Universit Libanaise
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Université Libanaise Faculté de Droit et des Sciences Politiques et Administratives Filière Francophone La Loi Applicable aux Contrats du Commerce Electronique Mémoire pour l’obtention d’un Diplôme d’Etudes Approfondies en Droit Interne et International des Affaires Présenté par Lama A. KOTEICHE Sous la direction de Monsieur le professeur Marwan KARKABI Beyrouth 2005 L’Université Libanaise n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire : ces opinions doivent être considérées comme propres à son auteur. 2 Nous tenons à exprimer notre profonde reconnaissance à Monsieur le professeur Marwan Karkabi pour l’honneur qu’il nous a fait en acceptant de diriger ce travail et en l’enrichissant et le réorientant par ses conseils les plus précieux. Nos remerciements vont aussi à notre université, la filière francophone, et notamment à Madame Leila Saadé qui nous a accordé la possibilité de faire ce DEA. Nous tenons aussi à remercier tous nos professeurs pour leurs séminaires fructueux. Nous voudrions aussi dédier ce travail à Messieurs les professeurs Georges Naffah, Ali Ibrahim et Walid Abla. 3 A mes parents. A Gérard Demangeot qui m’a beaucoup aidé à faire les recherches nécessaires pour accomplir ce travail et qui était toujours près de moi pour me donner son soutien. A mon amie Rola El-Sayed. 4 Introduction « Le virtuel, rigoureusement défini, n’a que peu d’affinité avec le faux, l’illusoire ou l’imaginaire. Le virtuel n’est pas du tout l’opposé du réel. C’est au contraire un mode d’être fécond et puissant, qui donne du jeu aux processus de création, ouvre des avenirs creuse des puits de sens sous la platitude de la présence physique immédiate »1 Depuis sa mise à la disposition du grand public en 1994, Internet a bouleversé le monde des affaires et a créé un nouvel espace international qui transcende les frontières où peuvent se passer les transactions commerciales. Internet est défini comme étant « un ensemble de réseaux informatiques privés et publics qui sont interconnectés entre eux grâce à un protocole de communication commun »2. L’idée de créer un système reliant les ordinateurs partout dans le monde est née sous l’impulsion d’un chercheur universitaire en 1962. Cette idée n’a été concrétisée que sept ans plus tard pour le compte du ministère américain de la défense. Ce système, connu dès lors sous le nom d’ARPANET (Advanced Research Projects Agency network), n’était utilisé que d’une manière confidentielle par les militaires et n’était accessible qu’à quelques ordinateurs et ce dans le but de protéger le système d’information 1- P. LÉVY, Qu’est-ce que le virtuel ?, La découverte, Poche, 1998, p.10 2- Rapport public du CE du 2 juillet 1998, Internet et les réseaux numériques http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/984001519/0000.rtf 5 américain en cas d’une attaque nucléaire. En 1973, est conçu le TCP/IP (Transmission Control Protocol / Internet Protocol) qui est une norme de communication par le biais de laquelle se font les échanges de données par paquets, c’est-à-dire l’information sera découpée en petits segments de données routés séparément avant d’être reconstitués à l’arrivée3. Cette norme va devenir la base technologique d’Internet et aboutir à la naissance de la Toile en 1983. Jusque là, la partie militaire d’Internet (MILNET) reste isolée du reste du réseau. En 1991, ce fût l’invention du World Wide Web (www.) développé par le CERN (Centre d’Etude et de Recherche Nucléaire)4 à Genève. Il s’agit d’une « toile d’araignée mondiale » constituée par plus de 13000 serveurs liés entre eux par des liens « hypertextes » permettant de passer d’une page ou d’un site à un autre par un simple « clic » rendant ainsi la navigation sur la Toile extrêmement aisée. Mais Internet n’a connu son grand succès qu’en 1994, date à laquelle le Président des Etats-Unis Bill Clinton a confié l’administration du réseau à des organismes commerciaux. Depuis, Internet n’est plus régi par les autorités américaines qui finançaient son développement et il est devenu « un espace décentralisé qu’aucun opérateur ni aucun Etat ne maîtrise 3- A. BERTRAND, T. PIETTE-COUDOL, Internet et la Loi, Dalloz, 1997, p.4 4- ECOMLEB, Lebanon’s Internet & IT Journal, Issue No 2 – 1st Quarter 2005, p.12 6 entièrement, un espace hétérogène où chacun peut agir, s’exprimer et travailler, un espace épris de liberté »5. Internet entra ainsi dans l’ère commercial et créa un marché virtuel où se passèrent les transactions commerciales qu’elles soient interentreprises ou « B to B » (business to business), ou entre entreprises et consommateurs ou « B to C » (business to consumer). Ce fut alors la naissance du commerce électronique qu’on appelle aussi e-commerce ou même cybercommerce. Le commerce électronique, tel que défini par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), est « la vente ou l’achat de biens ou de services, effectué par une entreprise, un particulier, une administration ou toute autre entité publique ou privée, et réalisé au moyen d’un réseau électronique ». Cette définition exclut les transactions passées sur un mode non interactif (par fax ou téléphone). En France, il a fallu attendre la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) no2004-575 du 21 juin 2004, destinée à transposer la directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 (directive sur le commerce électronique) pour que soit défini le commerce électronique. En effet, l’article 14 alinéa 1er de la LEN dispose que « le commerce électronique est l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services ». 5- Rapport public du CE du 2 juillet 1998, op.cit. 7 Alors qu’au Liban, la notion du commerce électronique n’a jusque là pas été sujette de définition. En effet, les deux projets de lois présentés au Parlement, ne portent que sur la preuve de l’écrit électronique et la signature électronique et ne s’efforcent pas à aller plus loin ni pour définir le commerce électronique ni pour le réglementer. Le développement du commerce électronique est largement lié à l’augmentation du nombre d’internautes qui, selon les estimations de l’UIT (Union Internationale des Télécommunications), pourrait dépasser le seuil de 700 millions en 2004. Le nombre d’internautes était estimé à près de 600 millions en début d’année 2003, et il a augmenté de 20% de 2001 à 20026. De plus en plus la pratique des achats en ligne devient un phénomène de société surtout avec l’augmentation de la confiance dans l’achat en ligne selon une enquête menée en 2003. En effet, d’après cette enquête, 41% des internautes sont confiants dans l’achat en ligne contre 31% en 2002 et 23% en 2001. D’après une étude menée par le groupement Visa en 2003, l’utilisation des cartes Visa par le grand public pour acheter en ligne a fortement progressé en Europe entre la fin de l’année 2001 et la fin de l’année 2002 soit une hausse de 531% dans le domaine du tourisme et de 112% dans le domaine de la vente au détail. Selon cette même étude, la peur 6- les statistiques qui vont suivre sont basées sur le Tableau de Bord du Commerce Electronique d’avril 2004 publié sur le site du ministère français de l’économie et des finances, disponible sur le www.men.minefi.gouv.fr/webmen/themes/eco/tbce250304.pdf 8 lien suivant du piratage du numéro de la carte de paiement s’amenuise peu à peu. Une telle augmentation est aussi constatée aux Etats-Unis où selon le Us Census Bureau, les ventes de détails réalisées en 2003 s’élèvent à 55 milliards de dollars soit une hausse de 26% par rapport aux recettes du commerce électronique constatées en 2002. Côté entreprises, Internet a créé non seulement un espace où les entreprises peuvent vendre leurs biens ou services à leurs clients, mais aussi un espace leur permettant d’entrer en contact entre elles et de passer des contrats par le canal des réseaux ; il s’agit du commerce électronique « B to B » qui est, à la différence du commerce « B to C », d’une importance économique considérable. En effet, les transactions interentreprises représentent plus de 90% du chiffre d’affaire du commerce électronique. Ceci est en liaison directe avec la représentation des entreprises via des sites sur la toile. En effet, les grandes entreprises industrielles adoptent et intègrent de plus en plus les technologies de l’information de la communication (TIC) dans leurs processus d’affaires, notamment commerciaux. Ainsi, 71% de ces entreprises disposent d’un site sur ligne. Vers la fin de l’année 2001, les ventes sur la toile représentent 2% du chiffre d’affaires des entreprises industrielles dont 94% est du commerce « B to B » et les achats par Internet représentent 4% de leurs achats. Ces chiffres sont en forte hausse et le commerce électronique continuera de se 9 développer dans les années à venir qu’il soit de type « B to B » ou bien « B to C ». Or, le commerce électronique, qui n’est autre qu’un commerce traditionnel, national ou international accompagné par des moyens de télécommunications7, donne inévitablement naissance à des différends qui doivent être réglés et, soulève de ce fait des difficultés. En effet, la dématérialisation des relations n’est pas sans conséquences sur les règles déterminant la loi applicable aux contrats qui se passent sur Internet8, problème majeur auquel s’affronte le commerce électronique surtout lorsque ces échanges ont un caractère international. La principale difficulté réside dans le fait que les règles du droit international privé en matière de la détermination du droit applicable aux contrats ont été conçues pour un monde physique non dématérialisé. La tâche du juge sera donc d’adapter ces règles aux contrats électroniques. Il doit tout d’abord localiser le contrat pour pouvoir déterminer la loi qui a vocation à le régir tout en prenant en considération les règles d’ordre public et les lois de polices pouvant s’y appliquer. Mais un contrat passé sur un marché virtuel, un cyberespace qui transcende toute frontière et qui ne peut pas être situé géographiquement peut-il être localisé ? Au cas où ce contrat est passé avec un consommateur, 7- A. BERTTRAND, T. PIETTE-COUDOL, Internet et le Droit, Que sais-je ?, Puf, 2ème éd. p. 47 8- J. Le CLAINCHE, La détermination de la loi et du juge compétent, p.2 disponible sur le site http://www.droit-ntic.com/ 10 la présence de ce dernier aura-t-elle un effet sur la détermination de la loi applicable ? Ceci étant, notre étude portera, dans un premier temps, sur la localisation du contrat de commerce électronique et, dans un second temps, sur l’impact de la présence d’un consommateur sur la loi applicable à ce contrat. 11 1ère partie : Le contrat de commerce électronique : un contrat localisable ? Parmi les contrats du commerce électronique, seuls les contrats internationaux retiendront notre attention. En effet, le problème de la détermination du droit applicable ne peut se concevoir dans un contrat de droit interne impérativement soumis au droit national du pays dans lequel il vient s’inscrire automatiquement ; comme, par exemple, pour le cas d’un contrat conclu par un français sur un site web français et exécuté en France, ce contrat relève nécessairement du droit français. L’internationalité du contrat est donc une condition sine qua non pour que soit posé le problème de la détermination de la loi applicable. A côté de son caractère international, le contrat électronique revêt les caractéristiques d’un contrat entre absents ou, en d’autres termes, un contrat conclu à distance avec la seule et grande différence due au support numérique sur lequel transite le contrat. Ces deux critères du contrat de commerce électronique seront étudiés simultanément dans deux chapitres, le premier portera sur le caractère international du contrat et le deuxième sur les problèmes soulevés du fait que ce contrat soit un contrat conclu entre absents. 12 Chapitre 1er : Le contrat de commerce électronique : un contrat international La facile accessibilité aux offres sur les réseaux électroniques des quatre coins du globe et à n’importe quel moment, ne permet pas de déduire que tout contrat conclu sur réseau est nécessairement international quand bien même l’ubiquité de l’offre. Or, certains auteurs estiment que « les contrats conclu via l’Internet sont susceptibles d’être considérés comme internationaux, l’élément d’extranéité étant intrinsèque à la nature des réseaux numériques »9. En effet, la première particularité du commerce électronique réside dans la facilité avec laquelle on passe, éventuellement sans s’en rendre compte, de la sphère interne à la sphère internationale. Un français résidant en France qui se connecte à un site français, est dans le monde français, dans l’ordre juridique et juridictionnel français ; il décide d’explorer un autre site qui se trouve être un site étranger, ce qu’il ne sait pas nécessairement, et il est dans le domaine international. La mise en évidence des situations internationales, présentant un élément d’extranéité, a toujours suscité des difficultés. L’essor des échanges électroniques n’est donc pas la cause exclusive des incertitudes relatives à la délimitation du contrat interne et du contrat international. Le medium électronique ne fait qu’accroître ces difficultés, lorsque les éléments 9- M.-A. Maury, La lex electronica, p.4 disponible sur le lien suivant : http://www.wanadoo.fr/mam/these4.html 13 d’extranéité ne sont pas connus des parties ; le contrat est-il interne ou international ? La qualification de contrat international revêt une particulière importance. En effet, les parties à un contrat international bénéficient d’une exceptionnelle liberté notamment dans l’insertion de clauses dans le contrat, non valables en droit interne, tel la clause de la loi d’autonomie. La jurisprudence française s’est efforcée de définir le contrat international. A strictement parler, le contrat international est celui qui présente lui-même et directement un élément de rattachement avec l’étranger. La jurisprudence l’a caractérisé par un mouvement de « flux et de reflux » de valeurs, de services ou de biens au travers des frontières ou par le fait qu’il « se rattache à des normes juridiques émanant de plusieurs Etats ». Elle a admis également un critère plus souple, le critère économique, selon lequel l’opération en cause « met en jeu les intérêts du commerce international ». A vrai dire, la question de la qualification de contrat international est devenue sans véritable intérêt depuis l’entrée en vigueur de la Convention de Rome. En effet, selon son article premier, la Convention de Rome reçoit application « dans des situations comportant un conflit de lois ». La Convention a ainsi accru son domaine en modifiant la définition du contrat international. Selon la définition qu’avait adopté la jurisprudence dans les années trente, le contrat international était celui qui met en cause les intérêts du commerce international. « Ce n’est plus le cas dans la convention de 14 Rome : le contrat international est celui qui présente un élément d’extranéité quelconque »10. Quand peut-on considérer que la situation comporte un conflit de lois au sens de la Convention de Rome ? Il faut déterminer si l’on doit rechercher des éléments objectifs d’extranéité, nécessaires à l’existence d’un conflit de lois ou si l’élection de droit par les parties suffit à caractériser le conflit de lois, alors même que le contrat serait « monolocalisé »11. Selon certains auteurs, « il suffit que les parties choisissent une loi étrangère pour que le contrat soit traité comme un contrat international »12. Certes, la distinction entre contrat interne et contrat international n’est pas complètement abolie par la Convention de Rome : celle-ci réserve l’application des « dispositions impératives » lorsque le contrat est ancré, par ses divers éléments, dans un Etat unique13. Mis à part les cas d’internationalisation frauduleuse du contrat électronique international, nous étudierons les éléments de rattachements du contrat électronique dans deux sections. La première sera consacrée à l’étude du principe de la loi d’autonomie, la fonction de rattachement attribuée à ce principe ayant été mise en évidence dans les contrats internationaux14, et la deuxième portera sur les éléments objectifs de rattachement. 10- P. MAYER, Actualité du contrat international, Les petites affiches No90 du 5 mai 2000 11- terme emprunté à J.-M. JACQUET, Le contrat international, Dalloz, 1992, p.8 12- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, LGDJ, 2002, p.125 13- Article 3-3 de la Convention de Rome 15 Section 1 : Le principe de la loi d’autonomie En matière de contrats internationaux, une solution d’une simplicité déroutante voudrait que les parties désignent elles-mêmes la loi à laquelle sera soumis leur contrat. Le conflit de loi soulevé par le contrat international sera alors résolu non pas au moyen d’éléments de rattachement rigides et prédéterminés tel le lieu de conclusion ou le lieu d’exécution du contrat, mais au moyen d’une désignation volontaire effectuée d’un commun accord par les parties. Le principe d’autonomie peut être défini comme étant « le pouvoir reconnu par un ordre juridique à un ou plusieurs individus de créer des situations juridiques en son sein, situations qui, sans leur intervention et à défaut de ce pouvoir, soit n’existeraient pas, soit existeraient mais avec une configuration différente »15. En général, les opérations du commerce international sont favorables au plein exercice de la volonté des parties car l’Etat manifeste alors une certaine retenue dans la réglementation des contrats. Parce qu’il se trouve à la croisée du commerce international et des nouvelles technologies, le marché électronique constitue de ce fait un terrain favorable au plein exercice de la liberté contractuelle. 14- J.-M. JACQUET, Principe d’autonomie et contrats internationaux, Economica, 1983, p.271 15- Ibid. p.7 16 §1- L’admission du principe A quelques conditions près, dans la plupart des systèmes juridiques, le choix exprimé par les contractants s’impose à l’autorité appelée à statuer sur le différend, qu’elle soit juge étatique ou tribunal arbitral. Ce qui fait ici le lien entre le contrat et la loi qui lui est applicable, c’est la volonté des parties. Celle-ci participe donc bien d’un facteur de rattachement puisqu’ « elle fait le pont entre la relation contractuelle et les normes applicables »16. Ce principe a posé la question de savoir quel serait l’étendu du pouvoir des parties. Sur ce point là deux conceptions s’affrontent, la première objective et la deuxième subjective. Selon la conception objective, développée par Batiffol, tout contrat doit être soumis à une loi. La seule liberté accordée aux parties est celle de localiser leur contrat géographiquement. Ainsi, la clause d’electio juris ne sera qu’un élément de localisation parmi d’autres. Dans la logique objectiviste, les parties doivent choisir une loi qui a un lien suffisant avec le contrat. Sinon, la localisation est considérée comme artificielle. La conception subjective est, à cet égard, plus permissive. Elle consacre pleinement le rôle de la volonté des parties. Ainsi, peu importe le lien – ou l’absence de lien – entre le contrat et la loi désignée car ce que les 16- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, p.107 disponible sur le lien suivant : http://www.ulaval.ca/ 17 parties recherchent c’est la sécurité juridique. Or, ces dernières sont le mieux placées pour trouver la loi qui correspond à ce besoin. La liberté contractuelle permet également aux parties de « dépecer » le contrat lorsqu’il comporte des aspects objectivement détachables. La Convention de Rome admet dans son article 3-1 que les contractants puissent désigner la loi applicable à une partie seulement du contrat, ce qui sous-entend la possibilité de choisir une loi pour chaque partie du contrat. En France, le principe de la loi d’autonomie n’a été consacré par la Cour de cassation qu’en 1910 dans l’arrêt « American Trading Co »17. Selon cet arrêt « la loi applicable aux contrats, soit en ce qui concerne leur formation, soit quant à leurs effets et conditions, est celle que les parties ont adoptée ». Aucun texte législatif français ne pose le principe de l’autonomie de la volonté en la matière. Le droit français, à cet égard, tire sa source de la jurisprudence, à laquelle se sont ajoutées des dispositions conventionnelles. En effet, plusieurs textes internationaux portent sur le sujet. Le premier à cet effet remonte à 1955. Il s’agit de la Convention sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels18. Entrée en vigueur en 1964, les neuf ratifications proviennent, à une exception près, le Niger, de pays européens, dont la France. Globalement, avec ses 12 articles, le texte de la Convention est assez sommaire. 17- Cass Civ, 5 décembre 1910, GA no11 18- Convention de La Haye du 15 juin 1955 18 L’article 2 reconnaît la liberté contractuelle en limitant très expressément le choix des parties à une loi nationale. En effet, cet article stipule que « la vente est régie par la loi interne du pays désigné par les parties contractantes », ce qui exclut le renvoie. Le principe de la loi d’autonomie a également été consacré par la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles adoptée par la Communauté européenne et entrée en vigueur le 1er avril 1991. Le but essentiel de cette Convention étant d’uniformiser les règles sur la loi applicables aux obligations contractuelles ainsi que sur certaines questions générales de droit international privé dans la mesure où ces questions se rattachent à la matière de ces obligations. La convention de Rome a non seulement consacré le principe d’autonomie par son article 3-1, mais elle « a accru l’intensité de la liberté contractuelle »19 et ce en permettant aux parties, par un dépeçage, de soumettre une partie du contrat à une loi, une autre partie à une deuxième loi, une troisième partie à une troisième loi, etc. Elle prévoit également dans l’alinéa 2 de l’article 3 que les parties puissent modifier leur choix à tout moment. § 2- La validité de la clause d’electio juris L’article 3-1 de la Convention de Rome indique que le choix des parties « doit être exprès », sans faire mention d’un support quelconque. Ce 19- P. MAYER, Actualité du contrat international, op. cit. 19 qui semble permettre que la convention soit verbale20 ou écrite, que cet écrit soit électronique ou non. L’existence d’une clause expresse de choix de la loi dispense de consulter d’autres éléments pour déterminer la loi applicable au contrat. Le juge doit s’en tenir au choix exprès. Le choix des parties est généralement exprimé au moment de la formation du contrat. Cependant, la Convention de Rome admet la possibilité pour les parties de convenir à tout moment d’effectuer un choix, ou encore de modifier le choix initialement fait. Normalement, la clause d’electio juris n’est concevable que dans les cas où nous sommes en présence d’un contrat international. Ceci, comme nous l’avons déjà mentionné, n’est plus le cas depuis l’entrée en vigueur de la Convention de Rome qui autorise « ce qui jusque-là était considéré inconcevable »21. En effet, par son article 3-3, elle permet aux parties à un contrat purement interne de désigner une loi étrangère, sous réserve des dispositions de la loi locale ce qui fut critiqué par deux auteurs, Pierre Mayer et Vincent Heuzé. Selon eux, « le seul reproche que l’on puisse faire à cette disposition audacieuse est de laisser dans le vague la combinaison, nécessairement complexe, qui devra alors être effectuée entre les dispositions impératives et supplétives de la loi choisie, d’une part, les dispositions impératives de la loi locale, d’autre part »22. Donc, dans le cas visé par l’article 3-3, si le contexte ne met pas en jeu des dispositions 20- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op.cit., p.107 21- P. MAYER, V. HEUZE, Droit international privé, Montchrestien, 7e éd., p.475 22- Ibid. 20 impératives, il faut en conclure que les cocontractants, ressortissants d’un même ordre juridique, peuvent désigner une loi autre que leur loi nationale. Et a contrario, il faut en déduire que lorsque le contrat est « international », aucune limite n’est imposée aux parties. Entretenant une conception particulièrement libérale du principe de l’autonomie de la volonté, la Convention de Rome n’exige, pour la validité de la clause de l’electio juris, aucun lien entre la loi choisie et la relation contractuelle. Cette position n’a pas été à l’abri des critiques de la doctrine. En effet, selon certains auteurs « il faudrait […] exiger […] que le choix ne soit pas entaché de fraude »23. D’ailleurs, y a-t-il en matière de contrat transnational une loi qui ait réellement un lien avec la relation, qui ait vocation particulière ou privilégiée pour la régir ? Pour certains, la réponse est clairement négative24 et le libre choix accordé aux parties par la Convention de Rome s’inscrit dans cette logique. En matière de contrat électronique, la clause de droit est dans la plupart des cas stipulée dans des conditions générales accessibles sous forme électronique, mais distinctes de l’accord principal. La question qui se pose est de savoir si la forme électronique du contrat n’affecte pas la validité de la clause, c’est-à-dire si cette dernière « résulte de façon certaine des dispositions du contrat » au sens de l’article 3-1 de la Convention de Rome. Ces dispositions générales, se trouvant à quelques « clics » de distance de la 23- Ibid p.480 24- Ibid. 21 page Internet où le cocontractant manifeste son accord, sont-elles extérieures au contrat ou constituent-elles une partie intégrante de celui-ci ?25 Au fait, la question n’est pas nouvelle puisque l’on s’est interrogé en droit interne sur la valeur des éléments distincts de l’instrumentum remis aux parties. A côté de ce qui est exprimé par les parties dans le corps même de l’instrumentum, il est très souvent des documents extérieurs auxquels les parties font simplement référence : cahier des charges, conditions générales, règlement de copropriété, etc. De tels documents sont en général rédigés d’une façon unilatérale. Aussi, la jurisprudence ne leur reconnaît valeur contractuelle qu’autant que l’autre partie savait qu’ils faisaient partie effective du contrat et pouvait en prendre connaissance26. Mais il a été jugé que, si, lors de son adhésion à un fonds, un souscripteur a déclaré avoir connaissance du règlement, il ne pouvait, par la suite, déclarer ne pas avoir eu cette connaissance27. En effet pour être qualifié de contractuel, le document doit contribuer à la formation ou à la réalisation du contrat même s’il ne figure pas dans l’instrumentum de ce contrat. En toute logique, la forme et le support qui véhiculent les informations ne jouent aucun rôle dans la qualification et le 25- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. p.127 26- Com. 9 oct. 1984, J. C. P. 1984. IV. 344 ; Amiens, 3 juin 1985, J. C. P. 1986. II. 20634, note Y. ASSOULINE ; Com. 3 déc. 1985, Rev. trim. dr. civ. 1987. 565, obs. J. HUET 27- Paris, 18 oct. 1984, Gaz. Pal. 1985. 1. Somm. 105 22 document contractuel peut donc être un document électronique. Ce document électronique, contenant la stipulation d’élection de droit, est en principe accessible au cocontractant, dans une rubrique différente du site Internet : à proprement parler, il ne lui est pas remis au sens où la jurisprudence classique l’entend mais aussi, il ne fait pas seulement l’objet d’un simple affichage, puisque le cocontractant peut en principe le sauvegarder sous forme informatique ou même l’imprimer et avoir ainsi la trace écrite traditionnelle. Réserve faite d’une défaillance du système, l’accessibilité est donc grandement facilitée par l’outil informatique. La facile accessibilité aux conditions générales ainsi que les liens informatiques qui unissent ces dernières au formulaire de commande, autorisent-ils à considérer qu’il n’y a qu’un seul document contractuel ? Selon un auteur, la qualification de document contractuel unique ne doit pas reposer sur des considérations tirées du support mais sur des considérations tirées du comportement du cocontractant. Il considère qu’il y a un contrat électronique sans annexe si, au cours de la procédure de conclusion du contrat, le cocontractant a été effectivement mis en présence des conditions générales et non d’un simple lien ; la conclusion du contrat se fait par plusieurs étapes parmi lesquelles figurent les conditions générales et ce avant d’atteindre l’étape finale qui se manifeste par la conclusion du contrat. Dans ce cas aucun problème d’opposabilité des conditions n’est alors soulevé. En revanche, si l’accès aux conditions générales est laissé à l’initiative du cocontractant, on distinguera alors le contrat principal des annexes28. Dans quelles conditions ces annexes entrent dans le champ contractuel ? La pratique révèle que la technique de l’incorporation par 23 référence a été accueillie dans le commerce électronique. Il est fréquent de constater un renvoi aux conditions générales, sous la forme de lien hypertexte. De même, la loi type sur le commerce électronique de la CNUDCI a validé le procédé d’incorporation par référence. En effet, l’article 5 bis de cette loi type stipule que « l’information n’est pas privée de ses effets juridiques au seul motif qu’elle est incorporée par référence dans un message de données ». Dans quelles mesures pourra-t-on considérer que l’adhérent a consenti à l’ensemble des conditions générales ? Par application de la Convention de Rome, la réalité de l’adhésion sera appréciée selon la lex substantiae. Toutefois, l’alinéa 2 de l’article 8 de cette même convention prévoit que l’adhérent peut se prévaloir de la loi de sa résidence habituelle pour établir qu’il na pas consenti. En toute hypothèse, le juge devra apprécier au regard du droit matériel désigné si le clic de l’adhérent permet de présumer qu’il a connu, compris et accepté les conditions générales. Il pourra notamment prendre en considération le moment de communication des conditions générales, avant ou après la conclusion du contrat. En droit français, la communication des conditions générales est traditionnellement requise avant la conclusion du contrat29. Le projet de loi sur la société de l’information intègre ainsi au Code civil, dans un article 1393-3, une règle supplétive qui ferait obligation à l’offrant de préciser « les conditions générales et particulières applicables ainsi que les modalités de 28- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. p.128 29- Cass. Com, 17 juin 1997, RJDA 1997, no1312, p.902 24 conservation et de reproduction de ces conditions »30. La règle ne sera impérative qu’à l’égard des consommateurs. La directive européenne et la loi de transposition témoignent des réticences à l’encontre d’une incorporation par référence dans les contrats de consommation. Il faut enfin vérifier si une partie peut exprimer son consentement par voie électronique. Cette question sera appréciée selon la lex formae désignée par la règle de conflit du juge saisi. Au fait, nombreuses sont les législations qui admettent désormais la signature électronique. La structure alternative de la règle de conflit permettra certainement de considérer que l’acte est valable selon l’une d’entre elles. Ainsi, aux Etats-Unis, dès avant l’adoption de l’esign act, la jurisprudence avait admis que le clic pouvait être une manifestation du consentement. Section 2 : Les éléments objectifs de rattachement Lorsque les parties n’ont pas désigné la loi applicable au contrat électronique ou lorsque leur choix s’avère inefficace, il convient de déterminer les règles objectivement applicables, tâche qui incombera au juge qu’il soit juge privé – arbitre – ou juge étatique. Les outils que peut utiliser l’arbitre afin de déterminer la norme qui va résoudre le litige ne relèvent pas forcément du même registre que ceux dont dispose le juge étatique. 30- Article 23 du projet de loi sur la société de l’information qui transpose en droit français l’article 10 de la directive européenne sur le commerce électronique. 25 En effet, le juge saisi d’un litige commercial international est bien évidemment tenu de puiser dans son système juridique national les normes qu’il va utiliser. C’est la lex fori qui lui indiquera les rattachements. Alors que l’arbitre, qui est par essence un juge indépendant, n’est pas lié à aucun système juridique étatique et n’a donc pas de lex fori. Il vaut mieux donc étudier les éléments de rattachement objectif dans le cadre de l’arbitrage pour ensuite indiquer les facteurs de rattachement dont peuvent disposer les autorités étatiques. § 1- Les éléments de rattachement objectif dans le cadre de l’arbitrage Il arrive que les parties aient désigné l’arbitrage comme mode de règlement des litiges mais qu’elles ne soient pas abstenues en ce qui concerne le droit applicable et ce, aussi bien lors de la rédaction de la convention d’arbitrage qu’au début des procédures arbitrales. Dans ce cas, l’application d’un système étatique de solution de conflits ne s’impose pas à l’arbitre, qui n’exerce pas un pouvoir juridictionnel au nom de l’Etat, comme il s’impose lorsque le litige est porté devant une juridiction étatique. Quelle sera alors la méthode que va appliquer l’arbitre lorsque les parties ont été silencieuses ? Le principe en la matière est celui de sa liberté. En effet, l’arbitre jouit d’une grande latitude pour utiliser les rattachements normatifs qui lui semblent les mieux adaptés au cas qui lui est soumis, comme le prévoit la Convention européenne sur l’arbitrage commercial qui stipule dans sont article VII « […] à défaut d’indication par les parties du droit applicable, les arbitres appliqueront la loi désignée par la règle de conflit que les arbitres jugeront appropriée en l’espèce ». Le même 26 principe, sous une forme moins ambiguë, a été repris par la loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international dans l’article 28-2 qui édicte qu’en cas de silence des parties, « le tribunal arbitral applique la loi désignée par la règle de conflit de lois qu’il juge applicable en l’espèce ». L’arbitre peut cependant procéder à une méthode, plus directe, écartant tout recours aux conflits de lois. Ainsi, dans une affaire opposant une société de droit turc établie en Turquie et une société française, les parties étaient liées par un contrat de représentation commerciale. Même si la convention comportait uniquement une clause compromissoire en faveur de l’arbitrage CCI, ce qui aurait dû déclencher l’application l’article 13 de ce règlement prescrivant que les arbitres devraient appliquer, à défaut d’indication par les parties du droit applicable, la loi désignée par la règle de conflit qu’ils jugeraient la plus appropriée, étant précisé qu’ils tiendraient compte des stipulations du contrat et des usages du commerce. Le tribunal arbitral n’a pas procédé ainsi et a recherché directement les règles de droit applicables. Après diverses considérations pouvant militer soit en faveur de la loi turque, comme celle du lieu d’exécution du mandat, ou la loi française étant celle du mandat, ou encore la loi d’autonomie comme étant celle du lieu mal discernable de la localisation du contrat, la sentence arbitrale les a écartées toutes du fait qu’aucune ne paraissait s’imposer avec assez de force. Le tribunal arbitral « a […] décidé, compte tenu du caractère international du contrat, d’écarter toute législation spécifique et d’appliquer la lex mercatoria internationale »31. 31- Cass. civ. 1ère ch. 9 octobre 1984, Revue d’arbitrage 1985, p.431 27 Avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement de la CCI le 1er janvier1998, c’est une détermination directe que ce règlement commande dans son article 17 qui délaisse toute référence aux règles de conflits : « Les parties sont libres de choisir les règles de droit que le tribunal arbitral devra appliquer au fond du litige. A défaut de choix par les parties des règles de droit applicables, l’arbitre appliquera les règles de droit qu’il juge appropriées ». Un autre raisonnement est parfois adopté par les anglo-saxons : en désignant le pays de l’arbitrage, les parties auraient implicitement désigné la loi de ce pays pour régir le fond du litige. Pourtant, le lien ne s’impose pas toujours, du moins dans l’esprit des parties. Le choix du lieu de l’arbitrage est souvent dicté par des besoins pratiques ou en raison de sa neutralité. « Le lieu de l’arbitrage n’est plus généralement utilisé comme facteur de rattachement objectif, même si les arbitres peuvent encore en tenir compte parmi un faisceau d’indices »32. Il est donc fortement recommandé de conseiller aux parties qui veulent éventuellement avoir recours à l’arbitrage d’inclure impérativement une clause de choix de loi car, en cas de silence, on ne sait pas bien quel système de conflit de lois l’arbitre prendra en considération pour déterminer quel droit national il doit appliquer. Goldman estime que le silence des parties qui ont choisi l’arbitrage entraîne automatiquement l’application de la lex mercatoria : « […] le recours à l’arbitrage international est à lui seul 32- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op.cit., p.175 28 considéré, de manière générale, comme un instrument d’internationalisation du contrat, et par là, de référence aux principe généraux du droit international […] »33. Il laisse ainsi entendre que l’application de la lex mercatoria ne ressort pas d’un mécanisme de rattachement mais plutôt qu’elle s’impose par elle-même. Du moment que l’on sort de la sphère des tribunaux étatiques, on se soustrait par là aux normes étatiques. Cette vision ne fait pas unanimité en doctrine et certains auteurs s’y opposent et considèrent que la proposition avancée par Berthold Goldman « paraît excessive car, pas plus qu’en matière interne, le recours à l’arbitrage n’écarte en matière internationale l’application de la règle étatique et [ne sont] pas convaincus que la clause compromissoire inscrite dans pareil contrat signifie autre chose que le choix de la technique arbitrale pour le traitement de litiges éventuels »34. § 2- Les éléments de rattachement objectif et juge étatique Lorsque le contrat ne contient aucune référence explicite ou implicite à la loi applicable, le juge doit suppléer au défaut de la volonté exprimée. Il a alors recours à des présomptions pour déterminer, en tenant compte des circonstances résultant de la formation du contrat, de sa teneur et de ses effets, quelle est parmi toutes les lois en relation avec ces éléments, celle qui 33- B. GOLDMAN, La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux : réalité et perspectives, JDI, 1979, p.475 34- J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD et R. FABRE, Droit du commerce international, Litec, 2000, p.68 29 lui parait convenir le mieux comme loi unique. L’étude de la jurisprudence, abondante en la matière, révèle que deux catégories d’indices guident les tribunaux dans cette recherche de la loi applicable. La première catégorie regroupant les indices particuliers et la deuxième les indices généraux, que nous étudieront avant de passer aux solutions d’origine conventionnelle. a- Les indices particuliers S’il existe des indices particuliers, le juge s’y référera, sans que soit exclue la possibilité de se référer en même temps aux indices généraux tirés de l’exécution et la conclusion du contrat. Plus subsidiairement, la nationalité commune des parties ou leur domicile35 ainsi que la teneur des lois en conflits36 sont prises en considération, lorsqu’elles sont en concordance avec d’autres éléments. b- Les indices généraux En dehors de ces indices particuliers, l’un des deux indices généraux pourra, dans la plupart des cas, être retenu à l’appui de la soumission du contrat au système juridique d’un pays déterminé : le lieu de formation ou le lieu d’exécution. 35- Cass. civ. 21 nov. 1973, Rev. crit. DIP 1974 p.720 36- Notamment lorsque l’une des lois valide le contrat, alors que l’autre l’annule (Cass. civ. 5 déc. 1910) ou si, des deux lois en présence, la première réglemente l’opération tandis que la seconde l’ignore (Cass. civ. 29 oct. 1974, Rev. crit. DIP, 1976 p.91) 30 De ces deux localisations, celle qui paraît la plus décisive et significative est le lieu d’exécution37. Les parties ont en effet surtout en vue l’exécution qui constitue la finalité de leur accord. Cependant, pour être pris en considération, le lieu d’exécution doit être déterminé ou déterminable. Or, cette détermination n’est pas toujours aisée surtout en matière de commerce électronique, problème que soulève également la détermination du lieu de conclusion du contrat, indice qui a une valeur subsidiaire surtout dans les contrats entre absents. Au Moyen Age, le lieu de conclusion du contrat était devenu le principe général de rattachement. La lex loci actus était bien adaptée aux mœurs de l’époque où les contrats étaient souvent conclus entre présents. Le rattachement à la loi du lieu de conclusion de l’accord, tant pour le fond que pour la forme, était encore largement répandu dans les législations au milieu du XIXème siècle. Alors qu’autrefois, le fond des actes et leur forme étaient soumis à la même loi, la lex loci actus, un clivage s’est peu à peu installé, éloignant les questions de fond de cette règle. Le lieu de conclusion du contrat a pratiquement été évincé des facteurs de rattachement pour ce qui concerne le fond des contrats mais il est encore utilisé en ce qui concerne la forme. « Le lieu de l’acte présente des avantages évidents de commodité. C’est au lieu où elles se trouvent que les parties peuvent le plus aisément se renseigner sur 37- B. AUDIT, Droit international privé, Economica, 3e éd. p.154 ; Y. LOUSSOUARN, P. BOUREL et P. de VAREILLES-SOMMIERES, Droit international privé, Dalloz, 8e éd. 2004, p.495 31 les formalités nécessaires […] »38. Une réflexion plus approfondie a amené à constater que la plupart des contrats usuels se définissent par la prestation d’une partie, qui caractérise l’opération par sa fonction économique, comme pour le transfert de propriété d’un objet dans la vente, tandis que l’autre prestation n’est que la rémunération en argent de la première. « Il apparaît alors raisonnable, […] de soumettre le contrat à la loi du lieu d’exécution de la prestation caractéristique du contrat »39. Ce principe de rattachement a été proposé notamment par la doctrine suisse, il a été adopté dans la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles. c- La convention de Rome du 19 juin 1980 A défaut de choix par les parties de la loi applicable, la détermination de celle-ci résulte d’une localisation purement objective, que la Convention effectue sur la base du principe de proximité ou des lien les plus étroits qu’entretient le contrat avec tel ou tel Etat. Pareil principe conduit le juge à rechercher le centre de gravité de l’opération en tenant compte de tous les facteurs de rattachement (par exemple, lieux de conclusion et d’exécution, nationalité et domicile des parties, teneur des lois en présence, objet du contrat). La localisation ne peut donc pas être déduite d’un critère unique. Or, ce système de localisation, qui 38- P. MAYER, V. HEUZE, Droit international privé, op.cit. p.509 39- B. AUDIT, Droit international privé, op. cit. p.154 32 s’apparente à celui de la proper law, soulève des difficultés. C’est la raison pour laquelle les rédacteurs de la Convention ont dû prolonger le principe général de proximité de deux séries de présomptions, de façon à guider le juge dans ses recherches : une présomption générale et des présomptions particulières. Formulée par l’article 4-2, la première énonce que « le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ». L’appréciation de l’élément caractéristique de la prestation est affaire de circonstances. La nature même du contrat permettra dans la plupart des cas de le caractériser. Dans la vente par exemple, c’est la prestation du vendeur qui servira de référence. Quant aux présomptions particulières de localisation, elles concernent, soit les contrats qui ont pour objet « un droit réel immobilier ou un droit d’utilisation d’un immeuble »40, pour lesquels la loi des liens les plus étroits est définie comme étant la lex rei sitae, soit le transport de marchandises où le lieu d’établissement principal du transporteur n’est retenu au titre de présomption que s’il coïncide avec « le lieu de chargement ou de déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur »41, cas qui ne font pas l’objet de notre étude. 40- article 4-3 de la convention de Rome 41- article 4-4 de la convention de Rome 33 Chapitre 2 : Le contrat de commerce électronique : un contrat à distance Lorsque le pollicitant et l’acceptant sont séparés par une certaine distance au moment de l’acceptation, cela n’empêche pas le contrat de se former ; dans ce cas le contrat est dit à distance. Dans son article 2, la directive européenne sur la protection des consommateurs en matière de contrats à distance définit ce contrat comme « tout contrat concernant des biens ou services conclu entre un fournisseur et un consommateur dans le cadre d’un système de vente ou de prestations de services à distance organisé par le fournisseur, qui, pour ce contrat, utilise exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat, y compris la conclusion du contrat elle-même ». Mais l’utilisation d’Internet, « technique de communication à distance », comme mode de transmission de la volonté que rend nécessaire l’éloignement des parties soulève une difficulté : en quel lieu le contrat se forme-t-il ? En réalité la question n’est pas nouvelle puisque la conclusion de contrats entre absents ou non-présents – terme que préfère employer certains auteurs afin d’éviter toute équivoque avec le terme « absent » ayant un sens juridique bien particulier42 – est chose fréquente à notre époque et le 42- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op.cit., p.184 34 problème a déjà été soulevé pour les contrats traditionnels43 conclus à distance, avec quelques spécificités qu’apporte Internet. Il est vrai que la territorialité a perdu beaucoup de son importance comme « facteur de rattachement » et a été progressivement éliminée par la jurisprudence sous la double influence d’un affinement de la règle de conflit de lois et des besoins du commerce international. En effet, des facteurs de rattachement autonomes, le lieu de conclusion et le lieu d’exécution on été réduits à des « indices », permettant de définir le centre de gravité du contrat. Bien que passablement délaissés en raison des difficultés liées à leur détermination, le lieu de conclusion et le lieu d’exécution du contrat n’en ont pas pour autant été complètement abandonnés. Comme le fait remarquer Alain Bensoussan, « la formation d’un contrat à distance soulève certaines questions principalement liées à la dématérialisation du processus contractuel »44. En effet, les parties n’étant pas physiquement présentes lors de la conclusion du contrat, vont se poser tous les problèmes que l’on évoque à chaque fois que l’on rencontre le contrat passé à distance. La spécificité des contrats électroniques par rapport aux contrats traditionnels passés à distance provient du support numérique sur lequel transite le contrat. Ainsi convient-il de distinguer entre les problèmes généraux des contrats conclus à distance et les problèmes dus à la numérisation du support. 43- Nous emploierons le terme « traditionnel » pour tout contrat conclu par voie nonélectronique afin de pouvoir le différencier de celui conclu électroniquement 44- A. BENSOUSSAN cité par Cyril Blaise, Le commerce électronique entre professionnels en réseau ouvert (Internet), p.30 35 Nous étudierons donc, dans une première section, les problèmes communs aux contrats entre absents, pour aborder dans une deuxième section les problèmes spécifiques aux contrats conclus sur Internet. Section 1 : Les problèmes communs aux contrats à distance Une première série de problèmes provient de la distance qui sépare les cocontractants au moment de la conclusion du contrat. Ainsi en est-il des questions de la détermination du moment et du lieu de conclusion du contrat. La détermination du moment et du lieu de conclusion du contrat est d’un intérêt pratique surtout en cas de litige. Le moment fixe la date du transfert de propriété et la charge des risques en cas de perte de la chose vendue. De plus, la question de la révocation de l’offre sera, elle aussi, directement liée à la date de l’acceptation. En effet, jusqu’à la conclusion du contrat, les parties ne sont pas liées. Partant, pollicitant et destinataire de l’offre peuvent jusqu’à cette date, l’un rétracter son offre, l’autre revenir sur son acceptation. De plus, la législation applicable au contrat est, en principe, celle en vigueur au moment où le contrat est conclu. D’où la nécessite, au cas où une nouvelle loi entrerait en vigueur entre le jour de l’émission de l’acceptation et celui de sa réception, de préciser la date de conclusion du contrat. Cette date fixera aussi le point de départ de certains délais, notamment les délais légaux de prescription ou les délais conventionnels d’exécution. 36 Au fait, la question de la formation du contrat entre absents a donné lieu à une controverse doctrinale, à laquelle les tribunaux devait prendre position. § 1- La controverse doctrinale La doctrine classique considère que la question du moment et celle du lieu de formation du contrat doivent logiquement recevoir la même réponse : l’événement qui rend le contrat parfait le localise dans le temps et dans l’espace. Deux grandes thèses s’affrontent. Certains considèrent que le contrat n’est véritablement formé qu’après que se soit opérée une véritable rencontre des volontés. L’acceptation doit avoir été portée à la connaissance du pollicitant ; c’est le système de la réception. D’autres estiment qu’il suffit de la coexistence des volontés : le contrat est formé dès l’acceptation de l’offre et au lieu de cette acceptation ; c’est le système de l’émission. a- Le système de la réception Dans sa version la plus exigeante, ce système alors dénommé de l’information, suppose une véritable rencontre des volontés. Tant qu’une des parties ignore l’acceptation de l’autre, le contrat n’est pas formé. Ce système repose sur le postulat que l’on ne peut admettre la naissance du lien obligatoire que lorsque le pollicitant a pris connaissance de la réponse affirmative et concordante de son correspondant, car nul ne peut être obligé sans le savoir. Mais si ce postulat est exact, ce qui est dit de l’offrant doit l’être également de l’acceptant : pour être lié, il doit savoir que son acceptation a été connue de l’offrant. Et ainsi de suite. A cela s’ajoute une 37 question de preuve assez délicate : comment démontrer que l’offrant a eu, en fait, connaissance de la réponse de l’acceptant ? D’où la nécessité d’un correctif qui facilite la mise en œuvre du système de la réception : le contrat est formé dès que l’acceptation parvient au pollicitant, celui-ci étant présumé en avoir pris immédiatement connaissance. b- Le système de l’émission Dans sa version la moins exigeante, le système de l’émission, alors dénommé de la déclaration, part du principe que le contrat existe dès que le destinataire de l’offre a pris la décision de l’accepter. Le contrat par correspondance serait conclu au moment et au lieu où l’acceptant signe sa lettre d’acceptation. Mais, en pratique, une telle analyse a l’inconvénient de laisser la formation du contrat à la merci du destinataire de l’offre. Celui-ci peut certes expédier sa lettre d’acceptation, mais il peut aussi en différer l’envoi ou même la détruire. Là encore, un correctif est indispensable : le contrat se forme au lieu et au moment où l’acceptant se dessaisit de son acceptation ; c’est le système dit de l’expédition. § 2- Les solutions du droit positif Le code civil français n’offre, en la matière aucune directive certaine. Deux textes, les articles 932 et 1985 règlent en effet la question dans des sens différents, le premier à propos du contrat de donation, le second à propos du contrat de mandat. S’agissant de la donation, le code pose que 38 c’est, non l’acceptation de la donation, mais sa notification au donateur qui donne naissance au contrat. Il retient donc le système de la réception. S’agissant du mandat, il prévoit que, l’acceptation de l’offre pouvant être tacite, le contrat est formé du jour où le mandataire a accompli le premier acte d’exécution, même si le mandant l’ignore. C’est alors le système de l’émission qui l’emporte. Confrontée à une telle situation, la Cour de cassation a longtemps décidé qu’on était en présence d’une question de fait dont la solution dépend des « circonstances de la cause »45, les cours d’appel appliquant dans chaque cas le système qui leur paraissait le plus équitable. Mais par un arrêt du 21 mars 193246, la chambre des requêtes de la Cour de cassation parut prête à énoncer une directive de principe susceptible de guider les juges du fond dans le cas où les parties n’auraient pas réglé la question de manière certaine. Elle prit, en effet, nettement position pour le système de l’émission en décidant que « la formation de la promesse est réalisée et le contrat rendu parfait par l’acceptation des propositions qui sont faites, dès l’instant où cette acceptation a lieu ». La doctrine s’est généralement employée à minimiser l’importance de cette décision. A cet effet, elle a souligné que l’arrêt n’était que de rejet, et qu’il avait été rendu dans un cas où il s’agissait de savoir quel était le tribunal compétent pour connaître d’un litige relatif à un contrat de travail conclu par correspondance. Sous-tendue par la volonté de favoriser l’employé en lui permettant de plaider devant le tribunal du lieu où il habite, la solution s’inscrirait dans une politique jurisprudentielle 45- Cass. com. 21 novembre 1966, JCP 1967.2.15012 46- Cass. req. 21 mars 1932, Gaz. Pal. 1933.1.1910 39 d’équité qui expliquerait les fluctuations ultérieures de la jurisprudence et ce jusqu’au 7 janvier 198147 date à laquelle la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est nettement prononcée en faveur du système de l’émission. Le principe semble donc fixé en jurisprudence. Cependant, la Cour de cassation confirme expressément la possibilité pour les parties de stipuler expressément des dispositions particulières pour définir elles-mêmes par une clause contractuelle le moment et le lieu de formation de leur contrat. Comme le souligne Léon Azancot, « on ne peut donc pas dire qu’une règle stricte soit imposée en la matière, la convention des parties pouvant toujours y déroger »48. En l’espèce, le problème posé était celui de savoir si un contrat s’était formé avant la date fixée pour la caducité automatique de l’offre. Une société ayant émis une offre assortie d’un délai de 30 jours, son destinataire avait expédié sa lettre d’acceptation sept jours avant la date d’expiration, mais il ne pouvait prouver que le pollicitant l’avait reçue dans le délai convenu. La Cour décide que, « faute de stipulation contraire », le contrat était destiné à devenir parfait, non par la réception de l’acceptation, mais par l’émission de cette acceptation. Ainsi, pour la Chambre commerciale, il n’y avait pas à se préoccuper du moment où l’acceptation était parvenue à l’auteur de l’offre, dès lors qu’il était établi qu’elle avait été émise dans le délai stipulé dans l’offre. Bien que cet arrêt paraisse s’imposer comme un 47- Cass. Com. 7 janvier 1981, RTD civ. 1981.849, obs F. Chabas 48- L. AZANCOT, Formation du contrat, Gaz. Pal. numéro spécial sur la vente par correspondance du 25 février 1993 40 arrêt de principe, ce dernier concernait spécifiquement un problème de caducité de l’offre. « Nous ne pouvons donc pas affirmer que la solution de l’émission s’appliquera systématiquement à la détermination du moment et du lieu de la formation du contrat à distance »49. Entrée en vigueur depuis le 1er janvier 1988, la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises consacre, en principe le système de la réception. Aux termes de son article 18-2, « l’acceptation d’une offre prend effet au moment où l’indication d’acquiescement parvient à l’auteur de l’offre ». Cette directive est néanmoins écartée lorsqu’il s’agit de déterminer le moment où l’offre ne peut plus être rétractée. Aux termes de l’article 16, « l’offre peut être révoquée si la révocation parvient au destinataire avant que celui-ci ait expédié une acceptation ». L’on remarque aussi que c’est la théorie de la réception qui reçoit le plus souvent les faveurs du commerce international. Elle a d’ailleurs été proposée aussi bien par l’article 11-1 de la Directive du 8 juin 2000 que par l’article 15 de la loi-type de la CNUDCI. Une nuance devra être apportée, car c’est la théorie de l’information qui l’emportera lorsque l’expéditeur se trompe dans la désignation du système d’information qu’il aurait prévu pour la réception de l’acceptation. 49- L. THOUMYRE, L’échange des consentements dans le commerce électronique, p.27 disponible sur le site http://www.juriscom.net/ ; voir également V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique, Bruylant-Delta, 2e éd. p.130 41 Section 2 : Les spécificités apportées par Internet Le rattachement d’un contrat à la loi d’un pays déterminé résulte généralement de l’application d’un critère géographique. Ainsi les contrats sont le plus souvent soumis à la loi du lieu de résidence des parties ou de leur siège social, à celle du lieu où il a été conclu, ou à celle du lieu de son exécution. Parmi ces trois critères, le lieu de domicile des parties est le seul qui ne pose pas de problèmes spécifiques pour les contrats conclus à distance, et notamment pour ceux conclus sur Internet. On comprend donc que ce critère soit couramment retenu pour déterminer la loi applicable à un contrat lorsque aucune manifestation expresse ou tacite de volonté des parties n’est décelable50. Toutefois, ce critère ne renvoie pas toujours à la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits. Le lieu d’exécution du contrat ou celui de sa conclusion constituent souvent des points de rattachement plus décisifs. Mais leur application à un contrat conclu par Internet présente des difficultés. En effet, de nombreux contrats sont à la fois conclus et exécutés en ligne. Cette dématérialisation totale du processus contractuel va soulever un vrai problème ; dans ce cas il semble difficile de parler de livraison. Où doit-on situer le lieu de conclusion du contrat électronique ? Où doit-on situer le lieu de livraison du bien immatériel vendu en ligne ? 50- article 4-2 de la Convention de Rome 42 Nous étudierons alors l’application de ces critères de rattachement au contrat électronique afin de pouvoir le localiser et, par la suite, déterminer la loi qui aura vocation à s’y appliquer. § 1- Le lieu de conclusion du contrat Bien que passablement délaissé en raison des difficultés liées à sa détermination, le lieu de conclusion du contrat n’en a pas pour autant été complètement abandonné. Pour les relations cyberspatiales, il sera nécessaire d’y recourir pour déterminer la loi applicable à la forme du contrat ou, dans certaines situations, celle régissant son fond. En effet, le droit français et la Convention de Rome du 19 juin 1980 retiennent que la loi du lieu de conclusion est en concours alternatif égalitaire avec la loi d’autonomie en ce qui concerne les conditions de forme des actes51, et cette même Convention admet l’application de la loi du lieu de conclusion du contrat pour les conditions de fond sur le consentement, l’objet et la cause du contrat52. Par ailleurs, lors de la recherche du centre de gravité du contrat, le juge peut toujours tenir compte du lieu de conclusion du contrat comme facteur de rattachement. Le problème du lieu de conclusion du contrat électronique est plus large que celui posé par la seule réception de l’acceptation. La localisation de l’offre, ou, pour reprendre les termes de la Convention de Rome, de la proposition, soulève des questions identiques. Comment ces offres ou 51- article 9-1 de la Convention de Rome 52- article 8 de la Convention de Rome 43 acceptations peuvent-elles être localisées en termes géographiques ? « D’aucune façon »53 selon certains auteurs. Pour eux, même en acceptant de se servir de repères terrestres, il n’y a pas un lieu mais plusieurs qui interviennent : « dans le commerce électronique, il est difficile de dire que la conclusion d’un contrat se situe dans un lieu particulier : elle est initiée à partir d’un terminal, et traitée dans un ordinateur qui la reçoit, pour être éventuellement acheminée vers son destinataire, le tout dans des lieux généralement différents »54. Ainsi, lorsqu’un client fait parvenir son acceptation par courrier électronique, il est difficile d’établir où elle se trouve puisqu’elle n’est pas déposée dans l’ordinateur de l’interlocuteur mais plutôt à l’adresse numérique du serveur qui abrite le compte de l’utilisateur destinataire. § 2- Le lieu d’exécution des obligations Ce facteur est repris par certains textes applicables aux relations cyberspatiales. Ainsi, en vertu de l’article 5-1 du règlement européen no44/2001 « une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre […] en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ». Plusieurs variantes de l’article 6 du projet de la Convention 53- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op.cit., p.464 54- J. HUET, Aspects juridiques du commerce électronique : approche internationale, Les Petites Affiches, 26 septembre 1997, No116, p.14 44 de La Haye font également référence à l’exécution des obligations. C’est ici que la distinction entre biens matériels et biens non tangibles révèle son utilité. En effet, l’exécution du contrat en dehors des réseaux ne pose pas de véritable problème. Ce contrat, bien qu’il ait été conclu en ligne, il renvoie aux règles ordinaires de localisation du lieu d’exécution. Ainsi, en cas de vente en ligne d’un bien matériel, le lieu de l’exécution sera généralement celui où le bien commandé devra être livré. En revanche, l’exécution du contrat en ligne pose un vrai problème de détermination du lieu de l’exécution. En effet, dans toutes les hypothèses de mise à disposition d’informations ou de biens informationnels, tels que des logiciels, comment peut-on situer le lieu de livraison du bien immatériel ? Si on prend l’exemple du téléchargement d’un logiciel depuis un site Internet, « le lieu d’exécution de la prestation pourra être celui où se trouve le serveur du site marchand sur lequel la transaction a été conclue, le lieu d’hébergement du serveur depuis lequel le logiciel est téléchargé, ou le lieu où se trouve l’ordinateur à destination duquel le logiciel est téléchargé »55. Les précisions apportées par le Règlement européen ne sont pas d’une grande aide dans ce genre de situation. Ce règlement stipule dans son article 5-1-b « aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est : 55- S. COUTELLIER, L. DURINDEL, La loi applicable aux contrats conclus sur Internet, p.5 disponible sur le lien suivant : http://www.univ- orleans.fr/ASSO/DESS_DICOM/memoire/loi-contrats-internet.pdf 45 - pour la vente de marchandises, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées - pour la fourniture de services, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis » En fait, la détermination du lieu d’exécution des obligations en ligne présente exactement les mêmes difficultés que celui du lieu de conclusion du contrat puisqu’il s’agit, dans les deux cas, de transmission de données numériques. En effet, cherchant à proposer des facteurs de rattachement juridictionnel pour les opérations effectuées sur Internet, la Commission spéciale sur les affaires générales et la politique de la Conférence de La Haye « a reconnu qu’il convenait de séparer d’une part les contrats conclus électroniquement, en ligne, mais exécutés hors ligne en tout ou en partie, et ceux qui, conclus en ligne, sont également exécutés intégralement en ligne. Pour les premiers, les règles traditionnelles de compétence juridictionnelle qui se fondent sur le lieu d’exécution du contrat ou d’une activité territoriale générée par l’exécution du contrat demeurent pertinentes et efficaces alors même que le contrat aura été négocié ou conclu en ligne. En revanche, pour les contrats intégralement exécutés en ligne, ni le lieu de conclusion, ni le lieu d’exécution, ni le lieu de l’activité ne sont opérants. Toutefois, la Commission n’a proposé aucun critère de compétence alternatif »56. 56- Conférence de La Haye de droit international privé, « Les échanges de données informatisées, Internet et commerce électronique », document préliminaire no7 d’avril 2000 sur les affaires générales et la politique de la Conférence établi par Catherine Kessedjian http://hcch.e-vision.nl/upload/wop/gen_pd7f.pdf 46 Pour les contrats dont l’obligation de livraison doit s’exécuter partiellement sous forme tangible, partiellement sous forme immatérielle, on peut certes y apporter des solutions, comme par exemple par l’application de la théorie de l’accessoire, à condition de parvenir à distinguer le principal de l’accessoire. Dans un cas pareil, « la solution pourrait reposer sur une fiction établissant que pour ce type d’exécution, la ‘terrienne’ l’emporte sur la ‘cyberspatiale’ »57. En outre, la Commission indique clairement qu’en fonction du mode d’exécution, les contrats doivent recevoir un traitement juridique différent. Un auteur s’est demandé « si l’on suit cette théorie, quelle règle appliquer lorsqu’un même produit peut être livré soit par voie terrestre soit par voie numérique, comme cela peut facilement s’envisager pour la vente d’un livre ? N’y aurait-il pas de risque, selon le régime juridique qui l’avantage, que l’une des parties, quelle que soit la volonté de son cocontractant, impose une forme de livraison ? De plus, on peut imaginer des situations totalement indépendantes de la volonté des parties […] où la livraison devra se faire sous une forme ou sous une autre, déclenchant alors de façon aléatoire l’application de règles différentes. N’y aurait-il pas incohérence pour une opération qui, fondamentalement, est toujours la même ? […] n’est-ce pas exposer les cocontractants à une insécurité juridique inacceptable ? »58. 57- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op.cit., p.468 58- Ibid 47 Parmi les difficultés engendrées par le rattachement au lieu d’exécution, Olivier Cachard mentionne que « le contrat à exécution successive pourrait […] être exécuté successivement, en plusieurs endroits »59, comme pour l’accès à une base de données en ligne qui se fait sur présentation d’un identifiant et d’un mot de passe, ce qui permet à l’abonné de se connecter à cette base de données depuis tout poste relié au réseau. La Cour de justice des Communautés européennes a rendu en février 200260 une décision qui a trait à la compétence du tribunal fondée sur le lieu d’exécution de l’obligation. Même si l’affaire ne concernait pas le commerce électronique, il est possible que la décision de la Cour ait des conséquences majeures en la matière. Le litige opposait une société belge à des sociétés allemandes et la première réclamait aux secondes des « dommages et intérêts […] en réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi à la suite du nonrespect par celles-ci d’une clause d’exclusivité dans le cadre d’un contrat portant sur un marché public »61. Le tribunal de commerce de Bruxelles s’était déclaré compétent parce que « l’obligation litigieuse, à savoir l’engagement d’exclusivité, devait être exécutée en Belgique en tant que corollaire à l’élaboration de l’offre commune »62. 59- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. p.145 60- CJCE, 19 février 2002, aff. C-256/00, Besix, http://curia.eu.int/jurisp/cgibin/gettext.pl?lang=fr&num=79979780C19000256&doc=T&ouvert=T&seance= ARRET&where=() 61- Ibid §2 62- Ibid §12 48 La question qui a été posée à la Cour de justice reposait essentiellement sur le fait que l’obligation litigieuse était susceptible d’exécution en plusieurs lieux et non uniquement en un seul : « l’article 5, point 1 de la convention [de Bruxelles] […] doit-il être interprété en ce sens que le défendeur domicilié sur le territoire d’un Etat contractant peut être attrait, en matière contractuelle, dans un autre Etat contractant devant le tribunal de l’un quelconque des lieux où l’obligation a été ou doit être exécutée, en particulier lorsque, consistant en une obligation de ne pas faire – telle que, comme en l’espèce, un engagement d’agir exclusivement avec un cocontractant en vue de la remise d’une offre conjointe dans le cadre d’un marché public et de ne pas se lier avec un autre partenaire –, cette obligation doit être exécutée en quelque lieu que ce soit de par le monde ? Dans la négative, ledit défendeur peut-il être attrait précisément devant le tribunal de l’un des lieux où l’obligation a été ou doit être exécutée et, en ce cas, selon quel critère ce lieu doit-il être déterminé ? »63. Lorsque plusieurs lieux d’exécution sont possibles, il est difficile d’en trouver un qui soit plus significatif que les autres et qui donnerai ainsi compétence au tribunal de ce lieu. C’est pourquoi la Cour de justice a conclu que l’article 5 de la Convention de Bruxelles était inapplicable dans de tels cas64. Patrick Thieffry commente cette décision en observant que « l’analyse de la Cour est transposable à l’Internet, au point de paraître avoir été conçue en vue de futures applications à ce domaine nouveau »65. 63- Ibid §21 64- Ibid §50 65- P. THIEFFRY, Inapplicabilité de l’article 5§1 de la Convention de Bruxelles en 49 Aujourd’hui, sous l’empire de la Convention de Rome, le juge est invité à designer la loi qui présente les liens les plus étroits avec le contrat, à la lumière du principe de proximité. « La présomption établie en faveur de la loi du lieu du débiteur de la prestation caractéristique marque l’abandon de la recherche d’une localisation du contrat lui-même »66. Plusieurs éléments concourent à déterminer le centre de gravité du contrat qui reflète les liens les plus étroits que ce dernier entretient avec un ordre juridique donné. Or, comme nous venons de voir, certains de ces éléments sont d’une utilisation inappropriée « du fait de la dématérialisation de l’objet du contrat »67, comme le lieu de conclusion du contrat ou celui de son exécution, lorsqu’elle a lieu en ligne. § 3- Le lieu d’établissement des parties L’examen des différentes règles de conflit en vigueur en matière contractuelle révèle que la détermination de la loi applicable au contrat repose souvent sur la localisation de l’établissement de l’une des parties. Puisque le commerce électronique est le fait d’opérateurs établis sur des territoires étatiques, le droit positif paraît alors adapté à la distance et à la dématérialisation. En revanche, des difficultés ponctuelles subsistent parfois. On peut d’abord évoquer l’ignorance dans laquelle se trouve le cybernaute cas de multiplicité de lieux d’exécution, disponible sur le lien suivant : http://www.thieffry.com/articles/multiplicite.htm 66- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. p.147 67- Ibid 50 quant à la localisation de l’établissement ou la résidence de son interlocuteur68. En effet, l’acheteur peut ne pas savoir du tout ni avoir les moyens de savoir de quel pays relève le vendeur, où est situé son établissement. Quant à celui-là, sa situation est la même. Si le contrat porte sur un bien tangible, même si la livraison ne s’effectue pas à la résidence ou à l’établissement, elle peut cependant éventuellement fournir quelques indices alors que si le contrat porte sur un produit immatériel, le problème reste entier. Les auteurs, dans le cadre des instances internationales mènent une réflexion afin de trouver des solutions. Un courant, regroupant essentiellement les défenseurs de la thèse du cyberespace, qui assimile le cyberespace à un espace extra territorial, a proposé d’assimiler les TLD (Top Level Domain)69 géographiques nationaux aux territoires des Etats. Un site web enregistré sous un nom de domaine en .fr serait à lui seul un établissement situé en France. L’attribution d’un nom de domaine dans la zone .fr est subordonnée par l’AFNIC (Association Française pour le Nommage Internet en Coopération) pour les personnes morales « dont le siège social est en France [ou] qui disposent d’une adresse en France figurant expressément au sein des bases de données électroniques publiques des greffes des tribunaux de commerce ou de l’Institut national de la 68- C. FROMENT, La loi applicable aux contrats du commerce électronique, p.12 http://www.juriscom.net/ 69- Le Top Level Domain, désigne l’extension géographique (.fr, .de, uk, etc.) ou générique (.com, .org, etc) d’un nom de domaine 51 statistique et des études économiques (INSEE) »70. L’existence d’un établissement responsable de l’exploitation du site en France étant ainsi contrôlée par l’AFNIC, « on pourrait valablement considérer que le site constitue vis-à-vis des tiers, en particulier les utilisateurs du site, un établissement situé en France »71. Cette solution n’est pas à l’abri des critiques. En effet, elle ne résoudrait que partiellement les difficultés puisqu’elle ne vise que les extensions .fr pour la France, .es pour l’Espagne, .lb pour le Liban etc., et exclu de nombreux sites exploités sous une extension générique, en particulier les .com. Ajoutons aussi qu’un site « est trop éphémère pour constituer un établissement stable »72. En effet, un site web étant une combinaison de logiciels et de données électroniques, constitue une entité dématérialisée non localisable et peut être hébergé chez un prestataire tiers sans considération de frontières et ne peut donc constituer un établissement stable. Cette difficulté de détermination du lieu d’établissement ou de résidence participe à l’insécurité des acteurs. Pour atténuer ce problème, il est nécessaire de recourir à des solutions concrètes, « il s’agit d’une exigence déduite des principes de sécurité juridique et de loyauté dans le commerce 70- Article 4 de la charte de nommage de l’AFNIC http://www.afnic.fr/data/chartes/charte310304_V4.pdf 71- C. FROMENT, La loi applicable aux contrats du commerce électronique, op.cit.,p.13 72- Ibid. 52 international »73. C’est ainsi que la directive européenne sur le commerce électronique impose au prestataire une liste minimale d’informations générales à fournir et dont l’« accès [soit] facile, direct et permanent, pour les destinataires du service [parmi elles] l’adresse géographique à laquelle le prestataire de service est établi »74. Le projet de loi française sur la société de l’information a repris ces exigences dans son article 20 qui oblige tout professionnel à indiquer l’adresse où il est établi et ce par un accès facile « par exemple, une icône ou un logo ayant un lien hypertexte vers une page contenant ces informations et visible sur l’ensemble des pages du site »75. L’obligation de divulguer son adresse de résidence ou d’établissement fait également partie des lignes directrices de l’OCDE76. Le problème de la localisation des parties a également été abordé par la Conférence de La Haye de droit international privé dont « les discussions […] ont mis en évidence l’inconvénient qui découle d’un système qui repose avant tout sur les déclarations des parties et les abus potentiels auxquels il 73- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. p.151 74- Article 5 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 (« Directive sur le commerce électronique ») 75- Projet de loi sur la société de l’information – Exposé des motifs http://www.droittechnologie.org/legislations/Projet_LSI_expose_des_motifs_130601.pdf 76- Conseil de l’OCDE, Recommandation du Conseil relative aux lignes directrices régissant la protection des consommateurs dans le contexte du commerce électronique, http://www.oecd.org/ 53 peut donner lieu. On peut en effet imaginer que l’une des parties au contrat choisisse de déclarer être située sur le territoire d’un Etat donné uniquement dans le but de donner compétence à ces tribunaux en raison d’éléments complètement étrangers au contrat lui-même tel, par exemple, que les méthodes de fonctionnement de ces tribunaux, les règles de procédure qu’ils appliquent ou encore les règles de preuve ou de conflit de lois dont ces juridictions font usage. […] Il appartient au cocontractant d’être vigilant et, au besoin, de vérifier que les informations données par son cocontractant correspondent à une certaine réalité »77. Ces risques d’abus de la part des vendeurs, selon Sylvette Guillemard, sont limités puisqu’ils ont tout intérêt à conserver leurs clients, et il suffirait qu’une faille quelconque se produise de la part de l’interlocuteur commerçant pour que ces derniers « lui tournent le dos »78. Ajoutons que l’obligation de divulgation impose non seulement au prestataire de services de s’identifier, mais aussi de donner à l’internaute les moyens de vérifier la véracité des informations divulguées. Cette règle revêt en Europe les caractères d’une règle impérative et si elle n’est pas jusqu’alors universelle, elle semble bien se répandre. 77- Conférence de La Haye de droit international privé, « Commerce électronique et compétence juridictionnelle internationale », document préliminaire no12 août 2000 établi par Catherine Kessedjian, http://www.hcch.net/upload/wop/jdgmdp12.pdf 78- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op.cit., p.476 54 2ème partie : L’impact de la présence d’un consommateur sur la loi applicable au contrat de commerce électronique Les auteurs divisent les activités commerciales passées sur Internet en deux grands plans, reproduisant ainsi les classifications du monde traditionnel. Il y aura d’un côté les opérations commerciales entre commerçants, entre professionnels ou « B to B », et d’un autre côté celles entre commerçants et non professionnels ou « B to C ». Bien que le commerce électronique « B to B » soit d’une importance économique plus considérable que le « B to C », ce dernier constitue une manne pour les commerçants puisque le bassin de clients potentiels est immense. En effet, aucun commerçant, aucune entreprise quelle que soit sa taille, n’aurait les moyens, qu’ils soient matériels ou financiers, d’atteindre autant de personnes. Côté consommateur, le commerce en ligne présente plusieurs avantages. Il reste chez lui et évite la cohue des centres commerciaux, ayant tout facilement à portée de la main à n’importe quel moment. Il peut acheter à peu près n’importe quel bien ou service, assis confortablement, en se contentant de cliquer. Comme tout contrat de consommation, le contrat électronique « B to C » est soumis à des règles visant à protéger la partie faible du contrat, en l’occurrence le consommateur. Nous étudierons alors dans un premier chapitre le contrat « B to C » et, dans un deuxième, le régime dérogatoire 55 applicable à ce contrat en matière de la détermination du droit ayant vocation à le régir. 56 Chapitre 1er : Le contrat « B to C » Lors de la conclusion du contrat, la détermination du cocontractant pose le problème de la détermination de sa catégorie. En effet, les règles régissant le commerce diffèrent selon que les relations commerciales ont lieu entre deux professionnels ou entre un professionnel et un consommateur. Sur Internet, ce problème se cumule au certain anonymat existant dans les relations. En effet, qui peut dire qu’il a à faire à un consommateur ou à un professionnel, et que ce professionnel agit dans le cadre de son activité professionnelle ? A moins de les demander précisément et de les authentifier, ce qui ralentit et complique considérablement le processus de formation du contrat, ces renseignements sont difficiles à obtenir. Cependant la distinction est extrêmement importante puisqu’elle conditionne la loi applicable au contrat, tant sur le plan national que sur le plan international. L’enjeu est de taille lorsque l’on sait que le bénéfice de la protection légale dépend de la qualité de consommateur79, il est donc important de cerner la notion de consommateur. Nous étudierons alors dans une première section la notion de consommateur, et dans une deuxième, les règles régissant la conclusion du 79- D. BOSCO, Le droit de rétractation – d’un aspect des rapports du droit de la consommation et du droit commun des contrats, p. 32 disponible sur le lien suivant : www.glose.org/mem014-rtf.rtf 57 contrat de consommation sur Internet. Section 1 : La notion de consommateur Si les relations contractuelles entre des marchands, des commerçants et de simples individus ont toujours existé, la constatation de l’inégalité des forces et la prise en compte de ce déséquilibre ont commencé à retenir l’attention des juristes et de certains législateurs dans le monde occidental à la fin de la seconde guerre mondiale80. Depuis cette époque, s’est forgée peu à peu une matière nouvelle qu’il est convenu d’appeler le droit de la consommation. Selon les ordres juridiques et les époques, il est constitué soit de textes à portée limitée81 soit dans des textes de portée générale comme, en France, le code de la consommation. Au niveau européen, la protection du consommateur fait l’objet de plusieurs directives, que Jean Calais-Auloy et Frank Steinmetz classent sous quatre rubriques : protection de la santé et de la sécurité, protection des intérêts économiques, réparation des dommages subis par les consommateurs et information des consommateurs. 80- Jean Calais-Auloy et Frank Steinmetz font remonter les premières mesures visant à protéger les acheteurs à la naissance du code Napoléon, avec les articles 1641 à 1648 sur la garantie des vices cachés, héritée du droit romain. Toutefois, comme le remarque Sylvette Guillemard, c’est à partir de 1970 qu’on assiste à l’explosion des textes consuméristes 81- comme par exemple, en France, la loi du 22 juillet 1982 sur le bail d’habitation ou celle du 6 juillet 1990 sur l’hébergement des personnes âgées 58 La distinction entre droit de la consommation et droit commun, ou éventuellement droit commercial, repose en partie sur la qualité de l’un des cocontractants qui donne une teinte particulière à la relation qu’il entretient avec son vis-à-vis. Le droit de la consommation repose sur « la constatation très simple que les consommateurs, pris individuellement, n’ont ni la force économique ni les connaissances leur permettant de négocier sur le plan contractuel d’égal à égal avec les fournisseurs de biens et de services, surtout dans les secteurs des biens et des services essentiels »82, il cherche donc à équilibrer les relations entre professionnels et consommateurs. Paradoxalement, les notions de professionnel et de consommateur ne sont pas définies par le code français de la consommation. La définition de ces deux notions relève, en France, de la doctrine et de la jurisprudence. Le consommateur peut être identifié soit par des critères subjectifs, s’intéressant aux caractéristiques de la personne, soit par des critères objectifs, se rattachant à la destination du contrat. § 1- Le critère subjectif Le droit met dos à dos deux types de personnes, deux sujets, qui ont un besoin réciproque l’un de l’autre, le consommateur et le commerçant ou professionnel. 82- C. MASSE cité par S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op.cit., p.388 59 a- Le professionnel Le professionnel peut être défini comme étant « la personne physique ou morale qui agit dans le cadre d’une activité habituelle et organisée de production, de distribution ou de prestation de service »83. Deux critères sont essentiels : que l’activité soit réalisée dans un but de profit et qu’elle représente une certaine permanence, qu’elle s’exerce de façon habituelle plutôt qu’occasionnelle. b- Le consommateur Si la définition du professionnel ne pose pas de problèmes, ce n’est pas le cas pour le consommateur. De façon générale, d’après le Vocabulaire juridique, est un consommateur « celui que protège le droit de la consommation »84. Il s’agit d’une personne, un non professionnel (critère subjectif), qui se procure, auprès d’un professionnel, des biens ou des services pour ses besoins personnels (critère objectif)85. Pour Jean CalaisAuloy et Frank Steinmetz, si, dans la majorité des cas, le consommateur est une personne physique, « cependant, il peut arriver que certaines personnes morale de droit privé, ayant une activité non-professionnelle, prennent la qualité d’un consommateur »86. 83- J. CALAIS-AULOY, F. STEINMETZ, Droit de la consommation, Dalloz, 5e éd, 2000, p.4 84- G. CORNU, Vocabulaire juridique, Puf, Delta, 5e éd. p.193 85- S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op.cit., p.391 60 La jurisprudence a eu l’occasion de considérer un parti politique comme un consommateur87. De même, la Cour de cassation a accordé la protection de la loi sur les consommateurs à une société d’agent immobilier88. En revanche, la directive européenne sur les clauses abusives semble exclure de la définition les personnes morales : est « “consommateur” : toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle »89. La précision n’a pas été reprise par la loi de transposition du 1er février 1995 qui parle simplement du « nonprofessionnel ou consommateur », s’inscrivant ainsi dans la lignée de l’arrêt de la Cour de cassation. § 2- Le critère objectif Alors que l’analyse subjective repose sur les qualités des contractants, le point de vue objectif s’intéresse à la destination du contrat. Le droit européen prend en compte cet élément puisque le contrat de consommation est celui qui vise à satisfaire un besoin autre que professionnel, pour reprendre les termes des directives européennes90. 86- J. CALAIS-AULOY, F. STEINMETZ, Droit de la consommation, op.cit. p.7-8 87- CA Paris, 5 juillet 1991, JCP E 1991 p7 88- Cass civ, 28 mai 1987, D. 1987 p. 455 89- Article 2-b 90- Directive relative aux clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs article 2-b et directive concernant consommateurs en matière de contrats à distance article 2-2 61 la protection des En conséquence, est consommateur la personne qui se procure un bien pour satisfaire un tel besoin. Ainsi, le but de l’acquisition du bien est pour certains « le critère essentiel »91. Le consommateur se définit par opposition au professionnel : est consommateur celui qui se procure ou qui utilise pour un usage non-professionnel. En revanche, faire du but de l’acte le critère de la qualité de consommateur peut soulever des difficultés. En effet, le but de l’acte n’est pas toujours apparent. Un professionnel qui ignore en contractant la qualité de consommateur de l’autre partie sera-t-il malgré cela toujours soumis aux règles du droit de la consommation ? Cette question n’a pas jusque là suscité de jurisprudence. Jean Calais-Auloy et Frank Steinmetz répondent par l’affirmative. Selon eux, « s’il l’on veut que les règles protectrices restent efficaces, il faut éviter que le professionnel puisse trop facilement invoquer son ignorance »92. Il peut également arriver qu’une personne se procure un bien ou un service pour un usage mixte, à la fois professionnel et non-professionnel ; un agent immobilier, par exemple achète une voiture qui lui servira non seulement pour ses tournées professionnelles, mais aussi pour transporter sa famille. Il y a fort peu de jurisprudence sur de tels cas. Pour éviter les incertitudes, Gilles Paisant propose de refuser la qualité de consommateur à celui qui agit, même pour partie, pour les besoins de sa profession93. 91- J. CALAIS-AULOY, F. STEINMETZ, Droit de la consommation, op. cit. p.8 92- Ibid, p.9 62 Une autre situation peut se poser, celle d’une personne qui contracte pour l’utilité de son commerce, mais non pour ce qui fait l’objet même de son commerce. La jurisprudence, ici, est abondante. En effet, les tribunaux français ont eu à se prononcer sur le cas d’un commerçant qui avait fait installer un système d’alarme dans sa boutique. Dans cette affaire, un agent immobilier avait signé avec la société d’installation du système d’alarme un contrat contenant une clause attribuant à celle-ci une obligation de moyens et non de résultat. À l’occasion d’un problème lié au système, l’argument a porté sur le contenu du contrat, sur la clause relative à l’obligation de l’installateur. Si en matière de système d’alarme, l’agent immobilier était certainement profane, on ne peut en dire autant dans le domaine contractuel. Pourtant, pour les juges d’appel, « l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d’alarme et [Pigranel], relativement au contenu du contrat en cause était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur »94. La Cour de cassation a tenu le même raisonnement à propos d’un agriculteur qui s’était rendu acquéreur d’un extincteur à la suite d’un démarchage à domicile, en considérant qu’en la matière, l’agriculteur était dans le même état d’ignorance que n’importe quel consommateur. L’extincteur n’entrait pas dans le cadre de son activité, « activité qui lui 93- G. PAISANT, Essai sur la notion de consommateur en droit positif, JCP G, 1993.I.3655 94- Cass. Civ 1ère Ch., 28 avril 1987, D. 1987.455 63 donnerait les compétences pour apprécier l’opportunité de cet achat, comme il pouvait le faire pour des achats de semence, d’engrais ou de matériel agricole; […] un agriculteur avait droit à la même protection qu’un particulier pour toute offre à lui faire sortant du cadre spécifique de son activité »95. Mais depuis 1995, la Cour de cassation n’attribue pas la qualité de consommateur à celui qui conclut un contrat présentant un « rapport direct » avec son activité professionnelle. En effet, selon la Cour de cassation, « est un consommateur celui qui contracte hors de sa sphère habituelle d’activité et de sa spécialité »96. Ce qui signifie a contrario, que les règles du droit de la consommation s’appliquent lorsque le contrat n’a qu’un rapport indirect avec la profession. La doctrine, quant à elle, se partage. Pour certains auteurs, il faut étendre la notion de consommateur et considérer comme tel le professionnel qui agit en dehors de sa spécialité professionnelle97. Pour d’autres, partisans d’une conception stricte du consommateur, celui qui agit dans un but professionnel ne peut jamais être qualifié consommateur98. 95- Cass. Civ. 1ère Ch., 6 janvier 1993, D. 1993.237 96- Cass. Civ, 1ère Ch., 24 janvier 1995, D. 1995.J.228 97- J. MESTRE, obs. à la RTD civ. 1987.537 98- G. PAISANT, note au JCP 1996.II.22747 64 Section 2 : La conclusion du contrat Comme tout contrat de consommation, le contrat « B to C » est soumis aux dispositions protectrices du consommateur notamment celles régissant la publicité et l’offre en ligne99, et l’acceptation de cette offre. Nous étudierons alors la formation du contrat de consommation en ligne en abordant tout d’abord la présentation du produit ou du service pour arriver enfin à la phase finale, à savoir le consentement du consommateur. §1- La présentation du produit ou du service La présentation en ligne, par le cybervendeur, d’un produit ou d’un service peut revêtir la forme d’une publicité ou d’une offre. a- La publicité Avant d’étudier la réglementation de la publicité en ligne, il nous semble opportun d’étudier la définition de la publicité et ses différentes formes. 99- S. DUSOLLIER, Y. POULLET, Vers une politique européenne en faveur du commerce électronique ?, p.5 disponible sur http://www.droit.fundp.ac.be/textes/ecomm-article.PDF 65 le lien suivant : 1. Définition Au niveau communautaire, la directive relative à la publicité trompeuse et à la publicité comparative définit la publicité comme « toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations »100. Ce texte, ne s’attachant pas au support utilisé, a une portée générale et s’applique donc à la publicité sur Internet. En France, la loi ne fournit aucune définition générale de la publicité. Les contours de ce concept ne se dessinent qu’indirectement, dans le cadre des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation et de quelques dispositions spécifiques. L’article L. 121-1 interdit, sans la définir, toute publicité « comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs » des éléments énumérés par ledit article. Confrontée à ce flou législatif, la jurisprudence a fait œuvre utile ; il est aujourd’hui acquis que « constitue une publicité, tout moyen d’information destiné à permettre à un client potentiel de se faire une opinion sur les résultats qui peuvent être attendus du bien ou du service qui lui est proposé »101 « ainsi que sur les caractéristiques des biens ou des services proposés »102. 100- article 2-1 66 Le conseil d’Etat a également tenté de circonscrire cette importante notion dans son rapport sur « Internet et les réseaux numériques »103. Il distingue deux critères essentiels dans la démarche de qualification : d’une part le message doit avoir pour finalité d’assurer une promotion, et, d’autre part, il doit être adressé au public104. Etrangement, le législateur français n’a pas jugé utile de consacrer une définition légale de la publicité à l’occasion de l’adoption de la LEN. L’article 20 de la LEN fait seulement référence à la publicité « accessible par un service de communication au public en ligne ». 2. Les différentes formes de publicité sur Internet Il est possible d’identifier – sans que cette liste soit exhaustive compte tenu de l’évolution des techniques et des pratiques – plusieurs formes de publicité sur Internet105 : 101- Cass. Cirm, 12 novembre 1986, Bull. crim. no 334 102- Cass. Crim. 14 octobre 1998 D. 1999 inf. rap. p.7 103- Rapport public du CE du 2 juillet 1998, op.cit. 104- C. FÉRAL-SCHUHL, Cyberdroit le droit à l’épreuve de l’internet, Dalloz, Dunod, 2e éd. 2000, p.237 105- T. VERBIEST, La protection juridique du cyber-consommateur, Litec, 2002, p.10 67 – les bandeaux publicitaires qui sont affichés généralement en haut ou en bas de l’écran. En cliquant sur le bandeau, l’utilisateur peut obtenir des informations complémentaires de caractère promotionnel ou accéder à un forum de discussion qui pourra avoir, le cas échéant, un caractère publicitaire ; – les messages interstitiels : il s’agit de messages publicitaires qui s’affichent très brièvement en plein écran entre les pages de présentation d’un site ; – le courrier électronique : la messagerie électronique permet d’adresser à une personne ou à une liste de personnes des messages. Lorsqu’ils ne sont pas personnalisés et ne présentent donc pas le caractère d’une correspondance privée, les messages électroniques peuvent présenter le caractère d’une publicité. En revanche, ne relèverait pas d’une telle qualification l’envoi à un destinataire unique d’un courrier, même s’il revêt un caractère promotionnel ; – les forums de discussion : ce sont des espaces de discussion thématiques fonctionnant en différé, qui mettent en relation des utilisateurs partageant les mêmes centres d’intérêt. En pratique, l’internaute sélectionne préalablement des forums et reçoit des messages adressés par des membres du groupe (il peut aussi en envoyer). Si le groupe est à diffusion large, il y aura indéniablement message public et donc, le cas échéant, publicité si ce message a un objet promotionnel ; – les sites Web : un site Web constitue sans doute la forme la plus développée de publicité à ce jour sur Internet. Un tel site permet de créer une véritable vitrine virtuelle présentée dans le monde entier, identifiée par un nom de domaine et référencée par des annuaires 68 (moteurs de recherche). Le caractère public du site est manifeste. Le caractère promotionnel sera lui plus difficile à identifier et notamment à distinguer d’un contenu éditorial. Cette difficulté a ainsi conduit les experts comptables à renoncer en 1997 à créer un site d’information sur leurs activités de crainte que cette initiative ne soit qualifiée de démarchage publicitaire ; – le référencement d’un site par un moteur de recherche peut aussi constituer une forme de publicité, à l’image d’un catalogue ou d’un annuaire, notamment si l’indexation est payante. Certains moteurs de recherche, tels Yahoo! qui revendique la qualité de « média de masse », en tirent l’essentiel de leurs ressources. Ainsi, c’est fréquemment qu’un message sur Internet sera qualifié de publicité. Il importe en conséquence de sensibiliser les utilisateurs d’Internet sur ce point, mais aussi d’apporter des précisions sur les conséquences juridiques liées à cette qualification. 3. La réglementation de la publicité en ligne Dès qu’un message est qualifié de communication commerciale – ou de publicité –, il est soumis à une réglementation développée. Sur le plan communautaire, les directives relatives à la publicité trompeuse et à la publicité comparative s’appliquent. La directive sur le commerce électronique réglemente également les communications commerciales. De ces textes, des principes directeurs peuvent être dégagés : identification de la publicité en tant que telle, transparence et loyauté, interdiction de la publicité trompeuse, autorisation conditionnelle de la publicité comparative. 69 En France, la LEN dispose dans son article 20 que : « Toute publicité sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée ». Ces informations ne doivent pas nécessairement figurer directement dans la publicité même, le recours à un hyperlien devrait pouvoir être admis106. La LEN a également introduit dans le code de la consommation un article L.121-15-2 visant à garantir le principe de la loyauté : « Sans préjudice des dispositions réprimant la publicité trompeuse […], les conditions auxquelles sont soumises la possibilité de bénéficier d’offres promotionnelles ainsi que celle de participer à des concours ou à des jeux promotionnels, lorsque ces offres, concours ou jeux sont proposés par voie électronique, doivent être clairement précisées et aisément accessibles ». L’obligation d’identifier la publicité existe également en ce qui concerne les messages non sollicités (spamming) reçus par courrier électronique. Ceci permet au destinataire de réagir soit en effaçant le message avant même de l’ouvrir, soit en recourant à des services de filtrage automatiques qui bloquent le message avant son arrivée dans sa boîte aux lettres. La directive sur le commerce électronique prévoit à cet égard que les 106- T. VERBIEST, Loi pour la confiance dans l’économie numérique : examen du nouveau régime du commerce électronique, p.8 70 communications commerciales non sollicités reçues par courrier électronique doivent « être identifiées de manière claire et non équivoque dès leur réception par le destinataire »107. La LEN a transposé cette obligation en insérant l’article L.121-15-1 dans le code de consommation. Deux auteurs ont critiqué que cette disposition soit insérée en droit français par le biais du code de consommation, dans la mesure où son champ d’application est différent quand bien même cette maladresse technique est partiellement corrigée par l’introduction de l’article L.121-15-3 qui précise que ces principes sont également applicables aux publicités, offres concours ou jeux à destination des professionnels108. b- L’offre Avant d’étudier les informations préalables obligatoires, il serait indispensable de distinguer entre offre et publicité. 1. Distinction entre offre et publicité Par rapport à l’offre, la publicité représente un stade moins avancé dans le processus menant à la conclusion du contrat. L’offre en vente correspond à la mise en vente d’un produit ou d’un service, c’est-à-dire à la volonté de vendre immédiatement à son client à l’endroit où se fait le contact 107- Article 7 108- T. VERBIEST, E. WERY, Le cadre juridique du commerce électronique après l’ordonnance du 23 août 2001 et le projet de loi sur la société de l’information, p.3 71 avec celui-ci. L’offre peut constituer une publicité. En règle générale, une communication commerciale contenant tous les éléments nécessaires à la conclusion du contrat (description du produit ou du service, caractéristiques essentielles, prix, conditions de vente, démarche à suivre pour commander le produit ou le service, etc.) est une offre. La réciproque n’est pas toujours vraie ; toute publicité n’est pas forcément une offre. L’enjeu de la distinction est important : les offres sont soumises à des contraintes légales plus lourdes que les publicités, précisément parce qu’un simple « oui » débouche sur la conclusion du contrat. En règle générale, une communication commerciale contenant tous les éléments nécessaires à la conclusion du contrat (description du produit ou du service, prix, démarche à suivre pour commander le produit ou le service) est une offre. En effet, pour que l’offre soit valable, elle doit être suffisamment précise et contenir les éléments essentiels du contrat (dans la vente, l’objet et le prix), de telle sorte que l’acceptation de ses termes suffise à parfaire le contrat. Elle doit également être ferme, c’est-à-dire que l’offrant doit avoir l’intention de s’engager. L’offre est liante aussi bien en droit libanais qu’en droit français, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays tel l’Allemagne et l’Angleterre109. 109- En Allemagne et en Angleterre, l’offre existe dès qu’un acheteur – consommateur ou professionnel – répond à une sollicitation du vendeur en lui adressant une « offre de contracter ». Ce ne sont donc pas les informations fournies par le vendeur qui constituent l’offre, mais bien la proposition que l’acheteur adresse au vendeur de contracter au sujet de tel produit, à tel prix, et moyennant telles conditions. Le vendeur n’effectue pour sa part qu’une 72 L’auteur de l’offre peut néanmoins la limiter, à la fois dans le temps et dans l’espace. L’offre peut être limitée dans le temps. A cet égard, le code de consommation français, modifié par l’ordonnance no2001-741 du 23 août 2001 prise en vue de transposer la directive no97/7/conseil d’Etat sur les contrats à distance, prévoit qu’une information explicite doit être donnée par le vendeur sur « la durée de la validité de l’offre »110. Si le vendeur n’a pas spécifié de durée, la jurisprudence retient au cas par cas un délai raisonnable. La LEN insère dans le code civil français un nouvel article 1369-1 qui précise que « l’auteur de l’offre reste engagé par elle tant qu’elle est accessible par voie électronique de sont fait ». Cette disposition n’a pas été à l’abri des critiques. Elle « risque d’entraîner une discrimination par rapport à l’univers ‘papier’, dans la mesure où seul le cyber-vendeur sera tenu indéfiniment par une offre qui serait encore disponible sur le réseau »111. La loi ne prévoit qu’une seule limitation : le vendeur ne peut pas être lié par une offre qui serait encore accessible « contre son fait ». Le législateur a entendu viser les pages web mises en « cache » dans certains moteurs de recherche comme Google. Des contenus peuvent en effet subsister pendant des mois dans des mémoires « cache » alors qu’ils ont été supprimés de leur page d’origine. « invitation à offrir ». La directive sur le commerce électronique n’a pas permis de rapprocher les points de vue et laisse les Etats trancher sur cette question. 110- C. consomm. Article L. 121-18, 5o 111- T. VERBIEST, Loi pour la confiance dans l’économie numérique : examen du nouveau régime du commerce électronique, p.12 73 L’offre peut être limitée dans l’espace. Paradoxe de l’Internet qui offre aux vendeurs l’opportunité d’un marché mondial, mais ces derniers ne sont pas prêts, pas disposés ou même pas autorisés, à conclure avec des personnes provenant de certains pays ou à fournir des prestations dans certains Etats112. Le vendeur peut alors restreindre son offre à une zone géographique. 2. Les informations préalables obligatoires Pour le législateur, l’information correcte des parties est la condition sine qua non d’un contrat équilibré obtenu moyennant un consentement complet et éclairé113. Il a donc édicté une liste des informations préalables à fournir. Ces obligations sont cumulatives avec celles qui encadrent la publicité. L’article 19 de la LEN impose ainsi au cybervendeur de communiquer une série d’informations – tel que le nom et le prénom du vendeur s’il est une personne physique, la raison sociale s’il s’agit d’une personne morale, l’adresse géographique et celle du courrier électronique, numéro de téléphone, etc. – qui devront s’ajouter à celles prévues par les articles L.1111, L.111-2 et L.113-3 du code de la consommation si l’acheteur est un consommateur. 112- On peut songer au marché cubain fermé aux entreprises américaines 113- T. VERBIEST, E. WERY, Commerce électronique par téléphonie mobile (mcommerce) : un cadre juridique mal défini, D. 2004, no41. p.8 http://www.droittechnologie.org/ 74 La directive sur le commerce électronique prévoit un « accès facile, direct et permanent » aux informations. Ces exigences ont été reprises par la LEN. L’accès facile implique que le destinataire ne doit pas chercher désespérément l’information114. Elle doit venir à lui logiquement. Enfin, l’obligation de fournir un accès permanent à ces informations implique que le destinataire de l’offre soit en mesure, à tout stade de la transaction, de revenir aisément sur les informations préalables et de les consulter. § 2- Le consentement du consommateur a- Un consentement complet et éclairé L’article 1108 du code civil prévoit que « quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : le consentement de la partie qui s’oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l’engagement, une cause licite dans l’obligation ». L’article suivant (1109) apporte quelques précisions au sujet du consentement : « il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ». Si l’on excepte les hypothèses du dol et de la violence, ce sont principalement les risques d’erreurs du consentement qui inquiètent sur Internet. Ceci a conduit à l’introduction par la LEN du nouvel article 1369-1 dans le code civil qui énumère les informations à fournir : « L’offre énonce 114- T. VERBIEST, Loi pour la confiance dans l’économie numérique : examen du nouveau régime du commerce électronique, p.13 75 en outre : 1° Les différentes étapes à suivre pour conclure le contrat par voie électronique ; 2° Les moyens techniques permettant à l’utilisateur, avant la conclusion du contrat, d’identifier les erreurs commises dans la saisie des données et de les corriger ; 3° Les langues proposées pour la conclusion du contrat ; 4° Le cas échéant, les modalités d’archivage du contrat par l’auteur de l’offre et les conditions d’accès au contrat archivé ; 5° Les moyens de consulter par voie électronique les règles professionnelles et commerciales auxquelles l’auteur de l’offre entend, le cas échéant, se soumettre ». Toutefois, la LEN a omis de préciser la manière de fournir ces informations, contrairement à la directive sur le commerce électronique – que la LEN transpose en droit français – qui stipule qu’elles doivent l’être « de manière claire, compréhensible et non équivoque, avant que le destinataire ne passe sa commande ». b- Le système du « double clic » L’article 1369-2 qu’a inséré la LEN dans le code civil dispose que « pour que le contrat soit valablement conclu, le destinataire de l’offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, et de corriger d’éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation. L’auteur de l’offre doit accuser réception sans délai injustifié et par voie électronique de la commande qui lui a été ainsi adressée. La commande, la confirmation de l’acceptation de l’offre et l’accusé de réception sont considérés comme reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressées peuvent y avoir accès ». Il est fait exception à 76 cette obligation pour les contrats « qui sont conclus exclusivement par échange de courriers électroniques »115. Le législateur a ainsi consacré le système dit du « double clic » : le contrat électronique n’est formé que lorsque l’internaute, destinataire de l’offre, aura cliqué deux fois : une première fois pour passer commande, un seconde pour confirmer celle-ci. Quant à l’accusé de réception par le cybervendeur, auteur de l’offre, selon les travaux préparatoires, il n’aurait qu’un rôle purement technique, dépourvu de toute valeur contractuelle »116. 115- nouvel article 1369-3 du code civil 116- Avis no608 (2002-2003) de Mme Michèle Tabarot, député, fait au nom de la commission des lois, déposé le 11 février 2003 http://www.assembleenationale.fr/12/rapports/r0608.asp 77 Chapitre 2: Le régime dérogatoire applicable aux contrats électroniques de consommation L’une des principales questions à résoudre dans le contexte du commerce électronique concerne le problème des règles juridiques applicables aux transactions transfrontalières effectuées par les consommateurs. En effet, dans le cadre d’un litige pouvant survenir entre commerçant et consommateur, quel devrait être le droit applicable au contrat international pouvant découler de la relation ? Le principe général est de laisser le choix aux parties. Mais, comme le remarque Vincent Gautrais, « la situation présente n’est pas banale »117 puisque le consommateur, partie au contrat, est mis en cause, soit un sujet de droit qui bénéficie souvent d’un statut dérogatoire quant au droit applicable, ce qui suppose une exception au principe. Le statut protégé du consommateur conduit, en principe, à écarter l’application des règles édictées par la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandise qui se déclare elle-même inapplicable aux ventes conclues avec les consommateurs. En effet, l’article 2-a énonce que « la présente convention ne régit pas les ventes […] de marchandises achetées pour un usage personnel, familial ou domestique, à moins que le vendeur, à un moment quelconque avant la 117- V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique, op.cit. p.154 78 conclusion ou lors de la conclusion du contrat, n’ait pas su et n’ait pas été censé savoir que ces marchandises étaient achetées pour un tel usage ». L’exclusion de la vente aux consommateurs n’est pas absolue car le vendeur doit avoir connaissance de la qualité de consommateur du cocontractant lors de la conclusion du contrat. A défaut, la convention de Vienne doit s’appliquer118. On peut imaginer que la connaissance par le vendeur de la qualité de consommateur de l’utilisateur du site lors de la conclusion du contrat par voie électronique peut faire fréquemment défaut, en raison de l’absence de contact physique entre les parties. Les consommateurs pourraient ainsi se voir opposer les règles de fond de la convention de Vienne au détriment éventuel de la protection qui leur est en principe accordée. Selon Camille Froment, ce risque paraît limité en pratique : « le développement du commerce électronique repose sur la parfaite connaissance des clients et de leurs besoins, grâce à la gestion automatisée de nombreux paramètres. Il est donc aisé pour l’utilisateur de s’identifier en tant que consommateur auprès du vendeur et, réciproquement, pour le vendeur de connaître la qualité de consommateur de l’utilisateur. On peut donc raisonnablement penser que la [convention de Vienne] doit systématiquement être écartée des contrats de vente de marchandises conclus en ligne avec les consommateurs »119. La convention de La Haye du 15 juillet 1955 sur la loi applicable aux 118- V. HEUZE, La Vente Internationale de Marchandises – Droit Uniforme, LGDJ, Delta, 2000, p.38 119- C. FROMENT, La loi applicable aux contrats du commerce électronique, op.cit., p.30 79 ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels ne peut, elle aussi, en principe, être appliquée aux contrats conclus avec les consommateurs. En effet, bien que la convention concerne tous les contrats de vente d’objets mobiliers corporels sans distinction selon la qualité des parties, les Etats parties on adopté une déclaration relative au domaine de la convention aux termes de laquelle les Etats constatent que « les intérêts des consommateurs n’ont pas été pris en considération lorsque la Convention […] a été négociée [et reconnaissent] le souhait de certains Etats qui ont ratifié cette Convention de voir régir les ventes aux consommateurs par des règles particulières sur la loi applicable »120. En conséquence, les règles de conflit de lois prescrites par la convention de La Haye sont automatiquement écartées au profit des règles particulières concernant la loi applicable aux contrats de ventes aux consommateurs. Ajoutons que les conventions de Vienne et de La Haye ne peuvent être appliquées à la vente de biens incorporels, tels que les logiciels téléchargeables depuis Internet, ni à la fourniture de services, leur champ d’application étant limité à la vente de biens mobiliers corporels. Considéré comme étant la partie faible du contrat, le consommateur bénéficie d’un régime dérogatoire édicté par la Convention de Rome. Pour cette raison, lorsque le commerçant rédige une clause stipulant que le droit 120- Conférence de La Haye de droit international privé, « Commerce électronique et compétence juridictionnelle internationale », document préliminaire no12 août 2000 établi par http://www.hcch.net/upload/wop/jdgmdp12.pdf 80 Catherine Kessedjian, applicable sera celui de son propre pays, celle-ci sera invalide dans un contrat de consommation conclu en ligne si les conditions visées dans cette Convention sont remplies121, notamment celles prescrites par les articles 5 et 7. Section 1 : L’exception de l’article 5 de la Convention de Rome La convention de Rome prévoit, dans son article 5, le régime applicable aux contrats internationaux de consommation, dont il convient de définir le mécanisme d’application afin de pouvoir étudier s’il est adaptable aux contrats de cyberconsommation. § 1- Définition de l’exception L’article 5 définit son propre domaine d’application matériel et dans l’espace. Il s’applique aux contrats ayant pour objet la fourniture de biens ou de services à un consommateur, personne physique, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés au financement d’une telle fourniture122. Il ne s’applique pas au contrat de transport, à l’exception des prestations combinées de transport et de logement vendue pour un prix global. Il ne s’applique pas au 121- R. DUASO CALES, La détermination du cadre juridictionnel et législatif applicable aux contrat de cyberconsommation, p.8 http://www.lex-electronica.org/ 122- Article 5-1 81 contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle123. Pour de tels contrats, la loi désignée par les parties « ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle », à condition que les conditions visées dans le paragraphe 2 de l’article 5 soient remplies. Dans le même esprit, en l’absence de choix par les parties, ces contrats sont régis par la loi du lieu de résidence habituelle du consommateur124. Les contrats de l’article 5 sont soumis à la loi du pays de résidence du consommateur à la condition de remplir l’une des trois hypothèses prévues par le deuxième paragraphe de cet article. Première hypothèse, la conclusion du contrat a été précédée dans le pays de résidence du consommateur d’« une proposition spécialement faite » ou d’une publicité et le consommateur a accompli dans son pays de résidence les actes nécessaires à la conclusion du contrat. Deuxième hypothèse, le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans le pays de résidence du consommateur. Troisième et dernière hypothèse, dans un contrat de vente de marchandises, le consommateur s’est rendu et a passé la commande dans un pays étranger, 123- Articles 5-4 et 5-5 124- Article 5-3 82 à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d’inciter le consommateur à conclure une vente. Deux types de situations sont donc identifiables. D’abord, le contrat liant les parties ne possède pas de clause de droit applicable et dans ce cas, c’est le droit du consommateur qui s’applique. Il n’y a alors pas lieu de s’interroger sur la qualification de loi de police des dispositions de droit de la consommation. Par contre, dans l’hypothèse inverse, les dispositions de droit de la consommation ne pourront être appliquées que si l’une des trois conditions prescrites par la Convention est remplie. Au regard des dispositions de l’article 5 de la Convention de Rome, nous pouvons constater que le droit applicable doit pouvoir être un droit national qui ne mette pas le consommateur dans une situation de vulnérabilité. Comme le remarque Vincent Gautrais, « une pareille solution se base sur deux facteurs de rattachement »125. En premier, la question des conflits des lois est traitée par une présomption objective d’après laquelle le contrat électronique est régi par le droit du consommateur. En effet, le consommateur est présumé mieux connaître le droit de son pays, il ne pourra donc pas se plaindre d’une ignorance relativement à une mesure étrangère. Ensuite, visant à protéger le consommateur, la Convention de Rome 125- V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique, op.cit. p.157 83 prévoit que le contrat ne peut pas être régit par un droit qui consacre moins de prérogatives que son propre droit. Par contre, il pourra l’être par un droit qui correspond au choix des parties dès lors qu’il apporte plus de protection que celui du consommateur. On retrouve alors le critère subjectif. C’est « un rattachement de faveur »126, il introduit la notion de la loi la plus favorable au consommateur qui va entraîner une comparaison concrète des dispositions de protection. Mais « ce n’est pas à dire que la loi du contrat sera en ce cas la loi de la résidence habituelle et que le choix d’une autre loi sera ravalé au rang d’un choix matériel. C’est bien dans la loi choisie, et, le cas échéant dans des dispositions de cette loi postérieures à la conclusion du contrat, qu’il faudra chercher les règles applicables au contrat »127. § 2- Un cyberconsommateur protégé ? Les solutions prévues par la Convention de Rome, afin de protéger le consommateur, ont été conçues pour les contrats de consommation traditionnels. Il est donc important de rechercher si elles peuvent être adaptées aux environnements électroniques ou si certaines d’entre elles seront écartées. 126- P. LAGARDE, Le nouveau droit international privé des contrats après l’entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, Rev. crit. DIP, 1991, p.318 127- Ibid, p.314 84 a- Les solutions écartées Il est clair que la troisième et dernière hypothèse édictée par l’article 5-2 de la Convention de Rome ne peut être appliquée aux contrats de cyberconsommation. En effet, cette hypothèse exige, en cas d’un contrat de vente de marchandises, pour que le consommateur puisse bénéficier des dispositions protectrices applicables dans son pays, qu’il soit rendu dans un pays étranger où il passe sa commande sur invitation du vendeur. Un auteur se demande si la solution, édictée par ce même article, selon laquelle le contrat ne peut pas être régi par une loi choisie par les parties si celle-ci consacre moins de prérogatives au consommateur que son propre droit, est raisonnable. Il considère que la fonctionnalité du cyberespace amène de nombreux consommateurs à acheter des produits de faible valeur. En cas de litige, il est donc nécessaire que la règle pour déterminer le droit applicable n’exige pas une étude comparée qui puisse être longue et coûteuse. Cette solution semble être « d’un piètre secours étant donné que sa mise à exécution risque d’être trop laborieuse en matière de consommation »128. b- Les difficultés d’application du statut dérogatoire accordé au cyberconsommateur Si la troisième hypothèse édictée par l’article 5-2 de la Convention est 128- V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique, op.cit. p.158 85 écartée d’évidence, les deux premières paraissent applicables aux contrats de cyberconsommation. Elles prêtent quand bien même à interprétation puisqu’elles sont reliées à l’attitude des parties dans l’initiation de la relation commerciale. En effet, il s’agit d’apprécier si le consommateur a effectué une démarche active auprès du commerçant pour pouvoir savoir s’il pourra bénéficier de la protection qu’accorde la Convention de Rome aux consommateurs. Ce qui est mis en cause c’est le mode de fonctionnement qu’on attribue à un site Internet. « Est-il ‘une belle au bois dormant’ qui ne se réveille que lorsqu’elle est sollicitée par une demande de connexion, une requête, ou doit-on voir du seul fait de son rattachement au réseau, indépendamment de tout appel, une information ou une offre commerciale préexistante ? »129. Le sens de lecture peut changer radicalement le jeu des deux premières hypothèses de l’article 5-2. En effet, Si l’on considère que le consommateur a effectué une démarche active, il pourra alors être admis que la clause de droit applicable rédigée par le commerçant, qui va généralement considérer que le contrat est soumis à son propre droit. Une démarche volontaire et délibérée du consommateur serait en effet en mesure de faire présumer que celui-ci a consenti aux stipulations du commerçant. Au contraire, lorsque le commerçant aura effectué une démarche active auprès du consommateur, on laissera persister l’exception au principe de 129- C. RETORNAZ, Quelques réflexions sur la loi applicable à la vente au consommateur, p.1 http://www.celog.fr/expertises/ 86 l’autonomie de la volonté. 1. Première hypothèse : la communication commerciale préalable Dans le cas de la première hypothèse, les difficultés naissent au moment de déterminer si la conclusion du contrat électronique a été précédée au pays du consommateur d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité par Internet. Certains auteurs ne voient pas la possibilité de lier une « offre spéciale » ou une « proposition spécialement faite » à un cas de commerce électronique. En ce sens, Vincent Gautrais précise que « l’auteur proposant ses oeuvres dans le cyberespace est en état de perpétuelle offre mais ne s’adresse généralement pas à un utilisateur déterminé »130. Quand le cyberconsommateur s’est rendu sur le site et a décidé d’y conclure le contrat, on peut dire que l’attitude du commerçant est plutôt « passive », le consommateur n’ayant pas répondu à une offre spécialement formulée à son intention. Pour cette raison, plusieurs auteurs limitent l’application de cette disposition aux offres non sollicitées envoyées par courrier électronique – spamming – cas où le commerçant adopte une attitude active131. Dans ce cas, il n’y a pas de difficulté à reconnaître que la proposition peut être spécialement faite à l’utilisateur par voie électronique, grâce à la messagerie électronique. 130- V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique, op.cit. p.160 131- T. VERBIEST, Droit international privé et commerce électronique : état des lieux 87 D’autres problèmes se posent quand on parle de « publicité ». On s’interroge alors sur la nécessité que le commerçant ait eu l’intention de cibler le pays dans lequel cette publicité aura éventuellement été reçue par le consommateur. En effet, il est très difficile de présumer de l’intention du commerçant à cause du potentiel commercial d’Internet, qui est un réseau à vocation mondiale d’où la nécessité d’effectuer une distinction selon le média utilisé pour la publicité afin de pouvoir la localiser. Lorsque la publicité du commerçant utilise la technique du push132, on peut légitimement considérer que la publicité est bien localisée chez le consommateur. En revanche, lorsque l’utilisateur passe par un portail ou interroge un moteur de recherche, le texte permet quelques hésitations. Selon certains auteurs133, il faut distinguer selon que la publicité est ou n’est pas ciblée vers le pays du consommateur. Cela pose la question de savoir comment déterminer qu’un site de commerce électronique cible un pays. Dans certains cas, la réponse semble aller de soi. En effet, en cas d’ouverture d’un site en .fr en langue française, par une société commerciale étrangère qui exploite déjà un site identique en .com (nous pouvons prendre pour exemple amazon.fr et amazon.com), en vue de cibler plus particulièrement les internautes français. Le texte de la Convention visant à protéger le 132- Push media désigne la diffusion sélective ou la distribution personnalisée. L’information est poussée vers l’utilisateur ; c’est le média qui pousse l’utilisateur, ce n’est plus l’utilisateur qui choisit par une recherche individuelle ou pull media. Voir H. BITAN, Comprendre les mots de l’Internet, Gaz. Pal. 1115 juin 2000, glossaire, p.19 133- M. VIVANT, Business to consumer (B to C) : loi applicable et juge compétent, Légicom 2000, no21/22, p.95 ; A. ZANOBETTI, Le droit des contrats dans le commerce électronique, RDAI 2000, no5, p.556 88 consommateur dès l’instant où il est sollicité, on peut donc penser dans cette hypothèse que le consommateur français doit être protégé. En revanche, si on prend le cas d’un site de commerce électronique conçu de manière plus universelle, on aura du mal à affirmer que le public français est spécialement visé, même s’il est effectivement visé conjointement avec d’autres pays. Logiquement, les règles protectrices des consommateurs français devraient être écartées, ce qui n’est pas entièrement satisfaisant. Pour ce qui est de certains sites, il est certain que les commerçants n’ont pas l’intention de limiter leur marché potentiel à des pays précis. Toutefois, depuis quelques années, il existe un ensemble de sites Internet qui circonscrivent la clientèle visée en refusant de vendre à l’extérieur de certains pays. Un début de solution pour éviter ces difficultés d’interprétation est fournie par le Règlement communautaire du 22 décembre 2000 remplaçant la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale134. L’article 15 du règlement introduit pour les contrats conclus avec les consommateurs un critère inédit de localisation du cocontractant dans le pays de résidence du consommateur, conçu pour s’appliquer aux transactions par voie électronique. Il s’agit des « activités dirigées par tout moyen » vers le pays 134- Règlement (CE) no44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale 89 sur le territoire duquel le consommateur a son domicile135. On est fortement tenté d’adopter ce critère de localisation en matière de loi applicable. On pourrait ainsi considérer que toute activité sur Internet dirigée vers les consommateurs d’un pays caractériserait une sollicitation commerciale dans leur pays de résidence. Ce seul critère suffirait à la mise en œuvre de l’exception en faveur des consommateurs de ce pays. Il ne serait plus nécessaire de montrer que la publicité ciblait spécialement ce pays. Il est probable qu’une telle adaptation du texte de la Convention de Rome sur le modèle du règlement sera sérieusement examinée lors de sa révision annoncée. En effet, lors de la dixième réunion tenue à Rome entre le 15 et 17 septembre 2000, le groupe européen de droit international privé a estimé « qu’il y a lieu de maintenir l’objectif de l’article 5 de la Convention de Rome – à savoir préserver un équilibre des intérêts des parties contractantes tout en introduisant une dérogation aux règles générales de rattachement – mais de procéder à un élargissement du domaine couvert par celui-ci. Cet élargissement viserait à permettre de rassembler l’ensemble des contrats de consommation sous une disposition unique et à dépasser la 135- Selon l’article 15-1, « en matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section […], c) lorsque, […], le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’Etat membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet Etat membre ou vers plusieurs Etats, dont cet Etat membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités » 90 notion de consommateur passif. Il tendrait aussi à limiter l’importance de la localisation d’un acte ou d’un fait, tel le lieu de diffusion d’une offre ou d’une publicité ou la situation d’un acte nécessaire à la conclusion du contrat. De telles modifications seraient de nature à faciliter l’application de la disposition aux contraintes du commerce électronique »136. Par contre, aucune date n’a été annoncée pour la révision de la Convention. En ce qui concerne l’accomplissement par le consommateur des actes nécessaires à la conclusion du contrat dans son pays de résidence, une autre difficulté se présente : l’utilisateur peut se déplacer avec son ordinateur portable et lorsqu’il contracte sur Internet, on ignore s’il se trouve effectivement dans son pays de résidence. On peut se demander dans quelle mesure cette condition conserve un intérêt pour les transactions par voie électronique. Si on adoptait dans le cadre de la loi applicable le critère des « activités dirigées » vers le pays sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, une telle condition ne se concevrait plus. 2. Deuxième hypothèse : réception de la commande par le fournisseur dans le pays de résidence du consommateur Alessandra Zanobetti a relevé au moins une incertitude liée à 136- Compte rendu des séances de travail de la dixième réunion du groupe européen de droit international privé tenue à Rome entre le 15 et 17 septembre 2000 disponible sur lien suivant : http://www.drt.ucl.ac.be/gedip/reunionstravail/gedipreunions-10.html 91 l’application de la deuxième hypothèse de l’article 5-2 au cas de l’Internet137. Lorsque la commande est reçue sur un serveur situé dans le pays du consommateur, alors que le fournisseur est établi hors de ce pays, faut-il considérer que la commande est reçue par le fournisseur dans le pays du consommateur ? L’auteur apporte une réponse négative à cette question. Le texte exige que le fournisseur soit présent physiquement dans le pays du consommateur. La localisation du serveur ne doit pas entrer en ligne de compte. Si on parvient à transposer les conditions de mise en œuvre de l’exception en faveur des consommateurs au cas de l’Internet, c’est au prix d’une interprétation du texte qui laisse place à une relative insécurité. C’est la raison pour laquelle une adaptation du texte de l’article 5 dans le cadre de la prochaine révision de la Convention de Rome paraît indispensable. Quoi qu’il en soit, comme le remarque Michel Vivant, l’essentiel n’est pas tant d’« imposer d’autorité la loi du consommateur » que de « réserver le jeu des ‘dispositions impératives’ de cette loi lorsque, après une comparaison concrète, elles se révèleraient plus favorables au consommateur »138. Cela nous conduit à envisager la relation qui peut exister entre les droits des consommateurs et les lois de polices définies à l’article 7 de la Convention de Rome. 137- A. ZANOBETTI, Le droit des contrats dans le commerce électronique, op. cit, p.555 138- M. VIVANT, Business to consumer (B to C) : loi applicable et juge compétent, op. cit. p.98 92 Section 2 : L’application des lois de police aux contrats électroniques Les activités du commerce électronique ne sont pas extérieures aux marchés nationaux puisqu’elles s’adressent à leurs membres. A ce titre les contrats électroniques sont bien visés par l’article 7 de la Convention de Rome puisqu’il met à la disposition du juge une technique d’application des lois de polices. En matière de protection du consommateur, la question de la coordination des articles 5 et 7 de la Convention est alors soulevée. Les conséquences des rapports contenus entre l’article 5 et 7 de la Convention de Rome seront différentes selon qu’on envisage les lois de police sous l’angle national ou sous l’angle communautaire. §1- Les lois de police de protection L’article 7 de la Convention de Rome prévoit que le juge doit appliquer les lois de police du for et les lois de police étrangères au détriment éventuel de la loi désignée par les parties ou par les critères subsidiaires de rattachement. Se pose donc la question de la coordination des articles 5 et 7 de la Convention. En effet, il est constant que les règles de protection des consommateurs sont généralement présentées comme des dispositions impératives. Faut-il en déduire que les règles de protection des consommateurs pourront aussi être appliquées par le juge sur le fondement de l’article 7 de la convention, avec cet avantage que l’article 7 ne pose pas de condition d’application dans l’espace (telle que la publicité préalable dans le pays du consommateur) ? Quelles sont les dispositions impératives dont le 93 juge pourrait faire application pour protéger l’internaute consommateur au titre de l’article 7 ? Selon un fort courant doctrinal, l’article 5 est une clause spéciale d’application des lois de police en matière de droit des contrats de consommation et constitue à ce titre le fondement exclusif de l’application des dispositions impératives relevant de son domaine139. En d’autres termes, les dispositions impératives que le juge pourrait appliquer en vertu de l’article 7 doivent avoir une finalité et une nature distincte de celles qui animent les dispositions applicables au titre de l’article 5. Lorsque la protection ne peut pas être accordée au cyberconsommateur sur le fondement de l’article 5, en raison de l’étroitesse de sa rédaction, il semble donc difficile de trouver dans la Convention un fondement subsidiaire à l’application des dispositions impératives de droit de la consommation. La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le 19 octobre 1999 une décision dans une espèce à laquelle la Convention de Rome n’était pas applicable. Si la solution devait être confirmée dans une espèce soumise à la convention, elle répondrait à notre question dans un sens inquiétant pour l’avenir du commerce électronique140. La Haute Juridiction a jugé que : « après avoir énoncé que les conditions d’application de l’article 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 n’étaient pas réunies, l’arrêt 139- P. LAGARDE, Rev. crit. DIP, 1991, p.316, et Rev. crit. DIP, 1998, p.625 94 attaqué retient que les dispositions de l’article 7 de la convention ne concernent que les seules lois de police et non les lois protégeant les consommateurs visés par l’article 5 précité et qu’il résulte de la distinction même établie par les articles 5 et 7 que cette convention ne range pas parmi les lois de police les lois destinées à la protection des consommateurs, telles que la loi du 10 janvier 1978 ; […] en statuant ainsi alors que la convention de Rome du 19 juin 1980 n’étant pas encore en vigueur, la loi française sur le crédit à la consommation du 10 janvier 1978 était d’application impérative pour le juge français, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». Aux termes de cet arrêt, il est clair que les dispositions protectrices du consommateur – en l’espèce, la loi du 10 janvier 1978 – peuvent être appliquées en tant que lois de police. Toutefois, eu égard aux circonstances d’application de la loi dans le temps, on peut penser que la Cour de Cassation ne reconnaîtrait plus à la loi du 10 janvier 1978 ni aux règles protectrices des consommateurs dans leur ensemble, le caractère de loi de police dans un contrat soumis à la Convention de Rome, du fait de l’article 5. Selon Paul Lagarde141, depuis l’entrée en vigueur de la Convention, les règles protectrices du consommateur appartiennent à une catégorie particulière de dispositions impératives se situant dans la hiérarchie un peu en dessous de celles de l’article 7. Cela n’empêche pas que, au sein de cette catégorie particulière de dispositions impératives, certaines dispositions peuvent aussi être qualifiées de lois de police au sens de l’article 7. 140- Cass. Civ. 1ère ch., 19 oct. 1999, Rev. crit. DIP 2000, no1, II p.29 141- P. LAGARDE, note sous Cass. civ. 19 oct. 1999, Rev. crit. DIP, no1, II, p.24 95 § 2- Les règles communautaires de protection des consommateurs Des normes communautaires en matière de protection des consommateurs ont été établies dans plusieurs directives européennes, en particulier la directive n°93/13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs et la directive n°97/7 du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. Il serait possible de reconnaître que ces normes sont les seules dispositions impératives de protection des consommateurs relevant de l’article 7. De ce fait, les règles nationales conformes à ces normes, « standard reconnu » selon l’expression de Michel Vivant,142 devraient seules pouvoir jouer contre la loi désignée par les parties. Les règles nationales instaurant une protection supplémentaire ne devraient pas pouvoir jouer. Au final, deux systèmes cohabiteraient pour les contrats conclus en ligne avec les consommateurs. Le premier est celui de l’article 5 de la Convention de Rome. Lorsque les activités du fournisseur, ou prestataire de services de la société de l’information, selon les termes employés par la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, seraient dirigées par tout moyen vers le pays de résidence du consommateur, le juge devrait appliquer les règles protectrices du consommateur nationales au détriment éventuel de la loi applicable au contrat désignée par les parties. 142- M. VIVANT, Business to Consumer (B to C) : loi applicable et juge compétent, op. cit. p.102 96 Le second système est celui de l’article 7 de la Convention. Lorsque les activités du fournisseur ou prestataire ne seraient pas dirigées vers le pays de résidence du consommateur, le juge appliquerait les seules règles de protection du consommateur consacrées par le droit communautaire au détriment éventuel de la loi applicable au contrat désignée par les parties. L’ensemble du dispositif aurait un sens dans la pratique. Il est juste de ne pas imposer à un commerçant le respect des dispositions nationales d’un marché qu’il ne vise pas, y compris sur Internet. Dès l’instant où, au contraire, il espère tirer des profits des ventes aux consommateurs d’un marché national, il paraît normal qu’on lui impose d’en respecter les règles locales de fonctionnement. Il faut remarquer toutefois que ce dispositif repose entièrement sur la notion de « cible ». Il conviendrait avant toute chose d’en définir les critères précis, non équivoques et adaptés à l’Internet. Or, il n’est pas certain que la notion d’« activités dirigées » soit suffisamment précise, même si elle constitue incontestablement un progrès comparée à la notion de publicité. Sur le fond, le dispositif semble suffisamment protecteur du consommateur. Dans le second système de l’article 7, le seuil minimal de protection serait garanti grâce aux règles fondamentales contenues dans la directive du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, telles que l’obligation d’information préalable du consommateur (article 4), la nécessité de confirmer par écrit les informations (article 5), le droit de rétractation du consommateur (article 6), le respect des délais d’exécution par le fournisseur et la faculté de remboursement du consommateur (article 7). 97 En revanche, certains auteurs admettent que les règles contenues dans la directive du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs seraient de peu d’utilité car la directive contient une liste de clauses certes susceptibles d’être déclarées abusives par les Etats membres, mais sans aucune obligation143. La directive ne permet donc pas de déterminer un plus petit dénominateur communautaire applicable dans le cadre de l’article 7 de la Convention de Rome. Ce dispositif présente l’avantage de ne pas se limiter au commerce électronique intracommunautaire. Il s’applique également au commerce électronique extracommunautaire. En effet, les normes communautaires de protection du consommateur doivent être considérées comme contraignantes pour les prestataires établis dans les pays tiers. Ce caractère contraignant est posé dans la directive du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, dans les termes suivants : « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive du fait du choix du droit d’un pays tiers comme droit applicable au contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d’un ou de plusieurs des Etats membres »144. 143- J. HUET, Propos amers sur la directive du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, JCP, 1994, I, p.309 144- Art. 12-2 intitulé « Caractère contraignant des dispositions ». L’article 12 est introduit en préambule de la directive dans les termes suivants : « Considérant 98 Selon un auteur, Si on parvient sans trop de difficultés à montrer que les normes protectrices communautaires peuvent remplir efficacement le rôle des lois de police de l’article 7 de la Convention de Rome, il n’existe à ce jour aucun moyen d’éviter que les juridictions reconnaissent également le caractère de lois de police à des protections supplémentaires issues du droit local. Il conclu qu’une intervention de la Commission se révèle nécessaire pour imposer la prééminence de l’ordre public communautaire sur l’ordre public national145. D’ailleurs, La directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, tout en ayant explicitement écarté de son champ d’application le thème de la protection des consommateurs146 a constaté l’importance de cette question. Elle prévoit notamment que « la Commission étudiera la mesure dans laquelle les règles de protection des consommateurs existantes fournissent une protection insuffisante au regard de la société de l’information et identifiera, le cas échéant, les lacunes de cette législation et les aspects pour lesquels des mesures additionnelles pourraient s’avérer nécessaires. En cas de besoin, la Commission devrait faire des propositions spécifiques qu’il existe el risque, dans certains cas, de priver le consommateur de la protection accordée par la présente directive en désignant le droit d’un pays tiers comme applicable au contrat ; que, en conséquence, il convient de prévoir dans la présente directive des dispositions visant à éviter ce risque » (Considérant 23) 145- C. FROMENT, La loi applicable aux contrats du commerce électronique, op.cit., p.40 146- Considérant 11 du préambule de la directive 2000/31. En outre, l’article 3-3 exclut expressément « les obligations contractuelles concernant les contrats conclus par les consommateurs » du domaine d’application de la directive 99 additionnelles visant à combler les identifiées »147. 147- Considérant 65 100 lacunes qu’elle aurait ainsi Conclusion Sur le marché électronique, la frontière entre le contrat interne et le contrat international est moins perceptible que pour les contrats traditionnels, mais cela n’affecte guère la mise en œuvre de la Convention de Rome. Celle-ci n’impose pas de vérifier le critère d’internationalité du contrat pour valider la clause d’electio juris. Le caractère transnational de l’Internet, la rapidité de son évolution et les perpétuels changements technologiques qui l’animent posent, sans doute, d’innombrables problèmes d’adaptation du droit existant. D’après MarcAntoine Maury, « l’édiction de règles spécifiques par les institutions traditionnelles, solution immédiate, s’accorde mal avec les caractéristiques et les exigences de la société numérique »148. Selon lui, d’autres voies doivent alors être explorées afin de suppléer aux carences des institutions classiques tout en soulignant que le droit s’est déjà trouvé confronté à une telle situation face à l’extension du commerce à l’international, et une solution alternative est apparue : la lex mercatoria. Certains auteurs défendent l’idée que, par analogie à la lex mercatoria, il pourrait exister une lex electronica ou des leges electronicae ou encore lex mercatoria numerica, présentées comme des règles matérielles d’origine internationale capables de relever le défi de la régulation de l’Internet, et de répondre aux besoins exprimés par les acteurs de l’Internet et les 148- M.-A. MAURY, La lex electronica, op.cit., p.3 101 Internautes149. En effet, la doctrine nord-americaine a cherché à transposer au marché électronique le modèle de la lex mercatoria mis en évidence par Berthold Goldman150. Vincent Gautrais définit la lex electronica comme « l’ensemble des normes juridiques informelles applicables dans le commerce électronique international »151. Pour Julien Le Clainche, « ces expressions doivent être prises avec beaucoup de prudence, l’idée d’un droit mondial uniforme et harmonisé issu de la pratique, étant une vision de l’esprit ne correspondant à aucune réalité »152. En effet, l’existence d’une lex electronica ne fait pas unanimité dans la doctrine. Un auteur critique vivement les défenseurs de la lex electronica en remarquant que « la contribution des institutions d’arbitrage au développement de la lex electronica paraît encore modeste. Or la jurisprudence arbitrale constitue traditionnellement le mode privilégié d’émergence et de consolidation des principes généraux du droit du commerce international »153. Il s’appuie sur le fait que les institutions d’arbitrage en ligne n’ont pas encore fait connaître, jusqu’à ce jour, de sentences relatives à des litiges contractuels nés sur le marché électronique. 149- Ibid, p.4 150- V. GAUTRAIS, G. LEFEBVRE et K. BENYEKLEF, Droit du commerce électronique et normes applicables : la notion de la lex electronica http://www.droit-technologie.org/ 151- V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international – encadrement juridique, op.cit. p.231 152- J. Le CLAINCHE, La détermination de la loi et du juge compétent, op.cit., p.8 153- O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. p.21 102 De plus, l’article 17-3 de la directive sur le commerce électronique invite les Etats membres à encourager « les organes de règlement extrajudiciaire des litiges à communiquer à la Commission […], toute autre information sur les usages ou coutumes relatifs au commerce électronique » ce qui témoigne que les usages du commerce électronique ne sont pas encore avérés. Mais rien n’empêche aussi leur avènement. Jusqu’aujourd’hui le commerce électronique n’est qu’à ses débuts et il vaut donc mieux laisser au temps de trancher la question de l’existence d’une lex electronica. 103 Bibliographie Ouvrages 1. Bernard Audit, Droit International Privé, Economica, 3e éd. 2. Olivier d’Auzon, Le Droit du Commerce Electronique, Editions du Puits Fleuri, 2004 3. André Bertrand, Thierry Piette-Coudol, Internet et la Loi, Dalloz, 1997 4. André Bertrand, Thierry Piette-Coudol, Internet et le Droit, Que saisje ? 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Chapitre 1er : Le contrat de commerce électronique : un contrat international 13 Section 1 : Le principe de la loi d’autonomie 16 § 1- L’admission du principe 17 § 2- La validité de la clause d’electio juris 19 Section 2 : Les éléments objectifs de rattachement 25 § 1- Les éléments de rattachement objectif dans le cadre de l’arbitrage 26 § 2- Les élément de rattachement objectif et juge étatique 29 a- Les indices particuliers 30 b- Les indices généraux 30 c- La convention de Rome du 19 juin 1980 32 Chapitre 2 : Le contrat de commerce électronique : un contrat à distance 34 Section 1 : Les problèmes communs aux contrats à distance 36 § 1- La controverse doctrinale 37 a- Le système de la réception 37 b- Le système de l’émission 38 § 2- Les solutions du droit positif 38 Section 2 : les spécificités apportées par Internet 42 § 1- Le lieu de conclusion du contrat 43 111 § 2- Le lieu d’exécution des obligations 44 § 3- Le lieu d’établissement des parties 50 2ème partie : L’impact de la présence d’un consommateur sur la loi applicable au contrat de commerce électronique 55 Chapitre 1er : Le contrat « B to C » 57 Section 1 : La notion de consommateur 58 § 1- Le critère subjectif 59 a- Le professionnel 60 b- Le consommateur 60 § 2- Le critère objectif 61 Section 2 : La conclusion du contrat 65 §1- La présentation du produit ou du service 65 65 a- La publicité 1. Définition 66 2. Les différentes formes de publicité sur Internet 67 3. La réglementation de la publicité en ligne 69 71 b- L’offre 1. Distinction entre offre et publicité 71 2. Les informations préalables obligatoires 74 § 2- Le consentement du consommateur 75 a- Un consentement complet et éclairé 75 b- Le système du « double clic » 76 Chapitre 2 : Le régime dérogatoire applicable aux contrats électroniques de consommation 78 Section 1 : L’exception de l’article 5 de la Convention de Rome 81 § 1- Définition de l’exception 81 112 § 2- Un cyberconsommateur protégé ? 84 85 a- Les solutions écartées b- Les difficultés d’application du statut dérogatoire accordé 85 au cyberconsommateur 1. Première hypothèse : la communication commerciale 87 préalable 2. Deuxième hypothèse : réception de la commande par le fournisseur dans le pays de résidence du consommateur 91 Section 2 : L’application des lois de police aux contrats électroniques 93 §1- Les lois de police de protection 93 § 2- Les règles communautaires de protection des consommateurs 96 Conclusion 101 Bibliographie 104 113