qu'il s'agisse là d'éléments secondaires de l'analyse). Après l'installation de la séance et l'énoncé des consignes verbales, l'observateur donne la première planche ; puis, lorsque le sujet a fini de répondre à celle-ci, il introduit la planche suivante, et ainsi de suite jusqu'à la fin. Il est intéressant de donner la planche au sujet de telle manière qu'il puisse, à son choix, la prendre directement en main, ou bien l'examiner posée sur la table par l'examinateur, sans avoir à la toucher si telle est sa réaction « spontanée ». A la fin de l'épreuve, il pourra être également intéressant de demander au sujet de choisir les planches qu'il a préférées et celles qu'il a le moins aimées, et de justifier ces choix (épreuve des choix) – ou au moins, de lui demander son avis sur les images qu'il vient de voir et sur les histoires qu'il a racontées. 1.2. Les consignes verbales : Il en existe en fait un grand nombre, proposées par divers auteurs. Nous n'en retiendrons ici que trois parmi les plus classiques. Consigne de Murray (1935, 1938) : « Voici un test d'imagination. Je vais vous montrer une image, et je voudrais que vous inventiez un scénario ou une histoire qu'elle pourrait illustrer Quelles sont les relations entre les personnages ? Que leur arrive-t-il ? A quoi pensent-ils et que ressentent-ils ? Comment cela finira-t-il ? Je voudrais que vous fassiez de votre mieux. Il s'agit d'une épreuve d'imagination littéraire, vous pouvez donc faire votre histoire aussi longue et aussi détaillée que vous le voulez. » Dans son manuel de 1943, Murray propose un énoncé plus complexe, dans un dispositif comprenant en fait plusieurs consignes, avec des variantes. Pour la planche 16 (blanche), il spécifie la consigne suivante : « Dites-moi ce que vous pouvez voir sur cette planche blanche. Imaginez qu'il y a une image et décrivez-la moi en détail. Maintenant, racontez-moi une histoire là-dessus. » Consigne de Bellak (1947) : « Je vais vous montrer quelques images ; j'aimerais que vous me racontiez des histoires sur ce qui se passe dans chaque image, ce qui l'a précédé et ce que sera le dénouement. Je vous demande de le faire de façon vivante, pleine d'action, et de vous laisser aller à votre imagination. » - (Bellak, 1947, p. 6) Et comme variante de la consigne de Bellak : Consigne de Monique Morval (1977, 1982) : « Je vais vous montrer des images. Pour chacune d'elles, vous allez me raconter une histoire, c'est-à-dire décrire ce qui se passe, ce que les gens pensent et font, comment c'est arrivé et comment cela va finir. Avez-vous bien compris ? il s'agit donc de dire ce qui s'est passé avant, pendant, après. Voici la première image. » - (Morval, 1977, p. 19) En résumé : Quelle que soit la formulation choisie, il s'agit surtout de faire entendre que : on va montrer des images... avec des scènes (personnages) le sujet va avoir à dire ce que cela représente... et à le dire par une histoire (avec début, développement, fin). Facultativement, on peut préciser : que le sujet peut prendre son temps qu'il doit dire une histoire différente pour chaque image. 2. Consignes instrumentales : les planches 2.1. Dans le dispositif conçu par Murray, la séance de T.A.T. se déroule en deux parties distinctes : la seconde (planches 11 à 20) ayant pour objectif de favoriser des histoires plus fantaisistes que la première (planches 1 à 10). « Tâchez d'inventer [des histoires] plus passionnantes encore que la dernière fois, comme un rêve ou un conte » (Murray, 1943, p. 6). Cet encouragement à « faire encore mieux » est également indiqué par le choix de planches, pour cette seconde partie, plus fantastiques ou plus bizarres. Au total, Murray proposait ainsi de montrer deux fois dix planches (soit 20 planches), choisies parmi les 31 planches disponibles selon l'âge et le sexe du sujet (symboles indiqués au verso des planches, avec leur numéro : M : male, F : female, B : boy, G : girl). Exemples : - la planche 3 existe en deux versions : 3BM (hommes et garçons) et 3GF (femmes et filles) ; - la planche 12 présente trois versions : 12M (hommes), 12F (femmes), 12BG (enfants des deux sexes) ; - plusieurs planches n'existent qu'en une seule version : 1, 2, 4. 5, 10, 11, 14, 15, 16, 19, 20. 2.2. Ultérieurement, la procédure d'origine (conçue pour des pratiques expérimentales de laboratoire) s'est avérée trop lourde dans la pratique diagnostique courante, en institution. D'où l'usage, établi dès les années 40, d'administrer le T.A.T. en une seule séance, moyennant la réduction du nombre des planches présentées (Bellak, par exemple, suggère de n'en proposer qu'une dizaine). Mais dès lors se pose la question de la sélection des planches à proposer et de leur ordre de présentation. Ce choix est d'autant plus difficile à faire que les planches du T.A.T. sont nombreuses et qu'elles constituent une collection tout à fait exceptionnelle par rapport au matériel des autres épreuves thématiques, en raison de leur grande diversité formelle et stylistique - (Henry, 1956 ; Bouchard, 1989-b). On peut s'aider, pour ce choix, des constats et propositions recensés dans la littérature T.A.T. quant aux effets respectifs des 31 planches de Murray, et en particulier au moyen de notre Guide d'utilisation des planches du T.A.T. (Bouchard, 1999). Généralement, les praticiens contemporains adoptent une série abrégée standard, immuable ; ou bien ils retiennent quelques planches régulières, constantes, auxquelles ils ajoutent, selon les besoins spécifiques de l'investigation menée, d'autres planches spécialement choisies. Les épreuves projectives thématiques / 5 En 1970, Hartman demande à 90 psychologues américains de classer les planches du T.A.T. par ordre d'importance, et en dégage une série moyenne de huit planches valables pour tout sujet : 1, 2, 3BM, 4, 6BM, 7BM, 13MF, 8BM. Mundy (1971) suggère d'y ajouter la planche 12BG pour les sujets féminins. Quelques auteurs ont défini des séries standards, construites sur des bases à la fois empiriques et théoriques (selon certaines options interprétatives). C'est le cas par exemple de Bellak, qui indique : - pour les sujets masculins : 1, 2, 3BM, 4, 6BM, 7BM, 11, 12M, 13MF - pour les sujets féminins : 1, 2, 3BM, 4, 6GF, 7GF, 11, 13MF. Dans ce même arrangement, Morval remplace la planche 13MF par la 13B pour les enfants, et termine la série en ajoutant la planche 16 (blanche) - (Morval, 1982). Holt suggère les planches : 1, 2, 3BM, 4, 6BM, 7BM, 8BM, 12M, 13MF, 15, 18BM, et préconise l'usage de la planche 16 (Holt, 1951). En France, Vica Shentoub a défini un autre standard - pour les adultes : 1, 2, 3BM, 4, 5, 6BM/6GF, 7BM/7GF, 8BM, 9GF (femmes), 10, 11, 12BG, 13B, 13MF, 19, 16 - pour les enfants : 1, 2, 3BM, 4, 5, 6BM/6GF, 7BM/7GF, 8BM, 9GF (filles), 10, 11, 12BG, 13B, 19, 16. Le T.A.T peut être appliqué aux enfants de plus de 7 ans (en-deçà de cet âge, les réponses sont généralement descriptives) - (Perron, 1975). Plus spécialement pour eux, Morval propose la série : 1, 2, 3BM, 5, 7GF, 8BM, 12M, 13B, 14, 17BM, 16. Rotter signale que les planches suscitant le plus d'interprétations chez les enfants sont, par ordre décroissant : 7GF, 18GF, 3GF, 8GF ; et celles qui sont les moins interprétées : 19, 18BM, 11, 12BG. Il en conclut que les enfants répondent plus facilement à des planches leur montrant des personnages ou des situations pouvant susciter leur sympathie (Rotter, 1946). Une autre possibilité est de se réserver une série de base permettant des comparaisons entre plusieurs sujets ou entre plusieurs examens, et d'y ajouter occasionnellement d'autres planches en fonction de problèmes particuliers à explorer. C'est ce que préconise par exemple Bellak, dont la série standard est conçue en fait comme une base minimale pouvant être complétée par une ou plusieurs autres planches selon les besoins de l'examen. Une autre possibilité, enfin, est de laisser le sujet choisir lui-même les planches et leur ordre de sériation. En ce cas, on lui présentera l'ensemble des 31 planches, rangées en tas dans l'ordre de leur numérotation, en lui demandant de les examiner, puis d'en choisir une première, une seconde, etc., dans l'ordre qu'il veut. Le choix des planches pourra être soit préétabli en nombre : « Vous choisirez dix planches » (ou tout autre nombre décidé par le psychologue), soit limité dans le temps : « Vous allez raconter une histoire par image. Nous allons travailler ainsi pendant une demi-heure » (ou toute autre durée choisie par le psychologue). Dans ce type de procédure, une dimension expérimentale nouvelle entre en jeu : le choix et l'ordre des planches établis par le sujet, dont on peut supposer qu'ils ne seront pas aléatoires. 3. Conduite de l'observation 3. 1. Le relevé de séance Le psychologue notera, bien entendu, les histoires produites par le sujet en réponse aux planches présentées. Mais il notera aussi : toutes les caractéristiques de ces histoires telles qu'elles ont été dites : avec leurs hésitations, leurs répétitions, leurs temps de silence, leurs particularités verbales (maladresses syntaxiques, erreurs grammaticales, lapsus) ; tout ce que le sujet pourra dire en dehors des histoires elles-mêmes (discours d’accompagnement) : commentaires, hésitations, questions à l'observateur ; tout ce que le sujet pourra manifester comme attitudes et comportements : postures, mimiques, commentaires gestuels, tenue de la planche, manipulations de la planche ; toutes les questions et interventions, in extenso, que le psychologue sera amené à poser. 3.2. En cours de séance, le psychologue veille à respecter les réponses du sujet. Sa neutralité répond à la fois à un principe de non-jugement et à un principe... de prudence clinique selon l'exigence d'abord de « voir » avant de « savoir », d' « écouter » avant d' « entendre ». Toutefois, la rigueur de l'observation exige aussi qu'elle soit pertinente, ce qui suppose que le psychologue ait aussi à s'assurer d'une compréhension optimale et valide des réponses produites par le sujet. A ce titre, et sans contradiction aucune avec les principes ci-dessus de 3 « neutralité » , il se doit d'intervenir à bon escient afin d'obtenir toutes les données expérimentales nécessaires à son travail d'analyse interprétative. Ceci, bien entendu, dans les limites que lui impartit son appréciation clinique et éthique de la situation actuelle de testing. De façon générale, le clinicien peut adopter quatre types d'interventions : le rappel des consignes, notamment la demande d'une histoire complète et, pour la planche 16, l'impératif de décrire d'abord une image avant le récit ; l'aide, l'encouragement : en cas de doute, d'inhibition exprimée parle sujet ; la demande de clarification : lorsqu'un aspect du récit demeure ambigu ou qu'il prête à confusion ; l'enquête proprement dite (à l'instar de ce que l'on pratique dans l'épreuve de Rorschach sous le nom de test aux limites - Pignol & al., 1992). Bien entendu, toutes ces interventions ne peuvent insister au-delà des limites, non seulement de la tolérance du sujet (selon les principes ci-dessus), mais aussi au-delà des limites d'empêchement du sujet qui deviendront alors significatives. Exemple : Si malgré nos rappels d'avoir à produire une histoire complète, le sujet se borne à seulement décrire l'image ou une situation non développée ou non terminée, il faudra supposer que se manifeste par là une incapacité problématique, dont on aura à déterminer la nature et la signification. Même dans le cas où l'on peut 3 - Afin d’éviter tout malentendu (par confusion avec la psychanalyse) et toute illusion sur les effets de la présence du psychologue, il nous paraît préférable et plus juste de parler d’implication raisonnée du clinicien plutôt que de « neutralité ». Les épreuves projectives thématiques / 6 faire l'hypothèse d'une « résistance » de la part du sujet, il reste à préciser de quel type de résistance il s'agit (mécanismes défensifs employés) et la fonction de cette résistance dans le contexte psychique du sujet (mode de relation d'objet, angoisse de base, modalités transférentielles). IV. BREF APERÇU DES MODÈLES INTERPRÉTATIFS EXISTANTS Il existe plusieurs méthodes d'analyse des récits T.A.T. Nous ne retiendrons ici, pour un simple rappel, que celles qui s'inspirent de références psychanalytiques. 1. David Rapaport est l'un des premiers (1946) à avoir insisté sur l'importance des « indices formels » dans les récits T.A.T., et à en avoir développé l'usage interprétatif en termes de conformité aux consignes, de cohérence de la réponse, et de caractéristiques de la verbalisation. Pour Rapaport, le T.A.T. prend place dans une conception générale du diagnostic psychologique, et serait plus spécifiquement à renvoyer à l'étude de la structure du « contenu idéationnel » (ideational content) et des processus de pensée. Avec ses élèves et collaborateurs (Roy Schafer, Merton Gill), Rapaport est aussi l'un des premiers à avoir dressé, dès la fin des années 40, un inventaire de signes psychopathologiques au T.A.T. 2. Comme Rapaport, Leopold Bellak (1947, 1954) accorde une importance toute particulière aux indices formels au T.A.T., mais pas dans le même esprit. Pour lui, ces indices s'inscrivent dans une approche essentiellement attentive à la dynamique besoins/défenses et au « degré d'adaptation » que permet cette dynamique. L'analyse en sera menée, analogiquement, tant au niveau de l'histoire elle-même (« adaptation du héros ») que du narrateur luimême (conduite de la tâche, caractéristiques formelles de la réponse). « ... on ne doit pas étudier le T.A.T. uniquement pour les tendances qu'il révèle, mais aussi pour les réactions de défense opposées à ces tendances. Très souvent, une telle étude des réactions de défense fournit plus de renseignements, en ce sens que les tendances peuvent, d'une part apparaître moins clairement que les défenses qui leur sont opposées, et d'autre part être en connexion plus étroite avec la conduite “manifeste” Par cette étude des tendances et des défenses, le T.A.T. conduit souvent à une analyse bien nette de la structure du caractère du sujet. » (Bellak, 1947, p. 17) Les « mécanismes de défense » ainsi analysés sont référés aux travaux d'Anna Freud (Le moi et les mécanismes de défense, 1937) et, plus tard, à la psychologie du Moi de Heinz Hartmann (La psychologie du moi et le problème de l’adaptation, 1939). Le diagnostic psychologique recherché se dira en effet en termes de « force du Moi ». Notons encore que Bellak est l'un des premiers cliniciens à avoir introduit en psychologie projective la notion d'image du corps, empruntée à Paul Schilder (L'image du corps, 1935). En langue française, la principale représentante contemporaine de la méthode de Bellak est la psychologue canadienne Monique Morval (1977, 1982). 3. Zygmunt Piotrowski transpose au T.A.T. les règles de l'interprétation psychanalytique des rêves, en formulant neuf règles d'interprétation applicables au maniement de personnages fictifs, et en particulier au T.A.T. (1950). Ces principes seront diffusés en France par Didier Anzieu (1960) et par Louis Corman (1963). Ils influeront d'ailleurs sur le développement des Aventures de PatteNoire par ce dernier auteur, conjointement à l'exemple des Blacky Pictures de Blum. 4. En opposition à l'assimilation du récit T.A.T. à un rêve ou à une rêverie, Robert Holt (1961) propose de considérer la réponse T.A.T. comme un « produit cognitif » particulier, et d'en rendre compte selon les conceptions de la psychologie du Moi. Mais à la différence de Bellak qui retient d'abord de l'Ego-psychology une dynamique défensive et adaptative au niveau du Moi, Holt propose une théorie de la réponse T.A.T. qui insiste davantage sur une économique de « neutralisation des pulsions » par le Moi. Holt introduit ainsi à propos du T.A.T. – et après Rapaport déjà – une conception de la réponse T.A.T. qui renvoie celle-ci à une théorie de la pensée, d'inspiration psychanalytique. Son œuvre constituera l'une des sources du travail de Vica Shentoub en France. 5. D'abord inspirée par les travaux américains (Bellak, Dana, Schafer, Holt), Vica Shentoub publie ses premiers travaux sur le T.A.T. à la fin des années 50. Elle propose une première version de sa « feuille de dépouillement » des histoires T.A.T. – maintes fois remaniée depuis – en 1958. C'est en s'appuyant sur les travaux de Lagache sur la fantaisie, que Vica Shentoub va pouvoir reprendre le modèle psychanalytico-cognitif de Holt et le modifier pour y réintroduire la dimension du fantasme. Ainsi, dans les années 60, introduit-elle l'idée que la réponse T.A.T. correspond d'abord à un mode d'investissement particulier par rapport au fantasme : « C'est un problème de distance à établir […] idéalement égale entre les éléments objectifs de la réalité [de la planche] et les fantaisies inconscientes empreintes de désir et de défense (défense par la réalité, défense par la fantaisie). Distance idéale : le sujet s'engage et peut se dégager, conscience de la fantaisie que Lagache rattache à “une autonomie relative impliquant la communication entre les structures inconscientes et les activités adaptatives et créatrices de l'esprit” » - (Shentoub, 1967, p. 57) Un peu plus tard, et en collaboration avec Rosine Debray, Vica Shentoub pourra finalement mettre au point une théorie du « processus-T.A.T. », renforçant la référence au fantasme (1971, 1973). Dans le même temps, s'introduit la référence interprétative à la structure œdipienne. Dès lors, la réponse T.A.T. est conçue comme la résultante d'un conflit entre : les impératifs conscients représentés par la planche et la situation de testing, et les impératifs inconscients sollicités par le « contenu latent » de la planche, globalement référé à l’œdipe. Du point de vue de la cotation et de l'analyse des histoires, l'interprète est invité à repérer les « procédés d'élaboration du discours » (procédés formels et/ou narratifs) et le « degré de lisibilité » des histoires (selon l'effet des poussées contraires fantaisie versus défense), en fonction de ce que chaque planche est supposée évoquer du positionnement œdipien. Le diagnostic psychopathologique s'opère selon la distribution et le degré de ces indices, répartis par la feuille de dépouillement en quatre « séries » (Contrôle, Labilité, Evitement du conflit, Emergence en processus primaires), elles-mêmes Les épreuves projectives thématiques / 7 définies d'après les grandes catégories nosographiques (Shentoub & al., 1990). De nombreux travaux ont repris l'approche du T.A.T. proposée par Vica Shentoub. Citons notamment ceux de : Catherine Chabert, Rosine Debray, Nicole Jeammet, Françoise Brelet. Une méthode d'analyse des épreuves thématiques chez l'enfant inspirée des travaux de Vica Shentoub a été publiée par Monika Boekholt (1993). 6. A Lausanne et à Genève s'est développée depuis la fin des années 1970, autour de Colette Merceron et Frieda Rossel, une pratique originale des méthodes projectives (Rorschach, T.A.T.) et du test de Wechsler (W.A.I.S.). Comme pour l'école de Paris, les références interprétatives mises en avant sont psychanalytiques, principalement empruntées à l’œuvre freudienne, mais aussi aux travaux psychopathologiques de Jean Bergeret et d'Otto Kernberg. « Les recherches que nous menons s'inscrivent en grande partie dans une perspective psychanalytique et s'alignent [...] sur les vues des auteurs qui défendent la notion de structure de personnalité dans le sens d'une organisation de base permanente articulée autour de trois axes, à savoir un mode de relation d'objet, un type d'angoisse spécifique et des mécanismes de défense particuliers. Ces auteurs s'accordent pour situer à l'échelon inférieur de la psychopathologie, la structure psychotique fixée au premier stade dit oral ; au sommet de l'échelle se trouve la structure névrotique, organisée autour du complexe d’Œdipe et considérée comme l'organisation de la personnalité la plus évoluée et à l'échelon intermédiaire figurent les états-limites, regroupent les aménagements qualifiés d'inférieurs et de supérieurs autour de la fixation anale. Dans notre optique, le but premier de l'examen psychologique consistera à différencier ces trois niveaux d'organisation, non pas au moyen de calculs de fréquence statistique mais à l'aide d'une analyse qualitative des trois axes cités plus haut (relation d'objet, angoisse, mécanismes de défense)... » - (Rossel & al., 1986, p. 723) D'un point de vue méthodologique, et concernant plus spécifiquement le T.A.T., l'analyse des réponses reprend, en les associant, trois « axes » principaux (Husain, 1992) : - l'axe de la réalité : à l'encontre de certaines thèses posant une équivalence entre histoires T.A.T. et réalité vécue, il s'agit ici d'envisager plutôt que le T.A.T. révèle « la position du sujet dans sa réalité psychique (articulation de ses fantasmes avec le principe de réalité) et quant à son rapport à la réalité » - (ibid., p. 23) ; - l'axe de la forme du discours : il ne suffit pas seulement de considérer le « fond » de la réponse, mais aussi d'en étudier la « forme », ce point étant particulièrement pertinent au T.A.T. dont les exigences narratives sont complexes (règles de linéarité, de progression irréversible vers un terme, de définition d'un cadre spatio-temporel, de parole par un tiers) - (sur cet axe d'analyse, les cliniciens de Lausanne ne négligent par l'apport de la psychologie piagétienne - Rossel & al., 1986, p. 726) ; - l'axe de la liaison : par référence à la continuité du discours, il s'agit de prendre en compte l'articulation entre processus primaires et processus secondaires, perceptible tant dans la structure du récit que dans la mise en scène qu'il opère, et d'en dégager des repères de compréhension psychogénétique. Le groupe de Lausanne a surtout proposé des études cliniques menées avec le Rorschach, mais aussi quelquesunes avec le T.A.T., essentiellement sur les psychoses et sur les états-limites. On peut citer les travaux de : Odile Husain, Ingrid Roussel Gay-Crozier, Ariane Dreyfus, Christine Frédérick-Libon, Leslie Ponce, Elisabeth Maulaz, Anne-Lise Gruffel Despland, Christine Cedraschi, etc. 7. Pour notre part, nous nous appuierons aussi sur des références interprétatives de type psychanalytique. Nous n'y réduirons cependant pas la théorie du T.A.T., que nous centrons sur la notion d'Intrigue (Villerbu, 1993-b). D'autre part, nous rétablirons dans notre analyse le concept de thème et le principe d'une analyse thématique, dont nous avons montré qu'ils constituent l'une des principales originalités de l'épreuve de Murray (Bouchard, 1989-a). Nous donnerons au thème une définition structuraliste, ce qui distinguera notre approche des autres modèles contemporains puisque ce qu'ils appellent « thème » est généralement lié à des aspects anecdotiques de l'histoire T.A.T. : action manifeste, ambiance générale de la scène racontée, affect ou sentiment attribué à l'un des personnages, symbolisme supposé d'un aspect de l'histoire (voir par ex. Perron qui appelle « thème » au D.P.I. le résumé du scénario de l'histoire). Nous verrons plus loin que le thème est selon nous tout autre chose, et en particulier qu'il n'est jamais directement accessible puisqu'il correspond à une organisation signifiante implicite de l'histoire T.A.T. IV. UNE MÉTHODE D'ANALYSE DES RÉCITS T.A.T. 1. Principes généraux et critères d’analyse Toutes les méthodes d'analyse des épreuves thématiques procèdent traditionnellement de la même manière, en trois temps : Analyse des caractéristiques de chaque récit suivant les critères que l'on aura retenus pour cette analyse. Toutes les histoires recueillies auprès du sujet sont analysées l'une après l'autre, de préférence dans l'ordre où elles ont été racontées, afin de pouvoir repérer d'éventuels effets de séquence (ou de halo) entre elles. Pour chaque critère d'analyse et une fois que toutes les histoires ont été étudiées, recherche des constantes et/ou des exceptions significatives. Ce second temps de l'analyse revient à comparer entre elles les données d'analyse dégagées de l'étude des histoires (analyse transversale), et à en faire une synthèse selon chacun des critères employés. Résumé des résultats ainsi dégagés et interprétation de ces résultats, conjointement aux autres données d'analyse disponibles dans le cadre général de l'observation (entretiens, anamnèse, résultats d'autres tests). Nous utiliserons, pour guider notre étude interprétative, une grille d'analyse (voir tableau en Annexe), qui regroupe les critères suivants : aperception - résumé de l'histoire structure temporelle - structure dramatique analyse thématique : héros - autrui - dynamique de l'action - déroulement de l'action - structure thématique mécanismes de défense commentaires diagnostiques. Pour la plupart d'entre eux, ces critères sont empruntés à la méthode de Roger Perron pour le D.P.I. (1969), avec cependant diverses modifications que nous y avons apportées. Les épreuves projectives thématiques / 8 2. Aperception - Résumé de l'histoire L'aperception concerne l'interprétation de l'image que montre la planche (Bouchard, 1989-b). On pourra d'abord l'apprécier en fonction de repères fréquentiels de banalité. Exemples: - pour la planche 1, l'aperception banale est celle d'un enfant (généralement un garçon) et d'un violon, avec évocation fréquente de personnages parentaux (ou équivalents), plutôt paternels ; - pour la planche 4, l'aperception banale est un couple homme-femme et, au fond, l'image d'une autre femme. On trouvera de tels repères dans notre Guide d'utilisation des planches du T.A.T. (Bouchard, 1999). Mais il est intéressant de relever aussi, au titre de l'aperception : comment le sujet a abordé la planche et le travail interprétatif : - d'emblée, ou après quelque hésitation ou préambule ? - avec des commentaires (posturaux, mimiques, verbaux) ? - avec des manipulations de la planche ?... si le sujet a spécialement réagi à certaines caractéristiques de la planche ou de l'image : place dans la série, style et climat figuratifs, mention de détails... Le résumé de l'histoire consiste à décrire l'essentiel de l'action racontée, de façon aussi brève que possible. En repérant ainsi le scénario de l'histoire, on prépare l'analyse thématique qui va suivre et on évite de confondre l'action mise en scène avec le thème de l'histoire. 3. Langage Ce critère consiste à relever des caractéristiques éventuelles du langage utilisé par le sujet : niveau d'élaboration (qualité du vocabulaire, correction syntaxique) : adéquation des capacités verbales du sujet avec les exigences de verbalisation du test ; particularités du vocabulaire : erreurs terminologiques, néologismes, emploi de mots neutres ou passe-partout (« il fait », « le truc », « les gens »... ) ; particularités narratives : recherche du « beau langage », ton narratif (déclamation, récitatif scolaire... ), tics verbaux (enchaînements par « et puis », « et alors ») ; hésitations ; rythme du discours. On remarquera aussi : les confusions de genre ou de nombre (« le monsieur elle dit... », « le garçon et sa maman a fait... »), et les lapsus. Tous ces aspects, bien entendu, n'ont d'intérêt qu'à permettre un repérage formel d'indices utiles pour l'analyse interprétative recherchée, comme par exemple : - l'effet d'éventuels processus défensifs ; - la qualité transférentielle de l'échange ; - des particularités des processus de pensée ; - des troubles de l'identification. 4. Structure temporelle - Structure dramatique 4.1. Par le critère de la structure temporelle, il s'agit de savoir si le présent du récit (« toute situation ou activité directement référée à ce que représente la planche », Perron, ibid., p. 22) s'articule (ou non) à un « avant » et/ou à un « après ». On peut assez facilement repérer la temporalité du récit à partir des temps verbaux (présent, passé, futur) employés par le sujet. Cependant il n'existe pas toujours d'adéquation exacte entre temporalité du récit et temps verbaux. On peut très bien, par exemple, évoquer un « maintenant » par un imparfait narratif (« c'est un garçon qui faisait ses devoirs... »), un « avant » par un futur (« le papa le punira parce qu'il aura pas bien rangé sa chambre »), ou un « après » en employant un verbe à l'infinitif (« c'est pour savoir plus tard comment faire »). Du point de vue clinique, la temporalité du récit nous indique comment le sujet se positionne par rapport à du projet, de l'avenir, de la conséquence ; ou au contraire par rapport à du passé, de l'antériorité, ou du précédent. Ce critère peut révéler des difficultés d'organisation dans une durée, ou d'autres fois, faire apparaître des surinvestissements significatifs de la chronologie. 4.2. La structure dramatique concerne plus spécifiquement la construction d'une scène, impliquant un temps et un espace d'action. Nous avons déjà évoqué, à propos des prérequis caractérisant les épreuves thématiques, les trois grands types d'événementialité dégagés par l'étude psychogénétique de Perron (voir supra chap. II.3). La structuration dramatique n'est cependant pas réductible à cet aspect génétique, et ce critère a aussi l'intérêt de repérer des faits cliniques significatifs, comme par exemple une forte structuration dramatique par obsessionnalisation de la pensée, ou l'adoption défensive d'une organisation statique limitant la réponse à une interprétation de la planche sans engagement dans une quelconque action, ou encore un scénario structuré mais qui laisse l'action racontée sans affirmation d'un dénouement clair. La définition de personnages clairement identifiés et articulés entre eux dans l'action qui les met en scène relève également de la structuration dramatique. La clinique des troubles psychotiques, en particulier, montre fréquemment des difficultés à déterminer du protagoniste (rôles, attributs) et des confusions diverses à ce niveau (de sexe, de génération, de fonction, voire même parfois entre vivant et non vivant) (Consoli, 1979 ; Husain, 1989). On voit donc que, si la structure temporelle concerne le rapport à la durée, la structure dramatique renvoie à l'organisation à la fois spatiale, temporelle et interactive d'une unité et d'une cohérence d'action. Enfin, remarquons avec R. Perron qu'il n'y a pas forcément coïncidence entre la référence à la durée (structure temporelle) et l'organisation scénique de l'histoire (structure dramatique) : « il peut y avoir déroulement temporel et juxtaposition ou coordination ; un récit entièrement au présent peut être statique ou coordonné, etc. » (ibid., p. 24). 5. Analyse thématique La structure thématique de la réponse T.A.T. est peutêtre ce qui est le plus délicat à analyser, car on confond souvent ce niveau d'analyse avec un simple résumé du récit ou de ses aspects les plus saillants. Or, le motif dramatique n'est pas la motivation thématique, et l'épisode n'est pas l'intrigue. 5. 1. Le concept de thème Une façon simple d'aborder la notion de thème est de se rappeler ce qu'on appelle ainsi en musique : il s'agit d'une structure mélodique, généralement assez simple, et Les épreuves projectives thématiques / 9 à partir de laquelle de nombreuses variations sont possibles, en nombre cependant limité. L'écoute d'une seule « variation » ne permet pas d'emblée de repérer le thème. Mais après en avoir entendu plusieurs, on peut identifier ce qu'elles ont en commun : c'est le thème. De la même manière, l’œuvre d'un même artiste (peintre, écrivain, cinéaste ou autre) peut être résumée à quelques données fondamentales simples caractérisant l'ensemble des productions qui la composent. Ces données peuvent être formelles (le « style », la « facture », la « patte », la « griffe »... ), mais aussi thématiques. 5.2. Comment dégager la thème d'un récit ou d'une suite de récits T.A.T. ? Murray préconisait d'analyser chaque histoire selon un schéma conflictuel supposé à l’œuvre dans tout récit. Chez Murray, le thème est éminemment conflictuel. Murray en a cité quelques-uns, qu'il caractérise par des titres les résumant : l'Amour tragique, le Parent meilleur, le Misanthrope, le thème de Timon (contre-rejet en réponse à un rejet supposé, d'après le personnage shakespearien Timon d'Athènes), etc. - (Murray, 1938). Bellak proposait une démarche de raisonnement analogique d'extraction progressive du sens thématique en cinq étapes (Bellak, 1951, 1954). Quelle que soit la technique employée, l'objectif est d'instruire une analyse formelle des réponses, afin de dégager la structure d'intentionnalité supposée (par hypothèse) sous-jacente à l'ensemble des histoires racontées par le sujet ou au moins à quelques-unes d'entre elles. (Il existe généralement plusieurs thèmes dans un même protocole de T.A.T.) Nous emploierons ici une démarche proche de celle préconisée par Roger Perron pour le D.P.I. Elle consiste à analyser, pour chacune des histoires produites par le sujet, la dynamique de l'action et son déroulement, afin de faire apparaître la thématique de ces histoires, ou plutôt « d'en trouver les constantes et la structure sur l'ensemble des récits » (ibid., p. 25). « En conduisant ce travail, le psychologue prend une position analogue à celle du critique littéraire qui dégage les caractéristiques de “l'univers” d'un autour (au sens où on peut parler, par exemple, de “l'univers de Balzac”). Ce travail peut être fait, et même selon nous doit être fait, dans un premier temps, sans s'interroger sur la “personnalité” de l'auteur. Ceci n'intervient que dans un deuxième temps (juste comme, ayant décrit façon aussi cohérente que possible l'univers des romans de Balzac, le critique littéraire peut s'interroger sur les rapports entre cet univers et la personnalité de Balzac). » - (Perron, ibid., p. 25) Le travail d'extrapolation de la structure thématique consiste ainsi à « construire “l'univers du protocole” » (Perron), au moyen d'un ensemble de critères de cotation dont on trouvera ci-après la description (voir en Annexes). L'analyse suppose un schéma dramatique moyen, mettant en scène un héros engagé dans une situation donnée et tendant à la résolution de cette situation. On commencera donc par déterminer le héros (symbolisé par la lettre H) de chacune des histoires étudiées, c'est-à-dire le personnage autour duquel est centrée l'action (ce qui ne signifie pas forcément que c'est le personnage auquel le narrateur s'identifie le plus). Il peut arriver que le héros soit double (un couple, par exemple, ou une mère et son enfant), ou qu'il soit collectif (« des gens », « un groupe d'amis », « les Indiens », etc.), ou encore qu'il soit anonyme et plus ou moins neutre (« on », « il », « elle », « eux »). On décrira succinctement les caractéristiques principales du héros, en utilisant autant que possible les termes mêmes du narrateur. De même, on définira autrui, c'est-à-dire les autres personnages de l'histoire, et toujours en respectant au mieux leur qualification par le sujet. Après quoi, on étudiera la dynamique et le déroulement de l'action. Il restera, à partir de cette analyse schématique, à formuler le (ou les) thème(s) caractérisant chacune des histoires ainsi traitées. Une façon pratique de procéder est de reformuler l'essentiel de l'action au conditionnel et comme si l'on énonçait un principe général, en commençant par l'expression « dans cette histoire tout se passe comme si... » (Bellak, 1947, 1951). Bien souvent, le thème principal, ou l'un des thèmes principaux, est donné dès le premier récit. Les variations sur un même thème nodal sont, de plus, à envisager comme des tentatives, diverses et répétées, pour donner issue à ce thème, par définition problématique. D'où l'importance de ne pas perdre de vue la suite des variations qui en sont données, dans une lecture séquentielle du travail thématique ainsi opéré par le sujet d'histoire en histoire. 6. Mécanismes de défense Il est classique de compléter l'analyse thématique dans une épreuve comme le T.A.T. par l'étude des mécanismes de défense à l’œuvre dans l'élaboration de la réponse. En fait, et comme l'a fait observer Perron pour le D.P.I., ces attitudes défensives sont relatives à deux ordres différents de faits : - d'une part, la situation d'examen elle-même, et en ce cas la réaction défensive doit être assimilée à une résistance plutôt qu'à une défense, puisqu'il s'agit d'une attitude d'auto-protection induite par le dispositif d'investigation lui-même et par la relation psychologue-sujet ; - d'autre part, les représentations évoquées chez le sujet par les images et les affects attachés à ces représentations, ce qui correspond davantage à ce qu'on appelle des mécanismes de défense, c'est-à-dire des procédés d'évitement optimal de l'angoisse liée aux enjeux pulsionnels ou fantasmatiques réactivés par les planches du test et susceptibles de menacer l'intégrité psychique du sujet. Il est important de souligner, de plus, que les mécanismes défensifs (fût-ce au titre d'une « résistance ») ne sont pas toujours pathologiques. Vica Shentoub (1990) a particulièrement insisté sur le fait que toute réponse T.A.T. comporte une part d'élaboration défensive, qui détermine le point d'équilibre trouvé par le sujet entre les motions pulsionnelles inconscientes réactivées par le stimulus et la fantaisie consciente qu'il pourra produire et communiquer au psychologue. Cette élaboration défensive n'est pathologique que si elle recourt à des procédés répétitifs, rigides, et qui empêchent la prise en charge par le moi de ces motions inconscientes, ou au contraire qui ne peuvent les soumettre au travail des processus secondaires et aboutissent alors à une production aberrante, « illisible ». De son côté, Perron rappelle la difficulté de distinguer la qualité des processus défensifs : « ... il apparaît immédiatement que ces défenses sont plus ou moins “réussies”, plus ou moins “adaptatives”. Certains sujets parviennent à adopter, face à l'épreuve, une distance et un style où les difficultés qu'elle suscite sont Les épreuves projectives thématiques / 10 remarquablement bien aménagées et maîtrisées : d'où des récits tout à la fois bien construits et riches, développés avec liberté et plaisir ; d'autres au contraire bloquent, dérivent, transposent, annulent, isolent, etc., donnant l'impression de lutter contre une angoisse désadaptante. Le praticien expérimenté peut assez aisément distinguer ces deux types de sujets, et expliciter les critères qu'il utilise. Il y faut, cependant, beaucoup de doigté et d'expérience ; et, au delà du problème technique, se trouvent posées de redoutables questions théoriques et cliniques sur la distinction entre “défenses adaptatives”, “défenses névrotiques réussies”, “défenses névrotiques désadaptantes”, “défenses psychotiques”, etc., qui, au delà des jugements de valeur ainsi impliqués, constitue l'un des problèmes les plus difficiles de la psychopathologie contemporaine. » (Perron, 1969, p. 40) Perron préconise, de plus, d'user avec prudence de la notion de « mécanisme de défense » telle que la psychanalyse a pu la développer (Ionescu, Jacquet, Lhote, 1997), et invite le psychologue à reconnaître des modalités défensives d'élaboration du récit, quitte à les rapporter ensuite, dans une phase ultérieure de l'interprétation, à des mécanismes de défense proprement dits. « Il importe de rester très prudent dans les conclusions. Comme toute technique utilisée par le psychologue, le D.P.I. doit conduire à des conclusions dont la portée dépasse les caractères étroitement contingents de la situation créée par l'examen ; de même qu'après un BinetSimon on se hasarde à dire qu'un enfant “est intelligent”, on pourra, après un D.P.I. se hasarder à dire qu'il présente, par exemple, une structure névrotique de tel ou tel type. On prend alors, en généralisant, un certain risque, mesuré tout à la fois par le degré de validité de l'épreuve utilisée et par la compétence clinique de celui qui l'utilise. Si donc on relève dans un protocole – par exemple – cinq exemples de “dénégation” (contraction en une seule phase d'une évocation et de sa négation), il faut bien garder à l'esprit qu'il s'agit là d'une modalité défensive d'élaboration du récit, et, stricto sensu, de rien d'autre. Il se peut que chez ce sujet l'usage de la “dénégation” soit réellement permanent, et constitue un trait essentiel de sa personnalité ; mais on ne peut conclure de l'un à l'autre ipso facto et sans examen soigneux du problème. » (ibid., p. 41-42) Pour notre part, nous adopterons au T.A.T. la précaution proposée par Perron pour le D.P.I., en nous obligeant d'abord à décrire les modalités défensives d'élaboration du récit, puis à tenter, au titre de l'analyse diagnostique, d'interpréter ces modalités en termes de mécanismes de défense du moi (Bouchard, 1998). Dans notre grille d'analyse, nous traiterons donc séparément les « modalités défensives » et les mécanismes de défense, ces derniers étant à étudier dans la rubrique « Commentaires diagnostiques ». 7. Commentaires diagnostiques 7. 1. Qu'est-ce que diagnostiquer ? La critique des tests a avancé divers arguments à l'encontre des pratiques de diagnostic auxquelles ces méthodes participent fréquemment. Si ces arguments sont tout à fait recevables d'un point de vue politique et déontologique (et à reprendre comme tels sous la forme de précautions dans les usages diagnostiques), ils ne le sont par contre aucunement d'un point de vue méthodologique et clinique. L'argument d'un diagnostic « étiquetage », notamment, témoigne d'une grave incompréhension (ou méconnaissance ?) de ce qu'est réellement le travail diagnostique. Nous insisterons ici sur deux points : a) Diagnostiquer, c'est comprendre comment « fonctionne » une situation singulière impliquant un individu, un couple ou un groupe. Cela signifie que diagnostiquer implique d'analyser (i.e. de décomposer une complexité en éléments simples) les différents aspects de cette situation et sa dynamique propre. Concrètement, c'est à la fois comprendre une situation du point de vue d'un sujet (ou de plusieurs sujets dans leurs interactions réciproques), et rapporter le fonctionnement de ce(s) sujet(s) au contexte qui lui (leur) est propre. Seul cet aller-et-retour permanent entre contexte « interne » et contexte « externe », supposés étroitement liés, peut caractériser une approche diagnostique comme véritablement clinique. Dans ce travail, le psychologue s'appuie bien évidemment sur ses connaissances psychologiques et psychopathologiques générales – au service cependant, non d'une généralisation, mais au contraire d'une singularisation aussi précise et complète que possible. b) La référence à une nosographie, ou plus largement à une herméneutique psychologique (c'est-à-dire à une théorie du psychisme et à un système de différenciation clinique), est en effet indispensable à toute élaboration diagnostique. Il n'y a pas de diagnostic sans référence interprétative. Toutefois, l'interprétation n'est ici qu'un moyen et non une fin. Car diagnostiquer est avant tout un acte tourné vers une pratique (qu'elle soit thérapeutique, éducative ou pédagogique) ; c'est un acte d'anticipation et d'organisation de cette pratique. Diagnostiquer, c'est évaluer, pour une situation singulière: - s'il est possible d'engager une action (indications et contre-indications, faisabilité d’une intervention) ; - dans quelles conditions (moyens, stratégies, précautions spécifiques) ; - avec quels objectifs (buts, priorités). Le diagnostic est donc guidé par l'action à entreprendre et ne peut donc s'arrêter à un constat, aussi compréhensif soit-il. Trop souvent, le travail diagnostique fait l'économie d'une transposition et d'un investissement dans l'action, alors qu'il consiste bien, non en un savoir-pour-connaître, mais en un savoir-pour-agir. Autrement dit, le diagnostic comporte, selon nous, une part de conception et d'impulsion d'actes concrets, qui fait également partie du travail diagnostique, en particulier lorsqu'il s'agit d'un diagnostic psychologique (i.e. porté par un psychologue). Le travail du psychologue, en tant qu'ingénieur (concepteur) de pratiques d'intervention, y trouve un indispensable fondement méthodologique et clinique. En corollaire à cette conception, le travail diagnostique apparaît comme étroitement dépendant des modalités d'actions dont le psychologue dispose ou de celles qu'il connaît. Autrement dit, tout diagnostic est relatif aux types d'actions envisagés (ou envisageables) ; ou si l'on préfère : on ne diagnostique jamais que ce que l'on est prêt à traiter et comme on est prêt à le traiter (Villerbu, 1993-a). En résumé : Ainsi entendu, le diagnostic psychologique et psychopathologique n'a donc rien à voir avec le rangement d'un individu dans une « case » nosographique, typologique, ou psychométrique. Loin de catégoriser une situation de façon fixée et globaliste, le travail diagnostique Les épreuves projectives thématiques / 11 s'efforce au contraire d'en dégager la singularité actuelle, la complexité dynamique, et les perspectives de modification. 7.2. Construction diagnostique : de l'analyse thématique au diagnostic Il reste à présent à spécifier les principes de l'extrapolation interprétative par laquelle le psychologue va pouvoir passer des données d'observation permises par le T.A.T. et l'analyse thématique, à une formulation de diagnostic psychologique. Ces principes sont de deux ordres : - un principe général d'équivalence « projective » - un principe de référenciation nosographique. 7.2.1. Conformément à l'hypothèse projective classique, nous supposerons une analogie entre le sujet et ses réponses au T.A.T., et nous jouerons de cette analogie pour traduire en termes psychologiques les particularités des « histoires » produites. A ceci près que cette analogie ne portera pas sur l'expression manifeste de ces histoires (leurs caractéristiques verbales ou narratives, leurs motifs anecdotiques), mais sur ce qui organise implicitement ces aspects manifestes, et que nous aurons dégagé au moyen de notre grille d'analyse et par la démarche structuraliste préconisée. C'est à ce niveau et seulement à ce niveau que nous nous autoriserons à induire un rapport d'analogie avec le « mode de fonctionnement » du sujet. Exemple : Dans le T.A.T. de Stéphane (11 ans) on repère, grâce à l'analyse thématique, la répétition quasi-constante tout au long de son protocole, d'un thème d'échec : échec à obtenir - comme à (s')accorder - satisfaction et reconnaissance personnelles. Une sorte de « scène typique » se dégage de l'ensemble des récits de T.A.T. de Stéphane, et qui se donne avec quelques variations : celle d'un rapport duel, sexué (masculin-féminin), qui ne peut s'établir et se développer que sous le mode d'une frustration mutuelle, mais dont la source est toujours renvoyée à une instance tierce, anonyme et oppressive. Dans ce schéma d'ensemble, la variante, en quelque sorte inverse, de résistance (alors masculine) à deux contre cette instance tierce, ou d'agression à son adresse, constitue la seule initiative possible... mais chèrement « payée » et radicalement vouée à l'échec (mort des deux partenaires rebelles !). Si nous faisons bien jouer ici des « équations symboliques », nous ne nous autorisons à le faire qu'après l'analyse et le repérage des particularités structurales de la production de notre sujet, et seulement à propos de celles-ci. (On ne procède d'ailleurs pas autrement avec l'épreuve de Rorschach par exemple - cf. notion de psychogramme.) Insistons pour souligner la tentation, facile dans une épreuve comme le T.A.T., de rapporter les récits à des événements vécus par le narrateur. Si l'on peut considérer que ces récits ne sont pas sans rapports, conscients et inconscients, avec des choses connues par le sujet, on ne peut cependant pas réduire le sens des récits T.A.T. à du simple souvenir ou à de la simple répétition. Même dans ce cas-là, un souvenir ne nous intéresse que dans la mesure où sa remémoration et son récit dans la relation actuel au clinicien ne sont a priori jamais anodins, jamais aléatoires (hypothèse du déterminisme psychique). Il ne nous intéresse, autrement dit, que par sa survenue et non par son contenu. Il faut se rappeler, de plus, qu'un récit de vie est également un récit construit et travaillé par des mécanismes de défense. Au lieu de considérer l'histoire vécue comme une « clé » interprétative des récits T.A.T. d'un sujet, il est donc plus pertinent de considérer que ce sont, au contraire, les éléments thématiques révélés par l'étude de quelques récits T.A.T. qui vont nous permettre de mieux analyser l'histoire personnelle du sujet. (C'est d'ailleurs ce que Murray suggérait lorsqu'il déclarait que l'histoire de vie d'une personne pouvait, tout comme une série d'histoires T.A.T., faire l'objet d'une analyse thématique - Murray, 1938). Ce n'est donc pas l'anamnèse du narrateur qui va pouvoir nous éclairer sur la logique thématique de ses réponses au T.A.T. ; mais, au contraire, l'analyse thématique de ses histoires T.A.T. qui pourra nous aider à interpréter l'anamnèse 7.2.2. Enfin, le terme ultime de l'interprétation diagnostique est de pouvoir caractériser le « fonctionnement » analysé grâce à l'expérience du T.A.T., au regard d'une référence nosographique convenue et qui en permette la discussion critique (diagnostic différentiel). C'est un autre niveau et une autre étape de mise en équivalences que l'on fait alors intervenir : non plus entre les phénomènes analysés et un « fonctionnement » particulier ; mais cette fois entre ce « fonctionnement » luimême, produit d'un premier travail d'induction interprétative, et les catégories typiques définies par le cadre nosographique choisi (i.e. la théorie psychopathologique à laquelle se réfère l'interprète). Chez Stéphane (exemple déjà cité), la synthèse de l'analyse thématique d'abord effectuée histoire par histoire, et l'attention portée aussi à divers particularités d'aperception, de vocabulaire, de structuration dramatique, amènent à dégager un thème d'échec, dont l'aspect d'auto-punition ou de refus du « succès » (inhibition à jouir de ce qui est désiré et éventuellement obtenu) et la coloration nettement morale peuvent être considérés comme équivalents d'un fonctionnement névrotique (en l’occurrence, plutôt hystériquecaractériel). Ce dernier temps de l'interprétation suppose chez le psychologue une bonne connaissance de la psychopathologie et des choix clairs parmi les différents modèles possibles. (En méthodologie projective, on se réfère généralement aux modèles psychanalytiques et phénoménologiques.) On ne peut toutefois considérer que cette référence à la psychopathologie constitue à elle seule, ni même principalement, la théorie de l'interprétation dans l'épreuve T.A.T. Pour peu que l'on ne confonde point la théorie du diagnostic à laquelle on se réfère, avec celle du dispositif expérimental par lequel on le met en œuvre (en l'occurrence, le T.A.T.), on peut répondre à la question de la « théorie du T.A.T. » en affirmant qu'elle est à formuler autour du concept d'Intrigue (dans une actualisation critique de la pensée de Murray), et en proposant de considérer l'analyse thématique (associée aux critères de l'aperception et de la dramatisation) comme son opérationnalisation clinique spécifique. Les épreuves projectives thématiques / 12 Référence bibliographiques Bellak L. (1947, 1951). Guide pour l'interprétation du TA.T. à utiliser avec la feuille de dépouillement de Bellak, trad. fr., Paris, Editions du Centre de Psychologie Appliquée, 1960. Bellak L. (1954). The Thematic Apperception Test and the Children's Apperception Test in clinical use, N.Y.C. Grüne & Stratton - (5e éd. : 1993). Bouchard C. (1989-a). Clinique de l'inhibition névrotique. 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Le Héros : désignation par le narrateur (par ex. : quelqu'un, un enfant, un petit garçon, un élève) caractérisation physique, intellectuelle, morale (par ex. : combatif, faible, agressif. boudeur, rusé, coléreux, revendicateur) Valorisation morale des activités et des attitudes du héros : Autrui : désignation par le narrateur (par ex. : quelqu'un, un monsieur, le papa, son père, les parents, les gens) caractérisation physique, intellectuelle, morale relations entre les personnages de l'entourage du héros. III. CRITÈRES DE COTATION DU DÉROULEMENT DE L’ACTION Difficultés et obstacles rencontrés par le héros : Attitudes et conduites adressées au héros : contrainte mineure : ordres, rappel d'obligations, mécontentement... contrainte justifiée par une faute du héros : gronderie, punition... hostilité non justifiée par une faute du héros : rejet, indifférence menace vague, agression, haine aide (de quel type ?) affection, indulgence, consolation, compréhension satisfaction, félicitations, récompense demande (de quel type ?) rivalité, compétition. II. CRITÈRES DE COTATION DE LA DYNAMIQUE DE L’ACTION Origine de la situation : qu'est-ce qui a amené le héros dans cette situation ou cette activité ? initiative du héros situation imposée au héros en conséquence de ce qu'il a fait auparavant (par ex. : une punition après avoir fait une bêtise) situation imposée au héros de façon anonyme (par ex. : il doit rentrer chez lui à cause d'un orage) situation imposée par autrui (préciser si le héros est libre ou contraint, par quoi ou par qui). un jugement moral est-il exprimé à propos du héros ? ce jugement est-il positif ou négatif : bien-mal, bonméchant, louable-blâmable... ? est-il porté par le héros lui-même ? par son entourage ? ou par le narrateur à propos du héros ? obstacles anonymes (par ex. : accident, manque de moyens) obstacles imputables à autrui (par ex. : une interdiction de sortie par un maître d'école) obstacles imputables au héros lui-même (par ex. : faiblesse, maladresse, ignorance, oubli) Attitudes et réactions du héros face à ces obstacles : renonciation, découragement tentative de réaction, sans effet déterminant réaction combative. Issues : issue banale, attendue et non valorisée absence d'issue réussite réussite partielle (ou incomplète) exploit (réussite exceptionnelle) échec (issue négative) issue ambivalente (à la fois échec et réussite) issue double ou multiple (plusieurs issues différentes sont proposées). Dans tous les cas, noter : si le héros prévoit ou non l'issue et laquelle les sentiments du héros à l'égard de l'issue effective. Nature et valeur des buts poursuivis par le héros : le héros agit-il pour obtenir quelque chose d'agréable ou pour éviter quelque chose de désagréable ? Les épreuves projectives thématiques / 14 NOM et Prénom du sujet examiné : .................................................................................. Date de naissance: ............ .....................Age: .......................... Date de l'examen : ............................. T.A.T. de MURRAY - Grille d'analyse CRITÈRES D'ANALYSE Planche ........ Planche ........ Planche ........ Planche ......... Planche ......... Planche......... Aperception Résumé de l'histoire Langage Structure temporelle Structure dramatique Héros Autrui Dynamique de l'action Déroulement de l'action Structure thématique Modalités défensives d'élaboration Commentaires diagnostiques L.C.P. / Université Rennes 2 – 1996 NOM et Prénom du sujet examiné : .................................................................................. Date de naissance: ........... .....................Age: ........................... Date de l'examen : .............................