Lire un extrait ( PDF 644 Ko)

Transcription

Lire un extrait ( PDF 644 Ko)
Chapitre
9
Pathologie cervicofaciale
C. Coulon, Ph. Bourgeot, Y. Robert, P. Vaast, V. Debarge, B. Guérin
PLAN DU CHAPITRE
Rappel embryologique . . . . . . . . . . . . .
Pathologie de la face . . . . . . . . . . . . . .
337
338
Fentes labiopalatines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Diagnostic échographique . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Anomalies du profil fœtal et du nez . . . . . . . . . . . . . .
Hypoplasie des os propres du nez (OPN) . . . . .
Ensellure nasale marquée . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Absence de nez, arhinie ou arhinencéphalie . . .
Rétrognathisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prognathisme maxillaire inférieur . . . . . . . . . . .
Philtrum court . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tumeurs de la face . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hémangiome sous-cutané céphalique . . . . . . . .
Tératome nasopharyngé ou épignathus . . . . . . .
Tumeurs buccales et linguales . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kyste lingual . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kyste sublingual . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lymphangiome kystique lingual . . . . . . . . . . . . .
Tératome buccal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Autres tumeurs linguales . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Macroglossie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
338
338
340
342
342
343
343
343
344
345
345
346
346
346
346
346
347
347
348
348
Anomalies oculo-orbitaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Absence orbitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Anophtalmie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Microphtalmie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hypertélorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hypotélorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cyclopie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Exophtalmie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Masses orbitaires et péri-orbitaires . . . . . . . . . . .
Cataracte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fente colobomateuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Anomalies de l'oreille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
348
349
349
349
349
350
350
351
351
351
351
352
Pathologie de la région cervicale . . . .
352
Épaississement de la nuque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hygroma kystique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Œdème sous-cutané cervicocéphalique . . . . . . . . . . .
Masses cervicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lymphangiome kystique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tératome cervical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hémangiome. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Autres masses cervicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Goitre thyroïdien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
352
353
353
354
354
354
355
355
355
L'étude de l'étage cervicofacial constitue un temps important de l'examen échographique pour plusieurs raisons :
■ la pathologie faciale est parfois le signe d'appel d'une
malformation plus complexe ou peut s'intégrer dans une
malformation syndromique dont le pronostic pourrait
s'en trouver alourdi ;
■ le dépistage d'une malformation faciale doit orienter
l'échographiste vers un examen morphologique approfondi et la recherche de signes associés, notamment du
cœur, du cerveau et des extrémités ;
■ certaines pathologies cervicofaciales nécessiteront une
prise en charge spécialisée de l'enfant dès la période
néonatale avec une naissance parfois indiquée dans un
centre muni d'un plateau technique adéquat (réanimation néonatale, chirurgie pédiatrique, ORL pédiatrique,
chirurgie plastique…), notamment en cas de détresse
néonatale potentielle ou de difficultés de prise en
charge pédiatrique (Pierre Robin, tumeur cervicale
avec compression ou envahissement des voies aériennes
supérieures…).
Échographie en pratique obstétricale
© 2014, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
L'utilisation du mode 3D (surfacique, osseux) permet de
préciser certains diagnostics et peut être un outil précieux
lors de l'exploration de la région cervicofaciale.
Rappel embryologique11
La région craniofaciale est une région complexe, faisant intervenir les voies aériennes et digestives, le système nerveux
central et les organes des sens. Des tissus d'origine embryologique différente, ectodermique, endodermique et mésodermique, ainsi que la population craniofaciale des cellules
des crêtes neurales y participent. Cette complexité explique
la fréquence élevée des malformations craniofaciales. Cette
région se forme entre les 3e et 8e semaines du développement.
Elle nécessite une synergie temporo-spatiale des phénomènes cellulaires, la croissance adéquate et simultanée des
cinq bourgeons de la face et du cerveau et des interactions de
11
Dr L. Devisme.
338
Échographie en pratique obstétricale
l'endoblaste et de l'ectoblaste avec la matrice extracellulaire.
Elle implique le rôle d'induction du système nerveux central,
les propriétés du liquide amniotique, qui joue un rôle tensioactif et intervient sur le modelage externe, ainsi que l'activité
succion–déglutition à partir du 3e mois.
La formation du crâne comprend :
■ la base du crâne ou chondrocrâne, issu du mésenchyme
préchordal qui donne les os de la base du crâne et les
capsules sensorielles,
■ la voûte du crâne ou calvaria, qui se forme par ossification membraneuse, non achevée à la naissance
puisque les fontanelles antérieure et postérieure sont
perméables,
■ et le viscérocrâne, formé par l'axe mésenchymateux des
arcs branchiaux qui donnent les structures osseuses et
cartilagineuses des oreilles et du larynx.
Les arcs brachiaux, issus de l'intestin antérieur, se forment à partir de J22, avec apparition, dans l'ordre craniocaudal, de cinq paires comprenant un axe mésenchymateux
cartilagineux, un revêtement extérieur ectoblastique et un
revêtement intérieur endoblastique. Ils possèdent chacun
une innervation par un nerf crânien et une vascularisation
à partir d'un arc artériel aortique.
La face et le cou se forment à la fin de la 4e semaine à
partir des cinq bourgeons faciaux : un frontal médian
impair, deux maxillaires et deux mandibulaires, pairs et qui
convergent vers le stomodæum. Le mésenchyme craniofacial est constitué de mésoderme préchordal colonisé par les
cellules des crêtes neurales formant le chordomésenchyme.
À la 5e semaine, se mettent en place le processus frontonasal et les placodes nasales. À la 6e semaine, se met en place
le processus nasal médian et latéral et s'individualisent la
dépression nasale et les orifices narinaires. À la 7e semaine,
le processus intermaxillaire, résultant de la fusion des processus nasaux médians, donne l'arête nasale, le philtrum, la
lèvre supérieure et le palais primaire. Au 2e mois, les joues se
développent et la bouche se réduit à sa grandeur définitive.
Les organes sensoriels de la face résultent d'interactions entre le tube neural et l'ectoderme épaissi. Les yeux
apparaissent à la 4e semaine, formés par la vésicule optique
(rétine) et la placode optique (paupières, cornée, cristallin).
Les oreilles, externes, moyennes et internes, se forment à la
fin de la 3e semaine. Le nez se forme à la 3e semaine à partir du télencéphale (nerf olfactif) et des placodes olfactives
(muqueuse). Les bourgeons dentaires se constituent dès la
6e semaine à partir de l'ectoderme de la cavité buccale (lame
dentaire) et de l'ectomésenchyme sous-jacent (pulpe dentaire).
Le palais primaire se ferme à la 7e semaine par fusion des
processus nasaux médians et le palais secondaire entre les
8e et 9e semaines par fusion des processus palatins.
Pathologie de la face
Elle est dominée par les malformations de la lèvre supérieure et du palais, regroupées sous le terme de fentes labiopalatines (FLP). Les anomalies de la langue et de la cavité
buccale sont moins fréquentes. Un défaut de développement
mandibulaire, responsable d'un rétrognathisme, s'intègre en
général dans le cadre d'une dysmorphie faciale, d'un syndrome polymalformatif ou d'une dyschromosomie.
Fentes labiopalatines
Pour comprendre ce type de malformations, il faut rappeler
que la lèvre supérieure, les quatre incisives supérieures et
le palais primaire dérivent de la même structure embryologique (le bourgeon frontal), alors que les palais osseux et
vélaire sont issus des bourgeons maxillaires. Si la lèvre est
fermée, le palais primaire et l'arc alvéolaire médian le seront
donc également ; si la lame palatine est vue intacte, le palais
osseux secondaire est bien fermé ; si la luette est visible, l'ensemble du palais secondaire est intact.
La fréquence des fentes est estimée à 1/1000 grossesses
dans la population caucasienne, 1/600 dans la population
asiatique et 1/2500 dans la population africaine. En cas d'antécédent familial, le risque de récidive est de 3 à 5 %.
Des causes infectieuses sont décrites (rubéole) ainsi que
des agents tératogènes (acide rétinoïde, acide valproïque,
hydantoïne, alcool).
On distingue les fentes labiales ou labionarinaires (25 %),
les fentes labiopalatines (50 %) et les fentes palatines (25 %).
Ces dernières sont de diagnostic prénatal extrêmement difficile surtout si elles sont isolées.
Elles sont le plus souvent unilatérales (75 %), parfois bilatérales et parfois décrites « médianes » (correspondant à une
agénésie du processus prémaxillaire). Les fentes bilatérales
et « médianes »doivent rendre particulièrement attentive
l'étude cérébrale car elles peuvent s'intégrer dans une pathologie de la ligne médiane (holoprosencéphalie notamment,
voir chap. 8).
Les formes unilatérales prédominent à gauche ; les formes
labiales ou labiopalatines sont plus souvent observées chez
les garçons, alors que les formes palatines isolées sont plus
fréquentes chez les filles.
Les anomalies chromosomiques associées sont extrêmement rares en cas de fentes labiales ou labiopalatines isolées,
mais le caractère isolé en anténatal étant difficile à affirmer
conduit de nombreuses équipes à proposer un contrôle du
caryotype fœtal en cas de fente diagnostiquée.
Le diagnostic échographique initial est porté sur une
interruption de la lèvre supérieure sur la coupe « nez–
bouche » recommandée par le CNTE (voir fig. 6.12).
L'analyse échographique d'une fente doit comprendre :
■ son caractère uni- ou bilatéral ;
■ sa latéralité ;
■ la mesure de la largeur de la fente ;
■ la déviation de la pointe du nez ;
■ l'étude du profil et de la déviation plus ou moins prononcée du bourgeon latéral ;
■ la recherche d'une atteinte palatine associée : signes
indirects comme l'ascension de la langue dans les fosses
nasales, l'étude des flux en Doppler couleur au niveau
buccal et nasal ou recherche directe de la lame palatine
postérieure, des apophyses ptérygoïdes et éventuellement
étude de la luette.
Diagnostic échographique
Fente labiale ou labiopalatine unilatérale
Le diagnostic échographique en est généralement simple
lors de l'échographie de 22 SA, en l'absence d'interposition
des mains ou du cordon ombilical, ou d'une tête fixée dans
une mauvaise orientation.
Chapitre 9. Pathologie cervicofaciale
En échographie 2D, les trois plans de coupe sont utiles
pour une analyse complète :
■ la coupe frontale (fig. 9.1) permet de mettre en évidence
une discontinuité de la lèvre supérieure et servira d'image
de référence. Il est possible sur ce plan de coupe de mesurer la largeur de la fente labiale et d'étudier la déviation
de la pointe du nez (notions importantes à transmettre
au chirurgien plasticien pour l'entretien prénatal).
L'ouverture de la gencive et de l'arcade dentaire peut
aussi être visible sur la coupe frontale ;
■ la coupe sagittale (fig. 9.2) permet d'observer une déformation lorsque le bourgeon médian est projeté en avant
de façon importante. Elle permet, également, de montrer des signes indirects de fente palatine associée, étude
à réaliser de façon dynamique : ascension de la langue
dans les fosses nasales lors des mouvements de déglutition, mélange des flux buccal et nasal au Doppler couleur,
d
339
même si ce signe peut être absent en cas de petite fente
palatine associée, obstruée par la langue ascensionnée ;
■ la coupe transversale (fig. 9.3a à d) permet de rechercher
une atteinte gingivo-alvéolaire associée et également
des signes indirects de fente palatine lorsque la langue,
échogène, est retrouvée au niveau du defect maxillaire
(fig. 9.3e) et que la visualisation directe de la lame palatine postérieure est impossible (fig. 9.3f). Lorsqu'elle est
retrouvée, ceci traduit l'intégrité du palais osseux secondaire. Cette image rectiligne hyperéchogène correspond
à l'interface palais osseux/palais vélaire. Il est également
possible de visualiser les apophyses ptérygoïdes de part et
d'autre de cette image (voir fig. 6.10a). L'étude du palais
se fera sur un fœtus face en avant, au mieux tête défléchie
(ne pas hésiter à le mobiliser pour lui amener le visage
contre la sonde d'échographie). Certains auteurs ont
récemment montré la possibilité de rechercher l'atteinte
a
b
c
e
Fig. 9.1 Fente labiale unilatérale – coupe frontale. a. 24 SA. Fente unilatérale, labionarinaire,
fine (→). b. 34 SA. Fente labionarinaire unilatérale (→). c. 24 SA. Mesure (1) de la largeur d'une fente
unilatérale. d. Fente labiale à 22 SA avec rétraction de la lèvre et déviation de la pyramide nasale. e. Fente
labiomaxillaire : le plan frontal montre à la fois la fente labiale (d'une largeur de 8 mm) et la fente maxillaire
(→) au niveau de l'arcade dentaire.
340
Échographie en pratique obstétricale
a
d
b
e
du voile du palais (fig. 9.3g) et la présence de luette bifide,
mais cette étude reste aujourd'hui relativement difficile.
La coupe transversale permet également l'étude de la
déviation de la pointe du nez (fig. 9.3h).
Une étude en 3D, quand elle est réalisable, donnera une idée
plus précise et réaliste de la dysmorphie. Le mode surfacique
permet l'étude de la fente labionarinaire, le mode triplan permettra une reconstruction de l'interface du palais secondaire
lorsque l'étude 2D est impossible (fig. 9.3i et j). Cependant, il
est nécessaire d'informer les parents de cette étude 3D-4D qui
peut parfois choquer. L'échographiste peut également acquérir
les volumes, les retravailler secondairement et les présenter
aux parents lors d'une consultation suivante. Ces reconstructions en 3D peuvent être utiles au chirurgien plasticien pour
guider son entretien prénatal (fig. 9.4).
Fente labiale bilatérale
En cas de fente bilatérale (fig. 9.5b et c), le bourgeon médian
peut réaliser une masse centrale saillante visible sur une
coupe sagittale (fig. 9.5a) ou transversale (fig. 9.6). Le profil
est nettement perturbé par le bourgeon prémaxillaire qui
fait saillie vers l'avant et surplombe la gencive supérieure en
retrait. Cet aspect ne doit pas être confondu avec un tératome
nasopharyngé extériorisé ou un proboscis (voir plus loin).
Les reconstructions 3D, quand c'est possible, viendront
compléter le bilan anatomique (fig. 9.7).
Fente médiane
Une fente médiane est beaucoup plus rare (fig. 9.8). Elle
traduit une anomalie de développement du bourgeon
c
Fig. 9.2 Fente labiale ou labiopalatine – coupe sagittale.
a. 18 SA. Coupe sagittale permettant la visualisation d'un
palais osseux normal sous la forme d'une ligne continue
large et échogène (), prolongée par le palais vélaire (→).
b. Sous le nez, on retrouve un « décrochage » qui attire
l'attention (fœtus de 5 mois). Le palais osseux (→) semble
intact. c. 33 SA. Signe indirect de fente palatine avec ascension de la langue (→) dans les fosses nasales. d. 26 SA. En
mode Doppler couleur, une expiration vigoureuse donne un
flux nasal net (→) sans aucun flux dans la bouche : absence
probable de fente palatine. e. 33 SA. Signe indirect de fente
palatine associée avec mélange des flux buccal et nasal (→).
fronto-nasal normalement induit par le cerveau et doit
faire évoquer une anomalie cérébrale au niveau de la ligne
médiane. Elle peut donc être associée à :
■ une malformation nasale : nez petit, une seule narine,
voire un proboscis ;
■ un hypotélorisme ;
■ des anomalies oculaires : microphtalmie, cyclopie ;
■ une holoprosencéphalie.
Tous ces éléments doivent faire évoquer une anomalie
chromosomique, surtout la trisomie 13.
Prise en charge
La découverte d'une fente conduit donc à étudier de façon
minutieuse le reste de la morphologie de la face fœtale
(globes oculaires, cristallins, nez, menton, langue, oreilles,
canaux semi-circulaires) et à rechercher des malformations
associées (cérébrales, cardiaques, extrémités).
L'amniocentèse est proposée aux parents pour étude du
caryotype fœtal et recherche du syndrome de DiGeorge
en cas de fente palatine associée, mais elle peut se discuter en cas d'antécédent familial du 1 er degré (car le
risque chromosomique devient extrêmement faible). En
revanche, celui-ci est beaucoup plus important en cas de
fente associée (surtout les fentes bilatérales et médianes) à
type de trisomie 13 et trisomie 18. La difficulté de pouvoir
affirmer en anténatal le caractère isolé d'une fente conduit
la majorité des équipes à proposer cet examen systématiquement. En effet, 12 à 22 % des fentes dites isolées en
anténatal se révèlent associées à d'autres anomalies en
post-natal.
Chapitre 9. Pathologie cervicofaciale
a
b
d
341
c
e
f
g
h
i
j
Fig. 9.3 Fente labiale ou labiopalatine – coupe transversale. a. 23 SA. Petite fente labiale (→) avec respect de l'arc alvéolaire supérieur. b. 25 SA.
Visualisation d'une petite fente labiale () avec une discrète encoche sur l'arc alvéolaire supérieur (→) (encoche gingivale ?). c. 23 SA. Large fente labiopalatine, ascension de la langue (∗) au travers de la fente palatine, remarquer le retrait latéral des deux parties alvéolaires () qui ne se trouvent pas
en regard de l'ouverture labiale (ouverture alvéolaire plus large que l'ouverture labiale). d. 24 SA. Large fente labiopalatine, retrait latéral et postérieur
de la partie latérale de l'arc alvéolaire (). e. 33 SA. Signe indirect de fente palatine associée à une fente labionarinaire, avec ascension de la langue
au travers de la fente palatine (→). f. 25 SA. Fente palatine (fente labiopalatine bilatérale) évoquée par la rupture de la lame palatine postérieure (→).
g. Même foetus que f fente labiopalatine bilatérale, avec division du palais vélaire visible sur cette incidence (→). h. 25 SA. Fente labionarinaire unilatérale, déviation discrète de la pointe du nez (→). i. 3D triplan, mode TUI, reconstruction de la lame palatine postérieure (→). Acquisition sur un fœtus
de profil strict, tête défléchie. j. Palais ogival. Reconstruction 3D triplan, intégrité de la lame palatine postérieure (→), mais aspect creusé du palais ().
Diagnostiquées pendant la grossesse, les anomalies labiopalatines isolées bénéficient d'une consultation chirurgicale
permettant au chirurgien plasticien d'expliquer aux parents la
prise en charge de leur enfant et les résultats de la correction à
l'aide d'exemples. Tous ces éléments en facilitent l'acceptation.
Les formes plus complexes, polymalformatives, relèvent
d'un avis génétique difficile car une même pathologie peut se
caractériser par une grande diversité d'expression clinique.
Au cours de la grossesse, la tolérance de cette malformation est bonne mais un hydramnios ou un excès de liquide
342
a
d
Échographie en pratique obstétricale
c
b
e
g
amniotique, par trouble de la déglutition, est habituellement
retrouvé dans les larges fentes labiopalatines.
Anomalies du profil fœtal et du nez
L'analyse du profil fœtal nécessite une coupe sagittale
médiane stricte qui n'est pas toujours facile à obtenir :
attention aux fausses impressions ! En cas de doute, il
est possible de mesurer l'angle facial supérieur (entre la
ligne droite tangente au front et la ligne droite tangente
aux OPN, valeur normale 131° ± 13°). L'angle facial inférieur peut également être calculé (entre la ligne droite
perpendiculaire au front et la ligne droite formée par le
f
Fig. 9.4 Fente labiale ou labiopalatine en mode volumique.
a. 24 SA. Fente labiale unilatérale (encoche de la lèvre supérieure →),
reconstruction 3D surface. b. 24 SA. Large fente labiopalatine unilatérale
(→), reconstruction 3D surface. c. 34 SA. Fente labionarinaire unilatérale
(→), déviation discrète de la pointe du nez, reconstruction 3D surface.
d. Fente labiopalatine unilatérale avec rétraction vers la gauche de la lèvre
et du nez. e. 24 SA. Fente labionarinaire unilatérale (→). Reconstruction
3D surface. f. 29 SA. Fente labiopalatine unilatérale, fœtus bouche
ouverte, permettant de visualiser la fente palatine associée (→), reconstruction 3D surface. g. Nouveau-né à terme. Fente labiopalatine avec
l'ouverture du palais bien visible.
menton et la lèvre la plus protruse, valeur normale 64 à
68° ± 8°) (voir fig.6.6c).
Le mode surface 4D permet une synthèse rapide de l'analyse de la face mais l'examen n'est pas toujours possible.
Il peut aussi donner des images inutilement inquiétantes et
il faut savoir s'en passer. L'étude du profil permet de mettre
en évidence un certain nombre d'entités pathologiques.
Hypoplasie des os propres du nez (OPN)
Des OPN absents ou nettement inférieurs à 2,5 mm à partir
de 20 SA sont suspects (fig. 9.9, et voir chap. 7 et voir chap.
16, fig. 16.30). Il s'agit d'un signe d'appel majeur de triso-
Chapitre 9. Pathologie cervicofaciale
a
343
b
Fig. 9.5 Fente bilatérale. a. 24 SA. Fente bilatérale, vue de profil, visualisation du bourgeon médian qui fait saillie sous le nez (→). b. 25 SA.
Fente bilatérale (→), coupe frontale, mode bidimensionnel. Noter la fente
plus large d'un côté (à droite de l'image) et plus fine de l'autre. Peu ou
pas de déviation de la pointe du nez. c. 25 SA. Fente bilatérale, coupe
transversale. Le côté droit (→) montre une fente labiale avec l'encoche
labiale, le côté gauche (Š) montre une fente labiopalatine large.
c
BM
lement être responsable d'une hypoplasie des OPN (associée à un RCIU, un aplatissement de l'ensellure nasale, des
ponctuations épiphysaires - voir fig. 15.23).
Ensellure nasale marquée
Ce signe est habituellement décrit dans l'achondroplasie (voir fig.15.18 et 15.19), le nanisme thanatophore (voir
fig.15.8) et le syndrome d'Apert. L'appréciation est assez
subjective et il existe des variations interindividuelles à ce
niveau. Cependant, les formes pathologiques sont souvent
caricaturales.
Absence de nez, arhinie ou arhinencéphalie
Fig. 9.6 Fente labiopalatine bilatérale. 26 SA. Coupe transversale, fente labiopalatine bilatérale, visualisation du bourgeon médian
projeté vers l'avant (BM) et des parties latérales de l'arcade maxillaire
supérieure décalées vers l'arrière (→).
mie 21 (62 % des enfants T21 ont une hypoplasie des OPN
contre 1,2 % des fœtus normaux) permettant de proposer
un contrôle du caryotype fœtal même si ce signe est isolé. Il
convient néanmoins de veiller à ce que le faisceau ultrasonore soit le plus perpendiculaire possible à l'axe formé par
les OPN pour obtenir une image satisfaisante. Par exemple,
la mesure sera impossible sur un fœtus dont la tête est très
défléchie.
L'hypoplasie peut aussi être un signe d'appel d'une
dysplasie squelettique rare telle que la dysostose cléidocrânienne, où il existe une aplasie ou hypoplasie claviculaire, ou également la dysplasie thanatophore. La
fœtopathie warfarinique (warfarin syndrome) peut éga-
Elle s'observe dans le cadre d'une holoprosencéphalie semiou plus volontiers alobaire et se traduit :
■ soit par l'absence totale de nez (fig. 9.10a à d) avec souvent présence d'un bourgeon au-dessus du plan orbitaire
correspondant au proboscis (fig. 9.10e et fig. 9.11) en cas
de cyclopie (orbite unique) et d'ethmocéphalie (hypotélorisme majeur) ;
■ soit par l'existence d'une pyramide nasale rudimentaire
avec une seule narine (cébocéphalie).
Rétrognathisme
Il se caractérise par le recul du menton en arrière du plan
tangent à la partie inférieure de l'os frontal. Sur une coupe
frontale de la face, on ne parvient pas à visualiser le menton dans le même plan que le nez et la bouche. La mesure
de l'angle facial inférieur peut permettre d'objectiver cette
impression visuelle.
344
a
Échographie en pratique obstétricale
b
d
Fig. 9.8 Fente médiane. 28 SA. Fente « médiane » (→), agénésie du
prémaxillaire.
Le rétrognathisme est caractéristique de la séquence (ou
syndrome) de Pierre Robin mais on le rencontre aussi dans de
nombreux syndromes ou associations malformatives (fig. 9.12
et 9.13a et b) tels que le syndrome de Cornelia de Lange
(fig. 9.13c à e), la trisomie 18 et la dysostose craniofaciale.
La séquence de Pierre Robin associe dans sa forme
complète un microrétrognathisme, une fente palatine, une
glossoptose et un hydramnios par troubles de la déglutition. Elle peut être isolée, d'origine tératogène (alcool,
valproate), ou chromosomique (trisomies 13, 9, 18 et 21),
mais, deux fois sur trois, elle s'intègre dans un syndrome
polymalformatif : syndromes de Stickler, de Treacher
Collins, de Nager, vélo-cardio-facial et dysplasie osseuse
c
Fig. 9.7 Fente bilatérale : mode volumique. a. 25 SA. Fente labiopalatine bilatérale asymétrique. Mode 3D surfacique, fœtus tête en
extension, bouche ouverte. Cette position permet une visualisation
directe de la fente palatine (→). b. Même patiente, mode 3D surfacique, rendu HD-live. c. 33 SA. Fente bilatérale, mode 3D surfacique.
d. Fente labiale avec bourgeon labiomaxillaire médian.
Fig. 9.9 Hypoplasie des OPN. Coupe sagittale du profil, os propres
du nez punctiformes (→). Trisomie 21.
(tableau 9.1, et voir aussi tableau 8.1). La glossoptose
risque d'entraîner une asphyxie néonatale, ce qui nécessite
une prise en charge néonatale adaptée.
Prognathisme maxillaire inférieur
Il est en général relatif et secondaire à une hypoplasie maxillaire supérieure qu'on peut retrouver dans le syndrome de
Pfeiffer (craniosynostose avec brachycéphalie et gros orteil
large en abduction, voir fig. 8.20).
Une mandibule relativement proéminente, associée à
un profil plat sans éminence nasale par hypoplasie de la
pyramide nasale, évoque un syndrome de Binder (dysplasie
Chapitre 9. Pathologie cervicofaciale
a
345
b
c
e
maxillonasale), rare (1/10 000 naissances) qui s'accompagne
parfois d'une hypoplasie des phalanges distales. Bien que
généralement sporadique et inexpliqué, quelques cas familiaux ont été décrits. Un « phénotype » Binder a été décrit en
cas d'exposition in utero à la phénytoïne, de déficit en vitamine K par prise d'anticoagulants, ou associé à une chondrodysplasie ponctuée (voir chap. 15).
Philtrum court
Il est assez caractéristique des formes sévères de syndrome
d'alcoolisation fœtale (SAF). Avec le contexte et souvent
d
Fig. 9.10 Absence de nez. a. 12 SA. Arhinie, fente « médiane » avec
agénésie du prémaxillaire et arhinie, hypotélorisme. Fœtus présentant
une holoprosencéphalie alobaire. Mode 3D surfacique, rendu HD-live.
b. 26 SA. Arhinie, hypotélorisme et exophtamie (flèches marquant
les yeux). Holoprosencéphalie. c. Arhinencéphalie (23 SA) associée à
une holoprosencéphalie semi-lobaire, coupe du profil. Disparition du
massif médian avec absence de la lèvre supérieure et de la pyramide
nasale. d. Arhinencéphalie (23 SA). « Avortement » du massif médian
de la face. e. Proboscis (22 SA), coupe transversale. Appendice
médian sus-orbitaire (→). Holoprosencéphalie alobaire avec cavité
ventriculaire unique (1) et volumineux sac dorsal (2).
un RCIU, son appréciation est aussi très subjective d'autant
que la dysmorphie observée dans le SAF (fig. 9.13f à h) est
parfois simplement une caractéristique familiale, en dehors
de toute intoxication. On trouve aussi une lèvre supérieure
courte et bombée dans le syndrome de Noonan (fig. 9.14).
Tumeurs de la face
Elles peuvent correspondre à un hémangiome, un tératome
extériorisé par le nez ou par la bouche qu'il faudra distinguer d'une méningo-encéphalocèle antérieure
346
Échographie en pratique obstétricale
Hémangiome sous-cutané céphalique
Il est caractérisé en échographie par une tuméfaction échogène et homogène (fig. 9.15), mais parfois de structure mixte
solido-liquidienne, présentant la particularité d'être vascularisée au Doppler couleur. Cet hémangiome, de localisation
plus volontiers occipitale, unique ou multiple, parfois volumineux peut être isolé ou entrer dans le cadre d'un syndrome
de Klippel-Trenaunay. Une régression spontanée est possible.
Tératome nasopharyngé ou épignathus
Très rare, environ 1/30 000 naissances, ce tératome multitissulaire (comme le tératome sacro-coccygien) prend
volontiers naissance au niveau du palais, de l'ethmoïde ou
du sphénoïde et s'extériorise par la bouche ou le nez, déformant le profil de façon variable selon le volume. La tumeur,
homogène ou hétérogène (tissu osseux), pédiculée ou à large
base d'implantation, distend et efface la bouche et/ou le nez
et s'accompagne souvent d'un hydramnios par trouble de la
déglutition (fig. 9.16). Le potentiel de croissance rapide in
utero est réel. Des fentes faciales ou des anomalies cérébrales
peuvent s'y associer ainsi que des malformations cardiaques.
Un tératome volumineux peut se compliquer d'anasarque
fœtoplacentaire.
L'IRM fœtale permet de mieux délimiter la tumeur en
cas de poursuite de la grossesse. Une naissance par EXIT (ex
utero intra-partum treatment) procedure sera envisagée pour
optimiser la prise en charge pédiatrique néonatale, c'està-dire une intubation en maintenant le nouveau-né sur sa
circulation fœtale, avant la première inspiration.
Tumeurs buccales et linguales
On retrouve ici le kyste lingual, le kyste sublingual, le lymphangiome kystique lingual et le tératome buccal.
Kyste lingual
Il dépend de la langue et se caractérise en échographie par
une structure intrabuccale, anéchogène, à paroi nette, sans
logette interne, mobile avec les mouvements de déglutition
du fœtus.
Kyste sublingual
Fig. 9.11 Proboscis. 13 SA. Cyclopie, hypotélorisme extrême, arhinie
et proboscis (→).
Il se développe aux dépens d'une glande salivaire. Il est anéchogène, en dessous de la langue qui est bien visible. Selon le
a
b
c
d
Fig. 9.12 Rétrognathisme. a. 18 SA. Rétrognathisme (→). b. Même fœtus que a, reconstruction 3D surface. c. 24 SA. Rétrognathisme (→) plus
discret. Reconstruction 3D osseux. d. Même fœtus que c, reconstruction 3D mode surface. Discret rétrognathisme, narines antéversées.