Jacqueline Dalais. Un nom, une institution. Mais plus encore, une

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Jacqueline Dalais. Un nom, une institution. Mais plus encore, une
Jacqueline Dalais
Jacqueline Dalais. Un nom, une institution. Mais plus
encore, une Grande Dame. Un subtil mélange de
noblesse de coeur et de volonté. Voilà plus de 40 ans que
Jacqueline Dalais assouvit sa passion culinaire, franchissant
bon nombre de ponts d’Arcole et forgeant sa réputation,
qui lui vaut la reconnaissance de toute la profession. Son
histoire s’inscrit dans celle de l’Ile Maurice, illustrant
avec brio la vie de cette île aux multiples facettes où tout
est possible. Une île qui peut s’enorgueillir d’avoir vu
naître celle qui est aujourd’hui la papesse de la cuisine
mauricienne et qui fait la fierté de tous.
Jacqueline et Cyril Dalais
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gourmand
ITINÉRAIRE
et
p
imenté
FINE DINING, THE SPICE OF LIFE
C’est sur un petit îlot à quelques encablures du rivage
de Trou d’eau douce que tout commence. Lors d’une
de ses tournées dans ses plantations de cannes à sucre,
Henri Wiehé, dit le Père Coco, grand-père maternel
de Jacqueline Dalais, tombe en arrêt devant un îlot
rocheux. Perdu au milieu d’un lagon bleu cristallin
époustouflant, il se pose telle une pépite qui n’a pas
encore révélé toute sa beauté. Eperdu d’amour pour sa
femme Hilda, le Père Coco décide de lui offrir ce bijou
alors appelé l’île aux lièvres. Il en fait l’acquisition
en 1915, moyennant le loyer d’une roupie par mois sur
un bail de 60 ans. L’île aux lièvres est alors rebaptisée
par Hilda l’îlot Touessrock en souvenir de leur Bretagne
natale où se trouvait une autre île : Tuerocs.
L’habitation est sommaire : ni électricité, ni eau,
mais la mer est abondante et foisonne de langoustes
d’huîtres et poissons, de coquillages comme les hâches
d’armes…. Simplicité et générosité de la vie. Le père
It all began on a small islet a stone’s throw from the
shore at Trou d’Eau Douce. Whilst he was doing
the rounds of his sugarcane plantations, Jacqueline’s
maternal grandfather, Henri Wiehé, known as Père
Coco, pulled up short in front of a rocky islet. Almost
lost in the midst of a stunning and crystal-clear blue
lagoon, it was a bit like a small nugget of gold – it’s not
at first glance that you realise how beautiful it is. Very
much in love with his wife, Hilda, he decided to give
her this little gem, known at the time as Ile aux Lievres
(Hare Island). He bought it on a 60-year lease in 1915,
paying a land rent of a rupee a month. Hilda renamed
the island Ilot Touessrock in memory of their native
Brittany and the tiny island there known as Tuerocs.
Their dwelling was very basic, with no electricity or
mains water. But the sea was full of lobster, haches
d’armes (a kind of mussel), oysters, and fish. It was a
simple but fulfilling existence. Her father, Coco, took
A Grande Dame; by now an institution, Jacqueline
Dalais is a wonderful combination of human
warmth and sheer willpower. For more than forty
years she has cultivated and developed her passion
for good food. Her path has not always been easy,
but she has earned recognition and a solid reputation
in her profession. Her story is a brilliant illustration
of living in Mauritius - a multi - faceted island nation
where anything is possible. Indeed, the island can be
proud of having nurtured someone who is today the
high priestess of Mauritian cuisine.
J. Dalais dans la cuisine de la Clef des Champs
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Coco n’a pas son pareil pour honorer ce que la vie
lui offre. Ici on cuisine, on fait mijoter les bons petits
plats… Bien manger et partager, telle pourrait être
la devise de la famille et dès sa plus tendre enfance,
Jacqueline est bercée par ces valeurs essentielles qui
font la richesse de l’être humain et qui resteront les
siennes.
Les amis, les amis des amis viennent et reviennent
déjeuner. Il faut dire que dans la famille on aime être
entourés, on aime recevoir et le bouillon du Père Coco
a ses aficionados. La table ne désemplit pas et c’est
tout naturellement qu’une petite auberge avec cinq
chambres voit le jour. 1940, la deuxième génération
prend alors le relai et perpétue la tradition familiale
du bien-manger. Noël Daruty de Grandpré, père de
Jacqueline, dont la bonhomie n’a d’égale que son
amour de la table, laisse encore un souvenir ému de
sa langouste Touessrok avec la sauce Dawaï dont le
secret est gardé. Hormis cette confidence : il y a du
Noilly Prat ! Jacqueline grandit dans cette atmosphère
familiale et conviviale en aidant sa mère, s’initiant
à cette cuisine aux saveurs de la mer, aux épices
gourmandes… Et reste très proche de sa grand-mère
qu’elle vénère. A 15 ans, le caractère se devine : trempé,
unique ! Alors que toutes les jeunes filles se voient
offrir une chevalière pour leur anniversaire, Jacqueline
demande… une batteuse électrique ! Premier pas
vers une longue carrière de renom qui mettra encore
quelques années avant de s’exprimer. Car à 19 ans,
Jacqueline prend un chemin de traverse et rentre au
couvent pour devenir religieuse ! Mais après onze mois
de spiritualité, force est de constater que les voix du
Seigneur peuvent être impénétrables. Sa vocation est
ailleurs, même si elle ne sait pas encore laquelle! De
cette parenthèse religieuse, elle gardera plus que jamais
cette bienveillance qu’elle a pour les autres.
Nous sommes en 1966. Jacqueline rencontre alors
Cyril Dalais qui deviendra son mari quelques mois
plus tard - un mariage d’amour scellé par la naissance
de quatre enfants. Cyril Dalais, fort de son expérience
en construction et ingénierie est lui aussi gagné par la
ferveur familiale du Touessrok. Avec Jacqueline, ils
vont donner un nouveau souffle à cet îlot paradisiaque
où bancs d’huîtres, cerfs sur la plage, barachois, four
à chaux expriment toute une culture mauricienne. Ils
rachètent le Touessrok en 1969, construisent un hôtel
de 14 chambres. Jacqueline, revenant à ses premieres
amours, trouve naturellement sa place dans cette
cuisine qu’elle affectionne. Elle compulse les livres de
recettes, s’imprègne des conseils de sa mère, échafaude
des plats derrière ses fourneaux. Autodidacte et pleine
de talents, l’histoire est en marche ! A eux deux, ils
mènent pendant plusieurs années tambour battant
ce qu’ils appellent avec amour le Touessrok 2 tandis
que naissent les trois premiers enfants ! L’île Maurice,
depuis son indépendance en 1968, s’ouvre petit à petit
au tourisme. La côte Est, sauvage, attire les amoureux
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Jacqueline Dalais avec Jacques Brel
full advantage of what nature offered, preparing good
food and conjuring up delightful little dishes. The
family motto might have been “Eat Well and Share”.
From her youngest days, Jacqueline was brought up
with such values, together with an enjoyment of life
that she always held dear.
Friends, and friends of friends would come again and
again for lunch. The family liked to be surrounded by
friends, and served them Coco’s casseroles - the dining
table always seemed to be in use. Thus it was hardly
surprising that the idea of a small guesthouse with five
bedrooms germinated.
In 1940, the second generation took over, perpetuating
the family tradition for fine dining. Noel Daruty de
Grandpré, Jacqueline’s father, whose good nature was
rivalled only by his love of good food, left a memorable
souvenir - his Touessrok lobster with Dawaï sauce.
His recipe remains a family secret apart from one
ingredient: it contains Noilly Prat. Jacqueline grew
up in this warm family atmosphere, helping her mother
and learning the art of finely-seasoned seafood cuisine.
She remained very close to her grandmother, whom she
greatly admired. By the time she was 15, her character
was becoming clear – determined and individual. When
other girls were given a signet ring for their birthday,
Jacqueline asked for an electric beater – the first step
on a long and famous career. However, it was to be
some time before that career developed. When she was
19, her life took a turn when she entered the noviciate.
After 11 months of the spiritual life, however, she had
to admit that the Lord moves in mysterious ways,
sometimes beyond her comprehension. Her vocation
clearly lay elsewhere, even if she was as yet unsure
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des plages et des lagons. Le Touessrok conquiert sa
renommée grâce à sa table, à tel point que Jacques
Brel viendra y séjourner ! Mais ces années de bonheur
vont être meurtries à jamais en 1975 lorsque Cyril
Dalais apprend qu’il est atteint d’un cancer. La gravité
du diagnostic les oblige à quitter l’île Maurice pour
aller en Grande Bretagne où ils y passeront trois ans.
Déterminés à vaincre cette maladie, ils font face et
font front. Jamais ils ne flanchent, convaincus de sortir
vainqueurs de cette épreuve que la vie leur impose.
Malheureusement les soins coûtent cher, Jacqueline
et Cyril doivent se résoudre à vendre Touessrok.
Qu’importe, ils reconstruiront autre chose ailleurs,
d’autant plus que l’état de santé de Cyril semble
s’améliorer et Jacqueline attend un quatrième enfant.
Ce sera une fille ! Le dernier rayon de soleil de Cyril
Dalais car la maladie sera la plus forte. Le 28 décembre
1978, Cyril s’éteint, laissant Jacqueline avec ses quatre
enfants dont l’aîné a sept ans et la dernière six mois.
Désormais elle est seule pour tout affronter et puise au
plus profond d’elle-même cette force indéfectible qui
ne lui fera jamais défaut. Malgré le chagrin, la peine,
Jacqueline n’est pas de celles qui renoncent.
Son beau-père fait construire une grande cuisine
attenante à la maison lui permettant d’exercer une
activité de traiteur tout en s’occupant de ses enfants.
Mais retranchée dans sa cuisine, sans cette clientèle
qu’elle aime recevoir, elle s’étiole. Jacqueline est une
femme de coeur, qui aime parler, partager… Elle décide
d’aller voir son beau-père pour lui faire part de son
projet. Mais à l’aube des années 80, et plus encore à
l’Ile Maurice, le statut de la femme est encore celui
d’une épouse dévouée à ses enfants. La libéralisation
des mœurs n’a pas encore totalement franchi les
barrières des tabous. Lorsqu’elle annonce à celui-ci
qu’elle veut ouvrir une crêperie à Curepipe, le refus
est total et sans appel. Jacqueline fait fi de ce couperet,
se retrouve au banc de la famille, sans ressource mais
plus que jamais prête à déplacer des montagnes.
Déterminée, Jacqueline s’installe et ouvre le Petit
Gourmet en 1980. Les enfants sont encore petits et
pour assurer leur éducation elle vend voiture et bijoux.
Sa richesse est en elle : son talent culinaire qu’elle
va désormais exercer pour ne cesser de l’améliorer.
Pendant cinq ans, elle s’acharne, développe son
business, tisse une relation avec chacun de ses clients
dont bon nombre devient des amis. La clientèle se
presse au petit Gourmet où se côtoient les personnalités
politiques et toute la mosaïque culturelle qui fait l’âme
de l’île Maurice. Pas une réception ne se déroule sans
faire appel au service traiteur de Jacqueline. Devant
une telle ténacité teintée de réussite, son beau-père
rend les armes et lui reconnait son admiration. Belle
reconnaissance de cœur pour cette femme que la
vie n’épargne pas mais qui n’a de cesse de se battre.
Rien ne l’arrête, tout comme ce jour où Sir Anerood
Jugnauth et Vishnu Lutchmeenaraidoo décident de
quite where. Still, her religious interlude reinforced
her natural kindness towards other people.
On then to 1966, when Jacqueline met Cyril Dalais,
whom she married several months later. It was a lovematch sealed by the birth of four children. Cyril Dalais
was won over by the family love of Touessrok. An
experienced civil engineer, with Jacqueline he was to
give a new lease of life to the heavenly little island
with its oyster banks, deer roaming on the beach,
its barachois (a Mauritian term for fish-breeding
grounds within a lagoon) and its kiln, all representing a
particular and very Mauritian way of life. They bought
the Touessrok in 1969 and built a 14-room hotel.
Jacqueline, returning to her first love, naturally enjoyed
cooking the food she loved. She consulted cookery
books, absorbed the advice given by her mother and
devised dishes as she leant over her cooking range.
Self-taught but full of talent, she settled down to the
running of what they liked to call Touessrok 2 for
several years, whilst dealing with the birth of their
first three children.
After its independence in 1968, Mauritius gradually
started to open itself up to tourism. The undeveloped
East Coast attracted people to its lagoons and beaches.
The Touessrok built up a reputation for its food to such
an extent that the famous Belgian singer / songwriter
Jacques Brel came to stay there.
But the happy years were not to last. In 1975,
Cyril was diagnosed with cancer. His condition was
sufficiently serious that he had to go for treatment in
Britain, where he stayed for three years. Together, they
were determined to fight, convincing themselves that
they would emerge victorious from the hardships that
life had imposed on them. Unfortunately, healthcare
costs money and Jacqueline and Cyril had to sell
Touessrok. They consoled themselves with thoughts
Marie et Noël, dit Nello Daruty de Granpré
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Avec François Mitterand
venir au Petit Gourmet avec une délégation de 27
personnes. Mais la salle du restaurant est trop petite !
Rien ne l’effraie. Avec audace et conviction Jacqueline
va voir son propriétaire et le persuade de casser les
murs !
Au petit Gourmet, Jacqueline se taille une solide
renommée mais elle veut aller plus loin encore.
Passionnée par ce métier qu’elle aime, Jacqueline
entame une nouvelle page de sa vie en 1985 en
reprenant la maison Oxenham. Au sein de cette
magnifique maison créole, Jacqueline ouvre le Grand
Gourmet où elle va asseoir sa réputation et développer
avec talent la cuisine mauricienne qui selon elle n’est
autre que la cuisine française qui parle créole ! Joli clin
d’œil de parcours quand on apprend que dans le jardin
est édifiée une réplique de la Tour Eiffel !
Le Grand Gourmet devient « The Place to be »,
l’incontournable adresse gastronomique mauricienne
où il faut réserver pour déguster les fameux camarons
sauce rouge sur palmiers braisés, le cochon marron,
le civet de lièvre ou encore le rougail. Autant derrière
ses fourneaux qu’en salle, elle accueille, comme
aujourd’hui, chacun de ses clients pour mieux les
connaître, mieux les conseiller et leur servir ce qu’ils
aiment. Un mot pour chacun, un aparté, une attention,
la convivialité est de mise. Avec Jacqueline, c’est le
cœur qui parle et l’assiette est pleine de saveurs et
d’émotions.
Gaëtan Duval, alors Ministre du tourisme, sillonne
l’Europe pour faire découvrir son île avec panache
et grandeur. L’île Maurice devient la destination de
vacances du gotha et des personnalités du monde
entier qui lors de leur séjour viennent diner… chez
Jacqueline ! C’est ainsi que la Princesse Anne, Le
Prince Edward, Graça Machel (l’actuelle épouse de
Nelson Mandela), Margareth Thatcher, ont fait les
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of starting fresh, especially as Cyril’s health seemed to
be improving, whilst Jacqueline was expecting their
fourth child.
The little girl was Cyril’s last ray of sunshine, for he
passed away at the end of 1978, leaving Jacqueline
with four children; the eldest aged seven and the
youngest just six months.
Left on her own to deal with everything, she drew on
an unswerving inner strength that has always kept her
going. Despite grief and sorrow, Jacqueline was not
going to give up.
Her father-in-law built her a large kitchen adjoining
the house so that she could run a catering service while
looking after the children at the same time. A warmhearted woman, Jacqueline felt suffocated stuck in her
kitchen, without guests to welcome and talk to. She
asked her father-in-law for support for a new project –
opening a pancake house in Curepipe. But, in the early
1980s, and even more so in Mauritius, a woman’s place
was in the home, looking after her children. There were
still areas where there could be no debate. He turned
the idea down flat.
Jacqueline ignored the set-back. She might be sidelined
by the family and without financial resources but she
was more than ever ready to move mountains.
She remained determined and set up and opened Le
Petit Gourmet in 1980. The children were still young
and, to make sure they got a decent education, she
sold her car and jewellery. Her richness was within
her: her culinary talent that she would employ from
then on, continually developing her skills. For five
years she persevered, developed her business and
built up a relationship with her customers, many of
whom became her friends. People flocked to Le Petit
Gourmet where political personalities ate side-by-side
with people from all parts of the Mauritian melting
pot. In addition, Jacqueline catered for reception after
reception.
Faced with such tenacity, not to mention her success,
her father-in-law surrendered and expressed his
admiration for her. It was a wonderful tribute to a
woman to whom life had not been particularly kind
but who had never given up.
Nothing could stand in her way now! When the
then Prime Minister and the Minister of Finance, Sir
Anerood Jugnauth and Vishnu Lutchmeenaraidoo,
decided to bring 27 people to the restaurant Jacqueline
knew that Le Petit Gourmet was too small for so many.
Undaunted, with her typical audacity and sense of
conviction, she went to see her landlord and persuaded
him to knock down a few walls to enlarge the space!
She built up a solid reputation at Le Petit Gourmet but
she wanted to take her enthusiasm for her profession
further. Jacqueline embarked on another chapter in
her life in 1985, taking over the Oxenham family
home. In the magnificent Creole-style house, she
opened Le Grand Gourmet where she would further
build her reputation. She crafted a Mauritian cuisine
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honneurs de la table de Jacqueline. Les anecdotes
sont nombreuses et la confidentialité de mise. Mais
on ne saurait faire l’impasse sur la venue de François
Mitterrand qui repartira avec des brèdes cuisinées par
Jacqueline auxquelles il a succombé !
L’histoire aurait pu continuer longtemps au Grand
Gourmet mais…. en 1991 s’ouvre le Domaine des
Pailles qui mettra en scène l’histoire de l’île Maurice au
XVIIème et XVIIIème siècle au sein d’une grande maison
coloniale et d’une ancienne sucrerie. Jacqueline revend
le Grand Gourmet et accepte de devenir Directrice de
la restauration du domaine qui accueillera plusieurs
restaurants dont le Clos Saint Louis. Nouveau cap
dans une vie déjà bien riche. « Je monte le projet,
collabore à toutes les étapes de la conception, je
voyage pour trouver des chefs, j’élabore les cartes ».
Jacqueline poursuit son œuvre : faire découvrir la
cuisine mauricienne en ne cessant de la revisiter pour
toujours mieux la sublimer. Sa clientèle du Grand
Gourmet la suit… Le succès est là ! Mais c’est un
nouvel épisode douloureux que Jacqueline s’apprête
à vivre. Un différend avec les propriétaires l’oblige à
quitter le domaine.
Battante mais pas guerrière, Jacqueline se relève une
fois de plus après deux années de traversée du désert,
la tête haute. Un mal pour un bien… Un chef ne rend
jamais son tablier !
1996, dans le quartier résidentiel de Curepipe à Floréal,
Jacqueline pose une nouvelle pierre à son édifice de
vie. Entrepreneuse, dotée d’un tempérament de fer,
aidée par des amis de toujours comme Yvan Lagesse,
Jean-Marc Harel, Nano Adam, Tiburce Plissonneau
Duquene ou encore son chef qui reviendra de Rodrigues
pour elle, Jacqueline ouvre La Clef des Champs. Un
nom qui résonne et qui porte en lui l’optimisme forcené
de Jacqueline Dalais. « J’ai choisi ce nom qui évoquait
la clef de ma nouvelle vie, les champs comme un appel
à l’émancipation où l’horizon est vaste ! ». L’adresse se
veut confidentielle pour être encore plus qualitative…
Jacqueline Dalais et J.M Harel
which according to her is “French cuisine that speaks
Creole”! There was a nice touch too in the garden,
with a model of the Eiffel Tower.
Le Grand Gourmet became The Place To Go for
fine Mauritian dining, where you had to book if you
wanted to try her famous Camarons sauce rouge sur
palmiers braises (giant water prawns in a red sauce
with braised palm heart), Cochon marron (wild boar),
Jugged hare or Rougaille (a savoury accompaniment).
Often in the kitchen, she also spent a lot of time in the
dining room, where, just as now, she would receive her
guests so that she could get to know them, advise them
and serve them with dishes they would enjoy. She has
always had a word for everyone, a little aside and a
spot of personal attention, everything that makes for
a warm atmosphere. Jacqueline puts her heart into
everything, and this is reflected in the flavours of
her dishes.
Gaetan Duval, the then Tourism minister and a largerthan-life character, used to travel around Europe to
promote the country in his own flamboyant style.
Mauritius became the holiday destination for high
society and personalities from all over the world, who
would come to dine at Jacqueline’s during their stay.
Princess Anne, Prince Edward, Graça Machel (now
married to Nelson Mandela) and Margaret Thatcher
have all graced her tables.
There must be plenty of anecdotes that could be told
but they are kept confidential. However, we do know
that Francois Mitterand dined there – and left with
some bredes (local green leaves) that Jacqueline had
cooked, to which he had taken a strong liking.
Le Gourmet could perhaps have run on and on but,
in 1991, the Domaine des Pailles was opened, a
small estate in a historical setting, centred around a
large colonial mansion and a former sugar factory.
Jacqueline sold Le Grand Gourmet and agreed to
take on the running of the Domaine’s restaurants,
including the Clos Saint Louis. It was a new step in a
life in which she had already accomplished so much.
“I helped to set things up, was involved in all the
design stages, travelled to find suitable chefs and put
the menus together.” Jacqueline continued with her
task of spreading the word about Mauritian cuisine,
continually working on her recipes to make the food
even more delicious. Her customers followed her there
from Le Grand Gourmet – and success also followed.
But Jacqueline was to suffer further tribulations. She
and the owners fell out and she had to leave the
Domaine.
However, she was to emerge again 2 years later, head
still held high. Good chefs never hang up their aprons!
Enterprising and determined, and with help from
long-standing friends such as Yvan Lagesse, Jean-Marc
Harel, Nano Adam, Tiburce Plissonne au Duquene
and her chef who returned from Rodrigues just for her,
Jacqueline opened her new restaurant in the residential
district of Floreal in 1996.
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Jacqueline porte une attention et un soin particulier
au set up. « J’aime que les gens se sentent chez eux »
et pour mieux les recevoir chez elle, les nappes sont
brodées à l’effigie de la maison, les couverts et assiettes
porteront ses armoiries, celle de la famille Daruty de
Grandpré. Comme un hommage à ses parents. La carte
virevolte sur la tonalité de la haute gastronomie que
Jacqueline maîtrise à la perfection. Mais il faut tout
reconstruire à nouveau, retrouver sa clientèle… Les
journées sont denses pour Jacqueline qui ne s’accorde
aucun répit. Habitée par sa passion, elle enjambe les
obstacles et les embûches sans jamais laisser place
au découragement. A la tête de son équipe, elle fait
d’un repas une fête du palais, c’est l’enchantement
des papilles avec la prééminence du goût des épices,
des produits frais. « L’île Maurice recèle de trésors
gustatifs. Je crée, j’innove, je teste ». Il n’est pas rare
qu’elle se réveille dans sa courte nuit pour noter un
détail de recette… Comme tous les mardis et vendredis,
Jacqueline se rend au marché de la foire de Vacoas qui
ouvre ses portes à six heures du matin. Elle connait
tous les maraîchers qui lui réservent le meilleur de leurs
productions. Le panier se remplit d’arouilles, manioc,
fruits à pains, patates douces. Jacqueline est toujours
aussi émerveillée par les variétés de légumes tels les
chouchous, brèdes, jacques, embrevades, lalos, patol,
pipengayes qu’elle accommode pour accompagner à
l’époque de la chasse, le civet de cerf ou le cochon
marron.
Au fil des années, sa persévérance, sa foi en elle et son
indiscutable talent sont une fois de plus récompensés.
La Clef des Champs lui ouvre le chemin d’un nouveau
succès, d’une nouvelle réussite. Aux champs et à la ville
elle s’impose, appréciée par toutes les communautés
mauriciennes. Son service traiteur reste le must de
toutes les réceptions. Jacqueline met une corde de
plus à son arc et crée un service de consulting où elle
prodigue ses conseils auprès des compagnies aériennes.
Au cœur de la vie mauricienne, en virtuose, elle mène
la valse gourmande tel un chef d’orchestre. Ici et là, à
croire qu’elle a le don d’ubiquité car tous les soirs elle
continue d’accueillir ses clients qu’elle ne sait recevoir
qu’en amis !
Soucieuse et désireuse de faire découvrir la tradition
culinaire mauricienne aux touristes, elle a ouvert
quatre tables d’hôtes : Le Domaine de Saint Denis, Le
Domaine de Mare Longue, La ferme de Mont Choisy
et le Cerf d’Or. Des étapes gourmandes au charme et
au caractère d’un Maurice d’antan mais bien vivant !
Sauvegarder, perpétuer, partager, transmettre : une
vocation pour Jacqueline. Depuis quatre ans, elle
travaille avec Nizam Peeroo et Mike Panyenmootoo
à l’écriture de « Vié caraille » qui paraitra fin 2011.
Un livre de recettes ancestrales et de références, le
patrimoine gustatif de l’île Maurice, pour ne pas oublier
la richesse gourmande parfois méconnue de ce pays.
Inépuisable, ses journées ressemblent à des marathons
mais c’est dans cette frénésie qu’elle s’épanouit.
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La Clef des Champs is an evocative name which
reflects Jacqueline’s undaunted optimism. “I chose
the name which would be the Key to my new life and
the Fields with their endless horizons as a response to
my liberation.” To add to its quality, the location is
far from the madding crowd.
Jacqueline took great care over the interiors - “I like
people to feel at home”. To this end, the napkins
are embroidered with a likeness of the building, and
the cutlery and plates carry the coat of arms of the
Daruty de Grandpré family, in honour of her parents.
The menu revolves around the fine dining which is
Jacqueline’s speciality.
However, she had to start from scratch to build up her
clientele again. Each day brought a heavy programme,
but Jacqueline kept her nose to the grindstone. Her
passion carried her forward and, whatever obstacles or
pitfalls stood in her way, she refused to be discouraged.
At the head of her team, she turned each meal into a
palatial feast, delighting guests’ taste buds with her
seasonings and fresh produce. “Mauritius is a treasure
trove with an abundance of flavourful ingredients. I
create, I innovate and I try things out.”
She often wakes up during her short nights to note
down a detail for a recipe. Jacqueline goes to the Vacoas
market, which opens at 6am each Tuesday and Friday.
She knows all the market gardeners, who keep the best
produce for her. Her basket is full of yams, cassava,
pine nuts and sweet potatoes. Jacqueline always
marvels at the variety of vegetables available, like
chayotes (chou-chou), bredes (local greens), jackfruit,
embrevades (lilva beans), lalos (okra or ladies’ fingers),
patoles (pointed gourd) and pipengayes (ridge gourd),
all of which she prepares to go with braised venison
or cochon marron when in season.
La jetée du Touessrok
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A la tête d’une entreprise de soixante personnes, c’est
aussi cent vingt familles en extra qu’elle fait vivre. Ses
collaborateurs ne tarissent pas d’éloges et l’appellent
Mame… « C’est une battante, elle est l’incarnation
du livre Secrets ». Son énergie emmène tout le monde.
Son exigence professionnelle est proportionnelle à sa
générosité de cœur, son amour de la vie. Même dans
les moments les plus difficiles de sa carrière, c’est
d’abord et avant tout à ses enfants et ses collaborateurs
qu’elle pense, qu’elle protège sans jamais s’apitoyer sur
son sort.
De ce parcours gourmand et épicé, Jacqueline Dalais
s’est progressivement et définitivement imposée comme
l’étoile de la cuisine mauricienne qui à son image se veut
généreuse et goutée. Prononcer son nom, c’est entrer
de plain-pied dans la gastronomie mauricienne. Son
aura dépasse les contours de l’île Maurice et nombre de
récompenses lui ont été décernées telles le Laurier d’Or
de la gastronomie internationale ou celle d’Auguste
Escoffier ou encore le titre de la Femme Entrepreneur
de l’année 2010. Une consécration amplement méritée
pour une grande dame qui a à cœur de porter haut les
vertus gourmandes avec une passion enchanteresse et
qu’on a retrouvé lors du Festival Bernard Loiseau en
mars 2011 au Constance Belle Mare Plage.
Jacqueline Dalais fait l’admiration de tous, force
le respect. Chapeau bas Madame Dalais car nous
sommes tous toqués de vous !
LA CLEF DES CHAMPS
tel (+230) 686 3458 / 2509 ou 728 556
www.jacquelinedalais.com
VALÉRIE BRUNIAU
J. Dalais avec B.Le Gac et D. Grel
Over the years, her perseverance, her belief in herself
and her undisputed talent were once again rewarded.
La Clef des Champs has earned her renewed success.
She is appreciated by people from all communities
in Mauritius, both town and country dwellers. Her
catering service is the one to use for receptions. And
Jacqueline has also added another string to her bow,
namely consultancy services, particularly used by the
airline industry.
Here in Mauritius, hers is a virtuoso performance, as
she leads her orchestra in a merry gastronomic dance.
She always seems to be in several places at once, but
every evening she is ready to welcome her guests –as
one does one’s friends.
In her desire to introduce tourists to Mauritian
cuisine, she has opened four boutique establishments:
Le Domaine de Saint Denis, Le Domaine de Mare
Longue, La Ferme de Mont Choisy and Le Cerf d’Or.
The atmosphere in all of them is perfect for fine dining,
full of character and the charm of yesteryear.
Persevering, perpetuating, sharing and passing on
those traditions is Jacqueline’s vocation. For the last
four years, she has been working with Nizam Peeroo
and Mike Panyenmootoo on a book, Vié Caraille,
which translates roughly as My Cooking Pot. It is a
book of recipes handed down through generations,
reflecting Mauritius’ culinary heritage and, not least,
its gastronomic qualities that are not always as well
known as they deserve to be.
Indefatigable, her days seem like marathon runs, but
it is such frenzy that brings her satisfaction.
She now has 60 people working with her and there are
another 120 families that rely on her for a living. Those
working with her sing her praises and affectionately call
her Mame. “She’s a fighter” they say, the incarnation
of the book “The Secret”. She carries everyone along
with her on a wave of energy. Her professionalism
is as intense as her warm-heartedness and her love
of life. Even during her most difficult moments, her
concern has always been above all for her children and
her colleagues, looking after them without indulging
in self-pity.
She has travelled far on the gourmet road and, over
the years, become the star of Mauritian cuisine, which
she has shown to be delicious and enjoyable whatever
one’s tastes. To mention her name is to conjure up
a world of fine Mauritian dining. Her renown has
spread well beyond the shores of Mauritius and her
awards include the Auguste Escoffier and international
gastronomic awards, as well as the title of Mauritian
Woman Entrepreneur of the year for 2009.
She deserves the recognition she has received - a great
lady, full of engaging enthusiasm, who truly believes in
the virtues of good food. Constance Belle Mare Plage’s
guests had the chance to meet her at the Bernard
Loiseau Food Festival held at the hotel in March 2011.
Jacqueline Dalais has earned universal admiration.
Chefs’ hats off to you, Madame Dalais!
CONSTANCE HOTELS EXPERIENCE
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| SILENCE no.19 mai 2011 | 63
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