Universit Libanaise

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Universit Libanaise
Université Libanaise
Faculté de Droit et des Sciences Politiques et Administratives
Filière Francophone
La Loi Applicable aux Contrats du Commerce Electronique
Mémoire pour l’obtention d’un Diplôme d’Etudes Approfondies
en
Droit Interne et International des Affaires
Présenté par
Lama A. KOTEICHE
Sous la direction de Monsieur le professeur
Marwan KARKABI
Beyrouth 2005
L’Université Libanaise n’entend donner aucune approbation ou improbation
aux opinions émises dans ce mémoire : ces opinions doivent être considérées
comme propres à son auteur.
2
Nous tenons à exprimer notre profonde reconnaissance à Monsieur le
professeur Marwan Karkabi pour l’honneur qu’il nous a fait en acceptant de
diriger ce travail et en l’enrichissant et le réorientant par ses conseils les plus
précieux.
Nos remerciements vont aussi à notre université, la filière
francophone, et notamment à Madame Leila Saadé qui nous a accordé la
possibilité de faire ce DEA. Nous tenons aussi à remercier tous nos
professeurs pour leurs séminaires fructueux.
Nous voudrions aussi dédier ce travail à Messieurs les professeurs
Georges Naffah, Ali Ibrahim et Walid Abla.
3
A mes parents.
A Gérard Demangeot qui m’a beaucoup aidé à
faire les recherches nécessaires pour accomplir ce
travail et qui était toujours près de moi pour me
donner son soutien.
A mon amie Rola El-Sayed.
4
Introduction
« Le virtuel, rigoureusement défini, n’a que peu d’affinité
avec le faux, l’illusoire ou l’imaginaire. Le virtuel n’est pas du tout
l’opposé du réel. C’est au contraire un mode d’être fécond et
puissant, qui donne du jeu aux processus de création, ouvre des
avenirs creuse des puits de sens sous la platitude de la présence
physique immédiate »1
Depuis sa mise à la disposition du grand public en 1994, Internet a
bouleversé le monde des affaires et a créé un nouvel espace international qui
transcende les frontières où peuvent se passer les transactions commerciales.
Internet est défini comme étant « un ensemble de réseaux
informatiques privés et publics qui sont interconnectés entre eux grâce à un
protocole de communication commun »2.
L’idée de créer un système reliant les ordinateurs partout dans le
monde est née sous l’impulsion d’un chercheur universitaire en 1962. Cette
idée n’a été concrétisée que sept ans plus tard pour le compte du ministère
américain de la défense. Ce système, connu dès lors sous le nom
d’ARPANET (Advanced Research Projects Agency network), n’était utilisé
que d’une manière confidentielle par les militaires et n’était accessible qu’à
quelques ordinateurs et ce dans le but de protéger le système d’information
1- P. LÉVY, Qu’est-ce que le virtuel ?, La découverte, Poche, 1998, p.10
2- Rapport public du CE du 2 juillet 1998, Internet et les réseaux numériques
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/984001519/0000.rtf
5
américain en cas d’une attaque nucléaire.
En 1973, est conçu le TCP/IP (Transmission Control Protocol /
Internet Protocol) qui est une norme de communication par le biais de
laquelle se font les échanges de données par paquets, c’est-à-dire
l’information sera découpée en petits segments de données routés
séparément avant d’être reconstitués à l’arrivée3. Cette norme va devenir la
base technologique d’Internet et aboutir à la naissance de la Toile en 1983.
Jusque là, la partie militaire d’Internet (MILNET) reste isolée du reste du
réseau.
En 1991, ce fût l’invention du World Wide Web (www.) développé par
le CERN (Centre d’Etude et de Recherche Nucléaire)4 à Genève. Il s’agit
d’une « toile d’araignée mondiale » constituée par plus de 13000 serveurs
liés entre eux par des liens « hypertextes » permettant de passer d’une page
ou d’un site à un autre par un simple « clic » rendant ainsi la navigation sur
la Toile extrêmement aisée.
Mais Internet n’a connu son grand succès qu’en 1994, date à laquelle
le Président des Etats-Unis Bill Clinton a confié l’administration du réseau à
des organismes commerciaux. Depuis, Internet n’est plus régi par les
autorités américaines qui finançaient son développement et il est devenu
« un espace décentralisé qu’aucun opérateur ni aucun Etat ne maîtrise
3- A. BERTRAND, T. PIETTE-COUDOL, Internet et la Loi, Dalloz, 1997, p.4
4- ECOMLEB, Lebanon’s Internet & IT Journal, Issue No 2 – 1st Quarter 2005, p.12
6
entièrement, un espace hétérogène où chacun peut agir, s’exprimer et
travailler, un espace épris de liberté »5.
Internet entra ainsi dans l’ère commercial et créa un marché virtuel où
se passèrent les transactions commerciales qu’elles soient interentreprises ou
« B to B » (business to business), ou entre entreprises et consommateurs ou
« B to C » (business to consumer). Ce fut alors la naissance du commerce
électronique qu’on appelle aussi e-commerce ou même cybercommerce.
Le commerce électronique, tel que défini par l’OCDE (Organisation
de Coopération et de Développement Economique), est « la vente ou l’achat
de biens ou de services, effectué par une entreprise, un particulier, une
administration ou toute autre entité publique ou privée, et réalisé au moyen
d’un réseau électronique ». Cette définition exclut les transactions passées
sur un mode non interactif (par fax ou téléphone).
En France, il a fallu attendre la loi pour la confiance dans l’économie
numérique (LEN) no2004-575 du 21 juin 2004, destinée à transposer la
directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 (directive sur le commerce
électronique) pour que soit défini le commerce électronique. En effet,
l’article 14 alinéa 1er de la LEN dispose que « le commerce électronique est
l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance
et par voie électronique la fourniture de biens ou de services ».
5- Rapport public du CE du 2 juillet 1998, op.cit.
7
Alors qu’au Liban, la notion du commerce électronique n’a jusque là
pas été sujette de définition. En effet, les deux projets de lois présentés au
Parlement, ne portent que sur la preuve de l’écrit électronique et la signature
électronique et ne s’efforcent pas à aller plus loin ni pour définir le
commerce électronique ni pour le réglementer.
Le développement du commerce électronique est largement lié à
l’augmentation du nombre d’internautes qui, selon les estimations de l’UIT
(Union Internationale des Télécommunications), pourrait dépasser le seuil de
700 millions en 2004. Le nombre d’internautes était estimé à près de 600
millions en début d’année 2003, et il a augmenté de 20% de 2001 à 20026.
De plus en plus la pratique des achats en ligne devient un phénomène de
société surtout avec l’augmentation de la confiance dans l’achat en ligne
selon une enquête menée en 2003. En effet, d’après cette enquête, 41% des
internautes sont confiants dans l’achat en ligne contre 31% en 2002 et 23%
en 2001.
D’après une étude menée par le groupement Visa en 2003, l’utilisation
des cartes Visa par le grand public pour acheter en ligne a fortement
progressé en Europe entre la fin de l’année 2001 et la fin de l’année 2002
soit une hausse de 531% dans le domaine du tourisme et de 112% dans le
domaine de la vente au détail. Selon cette même étude, la peur
6- les statistiques qui vont suivre sont basées sur le Tableau de Bord du Commerce
Electronique d’avril 2004 publié sur le site du ministère français de l’économie et
des
finances,
disponible
sur
le
www.men.minefi.gouv.fr/webmen/themes/eco/tbce250304.pdf
8
lien
suivant
du piratage du numéro de la carte de paiement s’amenuise peu à peu.
Une telle augmentation est aussi constatée aux Etats-Unis où selon le
Us Census Bureau, les ventes de détails réalisées en 2003 s’élèvent à 55
milliards de dollars soit une hausse de 26% par rapport aux recettes du
commerce électronique constatées en 2002.
Côté entreprises, Internet a créé non seulement un espace où les
entreprises peuvent vendre leurs biens ou services à leurs clients, mais aussi
un espace leur permettant d’entrer en contact entre elles et de passer des
contrats par le canal des réseaux ; il s’agit du commerce électronique « B to
B » qui est, à la différence du commerce « B to C », d’une importance
économique considérable. En effet, les transactions interentreprises
représentent plus de 90% du chiffre d’affaire du commerce électronique.
Ceci est en liaison directe avec la représentation des entreprises via des sites
sur la toile.
En effet, les grandes entreprises industrielles adoptent et intègrent de
plus en plus les technologies de l’information de la communication (TIC)
dans leurs processus d’affaires, notamment commerciaux. Ainsi, 71% de ces
entreprises disposent d’un site sur ligne.
Vers la fin de l’année 2001, les ventes sur la toile représentent 2% du
chiffre d’affaires des entreprises industrielles dont 94% est du commerce « B
to B » et les achats par Internet représentent 4% de leurs achats. Ces chiffres
sont en forte hausse et le commerce électronique continuera de se
9
développer dans les années à venir qu’il soit de type « B to B » ou bien « B
to C ».
Or, le commerce électronique, qui n’est autre qu’un commerce
traditionnel, national ou international accompagné par des moyens de
télécommunications7, donne inévitablement naissance à des différends qui
doivent être réglés et, soulève de ce fait des difficultés. En effet, la
dématérialisation des relations n’est pas sans conséquences sur les règles
déterminant la loi applicable aux contrats qui se passent sur Internet8,
problème majeur auquel s’affronte le commerce électronique surtout lorsque
ces échanges ont un caractère international. La principale difficulté réside
dans le fait que les règles du droit international privé en matière de la
détermination du droit applicable aux contrats ont été conçues pour un
monde physique non dématérialisé. La tâche du juge sera donc d’adapter ces
règles aux contrats électroniques. Il doit tout d’abord localiser le contrat pour
pouvoir déterminer la loi qui a vocation à le régir tout en prenant en
considération les règles d’ordre public et les lois de polices pouvant s’y
appliquer.
Mais un contrat passé sur un marché virtuel, un cyberespace qui
transcende toute frontière et qui ne peut pas être situé géographiquement
peut-il être localisé ? Au cas où ce contrat est passé avec un consommateur,
7- A. BERTTRAND, T. PIETTE-COUDOL, Internet et le Droit, Que sais-je ?, Puf,
2ème éd. p. 47
8- J. Le CLAINCHE, La détermination de la loi et du juge compétent, p.2 disponible
sur le site http://www.droit-ntic.com/
10
la présence de ce dernier aura-t-elle un effet sur la détermination de la loi
applicable ?
Ceci étant, notre étude portera, dans un premier temps, sur la
localisation du contrat de commerce électronique et, dans un second temps,
sur l’impact de la présence d’un consommateur sur la loi applicable à ce
contrat.
11
1ère partie : Le contrat de commerce électronique : un contrat
localisable ?
Parmi les contrats du commerce électronique, seuls les contrats
internationaux retiendront notre attention. En effet, le problème de la
détermination du droit applicable ne peut se concevoir dans un contrat de
droit interne impérativement soumis au droit national du pays dans lequel il
vient s’inscrire automatiquement ; comme, par exemple, pour le cas d’un
contrat conclu par un français sur un site web français et exécuté en France,
ce contrat relève nécessairement du droit français. L’internationalité du
contrat est donc une condition sine qua non pour que soit posé le problème
de la détermination de la loi applicable.
A côté de son caractère international, le contrat électronique revêt les
caractéristiques d’un contrat entre absents ou, en d’autres termes, un contrat
conclu à distance avec la seule et grande différence due au support
numérique sur lequel transite le contrat.
Ces deux critères du contrat de commerce électronique seront étudiés
simultanément dans deux chapitres, le premier portera sur le caractère
international du contrat et le deuxième sur les problèmes soulevés du fait
que ce contrat soit un contrat conclu entre absents.
12
Chapitre 1er : Le contrat de commerce électronique : un contrat
international
La facile accessibilité aux offres sur les réseaux électroniques des
quatre coins du globe et à n’importe quel moment, ne permet pas de déduire
que tout contrat conclu sur réseau est nécessairement international quand
bien même l’ubiquité de l’offre. Or, certains auteurs estiment que « les
contrats conclu via l’Internet sont susceptibles d’être considérés comme
internationaux, l’élément d’extranéité étant intrinsèque à la nature des
réseaux numériques »9. En effet, la première particularité du commerce
électronique réside dans la facilité avec laquelle on passe, éventuellement
sans s’en rendre compte, de la sphère interne à la sphère internationale. Un
français résidant en France qui se connecte à un site français, est dans le
monde français, dans l’ordre juridique et juridictionnel français ; il décide
d’explorer un autre site qui se trouve être un site étranger, ce qu’il ne sait pas
nécessairement, et il est dans le domaine international.
La mise en évidence des situations internationales, présentant un
élément d’extranéité, a toujours suscité des difficultés. L’essor des échanges
électroniques n’est donc pas la cause exclusive des incertitudes relatives à la
délimitation du contrat interne et du contrat international. Le medium
électronique ne fait qu’accroître ces difficultés, lorsque les éléments
9- M.-A. Maury, La lex electronica, p.4 disponible sur le lien suivant :
http://www.wanadoo.fr/mam/these4.html
13
d’extranéité ne sont pas connus des parties ; le contrat est-il interne ou
international ?
La qualification de contrat international revêt une particulière
importance. En effet, les parties à un contrat international bénéficient d’une
exceptionnelle liberté notamment dans l’insertion de clauses dans le contrat,
non valables en droit interne, tel la clause de la loi d’autonomie.
La jurisprudence française s’est efforcée de définir le contrat
international. A strictement parler, le contrat international est celui qui
présente lui-même et directement un élément de rattachement avec
l’étranger. La jurisprudence l’a caractérisé par un mouvement de « flux et de
reflux » de valeurs, de services ou de biens au travers des frontières ou par le
fait qu’il « se rattache à des normes juridiques émanant de plusieurs Etats ».
Elle a admis également un critère plus souple, le critère économique, selon
lequel l’opération en cause « met en jeu les intérêts du commerce
international ».
A vrai dire, la question de la qualification de contrat international est
devenue sans véritable intérêt depuis l’entrée en vigueur de la Convention de
Rome. En effet, selon son article premier, la Convention de Rome reçoit
application « dans des situations comportant un conflit de lois ». La
Convention a ainsi accru son domaine en modifiant la définition du contrat
international. Selon la définition qu’avait adopté la jurisprudence dans les
années trente, le contrat international était celui qui met en cause les intérêts
du commerce international. « Ce n’est plus le cas dans la convention de
14
Rome : le contrat international est celui qui présente un élément d’extranéité
quelconque »10.
Quand peut-on considérer que la situation comporte un conflit de lois
au sens de la Convention de Rome ? Il faut déterminer si l’on doit rechercher
des éléments objectifs d’extranéité, nécessaires à l’existence d’un conflit de
lois ou si l’élection de droit par les parties suffit à caractériser le conflit de
lois, alors même que le contrat serait « monolocalisé »11. Selon certains
auteurs, « il suffit que les parties choisissent une loi étrangère pour que le
contrat soit traité comme un contrat international »12. Certes, la distinction
entre contrat interne et contrat international n’est pas complètement abolie
par la Convention de Rome : celle-ci réserve l’application des « dispositions
impératives » lorsque le contrat est ancré, par ses divers éléments, dans un
Etat unique13.
Mis à part les cas d’internationalisation frauduleuse du contrat
électronique international, nous étudierons les éléments de rattachements du
contrat électronique dans deux sections. La première sera consacrée à l’étude
du principe de la loi d’autonomie, la fonction de rattachement attribuée à ce
principe ayant été mise en évidence dans les contrats internationaux14, et la
deuxième portera sur les éléments objectifs de rattachement.
10- P. MAYER, Actualité du contrat international, Les petites affiches No90 du 5 mai
2000
11- terme emprunté à J.-M. JACQUET, Le contrat international, Dalloz, 1992, p.8
12- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, LGDJ,
2002, p.125
13- Article 3-3 de la Convention de Rome
15
Section 1 : Le principe de la loi d’autonomie
En matière de contrats internationaux, une solution d’une simplicité
déroutante voudrait que les parties désignent elles-mêmes la loi à laquelle
sera soumis leur contrat. Le conflit de loi soulevé par le contrat international
sera alors résolu non pas au moyen d’éléments de rattachement rigides et
prédéterminés tel le lieu de conclusion ou le lieu d’exécution du contrat,
mais au moyen d’une désignation volontaire effectuée d’un commun accord
par les parties.
Le principe d’autonomie peut être défini comme étant « le pouvoir
reconnu par un ordre juridique à un ou plusieurs individus de créer des
situations juridiques en son sein, situations qui, sans leur intervention et à
défaut de ce pouvoir, soit n’existeraient pas, soit existeraient mais avec une
configuration différente »15. En général, les opérations du commerce
international sont favorables au plein exercice de la volonté des parties car
l’Etat manifeste alors une certaine retenue dans la réglementation des
contrats. Parce qu’il se trouve à la croisée du commerce international et des
nouvelles technologies, le marché électronique constitue de ce fait un terrain
favorable au plein exercice de la liberté contractuelle.
14- J.-M. JACQUET, Principe d’autonomie et contrats internationaux, Economica,
1983, p.271
15- Ibid. p.7
16
§1- L’admission du principe
A quelques conditions près, dans la plupart des systèmes juridiques, le
choix exprimé par les contractants s’impose à l’autorité appelée à statuer sur
le différend, qu’elle soit juge étatique ou tribunal arbitral. Ce qui fait ici le
lien entre le contrat et la loi qui lui est applicable, c’est la volonté des
parties. Celle-ci participe donc bien d’un facteur de rattachement
puisqu’ « elle fait le pont entre la relation contractuelle et les normes
applicables »16.
Ce principe a posé la question de savoir quel serait l’étendu du pouvoir des
parties. Sur ce point là deux conceptions s’affrontent, la première objective
et la deuxième subjective.
Selon la conception objective, développée par Batiffol, tout contrat
doit être soumis à une loi. La seule liberté accordée aux parties est celle de
localiser leur contrat géographiquement. Ainsi, la clause d’electio juris ne
sera qu’un élément de localisation parmi d’autres.
Dans la logique objectiviste, les parties doivent choisir une loi qui a un lien
suffisant avec le contrat. Sinon, la localisation est considérée comme
artificielle.
La conception subjective est, à cet égard, plus permissive. Elle
consacre pleinement le rôle de la volonté des parties. Ainsi, peu importe le
lien – ou l’absence de lien – entre le contrat et la loi désignée car ce que les
16- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente
cyberspatial, p.107 disponible sur le lien suivant : http://www.ulaval.ca/
17
parties recherchent c’est la sécurité juridique. Or, ces dernières sont le mieux
placées pour trouver la loi qui correspond à ce besoin. La liberté
contractuelle permet également aux parties de « dépecer » le contrat lorsqu’il
comporte des aspects objectivement détachables. La Convention de Rome
admet dans son article 3-1 que les contractants puissent désigner la loi
applicable à une partie seulement du contrat, ce qui sous-entend la
possibilité de choisir une loi pour chaque partie du contrat.
En France, le principe de la loi d’autonomie n’a été consacré par la
Cour de cassation qu’en 1910 dans l’arrêt « American Trading Co »17. Selon
cet arrêt « la loi applicable aux contrats, soit en ce qui concerne leur
formation, soit quant à leurs effets et conditions, est celle que les parties ont
adoptée ».
Aucun texte législatif français ne pose le principe de l’autonomie de la
volonté en la matière. Le droit français, à cet égard, tire sa source de la
jurisprudence, à laquelle se sont ajoutées des dispositions conventionnelles.
En effet, plusieurs textes internationaux portent sur le sujet.
Le premier à cet effet remonte à 1955. Il s’agit de la Convention sur la
loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers
corporels18. Entrée en vigueur en 1964, les neuf ratifications proviennent, à
une exception près, le Niger, de pays européens, dont la France.
Globalement, avec ses 12 articles, le texte de la Convention est assez
sommaire.
17- Cass Civ, 5 décembre 1910, GA no11
18- Convention de La Haye du 15 juin 1955
18
L’article 2 reconnaît la liberté contractuelle en limitant très expressément le
choix des parties à une loi nationale. En effet, cet article stipule que « la
vente est régie par la loi interne du pays désigné par les parties
contractantes », ce qui exclut le renvoie.
Le principe de la loi d’autonomie a également été consacré par la
Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations
contractuelles adoptée par la Communauté européenne et entrée en vigueur
le 1er avril 1991. Le but essentiel de cette Convention étant d’uniformiser les
règles sur la loi applicables aux obligations contractuelles ainsi que sur
certaines questions générales de droit international privé dans la mesure où
ces questions se rattachent à la matière de ces obligations.
La convention de Rome a non seulement consacré le principe d’autonomie
par son article 3-1, mais elle « a accru l’intensité de la liberté
contractuelle »19 et ce en permettant aux parties, par un dépeçage, de
soumettre une partie du contrat à une loi, une autre partie à une deuxième
loi, une troisième partie à une troisième loi, etc. Elle prévoit également dans
l’alinéa 2 de l’article 3 que les parties puissent modifier leur choix à tout
moment.
§ 2- La validité de la clause d’electio juris
L’article 3-1 de la Convention de Rome indique que le choix des
parties « doit être exprès », sans faire mention d’un support quelconque. Ce
19- P. MAYER, Actualité du contrat international, op. cit.
19
qui semble permettre que la convention soit verbale20 ou écrite, que cet écrit
soit électronique ou non. L’existence d’une clause expresse de choix de la
loi dispense de consulter d’autres éléments pour déterminer la loi applicable
au contrat. Le juge doit s’en tenir au choix exprès. Le choix des parties est
généralement exprimé au moment de la formation du contrat. Cependant, la
Convention de Rome admet la possibilité pour les parties de convenir à tout
moment d’effectuer un choix, ou encore de modifier le choix initialement
fait.
Normalement, la clause d’electio juris n’est concevable que dans les
cas où nous sommes en présence d’un contrat international. Ceci, comme
nous l’avons déjà mentionné, n’est plus le cas depuis l’entrée en vigueur de
la Convention de Rome qui autorise « ce qui jusque-là était considéré
inconcevable »21. En effet, par son article 3-3, elle permet aux parties à un
contrat purement interne de désigner une loi étrangère, sous réserve des
dispositions de la loi locale ce qui fut critiqué par deux auteurs, Pierre Mayer
et Vincent Heuzé. Selon eux, « le seul reproche que l’on puisse faire à cette
disposition audacieuse est de laisser dans le vague la combinaison,
nécessairement complexe, qui devra alors être effectuée entre les
dispositions impératives et supplétives de la loi choisie, d’une part, les
dispositions impératives de la loi locale, d’autre part »22. Donc, dans le cas
visé par l’article 3-3, si le contexte ne met pas en jeu des dispositions
20- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente
cyberspatial, op.cit., p.107
21- P. MAYER, V. HEUZE, Droit international privé, Montchrestien, 7e éd., p.475
22- Ibid.
20
impératives, il faut en conclure que les cocontractants, ressortissants d’un
même ordre juridique, peuvent désigner une loi autre que leur loi nationale.
Et a contrario, il faut en déduire que lorsque le contrat est « international »,
aucune limite n’est imposée aux parties.
Entretenant une conception particulièrement libérale du principe de
l’autonomie de la volonté, la Convention de Rome n’exige, pour la validité
de la clause de l’electio juris, aucun lien entre la loi choisie et la relation
contractuelle. Cette position n’a pas été à l’abri des critiques de la doctrine.
En effet, selon certains auteurs « il faudrait […] exiger […] que le choix ne
soit pas entaché de fraude »23.
D’ailleurs, y a-t-il en matière de contrat transnational une loi qui ait
réellement un lien avec la relation, qui ait vocation particulière ou privilégiée
pour la régir ? Pour certains, la réponse est clairement négative24 et le libre
choix accordé aux parties par la Convention de Rome s’inscrit dans cette
logique.
En matière de contrat électronique, la clause de droit est dans la
plupart des cas stipulée dans des conditions générales accessibles sous forme
électronique, mais distinctes de l’accord principal. La question qui se pose
est de savoir si la forme électronique du contrat n’affecte pas la validité de la
clause, c’est-à-dire si cette dernière « résulte de façon certaine des
dispositions du contrat » au sens de l’article 3-1 de la Convention de Rome.
Ces dispositions générales, se trouvant à quelques « clics » de distance de la
23- Ibid p.480
24- Ibid.
21
page Internet où le cocontractant manifeste son accord, sont-elles extérieures
au contrat ou constituent-elles une partie intégrante de celui-ci ?25
Au fait, la question n’est pas nouvelle puisque l’on s’est interrogé en
droit interne sur la valeur des éléments distincts de l’instrumentum remis aux
parties. A côté de ce qui est exprimé par les parties dans le corps même de
l’instrumentum, il est très souvent des documents extérieurs auxquels les
parties font simplement référence : cahier des charges, conditions générales,
règlement de copropriété, etc. De tels documents sont en général rédigés
d’une façon unilatérale. Aussi, la jurisprudence ne leur reconnaît valeur
contractuelle qu’autant que l’autre partie savait qu’ils faisaient partie
effective du contrat et pouvait en prendre connaissance26. Mais il a été jugé
que, si, lors de son adhésion à un fonds, un souscripteur a déclaré avoir
connaissance du règlement, il ne pouvait, par la suite, déclarer ne pas avoir
eu cette connaissance27.
En effet pour être qualifié de contractuel, le document doit contribuer
à la formation ou à la réalisation du contrat même s’il ne figure pas dans
l’instrumentum de ce contrat. En toute logique, la forme et le support qui
véhiculent les informations ne jouent aucun rôle dans la qualification et le
25- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit.
p.127
26- Com. 9 oct. 1984, J. C. P. 1984. IV. 344 ; Amiens, 3 juin 1985, J. C. P. 1986. II.
20634, note Y. ASSOULINE ; Com. 3 déc. 1985, Rev. trim. dr. civ. 1987. 565,
obs. J. HUET
27- Paris, 18 oct. 1984, Gaz. Pal. 1985. 1. Somm. 105
22
document contractuel peut donc être un document électronique.
Ce document électronique, contenant la stipulation d’élection de droit,
est en principe accessible au cocontractant, dans une rubrique différente du
site Internet : à proprement parler, il ne lui est pas remis au sens où la
jurisprudence classique l’entend mais aussi, il ne fait pas seulement l’objet
d’un simple affichage, puisque le cocontractant peut en principe le
sauvegarder sous forme informatique ou même l’imprimer et avoir ainsi la
trace écrite traditionnelle. Réserve faite d’une défaillance du système,
l’accessibilité est donc grandement facilitée par l’outil informatique. La
facile accessibilité aux conditions générales ainsi que les liens informatiques
qui unissent ces dernières au formulaire de commande, autorisent-ils à
considérer qu’il n’y a qu’un seul document contractuel ?
Selon un auteur, la qualification de document contractuel unique ne
doit pas reposer sur des considérations tirées du support mais sur des
considérations tirées du comportement du cocontractant. Il considère qu’il y
a un contrat électronique sans annexe si, au cours de la procédure de
conclusion du contrat, le cocontractant a été effectivement mis en présence
des conditions générales et non d’un simple lien ; la conclusion du contrat se
fait par plusieurs étapes parmi lesquelles figurent les conditions générales et
ce avant d’atteindre l’étape finale qui se manifeste par la conclusion du
contrat. Dans ce cas aucun problème d’opposabilité des conditions n’est
alors soulevé. En revanche, si l’accès aux conditions générales est laissé à
l’initiative du cocontractant, on distinguera alors le contrat principal des
annexes28. Dans quelles conditions ces annexes entrent dans le champ
contractuel ? La pratique révèle que la technique de l’incorporation par
23
référence a été accueillie dans le commerce électronique. Il est fréquent de
constater un renvoi aux conditions générales, sous la forme de lien
hypertexte. De même, la loi type sur le commerce électronique de la
CNUDCI a validé le procédé d’incorporation par référence. En effet, l’article
5 bis de cette loi type stipule que « l’information n’est pas privée de ses
effets juridiques au seul motif qu’elle est incorporée par référence dans un
message de données ». Dans quelles mesures pourra-t-on considérer que
l’adhérent a consenti à l’ensemble des conditions générales ?
Par application de la Convention de Rome, la réalité de l’adhésion
sera appréciée selon la lex substantiae. Toutefois, l’alinéa 2 de l’article 8 de
cette même convention prévoit que l’adhérent peut se prévaloir de la loi de
sa résidence habituelle pour établir qu’il na pas consenti. En toute hypothèse,
le juge devra apprécier au regard du droit matériel désigné si le clic de
l’adhérent permet de présumer qu’il a connu, compris et accepté les
conditions générales. Il pourra notamment prendre en considération le
moment de communication des conditions générales, avant ou après la
conclusion du contrat.
En droit français, la communication des conditions générales est
traditionnellement requise avant la conclusion du contrat29. Le projet de loi
sur la société de l’information intègre ainsi au Code civil, dans un article
1393-3, une règle supplétive qui ferait obligation à l’offrant de préciser « les
conditions générales et particulières applicables ainsi que les modalités de
28- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit.
p.128
29- Cass. Com, 17 juin 1997, RJDA 1997, no1312, p.902
24
conservation et de reproduction de ces conditions »30. La règle ne sera
impérative qu’à l’égard des consommateurs. La directive européenne et la
loi de transposition témoignent des réticences à l’encontre d’une
incorporation par référence dans les contrats de consommation.
Il faut enfin vérifier si une partie peut exprimer son consentement par
voie électronique. Cette question sera appréciée selon la lex formae désignée
par la règle de conflit du juge saisi. Au fait, nombreuses sont les législations
qui admettent désormais la signature électronique. La structure alternative de
la règle de conflit permettra certainement de considérer que l’acte est valable
selon l’une d’entre elles. Ainsi, aux Etats-Unis, dès avant l’adoption de l’esign act, la jurisprudence avait admis que le clic pouvait être une
manifestation du consentement.
Section 2 : Les éléments objectifs de rattachement
Lorsque les parties n’ont pas désigné la loi applicable au contrat
électronique ou lorsque leur choix s’avère inefficace, il convient de
déterminer les règles objectivement applicables, tâche qui incombera au juge
qu’il soit juge privé – arbitre – ou juge étatique. Les outils que peut utiliser
l’arbitre afin de déterminer la norme qui va résoudre le litige ne relèvent pas
forcément du même registre que ceux dont dispose le juge étatique.
30- Article 23 du projet de loi sur la société de l’information qui transpose en droit
français l’article 10 de la directive européenne sur le commerce électronique.
25
En effet, le juge saisi d’un litige commercial international est bien
évidemment tenu de puiser dans son système juridique national les normes
qu’il va utiliser. C’est la lex fori qui lui indiquera les rattachements. Alors
que l’arbitre, qui est par essence un juge indépendant, n’est pas lié à aucun
système juridique étatique et n’a donc pas de lex fori. Il vaut mieux donc
étudier les éléments de rattachement objectif dans le cadre de l’arbitrage
pour ensuite indiquer les facteurs de rattachement dont peuvent disposer les
autorités étatiques.
§ 1- Les éléments de rattachement objectif dans le cadre de l’arbitrage
Il arrive que les parties aient désigné l’arbitrage comme mode de
règlement des litiges mais qu’elles ne soient pas abstenues en ce qui
concerne le droit applicable et ce, aussi bien lors de la rédaction de la
convention d’arbitrage qu’au début des procédures arbitrales. Dans ce cas,
l’application d’un système étatique de solution de conflits ne s’impose pas à
l’arbitre, qui n’exerce pas un pouvoir juridictionnel au nom de l’Etat, comme
il s’impose lorsque le litige est porté devant une juridiction étatique. Quelle
sera alors la méthode que va appliquer l’arbitre lorsque les parties ont été
silencieuses ? Le principe en la matière est celui de sa liberté.
En effet, l’arbitre jouit d’une grande latitude pour utiliser les
rattachements normatifs qui lui semblent les mieux adaptés au cas qui lui est
soumis, comme le prévoit la Convention européenne sur l’arbitrage
commercial qui stipule dans sont article VII « […] à défaut d’indication par
les parties du droit applicable, les arbitres appliqueront la loi désignée par la
règle de conflit que les arbitres jugeront appropriée en l’espèce ». Le même
26
principe, sous une forme moins ambiguë, a été repris par la loi type de la
CNUDCI sur l’arbitrage commercial international dans l’article 28-2 qui
édicte qu’en cas de silence des parties, « le tribunal arbitral applique la loi
désignée par la règle de conflit de lois qu’il juge applicable en l’espèce ».
L’arbitre peut cependant procéder à une méthode, plus directe,
écartant tout recours aux conflits de lois. Ainsi, dans une affaire opposant
une société de droit turc établie en Turquie et une société française, les
parties étaient liées par un contrat de représentation commerciale. Même si
la convention comportait uniquement une clause compromissoire en faveur
de l’arbitrage CCI, ce qui aurait dû déclencher l’application l’article 13 de ce
règlement prescrivant que les arbitres devraient appliquer, à défaut
d’indication par les parties du droit applicable, la loi désignée par la règle de
conflit qu’ils jugeraient la plus appropriée, étant précisé qu’ils tiendraient
compte des stipulations du contrat et des usages du commerce. Le tribunal
arbitral n’a pas procédé ainsi et a recherché directement les règles de droit
applicables. Après diverses considérations pouvant militer soit en faveur de
la loi turque, comme celle du lieu d’exécution du mandat, ou la loi française
étant celle du mandat, ou encore la loi d’autonomie comme étant celle du
lieu mal discernable de la localisation du contrat, la sentence arbitrale les a
écartées toutes du fait qu’aucune ne paraissait s’imposer avec assez de force.
Le tribunal arbitral « a […] décidé, compte tenu du caractère international du
contrat, d’écarter toute législation spécifique et d’appliquer la lex mercatoria
internationale »31.
31- Cass. civ. 1ère ch. 9 octobre 1984, Revue d’arbitrage 1985, p.431
27
Avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement de la CCI le 1er
janvier1998, c’est une détermination directe que ce règlement commande
dans son article 17 qui délaisse toute référence aux règles de conflits : « Les
parties sont libres de choisir les règles de droit que le tribunal arbitral devra
appliquer au fond du litige. A défaut de choix par les parties des règles de
droit applicables, l’arbitre appliquera les règles de droit qu’il juge
appropriées ».
Un autre raisonnement est parfois adopté par les anglo-saxons : en
désignant le pays de l’arbitrage, les parties auraient implicitement désigné la
loi de ce pays pour régir le fond du litige. Pourtant, le lien ne s’impose pas
toujours, du moins dans l’esprit des parties. Le choix du lieu de l’arbitrage
est souvent dicté par des besoins pratiques ou en raison de sa neutralité. « Le
lieu de l’arbitrage n’est plus généralement utilisé comme facteur de
rattachement objectif, même si les arbitres peuvent encore en tenir compte
parmi un faisceau d’indices »32.
Il est donc fortement recommandé de conseiller aux parties qui
veulent éventuellement avoir recours à l’arbitrage d’inclure impérativement
une clause de choix de loi car, en cas de silence, on ne sait pas bien quel
système de conflit de lois l’arbitre prendra en considération pour déterminer
quel droit national il doit appliquer. Goldman estime que le silence des
parties qui ont choisi l’arbitrage entraîne automatiquement l’application de
la lex mercatoria : « […] le recours à l’arbitrage international est à lui seul
32- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente
cyberspatial, op.cit., p.175
28
considéré, de manière générale, comme un instrument d’internationalisation
du contrat, et par là, de référence aux principe généraux du droit
international […] »33. Il laisse ainsi entendre que l’application de la lex
mercatoria ne ressort pas d’un mécanisme de rattachement mais plutôt
qu’elle s’impose par elle-même. Du moment que l’on sort de la sphère des
tribunaux étatiques, on se soustrait par là aux normes étatiques. Cette vision
ne fait pas unanimité en doctrine et certains auteurs s’y opposent et
considèrent que la proposition avancée par Berthold Goldman « paraît
excessive car, pas plus qu’en matière interne, le recours à l’arbitrage n’écarte
en matière internationale l’application de la règle étatique et [ne sont] pas
convaincus que la clause compromissoire inscrite dans pareil contrat signifie
autre chose que le choix de la technique arbitrale pour le traitement de litiges
éventuels »34.
§ 2- Les éléments de rattachement objectif et juge étatique
Lorsque le contrat ne contient aucune référence explicite ou implicite
à la loi applicable, le juge doit suppléer au défaut de la volonté exprimée. Il a
alors recours à des présomptions pour déterminer, en tenant compte des
circonstances résultant de la formation du contrat, de sa teneur et de ses
effets, quelle est parmi toutes les lois en relation avec ces éléments, celle qui
33- B. GOLDMAN, La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux :
réalité et perspectives, JDI, 1979, p.475
34- J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD et R. FABRE, Droit du commerce
international, Litec, 2000, p.68
29
lui parait convenir le mieux comme loi unique. L’étude de la jurisprudence,
abondante en la matière, révèle que deux catégories d’indices guident les
tribunaux dans cette recherche de la loi applicable. La première catégorie
regroupant les indices particuliers et la deuxième les indices généraux, que
nous étudieront avant de passer aux solutions d’origine conventionnelle.
a- Les indices particuliers
S’il existe des indices particuliers, le juge s’y référera, sans que soit
exclue la possibilité de se référer en même temps aux indices généraux tirés
de l’exécution et la conclusion du contrat. Plus subsidiairement, la
nationalité commune des parties ou leur domicile35 ainsi que la teneur des
lois en conflits36 sont prises en considération, lorsqu’elles sont en
concordance avec d’autres éléments.
b- Les indices généraux
En dehors de ces indices particuliers, l’un des deux indices généraux
pourra, dans la plupart des cas, être retenu à l’appui de la soumission du
contrat au système juridique d’un pays déterminé : le lieu de formation ou le
lieu d’exécution.
35- Cass. civ. 21 nov. 1973, Rev. crit. DIP 1974 p.720
36- Notamment lorsque l’une des lois valide le contrat, alors que l’autre l’annule
(Cass. civ. 5 déc. 1910) ou si, des deux lois en présence, la première réglemente
l’opération tandis que la seconde l’ignore (Cass. civ. 29 oct. 1974, Rev. crit. DIP,
1976 p.91)
30
De ces deux localisations, celle qui paraît la plus décisive et
significative est le lieu d’exécution37. Les parties ont en effet surtout en vue
l’exécution qui constitue la finalité de leur accord. Cependant, pour être pris
en considération, le lieu d’exécution doit être déterminé ou déterminable. Or,
cette détermination n’est pas toujours aisée surtout en matière de commerce
électronique, problème que soulève également la détermination du lieu de
conclusion du contrat, indice qui a une valeur subsidiaire surtout dans les
contrats entre absents.
Au Moyen Age, le lieu de conclusion du contrat était devenu le
principe général de rattachement. La lex loci actus était bien adaptée aux
mœurs de l’époque où les contrats étaient souvent conclus entre présents. Le
rattachement à la loi du lieu de conclusion de l’accord, tant pour le fond que
pour la forme, était encore largement répandu dans les législations au milieu
du XIXème siècle.
Alors qu’autrefois, le fond des actes et leur forme étaient soumis à la
même loi, la lex loci actus, un clivage s’est peu à peu installé, éloignant les
questions de fond de cette règle. Le lieu de conclusion du contrat a
pratiquement été évincé des facteurs de rattachement pour ce qui concerne le
fond des contrats mais il est encore utilisé en ce qui concerne la forme. « Le
lieu de l’acte présente des avantages évidents de commodité. C’est au lieu
où elles se trouvent que les parties peuvent le plus aisément se renseigner sur
37- B. AUDIT, Droit international privé, Economica, 3e éd. p.154 ; Y.
LOUSSOUARN, P. BOUREL et P. de VAREILLES-SOMMIERES, Droit
international privé, Dalloz, 8e éd. 2004, p.495
31
les formalités nécessaires […] »38.
Une réflexion plus approfondie a amené à constater que la plupart des
contrats usuels se définissent par la prestation d’une partie, qui caractérise
l’opération par sa fonction économique, comme pour le transfert de propriété
d’un objet dans la vente, tandis que l’autre prestation n’est que la
rémunération en argent de la première. « Il apparaît alors raisonnable, […]
de soumettre le contrat à la loi du lieu d’exécution de la prestation
caractéristique du contrat »39. Ce principe de rattachement a été proposé
notamment par la doctrine suisse, il a été adopté dans la convention de Rome
sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
c- La convention de Rome du 19 juin 1980
A défaut de choix par les parties de la loi applicable, la détermination
de celle-ci résulte d’une localisation purement objective, que la Convention
effectue sur la base du principe de proximité ou des lien les plus étroits
qu’entretient le contrat avec tel ou tel Etat.
Pareil principe conduit le juge à rechercher le centre de gravité de
l’opération en tenant compte de tous les facteurs de rattachement (par
exemple, lieux de conclusion et d’exécution, nationalité et domicile des
parties, teneur des lois en présence, objet du contrat). La localisation ne peut
donc pas être déduite d’un critère unique. Or, ce système de localisation, qui
38- P. MAYER, V. HEUZE, Droit international privé, op.cit. p.509
39- B. AUDIT, Droit international privé, op. cit. p.154
32
s’apparente à celui de la proper law, soulève des difficultés. C’est la raison
pour laquelle les rédacteurs de la Convention ont dû prolonger le principe
général de proximité de deux séries de présomptions, de façon à guider le
juge dans ses recherches : une présomption générale et des présomptions
particulières.
Formulée par l’article 4-2, la première énonce que « le contrat
présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la
prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa
résidence habituelle ». L’appréciation de l’élément caractéristique de la
prestation est affaire de circonstances. La nature même du contrat permettra
dans la plupart des cas de le caractériser. Dans la vente par exemple, c’est la
prestation du vendeur qui servira de référence.
Quant aux présomptions particulières de localisation, elles concernent,
soit les contrats qui ont pour objet « un droit réel immobilier ou un droit
d’utilisation d’un immeuble »40, pour lesquels la loi des liens les plus étroits
est définie comme étant la lex rei sitae, soit le transport de marchandises où
le lieu d’établissement principal du transporteur n’est retenu au titre de
présomption que s’il coïncide avec « le lieu de chargement ou de
déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur »41, cas qui ne
font pas l’objet de notre étude.
40- article 4-3 de la convention de Rome
41- article 4-4 de la convention de Rome
33
Chapitre 2 : Le contrat de commerce électronique : un contrat à
distance
Lorsque le pollicitant et l’acceptant sont séparés par une certaine
distance au moment de l’acceptation, cela n’empêche pas le contrat de se
former ; dans ce cas le contrat est dit à distance. Dans son article 2, la
directive européenne sur la protection des consommateurs en matière de
contrats à distance définit ce contrat comme « tout contrat concernant des
biens ou services conclu entre un fournisseur et un consommateur dans le
cadre d’un système de vente ou de prestations de services à distance organisé
par le fournisseur, qui, pour ce contrat, utilise exclusivement une ou
plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du
contrat, y compris la conclusion du contrat elle-même ». Mais l’utilisation
d’Internet, « technique de communication à distance », comme mode de
transmission de la volonté que rend nécessaire l’éloignement des parties
soulève une difficulté : en quel lieu le contrat se forme-t-il ?
En réalité la question n’est pas nouvelle puisque la conclusion de
contrats entre absents ou non-présents – terme que préfère employer certains
auteurs afin d’éviter toute équivoque avec le terme « absent » ayant un sens
juridique bien particulier42 – est chose fréquente à notre époque et le
42- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente
cyberspatial, op.cit., p.184
34
problème a déjà été soulevé pour les contrats traditionnels43 conclus à
distance, avec quelques spécificités qu’apporte Internet. Il est vrai que la
territorialité a perdu beaucoup de son importance comme « facteur de
rattachement » et a été progressivement éliminée par la jurisprudence sous la
double influence d’un affinement de la règle de conflit de lois et des besoins
du commerce international. En effet, des facteurs de rattachement
autonomes, le lieu de conclusion et le lieu d’exécution on été réduits à des
« indices », permettant de définir le centre de gravité du contrat. Bien que
passablement délaissés en raison des difficultés liées à leur détermination, le
lieu de conclusion et le lieu d’exécution du contrat n’en ont pas pour autant
été complètement abandonnés.
Comme le fait remarquer Alain Bensoussan, « la formation d’un
contrat à distance soulève certaines questions principalement liées à la
dématérialisation du processus contractuel »44. En effet, les parties n’étant
pas physiquement présentes lors de la conclusion du contrat, vont se poser
tous les problèmes que l’on évoque à chaque fois que l’on rencontre le
contrat passé à distance. La spécificité des contrats électroniques par rapport
aux contrats traditionnels passés à distance provient du support numérique
sur lequel transite le contrat. Ainsi convient-il de distinguer entre les
problèmes généraux des contrats conclus à distance et les problèmes dus à la
numérisation du support.
43- Nous emploierons le terme « traditionnel » pour tout contrat conclu par voie nonélectronique afin de pouvoir le différencier de celui conclu électroniquement
44- A. BENSOUSSAN cité par Cyril Blaise, Le commerce électronique entre
professionnels en réseau ouvert (Internet), p.30
35
Nous étudierons donc, dans une première section, les problèmes
communs aux contrats entre absents, pour aborder dans une deuxième
section les problèmes spécifiques aux contrats conclus sur Internet.
Section 1 : Les problèmes communs aux contrats à distance
Une première série de problèmes provient de la distance qui sépare les
cocontractants au moment de la conclusion du contrat. Ainsi en est-il des
questions de la détermination du moment et du lieu de conclusion du contrat.
La détermination du moment et du lieu de conclusion du contrat est d’un
intérêt pratique surtout en cas de litige. Le moment fixe la date du transfert
de propriété et la charge des risques en cas de perte de la chose vendue. De
plus, la question de la révocation de l’offre sera, elle aussi, directement liée à
la date de l’acceptation. En effet, jusqu’à la conclusion du contrat, les parties
ne sont pas liées. Partant, pollicitant et destinataire de l’offre peuvent jusqu’à
cette date, l’un rétracter son offre, l’autre revenir sur son acceptation. De
plus, la législation applicable au contrat est, en principe, celle en vigueur au
moment où le contrat est conclu. D’où la nécessite, au cas où une nouvelle
loi entrerait en vigueur entre le jour de l’émission de l’acceptation et celui de
sa réception, de préciser la date de conclusion du contrat. Cette date fixera
aussi le point de départ de certains délais, notamment les délais légaux de
prescription ou les délais conventionnels d’exécution.
36
Au fait, la question de la formation du contrat entre absents a donné
lieu à une controverse doctrinale, à laquelle les tribunaux devait prendre
position.
§ 1- La controverse doctrinale
La doctrine classique considère que la question du moment et celle du
lieu de formation du contrat doivent logiquement recevoir la même réponse :
l’événement qui rend le contrat parfait le localise dans le temps et dans
l’espace. Deux grandes thèses s’affrontent. Certains considèrent que le
contrat n’est véritablement formé qu’après que se soit opérée une véritable
rencontre des volontés. L’acceptation doit avoir été portée à la connaissance
du pollicitant ; c’est le système de la réception. D’autres estiment qu’il suffit
de la coexistence des volontés : le contrat est formé dès l’acceptation de
l’offre et au lieu de cette acceptation ; c’est le système de l’émission.
a- Le système de la réception
Dans sa version la plus exigeante, ce système alors dénommé de
l’information, suppose une véritable rencontre des volontés. Tant qu’une des
parties ignore l’acceptation de l’autre, le contrat n’est pas formé. Ce système
repose sur le postulat que l’on ne peut admettre la naissance du lien
obligatoire que lorsque le pollicitant a pris connaissance de la réponse
affirmative et concordante de son correspondant, car nul ne peut être obligé
sans le savoir. Mais si ce postulat est exact, ce qui est dit de l’offrant doit
l’être également de l’acceptant : pour être lié, il doit savoir que son
acceptation a été connue de l’offrant. Et ainsi de suite. A cela s’ajoute une
37
question de preuve assez délicate : comment démontrer que l’offrant a eu, en
fait, connaissance de la réponse de l’acceptant ? D’où la nécessité d’un
correctif qui facilite la mise en œuvre du système de la réception : le contrat
est formé dès que l’acceptation parvient au pollicitant, celui-ci étant présumé
en avoir pris immédiatement connaissance.
b- Le système de l’émission
Dans sa version la moins exigeante, le système de l’émission, alors
dénommé de la déclaration, part du principe que le contrat existe dès que le
destinataire de l’offre a pris la décision de l’accepter. Le contrat par
correspondance serait conclu au moment et au lieu où l’acceptant signe sa
lettre d’acceptation.
Mais, en pratique, une telle analyse a l’inconvénient de laisser la
formation du contrat à la merci du destinataire de l’offre. Celui-ci peut certes
expédier sa lettre d’acceptation, mais il peut aussi en différer l’envoi ou
même la détruire. Là encore, un correctif est indispensable : le contrat se
forme au lieu et au moment où l’acceptant se dessaisit de son acceptation ;
c’est le système dit de l’expédition.
§ 2- Les solutions du droit positif
Le code civil français n’offre, en la matière aucune directive certaine.
Deux textes, les articles 932 et 1985 règlent en effet la question dans des
sens différents, le premier à propos du contrat de donation, le second à
propos du contrat de mandat. S’agissant de la donation, le code pose que
38
c’est, non l’acceptation de la donation, mais sa notification au donateur qui
donne naissance au contrat. Il retient donc le système de la réception.
S’agissant du mandat, il prévoit que, l’acceptation de l’offre pouvant être
tacite, le contrat est formé du jour où le mandataire a accompli le premier
acte d’exécution, même si le mandant l’ignore. C’est alors le système de
l’émission qui l’emporte.
Confrontée à une telle situation, la Cour de cassation a longtemps
décidé qu’on était en présence d’une question de fait dont la solution dépend
des « circonstances de la cause »45, les cours d’appel appliquant dans chaque
cas le système qui leur paraissait le plus équitable. Mais par un arrêt du 21
mars 193246, la chambre des requêtes de la Cour de cassation parut prête à
énoncer une directive de principe susceptible de guider les juges du fond
dans le cas où les parties n’auraient pas réglé la question de manière
certaine. Elle prit, en effet, nettement position pour le système de l’émission
en décidant que « la formation de la promesse est réalisée et le contrat rendu
parfait par l’acceptation des propositions qui sont faites, dès l’instant où
cette acceptation a lieu ». La doctrine s’est généralement employée à
minimiser l’importance de cette décision. A cet effet, elle a souligné que
l’arrêt n’était que de rejet, et qu’il avait été rendu dans un cas où il s’agissait
de savoir quel était le tribunal compétent pour connaître d’un litige relatif à
un contrat de travail conclu par correspondance. Sous-tendue par la volonté
de favoriser l’employé en lui permettant de plaider devant le tribunal du lieu
où il habite, la solution s’inscrirait dans une politique jurisprudentielle
45- Cass. com. 21 novembre 1966, JCP 1967.2.15012
46- Cass. req. 21 mars 1932, Gaz. Pal. 1933.1.1910
39
d’équité qui expliquerait les fluctuations ultérieures de la jurisprudence et ce
jusqu’au 7 janvier 198147 date à laquelle la chambre commerciale de la Cour
de cassation s’est nettement prononcée en faveur du système de l’émission.
Le principe semble donc fixé en jurisprudence. Cependant, la Cour de
cassation confirme expressément la possibilité pour les parties de stipuler
expressément des dispositions particulières pour définir elles-mêmes par une
clause contractuelle le moment et le lieu de formation de leur contrat.
Comme le souligne Léon Azancot, « on ne peut donc pas dire qu’une règle
stricte soit imposée en la matière, la convention des parties pouvant toujours
y déroger »48.
En l’espèce, le problème posé était celui de savoir si un contrat s’était
formé avant la date fixée pour la caducité automatique de l’offre. Une
société ayant émis une offre assortie d’un délai de 30 jours, son destinataire
avait expédié sa lettre d’acceptation sept jours avant la date d’expiration,
mais il ne pouvait prouver que le pollicitant l’avait reçue dans le délai
convenu. La Cour décide que, « faute de stipulation contraire », le contrat
était destiné à devenir parfait, non par la réception de l’acceptation, mais par
l’émission de cette acceptation. Ainsi, pour la Chambre commerciale, il n’y
avait pas à se préoccuper du moment où l’acceptation était parvenue à
l’auteur de l’offre, dès lors qu’il était établi qu’elle avait été émise dans le
délai stipulé dans l’offre. Bien que cet arrêt paraisse s’imposer comme un
47- Cass. Com. 7 janvier 1981, RTD civ. 1981.849, obs F. Chabas
48- L. AZANCOT, Formation du contrat, Gaz. Pal. numéro spécial sur la vente par
correspondance du 25 février 1993
40
arrêt de principe, ce dernier concernait spécifiquement un problème de
caducité de l’offre. « Nous ne pouvons donc pas affirmer que la solution de
l’émission s’appliquera systématiquement à la détermination du moment et
du lieu de la formation du contrat à distance »49.
Entrée en vigueur depuis le 1er janvier 1988, la Convention de Vienne
du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises consacre, en
principe le système de la réception. Aux termes de son article 18-2,
« l’acceptation d’une offre prend effet au moment où l’indication
d’acquiescement parvient à l’auteur de l’offre ». Cette directive est
néanmoins écartée lorsqu’il s’agit de déterminer le moment où l’offre ne
peut plus être rétractée. Aux termes de l’article 16, « l’offre peut être
révoquée si la révocation parvient au destinataire avant que celui-ci ait
expédié une acceptation ».
L’on remarque aussi que c’est la théorie de la réception qui reçoit le
plus souvent les faveurs du commerce international. Elle a d’ailleurs été
proposée aussi bien par l’article 11-1 de la Directive du 8 juin 2000 que par
l’article 15 de la loi-type de la CNUDCI. Une nuance devra être apportée,
car c’est la théorie de l’information qui l’emportera lorsque l’expéditeur se
trompe dans la désignation du système d’information qu’il aurait prévu pour
la réception de l’acceptation.
49- L. THOUMYRE, L’échange des consentements dans le commerce électronique,
p.27 disponible sur le site http://www.juriscom.net/ ; voir également V.
GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique,
Bruylant-Delta, 2e éd. p.130
41
Section 2 : Les spécificités apportées par Internet
Le rattachement d’un contrat à la loi d’un pays déterminé résulte
généralement de l’application d’un critère géographique. Ainsi les contrats
sont le plus souvent soumis à la loi du lieu de résidence des parties ou de
leur siège social, à celle du lieu où il a été conclu, ou à celle du lieu de son
exécution. Parmi ces trois critères, le lieu de domicile des parties est le seul
qui ne pose pas de problèmes spécifiques pour les contrats conclus à
distance, et notamment pour ceux conclus sur Internet. On comprend donc
que ce critère soit couramment retenu pour déterminer la loi applicable à un
contrat lorsque aucune manifestation expresse ou tacite de volonté des
parties n’est décelable50. Toutefois, ce critère ne renvoie pas toujours à la loi
du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits. Le lieu
d’exécution du contrat ou celui de sa conclusion constituent souvent des
points de rattachement plus décisifs. Mais leur application à un contrat
conclu par Internet présente des difficultés. En effet, de nombreux contrats
sont à la fois conclus et exécutés en ligne. Cette dématérialisation totale du
processus contractuel va soulever un vrai problème ; dans ce cas il semble
difficile de parler de livraison. Où doit-on situer le lieu de conclusion du
contrat électronique ? Où doit-on situer le lieu de livraison du bien
immatériel vendu en ligne ?
50- article 4-2 de la Convention de Rome
42
Nous étudierons alors l’application de ces critères de rattachement au
contrat électronique afin de pouvoir le localiser et, par la suite, déterminer la
loi qui aura vocation à s’y appliquer.
§ 1- Le lieu de conclusion du contrat
Bien que passablement délaissé en raison des difficultés liées à sa
détermination, le lieu de conclusion du contrat n’en a pas pour autant été
complètement abandonné. Pour les relations cyberspatiales, il sera nécessaire
d’y recourir pour déterminer la loi applicable à la forme du contrat ou, dans
certaines situations, celle régissant son fond.
En effet, le droit français et la Convention de Rome du 19 juin 1980
retiennent que la loi du lieu de conclusion est en concours alternatif
égalitaire avec la loi d’autonomie en ce qui concerne les conditions de forme
des actes51, et cette même Convention admet l’application de la loi du lieu de
conclusion du contrat pour les conditions de fond sur le consentement,
l’objet et la cause du contrat52. Par ailleurs, lors de la recherche du centre de
gravité du contrat, le juge peut toujours tenir compte du lieu de conclusion
du contrat comme facteur de rattachement.
Le problème du lieu de conclusion du contrat électronique est plus
large que celui posé par la seule réception de l’acceptation. La localisation
de l’offre, ou, pour reprendre les termes de la Convention de Rome, de la
proposition, soulève des questions identiques. Comment ces offres ou
51- article 9-1 de la Convention de Rome
52- article 8 de la Convention de Rome
43
acceptations peuvent-elles être localisées en termes géographiques ?
« D’aucune façon »53 selon certains auteurs. Pour eux, même en acceptant
de se servir de repères terrestres, il n’y a pas un lieu mais plusieurs qui
interviennent : « dans le commerce électronique, il est difficile de dire que la
conclusion d’un contrat se situe dans un lieu particulier : elle est initiée à
partir d’un terminal, et traitée dans un ordinateur qui la reçoit, pour être
éventuellement acheminée vers son destinataire, le tout dans des lieux
généralement différents »54.
Ainsi, lorsqu’un client fait parvenir son acceptation par courrier
électronique, il est difficile d’établir où elle se trouve puisqu’elle n’est pas
déposée dans l’ordinateur de l’interlocuteur mais plutôt à l’adresse
numérique du serveur qui abrite le compte de l’utilisateur destinataire.
§ 2- Le lieu d’exécution des obligations
Ce facteur est repris par certains textes applicables aux relations
cyberspatiales. Ainsi, en vertu de l’article 5-1 du règlement européen
no44/2001 « une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut
être attraite, dans un autre Etat membre […] en matière contractuelle, devant
le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit
être exécutée ». Plusieurs variantes de l’article 6 du projet de la Convention
53- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente
cyberspatial, op.cit., p.464
54- J. HUET, Aspects juridiques du commerce électronique : approche internationale,
Les Petites Affiches, 26 septembre 1997, No116, p.14
44
de La Haye font également référence à l’exécution des obligations.
C’est ici que la distinction entre biens matériels et biens non tangibles
révèle son utilité. En effet, l’exécution du contrat en dehors des réseaux ne
pose pas de véritable problème. Ce contrat, bien qu’il ait été conclu en ligne,
il renvoie aux règles ordinaires de localisation du lieu d’exécution. Ainsi, en
cas de vente en ligne d’un bien matériel, le lieu de l’exécution sera
généralement celui où le bien commandé devra être livré.
En revanche, l’exécution du contrat en ligne pose un vrai problème de
détermination du lieu de l’exécution. En effet, dans toutes les hypothèses de
mise à disposition d’informations ou de biens informationnels, tels que des
logiciels, comment peut-on situer le lieu de livraison du bien immatériel ? Si
on prend l’exemple du téléchargement d’un logiciel depuis un site Internet,
« le lieu d’exécution de la prestation pourra être celui où se trouve le serveur
du site marchand sur lequel la transaction a été conclue, le lieu
d’hébergement du serveur depuis lequel le logiciel est téléchargé, ou le lieu
où se trouve l’ordinateur à destination duquel le logiciel est téléchargé »55.
Les précisions apportées par le Règlement européen ne sont pas d’une
grande aide dans ce genre de situation. Ce règlement stipule dans son article
5-1-b « aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf
convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la
demande est :
55- S. COUTELLIER, L. DURINDEL, La loi applicable aux contrats conclus sur
Internet,
p.5
disponible
sur
le
lien
suivant :
http://www.univ-
orleans.fr/ASSO/DESS_DICOM/memoire/loi-contrats-internet.pdf
45
- pour la vente de marchandises, le lieu d’un Etat membre où, en vertu
du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées
- pour la fourniture de services, le lieu d’un Etat membre où, en vertu
du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis »
En fait, la détermination du lieu d’exécution des obligations en ligne
présente exactement les mêmes difficultés que celui du lieu de conclusion du
contrat puisqu’il s’agit, dans les deux cas, de transmission de données
numériques. En effet, cherchant à proposer des facteurs de rattachement
juridictionnel pour les opérations effectuées sur Internet, la Commission
spéciale sur les affaires générales et la politique de la Conférence de La
Haye « a reconnu qu’il convenait de séparer d’une part les contrats conclus
électroniquement, en ligne, mais exécutés hors ligne en tout ou en partie, et
ceux qui, conclus en ligne, sont également exécutés intégralement en ligne.
Pour les premiers, les règles traditionnelles de compétence juridictionnelle
qui se fondent sur le lieu d’exécution du contrat ou d’une activité territoriale
générée par l’exécution du contrat demeurent pertinentes et efficaces alors
même que le contrat aura été négocié ou conclu en ligne. En revanche, pour
les contrats intégralement exécutés en ligne, ni le lieu de conclusion, ni le
lieu d’exécution, ni le lieu de l’activité ne sont opérants. Toutefois, la
Commission n’a proposé aucun critère de compétence alternatif »56.
56- Conférence de La Haye de droit international privé, « Les échanges de données
informatisées, Internet et commerce électronique », document préliminaire no7
d’avril 2000 sur les affaires générales et la politique de la Conférence établi par
Catherine Kessedjian http://hcch.e-vision.nl/upload/wop/gen_pd7f.pdf
46
Pour les contrats dont l’obligation de livraison doit s’exécuter
partiellement sous forme tangible, partiellement sous forme immatérielle, on
peut certes y apporter des solutions, comme par exemple par l’application de
la théorie de l’accessoire, à condition de parvenir à distinguer le principal de
l’accessoire. Dans un cas pareil, « la solution pourrait reposer sur une fiction
établissant que pour ce type d’exécution, la ‘terrienne’ l’emporte sur la
‘cyberspatiale’ »57.
En outre, la Commission indique clairement qu’en fonction du mode
d’exécution, les contrats doivent recevoir un traitement juridique différent.
Un auteur s’est demandé « si l’on suit cette théorie, quelle règle appliquer
lorsqu’un même produit peut être livré soit par voie terrestre soit par voie
numérique, comme cela peut facilement s’envisager pour la vente d’un
livre ? N’y aurait-il pas de risque, selon le régime juridique qui l’avantage,
que l’une des parties, quelle que soit la volonté de son cocontractant, impose
une forme de livraison ? De plus, on peut imaginer des situations totalement
indépendantes de la volonté des parties […] où la livraison devra se faire
sous une forme ou sous une autre, déclenchant alors de façon aléatoire
l’application de règles différentes. N’y aurait-il pas incohérence pour une
opération qui, fondamentalement, est toujours la même ? […] n’est-ce pas
exposer les cocontractants à une insécurité juridique inacceptable ? »58.
57- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente
cyberspatial, op.cit., p.468
58- Ibid
47
Parmi les difficultés engendrées par le rattachement au lieu
d’exécution, Olivier Cachard mentionne que « le contrat à exécution
successive pourrait […] être exécuté successivement, en plusieurs
endroits »59, comme pour l’accès à une base de données en ligne qui se fait
sur présentation d’un identifiant et d’un mot de passe, ce qui permet à
l’abonné de se connecter à cette base de données depuis tout poste relié au
réseau.
La Cour de justice des Communautés européennes a rendu en février
200260 une décision qui a trait à la compétence du tribunal fondée sur le lieu
d’exécution de l’obligation. Même si l’affaire ne concernait pas le commerce
électronique, il est possible que la décision de la Cour ait des conséquences
majeures en la matière. Le litige opposait une société belge à des sociétés
allemandes et la première réclamait aux secondes des « dommages et intérêts
[…] en réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi à la suite du nonrespect par celles-ci d’une clause d’exclusivité dans le cadre d’un contrat
portant sur un marché public »61. Le tribunal de commerce de Bruxelles
s’était déclaré compétent parce que « l’obligation litigieuse, à savoir
l’engagement d’exclusivité, devait être exécutée en Belgique en tant que
corollaire à l’élaboration de l’offre commune »62.
59- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit.
p.145
60- CJCE, 19 février 2002, aff. C-256/00, Besix, http://curia.eu.int/jurisp/cgibin/gettext.pl?lang=fr&num=79979780C19000256&doc=T&ouvert=T&seance=
ARRET&where=()
61- Ibid §2
62- Ibid §12
48
La question qui a été posée à la Cour de justice reposait
essentiellement sur le fait que l’obligation litigieuse était susceptible
d’exécution en plusieurs lieux et non uniquement en un seul : « l’article 5,
point 1 de la convention [de Bruxelles] […] doit-il être interprété en ce sens
que le défendeur domicilié sur le territoire d’un Etat contractant peut être
attrait, en matière contractuelle, dans un autre Etat contractant devant le
tribunal de l’un quelconque des lieux où l’obligation a été ou doit être
exécutée, en particulier lorsque, consistant en une obligation de ne pas faire
– telle que, comme en l’espèce, un engagement d’agir exclusivement avec
un cocontractant en vue de la remise d’une offre conjointe dans le cadre d’un
marché public et de ne pas se lier avec un autre partenaire –, cette obligation
doit être exécutée en quelque lieu que ce soit de par le monde ? Dans la
négative, ledit défendeur peut-il être attrait précisément devant le tribunal de
l’un des lieux où l’obligation a été ou doit être exécutée et, en ce cas, selon
quel critère ce lieu doit-il être déterminé ? »63.
Lorsque plusieurs lieux d’exécution sont possibles, il est difficile d’en
trouver un qui soit plus significatif que les autres et qui donnerai ainsi
compétence au tribunal de ce lieu. C’est pourquoi la Cour de justice a conclu
que l’article 5 de la Convention de Bruxelles était inapplicable dans de tels
cas64. Patrick Thieffry commente cette décision en observant que « l’analyse
de la Cour est transposable à l’Internet, au point de paraître avoir été conçue
en
vue
de
futures
applications
à
ce
domaine
nouveau »65.
63- Ibid §21
64- Ibid §50
65- P. THIEFFRY, Inapplicabilité de l’article 5§1 de la Convention de Bruxelles en
49
Aujourd’hui, sous l’empire de la Convention de Rome, le juge est
invité à designer la loi qui présente les liens les plus étroits avec le contrat, à
la lumière du principe de proximité. « La présomption établie en faveur de la
loi du lieu du débiteur de la prestation caractéristique marque l’abandon de
la recherche d’une localisation du contrat lui-même »66. Plusieurs éléments
concourent à déterminer le centre de gravité du contrat qui reflète les liens
les plus étroits que ce dernier entretient avec un ordre juridique donné. Or,
comme nous venons de voir, certains de ces éléments sont d’une utilisation
inappropriée « du fait de la dématérialisation de l’objet du contrat »67,
comme le lieu de conclusion du contrat ou celui de son exécution,
lorsqu’elle a lieu en ligne.
§ 3- Le lieu d’établissement des parties
L’examen des différentes règles de conflit en vigueur en matière
contractuelle révèle que la détermination de la loi applicable au contrat
repose souvent sur la localisation de l’établissement de l’une des parties.
Puisque le commerce électronique est le fait d’opérateurs établis sur des
territoires étatiques, le droit positif paraît alors adapté à la distance et à la
dématérialisation. En revanche, des difficultés ponctuelles subsistent parfois.
On peut d’abord évoquer l’ignorance dans laquelle se trouve le cybernaute
cas de multiplicité de lieux d’exécution, disponible sur le lien suivant :
http://www.thieffry.com/articles/multiplicite.htm
66- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit.
p.147
67- Ibid
50
quant à la localisation de l’établissement ou la résidence de son
interlocuteur68. En effet, l’acheteur peut ne pas savoir du tout ni avoir les
moyens de savoir de quel pays relève le vendeur, où est situé son
établissement. Quant à celui-là, sa situation est la même. Si le contrat porte
sur un bien tangible, même si la livraison ne s’effectue pas à la résidence ou
à l’établissement, elle peut cependant éventuellement fournir quelques
indices alors que si le contrat porte sur un produit immatériel, le problème
reste entier.
Les auteurs, dans le cadre des instances internationales mènent une
réflexion afin de trouver des solutions. Un courant, regroupant
essentiellement les défenseurs de la thèse du cyberespace, qui assimile le
cyberespace à un espace extra territorial, a proposé d’assimiler les TLD (Top
Level Domain)69 géographiques nationaux aux territoires des Etats. Un site
web enregistré sous un nom de domaine en .fr serait à lui seul un
établissement situé en France. L’attribution d’un nom de domaine dans la
zone .fr est subordonnée par l’AFNIC (Association Française pour le
Nommage Internet en Coopération) pour les personnes morales « dont le
siège social est en France [ou] qui disposent d’une adresse en France
figurant expressément au sein des bases de données électroniques publiques
des greffes des tribunaux de commerce ou de l’Institut national de la
68- C. FROMENT, La loi applicable aux contrats du commerce électronique, p.12
http://www.juriscom.net/
69- Le Top Level Domain, désigne l’extension géographique (.fr, .de, uk, etc.) ou
générique (.com, .org, etc) d’un nom de domaine
51
statistique et des études économiques (INSEE) »70. L’existence d’un
établissement responsable de l’exploitation du site en France étant ainsi
contrôlée par l’AFNIC, « on pourrait valablement considérer que le site
constitue vis-à-vis des tiers, en particulier les utilisateurs du site, un
établissement situé en France »71.
Cette solution n’est pas à l’abri des critiques. En effet, elle ne
résoudrait que partiellement les difficultés puisqu’elle ne vise que les
extensions .fr pour la France, .es pour l’Espagne, .lb pour le Liban etc., et
exclu de nombreux sites exploités sous une extension générique, en
particulier les .com. Ajoutons aussi qu’un site « est trop éphémère pour
constituer un établissement stable »72. En effet, un site web étant une
combinaison de logiciels et de données électroniques, constitue une entité
dématérialisée non localisable et peut être hébergé chez un prestataire tiers
sans considération de frontières et ne peut donc constituer un établissement
stable.
Cette difficulté de détermination du lieu d’établissement ou de
résidence participe à l’insécurité des acteurs. Pour atténuer ce problème, il
est nécessaire de recourir à des solutions concrètes, « il s’agit d’une exigence
déduite des principes de sécurité juridique et de loyauté dans le commerce
70- Article
4
de
la
charte
de
nommage
de
l’AFNIC
http://www.afnic.fr/data/chartes/charte310304_V4.pdf
71- C. FROMENT, La loi applicable aux contrats du commerce électronique,
op.cit.,p.13
72- Ibid.
52
international »73. C’est ainsi que la directive européenne sur le commerce
électronique impose au prestataire une liste minimale d’informations
générales à fournir et dont l’« accès [soit] facile, direct et permanent, pour
les destinataires du service [parmi elles] l’adresse géographique à laquelle le
prestataire de service est établi »74.
Le projet de loi française sur la société de l’information a repris ces
exigences dans son article 20 qui oblige tout professionnel à indiquer
l’adresse où il est établi et ce par un accès facile « par exemple, une icône ou
un logo ayant un lien hypertexte vers une page contenant ces informations et
visible sur l’ensemble des pages du site »75. L’obligation de divulguer son
adresse de résidence ou d’établissement fait également partie des lignes
directrices de l’OCDE76.
Le problème de la localisation des parties a également été abordé par
la Conférence de La Haye de droit international privé dont « les discussions
[…] ont mis en évidence l’inconvénient qui découle d’un système qui repose
avant tout sur les déclarations des parties et les abus potentiels auxquels il
73- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit.
p.151
74- Article 5 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8
juin 2000 (« Directive sur le commerce électronique »)
75- Projet de loi sur la société de l’information – Exposé des motifs http://www.droittechnologie.org/legislations/Projet_LSI_expose_des_motifs_130601.pdf
76- Conseil de l’OCDE, Recommandation du Conseil relative aux lignes directrices
régissant la protection des consommateurs dans le contexte du commerce
électronique, http://www.oecd.org/
53
peut donner lieu. On peut en effet imaginer que l’une des parties au contrat
choisisse de déclarer être située sur le territoire d’un Etat donné uniquement
dans le but de donner compétence à ces tribunaux en raison d’éléments
complètement étrangers au contrat lui-même tel, par exemple, que les
méthodes de fonctionnement de ces tribunaux, les règles de procédure qu’ils
appliquent ou encore les règles de preuve ou de conflit de lois dont ces
juridictions font usage. […] Il appartient au cocontractant d’être vigilant et,
au besoin, de vérifier que les informations données par son cocontractant
correspondent à une certaine réalité »77.
Ces risques d’abus de la part des vendeurs, selon Sylvette Guillemard,
sont limités puisqu’ils ont tout intérêt à conserver leurs clients, et il suffirait
qu’une faille quelconque se produise de la part de l’interlocuteur
commerçant pour que ces derniers « lui tournent le dos »78. Ajoutons que
l’obligation de divulgation impose non seulement au prestataire de services
de s’identifier, mais aussi de donner à l’internaute les moyens de vérifier la
véracité des informations divulguées. Cette règle revêt en Europe les
caractères d’une règle impérative et si elle n’est pas jusqu’alors universelle,
elle semble bien se répandre.
77- Conférence de La Haye de droit international privé, « Commerce électronique et
compétence juridictionnelle internationale », document préliminaire no12 août
2000
établi
par
Catherine
Kessedjian,
http://www.hcch.net/upload/wop/jdgmdp12.pdf
78- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente
cyberspatial, op.cit., p.476
54
2ème partie : L’impact de la présence d’un consommateur sur la
loi applicable au contrat de commerce électronique
Les auteurs divisent les activités commerciales passées sur Internet en
deux grands plans, reproduisant ainsi les classifications du monde
traditionnel. Il y aura d’un côté les opérations commerciales entre
commerçants, entre professionnels ou « B to B », et d’un autre côté celles
entre commerçants et non professionnels ou « B to C ».
Bien que le commerce électronique « B to B » soit d’une importance
économique plus considérable que le « B to C », ce dernier constitue une
manne pour les commerçants puisque le bassin de clients potentiels est
immense. En effet, aucun commerçant, aucune entreprise quelle que soit sa
taille, n’aurait les moyens, qu’ils soient matériels ou financiers, d’atteindre
autant de personnes. Côté consommateur, le commerce en ligne présente
plusieurs avantages. Il reste chez lui et évite la cohue des centres
commerciaux, ayant tout facilement à portée de la main à n’importe quel
moment. Il peut acheter à peu près n’importe quel bien ou service, assis
confortablement, en se contentant de cliquer.
Comme tout contrat de consommation, le contrat électronique « B to
C » est soumis à des règles visant à protéger la partie faible du contrat, en
l’occurrence le consommateur. Nous étudierons alors dans un premier
chapitre le contrat « B to C » et, dans un deuxième, le régime dérogatoire
55
applicable à ce contrat en matière de la détermination du droit ayant
vocation à le régir.
56
Chapitre 1er : Le contrat « B to C »
Lors de la conclusion du contrat, la détermination du cocontractant
pose le problème de la détermination de sa catégorie. En effet, les règles
régissant le commerce diffèrent selon que les relations commerciales ont lieu
entre deux professionnels ou entre un professionnel et un consommateur.
Sur Internet, ce problème se cumule au certain anonymat existant dans
les relations. En effet, qui peut dire qu’il a à faire à un consommateur ou à
un professionnel, et que ce professionnel agit dans le cadre de son activité
professionnelle ? A moins de les demander précisément et de les
authentifier, ce qui ralentit et complique considérablement le processus de
formation du contrat, ces renseignements sont difficiles à obtenir.
Cependant la distinction est extrêmement importante puisqu’elle
conditionne la loi applicable au contrat, tant sur le plan national que sur le
plan international. L’enjeu est de taille lorsque l’on sait que le bénéfice de la
protection légale dépend de la qualité de consommateur79, il est donc
important de cerner la notion de consommateur.
Nous étudierons alors dans une première section la notion de
consommateur, et dans une deuxième, les règles régissant la conclusion du
79- D. BOSCO, Le droit de rétractation – d’un aspect des rapports du droit de la
consommation et du droit commun des contrats, p. 32 disponible sur le lien
suivant : www.glose.org/mem014-rtf.rtf
57
contrat de consommation sur Internet.
Section 1 : La notion de consommateur
Si les relations contractuelles entre des marchands, des commerçants
et de simples individus ont toujours existé, la constatation de l’inégalité des
forces et la prise en compte de ce déséquilibre ont commencé à retenir
l’attention des juristes et de certains législateurs dans le monde occidental à
la fin de la seconde guerre mondiale80. Depuis cette époque, s’est forgée peu
à peu une matière nouvelle qu’il est convenu d’appeler le droit de la
consommation. Selon les ordres juridiques et les époques, il est constitué soit
de textes à portée limitée81 soit dans des textes de portée générale comme, en
France, le code de la consommation. Au niveau européen, la protection du
consommateur fait l’objet de plusieurs directives, que Jean Calais-Auloy et
Frank Steinmetz classent sous quatre rubriques : protection de la santé et de
la sécurité, protection des intérêts économiques, réparation des dommages
subis par les consommateurs et information des consommateurs.
80- Jean Calais-Auloy et Frank Steinmetz font remonter les premières mesures visant
à protéger les acheteurs à la naissance du code Napoléon, avec les articles 1641 à
1648 sur la garantie des vices cachés, héritée du droit romain. Toutefois, comme
le remarque Sylvette Guillemard, c’est à partir de 1970 qu’on assiste à l’explosion
des textes consuméristes
81- comme par exemple, en France, la loi du 22 juillet 1982 sur le bail d’habitation ou
celle du 6 juillet 1990 sur l’hébergement des personnes âgées
58
La distinction entre droit de la consommation et droit commun, ou
éventuellement droit commercial, repose en partie sur la qualité de l’un des
cocontractants qui donne une teinte particulière à la relation qu’il entretient
avec son vis-à-vis. Le droit de la consommation repose sur « la constatation
très simple que les consommateurs, pris individuellement, n’ont ni la force
économique ni les connaissances leur permettant de négocier sur le plan
contractuel d’égal à égal avec les fournisseurs de biens et de services, surtout
dans les secteurs des biens et des services essentiels »82, il cherche donc à
équilibrer les relations entre professionnels et consommateurs.
Paradoxalement, les notions de professionnel et de consommateur ne
sont pas définies par le code français de la consommation. La définition de
ces deux notions relève, en France, de la doctrine et de la jurisprudence. Le
consommateur peut être identifié soit par des critères subjectifs, s’intéressant
aux caractéristiques de la personne, soit par des critères objectifs, se
rattachant à la destination du contrat.
§ 1- Le critère subjectif
Le droit met dos à dos deux types de personnes, deux sujets, qui ont
un besoin réciproque l’un de l’autre, le consommateur et le commerçant ou
professionnel.
82- C. MASSE cité par S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au
contrat de vente cyberspatial, op.cit., p.388
59
a- Le professionnel
Le professionnel peut être défini comme étant « la personne physique
ou morale qui agit dans le cadre d’une activité habituelle et organisée de
production, de distribution ou de prestation de service »83. Deux critères sont
essentiels : que l’activité soit réalisée dans un but de profit et qu’elle
représente une certaine permanence, qu’elle s’exerce de façon habituelle
plutôt qu’occasionnelle.
b- Le consommateur
Si la définition du professionnel ne pose pas de problèmes, ce n’est
pas le cas pour le consommateur. De façon générale, d’après le Vocabulaire
juridique, est un consommateur « celui que protège le droit de la
consommation »84. Il s’agit d’une personne, un non professionnel (critère
subjectif), qui se procure, auprès d’un professionnel, des biens ou des
services pour ses besoins personnels (critère objectif)85. Pour Jean CalaisAuloy et Frank Steinmetz, si, dans la majorité des cas, le consommateur est
une personne physique, « cependant, il peut arriver que certaines personnes
morale de droit privé, ayant une activité non-professionnelle, prennent la
qualité d’un consommateur »86.
83- J. CALAIS-AULOY, F. STEINMETZ, Droit de la consommation, Dalloz, 5e éd,
2000, p.4
84- G. CORNU, Vocabulaire juridique, Puf, Delta, 5e éd. p.193
85- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente
cyberspatial, op.cit., p.391
60
La jurisprudence a eu l’occasion de considérer un parti politique
comme un consommateur87. De même, la Cour de cassation a accordé la
protection de la loi sur les consommateurs à une société d’agent
immobilier88. En revanche, la directive européenne sur les clauses abusives
semble
exclure
de
la
définition
les
personnes
morales
:
est
« “consommateur” : toute personne physique qui, dans les contrats relevant
de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son
activité professionnelle »89. La précision n’a pas été reprise par la loi de
transposition du 1er février 1995 qui parle simplement du « nonprofessionnel ou consommateur », s’inscrivant ainsi dans la lignée de l’arrêt
de la Cour de cassation.
§ 2- Le critère objectif
Alors que l’analyse subjective repose sur les qualités des contractants,
le point de vue objectif s’intéresse à la destination du contrat. Le droit
européen prend en compte cet élément puisque le contrat de consommation
est celui qui vise à satisfaire un besoin autre que professionnel, pour
reprendre les termes des directives européennes90.
86- J. CALAIS-AULOY, F. STEINMETZ, Droit de la consommation, op.cit. p.7-8
87- CA Paris, 5 juillet 1991, JCP E 1991 p7
88- Cass civ, 28 mai 1987, D. 1987 p. 455
89- Article 2-b
90- Directive relative aux clauses abusives dans les contrats conclus avec les
consommateurs
article
2-b
et
directive
concernant
consommateurs en matière de contrats à distance article 2-2
61
la
protection
des
En conséquence, est consommateur la personne qui se procure un bien
pour satisfaire un tel besoin. Ainsi, le but de l’acquisition du bien est pour
certains « le critère essentiel »91. Le consommateur se définit par opposition
au professionnel : est consommateur celui qui se procure ou qui utilise pour
un usage non-professionnel.
En revanche, faire du but de l’acte le critère de la qualité de
consommateur peut soulever des difficultés. En effet, le but de l’acte n’est
pas toujours apparent.
Un professionnel qui ignore en contractant la qualité de consommateur de
l’autre partie sera-t-il malgré cela toujours soumis aux règles du droit de la
consommation ? Cette question n’a pas jusque là suscité de jurisprudence.
Jean Calais-Auloy et Frank Steinmetz répondent par l’affirmative. Selon
eux, « s’il l’on veut que les règles protectrices restent efficaces, il faut éviter
que le professionnel puisse trop facilement invoquer son ignorance »92.
Il peut également arriver qu’une personne se procure un bien ou un
service pour un usage mixte, à la fois professionnel et non-professionnel ; un
agent immobilier, par exemple achète une voiture qui lui servira non
seulement pour ses tournées professionnelles, mais aussi pour transporter sa
famille. Il y a fort peu de jurisprudence sur de tels cas. Pour éviter les
incertitudes, Gilles Paisant propose de refuser la qualité de consommateur à
celui qui agit, même pour partie, pour les besoins de sa profession93.
91- J. CALAIS-AULOY, F. STEINMETZ, Droit de la consommation, op. cit. p.8
92- Ibid, p.9
62
Une autre situation peut se poser, celle d’une personne qui contracte pour
l’utilité de son commerce, mais non pour ce qui fait l’objet même de son
commerce. La jurisprudence, ici, est abondante.
En effet, les tribunaux français ont eu à se prononcer sur le cas d’un
commerçant qui avait fait installer un système d’alarme dans sa boutique.
Dans cette affaire, un agent immobilier avait signé avec la société
d’installation du système d’alarme un contrat contenant une clause attribuant
à celle-ci une obligation de moyens et non de résultat. À l’occasion d’un
problème lié au système, l’argument a porté sur le contenu du contrat, sur la
clause relative à l’obligation de l’installateur. Si en matière de système
d’alarme, l’agent immobilier était certainement profane, on ne peut en dire
autant dans le domaine contractuel. Pourtant, pour les juges d’appel,
« l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des
systèmes d’alarme et [Pigranel], relativement au contenu du contrat en cause
était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre
consommateur »94.
La Cour de cassation a tenu le même raisonnement à propos d’un
agriculteur qui s’était rendu acquéreur d’un extincteur à la suite d’un
démarchage à domicile, en considérant qu’en la matière, l’agriculteur était
dans le même état d’ignorance que n’importe quel consommateur.
L’extincteur n’entrait pas dans le cadre de son activité, « activité qui lui
93- G. PAISANT, Essai sur la notion de consommateur en droit positif, JCP G,
1993.I.3655
94- Cass. Civ 1ère Ch., 28 avril 1987, D. 1987.455
63
donnerait les compétences pour apprécier l’opportunité de cet achat, comme
il pouvait le faire pour des achats de semence, d’engrais ou de matériel
agricole; […] un agriculteur avait droit à la même protection qu’un
particulier pour toute offre à lui faire sortant du cadre spécifique de son
activité »95.
Mais depuis 1995, la Cour de cassation n’attribue pas la qualité de
consommateur à celui qui conclut un contrat présentant un « rapport direct »
avec son activité professionnelle. En effet, selon la Cour de cassation, « est
un consommateur celui qui contracte hors de sa sphère habituelle d’activité
et de sa spécialité »96. Ce qui signifie a contrario, que les règles du droit de
la consommation s’appliquent lorsque le contrat n’a qu’un rapport indirect
avec la profession.
La doctrine, quant à elle, se partage. Pour certains auteurs, il faut
étendre la notion de consommateur et considérer comme tel le professionnel
qui agit en dehors de sa spécialité professionnelle97. Pour d’autres, partisans
d’une conception stricte du consommateur, celui qui agit dans un but
professionnel ne peut jamais être qualifié consommateur98.
95- Cass. Civ. 1ère Ch., 6 janvier 1993, D. 1993.237
96- Cass. Civ, 1ère Ch., 24 janvier 1995, D. 1995.J.228
97- J. MESTRE, obs. à la RTD civ. 1987.537
98- G. PAISANT, note au JCP 1996.II.22747
64
Section 2 : La conclusion du contrat
Comme tout contrat de consommation, le contrat « B to C » est
soumis aux dispositions protectrices du consommateur notamment celles
régissant la publicité et l’offre en ligne99, et l’acceptation de cette offre.
Nous étudierons alors la formation du contrat de consommation en ligne en
abordant tout d’abord la présentation du produit ou du service pour arriver
enfin à la phase finale, à savoir le consentement du consommateur.
§1- La présentation du produit ou du service
La présentation en ligne, par le cybervendeur, d’un produit ou d’un
service peut revêtir la forme d’une publicité ou d’une offre.
a- La publicité
Avant d’étudier la réglementation de la publicité en ligne, il nous
semble opportun d’étudier la définition de la publicité et ses différentes
formes.
99- S. DUSOLLIER, Y. POULLET, Vers une politique européenne en faveur du
commerce
électronique ?,
p.5
disponible
sur
http://www.droit.fundp.ac.be/textes/ecomm-article.PDF
65
le
lien
suivant :
1. Définition
Au niveau communautaire, la directive relative à la publicité
trompeuse et à la publicité comparative définit la publicité comme « toute
forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale,
industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de
biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les
obligations »100. Ce texte, ne s’attachant pas au support utilisé, a une portée
générale et s’applique donc à la publicité sur Internet.
En France, la loi ne fournit aucune définition générale de la publicité.
Les contours de ce concept ne se dessinent qu’indirectement, dans le cadre
des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation et de quelques
dispositions spécifiques. L’article L. 121-1 interdit, sans la définir, toute
publicité « comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations,
indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque
celles-ci portent sur un ou plusieurs » des éléments énumérés par ledit
article.
Confrontée à ce flou législatif, la jurisprudence a fait œuvre utile ; il
est aujourd’hui acquis que « constitue une publicité, tout moyen
d’information destiné à permettre à un client potentiel de se faire une
opinion sur les résultats qui peuvent être attendus du bien ou du service qui
lui est proposé »101 « ainsi que sur les caractéristiques des biens ou des
services proposés »102.
100- article 2-1
66
Le conseil d’Etat a également tenté de circonscrire cette importante
notion dans son rapport sur « Internet et les réseaux numériques »103. Il
distingue deux critères essentiels dans la démarche de qualification : d’une
part le message doit avoir pour finalité d’assurer une promotion, et, d’autre
part, il doit être adressé au public104.
Etrangement, le législateur français n’a pas jugé utile de consacrer une
définition légale de la publicité à l’occasion de l’adoption de la LEN.
L’article 20 de la LEN fait seulement référence à la publicité « accessible
par un service de communication au public en ligne ».
2. Les différentes formes de publicité sur Internet
Il est possible d’identifier – sans que cette liste soit exhaustive compte
tenu de l’évolution des techniques et des pratiques – plusieurs formes de
publicité sur Internet105 :
101- Cass. Cirm, 12 novembre 1986, Bull. crim. no 334
102- Cass. Crim. 14 octobre 1998 D. 1999 inf. rap. p.7
103- Rapport public du CE du 2 juillet 1998, op.cit.
104- C. FÉRAL-SCHUHL, Cyberdroit le droit à l’épreuve de l’internet, Dalloz,
Dunod, 2e éd. 2000, p.237
105- T. VERBIEST, La protection juridique du cyber-consommateur, Litec, 2002,
p.10
67
– les bandeaux publicitaires qui sont affichés généralement en haut ou
en bas de l’écran. En cliquant sur le bandeau, l’utilisateur peut obtenir
des informations complémentaires de caractère promotionnel ou
accéder à un forum de discussion qui pourra avoir, le cas échéant, un
caractère publicitaire ;
– les messages interstitiels : il s’agit de messages publicitaires qui
s’affichent très brièvement en plein écran entre les pages de
présentation d’un site ;
– le courrier électronique : la messagerie électronique permet
d’adresser à une personne ou à une liste de personnes des messages.
Lorsqu’ils ne sont pas personnalisés et ne présentent donc pas le
caractère d’une correspondance privée, les messages électroniques
peuvent présenter le caractère d’une publicité. En revanche, ne
relèverait pas d’une telle qualification l’envoi à un destinataire unique
d’un courrier, même s’il revêt un caractère promotionnel ;
– les forums de discussion : ce sont des espaces de discussion
thématiques fonctionnant en différé, qui mettent en relation des
utilisateurs partageant les mêmes centres d’intérêt. En pratique,
l’internaute sélectionne préalablement des forums et reçoit des
messages adressés par des membres du groupe (il peut aussi en
envoyer). Si le groupe est à diffusion large, il y aura indéniablement
message public et donc, le cas échéant, publicité si ce message a un
objet promotionnel ;
– les sites Web : un site Web constitue sans doute la forme la plus
développée de publicité à ce jour sur Internet. Un tel site permet de
créer une véritable vitrine virtuelle présentée dans le monde entier,
identifiée par un nom de domaine et référencée par des annuaires
68
(moteurs de recherche). Le caractère public du site est manifeste. Le
caractère promotionnel sera lui plus difficile à identifier et notamment
à distinguer d’un contenu éditorial. Cette difficulté a ainsi conduit les
experts comptables à renoncer en 1997 à créer un site d’information
sur leurs activités de crainte que cette initiative ne soit qualifiée de
démarchage publicitaire ;
– le référencement d’un site par un moteur de recherche peut aussi
constituer une forme de publicité, à l’image d’un catalogue ou d’un
annuaire, notamment si l’indexation est payante. Certains moteurs de
recherche, tels Yahoo! qui revendique la qualité de « média de
masse », en tirent l’essentiel de leurs ressources.
Ainsi, c’est fréquemment qu’un message sur Internet sera qualifié de
publicité. Il importe en conséquence de sensibiliser les utilisateurs d’Internet
sur ce point, mais aussi d’apporter des précisions sur les conséquences
juridiques liées à cette qualification.
3. La réglementation de la publicité en ligne
Dès qu’un message est qualifié de communication commerciale – ou
de publicité –, il est soumis à une réglementation développée.
Sur le plan communautaire, les directives relatives à la publicité trompeuse
et à la publicité comparative s’appliquent. La directive sur le commerce
électronique réglemente également les communications commerciales. De
ces textes, des principes directeurs peuvent être dégagés : identification de la
publicité en tant que telle, transparence et loyauté, interdiction de la publicité
trompeuse, autorisation conditionnelle de la publicité comparative.
69
En France, la LEN dispose dans son article 20 que : « Toute publicité
sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication
au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle
doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le
compte de laquelle elle est réalisée ». Ces informations ne doivent pas
nécessairement figurer directement dans la publicité même, le recours à un
hyperlien devrait pouvoir être admis106.
La LEN a également introduit dans le code de la consommation un
article L.121-15-2 visant à garantir le principe de la loyauté : « Sans
préjudice des dispositions réprimant la publicité trompeuse […], les
conditions auxquelles sont soumises la possibilité de bénéficier d’offres
promotionnelles ainsi que celle de participer à des concours ou à des jeux
promotionnels, lorsque ces offres, concours ou jeux sont proposés par voie
électronique, doivent être clairement précisées et aisément accessibles ».
L’obligation d’identifier la publicité existe également en ce qui
concerne les messages non sollicités (spamming) reçus par courrier
électronique. Ceci permet au destinataire de réagir soit en effaçant le
message avant même de l’ouvrir, soit en recourant à des services de filtrage
automatiques qui bloquent le message avant son arrivée dans sa boîte aux
lettres.
La directive sur le commerce électronique prévoit à cet égard que les
106- T. VERBIEST, Loi pour la confiance dans l’économie numérique : examen du
nouveau régime du commerce électronique, p.8
70
communications
commerciales
non
sollicités
reçues
par
courrier
électronique doivent « être identifiées de manière claire et non équivoque
dès leur réception par le destinataire »107. La LEN a transposé cette
obligation en insérant l’article L.121-15-1 dans le code de consommation.
Deux auteurs ont critiqué que cette disposition soit insérée en droit français
par le biais du code de consommation, dans la mesure où son champ
d’application est différent quand bien même cette maladresse technique est
partiellement corrigée par l’introduction de l’article L.121-15-3 qui précise
que ces principes sont également applicables aux publicités, offres concours
ou jeux à destination des professionnels108.
b- L’offre
Avant d’étudier les informations préalables obligatoires, il serait
indispensable de distinguer entre offre et publicité.
1. Distinction entre offre et publicité
Par rapport à l’offre, la publicité représente un stade moins avancé
dans le processus menant à la conclusion du contrat. L’offre en vente
correspond à la mise en vente d’un produit ou d’un service, c’est-à-dire à la
volonté de vendre immédiatement à son client à l’endroit où se fait le contact
107- Article 7
108- T. VERBIEST, E. WERY, Le cadre juridique du commerce électronique après
l’ordonnance du 23 août 2001 et le projet de loi sur la société de l’information,
p.3
71
avec celui-ci. L’offre peut constituer une publicité. En règle générale, une
communication commerciale contenant tous les éléments nécessaires à la
conclusion du contrat (description du produit ou du service, caractéristiques
essentielles, prix, conditions de vente, démarche à suivre pour commander le
produit ou le service, etc.) est une offre. La réciproque n’est pas toujours
vraie ; toute publicité n’est pas forcément une offre.
L’enjeu de la distinction est important : les offres sont soumises à des
contraintes légales plus lourdes que les publicités, précisément parce qu’un
simple « oui » débouche sur la conclusion du contrat. En règle générale, une
communication commerciale contenant tous les éléments nécessaires à la
conclusion du contrat (description du produit ou du service, prix, démarche à
suivre pour commander le produit ou le service) est une offre. En effet, pour
que l’offre soit valable, elle doit être suffisamment précise et contenir les
éléments essentiels du contrat (dans la vente, l’objet et le prix), de telle sorte
que l’acceptation de ses termes suffise à parfaire le contrat. Elle doit
également être ferme, c’est-à-dire que l’offrant doit avoir l’intention de
s’engager.
L’offre est liante aussi bien en droit libanais qu’en droit français, ce
qui n’est pas le cas dans tous les pays tel l’Allemagne et l’Angleterre109.
109- En Allemagne et en Angleterre, l’offre existe dès qu’un acheteur –
consommateur ou professionnel – répond à une sollicitation du vendeur en lui
adressant une « offre de contracter ». Ce ne sont donc pas les informations
fournies par le vendeur qui constituent l’offre, mais bien la proposition que
l’acheteur adresse au vendeur de contracter au sujet de tel produit, à tel prix, et
moyennant telles conditions. Le vendeur n’effectue pour sa part qu’une
72
L’auteur de l’offre peut néanmoins la limiter, à la fois dans le temps et dans
l’espace.
L’offre peut être limitée dans le temps. A cet égard, le code de
consommation français, modifié par l’ordonnance no2001-741 du 23 août
2001 prise en vue de transposer la directive no97/7/conseil d’Etat sur les
contrats à distance, prévoit qu’une information explicite doit être donnée par
le vendeur sur « la durée de la validité de l’offre »110. Si le vendeur n’a pas
spécifié de durée, la jurisprudence retient au cas par cas un délai raisonnable.
La LEN insère dans le code civil français un nouvel article 1369-1 qui
précise que « l’auteur de l’offre reste engagé par elle tant qu’elle est
accessible par voie électronique de sont fait ». Cette disposition n’a pas été à
l’abri des critiques. Elle « risque d’entraîner une discrimination par rapport à
l’univers ‘papier’, dans la mesure où seul le cyber-vendeur sera tenu
indéfiniment par une offre qui serait encore disponible sur le réseau »111. La
loi ne prévoit qu’une seule limitation : le vendeur ne peut pas être lié par une
offre qui serait encore accessible « contre son fait ». Le législateur a entendu
viser les pages web mises en « cache » dans certains moteurs de recherche
comme Google. Des contenus peuvent en effet subsister pendant des mois
dans des mémoires « cache » alors qu’ils ont été supprimés de leur page
d’origine.
« invitation à offrir ». La directive sur le commerce électronique n’a pas permis
de rapprocher les points de vue et laisse les Etats trancher sur cette question.
110- C. consomm. Article L. 121-18, 5o
111- T. VERBIEST, Loi pour la confiance dans l’économie numérique : examen du
nouveau régime du commerce électronique, p.12
73
L’offre peut être limitée dans l’espace. Paradoxe de l’Internet qui
offre aux vendeurs l’opportunité d’un marché mondial, mais ces derniers ne
sont pas prêts, pas disposés ou même pas autorisés, à conclure avec des
personnes provenant de certains pays ou à fournir des prestations dans
certains Etats112. Le vendeur peut alors restreindre son offre à une zone
géographique.
2. Les informations préalables obligatoires
Pour le législateur, l’information correcte des parties est la condition
sine qua non d’un contrat équilibré obtenu moyennant un consentement
complet et éclairé113. Il a donc édicté une liste des informations préalables à
fournir. Ces obligations sont cumulatives avec celles qui encadrent la
publicité.
L’article 19 de la LEN impose ainsi au cybervendeur de communiquer
une série d’informations – tel que le nom et le prénom du vendeur s’il est
une personne physique, la raison sociale s’il s’agit d’une personne morale,
l’adresse géographique et celle du courrier électronique, numéro de
téléphone, etc. – qui devront s’ajouter à celles prévues par les articles L.1111, L.111-2 et L.113-3 du code de la consommation si l’acheteur est un
consommateur.
112- On peut songer au marché cubain fermé aux entreprises américaines
113- T. VERBIEST, E. WERY, Commerce électronique par téléphonie mobile (mcommerce) : un cadre juridique mal défini, D. 2004, no41. p.8 http://www.droittechnologie.org/
74
La directive sur le commerce électronique prévoit un « accès facile,
direct et permanent » aux informations. Ces exigences ont été reprises par la
LEN. L’accès facile implique que le destinataire ne doit pas chercher
désespérément l’information114. Elle doit venir à lui logiquement. Enfin,
l’obligation de fournir un accès permanent à ces informations implique que
le destinataire de l’offre soit en mesure, à tout stade de la transaction, de
revenir aisément sur les informations préalables et de les consulter.
§ 2- Le consentement du consommateur
a- Un consentement complet et éclairé
L’article 1108 du code civil prévoit que « quatre conditions sont
essentielles pour la validité d’une convention : le consentement de la partie
qui s’oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière
de l’engagement, une cause licite dans l’obligation ». L’article suivant
(1109) apporte quelques précisions au sujet du consentement : « il n’y a
point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par
erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ». Si l’on
excepte les hypothèses du dol et de la violence, ce sont principalement les
risques d’erreurs du consentement qui inquiètent sur Internet.
Ceci a conduit à l’introduction par la LEN du nouvel article 1369-1
dans le code civil qui énumère les informations à fournir : « L’offre énonce
114- T. VERBIEST, Loi pour la confiance dans l’économie numérique : examen du
nouveau régime du commerce électronique, p.13
75
en outre : 1° Les différentes étapes à suivre pour conclure le contrat par voie
électronique ; 2° Les moyens techniques permettant à l’utilisateur, avant la
conclusion du contrat, d’identifier les erreurs commises dans la saisie des
données et de les corriger ; 3° Les langues proposées pour la conclusion du
contrat ; 4° Le cas échéant, les modalités d’archivage du contrat par l’auteur
de l’offre et les conditions d’accès au contrat archivé ; 5° Les moyens de
consulter par voie électronique les règles professionnelles et commerciales
auxquelles l’auteur de l’offre entend, le cas échéant, se soumettre ».
Toutefois, la LEN a omis de préciser la manière de fournir ces
informations, contrairement à la directive sur le commerce électronique –
que la LEN transpose en droit français – qui stipule qu’elles doivent l’être
« de manière claire, compréhensible et non équivoque, avant que le
destinataire ne passe sa commande ».
b- Le système du « double clic »
L’article 1369-2 qu’a inséré la LEN dans le code civil dispose que
« pour que le contrat soit valablement conclu, le destinataire de l’offre doit
avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total,
et de corriger d’éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour
exprimer son acceptation. L’auteur de l’offre doit accuser réception sans
délai injustifié et par voie électronique de la commande qui lui a été ainsi
adressée. La commande, la confirmation de l’acceptation de l’offre et
l’accusé de réception sont considérés comme reçus lorsque les parties
auxquelles ils sont adressées peuvent y avoir accès ». Il est fait exception à
76
cette obligation pour les contrats « qui sont conclus exclusivement par
échange de courriers électroniques »115.
Le législateur a ainsi consacré le système dit du « double clic » : le contrat
électronique n’est formé que lorsque l’internaute, destinataire de l’offre, aura
cliqué deux fois : une première fois pour passer commande, un seconde pour
confirmer celle-ci.
Quant à l’accusé de réception par le cybervendeur, auteur de l’offre,
selon les travaux préparatoires, il n’aurait qu’un rôle purement technique,
dépourvu de toute valeur contractuelle »116.
115- nouvel article 1369-3 du code civil
116- Avis no608 (2002-2003) de Mme Michèle Tabarot, député, fait au nom de la
commission des lois, déposé le 11 février 2003 http://www.assembleenationale.fr/12/rapports/r0608.asp
77
Chapitre
2:
Le
régime
dérogatoire
applicable
aux
contrats
électroniques de consommation
L’une des principales questions à résoudre dans le contexte du
commerce électronique concerne le problème des règles juridiques
applicables
aux
transactions
transfrontalières
effectuées
par
les
consommateurs. En effet, dans le cadre d’un litige pouvant survenir entre
commerçant et consommateur, quel devrait être le droit applicable au contrat
international pouvant découler de la relation ? Le principe général est de
laisser le choix aux parties. Mais, comme le remarque Vincent Gautrais, « la
situation présente n’est pas banale »117 puisque le consommateur, partie au
contrat, est mis en cause, soit un sujet de droit qui bénéficie souvent d’un
statut dérogatoire quant au droit applicable, ce qui suppose une exception au
principe.
Le statut protégé du consommateur conduit, en principe, à écarter
l’application des règles édictées par la convention de Vienne du 11 avril
1980 sur les contrats de vente internationale de marchandise qui se déclare
elle-même inapplicable aux ventes conclues avec les consommateurs. En
effet, l’article 2-a énonce que « la présente convention ne régit pas les ventes
[…] de marchandises achetées pour un usage personnel, familial ou
domestique, à moins que le vendeur, à un moment quelconque avant la
117- V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique,
op.cit. p.154
78
conclusion ou lors de la conclusion du contrat, n’ait pas su et n’ait pas été
censé savoir que ces marchandises étaient achetées pour un tel usage ».
L’exclusion de la vente aux consommateurs n’est pas absolue car le vendeur
doit avoir connaissance de la qualité de consommateur du cocontractant lors
de la conclusion du contrat. A défaut, la convention de Vienne doit
s’appliquer118. On peut imaginer que la connaissance par le vendeur de la
qualité de consommateur de l’utilisateur du site lors de la conclusion du
contrat par voie électronique peut faire fréquemment défaut, en raison de
l’absence de contact physique entre les parties. Les consommateurs
pourraient ainsi se voir opposer les règles de fond de la convention de
Vienne au détriment éventuel de la protection qui leur est en principe
accordée. Selon Camille Froment, ce risque paraît limité en pratique : « le
développement
du
commerce
électronique
repose
sur
la
parfaite
connaissance des clients et de leurs besoins, grâce à la gestion automatisée
de nombreux paramètres. Il est donc aisé pour l’utilisateur de s’identifier en
tant que consommateur auprès du vendeur et, réciproquement, pour le
vendeur de connaître la qualité de consommateur de l’utilisateur. On peut
donc raisonnablement penser que la [convention de Vienne] doit
systématiquement être écartée des contrats de vente de marchandises conclus
en ligne avec les consommateurs »119.
La convention de La Haye du 15 juillet 1955 sur la loi applicable aux
118- V. HEUZE, La Vente Internationale de Marchandises – Droit Uniforme, LGDJ,
Delta, 2000, p.38
119- C. FROMENT, La loi applicable aux contrats du commerce électronique,
op.cit., p.30
79
ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels ne peut, elle
aussi, en principe, être appliquée aux contrats conclus avec les
consommateurs. En effet, bien que la convention concerne tous les contrats
de vente d’objets mobiliers corporels sans distinction selon la qualité des
parties, les Etats parties on adopté une déclaration relative au domaine de la
convention aux termes de laquelle les Etats constatent que « les intérêts des
consommateurs n’ont pas été pris en considération lorsque la Convention
[…] a été négociée [et reconnaissent] le souhait de certains Etats qui ont
ratifié cette Convention de voir régir les ventes aux consommateurs par des
règles particulières sur la loi applicable »120. En conséquence, les règles de
conflit de lois prescrites par la convention de La Haye sont automatiquement
écartées au profit des règles particulières concernant la loi applicable aux
contrats de ventes aux consommateurs.
Ajoutons que les conventions de Vienne et de La Haye ne peuvent
être appliquées à la vente de biens incorporels, tels que les logiciels
téléchargeables depuis Internet, ni à la fourniture de services, leur champ
d’application étant limité à la vente de biens mobiliers corporels.
Considéré comme étant la partie faible du contrat, le consommateur
bénéficie d’un régime dérogatoire édicté par la Convention de Rome. Pour
cette raison, lorsque le commerçant rédige une clause stipulant que le droit
120- Conférence de La Haye de droit international privé, « Commerce électronique et
compétence juridictionnelle internationale », document préliminaire no12 août
2000
établi
par
http://www.hcch.net/upload/wop/jdgmdp12.pdf
80
Catherine
Kessedjian,
applicable sera celui de son propre pays, celle-ci sera invalide dans un
contrat de consommation conclu en ligne si les conditions visées dans cette
Convention sont remplies121, notamment celles prescrites par les articles 5 et
7.
Section 1 : L’exception de l’article 5 de la Convention de Rome
La convention de Rome prévoit, dans son article 5, le régime
applicable aux contrats internationaux de consommation, dont il convient de
définir le mécanisme d’application afin de pouvoir étudier s’il est adaptable
aux contrats de cyberconsommation.
§ 1- Définition de l’exception
L’article 5 définit son propre domaine d’application matériel et dans
l’espace. Il s’applique aux contrats ayant pour objet la fourniture de biens ou
de services à un consommateur, personne physique, pour un usage pouvant
être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux
contrats destinés au financement d’une telle fourniture122. Il ne s’applique
pas au contrat de transport, à l’exception des prestations combinées de
transport et de logement vendue pour un prix global. Il ne s’applique pas au
121- R. DUASO CALES, La détermination du cadre juridictionnel et législatif
applicable aux contrat de cyberconsommation, p.8 http://www.lex-electronica.org/
122- Article 5-1
81
contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur
doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel
il a sa résidence habituelle123.
Pour de tels contrats, la loi désignée par les parties « ne peut avoir
pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les
dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence
habituelle », à condition que les conditions visées dans le paragraphe 2 de
l’article 5 soient remplies. Dans le même esprit, en l’absence de choix par
les parties, ces contrats sont régis par la loi du lieu de résidence habituelle du
consommateur124.
Les contrats de l’article 5 sont soumis à la loi du pays de résidence du
consommateur à la condition de remplir l’une des trois hypothèses prévues
par le deuxième paragraphe de cet article.
Première hypothèse, la conclusion du contrat a été précédée dans le pays de
résidence du consommateur d’« une proposition spécialement faite » ou
d’une publicité et le consommateur a accompli dans son pays de résidence
les actes nécessaires à la conclusion du contrat.
Deuxième hypothèse, le cocontractant du consommateur ou son représentant
a reçu la commande du consommateur dans le pays de résidence du
consommateur.
Troisième et dernière hypothèse, dans un contrat de vente de marchandises,
le consommateur s’est rendu et a passé la commande dans un pays étranger,
123- Articles 5-4 et 5-5
124- Article 5-3
82
à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but
d’inciter le consommateur à conclure une vente.
Deux types de situations sont donc identifiables. D’abord, le contrat
liant les parties ne possède pas de clause de droit applicable et dans ce cas,
c’est le droit du consommateur qui s’applique. Il n’y a alors pas lieu de
s’interroger sur la qualification de loi de police des dispositions de droit de
la consommation. Par contre, dans l’hypothèse inverse, les dispositions de
droit de la consommation ne pourront être appliquées que si l’une des trois
conditions prescrites par la Convention est remplie.
Au regard des dispositions de l’article 5 de la Convention de Rome,
nous pouvons constater que le droit applicable doit pouvoir être un droit
national qui ne mette pas le consommateur dans une situation de
vulnérabilité. Comme le remarque Vincent Gautrais, « une pareille solution
se base sur deux facteurs de rattachement »125.
En premier, la question des conflits des lois est traitée par une
présomption objective d’après laquelle le contrat électronique est régi par le
droit du consommateur. En effet, le consommateur est présumé mieux
connaître le droit de son pays, il ne pourra donc pas se plaindre d’une
ignorance relativement à une mesure étrangère.
Ensuite, visant à protéger le consommateur, la Convention de Rome
125- V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique,
op.cit. p.157
83
prévoit que le contrat ne peut pas être régit par un droit qui consacre moins
de prérogatives que son propre droit. Par contre, il pourra l’être par un droit
qui correspond au choix des parties dès lors qu’il apporte plus de protection
que celui du consommateur. On retrouve alors le critère subjectif. C’est « un
rattachement de faveur »126, il introduit la notion de la loi la plus favorable
au consommateur qui va entraîner une comparaison concrète des
dispositions de protection. Mais « ce n’est pas à dire que la loi du contrat
sera en ce cas la loi de la résidence habituelle et que le choix d’une autre loi
sera ravalé au rang d’un choix matériel. C’est bien dans la loi choisie, et, le
cas échéant dans des dispositions de cette loi postérieures à la conclusion du
contrat, qu’il faudra chercher les règles applicables au contrat »127.
§ 2- Un cyberconsommateur protégé ?
Les solutions prévues par la Convention de Rome, afin de protéger le
consommateur, ont été conçues pour les contrats de consommation
traditionnels. Il est donc important de rechercher si elles peuvent être
adaptées aux environnements électroniques ou si certaines d’entre elles
seront écartées.
126- P. LAGARDE, Le nouveau droit international privé des contrats après l’entrée
en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, Rev. crit. DIP, 1991,
p.318
127- Ibid, p.314
84
a- Les solutions écartées
Il est clair que la troisième et dernière hypothèse édictée par l’article
5-2 de la Convention de Rome ne peut être appliquée aux contrats de
cyberconsommation. En effet, cette hypothèse exige, en cas d’un contrat de
vente de marchandises, pour que le consommateur puisse bénéficier des
dispositions protectrices applicables dans son pays, qu’il soit rendu dans un
pays étranger où il passe sa commande sur invitation du vendeur.
Un auteur se demande si la solution, édictée par ce même article,
selon laquelle le contrat ne peut pas être régi par une loi choisie par les
parties si celle-ci consacre moins de prérogatives au consommateur que son
propre droit, est raisonnable. Il considère que la fonctionnalité du
cyberespace amène de nombreux consommateurs à acheter des produits de
faible valeur. En cas de litige, il est donc nécessaire que la règle pour
déterminer le droit applicable n’exige pas une étude comparée qui puisse
être longue et coûteuse. Cette solution semble être « d’un piètre secours
étant donné que sa mise à exécution risque d’être trop laborieuse en matière
de consommation »128.
b- Les difficultés d’application du statut dérogatoire accordé au
cyberconsommateur
Si la troisième hypothèse édictée par l’article 5-2 de la Convention est
128- V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique,
op.cit. p.158
85
écartée d’évidence, les deux premières paraissent applicables aux contrats de
cyberconsommation. Elles prêtent quand bien même à interprétation
puisqu’elles sont reliées à l’attitude des parties dans l’initiation de la relation
commerciale.
En effet, il s’agit d’apprécier si le consommateur a effectué une
démarche active auprès du commerçant pour pouvoir savoir s’il pourra
bénéficier de la protection qu’accorde la Convention de Rome aux
consommateurs. Ce qui est mis en cause c’est le mode de fonctionnement
qu’on attribue à un site Internet. « Est-il ‘une belle au bois dormant’ qui ne
se réveille que lorsqu’elle est sollicitée par une demande de connexion, une
requête, ou doit-on voir du seul fait de son rattachement au réseau,
indépendamment de tout appel, une information ou une offre commerciale
préexistante ? »129.
Le sens de lecture peut changer radicalement le jeu des deux
premières hypothèses de l’article 5-2. En effet, Si l’on considère que le
consommateur a effectué une démarche active, il pourra alors être admis que
la clause de droit applicable rédigée par le commerçant, qui va généralement
considérer que le contrat est soumis à son propre droit. Une démarche
volontaire et délibérée du consommateur serait en effet en mesure de faire
présumer que celui-ci a consenti aux stipulations du commerçant. Au
contraire, lorsque le commerçant aura effectué une démarche active auprès
du consommateur, on laissera persister l’exception au principe de
129- C. RETORNAZ, Quelques réflexions sur la loi applicable à la vente au
consommateur, p.1 http://www.celog.fr/expertises/
86
l’autonomie de la volonté.
1. Première hypothèse : la communication commerciale préalable
Dans le cas de la première hypothèse, les difficultés naissent au
moment de déterminer si la conclusion du contrat électronique a été
précédée au pays du consommateur d’une proposition spécialement faite ou
d’une publicité par Internet. Certains auteurs ne voient pas la possibilité de
lier une « offre spéciale » ou une « proposition spécialement faite » à un cas
de commerce électronique. En ce sens, Vincent Gautrais précise que
« l’auteur proposant ses oeuvres dans le cyberespace est en état de
perpétuelle offre mais ne s’adresse généralement pas à un utilisateur
déterminé »130. Quand le cyberconsommateur s’est rendu sur le site et a
décidé d’y conclure le contrat, on peut dire que l’attitude du commerçant est
plutôt « passive », le consommateur n’ayant pas répondu à une offre
spécialement formulée à son intention. Pour cette raison, plusieurs auteurs
limitent l’application de cette disposition aux offres non sollicitées envoyées
par courrier électronique – spamming – cas où le commerçant adopte une
attitude active131. Dans ce cas, il n’y a pas de difficulté à reconnaître que la
proposition peut être spécialement faite à l’utilisateur par voie électronique,
grâce à la messagerie électronique.
130- V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique,
op.cit. p.160
131- T. VERBIEST, Droit international privé et commerce électronique : état des
lieux
87
D’autres problèmes se posent quand on parle de « publicité ». On
s’interroge alors sur la nécessité que le commerçant ait eu l’intention de
cibler le pays dans lequel cette publicité aura éventuellement été reçue par le
consommateur. En effet, il est très difficile de présumer de l’intention du
commerçant à cause du potentiel commercial d’Internet, qui est un réseau à
vocation mondiale d’où la nécessité d’effectuer une distinction selon le
média utilisé pour la publicité afin de pouvoir la localiser. Lorsque la
publicité du commerçant utilise la technique du push132, on peut
légitimement considérer que la publicité est bien localisée chez le
consommateur. En revanche, lorsque l’utilisateur passe par un portail ou
interroge un moteur de recherche, le texte permet quelques hésitations. Selon
certains auteurs133, il faut distinguer selon que la publicité est ou n’est pas
ciblée vers le pays du consommateur. Cela pose la question de savoir
comment déterminer qu’un site de commerce électronique cible un pays.
Dans certains cas, la réponse semble aller de soi. En effet, en cas d’ouverture
d’un site en .fr en langue française, par une société commerciale étrangère
qui exploite déjà un site identique en .com (nous pouvons prendre pour
exemple amazon.fr et amazon.com), en vue de cibler plus particulièrement
les internautes français. Le texte de la Convention visant à protéger le
132- Push media désigne la diffusion sélective ou la distribution personnalisée.
L’information est poussée vers l’utilisateur ; c’est le média qui pousse
l’utilisateur, ce n’est plus l’utilisateur qui choisit par une recherche individuelle
ou pull media. Voir H. BITAN, Comprendre les mots de l’Internet, Gaz. Pal. 1115 juin 2000, glossaire, p.19
133- M. VIVANT, Business to consumer (B to C) : loi applicable et juge compétent,
Légicom 2000, no21/22, p.95 ; A. ZANOBETTI, Le droit des contrats dans le
commerce électronique, RDAI 2000, no5, p.556
88
consommateur dès l’instant où il est sollicité, on peut donc penser dans cette
hypothèse que le consommateur français doit être protégé. En revanche, si
on prend le cas d’un site de commerce électronique conçu de manière plus
universelle, on aura du mal à affirmer que le public français est spécialement
visé, même s’il est effectivement visé conjointement avec d’autres pays.
Logiquement, les règles protectrices des consommateurs français devraient
être écartées, ce qui n’est pas entièrement satisfaisant.
Pour ce qui est de certains sites, il est certain que les commerçants
n’ont pas l’intention de limiter leur marché potentiel à des pays précis.
Toutefois, depuis quelques années, il existe un ensemble de sites Internet qui
circonscrivent la clientèle visée en refusant de vendre à l’extérieur de
certains pays.
Un début de solution pour éviter ces difficultés d’interprétation est
fournie par le Règlement communautaire du 22 décembre 2000 remplaçant
la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et la Convention de
Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et
l’exécution des décisions en matière civile et commerciale134. L’article 15 du
règlement introduit pour les contrats conclus avec les consommateurs un
critère inédit de localisation du cocontractant dans le pays de résidence du
consommateur, conçu pour s’appliquer aux transactions par voie
électronique. Il s’agit des « activités dirigées par tout moyen » vers le pays
134- Règlement (CE) no44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence
judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et
commerciale
89
sur le territoire duquel le consommateur a son domicile135. On est fortement
tenté d’adopter ce critère de localisation en matière de loi applicable. On
pourrait ainsi considérer que toute activité sur Internet dirigée vers les
consommateurs d’un pays caractériserait une sollicitation commerciale dans
leur pays de résidence. Ce seul critère suffirait à la mise en œuvre de
l’exception en faveur des consommateurs de ce pays. Il ne serait plus
nécessaire de montrer que la publicité ciblait spécialement ce pays.
Il est probable qu’une telle adaptation du texte de la Convention de
Rome sur le modèle du règlement sera sérieusement examinée lors de sa
révision annoncée. En effet, lors de la dixième réunion tenue à Rome entre le
15 et 17 septembre 2000, le groupe européen de droit international privé a
estimé « qu’il y a lieu de maintenir l’objectif de l’article 5 de la Convention
de Rome – à savoir préserver un équilibre des intérêts des parties
contractantes tout en introduisant une dérogation aux règles générales de
rattachement – mais de procéder à un élargissement du domaine couvert par
celui-ci. Cet élargissement viserait à permettre de rassembler l’ensemble des
contrats de consommation sous une disposition unique et à dépasser la
135- Selon l’article 15-1, « en matière de contrat conclu par une personne, le
consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son
activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section […],
c) lorsque, […], le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités
commerciales ou professionnelles dans l’Etat membre sur le territoire duquel le
consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet
Etat membre ou vers plusieurs Etats, dont cet Etat membre, et que le contrat entre
dans le cadre de ces activités »
90
notion de consommateur passif. Il tendrait aussi à limiter l’importance de la
localisation d’un acte ou d’un fait, tel le lieu de diffusion d’une offre ou
d’une publicité ou la situation d’un acte nécessaire à la conclusion du
contrat. De telles modifications seraient de nature à faciliter l’application de
la disposition aux contraintes du commerce électronique »136. Par contre,
aucune date n’a été annoncée pour la révision de la Convention.
En ce qui concerne l’accomplissement par le consommateur des actes
nécessaires à la conclusion du contrat dans son pays de résidence, une autre
difficulté se présente : l’utilisateur peut se déplacer avec son ordinateur
portable et lorsqu’il contracte sur Internet, on ignore s’il se trouve
effectivement dans son pays de résidence. On peut se demander dans quelle
mesure cette condition conserve un intérêt pour les transactions par voie
électronique. Si on adoptait dans le cadre de la loi applicable le critère des
« activités dirigées » vers le pays sur le territoire duquel le consommateur a
son domicile, une telle condition ne se concevrait plus.
2. Deuxième hypothèse : réception de la commande par le fournisseur
dans le pays de résidence du consommateur
Alessandra Zanobetti a relevé au moins une incertitude liée à
136- Compte rendu des séances de travail de la dixième réunion du groupe européen
de droit international privé tenue à Rome entre le 15 et 17 septembre 2000
disponible sur lien suivant : http://www.drt.ucl.ac.be/gedip/reunionstravail/gedipreunions-10.html
91
l’application de la deuxième hypothèse de l’article 5-2 au cas de
l’Internet137. Lorsque la commande est reçue sur un serveur situé dans le
pays du consommateur, alors que le fournisseur est établi hors de ce pays,
faut-il considérer que la commande est reçue par le fournisseur dans le pays
du consommateur ? L’auteur apporte une réponse négative à cette question.
Le texte exige que le fournisseur soit présent physiquement dans le pays du
consommateur. La localisation du serveur ne doit pas entrer en ligne de
compte.
Si on parvient à transposer les conditions de mise en œuvre de
l’exception en faveur des consommateurs au cas de l’Internet, c’est au prix
d’une interprétation du texte qui laisse place à une relative insécurité. C’est
la raison pour laquelle une adaptation du texte de l’article 5 dans le cadre de
la prochaine révision de la Convention de Rome paraît indispensable.
Quoi qu’il en soit, comme le remarque Michel Vivant, l’essentiel n’est pas
tant d’« imposer d’autorité la loi du consommateur » que de « réserver le jeu
des ‘dispositions impératives’ de cette loi lorsque, après une comparaison
concrète, elles se révèleraient plus favorables au consommateur »138. Cela
nous conduit à envisager la relation qui peut exister entre les droits des
consommateurs et les lois de polices définies à l’article 7 de la Convention
de Rome.
137- A. ZANOBETTI, Le droit des contrats dans le commerce électronique, op. cit,
p.555
138- M. VIVANT, Business to consumer (B to C) : loi applicable et juge compétent,
op. cit. p.98
92
Section 2 : L’application des lois de police aux contrats électroniques
Les activités du commerce électronique ne sont pas extérieures aux
marchés nationaux puisqu’elles s’adressent à leurs membres. A ce titre les
contrats électroniques sont bien visés par l’article 7 de la Convention de
Rome puisqu’il met à la disposition du juge une technique d’application des
lois de polices. En matière de protection du consommateur, la question de la
coordination des articles 5 et 7 de la Convention est alors soulevée.
Les conséquences des rapports contenus entre l’article 5 et 7 de la
Convention de Rome seront différentes selon qu’on envisage les lois de
police sous l’angle national ou sous l’angle communautaire.
§1- Les lois de police de protection
L’article 7 de la Convention de Rome prévoit que le juge doit
appliquer les lois de police du for et les lois de police étrangères au
détriment éventuel de la loi désignée par les parties ou par les critères
subsidiaires de rattachement. Se pose donc la question de la coordination des
articles 5 et 7 de la Convention. En effet, il est constant que les règles de
protection des consommateurs sont généralement présentées comme des
dispositions impératives. Faut-il en déduire que les règles de protection des
consommateurs pourront aussi être appliquées par le juge sur le fondement
de l’article 7 de la convention, avec cet avantage que l’article 7 ne pose pas
de condition d’application dans l’espace (telle que la publicité préalable dans
le pays du consommateur) ? Quelles sont les dispositions impératives dont le
93
juge pourrait faire application pour protéger l’internaute consommateur au
titre de l’article 7 ?
Selon un fort courant doctrinal, l’article 5 est une clause spéciale
d’application des lois de police en matière de droit des contrats de
consommation et constitue à ce titre le fondement exclusif de l’application
des dispositions impératives relevant de son domaine139. En d’autres termes,
les dispositions impératives que le juge pourrait appliquer en vertu de
l’article 7 doivent avoir une finalité et une nature distincte de celles qui
animent les dispositions applicables au titre de l’article 5.
Lorsque
la
protection
ne
peut
pas
être
accordée
au
cyberconsommateur sur le fondement de l’article 5, en raison de l’étroitesse
de sa rédaction, il semble donc difficile de trouver dans la Convention un
fondement subsidiaire à l’application des dispositions impératives de droit
de la consommation.
La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le 19
octobre 1999 une décision dans une espèce à laquelle la Convention de
Rome n’était pas applicable. Si la solution devait être confirmée dans une
espèce soumise à la convention, elle répondrait à notre question dans un sens
inquiétant pour l’avenir du commerce électronique140. La Haute Juridiction a
jugé que : « après avoir énoncé que les conditions d’application de l’article 5
de la Convention de Rome du 19 juin 1980 n’étaient pas réunies, l’arrêt
139- P. LAGARDE, Rev. crit. DIP, 1991, p.316, et Rev. crit. DIP, 1998, p.625
94
attaqué retient que les dispositions de l’article 7 de la convention ne
concernent que les seules lois de police et non les lois protégeant les
consommateurs visés par l’article 5 précité et qu’il résulte de la distinction
même établie par les articles 5 et 7 que cette convention ne range pas parmi
les lois de police les lois destinées à la protection des consommateurs, telles
que la loi du 10 janvier 1978 ; […] en statuant ainsi alors que la convention
de Rome du 19 juin 1980 n’étant pas encore en vigueur, la loi française sur
le crédit à la consommation du 10 janvier 1978 était d’application impérative
pour le juge français, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Aux termes de cet arrêt, il est clair que les dispositions protectrices du
consommateur – en l’espèce, la loi du 10 janvier 1978 – peuvent être
appliquées en tant que lois de police. Toutefois, eu égard aux circonstances
d’application de la loi dans le temps, on peut penser que la Cour de
Cassation ne reconnaîtrait plus à la loi du 10 janvier 1978 ni aux règles
protectrices des consommateurs dans leur ensemble, le caractère de loi de
police dans un contrat soumis à la Convention de Rome, du fait de l’article
5. Selon Paul Lagarde141, depuis l’entrée en vigueur de la Convention, les
règles protectrices du consommateur appartiennent à une catégorie
particulière de dispositions impératives se situant dans la hiérarchie un peu
en dessous de celles de l’article 7. Cela n’empêche pas que, au sein de cette
catégorie particulière de dispositions impératives, certaines dispositions
peuvent aussi être qualifiées de lois de police au sens de l’article 7.
140- Cass. Civ. 1ère ch., 19 oct. 1999, Rev. crit. DIP 2000, no1, II p.29
141- P. LAGARDE, note sous Cass. civ. 19 oct. 1999, Rev. crit. DIP, no1, II, p.24
95
§ 2- Les règles communautaires de protection des consommateurs
Des normes communautaires en matière de protection des
consommateurs ont été établies dans plusieurs directives européennes, en
particulier la directive n°93/13 du 5 avril 1993 concernant les clauses
abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs et la directive
n°97/7 du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en
matière de contrats à distance. Il serait possible de reconnaître que ces
normes sont les seules dispositions impératives de protection des
consommateurs relevant de l’article 7. De ce fait, les règles nationales
conformes à ces normes, « standard reconnu » selon l’expression de Michel
Vivant,142 devraient seules pouvoir jouer contre la loi désignée par les
parties. Les règles nationales instaurant une protection supplémentaire ne
devraient pas pouvoir jouer.
Au final, deux systèmes cohabiteraient pour les contrats conclus en ligne
avec les consommateurs. Le premier est celui de l’article 5 de la Convention
de Rome. Lorsque les activités du fournisseur, ou prestataire de services de
la société de l’information, selon les termes employés par la directive du 8
juin 2000 sur le commerce électronique, seraient dirigées par tout moyen
vers le pays de résidence du consommateur, le juge devrait appliquer les
règles protectrices du consommateur nationales au détriment éventuel de la
loi applicable au contrat désignée par les parties.
142- M. VIVANT, Business to Consumer (B to C) : loi applicable et juge compétent,
op. cit. p.102
96
Le second système est celui de l’article 7 de la Convention. Lorsque les
activités du fournisseur ou prestataire ne seraient pas dirigées vers le pays de
résidence du consommateur, le juge appliquerait les seules règles de
protection du consommateur consacrées par le droit communautaire au
détriment éventuel de la loi applicable au contrat désignée par les parties.
L’ensemble du dispositif aurait un sens dans la pratique. Il est juste de
ne pas imposer à un commerçant le respect des dispositions nationales d’un
marché qu’il ne vise pas, y compris sur Internet. Dès l’instant où, au
contraire, il espère tirer des profits des ventes aux consommateurs d’un
marché national, il paraît normal qu’on lui impose d’en respecter les règles
locales de fonctionnement. Il faut remarquer toutefois que ce dispositif
repose entièrement sur la notion de « cible ». Il conviendrait avant toute
chose d’en définir les critères précis, non équivoques et adaptés à l’Internet.
Or, il n’est pas certain que la notion d’« activités dirigées » soit
suffisamment précise, même si elle constitue incontestablement un progrès
comparée à la notion de publicité.
Sur le fond, le dispositif semble suffisamment protecteur du
consommateur. Dans le second système de l’article 7, le seuil minimal de
protection serait garanti grâce aux règles fondamentales contenues dans la
directive du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en
matière de contrats à distance, telles que l’obligation d’information préalable
du consommateur (article 4), la nécessité de confirmer par écrit les
informations (article 5), le droit de rétractation du consommateur (article 6),
le respect des délais d’exécution par le fournisseur et la faculté de
remboursement du consommateur (article 7).
97
En revanche, certains auteurs admettent que les règles contenues dans
la directive du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats
conclus avec les consommateurs seraient de peu d’utilité car la directive
contient une liste de clauses certes susceptibles d’être déclarées abusives par
les Etats membres, mais sans aucune obligation143. La directive ne permet
donc pas de déterminer un plus petit dénominateur communautaire
applicable dans le cadre de l’article 7 de la Convention de Rome.
Ce dispositif présente l’avantage de ne pas se limiter au commerce
électronique intracommunautaire. Il s’applique également au commerce
électronique extracommunautaire. En effet, les normes communautaires de
protection du consommateur doivent être considérées comme contraignantes
pour les prestataires établis dans les pays tiers. Ce caractère contraignant est
posé dans la directive du 20 mai 1997 concernant la protection des
consommateurs en matière de contrats à distance, dans les termes suivants :
« les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que le
consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente
directive du fait du choix du droit d’un pays tiers comme droit applicable au
contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d’un ou de
plusieurs des Etats membres »144.
143- J. HUET, Propos amers sur la directive du 5 avril 1993 relative aux clauses
abusives, JCP, 1994, I, p.309
144- Art. 12-2 intitulé « Caractère contraignant des dispositions ». L’article 12 est
introduit en préambule de la directive dans les termes suivants : « Considérant
98
Selon un auteur, Si on parvient sans trop de difficultés à montrer que
les normes protectrices communautaires peuvent remplir efficacement le
rôle des lois de police de l’article 7 de la Convention de Rome, il n’existe à
ce jour aucun moyen d’éviter que les juridictions reconnaissent également le
caractère de lois de police à des protections supplémentaires issues du droit
local. Il conclu qu’une intervention de la Commission se révèle nécessaire
pour imposer la prééminence de l’ordre public communautaire sur l’ordre
public national145.
D’ailleurs, La directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique,
tout en ayant explicitement écarté de son champ d’application le thème de la
protection des consommateurs146 a constaté l’importance de cette question.
Elle prévoit notamment que « la Commission étudiera la mesure dans
laquelle les règles de protection des consommateurs existantes fournissent
une protection insuffisante au regard de la société de l’information et
identifiera, le cas échéant, les lacunes de cette législation et les aspects pour
lesquels des mesures additionnelles pourraient s’avérer nécessaires. En cas
de besoin, la Commission devrait faire des propositions spécifiques
qu’il existe el risque, dans certains cas, de priver le consommateur de la protection
accordée par la présente directive en désignant le droit d’un pays tiers comme
applicable au contrat ; que, en conséquence, il convient de prévoir dans la
présente directive des dispositions visant à éviter ce risque » (Considérant 23)
145- C. FROMENT, La loi applicable aux contrats du commerce électronique,
op.cit., p.40
146- Considérant 11 du préambule de la directive 2000/31. En outre, l’article 3-3
exclut expressément « les obligations contractuelles concernant les contrats
conclus par les consommateurs » du domaine d’application de la directive
99
additionnelles
visant
à
combler
les
identifiées »147.
147- Considérant 65
100
lacunes
qu’elle
aurait
ainsi
Conclusion
Sur le marché électronique, la frontière entre le contrat interne et le
contrat international est moins perceptible que pour les contrats
traditionnels, mais cela n’affecte guère la mise en œuvre de la Convention de
Rome. Celle-ci n’impose pas de vérifier le critère d’internationalité du
contrat pour valider la clause d’electio juris.
Le caractère transnational de l’Internet, la rapidité de son évolution et
les perpétuels changements technologiques qui l’animent posent, sans doute,
d’innombrables problèmes d’adaptation du droit existant. D’après MarcAntoine Maury, « l’édiction de règles spécifiques par les institutions
traditionnelles, solution immédiate, s’accorde mal avec les caractéristiques
et les exigences de la société numérique »148. Selon lui, d’autres voies
doivent alors être explorées afin de suppléer aux carences des institutions
classiques tout en soulignant que le droit s’est déjà trouvé confronté à une
telle situation face à l’extension du commerce à l’international, et une
solution alternative est apparue : la lex mercatoria.
Certains auteurs défendent l’idée que, par analogie à la lex mercatoria,
il pourrait exister une lex electronica ou des leges electronicae ou encore lex
mercatoria numerica, présentées comme des règles matérielles d’origine
internationale capables de relever le défi de la régulation de l’Internet, et de
répondre aux besoins exprimés par les acteurs de l’Internet et les
148- M.-A. MAURY, La lex electronica, op.cit., p.3
101
Internautes149. En effet, la doctrine nord-americaine a cherché à transposer
au marché électronique le modèle de la lex mercatoria mis en évidence par
Berthold Goldman150. Vincent Gautrais définit la lex electronica comme
« l’ensemble des normes juridiques informelles applicables dans le
commerce électronique international »151.
Pour Julien Le Clainche, « ces expressions doivent être prises avec
beaucoup de prudence, l’idée d’un droit mondial uniforme et harmonisé issu
de la pratique, étant une vision de l’esprit ne correspondant à aucune
réalité »152. En effet, l’existence d’une lex electronica ne fait pas unanimité
dans la doctrine. Un auteur critique vivement les défenseurs de la lex
electronica en remarquant que « la contribution des institutions d’arbitrage
au développement de la lex electronica paraît encore modeste. Or la
jurisprudence arbitrale constitue traditionnellement le mode privilégié
d’émergence et de consolidation des principes généraux du droit du
commerce international »153. Il s’appuie sur le fait que les institutions
d’arbitrage en ligne n’ont pas encore fait connaître, jusqu’à ce jour, de
sentences relatives à des litiges contractuels nés sur le marché électronique.
149- Ibid, p.4
150- V. GAUTRAIS, G. LEFEBVRE et K. BENYEKLEF, Droit du commerce
électronique et normes applicables : la notion de la lex electronica
http://www.droit-technologie.org/
151- V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique,
op.cit. p.231
152- J. Le CLAINCHE, La détermination de la loi et du juge compétent, op.cit., p.8
153- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit.
p.21
102
De plus, l’article 17-3 de la directive sur le commerce électronique
invite les Etats membres à encourager « les organes de règlement
extrajudiciaire des litiges à communiquer à la Commission […], toute autre
information sur les usages ou coutumes relatifs au commerce électronique »
ce qui témoigne que les usages du commerce électronique ne sont pas encore
avérés. Mais rien n’empêche aussi leur avènement. Jusqu’aujourd’hui le
commerce électronique n’est qu’à ses débuts et il vaut donc mieux laisser au
temps de trancher la question de l’existence d’une lex electronica.
103
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22. Valérie Sédallian, Droit de l’Internet, Collection AUI, 1997
23. Philippe Le Tourneau, Contrats Informatiques et Electroniques,
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2. Le commerce électronique en toute confiance : Diagnostic des
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Centre de Formation des Barreaux du Sud-est et l’Institut de Droit des
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de Science Politique 2002
4. Les premières journées internationales du Droit du Commerce
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5. L’Union Européenne et Internet, travaux de la Commission pour
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Mémoires et thèses
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4. Julien Le Clainche, la détermination de la loi et du juge compétent,
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5. Rosario Duaso Calés, La détermination du cadre juridictionnel et
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http://www.lex-electronica.org/
6. Séverine Dusollier, Yves Poullet, Vers une politique européenne en
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du
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http://www.droit.fundp.ac.be/textes/ecomm-article.PDF
7. Bénédicte Fauvarque-Cosson, Le droit international privé classique à
l’épreuve
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8. Camille Froment, La loi applicable aux contrats du commerce
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9. Vincent Gautrais, Guy Lefebvre et Karim Benyeklef, Droit du commerce
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10. Berthold Goldman, La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage
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13. Jérôme Huet, Aspects juridiques du commerce électronique : approche
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14. Jérôme Huet, Propos amers sur la directive du 5 avril 1993 relative aux
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15. Paul Lagarde, Le nouveau droit international privé des contrats après
l’entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, Rev. crit.
DIP, avril-juin 1991
16. Julien
Leprêtre,
Le
contrat
dans
le
commerce
électronique,
http://jullep.free.fr/computer/MemoireComputer.htm
17. Cédric Manara, « C 2 B » Les consommateurs français face à quelques
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18. Pierre Mayer, Actualité du contrat international, Les Petites Affiches, 05
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19. Sandrine Munoz, La loi applicable aux contrats « on line » au regard de
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pragmatique, Les Petites Affiches, 12 décembre 2000, No247
20. Gilles Paisant, Essai sur la notion de consommateur en droit positif, JCP
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21. Blandine Poidevin, Contrats en ligne : Quelle est la loi applicable, quelle
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http://www.declic.net/francais/savoir/dossier/pdf/contrats.pdf
22. Claude Retornaz, Le commerce électronique international. Quelques
réflexions sur la loi applicable à la vente au consommateur,
http://www.celog.fr/expertises/
23. Patrick Thieffry, Inapplicabilité de l’article 5§1 de la Convention de
Bruxelles
en
cas
de
multiplicité
de
lieux
d’exécution,
http://www.thieffry.com/articles/multiplicite.htm
24. Lionel Thoumyre, L’échange des consentements dans le commerce
électronique, 1999, http://www.juriscom.net/
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état des lieux, http://www.juriscom.net/
26. Thibault Verbiest, Loi pour la confiance dans l’économique numérique :
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28. Thibault Verbiest, Etienne Wéry, Le cadre juridique du commerce
électronique après l’ordonnance du 23 août 2001 et le projet de loi sur la
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29. Michel Vivant, Business to consumer (B to C) : loi applicable et juge
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30. Alessandra Zanobetti, Le droit des contrats dans le commerce
électronique, RDAI 2000, no5, p.533
Revues
1. ECOMLEB, Issue number 2, 1st quarter 2005
CD-ROM
1. Encyclopédie Numérique Dalloz, Répertoire de Droit Civil, 2003
2. Lamy, Droit de l’Informatique et des Réseaux, janvier 2002
3. Lamy, Droit et Patrimoine, novembre 2002
4. Lamy, Droit Economique, octobre 2002
5. Les Petites Affiches, version 2000 (1994-2000)
110
Table des matières
5
Introduction
1ère partie : Le contrat de commerce électronique : un contrat
12
localisable ?
Chapitre 1er : Le contrat de commerce électronique : un contrat
international
13
Section 1 : Le principe de la loi d’autonomie
16
§ 1- L’admission du principe
17
§ 2- La validité de la clause d’electio juris
19
Section 2 : Les éléments objectifs de rattachement
25
§ 1- Les éléments de rattachement objectif dans le cadre de
l’arbitrage
26
§ 2- Les élément de rattachement objectif et juge étatique
29
a- Les indices particuliers
30
b- Les indices généraux
30
c- La convention de Rome du 19 juin 1980
32
Chapitre 2 : Le contrat de commerce électronique : un contrat à
distance
34
Section 1 : Les problèmes communs aux contrats à distance
36
§ 1- La controverse doctrinale
37
a- Le système de la réception
37
b- Le système de l’émission
38
§ 2- Les solutions du droit positif
38
Section 2 : les spécificités apportées par Internet
42
§ 1- Le lieu de conclusion du contrat
43
111
§ 2- Le lieu d’exécution des obligations
44
§ 3- Le lieu d’établissement des parties
50
2ème partie : L’impact de la présence d’un consommateur sur la loi
applicable au contrat de commerce électronique
55
Chapitre 1er : Le contrat « B to C »
57
Section 1 : La notion de consommateur
58
§ 1- Le critère subjectif
59
a- Le professionnel
60
b- Le consommateur
60
§ 2- Le critère objectif
61
Section 2 : La conclusion du contrat
65
§1- La présentation du produit ou du service
65
65
a- La publicité
1. Définition
66
2. Les différentes formes de publicité sur Internet
67
3. La réglementation de la publicité en ligne
69
71
b- L’offre
1. Distinction entre offre et publicité
71
2. Les informations préalables obligatoires
74
§ 2- Le consentement du consommateur
75
a- Un consentement complet et éclairé
75
b- Le système du « double clic »
76
Chapitre 2 : Le régime dérogatoire applicable aux contrats
électroniques de consommation
78
Section 1 : L’exception de l’article 5 de la Convention de Rome
81
§ 1- Définition de l’exception
81
112
§ 2- Un cyberconsommateur protégé ?
84
85
a- Les solutions écartées
b- Les difficultés d’application du statut dérogatoire accordé
85
au cyberconsommateur
1. Première hypothèse : la communication commerciale
87
préalable
2. Deuxième hypothèse : réception de la commande par le
fournisseur dans le pays de résidence du consommateur
91
Section 2 : L’application des lois de police aux contrats
électroniques
93
§1- Les lois de police de protection
93
§ 2- Les règles communautaires de protection des consommateurs
96
Conclusion
101
Bibliographie
104
113