Ferdinand GAGNON - Assumption College

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Ferdinand GAGNON - Assumption College
Ferdinand GAGNON (1849-1886)
Ferdinand Gagnon, surnommé « père de la presse franco-américaine »,
vient au monde à Saint-Hyacinthe, Québec, le 8 juin 1849. Son père, JeanBaptiste Gagnon, charron de métier, et sa mère, Elisabeth Marchessault,
auront douze enfants, dont neuf mourront en bas âge. Élève brillant,
Gagnon entre au séminaire de Saint-Hyacinthe à l’âge de dix ans. Ayant terminé ses études
classiques en 1865, il travaille comme clerc dans les bureaux des avocats Letendre et Mercier, ce
dernier étant destiné à devenir premier ministre du Québec.
En janvier 1868, Gagnon quitte son emploi et sa patrie pour rejoindre ses parents, établis
depuis quelque temps à Concord, capitale du New Hampshire. Là, il trouve un emploi chez les
avocats Marshall et Chase, où il se perfectionne dans ses connaissances du système légal des
États-Unis. De plus, comme partisan de l’indépendance canadienne, Gagnon devient secrétaire
de la Société Saint-Jean-Baptiste de Concord. Au mois d’octobre de la même année, il déménage
à Manchester, New Hampshire où déjà la population franco-américaine s’élève à environ 1 500
âmes.
N’ayant pas encore atteint l’âge de vingt ans, Gagnon envisage avec incertitude sa carrière,
ses projets et son avenir en général. Toutefois, il est plein d’idées et du désir de les partager avec
ses compatriotes émigrés du Québec, car il s’inquiète du sort des Franco-Américains. À cette
époque, la plupart considèrent la vague d’émigration du Québec vers la Nouvelle-Angleterre
comme n’étant qu’un phénomène temporaire, mais Gagnon prévoit l’essor éventuel et la
permanence de plusieurs communautés franco-américaines dans toute la région.
Il songe à une nouvelle carrière, le journalisme, qui sera sa véritable vocation, tout en
gagnant son pain en donnant des cours de français. Enfin, le 25 février 1869, avec l’appui
financier du docteur Adolphe-L. Tremblay, médecin local et membre-fondateur de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Manchester, Gagnon lance La Voix du peuple, le premier journal de
langue française de Manchester et de l’état du New Hampshire. Tentative modeste, cet
hebdomadaire, qui porte le sous-titre « Journal du peuple canadien des États-Unis » et la devise
« Attendre et espérer », comprend quatre pages et coûte cinq sous le numéro ou 2,25$ par an,
prix relativement élevé. Comme c’est le cas pour bon nombre de journaux franco-américains
durant ces années de tâtonnement, La Voix du peuple éprouve des difficultés financières et cesse
de paraître le 15 septembre 1869.
Par la suite, Gagnon s’établit de façon définitive à Worcester, Massachusetts où, le 16
octobre 1869, il épouse Malvina Lalime, qui lui donnera dix enfants entre 1871 et 1882. À peine
arrivé à Worcester, il fonde, de concours avec une compagnie d’actionnaires, L’Étendard
national qui, après un an, sera vendu à L’Opinion publique de Montréal, devenant ainsi une
édition spéciale du journal montréalais pour les États-Unis. Gagnon demeure à la rédaction
jusqu’à ce qu’il fonde Le Foyer canadien avec Frédéric Houde en 1873. Gagnon et Houde
publient également une édition du Foyer canadien à Woonsocket, Rhode Island appelé Le
Courrier du Rhode Island. Un peu plus tard, Gagnon vend ses intérêts dans Le Foyer canadien à
Houde qui l’établit à St. Albans, Vermont où celui-ci a déjà fait du journalisme. Ne pouvant
vivre uniquement de sa plume, Gagnon entre en affaires avec son beau-frère, Alfred-G. Lalime,
pour fabriquer des drapeaux, des bannières, des rubans et des médailles pour divers organismes
religieux, sociaux et patriotiques.
La réputation de Ferdinand Gagnon est déjà grande. Comme journaliste, orateur et
conférencier recherché et apprécié, il mérite le respect des francophones en Nouvelle-Angleterre,
au Canada et jusque dans le Mid-Ouest des États-Unis.
Son rêve est de créer pour ses
compatriotes une presse qui les aidera à se former une identité collective et distincte sur le sol
américain tout en servant d’organe à leurs réclamations religieuses, linguistiques, culturelles et
politiques.
Le jour même de son cinquième anniversaire de mariage, le 16 octobre 1874, Gagnon fait
paraître le premier numéro de la plus grande réussite journalistique de son époque, Le
Travailleur de Worcester. Cet hebdomadaire, qui porte la devise « Fais ce que dois », deviendra
un bi-hebdomadaire en 1879. Conscient de l’énorme pouvoir de la presse, Gagnon n’hésite point
à se servir du Travailleur pour exprimer ses idées et pour faire des suggestions à ses lecteurs. I1
traite de sujets ayant rapport à la vie quotidienne des Franco-Américains ainsi qu’à leur avenir. À
travers son journal, il tente d’établir des liens et des échanges entre ses compatriotes de divers
endroits, leur parlant de religion, de secours mutuel, de conscience politique, de tout ce qui les
touche de près. Lorsqu’on lance une attaque contre les siens, Gagnon y répond dans les colonnes
du Travailleur. Par exemple, il emploie sa plume pour rectifier la fausse conception
qu’entretiennent certains Québécois à l’égard des États-Unis, c’est-à-dire, que les émigrés y
perdent vite la foi catholique et la langue française. Gagnon viendra également à la défense des
Franco-Américains lorsque, dans le rapport du Bureau des statistiques du travail de l’état du
Massachusetts pour l’année 1881, on les appelle les « Chinois de l’Est », les accusant de n’être
qu’une « horde d’envahisseurs industriels », des gens à la recherche d’argent, qui s’adonnent à
un usage excessif de tabac et d’alcool et qui obligent leurs enfants à travailler dans les filatures
plutôt que de les faire instruire.
La grande question du choix entre le rapatriement au Québec et la naturalisation américaine
fera couler beaucoup d’encre et suscitera une des premières grandes polémiques entre journaux,
querelles qui marqueront l’histoire de la presse franco-américaine. Aux émigrés non satisfaits de
leur situation aux États-Unis, Gagnon recommande, à titre d’agent de rapatriement pour le
gouvernement du Québec, le retour au pays natal. Cependant, comme avocat de la citoyenneté
américaine pour ceux qui ont l’intention de demeurer aux États-Unis de façon permanente, il
encourage la fondation de clubs de naturalisation. Par conséquent, en avançant ces deux
positions, Gagnon se crée à la fois des amis et des ennemis parmi ses confrères. Son adversaire le
plus féroce est Honoré Beaugrand, directeur de La République de Fall River, Massachusetts et
champion du rapatriement. Beaugrand ira jusqu’à provoquer Gagnon en duel, cependant ce
dernier, étant le père d’une famille nombreuse, refusera de se battre.
Malgré la bonne santé du Travailleur, celle de son fondateur-propriétaire demeure néanmoins
chancelante. Ayant une jambe plus courte que l’autre, Gagnon doit marcher avec une canne, tout
en supportant son poids physique important. Atteint depuis sept mois de la maladie de Bright,
une affection des reins, Ferdinand Gagnon s’éteint à Worcester le 15 avril 1886, peu avant son
trente-septième anniversaire de naissance. Il repose dans le cimetière Notre-Dame de Worcester.
À la mort de Gagnon, Le Travailleur est laissé à Charles Lalime, un autre beau-frère du
journaliste, qui en continue la publication jusqu’à ce qu’il le vende à Benjamin Lenthier en 1892.
À la fin de cette même année, Le Travailleur cesse de paraître avec la plupart des autres journaux
de Lenthier qui font faillite.
Privés du Travailleur et de son fondateur, les Franco-Américains demeurent néanmoins les
héritiers des premiers fruits du rêve de Ferdinand Gagnon. Durant une carrière brève mais
fructueuse, Gagnon a pu établir les bases solides d’une presse qui allait servir les FrancoAméricains pendant plus d’un siècle. De plus, le succès de Gagnon a sûrement encouragé maints
autres journalistes à emboîter le pas, malgré les risques de telles entreprises.
À l’occasion du centenaire de la naissance de Ferdinand Gagnon, en juin 1949, on érige sa
statue au centre du parc Lafayette de Manchester, là où Gagnon avait lancé son premier journal.
Robert-B. PERREAULT
ŒUVRE
- Son œuvre journalistique, publiée dans les journaux suivants : La Voix du peuple, Manchester,
New Hampshire, 1869 ; L’Étendard national, Worcester, Massachusetts, 1869-1870 et Montréal,
Québec, 1870-1873 ; Le Foyer canadien, Worcester, 1873-1874 ; Le Courrier du Rhode Island,
Woonsocket, Rhode Island, 1873-1874 ; Le Travailleur, Worcester, 1874-1886.
- Divers articles, conférences et discours publiés dans Benjamin Sulte, éd. Ferdinand Gagnon :
sa vie et ses œuvres. Worcester, MA : C.F. Lawrence et Cie, 1886. 249 p. Les mêmes textes ont
été reproduits dans Josaphat Benoit, dir., Ferdinand Gagnon : biographie, éloge funèbre, pages
choisies. Manchester, NH : L’Avenir national, 1940. 277 p.
BIBLIOGRAPHIE
- Belisle, Alexandre, Histoire de la presse franco-américaine et des Canadiens-Français aux
États-Unis, Worcester, MA : L’Opinion publique, 1911. p. 71-107.
- Quintal, Claire, éd., Le Journalisme de langue française aux États-Unis. 4e colloque de
1’Institut français (Collège de 1’Assomption, Worcester, Massachusetts), Québec : Conseil de la
vie française en Amérique. 1984. p. 9-34.
- Tétrault, Maximilienne, Le Rôle de la presse dans l’évolution du peuple franco-américain de la
Nouvelle-Angleterre. Marseille : Imprimerie Ferran et Cie, 1935. 143 p.