Les formes de La métropoLisation Costa Rica, France et

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Les formes de La métropoLisation Costa Rica, France et
p
dominique mignot
diana rebeca Villarreal González
Coordinateurs
artant d’une interrogation sur la permanence des formes de la métropolisation,
les travaux présentés dans cet ouvrage indiquent sans ambiguïté que la métropolisation
est un processus dont les trois caractéristiques de concentration, d’étalement urbain et
de ségrégation intra-urbaine sont indissociables et sont à l’œuvre simultanément.
La première partie, « les formes de la métropolisation », vise à expliciter les permanences
de ces formes. La deuxième partie, « les dynamiques économiques », analyse en quoi les
évolutions du tissu économique jouent sur les
formes de la métropolisation et, notamment,
sur les polarisations intra-urbaines. enfin, la
troisième partie, « métropolisation et ségrégation spatiale », confirme la pertinence des
travaux sur la ségrégation spatiale pour analyser le processus de métropolisation à l’œuvre
à différentes échelles spatiales.
Rapport n° 277
Juin 2009
Les formes de La métropoLisation
Costa Rica, France et Mexique
15,24 €
°2
Légende de la photo de couverture :
« Une rue fermée illégalement par les habitants de
Mexico », Dominique Mignot, 2008.
ISSN 0768-9756
ISBN 978-2-85782-673-6
77
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RAP
N
Diana Rebeca Villarreal González, docteur
en sociologie de l’École des hautes études en
sciences sociales (EHESS, Paris), professeur
du doctorat en sciences sociales et au département de production économique de l'université
autonome métropolitaine, unité Xochimilco,
Mexico.
Rapport INRETS n° 277
Dominique Mignot, docteur habilité à diriger
des recherches en sciences économiques de
l’université de Lyon et ingénieur des Ponts et
Chaussées, directeur scientifique adjoint de
l’INRETS, chercheur associé au Laboratoire
d'économie des transports (LET) à l'université
Lumière Lyon 2.
Les formes
de La métropoLisation
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Contact : [email protected]
Dominique Mignot
Diana Rebeca Villarreal González
Coordinateurs
Les formes
de la métropolisation
Costa Rica, France et Mexique
Rapport INRETS No 277
Juin 2009
Les formes de la métropolisation
Les coordinateurs
Dominique Mignot, directeur scientifique adjoint de l’Institut national de recherche sur
les transports et leur sécurité (INRETS).
25 avenue François-Mitterrand, case 24, F-69675 Bron cedex, France
Tél. : +33 4 72 14 24 20 / 24 70
[email protected]
Diana Rebeca Villarreal González, professeur à l’université autonome métropolitaine
(UAM)–unité Xochimilco, Mexico
[email protected]
Les auteurs
Anne Aguiléra, docteur en sciences économiques de l’université de Lyon, chercheur au
Laboratoire ville, mobilité, transports (LVMT) et à l’INRETS.
Danièle Bloy, économiste de l’université de Lyon, ingénieur d’études au Laboratoire
d’économie des transports (LET) à l’université Lumière Lyon 2.
Louafi BBouzouina, docteur en sciences économiques de l’université de Lyon, enseignant
à l’université de Lyon et chercheur au LET à l’École nationale des travaux publics de l’État
(ENTPE).
Roberto Constantino Toto, économiste à l’UAM–unité Xochimilco, professeur au département de production économique, Mexico.
Enrique Contreras Montiel, économiste de l’université nationale autonome de Mexico
(UNAM), professeur à l’UAM–unité Xochimilco, département de production économique,
Mexico.
María Antonia Correa Serrano, docteur en relations internationales de l’UAM, professeur
à l’UAM–unité Xochimilco, département de production économique, Mexico.
Hilda Rosario Dávila Ibáñez, économiste à l’UAM–unité Xochimilco, professeur au
département de production économique, Mexico.
Selva Daville Landero, économiste à l’UAM, chercheur à l’Institut de recherches interdisciplinaires, UNAM, Mexico.
Dominique Mignot, docteur habilité à diriger des recherches en sciences économiques
de l’université de Lyon et ingénieur des Ponts et Chaussées, directeur scientifique adjoint
de l’INRETS, chercheur associé au LET, ancien président de l’Association de science
régionale de langue française (ASRDLF).
François Million, économiste de l’université de Lyon, chargé d’études et doctorant au
LET à l’ENTPE.
Cuauhtémoc Pérez Llanas, docteur en économie de l’IHAL (France), recteur de l’UAM–
unité Xochimilco, professeur à l’UAM, département de production économique, Mexico.
Silvia Rosales Montano, docteur en sciences économiques de l’université de Lyon et
urbaniste, chargée d’études à l’Agence d’urbanisme de la Communauté urbaine de Lyon,
présidente de l’ONG Apoyo Urbano.
Diana Rebeca Villarreal González, docteur en sociologie de l’École des hautes études
en sciences sociales (EHESS, Paris), professeur du doctorat en sciences sociales et au
département de production économique de l’UAM–unité Xochimilco, Mexico.
Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité – INRETS
Direction scientifique / politique éditoriale – Aude Lauby
25 avenue François-Mitterrand, case 24, F-69675 Bron cedex, France
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présent ouvrage par quelque procédé que ce soit, sous réserve des exceptions légales
Fiche bibliographique
UR (1er auteur)
Projet N°
Rapport INRETS N° 277
INRETS et LET
Titre
Les formes de la métropolisation. Costa Rica, France et Mexique.
Sous-titre
Langue
Français
Auteur(s)
Rattachement ext.
Dominique Mignot et Diana Rebeca Villarreal González
Nom adresse financeur, co-éditeur
N° contrat, conv.
Date de publication
Juin 2009
Remarques
Résumé
Cet ouvrage est avant tout le résultat d’un programme de recherche conjoint entre le Laboratoire
d’économie des transports (LET) à l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE),
le Département de production économique de l’université autonome métropolitaine à Mexico,
Unité Xochimilco (UAM–Xochimilco), l’Institut national de recherche sur les transports et leur
sécurité (INRETS) et l’Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise.
Partant d’une interrogation sur la permanence des formes de la métropolisation, les travaux
présentés dans cet ouvrage montrent sans ambiguïté que la métropolisation est un processus
dont les trois caractéristiques de concentration, d’étalement urbain et de ségrégation intraurbaine sont indissociables et sont à l’œuvre simultanément. La première partie, « les formes
de la métropolisation », vise à expliciter les permanences de ces formes. La deuxième partie,
« les dynamiques économiques », analyse en quoi les évolutions du tissu économique jouent
sur les formes de la métropolisation et, notamment, sur les polarisations intra-urbaines. Enfin, la
troisième partie, « métropolisation et ségrégation spatiale », confirme la pertinence des travaux
sur la ségrégation spatiale pour analyser le processus de métropolisation à l’œuvre à différentes
échelles spatiales.
Mots clés
Métropolisation, étalement urbain, ségrégation spatiale, mobilité
Nb de pages
Prix
Bibliographie
214
15,24 €
Oui
Rapport INRETS n° 277
3
Publication data form
UR (1st author)
Projet N°
INRETS report N° 277
INRETS and LET
Title
Forms of metropolization. Costa Rica, France and Mexico.
Subtitle
Language
French
Author(s)
Affiliation
Dominique Mignot and Diana R Villarreal González
Sponsor, co-editor, name and address
Contract, conv. N°
Publication date
June 2009
Notes
Summary
This book is first of all the result of a joint research program between the Transport Economics
Laboratory at National School of Public Works (LET–ENTPE), the Department of Economic
Production at Metropolitan Autonomous University in Mexico, Unit Xochimilco (UAM–Xochimilco),
the French National Institute for Transport and Safety Research (INRETS) and the Urbanism
Agency for the development of Lyons’s area. Based on the question of the permanency of
forms of metropolization, the works presented in this book clearly show that metropolization is
a process in which the three characteristics, namely concentration, urban sprawl and spatial
segregation, are indissociable. The first part, “Forms of metropolization”, aims at highlighting the
permanency of these forms. The second part, “Economic dynamics”, analyses the influence of
the evolutions of the economic fabric on the forms of metropolization, and particularly on intraurban polarization. The third part, “Metropolization and spatial sergregation”, confirms that works
on spatial segregation are relevant for analysing the metropolization process at different spatial
scales.
Key words
metropolization, urban sprawl, spatial segregation, mobility
Nb of pages
Price
Bibliography
214
15,24 €
Yes
4
Rapport INRETS n° 277
Table des matières
Avant-propos .................................................................................................... 7
Dominique Mignot
Partie 1 : Les formes de la métropolisation
Chapitre 1. Métropolisation, concentration et ségrégation dans
les villes européennes et américaines : une comparaison
Costa Rica, France et Mexique...................................................................... 11
Dominique Mignot et Diana Rebeca Villarreal González
Chapitre 2. Permanence des formes des métropoles : le cas
de la zone métropolitaine de la Ville de Mexico........................................... 27
Diana Rebeca Villarreal González
Chapitre 3. Les formes de la métropolisation au Costa Rica..................... 45
Sylvia Rosales Montano
Chapitre 4. Permanence des formes de la métropolisation dans les
aires urbaines françaises............................................................................... 61
Dominique Mignot, Anne Aguiléra et Danièle Bloy
Partie 2 : Les dynamiques économiques
Chapitre 5. Querétaro : Un pôle émergent de développement industriel. 77
Selva Daville Landero
Chapitre 6. L’impact des zones d’activité sur la localisation des
entreprises....................................................................................................... 91
François Million
Chapitre 7. Les services aux entreprises dans les espaces
périurbains : un développement encore mesuré....................................... 113
Anne Aguiléra
Chapitre 8. Les investissements étrangers directs dans le secteur
des services à Mexico.................................................................................. 133
María Antonia Correa Serrano
Rapport INRETS n° 277
5
Les formes de la métropolisation
Partie 3 : Métropolisation et ségrégation spatiale
Chapitre 9. Dynamique locale et processus d’expansion de la région
métropolitaine de Mexico............................................................................. 147
Enrique Contreras Montiel
Chapitre 10. La ségrégation spatiale dans les villes françaises :
le cas de trois agglomérations de la Région Rhône-Alpes...................... 159
Danièle Bloy
Chapitre 11. Métropolisation et ségrégation dans la ville de Mexico...... 173
Hilda Rosario Dávila, Roberto Constantino Toto, Cuauhtémoc Pérez Llanas
Chapitre 12. Les disparités de revenus à différentes échelles
spatiales en France....................................................................................... 191
Louafi Bouzouina et Dominique Mignot
6
Rapport INRETS n° 277
Avant-propos
Ce livre est avant tout le résultat d’un programme de recherche conjoint entre
le Laboratoire d’économie des transports (LET) à l’École nationale des travaux
publics de l’État (ENTPE), le Département de production économique de l’Université autonome métropolitaine à Mexico, Unité Xochimilco (UAM–Xochimilco),
l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS) et
l’Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise.
Un premier programme de recherche entre le LET et l’UAM, initié avec Diana
Rebeca Villarreal González, professeur à l’UAM, suite au colloque de l’Association de science régionale de langue française (ASRDLF) à Puebla (Mexique) en
1998, avait permis d’analyser en parallèle les dynamiques à l’œuvre au sein des
espaces métropolitains en France et au Mexique. Ce programme de recherche
s’était traduit par un ouvrage « Dinamicas metropolitanas y estructuracion territorial » publié en 2003. Les recherches présentées dans cet ouvrage tentaient de
démontrer en quoi les dynamiques tant économiques que spatiales permettaient
d’expliquer les logiques de concentration et de polarisation à l’œuvre à différentes
échelles spatiales, y compris au sein des aires métropolitaines.
Ces travaux ont montré, que toutes proportions gardées et malgré des contextes nationaux très différents, des « permanences » pouvaient être mises en évidence. Ainsi, les tendances à la concentration et à l’étalement étaient partout en
France et au Mexique ou, au moins, dans les villes que nous avions étudiées,
concomitantes et non concurrentes. Autre « permanence », la question de la
ségrégation sociospatiale ou plutôt de l’accroissement des inégalités sociospatiales, qui était, jusque-là, peu abordée dans les travaux portant sur la ville et sur
les dynamiques spatiales, commençait à apparaître comme une caractéristique à
part entière du processus de métropolisation.
C’est ainsi, qu’un deuxième programme de recherche conjoint entre le LET et
l’UAM a été lancé sur la question de la permanence des formes de la métropolisation, avec comme ambition d’élargir l’éventail des villes étudiées et d’approfondir la
connaissance sur les caractéristiques de la métropolisation. Ces travaux, présentés dans cet ouvrage, montrent sans ambiguïté que la métropolisation est un processus dont les trois caractéristiques de concentration, d’étalement urbain et de
ségrégation intra-urbaine sont indissociables et sont à l’œuvre simultanément.
Ces recherches ont bénéficié d’aides à la recherche de la Région RhôneAlpes, pour la comparaison internationale et de l’Agence de l’environnement et de
la maîtrise de l’énergie (ADEME) et du Groupement régional Nord-Pas-de-Calais
pour la recherche dans les transports (GRRT) pour l’analyse plus fine des liens
entre formes urbaines et mobilités.
Rapport INRETS n° 277
7
Les formes de la métropolisation
Cette recherche conjointe a donné lieu à deux séminaires, le premier à l’ENTPE
en 2003 et le second à l’UAM en 2005, ainsi qu’à des échanges et présentations,
notamment lors des colloques de l’ASRDLF.
Les contributions présentées dans cet ouvrage sont organisées en trois parties. La première partie, « les formes de la métropolisation », vise à expliciter les
permanences de ces formes. La deuxième partie, « les dynamiques économiques », analyse en quoi les évolutions du tissu économique jouent sur les formes
de la métropolisation et notamment sur les polarisations intra-urbaines. Enfin,
la troisième partie, « métropolisation et ségrégation spatiale », confirme la pertinence des travaux sur la ségrégation spatiale pour analyser le processus de
métropolisation à l’œuvre à différentes échelles spatiales.
Dominique Mignot
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Rapport INRETS n° 277
Partie 1
Les formes de
la métropolisation
Rapport INRETS n° 277
9
Métropolisation, concentration
et ségrégation dans les villes
européennes et américaines :
une comparaison Costa Rica,
France et Mexique
Dominique Mignot et Diana Rebeca Villarreal González
Le questionnement sur la permanence des formes de la métropolisation tel que
nous l’avions défini au démarrage de notre recherche conjointe reposait essentiellement sur trois grandes caractéristiques de la métropolisation : la concentration, l’étalement urbain et l’émergence de polarités au sein de ces espaces
péri-urbains en croissance.
« La tendance à la métropolisation, une métropolisation sélective et déséquilibrée, marquée par un accroissement des disparités inter- et intra-urbaines, a déjà
été démontrée par de nombreux travaux (Bassand, 1997 ; Buisson et Rousier,
1998 ; Lacour et Puissant, 1999 ; Buisson et Mignot, 2005) ». Cette tendance
n’est pas infirmée aujourd’hui, voire confortée, comme nous avons pu le mettre
en évidence, par l’étude comparative de sept agglomérations françaises (Mignot
et al., 2004a) et comme le montrent nombre d’autres travaux récents (Buisson
et al., 2001 ; Aguiléra et Mignot 2003, Villarreal et al., 2003). Le processus de
métropolisation affecte tous les espaces, même les espaces ruraux, objets d’une
métropolisation rurale (Lacour, 2005).
Les hypothèses que nous avions formulées étaient que ces tendances à la
concentration sélective, à l’étalement généralisé, à l’émergence de polarités…
étaient à l’œuvre partout, à différentes échelles spatiales, dans des contextes
nationaux différents, par exemple au Costa Rica, en France et au Mexique. Nous
distinguions ainsi trois questions principales.
La première concerne la comparaison des structurations urbaines dans de
grandes métropoles. L’enjeu est tout à la fois d’identifier les formes urbaines et de
les relier aux dynamiques des activités. Y a-t-il émergence de polarités périphériques et dans quelles conditions ?
La deuxième question a trait à la nature des pôles secondaires. Sont-ils caractérisés par des dynamiques d’autonomisation, au sens d’un développement local
de services à la population et aux entreprises ? Quelles entreprises participent à
Rapport INRETS n° 277
11
Les formes de la métropolisation
ces dynamiques ? Des secteurs d’activités particuliers participent-ils à l’autonomisation ou à la structuration du territoire ? Peut-on affiner les relations de concurrence–complémentarité avec le centre ?
La troisième interrogation concerne les territoires et les populations délaissés.
À côté des espaces qui se développent, les « Régions qui gagnent » de Benko et
Lipietz (1992), une analyse plus fine des territoires souvent définis « en creux »
est également à faire. N’y a t-il pas décrochage de ces territoires ?
L’hypothèse centrale qui sous-tend notre recherche est donc celle d’une permanence des tendances lourdes à la métropolisation, notamment par l’émergence de polarités périphériques situées sur les axes principaux de transport.
Concernant plus précisément les stratégies de localisation des établissements,
l’hypothèse est également celle d’une permanence des comportements des
entreprises, qui dépassent les contextes nationaux et les échelles spatiales.
La comparaison est effectuée à la fois dans un cadre national, par la comparaison de villes de différentes tailles, et dans un cadre international par la comparaison des situations costaricaines, mexicaines et françaises.
En France, le choix a été fait de travailler sur des agglomérations a priori plutôt
centrées (par exemple Bordeaux ou Dijon) ou, au contraire, marquées au départ
par des formes urbaines très contraintes (par exemple Marseille). Dans le cas du
Mexique, l’analyse est ciblée, ici, essentiellement sur la zone métropolitaine de
la Ville de Mexico (ZMVM), d’autres villes telles que Monterrey ayant également
été étudiées par ailleurs. Au Costa Rica, seule la ville de San José a été étudiée.
Deux échelles ou niveaux peuvent ainsi être identifiés :
•• le niveau des villes mondiales avec Mexico et Paris, et leurs systèmes régionaux mégalopolitains (région parisienne et région Centrale du Mexique) ;
•• les villes, centres de province en France (Bordeaux, Dijon, Lyon et Marseille)
et au Mexique (Monterrey), auxquelles on ajoutera la ville de San José, qui,
de par sa taille et malgré son statut de capitale, est de fait plus proche de
Lyon ou Monterrey que de Paris ou Mexico.
Que se passe-t-il dans ces différents contextes nationaux, et notamment au
Mexique et au Costa Rica, pour lesquels les travaux et la littérature sur le sujet
sont moins fournis ? Que se passe-t-il au sein même de ces espaces caractérisés par de profondes mutations ? Les espaces intra-urbains sont-ils aussi le
lieu de phénomènes comparables ? Que se passe-t-il à côté des territoires qui
gagnent ? Certaines villes ou métropoles ne sont-elles pas le lieu d’un retour au
centre ? Ou, au contraire, une évolution à l’américaine n’est-elle pas en train de
se généraliser ?
Autant de questions auxquelles nous avons tenté de répondre. Les différents
travaux effectués sur le Costa Rica, la France et le Mexique nous ont conduits,
de fait, à insister beaucoup plus sur la dimension de la ségrégation dans les
évolutions à l’œuvre. Alors que pour les villes françaises par exemple le double
phénomène de concentration et d’étalement urbain semblait globalement pouvoir
décrire les évolutions à l’œuvre, il nous semble dorénavant nécessaire de parler
12
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation, concentration et ségrégation dans les villes...
d’un triple phénomène de concentration, d’étalement urbain et de ségrégation. En
effet, ces travaux convergent pour confirmer ces trois grandes caractéristiques de
la métropolisation :
•• les centres historiques gardent un rôle important même si des polarités périphériques apparaissent et se développent, notamment le long des axes de
transport ;
•• l’étalement urbain continu ;
•• la ségrégation se développe au sein des métropoles.
Ce triple phénomène permet de décrire et d’expliquer un renforcement de la
hiérarchie urbaine au niveau mondial autour d’espaces métropolisés de plus en
plus étendus mais aussi de plus en plus ségrégués. Ce qui avait pu être mis en
évidence dans les villes globales de Saskia Sassen (1996) s’applique de fait à
nombre de métropoles.
L’objectif de cet article est donc de tenter un premier bilan des travaux récents
permettant de décliner le triple phénomène dans trois contextes nationaux bien
différents.
1. La concentration toujours et encore
La concentration des activités et de la population dans des métropoles toujours plus vastes semble toujours une caractéristique essentielle du processus
de métropolisation, comme l’ont montré ou suggéré nombre de travaux portant
sur différentes échelles spatiales (Fujita, 1994 ; Krugman, 1995 ; Arthur, 1995 ;
Lacour et Puissant, 1999).
De nombreuses études ont également montré le rôle fondamental des services dans la croissance économique (Jouvaud, 1998) et le renforcement de la
hiérarchie urbaine (Damette, 1995). Les services, et plus particulièrement les
services aux entreprises, participent donc activement au phénomène de métropolisation (Bassand, 1997 ; Jouvaud, 1998 ; Léo et Philippe, 1998 ; Aguiléra,
2002), à la fois par leur concentration et par leur diversification. Ces tendances,
jusque-là peu abordées dans les villes latino-américaines, s’y trouvent largement
confirmées.
Les travaux effectués sur les trois pays montrent tout d’abord que la concentration privilégie toujours le niveau le plus élevé de la hiérarchie urbaine
qui continue ainsi à se développer. Ils montrent également qu’au sein de ces
agglomérations :
•• le centre historique garde un rôle important (notamment en ce qui concerne
les activités de service, les investissements étrangers à Mexico…) et que le
modèle nord-américain ne se généralise pas ;
•• la concentration se fait également en des espaces privilégiés (au centre
et ailleurs) dont des pôles périphériques bien situés le long des axes de
transport.
Rapport INRETS n° 277
13
Les formes de la métropolisation
Une première comparaison des villes étudiées suggère de nombreuses similitudes (Tableau 1). Les agglomérations capitales représentent de l’ordre de 20 %
de la population totale de la France et du Mexique et 30 % du Costa Rica. Les
villes du niveau inférieur de la hiérarchie urbaine sont loin derrière ces capitales
(Lyon regroupe 2,8 % de la population française et Monterrey 3,4 % de la population mexicaine).
Tableau 1 : le poids du centre dans les agglomérations
Métropole
Population
(en millions d’habitants)
Part de la métropole dans
la population totale du pays
Part du centre dans la population
de la métropole
Mexico
2000
ZMVM
17,8
Paris
1999
AU
11,2
San José
2000
AMSJ
1,2
Lyon
1999
AU
1,6
Monterrey
2000
ZMM
3,3
18,3 %
19,1 %
31 %
2,8 %
3,4 %
9,4 %
47,4 %
*
19 %
27 %
27 %
34 %
* Pour Mexico, la « Ciudad central », comprenant les quatre délégations les plus centrales du District
Fédéral, comprend 9,4 % de la population de la zone métropolitaine, et le District Fédéral en concentre,
quant à lui, 47,4 %.
Source : tableau constitué à partir de Ben Amar et Vega, 2003 ; Mignot et al. 2004a ; Villarreal et
Aguirre Costa, 2003.
On peut également remarquer sur ce tableau que la part du centre dans la
population des métropoles étudiées reste importante. La part la plus faible est
obtenue à Mexico, avec 9,4 %, le centre « Ciudad central » étant défini par les
quatre délégations centrales du District Fédéral (Cuauhtemoc, Benito Juarez,
Miguel Hidalgo et V. Carranza). Le District Fédéral représente, quant à lui, 47,4 %
de la population de la zone métropolitaine.
1.1. Rôle du centre historique
Les évolutions mises en évidence sur les villes françaises confirment la permanence du double phénomène de concentration sur les aires urbaines et d’étalement de celles-ci. Populations, emplois et établissements s’étalent de plus en
plus, sans que le centre, dont la part diminue, ne perde toutefois son rôle dominant. Contrairement au cas des grandes villes des États-Unis, qui ont donné lieu
aux travaux sur les edge cities (Garreau, 1991), le centre ne se vide pas ou peu
et voit, dans la plupart des cas, son aire d’attraction (définie comme l’origine des
migrations alternantes entrantes sur le centre) s’accroître (Mignot et al., 2004a,
2004b).
La part du centre est très variable selon les villes (cf. chapitre 4), et le centre
représente encore plus de la moitié des agglomérations concernées. L’emploi
est dans tous les cas plus concentré que la population et, là, on constate que
Paris concentre encore plus de 30 % de tout l’emploi de son aire urbaine. C’est
d’ailleurs dans ce « spatial mismatch » (Gaschet et Gaussier, 2005) que certains
auteurs trouvent la raison essentielle de la persistance du chômage ou des dif-
14
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation, concentration et ségrégation dans les villes...
ficultés d’accès à l’emploi pour toute une partie de la population et donc de la
ségrégation spatiale.
C’est, par ailleurs, par un contrôle des emplois liés à la décision que les centres gardent un rôle prépondérant. En effet, le centre historique est toujours, que
ce soit au Costa Rica, en France ou au Mexique, la localisation préférée des activités de services aux entreprises (Aguiléra, 2002 ; Villarreal González et Aguirre
Costa, 2003). On peut relever que pour certains services le centre renforce sa
place. Ainsi, pour le Mexique, la ville de Mexico représente 59,5 % du PIB des
services bancaires en 2000, contre 49 % en 1993 (Villarreal González et Aguirre
Costa, 2003).
Un indicateur plus spécifique ou sensible pour le Mexique peut également
être utilisé, celui du niveau des investissements à capitaux étrangers. Là encore,
même si la part de la ville de Mexico dans les investissements à capitaux étrangers passe de 65 % en 1993 à 54,6 % en 2002 (cf. chapitre 8), le rôle du centre
reste primordial.
On peut enfin noter la tendance à la concentration des activités commerciales
dans les villes étudiées avec, par exemple, le développement de mégacentres
commerciaux au plus proche du centre sur les grandes pénétrantes à Mexico
(Lopez Levi, 2004). L’aire métropolitaine de San José (AMSJ) concentre 80 % des
activités commerciales, 100 % des établissements de soins spécialisés, 70 % du
transport… (Ben Amar et Vega, 2003).
Le rôle du centre historique des villes reste très important dans les trois contextes nationaux étudiés, même s’il est vraisemblablement moins fort dans les villes
mexicaines pour lesquelles une étude récente de la localisation des centres de
recherche en innovation (Tecualhey Sandoval et Rozga Lutner, 2004) suggère
une localisation privilégiée de ces activités en dehors de Mexico.
1.2. Concentration en certains pôles périphériques
Au cœur du questionnement de l’économie spatiale sur les formes de la métropolisation, les analyses en cours mettent en évidence l’existence de polarités
périphériques. Ces pôles attirent des activités (industries de pointes ou services en France, services et investissements à capitaux étrangers au Mexique). La
concentration d’activités nobles (services mais aussi industries de haute technologie ou technologie de l’information et de la communication) en des pôles périphériques est une caractéristique de ces pôles (Beckouche et Vire, 1998).
Ainsi, des polarités périphériques peuvent être mises en évidence dans les
villes costaricaines (Ben Amar et Vega, 2003), françaises (Gaschet, 2001 ; Mignot
et al., 2004b) et mexicaines (Villarreal González et Aguirre Costa, 2003 ; Villarreal
González, 2004).
Dans le cas des villes françaises, ces pôles ont été constitués par regroupement des communes attirant 85 % des migrations alternantes à destination de
la périphérie. On constate ainsi que dans les sept aires urbaines étudiées moins
de 25 % des communes périphériques attirent 85 % des migrations vers la péri-
Rapport INRETS n° 277
15
Les formes de la métropolisation
phérie. Ces communes peuvent ainsi être regroupées en pôles dont le nombre
est très variable selon l’agglomération et varie de deux à Saint-Étienne ou trois à
Bordeaux, Dijon et Marseille (où le pôle d’Aix-en-Provence joue un rôle de véritable pôle secondaire), à 11 à Lyon et à 25 à Paris. Dans la plupart des cas, ces
pôles sont situés en proche banlieue et pour Lyon et Paris peuvent être situés plus
loin en périphérie, sur des axes notamment desservis par des axes autoroutiers.
La localisation des activités motrices périphériques, définies par un critère de
fort emploi et de nombre important de créations récentes d’entreprises (Buisson
et al., 2001) est, dans tous les cas, majoritairement concentrée dans les pôles
définis précédemment (Tableau 2).
Ainsi, ces pôles regroupent plus de 70 % des activités motrices localisées hors
du centre de l’aire urbaine et plus de 75 %, et même 80 % pour les plus grandes
villes, des activités motrices de service aux entreprises. Ceci confirme à la fois
l’effet attracteur de quelques pôles périphériques et le rôle des activités de service
dans le développement de ces pôles.
Tableau 2 : la localisation des activités motrices périphériques
dans les pôles périphériques des aires urbaines
Nbr. d’étab.
moteurs en
périphérie
Ensemble
des établissements
moteurs *
Nbr.
Total
Dans
%
périph.
les
pôles
11 804
8 911
75,5
6 152
4 564
74,2
6 412
4 978
77,6
2 019
1 397
69,2
4 136
3 070
74,2
1 725
1 240
71,9
Établissements moteurs
industriels
Total
périph.
Nbr.
Dans
les
pôles
1 209
581
176
142
390
368
%
Établissements moteurs
de services
aux entreprises
Nbr.
Total
Dans
%
périph.
les
pôles
3 800
3 025
79,6
507
398
78,5
1022
837
81,9
393
297
75,6
285
237
83,2
351
266
75,8
Lyon
1 719
70,3
Marseille
859
67,7
Bordeaux
207
85,0
Dijon
207
68,6
Grenoble
535
72,9
Saint481
76,5
Étienne
* Établissements d’un salarié et plus présents sur le territoire de l’aire urbaine.
Source : Mignot et al., 2004b, p. 9.
À Mexico et à San José, des polarités peuvent également être mises en évidence. Une analyse des pôles attractifs d’emploi à Mexico en 1994 et 2000 montre à la fois l’existence de polarités périphériques attirant emplois et migrations
et une certaine stabilité dans le temps de ces polarités. Ainsi, il n’y a pas eu de
gros bouleversements dans les migrations et les emplois formels offerts en 1994
et en 2000. Mais, en même temps, nous constatons que les vieux pôles de développement industriel localisés dans les délégations Azcapotzalco et V. Carranza
montrent des taux de croissance de l’emploi très bas, tandis que les nouveaux
sous-centres d’emploi se localisent dans les délégations Iztapalapa, A.Obregón,
Iztacalco et Coyoacán (Villarreal González et Aguirre Acosta, 2003). Concernant
ce dernier point, on peut également relever que les polarités mises en évidence
dans les villes françaises sont également très stables dans le temps.
16
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation, concentration et ségrégation dans les villes...
À San José, le « district Uruca », secteur industriel et commercial de la ville de
San José, concentre les plus grandes entreprises manufacturières et agroalimentaires. C’est un secteur attractif pour les activités commerciales et de services
aux personnes. Ce secteur dispose, par ailleurs, d’une infrastructure autoroutière
permettant une liaison rapide entre les différents réseaux routiers du territoire
national et métropolitain (Ben Amar et Vega, 2003).
Ces différents travaux confirment l’émergence et l’existence de polarités périphériques concentrant notamment les activités à haute valeur ajoutée. Ces pôles
constituent-ils pour autant des pôles de développement pour leur territoire ? Si la
question est posée telle quelle dans quelques travaux (Villegas Silva, 2004), peu
d’éléments permettent d’y répondre.
1.3. Concentration des activités le long des axes principaux
L’influence des axes dans la localisation n’est pas nouvelle, et c’est d’ailleurs
une des premières intrusions de l’espace ou de la non-isotropie de celui-ci dans
les modèles précurseurs, que ce soit celui de la localisation agricole de Von
Thünen (Huriot, 1994) ou celui de la localisation industrielle de Weber (Aydalot,
1985). Il est toutefois intéressant de relever le rôle toujours primordial de ceux-ci
à une époque où les technologies de l’information et de la communication tendraient à faire disparaître l’espace.
On a vu précédemment que les activités se concentraient en certains pôles
périphériques situés sur les axes principaux de transport. Elles se concentrent
également au sein de zones d’activités localisées sur ces axes. Les travaux réalisés sur Mexico montrent ainsi très nettement le rôle des axes dans la localisation
des activités. Des corridors industriels peuvent être mis en évidence (Villegas
Silva, 2004 ; Julian Agüero, 2004 ; Villarreal González et Aguirre Acosta, 2003),
comme par exemple :
•• l’axe « 6 » (Naucalpan, Tlanepantla… Cuautatlan, Izcalli, Tultitlan…
Ecatepec…) bien relié à l’autoroute TLC (Nafta) et qui concentre toutes sortes d’activités industrielles (cf. chapitre 2) ;
•• l’autoroute Mexico–Querétaro, lieu de localisations industrielles importantes, notamment de l’industrie automobile (cf. chapitre 5).
D’autres activités permettent d’identifier d’autres corridors. Le développement des activités de services et des investissements à capitaux étrangers le
long du nouveau corridor Alameda–Reforma–Santa Fe en est un bon exemple
(cf. chapitre 8).
Ainsi, nombre de travaux, en France (cf. chapitre 6) comme au Mexique, pointent la localisation des activités dans des zones ou parcs situés le long des rocades et pénétrantes d’agglomérations. Au-delà de ces pôles ou zones, on peut
également montrer une localisation privilégiée et généralisée des activités le long
des axes principaux de transport (Mignot et al., 2004a).
Rapport INRETS n° 277
17
Les formes de la métropolisation
2. L’étalement urbain
Bien que certains aient prédit en France à l’aube du xxie siècle la fin de l’étalement urbain, celui-ci reste une caractéristique forte des aires urbaines françaises et latino-américaines. L’étalement urbain est une réalité à Mexico (Villarreal
González et Aguirre Costa, 2003), à San José (Ben Amar et Vega, 2003 ; Rosales
Montano, 2004) et dans les villes françaises (cf. chapitre 4).
2.1. L’étalement urbain continu
Les évolutions constatées en France entre les recensements, depuis 1975,
montrent bien le double phénomène de concentration et d’étalement présenté
précédemment. Ces évolutions peuvent être mesurées plus précisément en s’appuyant sur le modèle de Bussière, permettant de représenter la répartition cumulée de la population autour d’une ville centre.
Tableau 3 : les paramètres du modèle de Bussière calculés pour la
répartition cumulée de la population et de l’emploi dans sept aires
urbaines en 1975 et 1999
Population
A (densité
b (gradient
extrapolée au
de la
centre)
densité)
1975
1999
1975 1999
Paris
30 000 26 000 0,14 0,12
Lyon
14 999 12 999 0,26 0,23
Marseille
10 500
8 500
0,23 0,19
Bordeaux
10 100
9 500
0,30 0,26
Grenoble
11 700
9 200
0,41 0,34
Dijon
9 999
9 000
0,49 0,43
Saint-Étienne
14 000 10 500 0,50 0,46
Source : Mignot et al., 2004a, p. 35.
Gradients
de densité
de population
et d’emploi
Emploi
A (densité
b (gradient
extrapolée au
de la
centre)
densité)
1975
1999
1975 1999
27 000 19 000 0,19 0,16
10 841
8 100
0,34 0,27
4 300
2 800
0,24 0,19
7 500
5 800
0,40 0,31
5 950
5 200
0,46 0,39
7 016
8 000
0,62 0,61
6 179
5 154
0,53 0,51
Les résultats obtenus (Tableau 3) après le calcul des densités théoriques de
la population et des emplois cumulés confirment tout d’abord une baisse du poids
du centre. La baisse de la densité extrapolée au centre, A, entre 1975 et 1999,
est systématique pour la population et quasi systématique (sauf à Saint-Étienne)
pour l’emploi. De la même manière, la baisse systématique de 1975 à 1999, pour
la population comme pour l’emploi, des valeurs de b (gradient de la densité en
fonction de la distance au centre), confirme un étalement urbain généralisé sur
cette période. On peut également remarquer que les valeurs de b les plus faibles
sont celles obtenues sur l’aire urbaine de Paris, puis sur Lyon et Bordeaux. À l’inverse, ces valeurs confirment à Dijon une ville monocentrique encore peu étalée.
Les valeurs obtenues pour Marseille sont à prendre avec précaution. En effet,
tant la grande taille des communes de l’aire urbaine que l’existence avérée d’un
pôle secondaire important rendent moins pertinent à Marseille le calage avec le
modèle de Bussière.
18
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation, concentration et ségrégation dans les villes...
Pour l’aire urbaine de Lyon, le Tableau 4 permet de bien mettre en évidence à
la fois l’étalement, visualisé par la croissance du nombre de communes concernées par les migrations vers le centre, et le faible volume des flux en provenance
de communes plus nombreuses et plus éloignées.
Tableau 4 : nombre de communes générant les flux d’actifs entrant
dans le centre et nombre de communes accueillant
les flux d’actifs sortants de la ville centre
Paris
75
99
Lyon
75
99
Grenoble
SaintÉtienne
75
75
99
99
Bordeaux
75
99
Dijon
75
99
Marseille
75
99
Entrants*
100 %
13 621 15 216 3 011 4 011 1 354 1 594 867 1 210 2 211 2 500 1 408 1 970 1 690 2 225
90 %
456
503
97
323
56
139
85
119
133
158
182
265
358
495
85 %
397
328
* 54
197
32
88
45
78
70
97
92
168
147
126
75 %
188
195
23
100
16
46
21
43
25
48
38
81
65
58
50 %
78
80
7
25
5
15
9
15
8
14
7
21
17
20
Sortants
100 %
2 473
957
669
1 589
580
785
561
799
680
1024
549
949
1084
969
90 %
124
126
51
100
44
53
72
82
53
89
45
103
142
75
85 %
86
94
30
61
24
32
40
48
25
50
21
55
78
41
75 %
52
58
15
33
11
18
20
24
14
21
8
24
28
21
50 %
21
20
4
11
4
6
8
8
5
8
3
7
7
6
* 54 communes génèrent 85 % des flux d’actifs entrants dans la commune de Lyon en 1975.
Source : Mignot et al., 2004a, p. 36.
L’étalement urbain est très fort à Mexico et n’est plus à démontrer. La population de la ZMVM est passée de 13 millions en 1980 à 17,8 millions en 2000. La
population globale de l’AMSJ a crû de près de 50 % de 1984 à 2000. Et, depuis
1973, l’extension urbaine se développe dans toutes les directions (Ben Amar et
Vega, 2003 ; Rosales Montano, 2004).
2.2. Les conséquences de l’étalement urbain
Il se traduit par une croissance généralisée des migrations et des distances de
migrations, comme le montrent l’Illustration 1 pour Mexico, et le Tableau 5 pour
les villes françaises. Les pôles et sous-pôles de la Ville de Mexico concentrent le
personnel occupé (1999) et les déplacements domicile–travail (2000). À Mexico
comme ailleurs, les déplacements domicile–travail s’effectuent de plus en plus de
pôle périphérique à pôle périphérique, et ces pôles périphériques tendent à attirer
une population de plus en plus éloignée.
Rapport INRETS n° 277
19
Les formes de la métropolisation
Tableau 5 : accroissement des distances de migrations alternantes
entre 1990 et 1999
Paris
Lyon
Distance moyenne
13,5
9,4
1999 (km)
Évolution
16,0 % 13,8 %
1990/1999
Évolution
1990/1999 pour
7,0 %
9,2 %
les migrants
Source : Mignot et Aguiléra, 2004, p. 109.
MarseilleAix
Bordeaux
Grenoble
Dijon
SaintÉtienne
13,3
9,6
7,8
7,6
6,7
6,2 %
10,7 %
16,5 %
11,4 %
4,7 %
3,2 %
5,8 %
11,4 %
11,0 %
5,5 %
Un des enjeux importants pour les prochaines années est donc la capacité
des autorités publiques locales à maîtriser cet étalement urbain et, notamment, à
contrôler l’usage du sol (Canabal Cristiani, 2004 ; Cazal et Lopez Levi, 2004).
Illustration 1 : les pôles d’emploi de Mexico et
les migrations alternantes en 2000
Source : élaboration propre sur la base des données de l’INEGI (1999), Censos Económicos por
Entidad Federativa, Distrito Federal y Estado de México. Doceavo Censo de Población y Vivienda
(Cuestionario Ampliado, 2000).
20
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation, concentration et ségrégation dans les villes...
3. La ségrégation spatiale
Le questionnement sur les disparités spatiales a tout d’abord été porté à
l’échelle des régions et, notamment, sur les relations entre urbain et rural. Au
Mexique, les premières études sur les inégalités territoriales concernent également la disparité ville–campagne et ont été nombreuses au cours des années
1960 et 1970 (Dávila, Constantino et Pérez Llanas, 2003).
Les premiers travaux à l’échelle intra-urbaine apparaissent aux États-Unis au
cours des années 1960–1970 et portent notamment sur la ségrégation spatiale
et raciale, notamment en matière de chômage (Kain, 1968 ; Gaschet et Gaussier,
2005). Des travaux sont développés en France, tout d’abord, par des sociologues (Castells, 1972), puis par des économistes. Au Mexique, dans les dernières
décennies du xxe siècle, l’accent a été mis sur les disparités au sein des grandes
métropoles comme les cités de Mexico, Guadalajara et Monterrey et le reste du
territoire urbain (cf. chapitre 11).
Si le développement des villes françaises ne révèle pas de situations catastrophiques à l’américaine avec des quartiers à l’abandon, force est de constater que
la ségrégation spatiale ou sociospatiale augmente au sein des espaces urbains.
Des lieux privilégiés du développement apparaissent en périphérie des villes,
alors que parallèlement, sur d’autres espaces, voire les mêmes, le chômage se
développe et la population se paupérise.
Avec la crise, et surtout la persistance de celle-ci, disparaît l’espoir de voir se
résoudre les questions de chômage et de pauvreté par une croissance « naturelle » de ces territoires, croissance désormais même plus hypothétique. Chômage
et précarité se développent et s’inscrivent dans le paysage.
Parallèlement, la dissociation habitat/emploi s’est accentuée au cours des
années 1980 et 1990. Les raisons de cette dissociation peuvent être trouvées, en
partie, dans les évolutions décrites précédemment. Ainsi, l’étalement urbain et le
développement de la bi-activité au sein des ménages contribuent à détendre le
lien entre localisation résidentielle et lieu de travail. Des raisons sont également
à rechercher du côté du développement du chômage et de la précarité du travail,
amenant les personnes à se déplacer plus et plus loin pour chercher du travail,
sans que cela ne se traduise ensuite par un choix de relocalisation résidentielle.
S’il serait bien évidemment réducteur et assurément faux d’affirmer que les
pauvres sont tous concentrés au même endroit, la persistance en quelques espaces « non privilégiés » d’une population à très faible revenu à côté d’espaces qui
semblent se développer conduit à se poser la question de l’existence et du développement de la ségrégation spatiale. Au-delà des phénomènes visibles (« gate
communities » aux États-Unis et ailleurs, rues privatisées à Mexico…) qu’en est-il
réellement ?
Concernant la France, une analyse de l’évolution de la répartition des revenus
fiscaux moyens par commune montre un accroissement régulier de cette dispersion au sein des aires urbaines françaises au cours de la période 1985–1999. Les
variations du coefficient de Gini, calculé sur le revenu fiscal moyen des ménages
Rapport INRETS n° 277
21
Les formes de la métropolisation
par commune, pour la période 1985–1999 et pour les 20 plus grosses aires urbaines françaises (le résultat est convergent pour les 78 aires de plus de 100 000
habitants), montrent une tendance nette à la croissance (cf. Chapitre 12).
La dispersion des revenus fiscaux moyens par commune croît donc sur la
période 1985–1999 au sein des aires urbaines françaises. Une analyse plus fine
(effectuée notamment sur l’agglomération lyonnaise) montre que ce sont les espaces (communes) les moins riches qui voient, par ailleurs, une progression la plus
faible de leur revenu fiscal moyen, alors que les communes aux revenus les plus
élevées sont également caractérisées par les progressions les plus fortes. Les
communes pauvres qui « perdent » sont par ailleurs « quittées » par la population
entre 1990 et 1999 et sont situées en première couronne est. Les communes
riches qui gagnent sont aussi celles qui sont des lieux privilégiés de localisation
des cadres ainsi que des activités de services et ou de haute technologie, et sont
situées dans l’Ouest lyonnais.
La croissance des disparités spatiales peut donc s’analyser comme une augmentation de la ségrégation, cette dernière étant surtout tirée par les territoires
les plus favorisés. Ce qui est d’ailleurs confirmé par d’autres travaux effectués
sur les trois aires urbaines de Lyon, Saint-Étienne et Grenoble (cf. chapitre 10).
Bresson, Madre et Pirotte (2004) montrent également par une étude économétrique, portant sur le lien entre étalement urbain et évolution des revenus fiscaux
moyens des ménages par commune, que la ségrégation a augmenté entre 1986
et 1999. Ils parlent même d’un accroissement d’un processus de ghettoïsation
affectant d’un côté les communes les plus riches et de l’autre les communes les
plus pauvres.
Concernant Mexico, pour analyser le processus de ségrégation ont été comparés les résultats obtenus des distributions des coefficients de marginalité au
sein des AGEB1 de la ZMVM durant la période 1990–2000. Au cours des années
1990, les zones ayant un niveau de marginalité le plus élevé s’étendent sur l’espace, surtout dans les municipalités voisines de l’État de Mexique. On assiste, en
fait, à un double phénomène d’homogénéisation des territoires les moins défavorisés et au développement d’une proportion importante de territoires à très haute
marginalité. La moyenne du coefficient de marginalité a augmenté de 1990 à 2000
(cf. Chapitre 11). Ce qui signifie que la distance augmente entre les extrêmes du
coefficient de marginalité, et donc que la ségrégation spatiale augmente.
Au Costa Rica, la forte pression urbaine qu’exerce la croissance démographique sur San José et la dispersion des habitants et des activités ainsi que la
spéculation foncière ont produit des ségrégations spatiales importantes. En ce
qui concerne l’habitat spontané ou précaire, en 1990, on comptait dans la capitale 23 territoires de quartiers informels (precarios), réunissant plus de 18 000
personnes. Huit de ces quartiers (1 000 familles) étaient localisés dans des zones
présentant des risques (glissements de terrains, pollution…). La classe moyennehaute et la classe haute, habitant encore à San José, cherchent à migrer vers des
1 Les AGEB
22
sont les plus petites unités de recensement à Mexico.
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation, concentration et ségrégation dans les villes...
communes possédant un meilleur « environnement ». Ainsi, communes riches et
communes pauvres sont visibles (Ben Amar et Vega, 2003 ; Rosales Montano,
2004).
Ces différents travaux montrent que la ségrégation spatiale est une réalité, et
qu’elle se développe au sein des métropoles mais également à différentes échelles spatiales.
On relèvera également que la croissance de la ségrégation spatiale est surtout
tirée par les territoires les plus riches au sein des métropoles (Buisson et Mignot,
2005), au sein d’espaces infrarégionaux comme les cantons suisses (Maillat et
Quiquerez, 2005) ou entre régions françaises (Carrincazeaux et Lung, 2005) ou
mexicaines (cf. chapitre 9).
Conclusion
La permanence des formes de la métropolisation, ainsi vérifiée et caractérisée,
conduit à un constat « pessimiste » d’une continuation des tendances lourdes à la
concentration, à l’étalement urbain et à la ségrégation intra-urbaine. Ces grandes
tendances ne semblent ainsi laisser que peu de marges de manœuvre pour l’action publique afin d’en réduire les conséquences environnementales et sociales.
Une des réponses possibles à ces phénomènes à l’œuvre pourrait être, nous
l’avions en tout cas supposé, un polycentrisme organisé des villes. C’est, en effet,
l’hypothèse d’une possible économie de déplacements par une organisation
urbaine autour de polarités secondaires qui nous a conduit à réaliser une recherche sur la permanence des formes de la métropolisation et de l’étalement urbain
(Mignot et al., 2004a).
Les analyses effectuées montrent ainsi qu’il n’y a pas de formes urbaines
intrinsèquement plus économes que d’autres en matière de migrations domicile–
travail. Elles mettent en évidence dans tous les cas une tendance à une certaine
déstructuration des flux au niveau des pôles, qui, ne s’autonomisant pas, contribuent à l’accroissement des distances domicile–travail. Des prolongements sur
ces thèmes sont en cours sur d’autres ensembles urbains, avec l’étude de la
situation particulière de la métropole lilloise, d’une part, et l’analyse des déplacements internes à la métropole de Mexico (en collaboration avec l’UAM), d’autre
part.
Le lien entre polycentrisme et ségrégation intra-urbaine n’a encore été que
très peu abordé. L’hypothèse serait que recréer de la centralité en périphérie
permettrait de réduire la ségrégation spatiale. Il s’agit d’un nouveau champ de
recherches que nous esquissons par une comparaison de plusieurs agglomérations françaises (Lacour et al., 2004) et par un nouveau programme de recherches comparatives entre la France et le Mexique.
Rapport INRETS n° 277
23
Les formes de la métropolisation
Bibliographie
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Lyon », Revue d’Économie Régionale et Urbaine, 3 : 397–422, 2002.
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Régionale et Urbaine, 5 : 815–834, 2003.
W.B. Arthur. La localisation en grappes de la « Silicon Valley » : à quel moment
les rendements croissants conduisent-ils à une position de monopole ?
In : A. Rallet, A. Torre, eds, Économie industrielle et économie spatiale,
Economica, Paris, 297–316, 1995.
P. Aydalot. Économie régionale et urbaine. Economica, Paris, 1985.
M. Bassand. Métropolisation et inégalités sociales, Presses polytechniques et
universitaires romandes, Lausanne, 1997.
P. Beckouche, E. Vire. La recomposition du centre économique parisien. In : D.
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26
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes
des métropoles :
le cas de la zone métropolitaine
de la Ville de Mexico
Diana Rebeca Villarreal González
L’objectif de ce chapitre est de présenter une partie des résultats de la recherche comparative France–Mexique, pour laquelle, nous avons posé comme hypothèse centrale la permanence des tendances lourdes à la métropolisation et à la
ségrégation des populations et des activités. L’analyse est ici ciblée sur la zone
métropolitaine de la Ville de Mexico (ZMVM), troisième zone la plus peuplée au
niveau mondial et centre national des activités économiques, politiques, culturelles et administratives du pays.
Buisson et al. (2001) partent des analyses économiques faites pour les pays
développés et les effets sur les métropoles du processus d’internationalisation
de l’économie. Ils signalent qu’il « s’accompagne d’une modification de la structure des activités économiques et se traduit par une nouvelle répartition spatiale
des activités et de la population. Les grandes métropoles, caractérisées par une
concentration sélective des populations et d’activités, en particulier les services
aux entreprises et les activités technologiques, attirent une population croissante
et s’étalent sur leur périphérie. Les deux phénomènes de concentration sélective
des activités forment les composantes essentielles de l’évolution des grandes
villes » (Buisson et al., 2001 : 272).
Pour la ZMVM, nous pouvons observer le même processus, mais la question est de mettre en évidence les caractéristiques spécifiques des métropoles
des pays en voie de développement. Nous montrerons les effets du changement
de modèle économique sur la localisation des activités économiques et la tendance à la spécialisation dans les services du tertiaire supérieur pour tenter de
remplir certaines fonctions des villes mondiales secondaires semi-périphériques
(Friedman, 1986). Nous mettrons également en évidence les changements de
localisation des activités économiques de la ZMVM après l’ouverture au marché
extérieur, l’entrée du Mexique au GATT, en 1986, et la signature du Traité du libre
commerce (NAFTA) avec les États-Unis et le Canada en 1994. Nous montrerons
que la ZMVM est devenue polycentrique (Lacour, 1999) avec la formation de
Rapport INRETS n° 277
27
Les formes de la métropolisation
sous-centres qui sont en train d’intégrer un territoire plus vaste avec les autres
zones métropolitaines de la région centrale.
Les processus de concentration et d’étalement urbain sont semblables aux
autres métropoles, caractérisés par une expansion de la population du centre vers
la périphérie et la concentration des activités du tertiaire au centre-ville, ainsi que
la délocalisation des activités industrielles vers les municipalités de la périphérie
de la Ville de Mexico. Mais, après la crise économique des années 1982–1987 et
le changement de modèle économique, la croissance de la population de la Ville
de Mexico s’est arrêtée et les flux des migrations se sont dirigés vers les municipalités conurbées de l’État de Mexico, ainsi que vers les zones métropolitaines de
la région centrale, surtout les villes de la frontière nord.
Avec la crise économique, la Ville de Mexico a subi un processus de désindustrialisation, car le nouveau modèle, basé sur les exportations, a affecté les
industries nationales non compétitives et non habituées à la concurrence des
entreprises étrangères, surtout les industries lourdes et de biens intermédiaires.
Une grande partie d’entre elles ont dû fermer et les grandes et moyennes industries dédiées aux exportations se sont délocalisées vers les villes du centre et de
la frontière Nord. Au niveau local, les nouveaux pôles de développement industriel se concentrent autour de l’autoroute appelée « NAFTA » (du nom du Traité
du Libre Commerce avec les États-Unis et le Canada ; TLC en français), où se
sont installées les nouvelles entreprises qui produisent surtout pour le marché
extérieur.
D’une part, la Ville de Mexico a perdu de l’importance au niveau national dans
le secteur industriel et est marquée par une tendance à la spécialisation dans
certaines branches industrielles et une prédominance des activités du secteur
tertiaire. D’autre part, les municipalités conurbées de l’État de Mexico, continuent à être très industrialisées. De nouveaux pôles du développement industriel
apparaissent, ainsi que des commerces et des services localisés sur l’autoroute
NAFTA. Ces municipalités sont localisées au nord de la Ville de Mexico, tandis
que les couches de populations aux revenus les plus faibles habitent vers l’est.
Pour analyser l’expansion horizontale de la ZMVM, nous utilisons les données
des recensements de la population et des logements faites pour l’INEGI2 pour la
période 1980–2000. Pour analyser les effets du changement du modèle économique, la période retenue est 1988–1999, car ce sont les années des recensements
économiques faits par l’INEGI.
1. La ZMVM et la région Centrale
La région centrale est composée par la Ville de Mexico et les États de Mexico,
Morelos, Puebla, Tlaxcala, Hidalgo et Querétaro. Des auteurs comme Garza
Villarreal (2000) affirment que, depuis 1980, la mégapole de la région Centrale
intègre même la ZM de Toluca, ville Capitale de l’État de Mexico, et intégrera à
2 INEGI :
28
Institut National des Statistiques, Géographie et Informatique.
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes des métropoles : le cas de la ZMV de Mexico
l’horizon 2050 les zones métropolitaines de Cuernavaca et Cuautla, de l’État de
Morelos (à 60 et 102 km), la ZM de Puebla-Tlaxcala (130 km), la Ville de Pachuca
(Ville capital de l’État de Hidalgo, à 92 km) et la ZM de Querétaro-San Juan del
Río (à 175 km) (Illustration 1).
Actuellement, nous pouvons constater l’existence de corridors sur les principales autoroutes, surtout l’autoroute NAFTA qui part de la ZM de Toluca et traverse la ZM de la Ville de Mexico, en direction de la ZM de Querétaro. Le corridor
intègre les municipalités localisées dans la sous-région (axe 6) où se trouvent les
nouveaux sous-pôles comme nous le verrons plus loin. Il y a donc, actuellement,
un corridor entre les villes de San Juan del Rio et Querétaro. Les autres corridors sont localisés sur l’autoroute Puebla-Tlaxcala et sur l’autoroute de la Ville de
Mexico vers les Villes de Pachuca et Tula, Hidalgo.
Tableau 1 : population des zones métropolitaines de la région Centrale du
Mexique 1980–2000
Pourcentages
Taux de croissance
moyenne annuel
(TCMA)
1980 1990 1995 2000
1980- 1990- 1990- 19951990 1995 2000 2000
Population
1980
1990
1995
2000
Total national
66 846 833 81 249 645 91 120 433 97 483 412 100
ZM Ville de Mexico
12 994 450 15 274 256 16 674 160 17 786 983 19,4 18,8 18,3 18,2
ZM Puebla Tlaxcala
1 423 781
1831 418
1 561 558
2343 073
2,1
2,3
1,7
2,4
ZM Toluca
597 350
827 163
1 080 081
1 251 462
0,9
1
1,2
ZM Queretaro
363 435
555 491
679 757
785 648
0,5
0,7
ZM Cuernavaca
Cuautla
462 267
604 266
879 574
963 128
0,7
ZM Pachuca
142 390
201 450
249 036
286 907
0,2
Total région
centrale
100
100
100
2
1,2
1,8
0,7
1,6
0,9
1,5
0,6
2,5
-1,6
2,5
4,1
1,3
3,3
2,7
4,2
1,5
0,7
0,8
4,3
2
3,5
1,5
0,7
1
1
2,7
3,8
4,8
0,9
0,2
0,3
0,3
3,5
2,1
3,6
1,4
15 983 673 19 294 044 21 124 166 23 417 201 23,9 23,7 23,2
24
1,9
0,9
2
1
Source : INEGI. Recensement de la population en 1980,1990 et 2000. Compte de la population
1995.
Le Tableau 1 montre que la région centrale garde son importance relative par
rapport au total national, mais différentes tendances apparaissent entre les zones
métropolitaines qui la composent.
Pour la période 1980 à 2000, la population de la ZMVM a diminué en importance relative de 19,4 à 18,2 % de la population totale nationale en même temps
qu’augmentait l’importance relative des autres zones métropolitaines de la région
Centrale. Nous constatons ainsi que la population de la ZMVM semble montrer une tendance à la décroissance, alors que les autres zones métropolitaines
augmentent avec des taux supérieurs à la croissance nationale, spécialement
Puebla-Tlaxcala, Toluca, Cuernavaca-Cuautla et Querétaro. On peut penser qu’il
y a eu un renversement des tendances lourdes des flux de populations, lesquelles
cherchent les nouveaux pôles d’emplois.
Rapport INRETS n° 277
29
Les formes de la métropolisation
Illustration 1 : développement métropolitain de
la région Centrale du Mexique
Expansion
métropolitaine
ZMVM – 2000
Source : Garza Villarreal, 2000.
Pour l’année 2001, la région Centrale contribue pour 41,9 % au PIB national
et concentre 32,9 % de la population du Mexique. Ceux qui apportaient le plus au
PIB étaient la Ville de Mexico (22,7 %), l’État de Mexico (10,7 %), Puebla (3,4 %),
Querétaro (1,7 %), Hidalgo et Morelos avec 1,4 %.
2. L’expansion métropolitaine 1980–2000
Notre analyse est centrée sur chacune des deux parties de la ZMVM, c’està-dire la Ville de Mexico (avec ces 16 délégations) et les 43 municipalités conurbées de l’État de Mexico. Nous prenons la définition de la zone métropolitaine
d’Unikel (2000), selon laquelle sont inclus les territoires des délégations et les
municipalités définies comme entités politiques.3 Pour l’année 2000, nous prenons les municipalités de l’État de Mexico analysées par l’INEGI.
3 L’aire
métropolitaine de la Ville de Mexico définie par Garza Villarreal et Ruiz Chiapetto (2000)
sur la base physique de la ville est le tissu occupé par tout type de constructions, infrastructure et
équipement qui s’étalent de son centre vers les autres directions, de forme plus ou moins continue.
Elle s’étend en 1995, sur une superficie de 592 442 ha. dont le District Fédéral (Ville de Mexico)
en occupe 25 %, les 24 municipalités de l’État de Mexico conurbées et les autres 25 municipalités
périphériques en occupant 75 %..
30
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes des métropoles : le cas de la ZMV de Mexico
Pour analyser la croissance démographique de la Ville de Mexico, nous prenons le centre, composé de quatre délégations, la première couronne avec sept
délégations, la deuxième couronne, avec quatre délégations, et la troisième, avec
la dernière délégation. Pour les municipalités conurbées de l’État de Mexico, nous
prenons les sous-régions (axes) utilisées par le Gouvernement de l’État de Mexico
pour son Programme de réorganisation urbaine (Programa de Reordenamiento
de los Asentamientos Humanos).
La première caractéristique que présente la ZMVM est la grande concentration
de la population et une occupation de plus en plus grande de l’espace, du fait de
l’étalement de la population. En 1980, la population comptait 12 994 450 millions
d’habitants, et elle en compte 17 786 983 millions en 2000.
Tableau 2 : expansion de la zone métropolitaine
de la Ville de Mexico, 1990–2005
État / Région
Population (en milliers)
%
1990
%
2000
%
2005
TCMA*
1990
2000
2005
ZMVM
15 500
17 958
19 083
100
100
100
1.59
1.25
Ville de Mexico
8 172
8 508
8 489
52,7
47,4
44,5
0,41
–0,05
État de Mexico
7 328
9 449
10 594
47,3
52,6
55,5
2,89
2,42
Centre-Ville
1 930
1 692
1 760
12,4
9,4
9,2
–1,23
0,81
1° Contour
5 084
5 339
5 295
32,8
29,7
27,7
0,50
–0,17
2° Contour
1 158
1 476
1 353
7,5
8,2
7,1
2,75
–1,68
3° Contour
1990-2000 2000-2005
64
96
81
0,4
0,5
0,4
5,20
–3,24
Axe 1
1 513
2 077
2 337
9,8
11,6
12,2
3,73
2,50
Axe 2
146
205
234
0,9
1,1
1,2
4,04
2,79
Axe 3
263
376
431
1,7
2,1
2,3
4,32
2,93
Axe 4
1 771
2 550
2 912
11,4
14,2
15,3
4,40
2,83
Axe 5
440
424
478
2,8
2,4
2,5
–0,35
2,54
Axe 6
2 462
3 075
3 411
15,9
17,1
17,9
2,49
2,18
Axe 7
540
798
915
3,5
4,5
4,89
4,77
2,90
Axe 8
143
209
245
0,9
1,2
1,3
4,52
3,42
* Taux de croissance moyenne annuel
Source : élaboration propre sur la base des données de l’INEGI, Cuaderno Estadístico de la Zona
Metropolitana de la Ciudad de México Cuadro 3.3 y gráficas 3.a y 3.b. Et INEGI (2005) Conteo de
Población y Vivienda para el Distrito Federal y los municipios conurbados del Estado de México.
Pendant l’étape du modèle économique des « substitutions des importations »
(1945–1980), la Ville de Mexico a eu des taux de croissance de la population très
élevés. Mais, à partir des années 1980, il y a eu un renversement de tendance,
puisque la population a augmenté avec des taux très bas de 0,2 et 0,4 % pour
les périodes 1980–1990 et 1990–2000. La Ville de Mexico a, en 2000, 8 508 466
habitants, c’est-à-dire 47,4 % de la métropole, tandis que les municipalités conurbées ont 9 449 563 habitants, c’est-à-dire 52,6 % de la population de la ZMVM.
Rapport INRETS n° 277
31
Les formes de la métropolisation
Le taux de croissance de la population pour la période 1990–2000 est de 2,9 %
en moyenne, et dans l’État de Mexico, les sous-régions (axes 5 et 6) ont des taux
plus bas. La sous-région 6 est la plus industrialisée (Tableau 2, Illustration 2).
Illustration 2 : expansion de la zone métropolitaine de la Ville de Mexico
1990–2000
Sous-régions ou axes de l’État de Mexico – Municipalités conurbées
Axe
Axe
Axe
Axe
Axe
Axe
Axe
Axe
Note : les pourcentages, qui correspondent à la ZMVM, sont les délégations et les municipalités
conurbées de la classification de l’INEGI, Cuaderno Estadístico de la Zona Metropolitana de la Ciudad
de México, Cuadro 3.3 pp. 46–47 y Gráficas 3.a y 3.b p. 44
Source : élaboration propre, Garza Villarreal, 2000.
Jusqu’en 1940, il y a eu un processus de concentration et de centralisation des
activités et de la population dans le centre-ville. Durant la période 1940–1950, a
commencé la déconcentration de la population dans la Ville de Mexico du centre
vers les délégations de l’est et du nord, et pour le Sud vers le sud-est. En même
temps, le processus d’industrialisation vers le nord de la Ville de Mexico s’est
amorcé, tandis que les activités financières et de commerce aussi bien que les
bâtiments des secrétariats du Gouvernement Fédéral et du District Fédéral se
sont concentrés dans les délégations du centre-ville.
Durant la période 1950–1960, l’expansion des activités industrielles a continué vers les municipalités au nord de l’État de Mexico, Naucalpan, Ecatepec et
Tlanepantla, ainsi que vers Chimalhuacán (à l’est). Dans ces municipalités, la popu-
32
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes des métropoles : le cas de la ZMV de Mexico
lation a augmenté avec un taux de 13,4 % par an. En 1970, s’y ajoutent les municipalités de Cuautitlán, La Paz, Huixquilucan, Tultitlán, Coacalco et Nezahualcóyotl,
qui ont eu un taux de croissance de la population de 18,6 % par an.
Pour la période 1970–1980, les délégations du centre ont commencé à perdre
certains groupes de la population, car les quatre délégations ont eu des taux de
croissance négatifs de –1 % par an. Les délégations du sud et de l’est, localisées
dans la première couronne, ont enregistré des taux de croissance entre 7 et 9 %
par an, surtout Iztapalapa, Cuajimalpa, Tláhuac, Tlalpan, Magdalena Contreras
et Xochimilco. Les municipalités de l’État de Mexico qui se sont conurbées dans
cette période sont : Chalco, Chiautla, Chicoloapan, Chinconcuac, Ixtapaluca,
Nicolas Romero, Tecamac et Texcoco (cf. Annexe 1).
Le District Fédéral a commencé à perdre sa population à partir des années
1980, surtout les délégations centrales, ainsi que quelques-unes de la deuxième
couronne. Le centre-ville a eu des taux de croissance négatifs (–1,9 et –1,3 %)
pour les deux périodes, ainsi que la deuxième couronne avec les délégations A.
Obregón, Coyoacán G. A. Madero, Azcapoztalco et Iztacalco. Par contre, la population a augmenté avec des taux positifs dans les délégations du sud qui ont des
terrains de réserve écologique, lesquels servent de réservoirs pour l’eau de pluie
et contribuent à la conservation du milieu naturel : il s’agit de Tláhuac, Xochimilco,
Tlalpan et Cuajimalpa, et aussi Milpa Alta pour la troisième couronne.
Une des différences spécifiques par rapport aux pays développés comme la
France, est la tolérance des autorités des gouvernements de la Ville de Mexico
et de l’État de Mexico aux occupations illégales des terrains par des groupes de
populations. Même si l’actuel gouverneur, López Obrador, a suivi une politique
visant à chasser quelques groupes, on peut signaler qu’il y a des zones de réserves naturelles qui sont totalement occupées comme c’est le cas des collines Del
Chiquihuite et aussi de Santa Catarina dans la Délégation Iztapalapa.
On peut expliquer le déplacement de la population vers les délégations du sud
comme le résultat des anciennes politiques urbaines, telles que l’interdiction de
nouveaux lotissements et la construction d’avenues dans les années 1960 et des
axes forts dans les années 1970. Ces politiques ont conduit à un déplacement
d’importants groupes d’habitants du centre-ville sans leur donner d’alternatives
pour se reloger.
Le mouvement de la population vers les municipalités de l’État de Mexico
qui entourent la Ville de Mexico a commencé dans les années 1950, avec la
construction du périphérique qui relie les municipalités du nord avec les délégations de l’ouest et du sud. À la même époque, le Département du District Fédéral a
construit le Viaduc Piedad qui relie les délégations de l’est avec le périphérique et
aussi le Viaduc Tlalpan qui relie les délégations du sud avec le centre-ville. C’est
à partir de ces années que la taille des municipalités localisées au nord-ouest a
augmenté, du fait des programmes de construction des maisons ou de la vente
des lotissements (fraccionamientos)4 pour les couches de population à revenu
4 Fraccionamientos :
lotissements des terrains fractionnés et urbanisés.
Rapport INRETS n° 277
33
Les formes de la métropolisation
moyen et élevé. Plus au Nord, il y a eu des programmes de constructions d’habitations à loyer modéré (HLM) pour les travailleurs salariés inscrits au programme
officiel tels que l’Infonavit. En même temps, la population à revenus plus bas s’est
déplacée vers la Délégation Iztapalapa et à l’est, sur les terrains desséchés du
Lac de Texcoco. Certaines municipalités de l’État de Mexico, conurbées à la Ville
de Mexico, ont des taux de croissance explosifs et une taille de population qui
dépasse le million d’habitants ; c’est le cas d’Ecatepec, qui compte une population
de 1 662 697 habitants et Nezahualcóyotl, qui en compte 1 225 972.
Nous pouvons ainsi confirmer la tendance à la déconcentration de la population vers la périphérie et aussi l’expansion vers les autres zones métropolitaines
de la région Centrale.
3. Les tendances de l’activité économique
Pendant l’étape du modèle de « substitution des importations » le taux de
croissance du PIB du Mexique était de 6 % en moyenne et de 6,7 % pour l’aire
métropolitaine (AM) de la Ville de Mexico5. La concentration des activités économiques dans l’AM de la Ville de Mexico6 peut être identifiée si nous prenons
la contribution au PIB national. La part de l’AM de la Ville de Mexico dans le PIB
national passe de 37,7 % en 1980 à 31,8 % en 1988. En 1980, l’AM de la Ville de
Mexico contribuait à hauteur de 40 % du PIB du secteur secondaire et de 40 %
du PIB du secteur tertiaire. Pour l’année 1988, cette part était descendue respectivement à 31 et 35 %.
Cette tendance à la baisse relative du poids de l’AM se poursuit durant la
période 1993–2000. La Ville de Mexico apportait en 1993, 24 % du PIB national
et n’apporte plus, en 2000, que 22,8 %. Elle constitue, cependant, l’entité qui
contribue le plus parmi les 32 entités fédératives.
La spécialisation de la Ville de Mexico dans les activités tertiaires peut être
observée par la participation au PIB national. En 1993, la Ville de Mexico contribuait pour 49 % au PIB des services bancaires (imputés), pour 33 % au PIB des
services communs, sociaux et personnels, pour 26,5 % à celui des transports et
des communications, pour 25,5 % au PIB des services financiers, agences d’assurances, immobiliers et de loyers, pour 26,7 % au PIB du secteur de la construction et pour 24 % à celui du secteur du commerce, restaurants et hôtels. Pour
l’industrie, le poids est plus faible, la Ville de Mexico ne contribuant à l’époque
qu’à hauteur de 21,7 % au PIB de l’industrie manufacturière.
En 2000, il y a eu une plus grande concentration dans les services bancaires,
car la Ville de Mexico a contribué à 59,5 % du PIB national et à 35 % du PIB national des services communs, sociaux et personnels. Mais, la part des autres grands
secteurs a faibli et le processus de désindustrialisation a continué dans la Ville de
Mexico qui ne contribue plus qu’à 18,5 % du PIB manufacturier.
5 L’aire
métropolitaine comprend seulement l’espace construit.
(2000) utilise la définition de Unikel (2000) de l’aire métropolitaine qui prend en compte
seulement l’espace urbain.
6 Sobrino
34
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes des métropoles : le cas de la ZMV de Mexico
L’indice de spécialisation des grands secteurs montre la perte d’importance
du secteur manufacturier dans la Ville de Mexico, avec un indice qui est passé
de 1,18 en 1985 à 0,88 en 1993 (un indice supérieur à 1 sur un territoire reflète
la sur-représentation du secteur d’activité sur ce territoire, par rapport au niveau
national). La spécialisation des activités tertiaires concerne surtout les services
communs, avec un indice de 1,47 en 2000, tandis que l’indice des services financiers était de 1,25, celui des transports et communications de 1,11 et celui des
commerces, restaurants et hôtels de 1,01. L’État de Mexico se spécialise seulement dans le secteur manufacturier avec un indice de 1,61.
En 1985, la Ville de Mexico s’est spécialisée dans quatre branches manufacturières : la branche 32 (industrie textile et confection de vêtements), la branche 34
(papier, produits du papier, imprimerie), la branche 35 (substances chimiques et
dérivées du pétrole) et la branche 38 (fabrication des produits métalliques, machinerie et équipement). Après la crise des années 1980, le processus d’ouverture
commerciale et la signature du TLC, la Ville de Mexico n’est plus spécialisée en
2000 dans les branches de l’industrie textile et de l’habillement et très peu dans
la branche des produits métalliques avec un indice de 1,03. Les spécialisations
les plus importantes sont la branche 34 (avec un indice de 1,91), la branche 35
(indice de 1,48) et les autres industries (indice de 1,35).
Pendant la même période, l’État de Mexico s’est spécialisé dans les mêmes
branches que la Ville de Mexico plus la branche 36 (produits minéraux non métalliques). En 2000, seules les branches 32 et 36, ont disparu (Tableau 3).
Tableau 3 : indice de spécialisation des branches de l’industrie
manufacturière de l’État de Mexico
Produits
Alimen- Textile, Indus- Industrie
Produits
Produits Industries
Autres
métalliques,
tation,
habilletrie
du papier, chimiques, minéraux
métalindustries
Années
machines
boissons ment
du imprimerie caoutchouc
non
liques
manufacet équipeet tabac et cuir
bois et édition et plastique métalliques basiques
tu-rières
ments
1970
0,54
0,9
0,59
1,53
1,08
1,18
0,97
1,6
0,94
1975
0,47
0,95
0,57
1,43
1,14
1,35
1,05
1,56
1,2
1980
0,42
1
0,55
1,25
1,12
1,21
0,96
1,53
1,1
1985
0,7
0,93
0,73
1,05
1,14
1,05
0,91
1,32
1,22
1993
0,82
1,11
0,58
1,04
1,16
0,94
0,79
1,19
0,68
1994
0,84
1,13
0,59
1,04
1,15
0,96
0,81
1,17
0,68
1995
0,87
0,97
0,58
1,08
1,11
0,95
0,94
1,2
0,59
1996
0,9
0,98
0,58
1,07
1,09
0,95
0,96
1,15
0,65
1997
0,9
0,97
0,6
1,05
1,13
0,94
0,85
1,14
0,64
1998
0,9
0,95
0,64
1,09
1,14
0,92
0,92
1,11
0,64
1999
0,91
0,94
0,65
1,1
1,18
0,9
0,9
1,08
0,64
2000
0,89
0,91
0,64
1,1
1,12
0,83
0,83
1,15
0,61
2001
0,89
0,83
0,63
1,02
1,12
0,84
0,84
1,18
0,64
Note : entre 1970 et 1985, les données sont quinquennales.
Source : élaboration propre sur la base des donnés de l’INEGI. Sistema de Cuentas Nationales de
Mexico.
Rapport INRETS n° 277
35
Les formes de la métropolisation
Pour mettre en évidence les activités dynamiques et aussi pour souligner la
spécialisation des activités tertiaires de la Ville de Mexico, en 2000, nous avons
pris en compte les 15 sous-branches qui apportent le plus de valeur ajoutée. On
peut constater que la Ville de Mexico se spécialise dans les activités tertiaires
comme les services professionnels, les communications et transports, et dans les
activités de commerce et de loisirs.
Les services professionnels, techniques et spécialisés apportent 20,9 % de la
valeur ajoutée et ces secteurs emploient 14,7 % de la population active ; de plus,
les services éducatifs privés apportent 1,6 % de la valeur ajoutée. Dans le secteur
du commerce, les sous-branches sont le commerce des produits non alimentaires
(qui apporte 11,4 % de la valeur ajoutée), le commerce des produits alimentaires,
boissons et tabac en gros (2,9 %), le commerce de produits non alimentaires
au détail dans des établissements spécialisés (1,5 %) et les restaurants, bars et
centres nocturnes (1,5 %).
Dans les 15 sous-branches les plus importantes, les services des transports
de personnes contribuent à hauteur de 3 % de la valeur ajoutée et les transports aériens y participent pour 1,6 %. Il y a seulement quatre sous-branches
industrielles dynamiques : l’industrie pharmaceutique (3,4 % de la valeur ajoutée),
l’imprimerie et édition (12,7 %), la fabrication des autres substances et produits
chimiques (2,8 %) et les boulangeries (1,4 %) (Tableau 4).
L’État de Mexico est caractérisé par huit sous-branches industrielles importantes. Il faut noter que la branche 38 a trois sous-branches, dont la plus importante est l’industrie automobile (6,7 % de la valeur ajoutée), puis l’élaboration des
autres produits métalliques (4,9 %) et la fabrication d’équipements et accessoires
électriques (2,7 %). La branche 35 (élaboration des produits chimiques) a également trois sous-branches : la fabrication des produits en plastique (3 % de la
valeur ajoutée), la fabrication des substances chimiques (à l’exclusion de la pétrochimique, 2,5 %) et la fabrication des autres substances et produits chimiques
(3,8 %). Les deux dernières sous-branches industrielles sont la fabrication des
autres produits alimentaires pour la consommation humaine (2,3 %) et l’industrie
des boissons (2,3 %). De plus, il faut souligner que la production d’énergie électrique apparaît comme le secteur qui apporte le plus à la valeur ajoutée de l’État
de Mexico. Pour l’État de Mexico, les autres sous-branches importantes sont le
tertiaire, le commerce de produits non alimentaires, les services professionnels
techniques et spécialisés et les services de transports des personnes.
Nous avons pris en compte, pour la localisation des activités dynamiques, seulement les branches du secteur tertiaire, et pour le secteur manufacturier, nous
avons supprimé les boulangeries.
4. Localisation des activités dynamiques et confirmation
des nouveaux sous-pôles
La localisation par zones des branches dynamiques dans la Ville de Mexico
nous montre, tout d’abord, la concentration dans le centre-ville d’une seule sous-
36
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes des métropoles : le cas de la ZMV de Mexico
branche manufacturière, celle de l’imprimerie et édition, qui comprend 61,8 %
des entreprises, 59 % du personnel occupé et 57,5 % de la valeur ajoutée. Le
secteur tertiaire est plus concentré, car les services professionnels, techniques
et spécialisés comprennent 69,9 % des entreprises et du personnel occupé et
contribuent à 79,4 % de la valeur ajoutée de la sous-branche. Il y a aussi une très
forte concentration des services de transport aérien, restaurants, bars et hôtels,
communications et commerce des produits non alimentaires.
On peut ensuite mettre en évidence une décentralisation des activités industrielles vers la première couronne où se localisent les sous-branches de l’industrie
pharmaceutique (52,3 % de la valeur ajoutée), la fabrication des autres substances chimiques (58,5 %), les boulangeries (71,2 %), les activités de commerce,
les services de transport de passagers et les services éducatifs du secteur privé.
Dans la deuxième couronne, la sous-branche manufacturière des matériaux
pour la construction est très présente (83,8 % de la valeur ajoutée de la sousbranche).
Les activités dynamiques se localisent dans les municipalités conurbées
de l’État de Mexico situées autour des axes ou dans les sous-régions 1 et 6
(cf. Annexe). L’axe ou sous-région 6, comprend 15 municipalités, dont seulement 13 entrent dans la ZMVM. Les municipalités les plus industrialisées sont,
Naucalpan et Tlanepantla, et également les premières qui ont été intégrées au
District Fédéral. Les nouveaux pôles sont : Cuautitlán Izcalli et Tultitlán. Dans les
municipalités de l’axe 6 se concentrent 77 % de la valeur ajoutée de la fabrication des autres produits métalliques (hors machinerie), 64,6 % de la fabrication
des produits en plastique, 51 % de la fabrication ou assemblage des machines,
équipements et produits électriques, 50 % de la fabrication des autres produits alimentaires pour la consommation humaine, 44,9 % de la fabrication des boissons,
36,7 % de la fabrication des substances chimiques (à l’exclusion de la pétrochimique) et 32,5 % de l’industrie automobile. Les branches les plus dynamiques sont
les services professionnels (64 % de la valeur ajoutée de l’État de Mexico) et le
commerce des produits non alimentaires (80 % de la valeur ajoutée).
L’axe 1 comprend quatre municipalités, lesquelles montrent aussi une concentration des activités dynamiques, surtout Ecatepec qui est un des anciens pôles
de développement industriel. C’est le cas des sous-branches de la fabrication des
autres substances et produits chimiques (28 % de la valeur ajoutée de l’État de
Mexico), la fabrication de substances chimiques, à l’exception de la pétrochimique basique, (26,7 %) et la fabrication des autres produites alimentaires pour la
consommation humaine (18 %).
Les axes 2 et 3 apparaissent comme peu dynamiques. Ils ne sont caractérisés
que par une seule sous-branche, la fabrication des autres substances et produits
chimiques, 7,8 % de la valeur ajoutée de l’État de Mexico pour l’axe 2 et 2,5 %
pour l’axe 3. Cette spécialisation liée à l’autoroute en direction de la Raffinerie de
Hidalgo ne semble pas entraîner d’autres activités.
L’axe 4 est caractérisé par trois sous-branches manufacturières : l’industrie des
boissons (12,5 % de la valeur ajoutée), la fabrication des substances chimiques
(sans inclure la pétrochimique basique) et la fabrication des produits en plastique.
Rapport INRETS n° 277
37
Les formes de la métropolisation
L’axe 7 concentre les sous-branches de la fabrication des autres substances
et produits chimiques (3,4 % de la valeur ajoutée) et la fabrication des produits en
plastique (3,23 %).
Pour les municipalités conurbées, nous pouvons constater que le développement économique se concentre sur les axes qui se localisent autour des grandes autoroutes comme c’est le cas de l’axe 6, bien relié par l’autoroute NAFTA,
et aussi Ecatepec, situé sur l’autoroute qui se dirige vers Pachuca et vers Tula
Hidalgo où se localise la Raffinerie de Pemex. Tandis que la population est localisée dans les municipalités de l’Est, qui possèdent également des activités manufacturières non enregistrées ou informelles.
Illustration 3 : principales activités économiques des délégations
du District Fédéral
38
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes des métropoles : le cas de la ZMV de Mexico
Tableau 4 : les 15 secteurs les plus dynamiques de la Ville de Mexico
et des municipalités conurbées
District fédéral
Municipalités de l’État de Mexico à la ZMVM
Secteurs (classification)
Nombre
d’entreprises
Personnel
occupé
Valeur
Ajoutée Brut*
Secteurs (classification)
Nombre
d’entreprises
Personnel
occupé
Valeur
Ajoutée Brut*
Données brutes
344 077
2 440 205
351 319 758
Données brutes
326 173
1 337 360
168 445 234
Pourcentages :
Services professionnels
techniques et spécialisés
(9510)
4,6
14,7
20,9
Services professionnels
techniques et spécialisés
(9510)
1,8
5,2
2,7
Commerce des produits
non alimentaires (6120)
3,2
5,2
11,4
Commerce des produits
non alimentaires (6120)
2,5
3,9
8,3
Communications (7200)
0,1
3,2
15,7
Fabrication de machines,
équipements et
accessoires électriques
(3831)
0,1
1,3
2,7
Commerce de gros
des produits alimentaires,
boisons et tabac (6140)
1,4
2
2,9
Fabrication des autres
produits métalliques sauf
machines et équipements
(3814)
0,3
2
4,9
Commerce de détail des
produits non alimentaires
(6230)
22,6
7,7
4,8
Production d’énergie
électrique (4100)
SD
0,9
3,9
Industrie pharmaceutique
(3521)
0,1
1,1
3,4
Industrie automobile
(3841)
0,1
2,9
6,7
Autres transports de
voyageurs (7113)
0,2
3,5
3
Production des autres
produits alimentaires pour
la consommation humaine
(3121)
0,2
0,6
3,8
Imprimerie, édition et
autres (3420)
1,3
2,3
2,7
Industrie des boissons
(3130)
0,1
0,8
2,3
Production des autres
matières et produits
chimiques (3522)
0,2
1,3
2,8
Commerce de détail des
produits non alimentaires
(6230)
20,8
9,2
3,8
Services éducatifs privés
(9211)
1,5
3,3
1,6
Autres transports de
voyageurs (7113)
0,5
3,9
2,7
Transport aérien (7130)
SD
0,9
1,6
Production des produits
en plastique (3560)
0,2
2,6
3
Commerce des produits
alimentaires, boisons
et tabac dans des
établissements spécialisés
(6210)
22,4
4,9
1,5
Industries des substances
chimiques, sauf la
pétrochimie basique
(3512)
0,1
0,8
2,5
Restaurants, bars et
centres nocturnes (9310)
8,9
6
1,5
Production des autres
matières et produits
chimiques (3522)
0,1
1,4
3,8
Production des produits
de boulangerie (3115)
0,7
1,3
1,4
Production,
assainissement des
services d’eau (4200)
SD
0,5
1,3
Sous total des 15
secteurs
67,2
57,9
76,5
Sous total des 15
secteurs
57,2
49,1
57,1
Sous total des autres
secteurs
32,8
42,1
23,6
Sous total des autres
secteurs
42,8
50,9
42,9
Pourcentages
* Pesos courants
Source : Institut national de Statistiques / Géographie et Informatique - http://www.inegi.gob.mx
Rapport INRETS n° 277
39
Les formes de la métropolisation
Conclusion
La ZMVM a traversé une phase de restructuration économique très importante. Les activités qui se sont développées récemment, les plus dynamiques,
peuvent être analysées comme celles qui aident au développement endogène de
la mégalopole et qui ont des effets de synergie sur les municipalités, les zones
métropolitaines et les villes voisines. La spécialisation des activités économiques
de la Ville de Mexico peut être appelée de « tertiaire supérieur » ce qui, pour
certains auteurs, signifie la transition vers une ville mondiale, pour remplir des
fonctions de liaison entre les centres financiers internationaux et les métropoles
de l’Amérique Latine.
La croissance éclatée de la ZMVM continue sans rapport direct entre les activités dynamiques et les lieux où habite la population, ce qui augmente l’urgence de
la résolution des graves problèmes de mobilité quotidienne de la population.
Récemment, les trois gouvernements (Fédéral, de l’État de Mexico et du
District Fédéral) se sont mis d’accord pour la réalisation de la liaison ferroviaire
suburbaine qui reliera les municipalités les plus peuplées de l’État de Mexico
et des délégations de la deuxième couronne. Par ailleurs, il faut signaler que le
gouvernement de la Ville de Mexico a programmé des politiques urbaines qui
vont affecter la forme urbaine métropolitaine, car il a de grands projets pour le
centre-ville. Par exemple, il a dessiné le grand Project du Corridor Alameda–
Reforma–Santa Fe, où se localisent les grands bâtiments « intelligents » pour le
secteur financier et où les grandes entreprises transnationales ont leurs bureaux
d’affaires. Il y a aussi le projet de construire plus de 60 000 logements pour les
couches moyennes dans les délégations centrales, projet qui s’accompagne de
l’interdiction de vendre des terrains à la périphérie et de construire de nouvelles maisons. Par contre, la tendance à privilégier l’usage de l’automobile et non
celui des transports en commun prédomine, tandis que le métro est utilisé par au
moins cinq millions de personnes par jour. La tendance à l’éclatement urbain sans
aucune planification réelle contribue à créer une situation chaotique pour la plus
grande partie de la population et des effets négatifs sur l’agglomération, telles que
la congestion du trafic avec ses effets sur la perte de temps et la productivité pour
la plupart des citadins.
40
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes des métropoles : le cas de la ZMV de Mexico
Bibliographie
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Rapport INRETS n° 277
41
Les formes de la métropolisation
Annexes
Annexe 1. Expansion de la zone métropolitaine de la Ville de Mexico, 1990–
2005
Population (en milliers)
Délégations
%
2000
%
2005
TCMA
19801990
19902000
20002005
1990
2000
2005
ZMVM
15 501
17 958
19 083
100
100
2,35
1,48
1,25
District Federal
8 172
8 508
8 489
47,4
44,5
0,24
0,40
–0,05
Estado de México 1/
7 328
9 450
10 594
52,6
55,5
5,47
2,57
2,42
Venustiano Carranza
520
463
486
2,6
2,5
–1,97
–1,15
0,99
Benito Juárez
408
360
370
2,0
1,9
–1,63
–1,23
0,53
Miguel Hidalgo
407
353
364
2,0
1,9
–2,07
–1,42
0,67
Cuauhtémoc
596
516
540
2,9
2,8
–2,07
–1,43
0,93
Cuajimalpa de Morelos
120
151
137
0,8
0,7
3,52
2,37
–1,90
Iztapalapa
1 490
1 773
1 697
9,9
8,9
2,63
1,75
–0,87
Álvaro Obregón
643
687
677
3,8
3,5
1,20
0,67
–0,29
Coyoacán
640
640
653
3,6
3,4
1,69
0,01
0,41
1 268
1 236
1 257
6,9
6,6
–0,87
–0,26
0,35
Azcapotzalco
475
441
455
2,5
2,4
–1,59
–0,73
0,64
Iztacalco
448
411
419
2,3
2,2
–1,55
–0,86
0,37
Tláhuac
207
303
256
1,7
1,3
4,46
3,89
–3,10
Xochimilco
271
370
332
2,1
1,7
3,20
3,15
–2,03
Tlalpan
484
582
553
3,2
2,9
3,96
1,84
–1,01
Magdalena Contreras
195
222
212
1,2
1,1
2,03
1,31
–0,91
Gustavo A. Madero
Milpa Alta
63
97
81
0,5
0,4
2,99
4,28
–3,24
* Taux de croissance moyenne annuel
Source : INEGI (2000) Cuaderno Estadístico de la Zona Metropolitana de la Ciudad de México.
Tableau 3.3, p. 46-47 y graphiques 3.a y 3.b p. 44. et INEGI (2005) Conteo de Población y Vivienda
del Distrito Federal.
42
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes des métropoles : le cas de la ZMV de Mexico
Annexe 2. Population des municipalités de l’État de Mexico et de la ZMVM
Axe
Municipalité
*
État de Mexico
ZMVM
Coacalco de Berriozábal
Ecatepec de Morelos
Tecámac
Temascalapa
Acolman
Axapusco
Nopaltepec
San Martín de las Pirámides
Teotihuacán
Tepetlaoxtoc
Otumba
Atenco
Chiautla
Chicoloapan
Chinconcuac
Papalotla
Texcoco
Tezoyuca
Chimalhuacán
Ixtapaluca
Nezahualcóyotl
La Paz
Valle de Chalco Solidaridad
Cocotitlán
Chalco
Ozumba
Temamatla
Amecameca
Atlautla
Ayapango
Juchitepec
Tenango del Aire
Tepetlixpa
Tlalmanalco
Cuautitlán
Cuautitlán Izcalli
Huehuetoca
Jaltenco
Melchor Ocampo
Naucalpan de Juárez
Nextlalpan
Teoloyucán
Tepotzotlán
Tlalnepantla de Baz
Tultepec
Tultitlán
Zumpango
Apaxco
Hueypoxtla
Tequixquiac
Atizapán de Zaragoza
Nicolás Romero
Isidro Fabela
Jilotzingo
Villa del Carbón
Huixquilucan
Almoloya
Coyotepec
1
1
1
1
2
2
2
2
2
2
2
3
3
3
3
3
3
3
4
4
4
4
4
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
7
7
7
7
7
8
8
*
1990
2000
2005
1990
(%)
2000
(%)
2005
(%)
TCMA
1990-2000
TCMA
2000-2005
9 815 795
15 500 504
152 082
1 218 135
123 218
19 099
43 276
15 803
5 234
13 563
30 486
16 120
21 834
21 219
14 764
57 306
14 179
2 387
140 368
12 416
242 317
137 357
1 256 115
134 782
0
8 068
282 940
18 052
5 366
36 321
18 993
4 239
14 270
6 207
12 687
32 984
48 858
326 750
25 529
22 803
26 154
786 551
10 840
41 964
39 647
702 807
47 323
246 464
71 413
18 500
26 189
20 784
315 192
184 134
5 190
9 011
27 283
131 926
12 021
24 451
11 096 686
17 958 029
252 555
1 622 697
172 813
29 307
61 250
20 516
7 512
19 694
44 653
22 729
29 097
34 435
19 620
77 579
17 972
3 469
204 102
18 852
490 772
297 570
1 225 972
212 694
323 461
10 205
217 972
23 592
8 840
45 255
25 950
5 947
18 968
8 486
16 863
42 507
75 836
453 298
38 458
31 629
37 716
858 711
19 532
66 556
62 280
721 415
93 277
432 141
99 774
23 734
33 343
28 067
467 886
269 546
8 168
15 086
37 993
193 468
15 584
35 358
12 134 963
19 082 765
305 232
1 795 609
201 134
34 852
69 990
22 867
8 622
22 616
51 001
26 213
32 835
43 305
22 864
88 358
19 666
3 875
230 379
22 763
605 305
415 778
1 234 870
256 890
398 779
11 611
248 306
25 845
11 081
49 119
28 528
6 932
21 026
9 915
18 768
47 271
85 191
514 143
46 116
40 282
44 078
895 524
24 710
81 292
70 855
756 008
116 097
529 710
111 436
26 040
37 220
32 025
534 648
309 713
9 529
18 025
42 647
226 899
17 945
41 394
63,33
100
0,98
7,86
0,79
0,12
0,28
0,10
0,03
0,09
0,20
0,10
0,14
0,14
0,10
0,37
0,09
0,02
0,91
0,08
1,56
0,89
8,10
0,87
0,00
0,05
1,83
0,12
0,03
0,23
0,12
0,03
0,09
0,04
0,08
0,21
0,32
2,11
0,16
0,15
0,17
5,07
0,07
0,27
0,26
4,53
0,31
1,59
0,46
0,12
0,17
0,13
2,03
1,19
0,03
0,06
0,18
0,85
0,08
0,16
61,9
100
1,41
9,04
0,96
0,16
0,34
0,11
0,04
0,11
0,25
0,13
0,16
0,19
0,11
0,43
0,10
0,02
1,14
0,10
2,73
1,66
6,83
1,18
1,80
0,06
1,21
0,13
0,05
0,25
0,14
0,03
0,11
0,05
0,09
0,24
0,42
2,52
0,21
0,18
0,21
4,78
0,11
0,37
0,35
4,02
0,52
2,41
0,56
0,13
0,19
0,16
2,61
1,50
0,05
0,08
0,21
1,08
0,09
0,20
63,59
100
1,60
9,41
1,05
0,18
0,37
0,12
0,05
0,12
0,27
0,14
0,17
0,23
0,12
0,46
0,10
0,02
1,21
0,12
3,17
2,18
6,47
1,35
2,09
0,06
1,30
0,14
0,06
0,26
0,15
0,04
0,11
0,05
0,10
0,25
0,45
2,69
0,24
0,21
0,23
4,69
0,13
0,43
0,37
3,96
0,61
2,78
0,58
0,14
0,20
0,17
2,80
1,62
0,05
0,09
0,22
1,19
0,09
0,22
2,90
1,50
5,20
2,90
3,40
4,40
3,50
2,60
3,70
3,80
3,90
3,50
2,90
5,00
2,90
3,10
2,40
3,80
3,80
4,30
7,30
8,00
-0,20
4,70
*
2,40
-2,60
2,70
5,10
2,20
3,20
3,40
2,90
3,20
2,90
2,60
4,50
3,30
4,20
3,30
3,70
0,90
6,10
4,70
4,60
0,30
7,00
5,80
3,40
2,50
2,40
3,00
4,00
3,90
4,60
5,30
3,40
3,90
2,60
3,80
1,87
1,25
4,17
2,13
3,28
3,78
2,85
2,29
2,96
2,97
2,84
3,07
2,57
5,15
3,31
2,78
1,89
2,34
2,57
4,15
4,67
7,94
0,15
4,16
4,66
2,76
2,78
1,91
5,07
1,71
1,99
3,31
2,17
3,37
2,26
2,24
2,47
2,68
3,98
5,47
3,37
0,86
5,30
4,43
2,75
0,96
4,89
4,52
2,34
1,94
2,33
2,82
2,85
2,98
3,33
3,90
2,45
3,46
3,03
3,41
Source : INEGI (2000) Cuaderno Estadístico de la Zona Metropolitana de la Ciudad de México,
Tableau 3.3, p. 46-47 y graphiques 3.a y 3.b p. 44. INEGI (2005) Conteo de Población y Vivienda del
Estado de México.
Rapport INRETS n° 277
43
Les formes de la métropolisation
au Costa Rica
Sylvia Rosales Montano
Le caractère explosif de la croissance des villes en Amérique latine et la
concentration de la population urbaine et des activités dans les grandes métropoles ont marqué le xxe siècle7. Mais ce siècle a fait émerger un processus parallèle
de dispersion/concentration sélective des populations, infrastructures et activités. À ce processus vient s’ajouter une spécialisation plus nette de territoires, qui
intègre aussi les phénomènes de ségrégation, voire de « sécession/relégation »
spatiale. Ce processus global est en cours de consolidation.
Illustration 1 : la vallée centrale de San José et les périmètres de
la Grande aire métropolitaine et de l’agglomération de San José
ALAJUELA
HEREDIA
SAN JOSE
CARTAGO
Source : Vega, 2004.
7 Presque
à la fin du siècle dernier, près de 74 % de la population (plus de 350 millions d’habitants)
vivaient dans les territoires urbains, et ceci malgré un tassement du taux de croissance annuel de la
population urbaine qui se situe autour de 2,5 % à la fin du siècle contre 3,6 % dans les années 1970.
En ce qui concerne l’Amérique Centrale, elle présente un taux d’urbanisation de 68 %.
Rapport INRETS n° 277
45
Les formes de la métropolisation
Les pays centraméricains en général — et le Costa Rica en particulier —
n’échappent pas à ces constats. Et ceci, bien que ces dynamiques et ces processus s’intègrent dans des situations fort différentes de croissance urbaine (encore
très marquée par la macrocéphalie), de développement, de planification et d’aménagement du territoire.
1. Concentration et dispersion sélective des populations aux
niveaux national et métropolitain
1.1. Le Costa Rica, un pays à forte croissance démographique qui se
concentre et se disperse de manière sélective…
Entre 1984 et 2000, la population totale du pays a été multipliée par 1,6 et la
population urbaine a augmenté de 10 %. Résultat d’une très forte natalité et d’une
mortalité très faible, puis d’une faible émigration et d’une très forte immigration
nicaraguayenne, le taux de 2,8 % de croissance annuelle de la population se distribue de manière inégale dans le pays, comme le démontre Pujol (2001).
En effet, sur une superficie de 51 100 km2 et une population d’environ quatre millions d’habitants (dont 30 % est composée de migrants nicaraguayens et
d’autres pays centraméricains), le pays a une densité moyenne de 74 habitants
au km2 et une population urbaine de 43 %.
Ces densités se concentrent, aujourd’hui, dans les principales communes centrales : la ville capitale et son aire d’influence. La seule ville capitale de San José
concentre, en 2000, presque 10 % de la population nationale, mais son aire d’influence directe (dix communes de sa périphérie, soit 0,6 % du territoire national)
en concentre 24 %. Mais cette concentration est encore plus forte au niveau de
la Grande aire métropolitaine (GAM) : 53 % de la population nationale sur 1,5 %
du territoire du pays.
Néanmoins, bien que la capitale et son agglomération (ASJ) ou aire d’influence
(nommé aussi « aire métropolitaine » et composé de 12 communes en 2003)
aient perdu de la population (27 % de la population nationale s’y concentrait en
1984 contre 24 % en 2000), elle concentre presque la moitié de la population du
GAM.
La perte de population de l’ASJ s’est faite au bénéfice des villes et villages
périphériques (périurbains) : hors l’ASJ, la GAM concentre, en 2000, 29 % de la
population nationale contre 25 % en 1984.
Il faut noter aussi la perte de population dans les centres-villes, au bénéfice
d’autres espaces « centraux » de meilleure qualité urbaine. Effectivement, les
« districts » centraux des principales villes (San José, Heredia, Cartago, etc.) ne
sont pas les plus importants, laissant la place aux « districts » frontières.
Mais, ce nouveau phénomène de dispersion de la population vers des villes et
villages de plus petite taille ne s’accompagne pas nécessairement des services,
emplois, infrastructures nécessaires à la population. La plupart des villes dites
secondaires du pays disposent d’un niveau de services publics assez similaire
46
Rapport INRETS n° 277
Les formes de la métropolisation au Costa Rica
(éducation, électricité, eau, téléphone, équipement sanitaire de base), mais manquent d’autres équipements. Des migrations alternantes sont de ce fait en croissance constante, vers les villes plus consolidées, donc vers les principales villes.
San José capitale, dispose en effet, y compris dans son centre, des meilleurs
réseaux de communication et de transports, avec une rupture très nette avec le
reste du pays. La commune garde encore tous les équipements administratifs,
économiques et financiers comme commerciaux, même si certains de ceux-ci se
dispersent dans le reste de l’AMSS.
Illustration 2 : concentration de la population et des infrastructures de
transports dans l’ASJ et la GAM
Océano Pacifice
Mar Caribe
Source : Pujol, 2001.
En somme, San José concentre les activités de haute valeur ajoutée : les services aux grandes entreprises nationales et internationales et les grands services
publics.
Rapport INRETS n° 277
47
Les formes de la métropolisation
1.2. …en s’affranchissant de toutes contraintes
La maîtrise de l’expansion territoriale de San José et de son aire métropolitaine a constitué une des orientations principales de la planification portée par
l’État à travers l’action, au niveau régional, de l’Institut du logement et d’urbanisme (ILU).
La législation de 1983 a non seulement institué le zoning à l’intérieur du territoire en fixant la destination générale des sols et les densités, mais a aussi prescrit une limitation géographique à l’extension urbaine (« linea de contencion »).
Or, à partir des années 1950, on constate déjà une croissance urbaine de
moins en moins contrôlée… Entre 1950 et 1963, San José ville absorbe peu à
peu ses espaces périphériques internes, et, entre 1963 et 1973, « l’agglomération
métropolitaine » se consolide dans le même temps que se constituent des banlieues dortoirs à Heredia, Tibas, Santo Domingo, etc.
Illustration 3 : la tâche urbaine et l’anneau de contention de l’urbanisation
Source : Vega, 2004.
Entre 1973 et aujourd’hui, l’extension urbaine de l’aire métropolitaine se développe dans toutes les directions, à peine contrainte par les barrières naturelles les
plus fortes. Les limites à l’urbanisation renforcées par le boulevard périphérique,
comme par l’anneau de contention prévu pour le plan GAM, se trouvent alors
rapidement dépassées par la dynamique de la croissance urbaine dispersée et
partout.
Ainsi, la définition de l’usage des sols, la fixation des densités urbaines et la
limite assignée à l’urbanisation ont été très tôt dépassées par la réalité.
48
Rapport INRETS n° 277
Les formes de la métropolisation au Costa Rica
Les principales raisons ? La rigidité du dispositif de planification et l’absence
de concertation avec le niveau local et la société civile, l’absence d’une véritable
hiérarchie urbaine, l’absence de traduction des orientations générales en politiques publiques efficaces et le caractère essentiellement normatif du plan, mais
aussi ses imprécisions dans les limites de l’inconstructibilité autour des réserves
et des projets structurants.
La non-réalisation des plans métropolitains prévus a aussi rendu possible et
amplifié l’urbanisation de la vallée centrale en permettant notamment la construction sur les tracés des axes de contournement périphériques projetés à l’intérieur
de la zone de protection.
À ces carences de la planification, il faut ajouter les politiques de logement
en place depuis le milieu des années 1980, qui ont conduit à créer des unités résidentielles importantes destinées aux plus pauvres dans des zones non
équipées. Mais aussi, l’absence complète de concertation avec les collectivités
locales et des modes de vie marqués par l’habitat individuel sans contrainte
spatiale. L’expansion territoriale s’opère aujourd’hui non seulement dans les
terrains plats de la vallée centrale, mais également dans les gorges creusées
par les nombreuses rivières et les terrains de fortes pentes (jusqu’à 25 %). C’est
cette occupation des reliefs qui constitue une des caractéristiques principales
de l’urbanisation.
Ainsi, se développe une croissance aussi forte des autres villes importantes de
la région (Cartago, Alajuela et Heredia), au point que les espaces non urbanisés
qui les séparent se comblent peu à peu et que les limitations de l’urbanisation
attendues des ouvrages de voirie périphériques sont de plus en plus théoriques.
Aujourd’hui, c’est vers l’ouest que s’oriente majoritairement cette expansion
urbaine de faible densité (essentiellement constituée de logements individuels).
Elle est à peine contrainte par les reliefs du sud et du sud-est.
1.3. Les dynamiques ségrégatives du processus d’urbanisation
La forte pression urbaine qu’exerce la croissance démographique sur San
José et la dispersion des habitants et des activités ainsi que la spéculation foncière ont produit des ségrégations spatiales importantes.
Cette pression s’exerce sur des terrains viabilisés ou non viabilisés, parfois
situés sur des sites en principe non constructibles (bords des rivières, pentes des
collines…).
En ce qui concerne l’habitat spontané ou précaire, en 1990, on comptait dans
la capitale 23 quartiers informels (precarios), réunissant plus de 18 000 personnes (soit environ 2 % de la population de l’AMSJ). Huit de ces quartiers (environ
1 000 familles) étaient localisés dans des zones présentant des risques (glissements de terrains, pollution…)
Certaines communes, comme Desamparados, n’ont pas jusqu’à aujourd’hui
absorbé, de manière qualitative, les 20 000 habitants précaires arrivés sur leur
territoire dans les années 1980 par la volonté de l’État.
Rapport INRETS n° 277
49
Les formes de la métropolisation
Si au niveau microspatial la ségrégation sociale peut être visible, les disparités sociales ou la « spécialisation » sociale des territoires sont aussi une réalité
au niveau de la grande maille territoriale. La classe moyenne-haute et la classe
haute, habitant encore à San José, cherchent à migrer vers des communes possédant un meilleur environnement et un plus fort contrôle sur la « mixité » sociale.
Communes « riches »/communes « pauvres » sont ainsi visibles.
Cette pression constante sur le sol métropolitain ne permet pas de desservir
convenablement les habitants. D’une manière générale, nous observons que l’urbanisation nouvelle se développe dans un contexte de dégradation des services
urbains.
Illustration 4 : localisation des quartiers spontanés sur des sites à risques
et pentes
Area Metrololitana de San José
Amenazas naurales potenciales
Area Metropolitana de San José
Pendientes des AMSJ
Source : Vega, 2004.
50
Rapport INRETS n° 277
Les formes de la métropolisation au Costa Rica
En fait, depuis les années 1980, un grand nombre d’opérations d’urbanisme
résidentiel ont été conduites sans les équipements nécessaires dans les domaines de la viabilité, de l’approvisionnement et de l’évacuation…
À titre d’exemple, les nouveaux résidents de la commune de Alajuelita — frontière sud de San José — ne sont équipés que de fosses septiques, en l’absence
de réseaux d’égouts… La commune de Curridabat a vu son réseau de collecte
des eaux usées complètement saturé, en raison de projets immobiliers nouveaux, et les rejets fluviaux provoquent des inondations sur le territoire d’autres
communes…
Aujourd’hui, seuls 46 % de la population métropolitaine sont desservis par un
système d’égouts qui comprend la collecte des eaux usées et leur acheminement
avec traitement préalable. Les 54 % restant évacuent leurs eaux usées dans des
fosses septiques.
Mais l’ASJ concentre aussi près de 43 % du parc automobile national (plus
de 120 000 véhicules en circulation au milieu des années 1990) pour, selon une
estimation approximative, 300 000 véhicules/jour en 2000.
2. La territorialisation du paysage économique en cours de
mutation : entre concentration et dispersion
2.1. Une forte croissance de l’économie des services, mais…
Le paysage économique costaricien connaît depuis peu une forte croissance
de l’industrie des services, notamment dans les domaines du tourisme et de
l’écologie.
Toutefois, le monde économique reste dominé par un secteur industriel manufacturier et de transformation des produits primaires avec quelques exceptions. À
ce titre, on peut citer la présence d’industries fabricant des équipements électriques (PANASONIC) et des composants électroniques (INTEL) dans la périphérie
de l’aire métropolitaine de San José (AMSJ).
De manière générale, le paysage industriel costaricien, et particulièrement
métropolitain8, est présenté de la façon suivante :
•• industrie agricole et alimentaire : 22 % ;
•• industrie du textile et du cuir : 7 % ;
•• industrie chimique, du caoutchouc et des plastiques : 24 % ;
•• industrie du bois et du papier : 16 % ;
•• métallurgie et travail des métaux : 12 % ;
•• autres industries manufacturières : 19 %.
On peut noter l’absence d’industries de fabrication, tant dans le domaine du
transport que des nouvelles technologies, ce qui fait que la caractéristique prin8 Données
2002 du ministère de l’Économie, non publiée.
Rapport INRETS n° 277
51
Les formes de la métropolisation
cipale du secteur économique métropolitain est qu’il s’agit principalement d’une
industrie de transformation et de productions de biens manufacturés.
Néanmoins,����������������������������������������������������������������
l’économie du commerce et des services est en plein essor, surtout dans les aires urbaines.
Parmi les activités commerciales, on retrouve principalement les activités relevant du commerce de vente de détail ou encore du commerce de gros de produits
agroalimentaires, domestiques et autres articles industriels manufacturés.
Quant au domaine des services, il s’adresse autant aux personnes qu’aux
entreprises. De manière générale, on rencontre les secteurs traditionnels d’action
sociale, de service public, financier ou commercial prêtés majoritairement aux
personnes. Il n’en demeure pas moins que le secteur des services aux entreprises constitue également un secteur d’activités très important.
Enfin, les activités liées aux domaines de la santé, de l’éducation, du transport
ou encore du tourisme représentent une part importante du paysage économique
costaricien.
2.2. Les activités de production et de services se concentrent dans
la GAM et l’AMSJ, mais elles sont particulièrement présentes dans
la ville de San José
L’AMSJ rassemble l’essentiel des fonctions économiques industrielles et tertiaires du pays. Elle concentre 80 % des activités commerciales du pays, la totalité des établissements de soins spécialisés, 70 % du transport national, 50 %
des professionnels de santé, les principaux centres d’enseignement supérieur,
la quasi-totalité des activités culturelles… À San José capitale, jusqu’aux années
1990, le tissu industriel était formé à 84 % de petites entreprises ou d’entreprises
individuelles qui occupaient 18 % de la main-d’œuvre totale de l’industrie.
Tableau 1 : entreprises industrielles localisées au sein de l’aire
métropolitaine de San José* et nombre de salariés**
Cantón
Total industrie
Nombre de salariés
nb.
%
1–5
6–10
11–30 31–100
San José
1102
50,2
525
187
210
113
Coronado
63
2,0
44
5
8
4
Escazú
77
3,5
49
10
14
3
Aserrí
29
1,3
19
4
5
–
Curridabat
91
4,2
36
17
18
12
Goicoechea
211
9,6
125
41
23
12
Alajuelita
21
1,0
13
4
4
–
Moravia
84
3,8
50
17
11
4
La Unión
55
2,5
30
11
11
1
Montes de Oca
119
5,4
61
18
19
17
Tibas
140
6,4
67
27
22
18
Desamparados
202
9,2
130
26
33
7
Total
2194
100 %
1149
367
378
191
* Données du ministère du Commerce et de l’Industrie, non publiées, 2002.
** Données de la Caisse costaricienne de Sécurité Sociale (CCSS).
Source : Ben Amar et Vega, 2003.
52
+100
67
2
1
1
8
10
–
2
2
4
6
6
109
Rapport INRETS n° 277
Les formes de la métropolisation au Costa Rica
Les grandes entreprises des deux secteurs analysés se concentrent dans la
GAM (Tableau 1) et dans l’AMSJ et les autres zones franches localisées dans les
autres communes périphériques. Mais c’est encore San José qui concentre le
maximum d’activités malgré une certaine délocalisation observable.
Ceci est illustré par les entreprises industrielles : 50 % des industries localisées dans l’AMSJ se situent à San José.
Mais cette concentration est aussi celle des entreprises moyennes et des grandes entreprises industrielles : 94 % des entreprises ayant entre 31 et 100 salariés
et 61 % de celles de plus de 100 salariés. Pour les autres, la concentration est
moins importante : 45 % des petites industries (moins de cinq salariés), 51 % des
industries de 6–10 salariés et 56 % d’industries de 11 à 30 employés.
2.3. San José, une économie qui se transforme principalement autour
des commerces et services
Sur environ 13 000 activités économiques recensées avec la NAF 31, les activités liées au commerce demeurent de loin les plus importantes, tous secteurs
confondus. Le commerce de gros ou de détail ainsi que de réparation d’articles
manufacturés employant un faible nombre d’employés représente 58 % des activités commerciales.
Une autre caractéristique importante est l’influence des activités de services
tant aux personnes (8 %) qu’aux entreprises (14 %).
Cette tendance croissante de développement des services résulte du développement du secteur touristique devenu le premier secteur générateur de devises
du pays. En ce sens, l’écotourisme représente plus de 25 % des exportations
costariciennes (Araya Solano, 2002).
Il convient également de souligner l’importance du secteur des professions
libérales dans le domaine de la santé et du consulting aux entreprises et aux
personnes.
Elle correspond à la présence de cabinets médicaux, officines juridiques et
comptables. En effet, le monde des entreprises de services emploie ou concentre
un nombre important de personnes indépendantes ou de professions libérales
employant un nombre restreint de salariés. Il existe toutefois un certain nombre
de sociétés regroupant ces professions libérales, notamment dans le domaine de
la santé (cliniques privées). En revanche, dans le domaine légal ou comptable, le
phénomène de fusion demeure exceptionnel.
Parmi les autres secteurs d’activités de service, on trouve un grand nombre
d’entités privées, spécialisées principalement dans l’éducation scolaire9 et accessoirement professionnelle.
Dans le même sens, les activités relevant de l’administration publique, du
monde financier et du domaine des transports sont bien représentées.
9 114
Universités ont été répertoriées dans la ville de San José, Recensement 2000, INCOPEC.
Rapport INRETS n° 277
53
Les formes de la métropolisation
Illustration 5 : usages économiques des sols
dans la commune de San José
Source : Ben Amar et Vega, 2003.
54
Rapport INRETS n° 277
Les formes de la métropolisation au Costa Rica
Concernant le secteur des transports, il convient de souligner la forte concentration des entreprises liées à la distribution des marchandises sur tout le territoire
national et le continent méso-américain sans oublier le secteur des transports
de personnes. En effet, le transport public est un secteur majeur de l’économie
urbaine costaricienne en raison du statut privé du transport urbain et interurbain.
Par ailleurs, le paysage industriel reste dominé par les activités de produits
manufacturés (24 %) autres que celles liées aux domaines traditionnels du textile
(12 %), de l’agroalimentaire (7 %) et du bois (6 %).
Le domaine de l’industrie du papier et du carton (21 %) est certes important.
Mais, il doit toutefois être minimisé en raison de la prédominance des activités
liées à la reprographie.
Les autres industries à mentionner sont celles relatives à la métallurgie (6 %),
aux produits plastiques (3 %) et chimiques (2 %).
Concernant les autres domaines de l’industrie, on peut noter l’importance des
secteurs liés à la production et la distribution de l’électricité, du gaz et de l’eau
(6 %), celui relatif à la fabrication d’articles de cuir (2 %) ou de composants électroniques (1 %) qui emploient un nombre important de salariés malgré leur faible
représentation.
La dernière caractéristique importante à souligner est la faible importance,
voire l’inexistence d’industries de fabrication de machines et équipements ou de
matériel de transport.
Si cette concentration est importante, on observe aussi une délocalisation
périphérique de nombreuses activités, surtout celles des bureaux ou autres activités grandes consommatrices de sols et nécessitant une qualité d’environnement
importante (bureaux, hôtels, centres commerciaux, etc.).
2.4. Spécialisation économique par zone
Mais ces concentrations et dispersions se territorialisent de manière différente.
Ceci est observable dans la ville de San José, par districts. À titre d’exemple, on
analysera trois districts : Catedral, Mata Redonda et Uruca.
Illustration 6 : les districts de San José
Source : Vega, 2004.
Rapport INRETS n° 277
55
Les formes de la métropolisation
2.4.1. Le « District Catedral » : commerces et services aux
entreprises et aux personnes
Le district « catedral » concentre majoritairement des activités liées au commerce et aux services.
Parmi les activités commerciales, on retrouve celles du commerce de détail
mais également de la restauration. À ce titre, il convient de mentionner la particularité du secteur de la restauration surreprésenté par les « Soda », sorte de petit
restaurant particulier employant un ou deux salariés au maximum et géré par le
restaurateur lui-même.
Concernant les services, on remarque également une forte concentration d’activités de services aux entreprises et particulièrement comptables et notariales.
Ceci se justifie par la concentration des organes de justice costariciens dans ce
district.
Les services liés aux personnes sont également très représentés dans ce secteur de la ville et doivent être rattachés à la présence des activités liées à l’administration publique, à l’éducation ou encore à la santé et à l’action sociale.
De plus, un grand nombre d’organisations non gouvernementales (ONG) disposent de leur siége social dans ce secteur urbain en raison de la grande concentration des différents services de l’État.
Quant aux activités liées au domaine de l’industrie, celles-ci sont essentiellement de type manufacturier, à l’exception du cas important de l’industrie du papier
liée aux activités de reprographie.
2.4.2. Le district « Mata Redonda » : activités consulaires et services
Il s’agit d’un secteur relativement bien situé, mais un nombre relativement plus
faible d’activités économiques sont localisées dans ce secteur urbain de Mata
Redonda. Il convient toutefois de souligner que cette aire concentre principalement, toutes activités confondues, celles des services aux entreprises et aux
personnes.
Parmi ces dernières, on peut noter l’importance des services de santé, de
l’éducation mais également extraterritoriales en raison de la présence de nombreuses ambassades. Quant aux services aux entreprises, le secteur « Mata
Redonda » concentre un grand nombre d’entreprises de consulting dans le
domaine de l’import-export. Ceci explique la concentration d’activités financières
mais également celles liées au domaine du transport.
Les activités liées à l’industrie, bien qu’elles soient présentes, demeurent très
faibles.
2.4.3. Le « District Uruca » : secteur industriel et services aux
entreprises
Secteur industriel et commercial de la ville de San José, ce district concentre
les plus grandes entreprises manufacturières, agroalimentaires liées à la fabrica-
56
Rapport INRETS n° 277
Les formes de la métropolisation au Costa Rica
tion de matières plastiques, de cuir et surtout, de composants électriques et électroniques. Concernant ce dernier secteur économique, le nombre d’entreprises
peut paraître peu important, mais il emploie un grand nombre de salariés.
Il faut, tout de même, souligner que ce secteur urbain représente le premier
bassin d’emploi de toute l’aire métropolitaine de San José. En effet, il existe un
certain nombre d’entreprises nationales et étrangères employant 200 salariés et
plus (Tableau 1). Ceci explique la forte concentration du domaine des services
aux entreprises et de ceux attachés aux domaines du transport et de la finance.
De plus, ce secteur demeure attractif pour des activités commerciales et de
services aux personnes. En effet, le secteur de la Uruca dispose d’une infrastructure autoroutière permettant une liaison rapide entre les différents réseaux
routiers du territoire national et métropolitain.
Quant aux activités liées au domaine industriel, on a pu noter une importante
concentration d’entreprises dans les secteurs de la Uruca et Hospital. Il est vrai que
d’autres secteurs comme Pavas comptent un grand nombre d’entreprises industrielles. Il n’en demeure pas moins que les plus importantes sont situées dans le
secteur de la Uruca, qui concentre 40 % de la population active métropolitaine.
On peut donc conclure que l’ensemble des activités économiques industrielles, commerciales et de services sont relativement bien réparties sur l’ensemble
du territoire métropolitain.
Cette spécialisation n’est pas seulement due à la force des acteurs privés
mais aussi à la planification. En effet, le plan GAM, comme les plans régulateurs,
définit les usages des sols par les notions de « centres », de « réseaux » et de
« corridors » de planification.
Ces concepts se déclinent localement, comme par exemple le Plan régulateur
de San José. Mais en général, entre deux révisions du plan régulateur, on ne fait
qu’adapter les usages réels aux usages « prospectifs ». Ceci a pour résultat la
« linéarité commerciale et économique » que permettent les axes routiers.
Soumis à révision en 2002, le plan directeur urbain de San José (PDUSJ) se
caractérise par une structure de zonage identique à celle définie au sein du document « GAM ». La différence résulte toutefois d’une plus grande spécialisation
de la nomenclature des usages des sols. Deux chapitres du Plan définissent le
système de planification destiné à l’identification et à la localisation des activités.
La planification est fondée sur « des centres et des réseaux de commerce et
de services ». Chaque zonage fait ainsi — en principe — l’objet d’une présentation générale des différents secteurs urbains. Il existerait ainsi des « centres
et des réseaux » favorisant l’implantation des activités d’importance nationale,
locale et de district. Néanmoins, cette classification repose essentiellement sur la
localisation de l’infrastructure autoroutière du territoire urbain.
À titre d’illustration, l’usage du sol « commerce et service national : CSB »
est localisé non pas en périphérie de San José mais en plein centre urbain. Il va
de soi qu’une grande et moyenne entreprise ne peut être développée dans ce
Rapport INRETS n° 277
57
Les formes de la métropolisation
contexte, comme le spécifie à juste titre le « PDUSJ ». Il n’en demeure pas moins
que cette zone reste qualifiée de zone de développement d’activités de services
ou de commerce à vocation nationale.
À noter aussi que les « zones mixte industrie–commerce », résultat de la
transformation des anciennes zones industrielles du GAM, ne résultent pas d’une
volonté de mixité mais plutôt du mitage commercial (voire résidentiel) de fait de
ces zones.
Conclusion
Lors des 40 dernières années, l’usage des sols dans la vallée centrale a subi
des changements dramatiques. Avant 1945, San José était le principal centre
urbain, entouré de quatre districts séparés les uns des autres par d’importantes
zones caféières… et au cours des années 1960–1970, l’agriculture cédant rapidement devant l’avance de l’urbanisation a permis l’essor d’une métropolisation
porteuse de tendances de spécialisation fonctionnelles.
L’agriculture et la forêt cèdent le terrain à l’urbain, et ces activités sont devenues le deuxième mode d’occupation des sols derrière les activités urbaines.
Mais, plus précisément, ces changements dans les usages des sols ont facilité l’occupation des sols de grande qualité environnementale, mais globalement
« bon marché », dans la périphérie des communes centrales métropolitaines,
permettant ainsi une migration résidentielle et économique forte du centre vers
ces périphéries.
Cette concentration d’activités dans la partie centrale de l’AMJS se caractérise
ainsi par de forts mouvements internes qui obéissent aux logiques propres aux
différents secteurs. C’est en particulier le cas du secteur de la grande distribution
commerciale, qui privilégie depuis les années 1980 les implantations périphériques bien desservies par le système routier et s’installe sur de très grandes
propriétés foncières.
Cette tendance à la localisation périphérique des activités historiquement centrales correspond aussi à la proximité des bassins de consommateurs de plus en
plus éloignés en raison des logiques résidentielles.
D’une manière générale, on assiste à un déplacement des fonctions commerciales centrales de San José vers les concentrations résidentielles mieux desservies par la route et le stationnement et offrant des possibilités importantes
d’extension sur place (le cas de Curridabat par exemple).
La dégradation des conditions de vie et d’exercice des activités commerciales
dans le cœur historique renforce ce desserrement des activités traditionnelles.
La ville centrale perd ainsi peu à peu sa mixité sociale et économique, et ce
phénomène caractérise davantage le noyau central de la ville (ainsi que celui des
autres villes périphériques). Des politiques de repeuplement et de rayonnement
58
Rapport INRETS n° 277
Les formes de la métropolisation au Costa Rica
local sont engagées dans la ville centrale, mais aussi dans les autres centres des
communes périphériques.
Des petites villes se développent, mais en relative « indépendance » de San
José en ce qui concerne les activités de services (administration, santé, services
aux entreprises, etc.), mais de moins en moins en termes de consommation.
Un exemple de ce changement : aujourd’hui, environ la moitié des véhicules
particuliers qui circulent dans le centre n’ont pas pour destination finale celui-ci,
mais sont en transit vers les autres communes. Cette situation aggrave la perte
de qualité urbaine de la ville centrale par la saturation permanente des voies principales et la très forte pollution véhiculaire10.
Le système de transports, et globalement celui des déplacements subissent
de très fortes tensions pour répondre au double processus de concentration et de
dispersion déséquilibrée du fonctionnement urbain. Mais la logique de consolidation des activités économiques sur les principales voies radiales se répercute en
un chaos permanent de circulation.
Axes de transports et activité économique sont si fortement liés, que les linéarités commerciales y compris métropolitaines font l’objet de propositions multiples
dans le cas d’un plan régulateur métropolitain. Cette logique de formalisation des
tendances peut mettre en cause un équilibre plus vaste entre les logiques des
acteurs économiques et la planification et l’aménagement du territoire à plus long
terme.
Bibliographie
R. Araya Solano. Situación Actual, Necesidades, Estrategias Propuestas,
document de travail, 2002.
K. Ben Amar, M. Vega. Identification et localisation des usages des sols à vocation
économique de la ville de San José, Rapport pour le LET, 62 p, 2003.
R. Pujol. Desarrollo urbano y sistema de transportes en Costa Rica, Informe final
para la primera fase del plan nacional de desarrollo urbano, Produs,
sept. 2001, 2001.
M. Vega. Cartographie SIG de l’AM de San José, document de travail, 2004.
10 Avec
une structure de desserte très ancienne, le système de transport public et privé de San José
se compose essentiellement de lignes radiales. Bien que 70 % des usagers de la capitale utilisent les
transports publics (1 200 autobus, 125 lignes, 50 entreprises privées) et 30 % la voiture individuelle
(environ 300 000 véhicules/jour au niveau métropolitain), le système existant ne correspond pas aux
demandes dispersées de déplacement. Cela favorise, d’une certaine manière, le recours à l’automobile
dans les secteurs de revenus moyens (facilité aussi fortement par les politiques nationales fiscales et
d’importation de véhicules usagés).
Rapport INRETS n° 277
59
Permanence des formes de
la métropolisation dans
les aires urbaines françaises11
Anne Aguiléra, Danièle Bloy et Dominique Mignot
La compréhension des déterminants de la mobilité constitue une préoccupation ancienne mais plus que jamais d’actualité. La croissance du trafic automobile
pose en effet des problèmes aigus tant sociaux — inégalités en termes d’accessibilité —, qu’économiques — coûts des infrastructures, de la congestion — et
bien sûr environnementaux, peu compatibles avec la volonté d’un développement
durable (Banister et al., 1997).
La question d’une meilleure organisation des déplacements quotidiens qui soit
(notamment) plus favorable aux modes « doux » se pose de façon particulièrement sensible en milieu urbain, où les trajets ne cessent de s’allonger, de se
déradialiser, favorisant une progression jamais démentie de la part de marché
de la voiture. Cette dernière, en vertu de critères bien connus (confort, vitesse,
etc.) s’est imposée comme le mode de transport par excellence, voire quasiment
obligé sur certains trajets où les transports en commun sont très peu performants,
entre espaces périphériques notamment, trajets qui sont justement en pleine
progression.
À côté des déterminants sociodémographiques et économiques « classiques »
que sont le sexe, l’âge ou encore le revenu, et qui sont désormais relativement
bien connus, un nombre croissant de travaux a montré que la mobilité était liée
à la répartition spatiale réciproque des lieux émetteurs et attracteurs de flux, à
savoir : les lieux de résidence, d’emploi, de commerce, de loisirs, etc., mettant
ainsi l’accent sur la forme même des villes et l’intérêt de penser conjointement les
politiques de transport et les politiques d’urbanisme.
1. Étalement urbain, polycentrisme et mobilité
De façon grossière et toutes choses égales par ailleurs, il a été montré que
plus les lieux de résidence sont éloignés du centre et de la proche banlieue, plus
11 La
recherche présentée dans ce chapitre (Mignot et al., 2004), financée par l’ADEME, a été réalisée
au LET et à l’INRETS par Dominique Mignot (LET), Anne Aguiléra (INRETS–DEST) et Danièle Bloy
(LET), avec la participation de Louafi Bouzouina (LET), Jean-Michel Cusset (LET), Jean-Loup Madre
(INRETS–DEST), François Million (LET), Nicolas Ovtracht (LET) et Jacques perrat (ADEES).
Rapport INRETS n° 277
61
Les formes de la métropolisation
le taux de motorisation, le recours à une voiture et la distance quotidienne des
individus sont élevés. Ce constat, qui stigmatise la ville étalée et spécifiquement
le périurbain à usage encore quasi exclusivement résidentiel, explique (pour partie) le regain d’intérêt pour de « nouvelles » formes d’urbanisme et plus généralement pour des modèles « alternatifs » de développement urbain (Masson, 2000 ;
Camagni et al., 2002).
On oppose généralement de façon spontanée à la ville étalée la ville dite
« dense » ou « compacte », notamment depuis que les travaux de Newman et
Kenworthy (1998) ont montré que la dépense énergétique liée aux déplacements
quotidiens était une fonction décroissante de la densité urbaine, les villes européennes étant à cet égard plus économes que leurs homologues nord-américaines. Les mesures du « niveau de compacité » d’une forme urbaine sont toutefois
diverses (Gordon et Richardson, 1997 ; Pouyanne, 2004). Dans cette recherche,
nous avons voulu tester si le degré de centralité, c’est-à-dire le poids relatif des
localisations (population et emplois) dans la ville centre, exerçait un impact sur la
mobilité. Cette interrogation fait écho aux analyses qui ont montré les particularités de la mobilité des personnes résidant au centre des espaces urbains. Ces
dernières, du fait qu’elles ont à disposition à proximité une offre potentielle énorme
d’emplois, de commerces, de services etc., mais aussi un réseau de transports
publics performants (et de vraies difficultés à stationner) ont en moyenne des trajets plus courts et utilisent moins la voiture (leur taux de motorisation est d’ailleurs
bien moindre qu’en périphérie). En particulier, les actifs qui habitent au centre y
ont très fréquemment leur emploi, tandis qu’en périphérie (y compris en proche
banlieue), la commune de résidence est nettement plus rarement celle du lieu de
travail, le phénomène tendant en outre à s’amplifier. Le premier objectif de cette
recherche a donc été de déterminer si les villes plus centralisées sont plus « économes » en termes de mobilité.
Au-delà de cette approche dans laquelle la périphérie est appréhendée
comme un tout « homogène », le second objectif de la présente recherche a
consisté à analyser l’impact sur la mobilité de la forme même de l’organisation
des localisations au sein de la périphérie. Nous faisons, ici, explicitement
référence à un second modèle urbain, celui de la ville polycentrique (Anas et
al., 1998 ; Lacour, 1999), à laquelle est souvent associée une organisation
plus favorable de la mobilité que dans la ville étalée ou que dans une ville
monocentrique conservant l’essentiel des emplois au centre mais connaissant
une périurbanisation de sa population. Par un desserrement « cohérent » des
localisations — selon les cas spontanés ou « organisé » par la puissance
publique — en faveur de pôles, l’effet espéré de la ville polycentrique est un
rapprochement des lieux d’origine et des lieux de destination, l’hypothèse sousjacente étant que les personnes se localisent dans ou à proximité de leur lieu
d’emploi, mais aussi privilégient la fréquentation de ce pôle pour leurs trajets
courants autres que domicile–travail. Cela suppose toutefois que les pôles ne
soient pas seulement dédiés à l’emploi, mais puissent satisfaire les besoins
(courants) en termes de commerce, de services, voire de loisirs pour leur
population locale, dans une organisation proche de celle des « places centrales »
62
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes de la métropolisation dans les aires urbaines françaises
du modèle de Christaller. Une structuration par des pôles attirant des flux de
courte distance pourrait également permettre d’envisager une réorganisation
plus efficace de la desserte par les transports en commun et donc diminuer
le recours à la voiture (Pivo, 1993) et éviter de contribuer, au contraire, à
l’accroissement des déplacements en automobile (Cervero et Wu, 1997).
La réflexion sur les opportunités offertes par une ville polycentrique pour organiser la mobilité quotidienne dans une direction plus « durable » est d’autant plus
séduisante que de fait depuis une quinzaine d’années la polycentralité urbaine
semble devenir une « norme » avec toutefois des différences significatives entre
les villes européennes et les villes nord-américaines. En France, il semble plutôt
qu’on assiste à la constitution de pôles plutôt spécialisés (sur une fonction ou un
secteur économique) et non de véritables centres secondaires, contrairement aux
edge cities nord-américaines. Ces pôles (zones d’activité, zones commerciales,
etc.) sont en outre très mal, voire pas, desservis par les transports en commun.
Un véritable bilan, centré sur les stratégies de localisation résidentielle et les comportements de mobilité de ceux qui « fréquentent » ces pôles, n’a toutefois pour
l’heure pas été réalisé, du moins en France. Les travaux étrangers — principalement nord-américains et néerlandais — indiquent, malgré des résultats parfois
contradictoires (Schwanen et al., 2001, 2002 ; Pivo, 1993 ; Cervero et Wu, 1997),
que la présence de pôles globalement ne réduit pas les distances de déplacement
(notamment domicile–travail), mais par contre induit des temps de déplacement
plus courts (Sultana, 2000) grâce à une utilisation accrue de la voiture dans des
espaces qui sont finalement à la fois mal desservis par les transports publics et
peu congestionnés, c’est-à-dire doublement favorables à l’automobile.
2. Données et méthode
Notre choix s’est porté pour plusieurs raisons sur les seuls déplacements
domicile–travail. Outre qu’ils sont la seule catégorie de déplacements disponibles à partir des recensements de la population, ce choix repose sur au moins
quatre arguments. Il nous semble d’une part essentiel de se poser la question de
l’influence des configurations urbaines sur chaque type de déplacements avant
de tenter une réflexion globale, et il n’est d’ailleurs pas du tout évident que telle
« organisation » des localisations, favorable à une réduction (en termes de distance ou de temps) des trajets quotidiens domicile—travail, produise également
des résultats satisfaisants concernant la mobilité liée aux achats ou aux loisirs.
D’autre part, les migrations alternantes constituent sûrement la forme de déplacements la plus contrainte par la répartition effective des localisations, tandis
que pour les courses ou les loisirs l’aire de choix est généralement large. En
outre, malgré une baisse régulière de son poids dans l’ensemble des déplacements depuis le début des années 1980, le lieu de travail continue de structurer la
mobilité pratiquée pendant le temps hors travail. Enfin, les migrations alternantes
contribuent directement à la structuration des territoires urbains dans la mesure
où le volume de ces déplacements aux heures de pointe sert de base pour définir
les besoins en infrastructures urbaines.
Rapport INRETS n° 277
63
Les formes de la métropolisation
Même si des formes de travail pour lesquelles le lieu d’emploi n’est plus fixe
se développent, une large majorité d’actifs doivent se rendre plusieurs fois par
semaine de leur domicile à leur lieu d’emploi. On peut, par conséquent, avoir une
idée assez précise de la mobilité domicile–travail par le biais des recensements
de la population qui fournissent pour chaque actif le lieu de domicile et le lieu
d’emploi. Nous avons utilisé des données à un niveau communal, et le mode de
transport n’est connu qu’en 1999. La distance domicile–travail a été évaluée en
distinguant deux cas de figure. En présence d’une migration intercommunale,
nous avons retenu, comme c’est souvent le cas dans ce type d’étude, la
distance entre centroïdes (calculée à vol d’oiseau), pondérée par un facteur
1,3. Concernant les distances intracommunales, il nous a paru nécessaire de
prendre en compte la taille de la commune, en raison notamment de la forte
hétérogénéité en la matière. Nous avons alors assimilé chaque commune à
un cercle et pris pour distance de migration intracommunale le rayon (calculé
à partir de la surface) pondéré là aussi dans un souci de cohérence par un
facteur 1,3.
Nous avons, par ailleurs, privilégié une comparaison d’aires urbaines (sept au
total) de taille et d’organisation des localisations très différentes. Les territoires
des aires urbaines de Bordeaux, Lyon et Marseille–Aix présentent des surfaces
du même ordre de grandeur. On notera que l’aire de Marseille est caractérisée
par un plus petit nombre de communes, mais proportionnellement plus grandes
en surface, ce qui peut avoir une influence non négligeable dans l’interprétation de la répartition des activités au sein de l’aire urbaine. Le rattachement
de l’ancienne aire urbaine d’Aix-en-Provence à celle de Marseille, du fait de la
continuité du bâti, fait également de cette dernière un exemple type d’aire comprenant un véritable pôle secondaire. Si l’aire urbaine de Dijon est caractérisée
par une population beaucoup plus faible que les trois autres, sa surface et sa
composition en nombre de communes la rendent tout à fait comparable et préfigurent un territoire où population et activités devraient être plus concentrées
(sur la commune centre) que dans le cas des autres aires urbaines. Les deux
autres aires urbaines de Rhône-Alpes étudiées, Grenoble et Saint-Étienne, sont
plus petites, en nombre de communes et en superficie. Cela est dû en partie à
des contraintes de relief et à l’existence d’autres aires urbaines à des distances
assez faibles des villes centres concernées. C’est le cas de Saint-Chamond
à côté de Saint-Étienne et de Voiron à proximité de Grenoble. Saint-Étienne
constitue ainsi la plus petite des aires urbaines étudiées, mais également la plus
densément peuplée en dehors de Paris. Enfin, l’aire urbaine de Paris, de par
sa taille, est bien évidemment un cas particulier sans équivalent en France. En
termes de structure des localisations, les aires urbaines de Marseille, Dijon et
Saint-Étienne sont encore fortement centrées en 1999 (population et emplois),
contrairement aux quatre autres (Tableau 1).
64
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes de la métropolisation dans les aires urbaines françaises
Tableau 1 : localisation des actifs (*) et des emplois (**) en 1999
Type 1 : aires urbaines centrée
Type 2 : aires urbaines déconcentrées
Marseille–
Aix
SaintÉtienne
Dijon
Lyon
Bordeaux
Grenoble
Paris
54,7 %
45,3 %
56,8 %
43,2 %
46,3 %
53,7 %
35,8 %
64,2 %
22,9 %
77,1 %
28,2 %
71,8 %
20,0 %
80,0 %
Actifs
Centre
Périphérie
Emplois
Centre
61,0 %
67,2 %
60,9 %
44,3 %
40,1 %
38,8 %
32,5 %
Périphérie
39,0 %
32,8 %
39,1 %
55,7 %
59,9 %
61,2 %
67,5 %
* Il s’agit uniquement des actifs exerçant un emploi dans leur aire urbaine de résidence.
** Il s’agit uniquement des emplois occupés par des actifs résidant dans l’aire urbaine considérée.
Source : exploitation DEST du RGP99.
3. Intensité de la suburbanisation et migrations alternantes
L’analyse des sept aires urbaines sur une période de 25 ans (1975–1999)
confirme un double phénomène de concentration et d’étalement urbain. Les aires
urbaines continuent à attirer population et emploi, qui s’étalent de plus en plus
au sein de l’aire urbaine, et souvent s’étendent également soit par adjonction de
communes anciennement rurales, soit par adjonction d’anciennes aires urbaines
autonomes du fait de la continuité du bâti (Melun étant un des exemples les plus
récents).
Sur le plan de la mobilité et spécifiquement des liens entre niveau de centralité et migrations alternantes, un résultat important de ce travail est que les aires
urbaines centrées, y compris une fois neutralisée l’influence de leur taille (surface),
n’apparaissent pas plus économes (en termes de distances, donc de kilomètres
moyens par actifs) que les aires urbaines plus déconcentrées (Tableau 2).
Tableau 2 : les distances domicile–travail en 1999
Marseille
SaintÉtienne
Dijon
Lyon
Bordeaux Grenoble
Paris
Km totaux tous
6 077 319 640 036 908 204 5 786 631 3 183 040 1 481 931 65 662 852
actifs
Km totaux
2 969 037 308 506 680 445 5 134 879 2 683 896 1 296 308 58 594 552
migrants
% km totaux
48,8 %
48,2 % 74,9 %
88,7 %
84,3 %
87,4 %
89,2 %
migrants
Rayon AU
26,0
12,0
23,0
29,0
31,0
19,5
68,0
Distance
13,3
6,7
7,6
9,4
9,6
7,8
13,5
moyenne (km)
Dist. moy.
20,3
8,4
10,7
13,2
12,3
10,4
17,4
migrants (km)
Dist / rayon AU
0,5
0,6
0,3
0,3
0,3
0,4
0,2
Dist migrants/
0,8
0,7
0,5
0,5
0,4
0,5
0,3
rayon AU
AU = aire urbaine
Source : exploitation DEST des RGP90 et RGP99.
Rapport INRETS n° 277
65
Les formes de la métropolisation
Les aires urbaines encore fortement centrées se caractérisent pourtant par
une plus forte proportion d’actifs stables12, c’est-à-dire d’actifs qui ont des distances de migration réduites. La raison tient exclusivement au fait que les actifs
résidant au centre travaillent majoritairement au centre (y compris d’ailleurs dans
les aires urbaines déconcentrées, même si c’est dans de moindres proportions).
Toutefois, cette proportion tend à diminuer sous l’effet de la périurbanisation, alors
même que l’étalement urbain n’altère pas ou peu sur un plan strictement quantitatif le fort excédent du nombre d’emplois sur le nombre de résidents au centre.
Parallèlement, la part des actifs résidant en périphérie et travaillant au centre
se maintient, voire connaît une légère progression. Or, ces actifs parcourent en
moyenne de grandes distances comparativement aux autres (Tableau 3).
Tableau 3 : distances moyennes (en km) par type de flux en 1999
Centre vers
périphérie
Périphérie vers
centre
Périphérie vers
périphérie
Périphérie
vers périphérie
(migrants
uniquement)
Marseille
SaintÉtienne
Dijon
Lyon
Bordeaux
Grenoble
Paris
25,7
7,7
7,7
12,5
9,5
8,0
15,3
24,3
9,3
11,3
14,5
12,2
10,4
21,5
8,7
5,1
8,2
9,3
9,4
8,5
12,5
15,5
7,5
11,8
12,6
12,9
11,3
16,1
Source : exploitation DEST des RGP90 et RGP99.
Finalement, on a une sorte de phénomène « compensatoire » qui fait que
lorsque le centre retient encore la majeure partie des résidents et des emplois les
trajets périphérie vers centre sont importants, voire se développent, occasionnant
de longs trajets et amoindrissant en quelque sorte l’effet positif d’un fort taux d’actifs centraux stables.
Une analyse des seuls actifs périphériques confirme en outre que si parmi
ces derniers une proportion croissante travaille en périphérie, la commune de
résidence est de plus en plus souvent distincte de celle du lieu d’emploi, mais
également de plus en plus éloignée. Les actifs périphériques sont même ceux
pour lesquels le taux d’accroissement de la distance moyenne de migration a été
le plus élevé au cours de la décennie pour toutes les aires urbaines.
Une autre manière de mesurer l’étalement urbain et son évolution dans le
temps est de dénombrer les communes à l’origine (ou destination) des migrations
alternantes à destination (ou origine) du centre. Ainsi, pour l’aire urbaine de Lyon,
les illustrations 1 à 3 permettent de bien mettre en évidence à la fois l’étalement
visualisé par la croissance du nombre de communes concernées par les migrations vers le centre et le faible volume des flux en provenance de communes plus
nombreuses et plus éloignées.
12 C’est-à-dire
66
travaillant dans leur commune de résidence (par opposition aux migrants).
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes de la métropolisation dans les aires urbaines françaises
Illustration 1 : les communes contribuant à 50 % du nombre total
des actifs entrants au centre de Lyon
a) en 1975
b) en 1999
Rapport INRETS n° 277
67
Les formes de la métropolisation
Illustration 2 : les communes contribuant à la part 50–75 % du nombre total
des actifs entrants au centre de Lyon
a) en 1975
b) en 1999
68
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes de la métropolisation dans les aires urbaines françaises
Illustration 3 : les communes contribuant à la part 75–85 % du nombre total
des actifs entrants au centre de Lyon
a) en 1975
b) en 1999
Rapport INRETS n° 277
69
Les formes de la métropolisation
Les migrants qui viennent travailler à Lyon viennent donc de communes de
plus en plus nombreuses et de plus en plus éloignées. On peut relever que nombre de communes lointaines recensées se situent sur des axes à grande vitesse,
autoroutière ou ferroviaire, et où des progrès notables ont été apportés au cours
de la période 1975–1999. On peut relever certes la croissance du réseau autoroutier et des liaisons TGV, mais également l’amélioration des liaisons ferroviaires
« classiques », avec notamment la mise en place de liaisons cadencées entre les
principales villes de Rhône-Alpes et Lyon, dès 1994.
4. Polycentrisme et migrations alternantes
L’analyse de l’influence de pôles d’emplois périphériques permet d’éclairer
plus avant les modalités de l’accroissement des distances domicile–travail en
montrant comment l’organisation des localisations au sein même de la périphérie
est, au moins, aussi importante que la seule répartition entre le centre et la périphérie pour expliquer les schémas de mobilité et leurs évolutions.
4.1. Des pôles constitués sur leur aptitude à attirer les migrants
périphériques
Pour définir des pôles (d’emploi étant donné que nous avons restreint l’analyse
aux seules migrations alternantes), nous nous sommes basés sur leur capacité
d’attraction des flux dirigés vers la périphérie. Nous avons précisément sélectionné les communes attirant 85 % des migrants périphériques. Cela revient à
isoler, dans chacune des sept aires urbaines, moins du quart des communes.
Les pôles ont été formés par regroupement de communes contiguës ou proches
sur la base d’une maximisation des flux intrapôles. On peut alors distinguer entre
des pôles de banlieue, proches du centre et de grande taille, et des pôles périphériques, plus éloignés et plus petits mais situés le long des axes de transport
(Tableau 4). Les pôles périphériques sont nombreux et de taille importante seulement à Paris et à Lyon, et peu nombreux mais de taille importante à Marseille
du fait principalement du pôle d’Aix qui concentre à lui seul 70 % des emplois
périphériques. Dans les quatre autres aires urbaines, les pôles périphériques sont
rares, voire inexistants (à Bordeaux et Saint-Étienne).
Tableau 4 : le nombre de pôles en 1999
Nbr de pôles
Nbr de pôles de
banlieue
Nbr de pôles
périphériques
Marseille–
Aix
3
SaintÉtienne
2
1
2
Dijon
Lyon
Bordeaux
Grenoble
Paris
3
11
3
5
25
2
2
5
3
4
6
0
1
6
0
1
19
Source : exploitation DEST du RGP99.
Entre 1990 et 1999, le nombre de pôles a peu varié, contrairement au nombre
de communes constituant ces pôles, qui lui a augmenté de façon significative.
70
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes de la métropolisation dans les aires urbaines françaises
Cette augmentation s’est faite par ajout de communes contiguës aux précédentes
et situées le long des principaux axes de transport.
4.2. Impact sur les migrations alternantes
Les distances domicile–travail sont en moyenne plus faibles pour les actifs des
pôles et, plus encore, des pôles de banlieue que des pôles périphériques, par rapport aux actifs habitant dans le reste des communes périphériques (Tableau 5).
En effet, outre le fait qu’en moyenne près de la moitié des actifs des pôles travaille dans une autre commune du pôle, la proximité aux emplois du centre et
des autres pôles, spécifiquement dans le cas des pôles de banlieue, favorise des
distances domicile–travail réduites.
Tableau 5 : distance moyenne (en km) des actifs à
leur lieu de travail selon leur lieu de résidence en 1999
Marseille– SaintAix
Étienne
Centre
12,7
6,7
intracentre
11,4
6,6
extracentre
25,5
7,5
Pôles de banlieue
12,0
5,8
intrapôle
5,6
3,2
extrapôle
18,0
7,8
Pôles périph.
12,7
intrapôle
8,0
extrapôle
23,6
Reste aire urbaine
16,5
8,7
Total aire urbaine
13,3
6,7
Source : exploitation DEST du RGP99.
Dijon
Lyon
Bordeaux
Grenoble
Paris
5,4
4,7
7,5
5,9
3,7
7,2
12,2
2,5
18,8
13,9
7,6
7,0
4,8
12,5
8,3
4,5
11,5
12,5
3,4
9,5
14,1
9,4
6,5
5,2
9,5
8,3
5,4
10,8
5,0
3,1
8,0
6,8
3,5
9,1
14,9
2,8
19,0
12,3
7,8
9,9
4,7
21,9
9,9
3,7
14,7
15,2
4,8
20,4
20,2
13,5
15,6
9,6
Toutefois, les pôles n’échappent pas, et ce dans aucune des sept aires urbaines, au phénomène d’éloignement croissant entre les lieux d’habitat et les lieux
d’emplois, comme en témoigne la progression des distances moyennes de leurs
actifs entre 1990 et 1999 (Tableau 6).
Tableau 6 : évolution des distances de migration
des actifs des pôles entre 1990 et 1999
Marseille–
Aix
3,3 %
SaintÉtienne
5,8 %
Lyon
Bordeaux
Grenoble
Paris
7,5 %
9,3 %
8,3 %
11,8 %
12,8 %
Pôles périphériques
6,2 %
11,8 %
Source : exploitation DEST des RGP90 et RGP99.
12,1 %
1,6 %
9,6 %
Pôles de banlieue
Dijon
En effet, de moins en moins d’actifs habitent dans leur pôle d’emploi (y compris
dans de « grands » pôles comme celui d’Aix-en-Provence) au profit d’emplois localisés non pas au centre, dont l’attractivité recule nettement, mais dans les autres
pôles, ainsi que dans le reste des communes périphériques (emplois qui effectivement ont crû depuis 1990, mais tout de même moins que dans les pôles).
Rapport INRETS n° 277
71
Les formes de la métropolisation
On voit se renforcer un schéma selon lequel les actifs des pôles de banlieue
travaillent, outre dans leur propre pôle, au centre et de façon croissante dans un
autre pôle de banlieue, les actifs des pôles périphériques, outre dans leur pôle,
au centre13 et dans le ou les pôles de banlieue les plus proches ou situés le long
du même axe de transport.
Simultanément, l’aire d’attraction des emplois localisés dans les pôles s’étend
progressivement, ce qui est assez surprenant pour les pôles périphériques dont
on aurait pu penser qu’ils fonctionneraient comme de (petits) centres secondaires à l’aire d’attraction locale (Tableau 7). Au contraire, leur présence dans des
parties peu congestionnées et bien desservies par les axes de transport, permet
vraisemblablement à un nombre croissant d’actifs d’habiter de plus en plus loin
des zones les plus urbanisées.
Tableau 7 : évolution des rayons d’attraction des emplois
des pôles entre 1990 et 1999
Pôles de banlieue
Pôles périphériques
Marseille–
Aix
18,8 %
12,0 %
SaintÉtienne
13,0 %
Dijon
Lyon
Bordeaux
Grenoble
Paris
12,6 %
9,9 %
9,6 %
14,7 %
12,8 %
57,7 %
9,6 %
34,1 % 10,4 %
Source : exploitation DEST des RGP90 et RGP99.
Finalement, on n’observe donc pas, comme on aurait pu s’y attendre, une
« autonomisation » croissante de chacun des pôles en termes d’emploi, y compris
dans le cas du centre secondaire formé autour de la commune d’Aix-en-Provence.
Il faut dire que de moins en moins d’actifs habitent dans un pôle, préférant le reste
des communes de la périphérie, tandis que les emplois continuent à s’y implanter
massivement, creusant ainsi le décalage spatial entre les zones résidentielles
et les zones d’emploi. Les actifs localisés dans le reste des communes périphériques, où le déséquilibre emplois/actifs est sévère, parcourent en moyenne de
plus grandes distances que tous les autres, et ces distances tendent également
à s’accroître entre 1990 et 1999, notamment parce que ces personnes, bien que
de plus en plus éloignées de la zone majeure de concentration des emplois — à
savoir le centre et les pôles de banlieue — continuent d’y travailler majoritairement. En outre, les actifs de plus en plus nombreux, qui s’installent dans ces
communes, y travaillent de plus en plus rarement.
Le nombre, la localisation des pôles mais aussi leur positionnement par rapport au centre se révèlent importants. Ainsi, les pôles de banlieue, proches du
centre, constituent avec ce dernier une sorte de centre élargi au sein duquel la
majeure partie des actifs qui y résident y travaillent, donc parcourent d’assez faibles distances. Simultanément, le poids de ce centre élargi et, réciproquement,
13 Ce
qui occasionne dans le cas de Marseille–Aix de fortes distances de migration du fait de
l’éloignement entre le pôle d’Aix et la commune de Marseille.
72
Rapport INRETS n° 277
Permanence des formes de la métropolisation dans les aires urbaines françaises
le trop faible poids des pôles périphériques induisent une dépendance, pour une
grande partie, des actifs des pôles périphériques mais également du reste des
communes périurbaines, à ce centre élargi, et occasionnent de grandes distances. L’existence en périphérie lointaine d’un véritable centre secondaire comme
celui d’Aix-en-Provence, s’il limite dans une certaine mesure le recours au centre,
induit des déplacements très longs du fait de l’éloignement entre Aix et Marseille
et finalement se solde par des distances moyennes de migrations très élevées
dans l’aire urbaine, donc un grand nombre de kilomètres. En revanche, l’exemple de Paris, où existent un grand nombre et une relativement bonne distribution
spatiale des pôles périphériques, induit un fonctionnement en sous-marchés de
l’emploi et donc des distances moyennes de migration somme toute réduites, eu
égard à la taille du territoire.
Conclusion
Cette recherche s’est attachée à préciser comment le double processus de
suburbanisation des actifs et des emplois, couplé au développement de pôles
en périphérie, s’accompagne de mutations significatives dans les schémas de la
mobilité domicile–travail.
Le premier résultat est tout d’abord la confirmation sur les sept aires urbaines
du double phénomène de concentration et d’étalement urbain. Les aires urbaines
continuent à attirer population et emploi, qui s’étalent de plus en plus, de manière
diffuse pour la population et plus concentrée dans des pôles ou le long des axes
principaux de transport pour l’emploi.
Concernant le volume des migrations alternantes, le principal résultat est que
les aires urbaines centrées, y compris une fois neutralisée l’influence de leur taille
(surface), n’apparaissent pas plus économes (en termes de distances, donc de
kilomètres moyens par actifs) que les aires urbaines plus déconcentrées.
Les évolutions observées entre 1990 et 1999 suggèrent, par ailleurs, que les
polarités mises en évidence ne sont pas en mesure de résister à la dissociation
croissante entre habitat et emploi et à un étalement urbain généralisé et diffus des
résidences hors des pôles. L’exemple du pôle d’Aix-en-Provence en est le plus
caractéristique, puisque dans ce pôle secondaire par excellence, la part des actifs
stables a régressé.
Les analyses effectuées ne nous permettent donc pas de trancher, à ce stade,
sur l’avantage de telle forme urbaine (centrée ou déconcentrée) sur une autre.
Elles montrent dans tous les cas une tendance à une certaine « déstructuration »
des flux au niveau des pôles qui, ne s’autonomisant pas, contribuent à l’accroissement des distances domicile–travail.
Rapport INRETS n° 277
73
Les formes de la métropolisation
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74
Rapport INRETS n° 277
Partie 2
Les dynamiques
économiques
Rapport INRETS n° 277
75
Querétaro : un pôle émergent de
développement industriel
Selva Daville Landero
Au cours des trente dernières années, le monde industriel a connu des transformations profondes qui ont pu être comparées à celles de la révolution industrielle.
Le modèle fordiste, qui a prédominé et créé de la stabilité durant des décennies,
est entré en crise, et avec lui, le système de production de masse qui fut l’un de
ses principaux fondements. Les grandes entreprises, caractérisées par l’intégration verticale, la séparation des tâches de conception et de fabrication, et leur
rigidité ont semblé obsolètes, et avec elles toute une époque. Bien qu’en gestation depuis des années a surgi comme paradigme à suivre le modèle développé,
au Japon, de production flexible ou ajustée (lire production), et avec lui tous les
changements consubstantiels à l’organisation de la production, que sont les distributions et livraisons juste à temps (LJT), le système de qualité totale, l’usage de
nouvelles technologies liées à l’informatique et l’établissement d’un nouveau type
de relations interindustrielles. Devant le succès du nouveau paradigme, il a semblé que l’organisation japonaise allait se convertir en l’unique alternative à l’ancien
modèle. Parmi les défenseurs de cette option, on peut mentionner Piore et Sabel
(1984), lesquels, à partir du succès des districts industriels dans la soi-disant
« Troisième Italie », ont projeté qu’à la production en masse fordiste, rigidement
structurée, allait succéder un nouveau régime basé sur la spécialisation flexible,
dont la forme spatiale serait le district.
Cependant, comme l’ont affirmé Boyer et Durand (1993), ceci constitue un
futur peu sûr, puisqu’il ne considère pas la complexité des procédures de coordination nécessaires à la mise en œuvre d’un système productif. Ce dernier doit
en effet s’adapter aux spécifications nationales, au système éducatif, au rôle de
l’état, sans oublier bien évidemment les rôles de l’insertion internationale et du
mode de régulation.
De ce fait, on assiste à une transition difficile et complexe dont la caractéristique est plutôt l’hétérogénéité, au niveau des spécifications nationales et aussi
parce que les paradigmes hérités de la production industrielle de masse sont
encore présents. Ainsi, Leborgne et Lipietz (1994) signalent que la tendance
vers la désintégration verticale des procédés de production n’est pas générale,
puisqu’existent diverses formes de coopération et de hiérarchie entre les entreprises. Tous les territoires ne s’orientent pas vers une flexibilité du contrat salarial,
et les différentes trajectoires suivies par les territoires, qui peuvent les conduire
Rapport INRETS n° 277
77
Les formes de la métropolisation
au succès ou à l’échec, sont en relation avec les politiques suivies par ses élites,
lesquelles peuvent être de « flexibilité défensive » ou de « flexibilité offensive ».
Ce travail s’inscrit dans l’hypothèse selon laquelle la restructuration du fordisme n’emprunte pas une seule voie, encore moins s’agissant d’une économie
périphérique où les essais de reproduction du modèle de la production flexible
sont encore plus infructueux que ceux des pays centraux développés. Le modèle
qui a été suivi, dans notre cas, semble correspondre à ce que Boyer et Durand
(1993 : 77–78) appellent la stratégie d’hybridation, laquelle consiste à combiner
certaines routines ou procédures provenant de modèles étrangers avec des formes d’organisation qui existent déjà à l’intérieur d’un espace socioéconomique
donné. Il s’agirait ainsi de l’adaptation de principes généraux à un contexte local
où la configuration finale serait originale, mais hybride entre le modèle étranger et
la configuration préexistante.
Cette recherche a pour objectif de caractériser le développement industriel
spécifique de Querétaro (pôle industriel du Mexique) dans ses diverses étapes, depuis les années 1960 à nos jours, en considérant l’espace comme une
construction historique, sociale, économique et politique et non comme un simple continent plat et homogène sur lequel se trouvent simplement les activités
(Benko et Lipietz, 2000). De la même façon, c’est également une contribution aux
réflexions sur les nouvelles formes d’organisation industrielle qui sont en train de
se substituer au fordisme, dans le cas d’une économie périphérique, et qui ont
provoqué des mouvements importants de restructuration industrielle et territoriale
au niveau mondial.
Dans le premier chapitre, nous analysons les principaux facteurs qui ont
contribué à la construction du territoire industriel de Querétaro, depuis les années
1960, en pleine étape de substitution des importations, quand ont été établies les
bases d’une industrialisation fondée sur le secteur de la fabrication de machines
et d’équipements.
Dans la deuxième partie sont présentées les statistiques économiques, qui
permettent de corroborer la consolidation du projet d’industrialisation basé sur le
secteur mécanique, ainsi qu’une brève description de la concentration territoriale
de l’industrie et de la population.
Finalement sont analysés les résultats d’un travail de terrain réalisé sur les
entreprises de la branche « fabrication d’équipements automobiles » de Querétaro,
lesquelles permettent d’observer la diversité du nouveau modèle de production.
1. Les origines de l’industrie métallurgique et de travail des
métaux
L’état de Querétaro fait partie de la région Centrale, la plus importante du
pays, et se situe à 211 km de la ville de Mexico. Il représente 0,6 % du territoire
national, 1,4 % de la population et 2,7 % du produit intérieur brut (PIB) manufacturier. Historiquement, Querétaro a bénéficié d’une position stratégique, comme
passage presque obligé entre le centre et le nord du pays, comme le montre le
78
Rapport INRETS n° 277
Querétaro : un pôle émergent de développement industriel
prolongement vers le nord de l’autoroute Mexico–Querétaro, laquelle est maintenant connue comme l’autoroute du Traité de libre échange (TLE).
La décennie des années 1960 marque le début d’une étape importante dans
l’industrialisation de Querétaro. C’est à cette période que se produisent les transformations et le remplacement progressif des industries alimentaires, liées au
secteur primaire local et régional et développées dans les années 1940, par une
industrie métallurgique et de travail des métaux. Ceci a été réalisé au cours de
la période de substitution des importations, dans la phase qui correspondait non
seulement à la substitution de biens de consommation durables, mais à la fabrication de machines et d’équipements. Quels sont les facteurs qui ont provoqué le
succès de ce projet ?
En premier lieu, on peut mentionner les accords établis entre les Gouvernements,
tant Fédéral que de l’État, avec des groupes du secteur privé nationaux et étrangers (principalement nord-américains) qui ont permis d’attirer des investissements
de montants significatifs vers l’État de Querétaro. L’action gouvernementale s’est
orientée principalement vers deux axes : le fiscal, avec des exonérations d’impôts, et celui de la création de conditions générales pour la production, grâce à
la modernisation des voies de communication, à des opérations d’urbanisation et
dans une moindre mesure au développement de zones et parcs industriels.
De cette façon se sont établies principalement des entreprises de deux branches, celle de la fabrication de machines et d’équipements lourds pour l’industrie
de construction ainsi que celle des équipements automobiles, qui devait ensuite
devenir la plus importante de l’état de Querétaro, par sa valeur ajoutée. Parmi ces
entreprises on peut relever la présence de « Tremec », firme productrice de transmissions et de boîtes de vitesses, tant pour le marché national qu’international,
et de « Amerance », spécialisée en produits du caoutchouc pour l’industrie automobile (Estrada, 1996). En même temps, d’autres entreprises des sous-secteurs
traditionnels, comme les industries alimentaires et textiles, sont venues s’établir
dans la zone.
Parmi les investisseurs privés nationaux, il faut mentionner tout spécialement
le groupe « Ingenieros Civiles Asociados (ICA) », consortium dédié à la construction de grandes infrastructures publiques, qui a joué un rôle remarquable dans
le décollage industriel de Querétaro. Il a non seulement participé à la construction de l’autoroute Mexico–Querétaro, mais il a également réalisé sur place des
investissements productifs (industries métallurgiques et de travail des métaux)
qui complétaient son activité dans la branche de la construction. De la même
façon, il a développé un parc industriel et des projets de logements.
Dans les années 1960, la dynamique industrielle a eu un apogée qui coïncide
avec l’extension à quatre voies de l’autoroute Mexico–Querétaro et avec la mise
en œuvre de la politique fédérale de déconcentration d’activités qui cherchait à
remédier au problème de la surconcentration sur la ville de Mexico. Des incitations ont ainsi, en quelque sorte, été données aux entreprises afin qu’elles puissent se localiser ou se relocaliser hors de la capitale de la République (Garza,
1985 : 223).
Rapport INRETS n° 277
79
Les formes de la métropolisation
À ce sujet, il faut cependant préciser que ce projet décentralisateur s’est produit à l’intérieur même de la même région centre, au sein de laquelle Querétaro
apparaissait comme une des entités les plus aptes, de par sa position la plus
éloignée de la ville de Mexico.
Cette période correspond à la consolidation du projet d’industrialisation à
Querétaro, notamment avec le développement du secteur de la fabrication de
machines et d’équipements, à l’intérieur duquel il faut souligner l’arrivée du groupe
« Spicer » (fabrication d’équipements automobiles) avec six entreprises.
Malgré la crise de 1982, l’une des plus sévères de l’économie mexicaine et
qui a marqué la fin du modèle de substitution des importations, et la nécessité de
faire face à une ouverture croissante vers l’extérieur, le poids du sous-secteur de
l’industrie métallurgique et de travail des métaux a pu se maintenir des années
1980 à nos jours, sans que par ailleurs ne disparaissent les activités traditionnelles comme les industries alimentaire et du textile (bien que cette dernière soit une
des plus frappées par l’entrée de produits à très bon marché provenant principalement de Chine). On peut également noter une diversification par l’implantation
d’entreprises de l’industrie chimique et du papier.
Durant cette phase, la création de parcs industriels a été prise en charge par le
secteur privé, et l’action gouvernementale locale s’est centrée sur l’entretien et la
modernisation de l’infrastructure déjà existante et sur la promotion des politiques
industrielles fédérales, principalement celles qui visent à encourager l’exportation.
Les politiques fiscales locales ont eu moins de poids, et se limitent aujourd’hui à
des mesures d’exemption de l’impôt sur le revenu.
Cependant, ce projet d’industrialisation, qui, d’un côté a été un succès, a toutefois aussi contribué à approfondir les inégalités au sein de l’état de Querétaro.
Il a, en effet, reproduit à l’échelle locale le modèle encore dominant au niveau
national, selon lequel autour de la ville la plus importante, dans ce cas Querétaro,
la capitale de l’état, s’est concentrée l’activité économique la plus dynamique. La
municipalité de Querétaro concentre 48 % des établissements manufacturiers,
47 % du personnel occupé et 58 % de la valeur ajoutée.
Dans cette configuration territoriale, l’autoroute Mexico–Querétaro a joué un
rôle fondamental, et son prolongement vers le nord du pays et les États-Unis
constitue l’un des principaux avantages pour l’attraction des investissements.
Cette autoroute a déterminé territorialement l’orientation des investissements
en infrastructure et équipement, tant gouvernementaux que privés, lesquels ont
été localisés principalement dans la municipalité de Querétaro et de San Juan
del Río, configurant un couloir industriel. Sur un total de 21 territoires industriels
(entre zones, parcs et villes industrielles), huit sont à Querétaro. De la même
façon, l’investissement étranger atteint une concentration de 74 %. Pour sa part,
San Juan del Río, l’autre pôle industriel de l’état, concentre 17 % des entreprises,
30 % des travailleurs et 26 % de la valeur ajoutée (Illustration 1).
80
Rapport INRETS n° 277
Querétaro : un pôle émergent de développement industriel
Illustration 1 : la localisation des parcs industriels
Source : SEDESU, Querétaro annuaire économique, 2002.
Ces décisions ont produit une structure industrielle hautement concentrée.
La structure urbaine reflète ce même modèle. En 2000, sur un total de 1 404 306
habitants dans l’État, 45,7 % vivaient dans la municipalité de Querétaro, bien
que son taux de croissance ait baissé de 6,1 % durant la période 1970–1980 à
3,5 % en 1990–2000. Cette situation a conforté le poids de la zone métropolitaine de la ville de Querétaro, intégrée par les municipalités de Querétaro,
El Marqués, Corregidora et Huimilpan qui, ensemble, concentrent 58 % de la
population, 57 % des établissements industriels et 59 % de l’emploi industriel
(Illustration 2).
Au cours des 30 dernières années l’État de Querétaro a donc été le lieu de
transformations profondes. Alors que l’économie locale était au départ principalement liée au secteur primaire, Querétaro s’est peu à peu transformé en un territoire industriel. Bien que son développement ait commencé relativement tard, en
se basant sur des industries traditionnelles (industries alimentaires ou textiles),
la dynamique économique a permis de développer la fabrication de machines et
d’équipements. Ces changements dans la structure économique sont présentés
dans la section suivante.
Rapport INRETS n° 277
81
Les formes de la métropolisation
Illustration 2 : concentration de la population et de l’industrie
à Querétaro en 2000
San Luis
Potosi
ju
at
o
id
al
go
Gu
a
an
H
QUERETARO
CORREGDORA
SAN JUAN
DEL RIO
HUIMILPAN
M
ic
ho
a
n
ca
de
do
ta xico
s
E
é
M
Distribucion de la poblacion
por municipio. IENGI, 2000.
Mayor concentracion
Mediana concentracion
Mediana concentracion
Participacionmunicipal seguin
numero de establecimiento
i ndustrialess,INEGI 1998.
2. Les transformations de la structure économique
La consolidation du pôle industriel de Querétaro peut être mise en évidence
par comparaison au contexte national. Entre 1993 et 1999, la participation de
Querétaro au PIB national, a augmenté de 1,4 à 1,7 %, cette croissance étant
poussée par le développement industriel et tertiaire (INEGI, 2000 : 26).
L’industrie de l’État a vu son poids croître dans le PIB manufacturier national,
de 2,1 % en 1993 à 2,7 % en 1999 (idem : 38). Au sein de l’industrie manufacturière, il faut souligner le rôle de l’industrie du papier dont le poids a crû de 3,6 %
en 1993 à 4,5 % en 1999. L’industrie chimique qui la suit en importance a vu son
poids s’élever de 2,4 à 3,1 %. Enfin, la fabrication de machines et d’équipements
est passée de 2,5 à 3,2 %. Ces secteurs ont constitué les secteurs à enjeu de
l’industrie manufacturière (idem : 54, 58 et 70).
En 1970, le Produit intérieur brut étatique (PIBE) avait la structure suivante : le
secteur primaire représentait 17,9 %, le secondaire 36,9 % et le tertiaire 45,2 %.
Presque trois décennies après, en 1999, la structure avait changé de manière
significative, au détriment des activités primaires qui, passées par une crise presque permanente et faisant face à une sévère décapitalisation, ne représentent
82
Rapport INRETS n° 277
Querétaro : un pôle émergent de développement industriel
plus que 2, 6 %. Le secteur secondaire a augmenté à 41,5 %, et le tertiaire a
progressé à 55,9 %. Au cours de cette période, le rôle de l’industrie manufacturière a été déterminant. Elle est passée de 27,3 % du PIBE en 1970 à 35,2 %
en 1999. Parmi les autres activités industrielles, les activités minières, qui furent
importantes dans le passé, ont seulement contribué en 1999 à hauteur de 0,2 %.
On relèvera enfin que la construction représente 4,7 % du PIBE en 1999 et l’électricité 1,4 %.
L’importance croissante du secteur tertiaire dans l’économie de Querétaro a
été dynamisée par les services qui représentent en 1999 25 % du PIBE et la
croissance du transport qui est passé de 4 % en 1970 à 12 % en 1999. Au sein
des services on peut mettre en évidence l’importance des services communaux,
sociaux et à la personne, associés à la croissance industrielle.
Vu l’importance de l’industrie manufacturière, il est nécessaire d’analyser sa
composition par sous-secteurs, laquelle permet dans une approximation statistique d’identifier les tendances de restructuration, c’est-à-dire les sous-secteurs
qui ont augmenté leur participation dans l’industrie manufacturière, ceux qui sont
entrés en crise et ceux qui ont émergé.
En 1993, l’univers de l’industrie manufacturière à Querétaro était constitué
de 3 054 établissements pour un total de 60 518 travailleurs. Parmi les différents
sous-secteurs il faut souligner en premier lieu les activités métallurgiques et de
travail des métaux, où se concentraient 854 établissements (27,9 %) employant
39,1 % du personnel occupé dans la manufacture et générant 38,3 % de la valeur
ajoutée brute. Il faut souligner plus particulièrement les activités de fabrication des
pièces pour le système de transmissions automobiles, la fabrication d’appareils à
usage domestique et celle des machines et d’équipements électriques.
Les industries traditionnelles (alimentaires et textiles), à l’installation plus
ancienne à Querétaro, se retrouvent respectivement en deuxième et troisième
position, avec 27,5 % des établissements, 17,2 % des travailleurs de l’industrie
manufacturière et 23,8 % de la valeur ajoutée pour les industries alimentaires et
13,1 % des établissements, 16,5 % du personnel, mais seulement 6,8 % de la
valeur ajoutée pour l’industrie textile.
Bien qu’ils ne soient pas très importants par le nombre d’établissements ou
par l’emploi généré, les secteurs du papier et de la chimie ont une importance
en termes de valeur ajoutée, contribuant respectivement à hauteur de 13,2 et
13,0 %.
En 1998, sur un total de 4 000 établissements, 28 % correspondaient à
l’industrie textile, 26 % aux produits métalliques et 13 % à l’industrie du bois. Si
l’on considère le personnel occupé (91 512 travailleurs), l’industrie qui occupe
la première place est celle de la fabrication de machines et d’équipements avec
37 %, suivie du textile avec 24 %. En troisième place se situent les industries
alimentaires et la chimie, les deux avec 13 %. Si on observe la valeur ajoutée,
la plus grande part est produite par l’industrie de produits métalliques avec 36 %
du total, suivie des industries alimentaires avec 23 % et de la chimie avec 19 %
(Tableau 1).
Rapport INRETS n° 277
83
Les formes de la métropolisation
Tableau 1 : l’industrie manufacturière à Querétaro, par secteurs d’activités,
1993–1998
Sous-secteur
Nombre
Salariés
d’établis.
1993
1993
3 054
60 617
100
100
839
10 440
27
17
400
10 015
13
17
381
1 449
12
2
194
4 314
6
7
100
7 197
3
12
V.A.
milliers
de $ 93
3 852 933
100
915 951
24
262 768
7
18 616
0
506 961
13
501 083
13
Nombre
V.A.
Salariés
d’établis.
milliers
1998
1998
de $ 98
4 000
91 512 6 967 328
100
100
100
1 139
12 298 1 627 743
28
13
23
497
21 646
487 717
12
24
7
538
2 150
25 185
13
2
0
289
5 685
583 455
7
6
8
171
11 630 1 301 235
4
13
19
Ensemble Querétaro
%
S.31 Ind. alimentaire
%
S.32 Ind. textile
%
S.33 Ind. du bois
%
S.34 Ind. papier
%
S.35 Ind. Chimique
%
S.36 Ind. de production
258
3 098
163 328
300
3 498
minière non métallique
%
8
5
4
8
4
S.37 Ind. métallurgique
0
122
4 477
0
139
%
0
0
0
0
0
S.38 Ind. de machines et
852
23 668 1 474 633
1 026
33 976
équipements
%
28
39
38
26
37
S.39 Autres industries
0
215
5 018
*
490
%
0
0
0
0
1
Source : INEGI, XIV et XV, recensements industriels, Mexique, 1994 et 2001.
409 397
6
6 862
0
2 518 877
36
6 857
0
Pour 1998, des informations plus désagrégées peuvent être mises en relief :
en premier lieu, la branche automobile, avec 11,6 % de la valeur ajoutée, suivie
de l’élaboration d’autres produits alimentaires pour la consommation humaine,
et le commerce de produits non alimentaires en gros, incluant des aliments pour
animaux, avec 5,3 % (INEGI, 1998).
À partir des données présentées, on peut observer que le projet industriel de
Querétaro a mûri, en permettant le maintien du sous-secteur de la fabrication de
machines et d’équipements, sans perdre la diversification dans les autres secteurs. Cependant, quels ont été les facteurs et les stratégies de restructuration
qui ont permis ce succès relatif, aux termes duquel on n’a perdu ni l’emploi ni
l’importance dans le contexte national ?
Dans le but d’approfondir la connaissance des caractéristiques des transformations industrielles de Querétaro et leur déploiement sur le territoire, la section
suivante présente les résultats qualitatifs d’un travail empirique effectué auprès
des entreprises de la branche automobile, dans un contexte mondial et national de restructuration. Précisons qu’il n’existe pas au sein de l’espace analysé
84
Rapport INRETS n° 277
Querétaro : un pôle émergent de développement industriel
d’usine d’assemblage. La branche est représentée seulement par la production
d’équipements automobiles.
3. La restructuration dans l’industrie des équipements
automobiles
L’industrie des équipements automobiles à Querétaro, comme on l’a déjà mentionné, a commencé son développement dans les années 1960, dans le cadre de
la stratégie de substitution des importations des machines et équipements, mais
avec des capitaux dont l’origine est nationale (mais hors de l’État de Querétaro) ou
étrangère. Il s’agit d’un tournant important en matière de stratégie locale, sachant
qu’il ne s’agissait pas par ailleurs de renforcer les activités de production de fonte
ou d’acier dans cet État, puisqu’elles n’y existaient pas au préalable, et qu’il n’y
avait pas non plus de gisements particuliers de minerais.
L’industrie des équipements automobiles de Querétaro a accru son importance au niveau national en passant de la dixième place en 1993, avec 2,9 %
de la valeur ajoutée totale de l’industrie, à la huitième place en 1998, avec 4,9 %
(INEGI, 2002 : 36). Ce repositionnement de Querétaro est encore plus significatif si l’on considère que les états occupant les premières places ont des usines
d’assemblage ou de moteurs. De fait, la production des équipements automobiles de Querétaro s’est spécialisée, d’une part, dans des produits de plus grande
technologie, tels que les moteurs et ses pièces ou les pièces pour transmissions
et, d’autre part, dans des pièces moins sophistiquées, comme les rétroviseurs,
antennes, toits ouvrants, entre autres. Le dynamisme de cette branche peut s’expliquer par le montant important des investissements étrangers, lesquels représentent 19,2 % du total effectué dans l’État et proviennent principalement des
États-Unis.
Les 13 entreprises étudiées, parmi 127, sont constituées de quatre grandes,
trois moyennes, trois petites et trois microentreprises. Elles appartiennent cependant à deux univers très différents, selon leur taille et la nature de leurs capitaux.
Afin de donner une idée de l’amplitude de l’écart entre ces deux types d’entreprises, on peut mentionner que, en 1993, cinq grandes entreprises concentraient
74,1 % de la production et 80,5 % de la valeur ajoutée.
Les grandes et moyennes entreprises se caractérisent par la prédominance
de l’investissement étranger à 100 % dont les origines principales sont les ÉtatsUnis, suivis du Japon, de l’Angleterre et du Canada. Ces investissements ont été
réalisés dans leur totalité par de grands consortiums de fabrication d’équipements
automobiles internationaux et répondent à la logique de restructuration globale de
l’industrie, laquelle tend à se localiser hors de ses lieux d’origine mais près des
marchés importants (Van der Knaap et Le Heron, 1995).
Ces entreprises sont celles qui présentent les plus grands avantages quant
à la qualité et la productivité, ce qui leur permet d’orienter principalement leur
production vers l’étranger, directement ou indirectement. Les ventes qu’elles
réalisent dans le marché national se dirigent principalement vers les usines
Rapport INRETS n° 277
85
Les formes de la métropolisation
d’assemblage. Elles se constituent ainsi en fournisseurs directs ou de premier
niveau, ou bien de second niveau, avec des certificats de qualité internationaux.
Cependant, les relations qui s’établissent avec les assembleurs ne correspondent pas à celles que supposeraient le modèle japonais de production flexible
ou les modèles intermédiaires développés en Europe ou aux États-Unis. Dans
ces pays, on peut mettre en évidence la nécessité d’une étroite relation pour la
conception et le dessin détaillé des équipements automobiles et pas seulement
pour leur production (Womack et al., 1992). Les entreprises de Querétaro se limitent à la fabrication des équipements ou plutôt à l’assemblage de composants,
caractéristique qui correspond à une logique de diminution du nombre de fournisseurs directs, grâce à la livraison d’un produit complet. Par exemple, l’entreprise
japonaise Nissan a seulement un fournisseur de sièges, au lieu de 25.
Par ailleurs, le juste à temps (LJT) n’a été implanté que seulement dans la
moitié des cas dans ce groupe d’entreprises. L’autre moitié fonctionne encore
avec le système antérieur qui implique des stocks importants de produits. Ceux
qui prédominent dans tous les cas sont les contrats à long terme et permanents
avec les principaux clients. Concernant l’implantation du JIT dans le processus
de production de fournitures, nous n’avons rencontré que deux entreprises ayant
expérimenté ce système, qui affecte environ 30 % du total des entreprises.
L’une des questions les plus préoccupantes rencontrées est que, concernant
les fournisseurs, les grandes et moyennes entreprises n’ont pas produit de liens
locaux importants avec des établissements de plus petite taille, puisque dans la
majorité des cas, la presque totalité des produits sont importés, principalement du
pays ou de la région d’origine de l’entreprise. La raison invoquée par les entreprises est qu’elles ne trouvent pas les produits en question à un coût et une qualité
requis, ni dans l’État ni dans le pays. Cette situation peut être vérifiée par ailleurs,
puisque toutes sont inscrites dans un programme fédéral d’importation temporaire
de produits (programme qui vise à encourager les exportations, par l’autorisation
temporaire d’importation des inputs pour la fabrication d’un produit destiné à l’exportation). De la même façon, pratiquement tous les équipements et machines
utilisés proviennent de l’extérieur. La prédominance des activités d’assemblage,
avec des produits importés, n’est pas caractéristique que de Querétaro, mais a
aussi été observée ailleurs, notamment en Argentine (Motta et al., 2000 ; Novick
et Yoguel, 2001).
D’un autre côté existe un groupe d’entreprises formé par les petites et microentreprises qui présentent des caractéristiques très différentes. En premier lieu, l’investissement est de façon prédominante d’origine nationale à 100 %, sauf dans
deux cas où l’investissement est à 100 % étranger et provient des États-Unis et
du Japon.
La production est orientée fondamentalement vers le marché national, à l’exception des cas où l’investissement est étranger. Cette situation, dans laquelle
prévaut la non-appartenance à de grands consortiums internationaux d’équipements automobiles, se traduit par l’absence de contrats établis depuis les pays
d’origine avec les usines d’assemblage ou avec les fournisseurs directs. Pour
86
Rapport INRETS n° 277
Querétaro : un pôle émergent de développement industriel
ces raisons, il s’agit d’entreprises qui, dans le meilleur des cas, se situent dans le
deuxième ou le troisième niveau de fournisseurs (fournisseurs de rang 2 ou 3) et
se dédient à la production de pièces de moindre technologie telles que supports,
ressorts ou pièces moulées. Elles n’ont pas de JIT pour les livraisons, sauf les
deux entreprises exportatrices. On peut également mentionner que ces entreprises, prenant conscience de leur fragilité, ont diversifié leurs clients et réalisent
des travaux pour d’autres branches comme celles des industries alimentaires ou
du textile.
Le processus de restructuration dans la branche des équipements automobiles est donc dirigé par les entreprises filiales de grands consortiums mondiaux.
Elles font partie de chaînes d’entreprises globales qui suivent des stratégies également mondiales.
Cela ne signifie pas que l’on refuse à ces entreprises quelque rôle dans le
dynamisme généré localement, mais elles agissent dans un contexte de prédominance de rapports de subordination qui répondent à la logique et au fonctionnement de ces groupes et au comportement du marché extérieur, lequel a, dans
la branche automobile, une plus grande importance que le marché interne. En
1980, le marché d’exportation des automobiles représentait seulement 3,6 % de
la production totale, tandis qu’en 1997, il avait atteint 73 %. Les destinations principales étaient les États-Unis et le Canada, avec 89 % du total des exportations,
correspondant majoritairement aux « Trois Grands » : Chrysler, Ford et General
Motors (SECOFI, 1998 : 14).
Cette réorientation s’est vue grandement favorisée par les changements survenus en matière de régulation de l’industrie. Les différents décrets concernant le
secteur automobile avaient comme objectif d’encourager les activités de substitution des importations de véhicules et de ses pièces. Ces activités se sont flexibilisées à partir de 1986 avec l’adhésion du Mexique au GATT et encore plus
avec les accords commerciaux du TLCAN, spécialement pour ce qui a trait au
contenu national des véhicules, lequel a maintenant une composante régionale,
ainsi qu’au montant autorisé des investissements étrangers.
Parmi les facteurs de localisation que toutes les entreprises ont considéré
comme les plus importants, on peut mettre en évidence la position stratégique de
Querétaro qui facilite la vente de la production tant sur le marché national qu’étranger. Au Mexique, la production d’automobiles se concentre en huit entreprises
transnationales, parmi lesquelles cinq (Chrysler, General Motors, Volkswagen,
Ford et Nissan) produisent 98 % du total des véhicules fabriqués. La plus grande
partie des usines d’assemblage de véhicules et de moteurs se situent dans les
régions Centre, El Bajío, Nord-Ouest et Nord-Est du pays.
Pour l’industrie des équipements automobiles persiste le modèle de localisation correspondant à l’ancienne localisation des usines d’assemblage, puisque
50 % du total se trouvent dans l’État de Mexico et le District Fédéral. Et, si on
considère en plus les participations des autres États de la région Centre, parmi
lesquels Querétaro (6 %) et Tlaxcala (1 %), on voit que cette région concentre
62 % du total de l’industrie des équipements automobiles.
Rapport INRETS n° 277
87
Les formes de la métropolisation
Conclusion
L’étude de ces transformations sur Querétaro démontre que la greffe du paradigme de la production flexible n’est ni facile ni rapide. Encore moins s’il s’agit
d’une économie qui, si elle a expérimenté le fordisme, l’a fait d’une façon qui
s’éloignait en certains aspects de sa forme classique. D’autre part, il faut prendre
en considération les relations profondes qui ont prévalu historiquement avec les
États-Unis où l’adaptation à ce « modèle » est encore très loin d’être effectuée de
manière pleine et entière. Par ailleurs, dans un contexte de crises économiques
qui semblent sans fin, on peut comprendre que le succès (certes relatif et limité)
de certaines formes d’organisation de la production et de leur inscription spatiale,
tende à les ériger en modèles pour d’autres territoires. La tentation est ainsi forte
d’identifier des districts industriels, qui, dans notre cas, ne ressemblent pas à
ceux de la « Troisième Italie », où la structure industrielle est formée par une
majorité de petites et microentreprises.
Cependant, on perd de vue que la seule concentration dans l’espace, et par
conséquent la proximité géographique, ne crée pas de manière automatique ou
mécanique des relations étroites de coopération et d’échange de savoirs acquis
entre les entreprises. Par contre, dans le cas de Querétaro, il est clair que prédomine une désarticulation locale entre les entreprises de la branche automobile.
En premier lieu, leur développement n’a pas été basé sur une tradition industrielle
qui existait antérieurement, mais il a été le résultat de logiques et de décisions
externes au territoire local. En deuxième lieu, il n’existe pas dans l’État une usine
d’assemblage autour de laquelle on pourrait construire un cluster automobile. En
troisième lieu, la prédominance des entreprises à capital étranger fait que la logique et les décisions des consortiums nationaux, qui opèrent avec des stratégies
de production globale, ont plus de poids que la dynamique générée localement.
Ce dernier point rejoint les travaux de Martinelli et Schoenberger (1994) quant au
rôle que jouent les oligopoles dans le processus de restructuration, et quant au
risque que courent les entreprises qui se sont renforcées par de grandes fusions,
comme dans le cas de l’industrie automobile.
À partir de ces différents éléments, il est possible d’affirmer que la voie suivie, au moins dans la branche industrielle la plus importante de Querétaro, présente les caractéristiques d’un processus hybride dans lequel se combinent des
procédés qui proviennent de modèles étrangers avec les formes d’organisations
existantes au sein d’un territoire. Dans ce secteur persistent et cohabitent manifestement des spécifications très différentes du modèle de production flexible.
Concernant la configuration territoriale, on peut dire qu’il est difficile d’aller à
l’encontre de la haute concentration autour de la ville et notamment le long de
l’autoroute la plus importante, puisque la localisation des entreprises est globalement effectuée dans les parcs et les espaces industriels dédiés existant dans
ces zones. Cette concentration spatiale n’est toutefois pas nouvelle. Elle existait
depuis le commencement du développement industriel de Querétaro et ne peut
pas être attribuée seulement à la restructuration.
88
Rapport INRETS n° 277
Querétaro : un pôle émergent de développement industriel
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Rapport INRETS n° 277
89
L’impact des zones d’activités sur
la localisation des entreprises :
le cas de la périphérie lyonnaise
François Million
1. La localisation des entreprises en milieu urbain et rural
L’actualité économique nationale a été singulièrement marquée par les craintes suscitées par le phénomène des délocalisations et les rapports successifs
sur le décrochage économique de la France. La politique gouvernementale des
« pôles de compétitivité » constitue l’une des propositions phare pour répondre à ces inquiétudes. Par ailleurs, le système économique contemporain, dans
son ensemble, se caractérise par des mutations d’ordre économique et technique croissantes modifiant l’environnement et l’organisation de l’entreprise. Par
conséquent, de nouveaux besoins et de nouvelles contraintes de localisation
apparaissent (ADEF, 1989). Afin de s’adapter à ce contexte de compétition et
d’incertitudes accrues et d’assurer le bon développement de leur activité, la localisation est devenue pour les entreprises un choix de plus en plus stratégique
auquel les pouvoirs publics tentent de répondre (Merenne-Schoumaker, 2002 ;
Scharling, 1973).
À l’échelle de l’espace urbain, la traduction spatiale de ces dynamiques renforce une répartition des activités économiques très inégale et contribue à la poursuite d’un double phénomène, a priori paradoxal, de concentration et d’étalement
urbain des activités au profit d’un nombre réduit de sites périphériques ou centraux (Mignot et al., 2004). Parallèlement, les mouvements d’entreprises s’intensifient, en particulier suite aux transferts d’établissements et à la forte mobilité des
activités les plus dynamiques. Ces dynamiques, se conjuguant avec les nouvelles logiques de localisation, accentuent d’autant plus les déséquilibres spatiaux
observés (Laine, 2000).
Du point de vue des pouvoirs publics, l’implantation d’une entreprise représente
un enjeu économique de première importance : au développement de l’économie
locale et de l’emploi, s’ajoute celui de la ressource fiscale. En outre, la localisation des activités soulève des enjeux urbains majeurs. En effet, les collectivités
locales ayant la charge de l’aménagement urbain supportent les coûts induits par
ces stratégies de localisation. Prenons l’exemple des déplacements urbains ; la
dissociation croissante entre les lieux de résidence et les lieux de travail n’est pas
Rapport INRETS n° 277
91
Les formes de la métropolisation
sans effet sur la croissance et l’allongement des migrations alternantes observées, et par conséquent sur l’usage croissant de l’automobile (Tabourin, 2001 ;
Talbot, 2001 ; Lemonier, 2002). Un autre problème réside dans les décisions de
localisation et les transferts d’entreprises sur quelques lieux privilégiés, lesquels
aggravent des disparités territoriales déjà préoccupantes en termes de ségrégations sociales et spatiales et notamment d’accessibilité à l’emploi.
En raison de ces enjeux, les collectivités se retrouvent en compétition pour
accueillir et retenir les entreprises sur leur territoire et souhaitent, dès lors, disposer de moyens susceptibles de maîtriser et d’influencer l’organisation spatiale des
activités (Benard et al., 1999). Parmi les diverses interventions à leur disposition,
la réalisation de zones d’activités est devenue l’une des actions les plus répandues
et les plus importantes par les investissements qu’elle représente14. En outre, son
impact financier n’est pas à négliger : dans la communauté d’agglomérations de
Rennes, 75 % des ressources de la taxe professionnelle proviennent des zones
d’activités, alors que celles-ci ne regroupent que 37 % des établissements contribuables (Leblanche et Guenancia-Breger, 2000). Elles constituent également un
enjeu pour les entreprises par les espaces, les équipements, les services qu’elles
offrent pour leur implantation et leur développement.
Usuellement, une zone d’activités se définit comme un ensemble de terrains
acquis et regroupés par un maître d’ouvrage, généralement public, parfois privé,
et préalablement équipés pour faciliter l’installation, le fonctionnement et le développement d’établissements à caractère économique (MOATTI, 1968). Nous la
définirons ici comme un site spécifiquement aménagé pour l’accueil des activités
économiques et se référant à des documents d’urbanisme. Dans son principe, la
réalisation de zones d’activités répond ainsi à un double objectif de développement et d’aménagement (CNER, 2002). C’est à la fin des années 1960, avec la
loi d’orientation foncière de 1967 et l’application des premiers schémas directeurs,
que se mettent en place les premières zones d’activités se référant à des documents d’urbanisme (Gueniot, 1974). La notion de zone d’activités, telle que nous
l’utilisons de nos jours, est donc récente. Les zones d’activités sont d’une grande
diversité. Différentes générations de zones se sont développées, présentant des
caractéristiques très variées au niveau de leur localisation, de leur vocation, de
leur surface, de leur niveau d’équipements, etc. Ainsi, nous observons des zones à
dominante industrielle, commerciale ou bien tertiaire, des zones mixtes accueillant
indistinctement toutes les entreprises quelle que soit leur dimension ou la nature
de leur activité ou, au contraire, spécialisées (plateformes logistiques, parcs scientifiques ou technologiques, etc.). En France, ces sites aménagés se sont développés sans grande cohérence en périphérie des agglomérations et le long des
principaux axes de transport. Par ailleurs, la situation nationale se caractérise par
une offre pléthorique en état de surcapacité durable (Jallas, 2001). Dans l’interven14 Les
zones d’activités représentent le premier poste d’investissement des aides indirectes au
développement économique. Pour donner un ordre de grandeur, les collectivités ont programmé
234 millions d’euros de dépenses pour l’aménagement des zones d’activités en 2000 (Source :
Ministère de l’Économie des Finances et de l’Industrie, 2002).
92
Rapport INRETS n° 277
L’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises
tion pratique, les zones d’activités sont souvent caractérisées par leurs définitions
urbanistiques et spatiales, les liant de façon étroite aux collectivités locales et à
l’administration (Hussenot, 2002). Il s’agit des zones définies dans les documents
d’urbanisme (Plan local d’urbanisme [PLU, ex-POS], Schéma d’aménagement
[SDAU]…) comme étant affectées à un usage industriel, commercial ou de services pour accueillir des entreprises et leur permettre d’exercer leurs activités (zones
UI ou NA du PLU). Elles peuvent prendre plusieurs formes (lotissements, ZAC…)
et sont donc soumises aux règles d’urbanisme des communes sur lesquelles elles
sont implantées. En outre, de la multiplication des réalisations par les collectivités
locales est née une concurrence forte qui crée une pression sur les prix ou sur
les aides financières locales, avec comme conséquence une remise en cause de
la pertinence financière de ce type d’intervention, notamment soulignée dans un
rapport de la Cour des Comptes (Cour des Comptes, 1996). Enfin, la compétition
entre collectivités locales a entraîné des investissements excédentaires dans les
zones d’activités ainsi qu’une banalisation de l’offre (Madies, 1999).
À la suite de ces constats, nous nous sommes interrogés sur l’efficacité et les
effets d’un tel dispositif. L’objet de notre étude est de réaliser une évaluation de
cette politique publique, tel que l’énonçait le décret du 18 novembre 1998 portant
sur la création du Conseil national de l’évaluation (CNE) : « Évaluer une politique,
c’est apprécier son efficacité en comparant ses résultats aux objectifs assignés
et aux moyens mis en œuvre ». De ce fait, l’offre de zone d’activités répond-t-elle
aux besoins de localisation des entreprises ? Les investissements conséquents
sollicités pour la réalisation et la gestion d’une zone d’activités sont-ils toujours
justifiés ? Étant donné que notre recherche s’intéresse plus particulièrement à l’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises en milieu urbain, nos
questionnements ont été les suivants : les zones d’activités constituent-elles un
instrument de politique publique susceptible d’influencer les décisions de localisation des entreprises ? Avec quels effets sur l’organisation spatiale des activités ? Il
n’existe pas à notre connaissance, ou peu, de véritable bilan sur cette question.
Pour réaliser notre évaluation, nous étudierons l’attractivité des zones d’activités. L’attractivité des zones d’activités se définit comme la capacité de celles-ci
à accueillir des entreprises relativement aux autres sites d’implantation. Le principe consiste à différencier les établissements suivant un choix de localisation
dichotomique entre une implantation en zone d’activités ou dans le diffus (i.e.
hors zone d’activités). Cette attractivité sera estimée par un indicateur simple
correspondant à la proportion d’établissements implantés en zone d’activités en
fonction de l’espace étudié et des caractéristiques de l’entreprise considérées.
Tout en ayant conscience que les zones d’activités ne représentent que l’un des
nombreux éléments du choix de localisation d’une entreprise, il nous semble utile
d’approfondir la connaissance sur leur attrait. En effet, de nombreuses interrogations se trouvent être à l’heure actuelle sans réponses satisfaisantes. Quel est
l’attrait effectif des zones d’activités en milieu urbain ? (Combien ?) Auprès de
quelles entreprises ? (Qui ?) Quels sont les lieux et les sites d’implantation privilégiés ? (Où ?) Enfin, quelles sont les raisons de cet attrait ? (Pourquoi ?) L’analyse
de l’attractivité concourt à expliquer les préférences de localisation des entre-
Rapport INRETS n° 277
93
Les formes de la métropolisation
prises et, in fine, l’impact des zones d’activités. Elle permettra ainsi d’apprécier
l’efficacité de l’action mise en œuvre par les collectivités locales pour maîtriser
ces localisations. Ce chapitre n’a pas pour but de répondre à l’ensemble de ces
interrogations mais d’apporter des éléments d’information et de réflexion à travers
l’étude des zones d’activités de la périphérie lyonnaise.
2. L’attrait des zones d’activités : auprès de quelles
entreprises et sur quel territoire ?
Les différentes études empiriques traitant de la répartition des établissements
en zones d’activités et hors zones d’activités observent un attrait globalement
modeste des zones d’activités en nombre d’établissements, mais plus significatif
en termes d’emplois. Par exemple, dans le Bas-Rhin, les 296 zones répertoriées
accueillent 41 % des effectifs salariés mais seulement 10 % des établissements
du département (ADEUS, 1998). Dans une précédente étude réalisée sur l’aire
urbaine de Bordeaux, nous avons estimé, sur un échantillon de 27 158 établissements15 en 1999, seulement 4 967 établissements implantés dans une zone
d’activités, soit 18 % du total (Million, 2003). Dans le cas de l’agglomération lyonnaise, des disparités significatives au niveau du nombre d’emplois sont attendues, comme le laisse présager une synthèse sur les neuf zones d’activités en
requalification du Grand-Lyon (communauté urbaine de Lyon)16. Ces dernières,
accueillant 2 936 établissements (3,6 % des établissements du Grand-Lyon),
représentent 66 106 emplois17 (11,7 % des emplois du Grand-Lyon). Ensuite, ces
travaux notent une attractivité différenciée suivant le secteur d’activité et le territoire considéré. Dans les Bouches-du-Rhône, les zones d’activités concentrent
24 % de l’emploi salarié privé et 43 % de l’emploi industriel. En outre, hors de la
commune de Marseille, les zones d’activités attirent 37 % de l’emploi salarié privé
contre 10 % à Marseille (Schwendimann, 1999).
Une étude effectuée sur Lyon entre 1968 et 1980 a montré que les choix d’implantation en zone industrielle, suite à des délocalisations, ont toujours été inférieurs aux installations en zone diffuse (Masson, 1984). De nos jours, la situation
semblerait s’inverser. Le développement des zones d’activités est un phénomène
récent dont l’ampleur n’a cessé de s’accroître à partir des années 1980. Dans
la région Île-de-France, au cours de la période 1982–1994, près des deux tiers
des nouvelles emprises industrielles ont été le fait des zones d’activités (IAURIF,
15 Les
données sur les établissements sont issues du fichier SIRENE de l’Insee pour l’année 1999.
Seuls les établissements d’un salarié et plus ont été pris en compte, lesquels représentent un peu
moins de la moitié de l’ensemble des établissements de l’aire urbaine (27 369 établissements sur un
total de 58 264 établissements, soit près de 47 %).
16 Les neuf sites en requalification du Grand-Lyon sont les suivants : Chassieu, Mi-Plaine, Craponne,
La Mouche, La Soie-La Rize, Lyon-Nord–Val-de-Saône, Lyon-Sud-Est, Meyzieu-Jonage, PERICA et la
Vallée de la Chimie. Source : Fiche de synthèse des sites en requalification du Grand-Lyon, document
de travail, Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise (AUDAL), 2003.
17 Source : Fichier SIRENE janvier 2003 (Insee) — estimation d’effectif réalisée par l’Agence
d’Urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise.
94
Rapport INRETS n° 277
L’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises
2002). Néanmoins, cette évolution ne se limite plus au secteur de l’industrie, puisque désormais, l’essentiel des entreprises récemment implantées dans les zones
d’activités relèvent du secteur tertiaire aussi bien en nombre d’établissements
qu’en nombre d’emplois (IAURIF, 2002). À l’avenir, la part affectée aux zones d’activités devrait être plus importante en raison notamment d’une diminution progressive des possibilités d’implantation offertes hors zones d’activités. Cette tendance
deviendra d’autant plus forte dans la mesure où les infrastructures proposées
par les collectivités répondraient mieux aux impératifs et exigences variables des
entreprises (Côtes d’Armor Développement, 2002). Pour conclure, signalons que
l’attractivité entre les différentes zones d’activités demeure très contrastée. D’un
côté, des zones d’activités connaissent un très fort développement, tandis que
de l’autre, de nombreuses zones sont caractérisées par une absence durable de
commercialisation, voire un taux d’occupation quasi nul.
3. L’étude de la périphérie lyonnaise : présentation de la
méthodologie et des données utilisées
Le principe de notre étude consiste à différencier les établissements suivant
un choix de localisation dichotomique entre une implantation en zone d’activités
et une implantation dans le diffus (i.e. hors zones). Dans le cadre de ce chapitre,
une approche territoriale et sectorielle volontairement générale a été retenue afin
d’évaluer au mieux la nature des établissements implantés dans les zones d’activités, mais également afin d’identifier les secteurs géographiques vers lesquels
s’est porté le choix de localisation des entreprises. L’intensité de l’attractivité sera
mesurée par le niveau de la part affectée aux zones d’activités suivant le secteur
d’activité de l’établissement et la structure spatiale considérée. L’objectif étant
alors d’obtenir une typologie permettant d’examiner la manière dont les entreprises se sont localisées en fonction des territoires et compte tenu de leurs activités,
et de déterminer, in fine, l’impact des zones d’activités à travers les différents
niveaux d’attractivité territoriale et sectorielle.
Pour cerner l’ensemble des phénomènes urbains, le choix d’une commune ou
d’une structure intercommunale est insuffisant puisque les effets étudiés débordent souvent de ce découpage institutionnel. Toutefois, en raison des données
disponibles, cette étude se limitera au périmètre de la communauté urbaine de
Lyon (le Grand-Lyon) regroupant 55 communes. Pour caractériser ces communes, nous utiliserons principalement le Recensement général de la population de
l’Insee de 1999 (RGP, 1999). Ensuite, notre démarche a consisté à rechercher
une structure spatiale qualifiée de « territoire », à partir du regroupement des
unités spatiales de base constituées par les communes, permettant des comparaisons territoriales et de mieux rendre compte des comportements spatiaux des
entreprises. Dans l’idéal, nous utilisons le terme de territoire pour faire référence
à un espace sur lequel l’entreprise fonctionne et se développe (Texier, 1999). Par
ailleurs, il est peu probable qu’il coïncide parfaitement avec celui sur lequel la
collectivité a compétence à intervenir (i.e. les découpages administratifs) particulièrement en matière de réalisation de zones d’activités.
Rapport INRETS n° 277
95
Les formes de la métropolisation
Pour cette étude, nous avons retenu un regroupement des communes en
fonction de leur positionnement géographique d’après un découpage réalisé par
l’Observatoire partenarial lyonnais en économie (OPALE). Au total, neuf territoires ont été identifiés : le Centre, l’Est-Sud, l’Est-Nord, le Sud-Ouest, le Sud-Est,
le Nord-Ouest, le Plateau Nord, l’Ouest, le Val-de-Saône (Figure 1 et Annexe 1).
Le « centre » correspond aux communes de Lyon et de Villeurbanne. Nous nommerons « périphérie » l’espace constitué par les 53 autres communes du GrandLyon. Ce découpage permet de prendre partiellement en compte le phénomène
d’autocorrélation spatiale et complète utilement la lecture centre–périphérie des
localisations avec la comparaison des différents territoires au sein de la périphérie. En outre, il a l’avantage de présenter de manière plus pertinente la localisation
des entreprises et l’offre existante en zones d’activités. Par ailleurs, étant donné
que les enjeux qui nous intéressent se déroulent principalement hors du centre,
cette étude se centrera sur la périphérie.
Illustration 1 : regroupement des 55 communes de
la communauté urbaine de Lyon en neuf territoires
Source : OPALE, 2004.
Pour cette analyse, les établissements ont été caractérisés par secteurs d’activité. Les données utilisées pour caractériser les établissements sont issues du
fichier SIRENE de l’Insee de 1999. Le secteur d’activité de l’établissement est
codifié à partir de la nomenclature d’activité française (NAF) en 700 postes. Il ne
s’agit donc pas de l’identification des fonctions réellement exercées sur le site
par les établissements, ce type d’informations ne pouvant être renseigné dans le
répertoire SIRENE, celui-ci ne prenant en considération que l’activité principale
exercée par l’établissement (APE). Par ailleurs, afin de disposer de regroupements standardisés et adaptés à l’analyse économique, une redéfinition des sec-
96
Rapport INRETS n° 277
L’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises
teurs, selon un passage de la NAF en 700 postes à la nomenclature économique
de synthèse (NES) en 16 postes, a été effectuée. Ensuite, afin de faciliter l’étude
de l’organisation spatiale des établissements, seuls neuf secteurs d’activités à
un niveau agrégé ont été retenus après avoir procédé à un regroupement des
établissements à partir des subdivisions de la NES (Annexe 2). Au total, notre
échantillon est composé de 23 509 établissements répartis dans les huit territoires périphériques du Grand-Lyon.
Enfin, pour identifier et caractériser les zones d’activités implantées en périphérie, nous avons utilisé principalement les Plans d’occupation des sols (POS)
du Grand-Lyon de 1994 et de 2001 et les fichiers de l’OPALE. Diverses sources,
essentiellement communales, ont complété nos informations. Deux critères nous
ont permis de sélectionner les zones d’activités : une reconnaissance réglementaire en termes d’urbanisme et un site préalablement aménagé pour l’accueil des
entreprises, ce qui exclut les espaces à vocation économique futurs non viabilisés
(NA). Ainsi, en termes d’urbanisme, les sites retenus pour notre étude sont les
suivants : les zones d’activités existantes (UI), les zones commerciales (UX), les
zones d’aménagement concerté à vocation économique (ZAC) et les anciennes
zones d’activités tertiaires (UE). La méthode d’identification des établissements
implantés en zone d’activités repose sur un référentiel adresse de l’établissement
à partir du répertoire SIRENE. Les données obtenues sont alors des estimations
issues du croisement de nos différentes sources. En définitive, notre échantillon
est composé de 74 zones d’activités représentant au total une superficie de
4 500 ha et regroupant 6 667 établissements.
4. Les caractéristiques sectorielles et territoriales de l’échantillon
En moyenne, les huit territoires étudiés disposent de 560 ha en zones d’activités regroupant plus de 800 établissements sur un ensemble de près de 3 000
établissements. Toutefois, la distribution des établissements au sein de la périphérie se caractérise par de fortes disparités territoriales. Effectivement, le territoire « Ouest » regroupe seulement 231 établissements en zones d’activités
pour une superficie de 140 hectares alors que le territoire « Est-Sud » concentre
plus de 1 700 établissements implantés en zones d’activités pour une surface de
1 000 ha. En comparant la dispersion relative des établissements et de la surface disponible en zones d’activités, à l’aide des coefficients de variation, nous
obtenons deux résultats intéressants. D’une part, les établissements implantés
en zones d’activités se répartissent de manière plus inégale entre les différents
territoires que l’ensemble des établissements de la périphérie, d’autre part, la distribution territoriale des surfaces à vocation économique est plus concentrée que
celle des établissements.
Ensuite, nous nous sommes interrogés sur l’intensité de la relation entre la
surface disponible exprimée en hectares des zones d’activités d’un territoire et le
nombre d’établissements implantés dans celles-ci, d’une part, et l’ensemble des
établissements du territoire, d’autre part (Figure 2). Nous utiliserons le modèle de
régression linéaire pour étudier cette relation. Nous supposons ici que la surface
Rapport INRETS n° 277
97
Les formes de la métropolisation
en zones d’activités d’un territoire permet d’expliquer le nombre d’établissements
localisés dans celui-ci ainsi que le nombre d’établissements implantés dans ses
zones d’activités. Les coefficients de détermination obtenus nous signalent, toutes choses égales par ailleurs, l’existence d’une relation significative entre la surface des zones d’activités et le nombre d’établissements implantés dans celles-ci
(coefficient de détermination r2 = 0,70), mais plutôt faible avec l’ensemble des
établissements (coefficient de détermination r2 = 0,57). Dans les deux cas, l’information prise en compte par la régression n’est pas suffisante pour conclure
à l’existence d’un lien entre la surface des zones d’activités et le nombre d’établissements. À l’évidence, d’autres facteurs explicatifs interviennent. Néanmoins,
pour les établissements implantés en zones d’activités, l’analyse des résidus18 de
la régression nous permet de distinguer différents types de territoires. Des territoires regroupant moins d’établissements que ce que voudrait la surface de leurs
zones d’activités (résidus fortement négatifs — particulièrement le cas du territoire Sud Est [–482] et des territoires concentrant plus d’établissements que ce
que voudrait la superficie de leurs zones d’activités (résidus fortement positifs —
notamment les territoires Nord Ouest [+372] et Est-Sud [+369] et, plus faiblement,
le territoire Est-Nord [+197]).
Illustration 2 : comparaison de la répartition territoriale de la surface
disponible en zones d’activités avec la répartition territoriale des
établissements implantés en zones d’activités et de l’ensemble des
établissements de la périphérie du Grand-Lyon en 1999
30%
Surface des zones d'activités (en ha)
de 140 à 1234 ha
25%
Etablissements implantés en zones d'activités (nombre)
de 231 à 1709 établissents
20%
Ensemble des établissements (nombre)
de 1736 à 4208établissents
20%
10%
5%
0%
Ouest
Nord Est VAl de Saöne Nord-Ouestsud Ouest
Est Nord
Est Sud
Sud Est
Note : Territoires classés par ordre croissant en fonction de la surface disponible en zones d’activités
(en hectares).
Sources : SIRENE 1999 (Insee), POS 2001 du Grand-Lyon, OPALE 2004.
18 Résidus
de la régression de Y (nombre d’établissements implantés en zones d’activités) en X
(surface disponible en zones d’activités). Les résidus sont exprimés dans l’unité de mesure de Y, donc
en nombre d’établissements.
98
Rapport INRETS n° 277
L’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises
S’agissant du profil sectoriel des zones d’activités, nous discernons les caractéristiques suivantes (Annexe 3). En premier lieu, elles accueillent principalement
des établissements du secteur du commerce de gros (27 % des établissements
implantés en zone d’activités), de l’industrie (22 %) et des services supérieurs
aux entreprises (14 %). Ensembles, ces trois secteurs réunissent 63 % des établissements localisés en zone d’activités. À l’inverse, la structure d’activité de la
périphérie lyonnaise est nettement plus équilibrée. En effet, six secteurs d’activités sur neuf représentent une part comprise entre 15 et 13 % de l’ensemble des
établissements. Tandis que les trois secteurs restants représentent chacun 6 %
des établissements de la périphérie.
Dans un second temps, afin d’identifier les spécificités sectorielles des zones
d’activités, nous avons calculé des indices de spécialisation19 (Is) en prenant pour
référence la structure d’activité de la périphérie lyonnaise. La valeur de l’indice
exprime le degré de spécialisation sectorielle des zones d’activités par rapport
à notre territoire de référence. Une valeur supérieure à 1 signifie une spécialisation plus que proportionnelle dans le secteur considéré. Cette information permet
d’examiner les spécificités sectorielles des zones d’activités et les sites d’implantation privilégiés des secteurs d’activité en tenant compte des effets de taille.
Les résultats signalent une surreprésentation dans les zones d’activités des
secteurs du commerce de gros (Is = 1,73) et des industries (Is = 1,69). À l’inverse, ils montrent une sous-représentation dans les services aux particuliers
(Is = 0,40), les activités financières et immobilières (Is = 0,59), le commerce
de détail (Is = 0,61) et le secteur de la construction (Is = 0,66). L’examen des
écarts relatifs à l’indépendance permet de préciser nos précédents commentaires
(Illustration 3). Ces écarts font apparaître les excédents et les déficits d’implantation sectoriels de nos deux types d’espaces (zones d’activités ou diffus). Si l’on
considère le secteur d’activité de l’établissement, il y a clairement une surreprésentation des établissements appartenant aux secteurs du commerce de gros et
des industries dans les zones d’activités d’une part, une sous-représentation des
secteurs des services aux particuliers, du commerce de détail, de la construction
et des activités financières et immobilières d’autre part. À l’opposé, le diffus se
caractérise par une surreprésentation de ces derniers secteurs et une sous-représentation des secteurs du commerce de gros et des industries. Par contre, ni les
zones d’activités, ni le diffus ne se différencient par un excédent ou un déficit
d’implantation auprès des secteurs des services supérieurs aux entreprises, des
services opérationnels et des transports. En définitive, notre étude distingue trois
groupes de secteurs d’activités en fonction du site d’implantation choisi.
19 Calcul
de l’indice de spécialisation sectorielle ou de concentration :
ISij = [Eij / Ej ]
Où
[Ei / En ]
ISij est l’indice de spécialisation ou de concentration du secteur i dans le territoire j :
d’établissements du secteur i dans le territoire j ;
• Ej = Nombre d’établissements total dans le territoire j ;
• Ei = Nombre d’établissements du secteur i dans l’ensemble de la périphérie du Grand Lyon ;
• En = Nombre d’établissements total de la périphérie du Grand Lyon.
• Eij = Nombre
Rapport INRETS n° 277
99
Les formes de la métropolisation
Illustration 3 : visualisation des écarts relatifs à l’indépendance
(écarts au profil moyen de la périphérie)
Commerce de gros
Industries
Transports, Postes et
Télécommunications
Services supérieurs aux
entreprises
Diffus
Zones d'activités
Services opérationnels
Activités financières et
immobilières
Construction
Commerce de détail
Services aux particuliers
-400
-300
-200
-100
0
100
200
300
400
500
600
Données issues du fichier SIRENE de 1999 (Insee).
Après l’observation des spécificités sectorielles des zones d’activités, il est
intéressant d’étudier les spécificités territoriales de ces dernières. Nous notons
que les trois territoires de l’Est lyonnais concentrent 63 % des établissements
implantés en zones d’activités, alors qu’ils n’accueillent que 48 % des établissements de la périphérie. Globalement, la répartition des établissements implantés
en zones d’activités (coefficient de variation de 0,65) est nettement plus hétérogène que celle de l’ensemble des établissements (coefficient de variation de
0,30). Nous avons calculé des indices de concentration territoriale (Ic) en utilisant
la même méthode que les indices de spécialisation sectorielle. Ils nous permettront de déterminer les territoires dans lesquels nous observons une surreprésentation d’établissements implantés en zones d’activités par rapport à la répartition
territoriale moyenne de l’ensemble des établissements dans la périphérie lyonnaise. À la lecture des indices de concentration, nous identifions deux groupes
de territoires. D’une part, des territoires où les établissements implantés en zones
d’activités sont surreprésentés par rapport à la répartition moyenne, particulièrement dans le territoire Est-Sud (Ic = 1,43). D’autre part, des territoires où les
établissements implantés en zones d’activités sont sous-représentés, notamment dans les territoires Ouest et Nord-Est (respectivement 0,40 et 0,45). Ce que
confirme la visualisation des écarts relatifs à l’indépendance (Illustration 4). Nous
pressentons ici l’existence d’une relation entre le territoire et le site d’implantation.
Au final, nous notons la présence de deux catégories de territoires en fonction des
préférences de sites d’implantation des établissements.
100
Rapport INRETS n° 277
L’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises
Illustration 4 : visualisation des écarts relatifs à l’indépendance
(écarts au profil moyen de la périphérie)
Est Sud
Sud Est
Nord-Ouest
Diffus
Est Nord
Zones d'activités
Sud Ouest
Val de Saône
Nord Est
Ouest
-250
-200
-150
-100
-50
0
50
100
150
200
250
Données issues du fichier SIRENE de 1999 (Insee).
5. L’attractivité des zones d’activité : un premier bilan
Après la présentation des principales caractéristiques territoriales et sectorielles de notre échantillon, nous allons maintenant mesurer l’intensité de l’attractivité
des zones d’activités, telle que nous l’avons définie, au niveau de la périphérie
lyonnaise. Sur l’ensemble des 23 509 établissements, 6 667 établissements sont
implantés dans une zone d’activités, soit 28 % du total. Globalement, l’impact des
zones d’activités sur la localisation des établissements est donc loin d’être négligeable. En outre, ce résultat reste proche des niveaux obtenus dans les diverses
études traitant de cette question.
Une analyse plus fine nous signale des taux d’attractivité fortement disparates
entre les territoires (Illustration 5). Alors que dans le territoire Est-Sud, les zones
d’activités concentrent plus de 40 % des établissements du territoire, dans le
territoire Ouest, elles n’attirent plus que 10 % des établissements. Afin de distinguer les particularités territoriales puis sectorielles des niveaux d’attractivité tout
en prenant en compte les effets de structure, nous avons utilisé la méthode de
standardisation indirecte20 pour déterminer des indices comparatifs d’attractivité.
20 La
méthode de standardisation indirecte consiste à comparer le nombre de cas observés dans une
population au nombre de cas attendus dans cette même population. Les cas attendus sont ceux que
l’on observerait si chacun des groupes qui composent cette population subissait le taux du groupe
correspondant d’une population de référence (ici le taux de la périphérie). Le rapport des cas observés
aux cas attendus détermine un indice comparatif. L’indice relatif à la population dont les taux sont
retenus comme taux-types est par définition égal à 1. Les indices comparatifs des populations que l’on
veut comparer s’apprécient par rapport à cette valeur :
• inférieurs à 1, ils traduisent une sous-représentation du phénomène dans le lieu étudié ;
• supérieurs à 1, ils témoignent d’une surreprésentation ;
• sensiblement égaux à 1, ils révèlent une représentation normale du phénomène.
Cet indice est parfois exprimé en pourcentage et se trouve aussi défini comme ratio standardisé par
analogie avec le standardized ratio dans la littérature anglo-saxonne.
Rapport INRETS n° 277
101
Les formes de la métropolisation
Un indice ayant une valeur supérieure à 1 signifie une surreprésentation de l’attractivité dans le territoire considéré. Inférieur à 1, il témoigne d’une sous-représentation. Après correction de l’effet sectoriel, les indices comparatifs d’attractivité
territoriale obtenus révèlent les deux groupes de territoires identifiés auparavant.
Les trois territoires de l’Est lyonnais (Est-Sud [1,37], Sud-Est [1,21], Est-Nord
[1,11], ainsi que le territoire Nord-Ouest [1,20]) se caractérisent par une surreprésentation de la part d’établissements implantés en zones d’activités.
Illustration 5 : attractivité territoriale des zones d’activités (en %)
41%
Est Sud
35%
Sud Est
35%
Nord-Ouest
33%
Est Nord
22%
Sud Ouest
18%
Val de Saône
Nord Est
Ouest
0,2
13%
11%
0,4
0,6
0,8
1
1,2
1,4
1,6
Note : visualisation des écarts au taux moyen d’attractivité de la périphérie avec les indices comparatifs
(l’indice de la périphérie = 1 soit un taux de 28 %).
Sources : SIRENE 1999 (Insee), POS 2001 du Grand-Lyon.
Lorsque nous observons l’attractivité sectorielle des zones d’activités, nous
retrouvons là aussi des écarts de taux importants entre les secteurs d’activité
(Illustration 6). Près de la moitié des établissements appartenant aux secteurs
du commerce de gros et des industries sont implantés en zones d’activités (respectivement 49 et 48 %) contre seulement 11 % des établissements du secteur
des services aux particuliers. Les indices comparatifs d’attractivité confirment la
classification obtenue suite à l’étude des spécificités sectorielles des zones d’activités. Ainsi, trois groupes de secteurs se différencient nettement. Une première
catégorie de secteurs d’activité obtenant des taux d’attractivité bien supérieurs au
taux moyen de référence (i.e. celui de la périphérie), c’est le cas du commerce
de gros (1,64) et des industries (1,62). À l’inverse, un deuxième groupe obtenant
des indices inférieurs à 1, lesquels traduisent une sous-représentation de l’attractivité des zones d’activités dans ces secteurs d’activité, particulièrement dans les
services aux particuliers (0,42) et dans une moindre mesure dans le commerce
102
Rapport INRETS n° 277
L’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises
de détail (0,62), les activités financières et immobilières (0,62) et le secteur de la
construction (0,66). Enfin, un dernier groupe dans lequel les secteurs ne comportent pas des indices sensiblement éloignés de 1, ce qui témoigne d’une attractivité proche du taux moyen observé parmi les établissements de la périphérie.
Nous retrouvons ici les services supérieurs aux entreprises (1,10), les transports
(1,02) ainsi que les services opérationnels aux entreprises (0,86).
Illustration 6 : attractivité sectorielle des zones d’activités (en %)
49%
Comm
erce de gros
48%
Industries
Services supérieurs aux
entreprises
31%
Transports, Postes et
Télécommunications
30%
25%
Services opérationnels
19%
Construction
Activités financières et
imm obilières
17%
17%
Comm erce de détail
Services aux particuliers
0,2
11%
0,4
0,6
0,8
1
1,2
1,4
1,6
1,8
Note : visualisation des écarts au taux moyen d’attractivité de la périphérie avec les indices comparatifs
(l’indice de la périphérie = 1, soit un taux de 28 %).
Sources : SIRENE 1999 (Insee), POS 2001 du Grand-Lyon.
En approfondissant encore l’analyse, l’observation de la répartition des différents niveaux d’attractivité en fonction du territoire et du secteur d’activité nous
révèle des écarts entre les taux encore plus forts (Tableau 1). Comment expliquer l’ampleur de telles disparités ? Pour tenter de répondre à cette interrogation, nous avons retenu une analyse structurelle géographique. Bien souvent, les
différences entre observations spatialisées ne se résument pas à des écarts de
taille. Deux territoires diffèrent aussi l’un de l’autre par leur structure d’activité.
Précédemment, nous avons noté que les niveaux d’attractivité étaient fort différents d’un secteur d’activité à l’autre. Dès lors, nous pouvons nous demander
dans quelle mesure les écarts observés entre les taux d’attractivité des territoires
sont attribuables à des différences de structure d’activité ? C’est pour répondre à
cette question que l’analyse structurelle géographique est utilisée (Jayet, 1993 ;
Delisle et Laine, 1999). Il s’agira alors de comprendre les différences de taux d’attractivité entre les territoires.
Rapport INRETS n° 277
103
Les formes de la métropolisation
Tableau 1 : taux d’établissements implantés en zones d’activités
selon le territoire et le secteur d’activité (en %)
Territoires
Est-Nord
Est-Sud
Nord-Ouest
Ouest
Nord-Est
Sud-Est
Sud-Ouest
Val-de-Saône
Périphérie
Indus
59 %
62 %
40 %
17 %
28 %
54 %
36 %
36 %
48 %
Const
20 %
24 %
20 %
15 %
9 %
22 %
19 %
13 %
19 %
Cgros
55 %
66 %
51 %
15 %
21 %
62 %
39 %
36 %
49 %
Secteurs d’activité
Cdétail Trans Finim
15 %
23 %
22 %
26 %
43 %
26 %
38 %
27 %
21 %
6 %
15 %
7 %
14 %
10 %
7 %
9 %
45 %
29 %
17 %
29 %
11 %
8 %
13 %
7 %
17 %
31 %
17 %
Sersup Seropé Serpart
38 %
24 %
11 %
48 %
31 %
16 %
36 %
37 %
18 %
13 %
17 %
5 %
10 %
7 %
5 %
48 %
34 %
13 %
20 %
20 %
11 %
18 %
9 %
9 %
30 %
25 %
11 %
Sources : SIRENE 1999 (Insee), POS 2001 du Grand-Lyon.
Le principe de l’analyse structurelle géographique repose sur l’estimation des
effets sectoriels et des effets géographiques pour expliquer les différences entre
les taux moyens d’attractivité des territoires. Le plus souvent, effet sectoriel et effet
géographique apparaissent simultanément. L’analyse structurelle géographique
permet de distinguer, dans les différences entre taux moyens territoriaux, la part
qui revient à l’un ou l’autre de ces deux effets. Toutefois, ce type d’analyse est très
sensible à la classification des secteurs d’activité retenue et au découpage spatial
utilisé. Au final, nous nous servirons de la comparaison des deux effets pour évaluer
l’impact des zones d’activités. Notre hypothèse est la suivante : si l’effet sectoriel
l’emporte, alors l’impact des zones d’activités sera considéré comme relativement
faible face aux spécificités sectorielles des territoires. Au contraire, si l’effet territorial
prime, alors, le différentiel d’attractivité des territoires pourrait s’expliquer, toutes
choses égales par ailleurs, par l’offre en zones d’activités du territoire. Les résultats
obtenus expriment une nette prédominance de l’effet territorial sur l’effet sectoriel
dans l’explication du différentiel d’attractivité des territoires avec la moyenne de la
périphérie lyonnaise (Tableau 2). Les zones d’activités peuvent alors être considérées comme l’une des composantes plausible de cet effet territorial.
Tableau 2 : les composantes sectorielle et territoriale de l’attractivité
des zones d’activités, selon le territoire considéré
Disparité
Effet sectoriel Effet territorial
territoriale*
Est-Sud
41 %
0,12
0,01
0,11
Sud-Est
35 %
0,07
0,01
0,06
Nord-Ouest
35 %
0,06
0,00
0,06
Est-Nord
33 %
0,05
0,02
0,03
Sud-Ouest
22 %
–0,06
–0,02
–0,05
Val-de-Saône
18 %
–0,11
–0,01
–0,09
Nord-Est
13 %
–0,16
–0,02
–0,14
Ouest
11 %
–0,17
–0,02
–0,15
* Différentiel d’attractivité avec la moyenne de la périphérie du Grand-Lyon (28 %)
Source : SIRENE 1999 (Insee).
Territoires
104
Taux d’attractivité
Rapport INRETS n° 277
L’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises
Après l’observation des particularités territoriales et sectorielles, et l’étude de
l’attractivité des zones d’activités, il s’agit maintenant de mieux évaluer leur impact
sur l’organisation spatiale des établissements en nous intéressant aux spécificités
sectorielles des différents territoires étudiés. Autrement dit, dans quelle mesure
les particularités et l’attractivité des zones d’activités permettent-elles de comprendre et d’expliquer la répartition spatiale des établissements au sein de la
périphérie lyonnaise ?
À l’échelle de la périphérie lyonnaise, nous identifierons les secteurs
d’activités qui engendrent les spécialisations sectorielles les plus importantes.
On a effectué le classement croisé de l’ensemble des établissements dans les
divers territoires de la périphérie lyonnaise, en fonction du secteur d’activité de
l’établissement. On présente généralement cette information dans un tableau
à double entrée particulier, le tableau de contingence, comportant en ligne les
unités géographiques et en colonnes l’ensemble des modalités d’un caractère
qualitatif. Dans notre cas, les territoires sont portés dans les lignes et les secteurs
d’activités dans les colonnes. Le tableau de contingence obtenu donne la
répartition, en 1999, des 23 509 établissements dans les huit territoires et les neuf
secteurs d’activité considérés (Annexe 3). Pour repérer ces secteurs d’activités
qui, isolément ou en association, introduisent les plus grandes disparités dans
l’ensemble géographique, l’analyse factorielle des correspondances est un outil
bien adapté21. Elle permet d’individualiser, en les hiérarchisant, les dimensions
principales, ou facteurs, indépendants les uns des autres, qui sont à l’origine
des différenciations géographiques les plus grandes et donc, des spécialisations
les plus importantes. Cette analyse nous permettra de mettre en évidence une
typologie territoriale.
L’illustration 7 représente le plan factoriel formé par les deux premiers axes de
l’analyse. Le point central situé à l’intersection des deux axes représente le profil
moyen en ligne et en colonne. Les territoires et les secteurs d’activités sont projetés sur ce plan, ils sont d’autant plus éloignés de ce point d’origine que leur profil
s’écarte du profil moyen. Les axes factoriels sont hiérarchisés par l’importance
des écarts au profil moyen qu’ils représentent (le premier facteur représente ici
78 % de l’inertie totale et le second 14 %). Les particularités de profil soulignées
par chaque facteur sont regroupées en fonction de leurs ressemblances en termes de spécialisations territoriales ou sectorielles. Elles sont indépendantes de
celles représentées par chacun des autres facteurs. Sur le graphique, la proximité
entre un territoire et l’un des secteurs d’activités s’interprète comme une valeur
positive importante dans le tableau des écarts à l’indépendance.
21 L’analyse
des correspondances appliquée à un tableau de contingence permet de visualiser
directement les écarts à l’indépendance aux profils moyens en ligne et en colonne. Les distances au
profil moyen sont calculées ainsi comme des inerties, c’est-à-dire des variances où les carrés des
écarts à la moyenne sont pondérés par l’inverse du poids de chaque variable.
Rapport INRETS n° 277
105
Les formes de la métropolisation
Illustration 7 : la répartition spatiale des établissements
dans la périphérie lyonnaise : analyse factorielle du croisement
secteurs d’activité/territoires d’implantation
Sources : SIRENE 1999 (Insee), POS 2001 du Grand-Lyon.
On observe sur le plan factoriel, l’opposition exprimée par le premier facteur
entre les territoires de l’Ouest lyonnais (les territoires Nord-Ouest et Ouest) spécialisés dans le tertiaire supérieur (les services supérieurs aux entreprises et les activités financières et immobilières), et les territoires de l’Est lyonnais (les territoires
Sud-Est, Est-Nord et Est-Sud) spécialisés dans les industries et les transports.
La composante 2, qui représente seulement 14 % de l’information, pourrait,
elle, marquer un contraste entre les trois territoires de l’Est lyonnais, où les activités
s’implantant davantage en zones d’activités sont surreprésentées (le commerce
de gros, les industries et à un moindre degré, les transports) et les territoires où
les activités localisées préférentiellement dans le diffus sont surreprésentées (les
services aux particuliers, la construction et le commerce de détail). Par ailleurs,
on note que le territoire Nord-Ouest se situe du même côté de l’axe que les trois
territoires de l’Est. Signalons que le Nord-Ouest se distingue de l’Ouest en raison d’une spécialisation dans les services supérieurs aux entreprises. Or, les
établissements implantés en zones d’activités reproduisent et accentuent cette
spécificité (Annexe 4). Ce que confirme la visualisation des écarts à l’indépendance (Illustration 8). Dans l’ensemble, deux secteurs d’activité se distinguent
plus particulièrement : il s’agit des industries et des services supérieurs aux entreprises. Nous notons un net excédent d’implantation des services supérieurs aux
106
Rapport INRETS n° 277
L’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises
entreprises dans le Nord-Ouest ainsi qu’un excédent d’implantation des industries dans l’Est-Nord. Par ailleurs, le Nord-Ouest se caractérise également par un
déficit d’implantation des industries traduisant la spécialisation du territoire et la
sélectivité spatiale des services supérieurs aux entreprises. Cette seconde composante serait alors susceptible de représenter l’impact des zones d’activités en
tant qu’élément de différenciation spatiale.
Illustration 8 : répartition territoriale et sectorielle des établissements
implantés en zones d’activités dans la périphérie lyonnaise en 1999 :
visualisation des écarts relatifs à l’indépendance
(écarts au profil moyen de la périphérie)
Services aux particuliers
Services o pératio nnels
Val de Saô ne
Services supérieurs aux entreprises
A ctivités financières et immo bilières
Sud Ouest
Transpo rts, P o stes et Téléco mmunicatio ns
Co mmerce de détail
Sud Est
Co mmerce de gro s
Co nstruction
Nord Est
Industries
Ouest
Services supérieurs aux
entreprises
No rd-Ouest
Industries
Est Sud
Est No rd
Industries
-100
-50
0
50
100
150
200
Sources : SIRENE 1999 (Insee), POS 2001 du Grand-Lyon.
En définitive, l’analyse factorielle des correspondances nous permet de distinguer au total quatre groupes de territoires en fonction de leurs spécificités sectorielles et des préférences de localisation des établissements.
Un premier groupe constitué par les trois territoires de l’Est lyonnais accueille
des activités fortement consommatrices d’espaces (commerce de gros, industries,
transports), lesquelles s’implantent davantage en zones d’activités. En outre, l’importance des surfaces disponibles en zones d’activités dans ces territoires (70 %
de la superficie totale en zones d’activités de la périphérie) permet de répondre à
la demande d’espace de ces établissements.
En second lieu, le Nord-Ouest, spécialisé dans les services supérieurs aux
entreprises, voit sa particularité sectorielle renforcée par les caractéristiques de
ses établissements implantés en zones d’activités. Cette situation s’explique
Rapport INRETS n° 277
107
Les formes de la métropolisation
vraisemblablement par la présence d’un vaste ensemble de parcs d’activités
regroupés sous une entité commune dénommée le Pôle économique ouest du
Grand-Lyon (TECHLID).
Ensuite, parmi les territoires spécialisés dans les activités localisés dans le
diffus, nous retrouvons un premier groupe relatif aux territoires résidentiels habituels (Val-de-Saône, Sud-Ouest et Nord-Est), rassemblant des activités localisées en fonction de la population (services aux particuliers, commerce de détail,
construction).
Enfin, un second type de territoire résidentiel, plus spécifique, où des activités traditionnellement centrales sont surreprésentées (les activités financières et
immobilières). Nous pouvons l’expliquer par le fait que les territoires de l’Ouest
lyonnais concentrent une proportion de ménages aisés plus forte que dans le
reste de la périphérie. Ainsi, la présence d’activités financières et immobilières
serait une réponse aux demandes particulières de cette catégorie de population.
Conclusion
L’étude des particularités sectorielles et territoriales des établissements, ainsi
que celle relative à l’attractivité sectorielle et territoriale des zones d’activités,
nous apportent une lecture cohérente de l’organisation spatiale des entreprises
observée au sein de la périphérie lyonnaise. Manifestement, les zones d’activités
s’avèrent jouer un rôle significatif auprès des décisions de localisation des établissements. La question reste de mieux connaître la nature et l’ampleur de cet
impact. D’après nos premiers éléments de réponse, les zones d’activités accentueraient les spécificités sectorielles et territoriales de la périphérie lyonnaise. Les
interventions des collectivités locales ont ainsi renforcé les disparités spatiales.
Bien entendu, l’effet territorial constaté ne se réduit pas aux zones d’activités ;
de nombreux éléments sont à considérer comme les infrastructures de transports,
la distance au centre ou bien encore les économies d’agglomération (Aydalot,
1979 ; Polese, 1994). N’oublions pas que les zones d’activités se sont réalisées le
long des principaux axes routiers, et que l’accessibilité est notoirement reconnue
comme l’un des principaux facteurs de localisation des entreprises.
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108
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Rapport INRETS n° 277
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Les formes de la métropolisation
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110
Rapport INRETS n° 277
L’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises
Annexes
Annexe 1 : découpage de la périphérie lyonnaise en huit territoires,
répartition de la population, de l’emploi et des établissements en 1999
Territoires
Est-Sud
Est-Nord
Sud-Ouest
Sud-Est
Nord-Ouest
Nord-Est
Ouest
Val-de-Saône
Périphérie
Moyenne
Minimum
Maximum
Communes
(Nombre)
Population 1999
(en %)
Emploi 1999
(en %)
4
4
8
5
7
3
6
16
53
6,62
3
16
16,3
16,2
16,5
15,3
8,1
12,4
7,9
7,3
597 865
74 733,12
43 572
98 497
20,9
14,8
13,8
18,9
10,8
8,2
7,3
5,2
253 918
31 739,75
13 243
53 048
Établissements
1999
(en %)
17,9
17,3
13,5
13,0
12,2
10,0
8,7
7,4
23 509
2 938,62
1 736
4 208
0,33077
0,44811
0,30365
Coefficients de variation
Sources : RGP 1999 et SIRENE 1999 (Insee).
Annexe 2 : les neuf secteurs d’activité retenus à un niveau agrégé de la
nomenclature économique de synthèse en 16 postes (NES 16)
Secteurs d’activité
Industries
Construction
Commerce de gros
Commerce de détail
Transports, postes et télécommunications
Activités financières et immobilières
Services supérieurs aux entreprises
Services opérationnels
Services aux particuliers
NES 16 (Niveau 1 à 2)
EB : industries agricoles et alimentaires
EC : industries des biens de consommation
ED : industrie automobile
EE : industries des biens d’équipement
EF : industries des biens intermédiaires
EH : construction
EJ1 : commerce et réparation automobile
EJ2 : commerce de gros, intermédiaires
EJ3 : commerce de détail, réparations
EK : transports
EN1 : postes et Télécommunications
EL : activités financières
EM : activités immobilières
EN2 : conseils et assistance
EN4 : recherche et développement
EN3 : services opérationnels
EP : services aux particuliers
Note : le champ étudié couvre les établissements de l’industrie (hors énergie), de la construction,
du commerce, des transports, des activités financières, des activités immobilières, des services aux
entreprises et des services aux particuliers. Les activités agricoles, les administrations, l’éducation et
les activités relatives à la santé sont exclues de l’étude (Correspondances NES 16 : EA, EQ et ER).
Rapport INRETS n° 277
111
Les formes de la métropolisation
Annexe 3 : répartition territoriale des établissements de la périphérie
lyonnaise en 1999 selon le secteur d’activité
Secteurs d’activité
Territoires Indus Const Cgros Cdétail Trans Finim Sersup
Est-Nord
747
622
662
654
287
182
299
Est-Sud
584
528
760
607
339
227
402
Nord235
201
499
337
77
243
760
Ouest
Ouest
180
226
252
294
72
184
403
Nord-Est
257
311
301
385
110
152
335
Sud-Est
430
391
524
467
264
110
259
Sud-Ouest 354
404
417
545
166
189
385
Val-de215
275
234
236
82
109
205
Saône
Périphérie 3 002 2 958 3 649 3 525 1 397 1 396 3 048
Sources : SIRENE 1999 (Insee), POS 2001 du Grand-Lyon.
Seropé Serpart Périphérie
213
402
4 068
283
478
4 208
179
335
2 866
131
148
198
199
294
352
416
526
2 036
2 351
3 059
3 185
88
292
1 736
1 439
3 095
23 509
Annexe 4 : répartition territoriale des établissements implantés en zones
d’activités de la périphérie lyonnaise en 1999 selon le secteur d’activité
Secteurs d’activité
Territoires Indus
Const Cgros Cdétail Trans Finim Sersup
Seropé
Serpart
Périphérie
Est-Nord
444
126
366
97
67
40
115
52
44
1 351
Est-Sud
363
128
499
158
147
58
193
88
75
1 709
NordOuest
93
41
254
129
21
52
276
66
61
993
Ouest
30
33
39
17
11
13
51
22
15
231
Nord-Est
71
27
62
53
11
10
35
11
18
298
Sud-Est
233
86
324
41
118
32
124
68
55
1081
Sud-Ouest
126
75
162
95
48
20
76
39
56
697
Val-deSaône
78
35
84
20
11
8
36
8
27
307
906
354
351
6 667
Périphérie 1 438 551 1 790
610
434
233
Sources : SIRENE 1999 (Insee), POS 2001 du Grand-Lyon.
112
Rapport INRETS n° 277
Les services aux entreprises dans
les espaces périurbains :
un développement encore mesuré22
Anne Aguiléra
Différentes vagues de suburbanisation ont marqué les activités économiques
(Boiteux-Orain et Huriot, 2002) : d’abord le commerce, puis les industries, et à
présent des activités jusque-là typiquement centrales comme les services aux
entreprises (Aguiléra, 2003a).
Dans un contexte de transformations profondes des structures intra-urbaines
marquées par le polycentrisme et la réorganisation de la centralité (Gaschet et
Lacour, 2002), la déconcentration de ces services s’inscrit comme une étape
importante. Celle-ci interroge les stratégies de localisation de ce secteur et leurs
liens avec les dynamiques urbaines. Si leur suburbanisation croissante a été
soulignée dans un grand nombre d’agglomérations d’Europe et d’Amérique du
Nord (Baro et Soy, 1993 ; Boiteux-Orain et Guillain, 2005 ; Coffey et al., 1996a
et 1996b), la question spécifique de leur implantation dans les parties les plus
excentrées des agglomérations a rarement été abordée, du fait que l’essentiel du
développement de ces activités favorise des zones proches du centre.
Ce papier s’intéresse à la nature, aux modalités et à l’impact du développement de services aux entreprises dans l’espace périurbain, à travers l’exemple de
la métropole lyonnaise (France). Notre questionnement se réfère tant à la nature
des services qui s’y implantent (on connaît, en effet, la forte hétérogénéité du secteur (Bonamy et Valeyre, 1994)), qu’aux raisons de leur localisation ou encore à
l’impact d’un tel développement sur la structuration de l’espace périurbain et plus
largement intramétropolitain. Notre travail s’appuie sur les fichiers SIRENE23 de
l’Insee24 qui recensent les établissements à une année donnée, ainsi que sur les
résultats d’une enquête25 menée au printemps 1999.
22 Ce
papier reprend pour l’essentiel le texte d’une communication présentée, en 2002, au colloque
de l’ASRDLF à Trois-Rivières (Canada).
23 SIRENE : Système Informatique pour le répertoire des entreprises et des établissements.
24 Insee : Institut national de la statistique et des études économiques.
25 Financée par le Laboratoire d’économie des transports (LET).
Rapport INRETS n° 277
113
Les formes de la métropolisation
1. La place du périurbain dans les dynamiques intra-urbaines
1.1. Qu’est-ce que le périurbain ? La définition de l’Insee
La définition du périmètre des villes, et en particulier de leurs limites, est une
question récurrente en sciences sociales (Pumain et Robic, 1996 ; Rémy et Voyé,
1992) qui reste source de débats (Huriot, 1998). De fait, « le terme même « ville »
est employé pour désigner des organisations extrêmement différentes par leur
forme, leur contenu et leur dimension, et dont l’aspect, les fonctions et les significations se modifient et se renouvellent continuellement au cours du temps »
(Pumain et al., 1996, 2–3).
En France, la question de l’identification concrète des villes se pose depuis
longtemps (Jayet, 1988), en particulier à l’Insee. Avant les années 1960 prévalaient des critères de taille minimale et de continuité du bâti qui ont servi de base à
la définition des unités urbaines. Ils ont été par la suite complétés par la notion de
Zones de peuplement industriels et urbains (ZPIU), qui intégraient autour d’une
unité urbaine les communes rurales industrielles ainsi que les communes rurales
dortoirs directement dépendantes en termes d’emplois. Cette classification s’est
toutefois révélée trop peu discriminante au recensement de 1990 à l’issue duquel
on s’est aperçu que les ZPIU couvraient 75 % du territoire et regroupaient 96 %
de la population française.
L’Insee a alors défini, en 1997, le zonage en aires urbaines (Le Jeannic, 1997)
qui prend en compte à la fois des critères de densité mais aussi d’attraction sur
la base des migrations alternantes (domicile–travail). En effet, de plus en plus de
personnes habitent loin de leur emploi, ce qui signifie que malgré leur éloignement
à la zone dense, elles dépendent encore très largement de cette dernière au quotidien, et pas seulement pour leur emploi : Boulahbal (2002) a montré comment le
lieu de travail structurait une part importante de la vie quotidienne des actifs.
Concrètement, une aire urbaine agrège à un pôle urbain, c’est-à-dire une unité
urbaine offrant 5 000 emplois ou plus et découpée en un centre (la commune principale) et une banlieue, l’ensemble des communes qui y envoient au moins 40 %
de leur population active. Ces communes forment la couronne périurbaine. C’est
précisément cet espace que nous définirons comme le périurbain — ou la grande
périphérie — dans la suite de cet article.
1.2. Les formes du développement périurbain
Accroissement de la population
Jusqu’au milieu des années 1970, le développement des villes s’est principalement nourri de l’exode rural et s’est traduit par une densification des centres et
de leurs banlieues proches. Pour preuve, en 1975, l’ensemble des pôles urbains
ne couvrait en superficie que 7,5 % du territoire national, alors qu’il accueillait déjà
plus de 60 % de la population (Duée, 2000).
La dynamique qui s’est amorcée à cette période et s’est confirmée au cours
des deux décennies qui ont suivi a, au contraire, fortement distendu l’espace urba-
114
Rapport INRETS n° 277
Les services aux entreprises dans les espaces périurbains
nisé. Si les pôles urbains ont continué à croître en volume, leur poids n’a cessé
de diminuer au profit de la couronne périurbaine qui accueille désormais 13 % des
urbains, ce qui représente quatre points de plus qu’à la fin des années 1970.
L’étalement urbain de la population peut être évalué de deux manières
complémentaires.
La première se réfère au fait que le taux de croissance de la population est plus
important en périphérie qu’au centre, et précisément plus élevé en couronne périurbaine qu’en banlieue en raison d’un solde naturel et d’un solde migratoire largement
positifs (Tableau 1). Ce phénomène ne semble globalement pas remis en cause en
France sur la dernière décennie, même si on constate un ralentissement des taux
de croissance annuels moyens dans les banlieues et les couronnes périurbaines et
à l’inverse une certaine augmentation au centre, ce qui constitue une inversion de
tendance par rapport à la période précédente (Bessy-Piétri, 2000).
Tableau 1 : taux d’évolution annuel moyens de la population
dans les aires urbaines françaises
Taux d’évolution annuel moyen Taux d’évolution annuel moyen
1990–1999
1982–1990
Total
Solde nat Solde mig Total
Solde nat Solde mig
0,12
0,46
–0,34
–0,09
0,53
–0,62
Ville–centre
(0,16)
(0,45)
(–0,29)
(–0,08)
(0,52)
(–0,60)
0,42
0,65
–0,23
0,86
0,72
0,14
Banlieue
(0,51)
(0,46)
(0,05)
(0,94)
(0,59)
(0,35)
Couronne
1,03
0,40
0,63
1,89
0,42
1,47
périurbaine
(1,01)
(0,37)
(0,64)
(1,80)
(0,40)
(1,40)
0,40
0,52
–0,12
0,61
0,58
0,03
Total
(0,44)
(0,43)
(0,01)
(–0,59)
(0,53)
(0,06)
Note : entre parenthèses, les chiffres sans l’aire urbaine de Paris
Source : Bessy-Pétri, 2000.
Le second processus résulte de l’absorption progressive d’espaces environnants, auparavant ruraux ou faiblement urbanisés. Ainsi, si les aires urbaines ont
gagné près de quatre millions d’habitants sur la décennie 90, 60 % proviennent
en réalité des seules extensions territoriales (Bessy-Piétri et Sicamois, 2001).
Par exemple, l’accroissement des périmètres des aires urbaines de Paris et de
Marseille-Aix-en-Provence a compté pour près de 70 % dans la croissance totale
de leur population entre 1990 et 1999. Dans le cas de Paris, un sixième de ces
nouveaux périurbains provient de l’aire urbaine dans sa délimitation de 1990.
Développement sélectif des activités économiques
La part des emplois localisés au centre, désormais à peine supérieure en
moyenne sur la France entière à 50 %, a perdu près de deux points depuis 1990,
au profit de la banlieue, qui accueille près de 38 % des emplois en 1999, mais
également de la couronne périurbaine où sont implantés 11,2 % des emplois
(Tableau 2). C’est deux points de moins que pour la population, les entreprises
Rapport INRETS n° 277
115
Les formes de la métropolisation
demeurant plus concentrées, car plus sensibles aux aménités dispensées par la
zone dense urbaine et en particulier par son centre. D’ailleurs, l’émergence de
pôles périphériques, c’est-à-dire de zones de fortes concentrations des activités économiques, concerne pour l’essentiel la banlieue, et très peu le périurbain
(Gaschet, 2001).
Tableau 2 : répartition des emplois au sein des aires urbaines :
comparaison entre 1999 et 1990
Lieu de résidence (délimitation
1999 des aires urbaines)
Centre
Banlieue
Couronne périurbaine
Total
Source : calculs d’après Talbot, 2001.
Part des emplois
1990
1999
52,9 %
51 %
36,3 %
37,8 %
10,8 %
11,2 %
100 %
100 %
En outre, comparativement au centre et même à la banlieue, le périurbain
demeure, malgré son rapide développement, marqué par un déficit d’entreprises
dans certains secteurs de l’économie. Si l’industrie, la construction, le transport
ainsi que le commerce de gros, de détail et les services courants aux personnes
(Mignot, 2000) sont bien représentés, les services supérieurs, et en particulier les
services aux entreprises, y sont encore peu implantés et restent principalement
l’apanage du centre (Julien, 2002 ; Léo et Philippe, 1998).
2. Les enjeux et les modalités de la suburbanisation des
services aux entreprises
2.1. Les questions relatives au centre, à la centralité et à la
multipolarisation
Le développement du périurbain soulève la question de la permanence du rôle
dominant du centre métropolitain et donc celle des nouvelles relations entre le
centre et la périphérie. Pour l’heure, les travaux sur le sujet concluent plutôt, dans
les cas français et canadiens, à un maintien de la position du centre (Coffey et al.,
1996b ; Gaschet, 2001), notamment grâce à un renforcement de sa spécialisation
dans certaines fonctions supérieures. Toutefois, leur progressif développement
dans des pôles périphériques conduit à faire émerger une nouvelle forme de centralité qui ne se réduit plus au seul centre (Gaschet et Lacour, 2002), même si elle
exclut encore largement le périurbain.
Le processus de suburbanisation des services aux entreprises apparaît comme
un indicateur majeur des transformations à l’œuvre et en particulier des transformations qui touchent à la réorganisation de la centralité. Aux États-Unis, le développement massif de ces activités dans les « edge cities » a constitué une étape
déterminante de leur développement (Garreau, 1991), et désormais les emplois
dans ce secteur sont plus nombreux en zone périurbaine que dans le centre des
métropoles (Stanback, 1991). En France, malgré une centralité encore forte, on
116
Rapport INRETS n° 277
Les services aux entreprises dans les espaces périurbains
observe depuis maintenant plus d’une décennie un mouvement important de déconcentration. Plusieurs études confirment des tendances similaires dans d’autres pays
d’Europe, comme l’Espagne (Baro et Soy, 1993) mais aussi au Canada (Coffey et
al., 1996a). Pour autant, dans ces pays et, à l’inverse, des États-Unis, le développement de services aux entreprises en périphérie ne s’accompagne pas d’une
baisse de l’attractivité de la localisation centrale. Bien au contraire, croissance centrale et croissance périphérique sont liées, et la suburbanisation des services aux
entreprises est avant tout une conséquence de leur très fort dynamisme (Aguiléra,
2002). Par ailleurs, toutes les catégories de services aux entreprises ne sont pas
concernées au même titre par la suburbanisation, et les services de haut niveau,
comme le conseil et l’informatique, demeurent largement plus concentrés que ceux
qui sont plus banals, même si là aussi des évolutions importantes sont à l’œuvre :
certains services supérieurs se concentrent en effet dans des zones spécifiques de
banlieue, en particulier des technopoles (Zuliani, 1998).
2.2. Les causes du développement de services aux entreprises dans
le périurbain
En grande périphérie, l’absence de services aux entreprises s’expliquait
jusqu’à récemment par la faiblesse des clients potentiels, mais aussi par la rareté
de l’offre de bureaux. L’arrivée récente d’entreprises (principalement industrielles)
est désormais potentiellement à même d’engendrer une demande de services
suffisante et corrélativement un développement de l’offre immobilière, dans une
zone où les disponibilités d’espace ne posent pas de problème, contrairement au
centre et à la banlieue, et aussi où les coûts fonciers sont moindres. Le périurbain,
ou du moins certaines de ses communes bien reliées aux grands axes de transport, peut en outre séduire par la qualité de sa desserte, atout non négligeable
quand on sait qu’on a affaire à des activités dont une partie sont sensibles aux
conditions de déplacement du fait de besoins importants de rencontres avec les
clients (Aguiléra, 2003b). On peut également penser que ces services vont s’implanter en limite de l’aire urbaine pour desservir un périmètre situé au-delà des
frontières de l’aire urbaine. A contrario, une autre hypothèse suggère que seules
les activités qui ont un faible recours aux externalités informationnelles, et donc
en particulier des besoins limités en termes de déplacements professionnels, vont
pouvoir s’éloigner de la zone urbaine dense.
Ce papier se propose de vérifier ces hypothèses et plus largement de mesurer l’ampleur et l’impact du développement de services aux entreprises dans le
périurbain, à partir de l’exemple de la métropole lyonnaise.
3. Le développement du périurbain à Lyon
3.1. Présentation de la métropole lyonnaise
Située dans le Sud-Est de la France, l’aire urbaine de Lyon est la deuxième
aire urbaine française (1,6 million d’habitants) juste devant celle de Marseille
(1,4 million d’habitants), mais toujours loin derrière celle de Paris qui compte plus
Rapport INRETS n° 277
117
Les formes de la métropolisation
de dix millions de personnes en 1999 (Julien, 2000). Elle couvre une zone quasi
circulaire d’un rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de son centre que
nous avons défini par la réunion des deux communes les plus importantes en
termes de population et d’emploi : Lyon (près de 454 000 habitants en 1999) et
Villeurbanne (près de 127 000 habitants en 1999) (Illustration 1). Cet espace se
compose, selon la définition de l’Insee :
–– d’un pôle urbain, qui regroupe 84 communes, dont les 55 que comptent le
Grand-Lyon (communauté urbaine de Lyon). Il s'agit de la zone la plus dense
et la plus urbanisée de la métropole ;
–– d’une couronne périurbaine constituée de 155 communes pour la plupart de
très petite taille (moins de 2 000 habitants).
Ce territoire comprend par ailleurs, à ses limites, des communes de taille
relativement importante qui jouxtent des centres secondaires anciens qui eux en
sont exclus, car ils forment leurs propres aires urbaines. Il s’agit au nord de Anse
(4 700 habitants en 1999) située à proximité de Villefranche-sur-Saône, au sud
de Givors (18 500 habitants) et de Chasse-sur-Rhône (4 800 habitants), près de
Vienne, et à l’ouest de la ville nouvelle de L’Isle d’Abeau26 (12 000 habitants) qui
touche Bourgoin-Jallieu.
Illustration 1 : l’aire urbaine de Lyon et son proche environnement
Villefranche sur Saône
Lyon
Villeurbanne
Anse
pôle urbain
couronne périurbaine
centre
hors aire urbaine
10 km
Bourgoin-Jallieu
L'Isle d'Abeau
Givors
Vienne
Chasse sur Rhône
Source : données Insee.
26 Elle
118
a été créée en 1972.
Rapport INRETS n° 277
Les services aux entreprises dans les espaces périurbains
3.2. Le développement rapide du périurbain lyonnais
La suburbanisation de la population et des activités économiques
Le pôle urbain regroupe à lui seul près de 82 % des résidents. Mais le centre
(Lyon et Villeurbanne) n’en accueille plus que le tiers.
Si la population de l’aire urbaine a progressé de 11,5 % entre 1982 et 1999
(Tableau 3), le taux de croissance en périphérie (+14,8 %) a été plus du double
de celui du centre historique (+6,1 %). Le poids de ce dernier a donc diminué,
passant de 37,5 à 35,7 %.
En couronne périurbaine, l’augmentation de population a été particulièrement
spectaculaire (+47,3 %), notamment dans les communes situées le long des axes de
transport. Le poids du périurbain est ainsi passé de 13,7 % en 1982 à 18 % en 1999.
Les communes voisines de L’Isle d’Abeau ont enregistré la plus forte progression.
Tableau 3 : population de l’aire urbaine de Lyon en 1982 et 1999
Nbr. en 1982
Nbr. en 1999
Évolution 1982/1999
Poids en 1982
Poids en 1999
Source : Insee, RGP.
Total
Centre
Banlieue
1 431 672
1 596 589
11,5 %
100 %
100 %
536 806
569 667
6,1 %
37,5 %
35,7 %
699 290
738 796
5,6 %
48,8 %
46,3 %
Couronne
périurbaine
195 576
288 126
47,3 %
13,7 %
18 %
La déconcentration des activités économiques a été réelle, même si elle est
demeurée plus mesurée que celle de la population. En 1996, 84,2 % des établissements étaient en effet situés à l’intérieur du pôle urbain, et un peu plus de 46 %
au centre, soit tout de même dix points de plus que les habitants.
En 20 ans, le nombre d’établissements a progressé dans l’aire urbaine de 9 %,
mais les évolutions ont été contrastées entre le Centre, qui a perdu 7,6 % de ses
établissements sur la période, et la périphérie, où la croissance a atteint 29 %.
Comme pour la population, la progression a été particulièrement rapide en
couronne périurbaine (Tableau 4). Cette dernière a gagné près de 5 000 établissements en 14 ans, soit plus de 50 %. Mais le pôle urbain (hors centre) a connu
lui aussi une croissance conséquente (+21,4 %), de sorte que son poids s’est
renforcé sur la période, passant de 34,4 à 38,2 %.
Tableau 4 : les établissements dans l’aire urbaine de Lyon en 1982 et en 1996
Nbr. en 1982
Nbr. en 1996
Évolution 1982–1996
Poids en 1982
Poids en 1996
Source : Insee, SIRENE.
Rapport INRETS n° 277
Total
Centre
Banlieue
83 553
91 400
9,4 %
100 %
100 %
45 315
42 108
–7,6 %
54,2 %
46,1 %
28 734
34 884
21,4 %
34,4 %
38,2 %
Couronne
périurbaine
9 504
14 408
51,6 %
11,4 %
15,7 %
119
Les formes de la métropolisation
Les communes les plus dynamiques en termes de progression du nombre
d’établissements entre 1982 et 1996 (tous secteurs confondus) sont pour l’essentiel situées en banlieue — mis à part l’Isle d’Abeau et ses alentours — et
bien desservies par la rocade et les autoroutes (Illustration 2). La carte de ces
communes dynamiques met en évidence le développement de quatre polarités
périphériques, confirmant la multipolarisation de la métropole lyonnaise, évolution
conforme à ce qui est observé dans toutes les grandes aires urbaines françaises
(Gaschet, 2001).
Illustration 2 : les communes privilégiées de développement des
établissements de l’aire urbaine de Lyon, 1982–1996
N
vers Dijon,
Paris
Trévoux
Anse
Reyrieux
St-Andréde-Corcy
A46
A6
Genay
vers Genève
Lissieu
l'Arbresle
A42
Limonest
Dardilly
Lentilly
Ecully
Marcy l'Etoile
Champagneau-Mt-d'or
Ste-Foylès-Lyon
LYON
Pusignan
Chassieu
St-Genis
Laval
St-Priest
Irigny
Genas
Charvieu
Chavagneux
Tignieu
Jameyzieu
A4
3
6
A4
St-Pierrede-Chandieu
La Verpillère
St-QuentinFallavier
L'Isle d'Abeau
Villefontaine
7
A4
Givors
Crémieux
ColombierSaugnieu
Feyzin
A7
Brignais
Pontde-Chéry
Meyzieu
Villeurbanne
vers Grenoble,
Chambéry
Chassesur-Rhône
vers St-Etienne
0
15 km
centre
L'Isle d'Abeau
commune de développement du pôle urbain
commune de plus de 150 établissements
non-définie comme une zone de développement
Réalisation : Laboratoire d'Economie des Transports
A46
autoroute
route principale
aéroport international Lyon Saint-Exupéry
limite communale
Givors
120
agglomération
Rapport INRETS n° 277
Les services aux entreprises dans les espaces périurbains
4. La croissance des services aux entreprises27 dans le
périurbain lyonnais
4.1. Une implantation croissante dans le périurbain
Si le tissu économique de la métropole lyonnaise a longtemps été marqué par
l’industrie, tout particulièrement le textile, la chimie, la métallurgie, la mécanique et
l’automobile, un processus de tertiarisation s’est engagé depuis une quarantaine
d’années (Bonneville, 1993), dû en partie à la rapide croissance des services aux
entreprises. Ce secteur représente désormais plus de 20 % de l’emploi salarié et
plus de 13 % des établissements.
Sur le plan spatial, ces services se distinguent par une très forte concentration.
Le pôle urbain accueille neuf établissements sur dix, dont plus de la moitié est
localisée au centre (Tableau 5).
Tableau 5 : les établissements de services aux entreprises dans l’aire
urbaine de Lyon en 1996
Nombre en 1996
Poids en 1996
Ensemble des secteurs
Source : Insee, SIRENE.
Total
Centre
Banlieue
12 500
100 %
100 %
7 325
58,6 %
46,1 %
4 123
32,9 %
38,2 %
Couronne
périurbaine
1 052
8,5 %
15,7 %
La présence des services aux entreprises en couronne périurbaine est faible
mais pas négligeable, puisqu’elle représente quand même le cinquième des établissements du secteur qui sont implantés hors du centre. Elle favorise principalement les communes les plus importantes, notamment le pôle de l’Isle d’Abeau.
Entre 1982 et 199028, le nombre d’établissements de services aux entreprises
implantés en couronne périurbaine a plus que doublé, ce qui représente plus de
300 établissements supplémentaires (Tableau 6).
Tableau 6 : les établissements de services aux entreprises en périphérie de
l’aire urbaine de Lyon en 1982 et 1990
Nbr. en 1982
Nbr. en 1990
Évolution 1982–1990
Source : INSEE, SIRENE.
Total périphérie
Banlieue
1 756
3 251
85,1 %
1 456
2 637
81,1 %
Couronne
périurbaine
300
614
104,7 %
27 Les
services aux entreprises pris en compte dans ce travail sont présentés en Annexe 2.
comparaison avec 1996 n’est pas possible en raison du changement de nomenclature Insee
survenu en 1993. Ce rythme de croissance s’est, selon toute vraisemblance, poursuivi au cours de la
décennie 90.
28 La
Rapport INRETS n° 277
121
Les formes de la métropolisation
4.2. Une proportion de services aux entreprises qui reste faible
Malgré cette progression, la proportion d’établissements de services aux
entreprises par commune, en 1996, demeure faible en couronne périurbaine,
comparativement au centre bien sûr mais également à la plupart des communes
de banlieue. Le secteur représente en effet 18,1 % des établissements à Lyon et
16 % à Villeurbanne contre 11,8 % en banlieue et seulement 7,3 % en couronne
périurbaine. Les communes les mieux dotées sont celles de taille relativement
importante, notamment l’Isle d’Abeau et ses alentours. Pour importante qu’elle ait
été, la croissance des services aux entreprises en grande périphérie lyonnaise a
donc peu fait évoluer la structure économique de cette partie de la métropole qui
demeure marquée par l’industrie et la construction (un tiers des établissements
en 1996), le commerce de détail, la logistique, les services courants mais aussi
l’activité agricole pour ce qui concerne les plus petites communes.
4.3. Des services plutôt techniques et « bas de gamme »
L’illustration 3 classe les services aux entreprises29 en fonction de la proportion d’établissements localisés en couronne périurbaine en 1996. Les activités les
mieux implantées en périurbain sont l’administration d’entreprises, les prestations
banales aux entreprises (sécurité, nettoyage, secrétariat et conditionnement à
façon), l’intérim, les études techniques et les services à la production. À l’inverse,
les services supérieurs (informatique de haut niveau, conseil, publicité, etc.) sont
très peu présents et demeurent soit très centraux (comme les architectes et les
activités juridiques), soit principalement présents dans des technopôles en périphérie (comme l’informatique de haut niveau).
La déconcentration des services aux entreprises et plus précisément leur
implantation en grande périphérie concerne donc encore pour l’instant des prestations plutôt techniques ou « bas de gamme ». Les activités typiques de la
centralité métropolitaine sont à l’inverse très peu présentes, mis à part dans les
communes principales, c’est-à-dire dans le pôle de l’Isle d’Abeau et dans une
moindre mesure au nord, à proximité de Villefranche-sur-Saône.
Illustration 3 : localisation des établissements de services
aux entreprises en couronne périurbaine à Lyon en 1996
administration d’entreprises
prestations banales aux
intérim
études techniques
services divers à la production
architectes
informatique de haut niveau
conseil pour les affaires et la
publicité
activités juridiques
compta bilité
0
2
4
6
8
%
10
12
14
16
Source : Insee, SIRENE.
29 Les
11 groupes de services aux entreprises correspondent à la typologie établie dans (AguiléraBélanger, 2001) et dont le détail est rappelé en Annexe 3.
122
Rapport INRETS n° 277
Les services aux entreprises dans les espaces périurbains
Les seules données issues du répertoire SIRENE ne nous permettent cependant pas d’aller beaucoup plus loin dans la comparaison des services en fonction
de leur localisation. Tout au plus apparaît-il que la taille (évaluée par l’effectif salarié) n’est pas discriminante, c’est-à-dire que les établissements ne s’installent pas
en grande périphérie parce qu’ils sont de taille plus importante. C’est assez logique parce qu’on a affaire à des activités qui nécessitent des bureaux et rarement
de très grandes surfaces. La seule vraie variable qui diffère significativement en
fonction de la localisation concerne la proportion de créations. Le mode d’implantation en grande périphérie provient pour les trois quarts des établissements
d’une création contre 69 % en banlieue et 62 % au centre. Ce résultat indique que
la suburbanisation des services aux entreprises ne résulte pas principalement
de délocalisations depuis le reste de la métropole et conforte les conclusions
de Matthew (1993) à propos de l’espace métropolitain de Toronto. L’enquête sur
Lyon va nous permettre d’apprécier les composantes principales de l’attractivité
du périurbain.
5. Les stratégies de localisation des services aux entreprises
dans le périurbain
5.1. Présentation de l’enquête
Nous avons réalisé une enquête postale au printemps 1999. Elle n’a concerné
que des établissements comptant plus d’un salarié et si possible plus de trois. En
effet, la localisation des petites unités (sans salarié) est souvent celle du domicile
du chef d’entreprise, ce qui est de peu d’intérêt pour notre travail. Nous n’avons
en outre sélectionné que des établissements implantés depuis moins de dix ans
sur leur site actuel.
Les questions portaient principalement sur les caractéristiques de l’implantation actuelle (prix, surface, etc.), l’activité, en particulier l’aire de marché, ainsi que
les stratégies de localisation par l’intermédiaire une grille de facteurs dont le chef
d’entreprise était chargé d’évaluer l’importance30.
Au total, nous avons recueilli 310 questionnaires exploitables, soit un taux
de réponse légèrement supérieur à 10 %, conformément à ce qui est généralement observé dans ce type d’enquête. Dix-sept établissements faisaient partie de
l’espace périurbain31 contre 197 au centre et 183 en banlieue. Ces 17 établissements sont localisés dans les principales communes du périurbain, notamment
l’Isle d’Abeau à l’est et Givors au sud.
Ce faible nombre de questionnaires nous a, bien sûr, cantonnés à une analyse
globale et non intrasectorielle. Mais nous avons toutefois pu établir des résultats
intéressants en termes de comparaison entre les services aux entreprises du
périurbain et ceux implantés en zone centrale dense.
30 Échelle
de 1 = pas important à 4 = très important.
faible chiffre s’explique par le fait que l’objectif initial de l’enquête n’était pas l’analyse du
périurbain mais plutôt du centre et de la proche banlieue.
31 Ce
Rapport INRETS n° 277
123
Les formes de la métropolisation
5.2. Des coûts de localisation moins élevés mais une offre immobilière
encore restreinte
Comme on pouvait s’y attendre, les locaux sont moins onéreux dans le périubain. Le prix32 annuel au m2 est d’environ 61 euros en grande périphérie contre
80 euros en banlieue et même plus de 100 euros au centre, avec des variations
importantes selon les arrondissements de Lyon.
Le facteur « coût des locaux » est pourtant un peu moins bien noté dans le
périurbain qu’ailleurs (Graphique 2), peut-être parce qu’il y a moins de différences
en la matière entre les communes ce qui fait que les chefs d’entreprise y accordent moins d’attention. En revanche, la sensibilité à la fiscalité locale est significativement plus forte dans le périurbain (Illustration 4), témoignant d’une certaine
influence du plus faible niveau des taxes (notamment de la taxe professionnelle)
en dehors de la zone dense — et spécifiquement à l’extérieur du périmètre de la
Communauté urbaine — sur la suburbanisation des services aux entreprises.
Illustration 4 : sensibilité au coût des locaux et aux taxes locales
taxes locales
périurbain
banlieue
centre
coût des
locaux
0
1
2
3
notation
Source : d’après Aguiléra-Bélanger, 2001.
Par ailleurs, les établissements périurbains sont à 35 % propriétaires de leurs
locaux contre à peine 10 % dans le reste de la métropole. Cette différence exprime
un certain déficit de l’offre locative en grande périphérie. Pour preuve, le choix effectif d’une localisation occasionne un recours à des professionnels de l’immobilier
dans à peine un quart des cas, contre près des trois quarts en zone dense. Dans
le périurbain, les chefs d’entreprise font en fait plus souvent appel à la mairie de la
commune prospectée mais aussi à d’autres entreprises implantées sur le site envisagé, tandis que ces comportements sont rares en banlieue et surtout au centre.
5.3. La nature des aménités locales
Malgré la relative faiblesse de l’offre, la qualité des locaux est jugée très positivement par les chefs d’entreprise qui placent ce facteur en première position des
raisons de localisation (comme d’ailleurs au centre et en banlieue).
32 Il
s’agit du prix de location ou, dans le cas où l’établissement était propriétaire, du prix « estimé »
de location.
124
Rapport INRETS n° 277
Les services aux entreprises dans les espaces périurbains
Les possibilités d’extension sont particulièrement valorisées, beaucoup plus
qu’en zone dense où il existe de fait une certaine saturation, en particulier à Lyon
et à Villeurbanne.
Le cadre de vie est également très apprécié. Surtout, les établissements
périurbains se distinguent par l’importance qu’ils accordent à la possibilité d’être
localisés à proximité du lieu de résidence du chef d’entreprise et, de façon moins
prépondérante, de celui des employés, alors que ces facteurs sont très peu pris
en compte en zone dense. Un des atouts du périurbain semble donc être une certaine qualité de vie, en particulier la possibilité de rapprocher le lieu de résidence
et le lieu d’emploi du fait d’une moins forte tension sur le marché immobilier.
Illustration 5 : sensibilité aux aspects qualitatifs de la localisation
proximité lieu de résidence
employés
proximité lieu de résidence
chef d'entr
périurbain
cadre de vie
banlieue
centre
possibilités d'extension
qualité des locaux
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
notation
Source : d’après Aguiléra-Bélanger, 2001.
5.4. Un déficit dans l’offre de services
Le périurbain mais aussi la banlieue souffrent par contre encore d’un déficit en
termes d’offre de services33, ce qui contraint les établissements qui y sont localisés à internaliser un plus grand nombre de services que ceux qui sont implantés au centre. En moyenne, les services aux entreprises implantés en périphérie
(banlieue et périurbain) ont un taux d’internalisation proche de 25 contre 17 % au
centre. Par ailleurs, ces mêmes activités périphériques n’achètent que 15 % des
services dont elles ont besoin dans leur commune de localisation (alors que ce
taux est de 45 % à Lyon et Villeurbanne) et 56 % dans le reste de l’agglomération, vraisemblablement au centre mais les enquêtes ne permettent pas d’avoir
ce niveau de précision. D’autres travaux ont toutefois pu mettre en évidence la
dépendance au centre en termes d’achats de services (Ihlanfeldt et Raper, 1990 ;
Schwartz, 1993).
33 La
consommation de services était évaluée par l’intermédiaire d’un tableau proposant une liste de
16 services : le chef d’entreprise devait préciser pour chacun s’il l’utilisait, et, si oui, s’il était réalisé en
interne ou bien acheté à un prestataire extérieur. Il devait, dans ce cas, préciser la localisation de ce
dernier. En moyenne, les établissements enquêtés utilisent 63 % des services proposés.
Rapport INRETS n° 277
125
Les formes de la métropolisation
Le questionnaire s’intéressait également à l’influence de la proximité à d’autres
entreprises. Le facteur est très mal noté, quelle que soit la localisation, c’est-à-dire
y compris au centre et dans le technopole de l’ouest de l’aire urbaine, témoignant
de la faible importance accordée aux considérations d’« économies de localisation » en intra-urbain (Gordon et McCann, 2000), alors que ce type d’élément est
au contraire déterminant au niveau du choix d’une ville, spécifiquement dans le
cas des services aux entreprises (Jouvaud, 1997).
5.5. Une aire de marché étendue
En moyenne, les établissements de services aux entreprises lyonnais réalisent
un peu plus de 60 % de leur chiffre d’affaires auprès de clients extramétropolitains,
notamment 20 % dans le reste de la région Rhône-Alpes et 30 % dans le reste de
la France. La part des ventes réalisées à l’étranger est par contre très faible.
Les établissements implantés en périphérie et précisément dans le périurbain
sont en moyenne aussi exportateurs que ceux du centre, puisque plus de 55 %
du chiffre d’affaires des services périurbains est obtenu hors de l’aire urbaine
(Illustration 6). Par contre, contrairement aux établissements du centre et de la
banlieue, la majorité des ventes extramétropolitaines s’effectue à destination du
reste de la région Rhône-Alpes (31 % du chiffre d’affaires), c’est-à-dire que l’implantation aux limites de l’aire urbaine de Lyon semble être une stratégie d’accès
à d’autres marchés essentiellement régionaux. D’ailleurs, l’accès aux clients est
très important (note de 2,6) et aussi bien noté qu’au centre (2,8) qu’en banlieue
(2,6). Ce résultat s’explique par la bonne desserte de cette partie de la métropole par le réseau autoroutier. Pour preuve l’accès à un axe de transport rapide,
qui arrive en troisième position des facteurs de localisation derrière la qualité
des locaux et les conditions de stationnement, est aussi important qu’en zone
dense. L’extension des infrastructures de transport constitue donc un facteur
majeur de suburbanisation des services aux entreprises, y compris dans l’espace
périurbain.
% du chiffre d'affaire
s
Illustration 6 : répartition géographique du chiffre d’affaires
en fonction de la localisation
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
ensemble
périurbain
étranger
reste
France
région
parisienne
reste
RhôneAlpes
aire
urbaine
Source : d’après Aguiléra-Bélanger, 2001.
126
Rapport INRETS n° 277
Les services aux entreprises dans les espaces périurbains
Par ailleurs, les établissements qui ont une aire de marché plutôt locale, c’està-dire qui réalisent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires dans la métropole,
et qui sont implantés en périurbain vendent beaucoup hors du centre de l’aire
urbaine (48 % du chiffre d’affaires) mais également au centre (32 % du chiffre
d’affaires). Leurs clients périphériques appartiennent de surcroît pour l’essentiel
à la commune dans laquelle ils sont localisés (35 % du chiffre d’affaires), ce qui
n’est pas le cas pour les établissements implantés en banlieue dont l’aire de marché périphérique est plus large en raison de la densité d’établissements dans
les communes environnantes. Ces résultats montrent que la suburbanisation des
services aux entreprises en périurbain répond pour partie à l’accroissement de la
demande locale de services, fruit de la suburbanisation des autres secteurs de
l’économie dont celle de services aux entreprises eux-mêmes qui constituent une
part importante de la clientèle. Dans la métropole lyonnaise, les clients industriels
représentent en effet en moyenne 40 % du chiffre d’affaires (mais 50 % en périurbain) et les services aux entreprises 30 % (mais seulement 14 % en périurbain).
L’enquête ne permet par contre pas d’établir de différence en termes de besoins
de contacts avec les clients ou plus généralement d’autres entreprises en fonction
de la localisation. Nous avons cependant précédemment montré que la nature
des prestations assurées était effectivement discriminante et que les services
pour lesquels la relation de service, au sens de la relation entre le prestataire et
le client, était moins développée et l’aire de marché peu étendue avaient plus de
faciliter à s’éloigner du centre et principalement de la gare TGV (Aguiléra, 2003b).
Toutefois, notre enquête ne permet pas de quantifier correctement le volume des
rencontres face à face, son importance sur la suburbanisation reste donc à éclaircir dans des travaux ultérieurs.
Conclusion
La déconcentration des services aux entreprises, notamment des plus banals
d’entre eux, favorise de façon croissante l’espace périurbain mais concerne
essentiellement les communes déjà les plus importantes et les mieux desservies
par les principaux axes de transport.
Ce développement répond, pour partie, à l’accroissement de la demande de
services, du fait de l’arrivée de nouveaux établissements des secteurs industriels
et tertiaires. L’espace périurbain offre par ailleurs des coûts moindres (locaux et
fiscalité locale), un environnement agréable, et peut favoriser le rapprochement
entre le lieu d’habitation et le lieu de travail. La suburbanisation de services aux
entreprises en périurbain est donc bien concomitante au développement d’économies d’agglomération dans les plus importantes communes de cette partie de
la métropole.
Si, à l’échelle de la métropole, la déconcentration de services aux entreprises en grande périphérie demeure pour l’instant limitée, leur développement en
périurbain nous semble toutefois être le signe d’un dynamisme qui ne peut que
s’accélérer. L’enjeu pour les pouvoirs publics est maintenant d’organiser au mieux
cette croissance. La décision des zones de construction de bureaux sera déterminante en la matière.
Rapport INRETS n° 277
127
Les formes de la métropolisation
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Rapport INRETS n° 277
129
Les formes de la métropolisation
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130
Rapport INRETS n° 277
Les services aux entreprises dans les espaces périurbains
Annexes
Annexe 1 : les services aux entreprises selon les nomenclatures NAP* et
NAF** de l’Insee
Type d’activité
Code NAP en 600 positions
Conseil/études et Matériel de traitement de
informatique
l’information (2701), holdings
(7600), études économiques et
sociologiques (7702), études
informatiques (7703), travaux à façon
informatiques (7704), conseil en
information et documentation (7707),
cabinets juridiques (7708), expertise
comptable et analyse financière
(7709)
Analyses
techniques et
contrôles
Études techniques (7701),
architectes (7705), métreurs,
géomètres (7706)
Publicité
Créateurs et intermédiaires en
publicité (7710), régies publicitaires
(7711)
Prestation temporaire de personnel
(7713)
Intérim
Services à la
production,
sécurité et
nettoyage
Travaux à façon divers
(7712), services divers rendus
principalement aux entreprises
(7714), nettoyage (8708)
Code NAF en 700 positions
Activités juridiques (741A), activités
comptables (741C), études de marché
et sondages (741E), conseil pour
les affaires et la gestion, (741G),
administration d’entreprises (741J)
conseil en systèmes informatiques
(721Z), réalisation de logiciels (722Z),
traitement de données (723Z), activités
de banque de données (724Z), entretien
de machines et de matériel informatique
(725Z), autres activités rattachées à
l’informatique (726Z)
Activités d’architecture (742A), métreurs
et géomètres (742B), ingénierie, études
techniques (742C), contrôle technique
automobile (743A), analyses, essais et
inspections techniques (743B)
Gestion de supports de publicité (744A),
conseil en publicité (744B)
Sélection et mise à disposition de
personnel (745A), travail temporaire
(745B)
Sécurité (746Z), nettoyage (747Z),
conditionnement à façon (748D),
secrétariat et traduction (748F),
organisation de foires et salons (748J),
services annexes à la production (748K)
Entre parenthèses sont indiqués les codes NAP ou NAF
NAP = Nomenclature des activités et des produits
NAF = Nomenclature des activités françaises
Source : INSEE.
Annexe 2 : typologie des services aux entreprises
Type d’activité
Activités juridiques (jurid)
Architectes (archi)
Publicité (pub)
Intérim (intérim)
Comptabilité (compta)
Informatique de haut niveau (infosup)
Conseil pour les affaires et la gestion,
études de marché (conseil)
Services divers à la production (serv)
Études techniques (techn)
Administration d’entreprises (adm)
Prestations banales aux entreprises (presta)
Source : Aguiléra-Bélanger, 2001.
Rapport INRETS n° 277
Code NAF
741A
742A
744A, 744B, 748J
745A, 745B
741C
721Z, 722Z, 723Z, 724Z
741G, 741E
748K
742B, 742C, 743A, 743B
741J
725Z, 726Z, 746Z, 747Z, 748D, 748F
131
Les investissements étrangers
directs dans le secteur
des services à Mexico
María Antonia Correa Serrano
La Ville de Mexico, qui comprend le District Fédéral, a joué un rôle très important dans l’interconnexion entre le global et le local. Cela est dû au fait que c’est
dans cette ville que se concentrent les bureaux administratifs des grandes entreprises, où l’on contrôle et on gère les services avancés et de télécommunications
qui servent de base à un réseau global de production et d’échanges commerciaux. En ce sens, la Ville de Mexico marque une tendance à la concentration de
l’investissement dans le secteur des services en lien avec les technologies de
pointe, alors que la part de la fabrication des produits industriels a baissé.
Cette nouvelle configuration de Mexico avec une tendance à la spécialisation
dans les services a conduit certains spécialistes à affirmer qu’il y a une autre division nationale du travail (Parnreiter, 2000) où la Ville de Mexico se spécialise en
activités de gestion et de contrôle économique ; tandis que les zones d’influence et
surtout les territoires qui entourent Mexico, ont tendance à se spécialiser dans l’industrie manufacturière, comme c’est le cas également à la frontière Nord du pays.
La Ville de Mexico a concentré 54,6 % de l’investissement étranger direct (IED)
au cours de l’année 2002. Cependant, cette concentration était de l’ordre de 65 %
neuf ans auparavant. En 2002, les activités manufacturières représentaient 48 %
des IED qui se trouvent dans la Ville de Mexico.
La tendance marquée vers une plus grande spécialisation dans le secteur des
services à Mexico pour les investissements nationaux et pour les IED a beaucoup
à voir avec les avantages qu’offre la Ville de Mexico en tant que grande métropole
et le rôle qu’elle joue depuis l’ouverture et la libéralisation, comme interconnexion
entre le global et le local.
De la même façon, dans ce processus d’interconnexion, une plus grande polarisation de l’espace de la Ville de Mexico s’est produite du fait que les secteurs qui
se globalisent sont ceux qui servent de connexion avec la production et les services au niveau mondial (production d’une chaîne de valeur ajoutée globale), ces
services étant essentiellement les activités financières et commerciales. Ainsi, ce
n’est pas l’ensemble de la ville de Mexico (celle-ci est comprise comme la zone du
District Fédéral), qui s’interconnecte avec le réseau global de production, mais ce
Rapport INRETS n° 277
133
Les formes de la métropolisation
sont seulement cinq délégations, où se concentrent la plus grande partie des services, qui rendent possible cette interconnexion et qui coexistent avec des pôles
d’activités traditionnelles qui génèrent des services pour le marché intérieur.
Nous analysons ici les IED dans le secteur des services dans la Ville de Mexico
à partir de 1994. Le choix de la période obéit au manque d’information statistique
pour les années antérieures, de même que la limitation des données ne permet
pas de faire une analyse plus approfondie de l’interconnexion des services globaux avec l’espace local. Cependant, nous essayerons de compenser ce manque
de données empiriques. Ainsi, la première partie aborde le rôle de Métropole de la
Ville de Mexico et le rôle qu’a joué le secteur des services comme nœud dans les
interactions globales. Dans une deuxième partie est effectuée une analyse des
sous-secteurs du secteur des services les plus importants pour l’établissement
des IED, et notamment les services financiers et le commerce.
1. Importance de la Ville de Mexico
Historiquement, la Ville de Mexico a été le cœur traditionnel de l’industrie pour
les entreprises nationales et étrangères. Cependant, à partir des années 1980,
elle a vécu de grandes transformations telles que la tendance à la décentralisation de l’industrie et la plus grande concentration des services, surtout dans le
District Fédéral.
Le processus de déconcentration industrielle a été plus accentué à partir des
politiques de protection de l’environnement suivies durant l’administration de
Carlos Salinas de Gortari (1988–1994). L’industrie a traversé un processus de
relocalisation et la localisation de nouvelles usines s’est effectué dans les états
voisins de la Ville de Mexico et à la frontière nord. L’établissement de nouvelles
usines créées par les investissements étrangers directs sur la frontière nord a
été encouragé tant par le rôle qu’a joué la région dans le processus de restructuration de l’industrie aux États-Unis d’Amérique dans les années 1980, que par
le processus d’intégration économique des deux régions. Par ailleurs, l’industrie
relocalisée dans la région du centre cherche à profiter des avantages de la proximité avec la Ville de Mexico, où se concentrent la majeure partie des services,
notamment les services aux entreprises (publicité, comptabilité…). En outre, ce
processus de relocalisation a profité des avantages des voies de communication
terrestres articulées autour du marché américain.
La tendance à la concentration des services à Mexico, surtout les services
financiers et les services aux entreprises (assurances et services professionnels),
confirme son rôle de grande métropole. « La grande métropole est elle-même
partie prenante comme tête de réseau d’un système urbain régional ou national
assez fortement hiérarchisé, comprenant des grandes villes, des villes moyennes
et des petites villes en interaction. Les métropoles exercent des fonctions tertiaires particulières : activités d’administration générale et d’encadrement, direction
et sièges sociaux de grandes entreprises, services financiers, bancaires, et d’assurance, professions rares et spécialisées, services publics supérieurs et activités
de contrôle politique, etc. » (Derycke, 1999 : 5–7).
134
Rapport INRETS n° 277
Les investissements étrangers directs dans le secteur des services à Mexico
La ville de Mexico présente quelques caractéristiques qui ont fait que quelques
auteurs lui ont donné la qualification de ville globale, en tant qu’espace d’interconnexion entre le global et le local, où se concentrent les bureaux administratifs
des grandes entreprises et les services supérieurs. Cependant, la concentration
des services n’est pas une caractéristique suffisante pour attribuer le caractère
de ville mondiale, si par ailleurs ce n’est pas un lieu où s’exerce un pouvoir ou
une influence d’envergure globale et si par ailleurs elle est caractérisée par une
vulnérabilité au capital international.
Les villes mondiales sont des lieux où s’entrelacent les réseaux de production, d’échange, de finances et de services aux entreprises. Ces villes étroitement
interconnectées au niveau de la prise de décision et du contrôle des finances,
constituent les nœuds critiques du réseau global (Borrego, 1990). Une partie
importante du réseau global de marchandises et de production apparaît dans les
zones centre et semi-périphériques du système mondial34. Ce sont des lieux de
production, commerce et consommation où se concentrent les services financiers
légaux, de comptabilité, d’assurances, ou immobiliers. En outre, les villes globales se connectent entre elles à travers des flux de capitaux, d’information, de
marchandises, etc., créant un réseau global de villes (Parnreiter, 2000).
Le développement du secteur des services à Mexico est dû au processus d’intégration de l’économie mexicaine à l’économie globale, qui à son tour a renforcé
le rôle que la Ville de Mexico joue comme nœud d’interconnexion entre le global
et le local. Ce processus s’est autoalimenté avec l’ouverture de l’Accord de libre
échange nord-américain (ALéNA).
Cependant, ce n’est pas toute la Ville de Mexico qui joue le rôle d’interconnexion global. Ce sont seulement cinq délégations où se concentrent les établissements des principales entreprises transnationales du secteur des services
(Cuauhtemoc, Miguel Hidalgo, Benito Juárez, Alvaro Obregón et Coyoacan,
Illustration 1) et notamment les services financiers, le commerce, les services aux
entreprises et les communications. Au sein de ces cinq délégations apparaissent
des espaces encore plus caractérisés et identifiés comme lieux privilégiés de la
concentration : Paseo de la Réforma, Polanco, Insurgentes Sur, Périférico Sur
et El Corredor Santa Fe (ce dernier est un nouvel espace en création) de telle
sorte que le nœud d’interconnexion implique non seulement une centralisation à
Mexico, mais aussi la production d’espaces centraux hautement globalisés par
rapport au reste de la ville.
34 Aux
villes mondiales traditionnelles, comme Tokyo, Los Angeles, San Francisco, New York,
Londres, Paris, et Bonn, s’ajoutent de nouvelles villes qui ont acquis ce rang plus récemment, comme
Randstadt, Frankfurt, Zurich, Miami, Houston, Le Caire, Bankok, Singapour, Hong Kong, La Ville de
Mexico et Sao Polo.
Rapport INRETS n° 277
135
Les formes de la métropolisation
Illustration 1 : principales zones de concentration d’entreprises à capitaux
étrangers dans le secteur des services dans la Ville de Mexico
Principales areas de concentración empresarial de IED en el sector servicios en el DF
Mayor concentración (Cuauhtemoc y Miguel Hidalgo)
Menor concentración (Benito Juárez y Alvaro Obregón)
Cuauhtemoc
Miguel Hidalgo
Alvaro Obregón
Benito Juárez
Source : élaboration propre sur la base de données du Secrétariat de l’économie.
Il existe une tendance marquée vers une plus grande spécialisation dans le
secteur des services à Mexico, que ce soit pour les investissements nationaux et
pour les IED. Ces activités font apparaître une différence nette quant à la nature
de la spécialisation et/ou de la concentration. Cette différence est liée aux avantages qu’offre la Ville de Mexico en tant que grande métropole et au rôle qu’elle
joue à partir de l’ouverture et de la libéralisation comme interconnexion entre le
global et le local.
Le processus de globalisation incorpore et discrimine. Ce ne sont pas toutes
les régions, ni tous les secteurs productifs, qui y participent. Ceci n’est pas le
résultat d’une politique définie ni par une institution internationale ni par l’État,
c’est une conséquence des activités propres aux entreprises transnationales. Ce
sont elles qui prennent les décisions de localisation à partir d’une vision qualitative de l’espace géographique et de sa haute capacité à affronter les risques.
Les agents centraux déterminent quel lieu ou emplacement offre les meilleures conditions pour telle ou telle activité, que ce soit pour un processus productif
complet ou une partie d’une chaîne de production. Ceci n’empêche pas que des
gouvernements urbains ou organes régionaux puissent parfois intervenir dans
136
Rapport INRETS n° 277
Les investissements étrangers directs dans le secteur des services à Mexico
l’élaboration des conditions de cette compétitivité territoriale (Hiernaux, 2000) :
tel est le cas du nouveau Corridor Santa Fe, territoire qui il y a quelques années
n’était qu’une périphérie de la ville, sans la moindre infrastructure pour la localisation d’entreprises. C’était le lieu préféré des classes à faibles ressources pour
les « emplacements irréguliers » ; cependant, il est devenu un des lieux les plus
chers de la Ville de Mexico, tant pour la localisation des entreprises que pour la
construction de logements.
La concentration dans seulement cinq délégations du District Fédéral met en
évidence des différences très notables quant aux services générés par les entreprises nationales et les services générés par les entreprises étrangères. En effet,
les services aux entreprises, la comptabilité et les affaires juridiques, sont détenus par des entreprises nationales. Cela est dû au fait que les caractéristiques
de ces services impliquent la connaissance des normes et des politiques nationales ; tandis que les services de conseils financiers, de publicité, d’organisation
et de stratégies d’entreprises sont réalisés par des entreprises étrangères. De la
même façon, bien qu’il y ait une participation croissante de l’investissement étranger dans les communications, la majeure partie de ces services est concédée à
l’entreprise nationale Teléfonos de México (TELMEX). Cependant, la privatisation
de cette entreprise, en 1990, par le Groupe Carso et le co-investissement avec
Southwestern Bell et France Telecom, a permis la création d’une superstructure
capable de rivaliser sur le marché mondial, tant pour l’installation de fibres optiques que pour le développement de l’Internet.
2. Les IED dans le secteur des services dans la Ville de Mexico
Le comportement des IED dans la Ville de Mexico marque la même tendance
que l’investissement national, en termes de spécialisation dans le secteur des
services, ce qui est à la fois cause et effet d’une plus grande interconnexion entre
le global et le local.
Tableau 1 : PIB, IED et emploi dans le District Fédéral par grandes activités
PIB (2001)
IED
(1994–2002)
2,3 %
Emploi
(2002)
8,1 %
Division I : aliments, boissons et tabac
3,6 %
Division V : chimie, dérivés du pétrole, caoutchouc
4,0 %
1,1 %
12,0 %
et plastique
Division VIII : produits métalliques, machines et
4,2 %
2,0 %
1,1 %
équipes
GD 4 : construction
5,8 %
3,0 %
2,1 %
GD 6 : commerce, restaurants et hôtels
19,7 %
13,3 %
16,1 %
GD 7 : transport, logistique et communication
12,4 %
2,1 %
5,1 %
GD 8 : services financiers, assurances, activités
11,1 %
36,5 %
5,1 %
immobilières et de location
GD 9 : services communaux, sociaux et
39,2 %
3.7 %
43,1 %
personnels
Source : élaboration propre sur la base de données de l’INEGI et Secrétariat de l’économie, plusieurs
années.
Rapport INRETS n° 277
137
Les formes de la métropolisation
Cette spécialisation vers le secteur des services a également conduit à une
réduction de la participation du District Fédéral, tant dans l’emploi que dans le
PIB national. En termes du PIB, en 1993, le District Fédéral produisait 23,9 % du
total national, tandis qu’en 2001, sa participation est de 22,4 %. Si la baisse du
poids du District Fédéral en emploi n’est pas étonnante, l’absence d’effet multiplicateur de la part des services dans le PIB l’est. En effet, durant les dernières
années, ce sont les services professionnels, le commerce, les services financiers
et les communications qui ont généré les plus grands pourcentages de PIB et IED
(Tableau 1).
La tendance vers une spécialisation dans les services vise surtout les services
financiers. Leur participation se situe à 36,5 % du total des IED sur la période
(Illustration 2). Ces services financiers sont le point principal d’interconnexion
entre le global et le local. Cela est une conséquence du processus de libéralisation des marchés financiers depuis 1989 et de l’entrée en vigueur de l’ALENA. En
réalité, cette tendance fait partie du processus de globalisation. Ses promoteurs
favorisaient l’élimination des freins locaux à la mobilisation du capital et la diversification d’opportunités basées sur les asymétries existantes entre les pays (Rozo
Bernal, 2000).
Illustration 2 : principales branches pour les IED
dans le District Fédéral 1994–2002
Principales branches pour la IED dans le District Fédéral 1994-2002
(pourcentage par rapport au total dans le district fédéral)
40.00%
Institutions de crédit, bancaires et auxilières de crédit
36.45%
Commerce de produits non alimentaires en gros
35.00%
Automotrice
Commerce de produits alimentaires en détail
30.00%
Boissons
25.00%
Services professionels, téchniques et spécialisés
Substance et produits chimiques
20.00%
Communications
15.00%
10.00%
7.35%
7.11%
5.99%
3.82%
5.00%
3.68%
3.51%
2.46%
0.00%
1
Source : élaboration propre avec base de données du Secrétariat de l’économie.
2.1. Les services financiers
La tendance à la spécialisation des IED dans les services financiers dans le
District Fédéral est due à l’arrivée de nouveaux concurrents et à l’achat des principales banques nationales par des investisseurs étrangers (Tableau 2), grâce
aux opportunités de rentabilité qu’offre la situation des pays émergents dont la
138
Rapport INRETS n° 277
Les investissements étrangers directs dans le secteur des services à Mexico
principale caractéristique est la carence d’économie interne et sa forte dépendance à l’économie externe. Cela permet d’offrir de meilleurs taux d’intérêt et un
fort développement du marché financier en direction des marchés du capital via
les instruments financiers.
Tableau 2 : fusions et acquisitions de banques dans le DF
Investisseur
Pays
Acquisition–
Montant
Année
étranger
d’origine
fusion
( $ Us mill.)
Bital
HSBC
Angleterre
Acquisition
2002
1 140
Banamex
Citigroup
États-Unis
Acquisition
2001
1 250
Inverlat
Scotiabank
Canada
Fusion
2001
ND
Serfin
Santander
Espagne
Acquisition
2000
ND
Bancomer
BBVA
Espagne
Acquisition
2000
ND
Source : www.terra.com.mx/noticias/nota/200//0723 et www.mtf.news.yahoo.com
Banque
Vers le milieu des années 1990, quelques fusions et acquisitions de banques
avaient déjà été menées dans le but de diminuer les effets de la crise de 1995.
Banco Mexicano fût acquise par le groupe espagnol Santander, Mercantil Probursa,
par la banque espagnol BBV et Banca Confia par City Bank. Cependant, le plus
fort était à venir, puisque durant les deux dernières années, il s’est produit un
authentique « ouragan » d’investissements dans le système financier mexicain :
BBVA a acquis à la fin de juin les 2 % qui lui manquaient pour avoir la majorité
absolue des actions du Groupe Financier Banco Bilbao Vizcaya Bancomer.
Banco Santander de son côté a acheté, en 2000, le Groupe Financier Serfin.
De la même façon, la banque canadienne Scotiabank a pris une participation
importante dans Inverlat et la banque hollandaise ING a acquis Seguros Comercial
America, la plus grande société d’assurance du pays. En 2001, Citybank a acquis
la plus grande banque mexicaine, Banamex, pour 12 500 millions de dollars.
Ce qui fait qu’automatiquement les IED ont augmenté en 2001, même quand
les flux d’investissement se sont réduits au niveau mondial, suite à la récession
américaine.
Enfin, en août 2002, avec l’achat de la banque mexicaine Bital par Hong Kong
Shangai Banking Corporation (HSBC) pour 1 140 millions de dollars, quatre des
cinq plus grandes sociétés financières mexicaines sont entre les mains d’investisseurs étrangers. De plus, 50 % des actifs du système financier mexicain est négocié par des banques européennes, et il n’y a plus maintenant que deux sociétés
financières importantes à capital mexicain : Banorte, qui continue d’être à capital
cent pour cent mexicain et Inbursa en fusion avec Scotiabank, qui possède 55 %
des actions et dont la dénomination sociale est Scotiabank Inverlat S.A.35.
35 Scotiabank
possède aussi une grande partie des actions du groupe financier Inverlat en maison de
bourse et maison d’échange, dénommées : Scotia Inverlat maison de bourse et Scotia Inverlat maison
de change. www.Inverlat .com.
Rapport INRETS n° 277
139
Les formes de la métropolisation
Illustration 3 : IED dans
les services
financiers
dans le District Fédéral
IED dans
les services
financiers
78.68%
80.00%
70.00%
Serv d’Inst de crédit, Bancaires et Aux de
Crédit
Serv d’Inst Financières et marché de valeur
Serv d’Inst d’assurances et garanties
60.00%
50.00%
40.00%
30.00%
9.17%
7.22%
20.00%
10.00%
0.00%
Source : www.economia.gob.mx.
L’achat de banques a été l’élément principal des flux d’investissement dans le
marché financier, suivi des services des institutions financières et du marché des
valeurs. La tendance globale et locale a été celle d’une plus grande spécialisation
de ce marché, sous la houlette des États-Unis. Le dynamisme de ce secteur au
Mexique demeure subordonné autant dans son organisation que dans sa structure au processus même de globalisation. Ainsi, l’établissement tant des banques
que des institutions de valeurs se trouve concentré dans la zone d’interconnexion
globale du District Fédéral, qui se limite aux délégations de Cuauhtémoc, Miguel
Hidalgo, Alvaro Obregón et Benito Juárez (Illustration 1).
Cependant, l’interconnexion globale du marché financier est surtout dirigée
vers le marché nord-américain, celui-là même qui concentre à peu près 85 % de
l’investissement dans ce secteur durant la période 1994–2002 ; en outre des 750
entreprises de services financiers qui existent dans le District Fédéral, près de
90 % appartiennent aux États-Unis. L’intérêt principal d’investir dans le secteur
financier réside dans les différentiels de taux d’intérêt que le pays a maintenu, afin
d’attirer des capitaux, face à la carence de l’économie interne. Garantir la stabilité
du taux de change devait maintenir la confiance des investisseurs étrangers dans
le marché financier. La qualification des entreprises, comme Standard et Poors, a
réduit le risque d’investir au Mexique, et cela a à son tour concerné aussi bien les
IED que le marché de valeurs. La Ville de Mexico est le nœud central pour les services financiers, mais aussi le lieu où se trouvent notamment les infrastructures
de télécommunications qui facilitent la globalisation de ces marchés. D’où l’intérêt
des banques espagnoles de réaliser des fusions et acquisitions dans la Ville de
México afin de connecter ses services avec le marché espagnol des États-Unis
où ils ont prévu d’étendre leur présence36.
36 Près
de 60 % des hispanos qui résident aux États-Unis sont d’origine mexicaine et ont une haute
pénétration dans les populations des états de la région ouest américaine (Arizona, Nuevo Mexico et
California).
140
Rapport INRETS n° 277
Les investissements étrangers directs dans le secteur des services à Mexico
2.2. Le commerce
L’autre sous-secteur des services, qui est devenu dynamique, est le commerce (commerce en gros de produits non alimentaires et commerce en détail de
produits alimentaires, Tableau 1). Il concentre le PIB et l’emploi, tout comme les
services financiers.
Ce secteur concentre près de 35 % du total des entreprises de IED qui existent
dans la Ville de Mexico. Le dynamisme de ce sous-secteur, tout comme le secteur financier, trouve son explication dans l’entrée en vigueur de l’ALENA. Grâce
à la réduction et la libéralisation des tarifs douaniers, beaucoup de produits ont
rencontré une forte demande sur le marché mexicain. Dans ce secteur, un plus
grand dynamisme du processus d’interconnexion entre le global et le local a été
observé, puisqu’il y a une plus grande expansion des ventes des entreprises vers
d’autres villes du pays. Cette même expansion a été possible à partir de la stratégie des entreprises qui en s’alliant avec les grandes chaînes de commerce nationales ont pu profiter de toutes les infrastructures créées (entreprises de transport
et de distribution).
Les principales entreprises qui ont dynamisé ce sous-secteur sont : Grupo
Corvi, entreprise alimentaire ayant un vaste réseau de distribution avec à peu près
15 sociétés dans le pays. L’entreprise Nadro et Grupo Casa Autrey, distributeurs
de produits pharmaceutiques et qui sont parmi les 50 premières grandes entreprises de la revue Expansion durant l’année 2001. On peut aussi souligner que pour
le niveau des ventes, les entreprises Arabela Holding, Pargo, Maquinaria IGSA
et Automotriz Meta, toutes de grandes entreprises de commerce de Mexico37 se
détachent.
2.3. Les services aux entreprises
Parmi les services aux entreprises, assurés par des entreprises étrangères
pour les producteurs nationaux, se trouvent les services d’études, les services
financiers, la publicité et l’organisation de l’entreprise. Les demandes d’intégration
du pays au processus de globalisation ont produit un vaste réseau de services
afin de s’adapter à la demande internationale et aux nouvelles formes d’organisation de l’entreprise, ce qui impliquait un changement dans la culture patronale et de nouvelles manières de comprendre la qualité au niveau international.
L’adaptation aux normes de qualité internationales et les nouvelles formes d’organisation de la production ont attiré une grande quantité d’entreprises tant pour
adapter les normes que pour étudier (étude patronale) la capacité d’accommodation aux modèles de production flexible, d’amélioration continue et de « juste à
temps ». Cela a marqué le début d’une forte entrée d’entreprises d’études et de
conseil tant pour la production que pour le commerce international. En 1994, les
normes de qualité internationale ISO ont été établies, ce qui fût la cause et l’effet
de l’attraction d’entreprises d’études, dont l’objectif principal est de préparer les
entreprises du point de vue de la production et des services pour une plus grande
interconnexion globale.
37 Revue
Expansion, « Les 500 plus importantes entreprises à Mexico », années 2000–2002 (juillet).
Rapport INRETS n° 277
141
Les formes de la métropolisation
2.4. Les télécommunications
Après la privatisation de TELMEX en 1990, on a observé une croissance du
sous-secteur. Cependant, on a maintenu des niveaux de protection face aux
investisseurs étrangers, et son ouverture a été graduelle et sélective, situation
qui lui a ôté tout dynamisme et maintenu des prix élevés pour beaucoup des
services, comme la téléphonie, la téléphonie cellulaire, la télévision par câble
et l’internet. Néanmoins, c’est l’un des plus modernes en Amérique Latine. Le
niveau de protection du sous-secteur fait que la participation des IED est réduite,
puisqu’il représente à peine 2,5 % du total dans la Ville de Mexico. L’entrée d’entreprises comme Southwestern Bell et France Telecom dans ce secteur a permis
la connexion avec le réseau de télécommunications des États-Unis, l’expansion
des services traditionnels de télécommunications et l’accès massif à l’Internet
(Parnreiter, 2000).
Ainsi, depuis la privatisation et l’ouverture du secteur, Mexico s’est intégré de
manière rapide au réseau global de télécommunications avec une haute concentration dans la Ville de Mexico où se trouve le nœud central de la communication
moderne, qui connecte les autres régions du pays (Parnreiter, 2000). En plus de
cette inégalité régionale, on observe que dans le secteur des technologies de l’information, il existe une plus grande inégalité au niveau urbain où les délégations
Cauhtémoc, Miguel Hidalgo, Alvaro Obregón, Benito Juárez et Coyoacan (cf.
Illustration 1) concentrent les principales entreprises avec à IED dans ce sous-secteur : Satélites Méxicanos, Corporación Nacional de Radiodeterminación, América
Móvil et Movistar, toutes en co-investissement avec du capital américain.
Conclusion
Le caractère de grande métropole de la Ville de Mexico se reflète dans la
tendance à la spécialisation dans le secteur des services. Pour cela, on peut
dire qu’on se retrouve avec une tendance à une nouvelle division du travail au
niveau national dans laquelle la Ville de Mexico se spécialise dans le secteur des
services et les régions Centre et Nord dans le secteur industriel, bien que cette
dernière région soit une « maquiladora ».
Les services que les IED génèrent se trouvent beaucoup plus concentrés que
les services dans les entreprises nationales, puisque ce sont les entreprises prêteuses de services étrangers qui déterminent le processus et les formes d’intégration. Ainsi, dans la pratique, les entreprises transnationales ne les intéressent
pas, ni tous les espaces, ni tous les secteurs de la production. Dans le cas des
services, elles se situent dans les régions et secteurs qui ont une capacité d’interconnexion et qui sont passés par un processus d’adaptation tant en infrastructure
qu’en normativité, ce qui implique ouverture et libéralisation des secteurs. Ainsi,
coexistent dans la même Ville de Mexico des espaces régionaux incorporés au
processus de globalisation et d’autres qui restent en marge de ce processus.
Les délégations Cuauhtemoc, Miguel Hidalgo, Alvaro Obregón, Benito Juárez et
Coyoacan, sont des délégations surtout intégrées.
142
Rapport INRETS n° 277
Les investissements étrangers directs dans le secteur des services à Mexico
Au niveau local, le processus de globalisation a généré des gagnants et des
perdants. Les secteurs les plus intégrés gagnent. Ce sont ceux qui servent de
point d’interconnexion entre le global et le local.
De la même façon, la Ville de Mexico marque une tendance à la transformation d’une grande métropole en une ville globale, bien que ceci soit plus une
réflexion qu’une conclusion. Néanmoins son niveau dans le système hiérarchique
complexe de la globalisation est celui d’une dépendance face aux villes globales
des pays industrialisés. Cela est dû au fait que Mexico est un lieu clef pour le
fonctionnement de l’ALENA et la globalisation, mais manque de pouvoir quant à la
redéfinition de ce processus, qui reste subordonné aux décisions des États-Unis,
tant dans sa politique économique que dans ses formes d’intégration.
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Rapport INRETS n° 277
143
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Revista Expansión. « Las 500 empresas más importantes de México », años
2000–2002 (julio), Secretaria de Economía, Dirección General de
Inversión Extranjera Directa, varios años INEGI, estadísticas de conyuntura, www.inegi.gob.mx.
144
Rapport INRETS n° 277
Partie 3
Métropolisation et
ségrégation spatiale
Rapport INRETS n° 277
145
Dynamique locale et processus
d’expansion de la région
métropolitaine de Mexico
Enrique Contreras Montiel
La ville de Mexico, située dans la Vallée du Mexique, exerce un rayonnement
économique à la fois sur les villes et communes rurales de la Vallée, mais aussi
au-delà, formant ainsi avec son aire d’attraction une véritable mégapole. Dans
cette communication, on s’intéressera à deux régions de la Vallée du Mexique
localisées dans l’État de Hidalgo dont le dynamisme est impulsé par la capitale.
1. Rappel historique
Les régions analysées ici se situent au voisinage de La Vallée du Mexique,
mais elles se sont constituées essentiellement à partir de centres de peuplement
précolombiens. La Vallée du Mexique a connu la plus forte concentration de population du Haut Plateau. Selon plusieurs chercheurs, cette concentration aurait été
l’une des plus élevées du monde à l’époque38. Le système d’organisation et de
division territoriale s’est établi à l’origine sur la base de communautés constituées
autour d’une personnalité forte, connue actuellement sous le titre de « cacique »,
sorte de seigneur féodal. L’invasion des Européens s’est établie à partir de cette
structure avec deux particularités : la caste des prêtres a été radicalement éliminée ; à certains égards, les pratiques religieuses ont subsisté surtout à travers
l’organisation sociale, les méthodes, les modalités et les formes d’organisation
pour la production, la distribution et la solidarité sociale. La vice-royauté s’est
établie de fait sur cette structure en changeant plus le nom que la forme des rapports de pouvoir. La fusion des aristocraties et des formes d’organisation initiales
diluèrent peu à peu l’organisation indigène. Le tribut, la transmission de la propriété, les moyens d’organisation de la production indigène survécurent et, dans
quelques cas, continuent à subsister de nos jours.
38 Charles
Gibson, chercheur, spécialiste de l’histoire du Mexique a souligné la référence à la Vallée
de Mexico : « Nous pouvons estimer la population indigène à 1 500 000 habitants en 1519, une
brusque réduction ensuite avec approximativement 70 000 dans le courant du xviie siècle, puis une
croissance à nouveau avec une estimation de 275 000 personnes à la fin de la période coloniale »
(Gibson, 1967 : 9).
Rapport INRETS n° 277
147
Les formes de la métropolisation
Ce rappel n’est pas inutile, car de nombreuses pratiques sociales, politiques et
religieuses actuelles sont d’origine indigène.
2. Économie et population traditionnelles
L’État de Hidalgo est dans une région à forte composante de population traditionnelle. À l’heure actuelle, dans des villes, même les plus importantes, la population indigène est majoritaire. Ni la géographie difficile ni même la culture n’ont
empêché que les zones de peuplement traditionnel voient leurs vies bouleversées par la formation de grandes agglomérations et par le développement des
marchés modernes qui les accompagnent. Toutefois, le fait culturel est enraciné
dans certains traits du comportement des consommateurs et des producteurs que
l’on pourrait qualifier de traditionnels.
La présence d’une importante population indigène dans l’État de Hidalgo est
sans doute une explication des raisons pour lesquelles la population de cet État
augmente de manière erratique et à un rythme inférieur à celui de l’ensemble
du Mexique. La population de langue indigène est passée de 327 990 habitants
en 1995 à 339 866 en 2000, soit un taux de croissance inférieur à 1 % (INEGI,
1991, 2001). Cela s’explique par le fait qu’entre ces deux dates les villes à population indigène majoritaire ont connu le plus fort taux d’émigration de l’État de
Hidalgo.
Les recensements de population au Mexique assimilent les populations indigènes à celles qui parlent effectivement une langue indigène. Cette définition
restrictive explique que la population indigène de Hidalgo représente seulement
17,2 % de la population totale.
Les cultures indigènes comportent deux caractéristiques qu’il convient de souligner. D’un côté, une tendance à s’établir ou se constituer en petits groupes,
essentiellement familiaux au sens traditionnel du Mexique. D’un autre côté, les
indigènes essaient de maintenir les liens familiaux et culturels, raisons pour lesquelles ils tendent à se regrouper dans certaines aires géographiques, principalement dans les régions refuge, au sens où l’entend l’anthropologue G. Aguirre
Beltran (1991). Ces deux caractéristiques transparaissent à travers les résultats
du dernier recensement. La population indigène est concentrée dans 28 des 84
municipalités de la Fédération du Mexique où elle représente 30 % au moins de
la population totale. Cette population indigène urbaine regroupe 57,8 % de la
population indigène de l’État.
Dans les municipalités indigènes, la population vit dispersée entre de petites
localités, en marge de l’économie de marché dans la grande majorité des cas.
L’autoconsommation est dominante, la monoculture est la règle, les petites entreprises et les exploitations sont familiales, mais certains secteurs de l’économie
indigène établissent, même d’une façon marginale, des liens avec les grands
marchés.
La dispersion de la population entre de petites localités dans des régions rurales d’accès difficile rend peu aisée la mise en place de services publics de base
148
Rapport INRETS n° 277
Dynamique locale et processus d’expansion de la région métropolitaine de Mexico
pour ces habitants. Au Mexique, on utilise des indices de « marginalité » pour
identifier le retard et la pauvreté de la population. Sur cette base, on observe que
la grande majorité des municipalités indigènes de l’État de Hidalgo figure dans la
catégorie de forte ou de très forte marginalité, ce qui est le cas des 4/5 des 28
municipalités indigènes.
Identifier la population indigène, sur la base des personnes qui parlent une
langue traditionnelle, ne suffit pas à saisir toutes les dimensions de la situation
et ses implications. Les cultures indigènes sont non seulement une langue, mais
aussi une culture, une manière de produire et distribuer de la richesse et des
revenus au sein de la communauté, associée à des rituels mythiques religieux.
Ainsi, si les pratiques agricoles traditionnelles sont un élément d’identité socioculturelle, malgré l’abandon de la pratique d’une langue, on peut dire qu’au moins
50 % de la population du territoire conservent des liens importants avec les pratiques culturelles indigènes.
Cette analyse ne prétend pas introduire une vision anthropologique des cultures traditionnelles, mais plutôt mettre l’accent sur l’origine de la rigidité ou de l’inélasticité prix et revenu de la demande de maïs et de ses dérivés ainsi que d’autres
produits, la rigidité et la fixité du marché de la main-d’œuvre, de même que les
fractures régionales dans l’économie et la société à travers le déplacement de la
main-d’œuvre.
L’inélasticité sur les marchés locaux a de fortes répercussions sur les structures du marché à l’échelle régionale et même des grands marchés du pays. Il est
courant de trouver des marchés de concurrence imparfaite, oligopolistiques et
monopolistiques dans tout le pays. Cette tendance se renforce avec la taille croissante des marchés et le pouvoir d’achat de la population, ce qui laisse peu de
place à la concurrence parfaite pour l’offre et la demande de nombreux produits
et services indispensables.
3. Méthodologie
La première étape a consisté en l’analyse des 84 municipalités de l’État de
Hidalgo, afin de repérer celles qui concentrent et apportent le plus fort dynamisme
économique et démographique à l’État. Les premiers critères de la sélection
furent les plus forts taux de croissance tant de concentration économique que de
population municipale. Ainsi, 26 des municipalités concentrent plus de 90 % de
l’activité économique. L’étape suivante a été celle de l’analyse des dynamiques
internes de ces régions. Pour y parvenir, on a mené une analyse détaillée des
données de recensements économiques, en retenant les variables suivantes :
le nombre d’établissements, la population employée, les revenus, les actifs fixes
nets, la production brute totale, la valeur ajoutée brute. Les secteurs analysés
ont été les suivants : mines et extraction pétrolière, industries manufacturières,
construction, commerce, transports et communications, services du secteur privé
à l’exclusion des services financiers. On ne s’intéressera ici qu’aux résultats du
secteur industriel.
Rapport INRETS n° 277
149
Les formes de la métropolisation
L’analyse a été menée jusqu’au niveau de la branche d’activité, et l’objectif
premier fut de dégager le profil de l’industrie qui apporte le plus grand dynamisme
à l’ensemble des activités économiques d’une région et qui est à la base de la formation de pôles autour desquels se constituent les régions ou les sous-régions.
Pour déterminer le profil des unités économiques et leur capacité à transmettre leur dynamisme à d’autres secteurs de l’économie régionale, on a élaboré un
indicateur d’efficacité économique à partir des variables suivantes :
–– (PO/UE) emplois/unités économiques, indicateur indirect de la taille des
établissements ;
–– (REM/PO) : rémunérations/population employée, exprimant le niveau
des revenus de la population occupée et de la répartition des revenus
dans la région ;
–– (VACB/PO) : valeur ajoutée brute/population employée, indicateur de la
productivité du travail ;
–– (VACB/UE) : valeur ajoutée brute/unités économiques. Bien que cela
ne soit pas très exact, on a un indicateur indirect de la productivité du
capital et de l’utilisation des technologies.
La microéconomie fait référence aux acteurs de base de l’activité économique,
que sont les entreprises et les consommateurs individuels. S’agissant des
entreprises, elles recourent à des méthodes de production, c’est-à-dire à des
combinaisons de facteurs de production spécifiques et elles utilisent des intrants
(consommations intermédiaires). Les méthodes de production reposent sur
une fonction de production, concept qui fait référence à « un rapport purement
technique qui relie les intrants et le volume » de production (Koutzoyiannis,
1985 : 79).
La discussion sur les caractéristiques de la fonction de la production et de
son rôle dans le progrès technique est très vaste (Ferguso, 1985). Dans ce chapitre, on ne cherchera pas à entrer dans le débat et, à vrai dire, on aurait une
approche considérée comme trop pointue pour interpréter les résultats de l’expérience empirique. Cette démarche est proche de celle de Krugman selon lequel
(Krugman, 1994 : 230) :
« Le grand économiste anglais du début du siècle, Alfred Marshall, a déjà
signalé que de nombreuses industries de son pays étaient concentrées dans certains districts industriels (...) Marshall en a donné une explication encore classique pour sa clarté :
–– En premier lieu, la concentration d'entreprises par type d’activité dans la
même région offre un vaste marché de l’emploi aux personnes qualifiées
et spécialisées. Ce qui signifie que ces travailleurs sont assurés, dans une
certaine mesure, contre le chômage, et dans le même temps, les entreprises sont assurées, dans une certaine mesure, contre la pénurie de la maind'œuvre(…).
–– En second lieu, une concentration spatiale d’activités industrielles permet la
présence et le maintien de services spécialisés nécessaires (...) ;
150
Rapport INRETS n° 277
Dynamique locale et processus d’expansion de la région métropolitaine de Mexico
–– Enfin, une concentration d’entreprises favorise l'échange d'information et,
par là même le progrès technologique (…) ».39
Ces aspects remettent en question les hypothèses de base de la concurrence parfaite sur lesquelles repose la fonction de la production. Ils montrent que
d’autres facteurs, comme les externalités, les économies d’échelle et le progrès
technique, les structures de marché monopolistiques et de concurrence imparfaite, contribuent à l’agglomération des entreprises industrielles.
Comme on pourrait le supposer, les variables utilisées ici ont une double fonction : d’un côté, identifier les concentrations industrielles et de main-d’œuvre, et
de l’autre, permettre d’expliciter les avantages comparatifs, que ce soit en matière
de technologie, de main-d’œuvre ou de spécialisation.
Toutefois, l’offre de biens et de services, y compris le marché du travail, ne
correspond pas à une décision unilatérale, mais résulte de la confrontation entre
l’offre et la demande. Les consommateurs sont présents à travers les caractéristiques et le volume de l’offre.
Selon cette analyse, deux régions entretiennent un lien étroit avec la dynamique de la ZMCM, comme un grand marché auquel s’approvisionnent les
entreprises, raison pour laquelle cette analyse a été centrée sur deux régions :
Pachuca-Tizayuca et Tula-Tepeji del Río.
On trouve une démarcation forte entre les municipalités traditionnelles, fondamentalement indigènes, et celles qui abritent l’industrie manufacturière ayant le
plus grand dynamisme, la productivité la plus élevée de l’État de Hidalgo, et qui
font appel aux technologies modernes. Ces dernières subissent directement l’influence de Mexico. Cette démarcation est une fracture qui conduit à une marginalisation pas uniquement régionale, mais aussi à une fracture au sein de la société,
qui a ses racines dans la marginalité des méthodes productives traditionnelles et
avec elles de la population qui en vit.
4. Économie, traditions et régions dans l’État de Hidalgo
Au sein de l’État d’Hidalgo, on observe deux modèles distincts de concentration économique avec des entreprises très dynamiques, accompagnant l’urbanisation. Les deux régions Pachuca-Tizayuca et Tula-Tepeji sont favorisées par
le relief et encore plus par les voies de communication qui les traversent et se
dirigent vers d’autres régions du nord industriel et commercial de la nation et vers
le pays voisin, les États-Unis.
39 Du même auteur, sur le même sujet, on peut se référer à Géographie et faire du commerce (1992 : 10)
on lit que : « la négligence des questions spatiales dans l’économie provient, en majeure partie, d’un tel
fait simple : la façon dont on conçoit la structure du marché. Essentiellement, pour dire quelque chose
d’utile ou d’intéressant sur la localisation de l’activité économique dans l’espace, il est nécessaire de
dépasser les approches basées sur les rendements d’échelle constants et sur la concurrence parfaite ;
approche qui domine encore l’analyse économique. Tant que les économistes ont manqué d’outils
analytiques pour une pensée économique rigoureuse sur les rendements croissants et la compétition
imparfaite, l’étude de la géographie économique a été condamnée à rester isolée et exclue ».
Rapport INRETS n° 277
151
Les formes de la métropolisation
Tableau 1 : le poids économique des régions Pachuca-Tizayuca et
Tula-Tepeji en 1998
En pourcentage
UE
PO
REM
AFN
FBCF
Région Pachuca-Tizayuca
27,7
33,7
30,6
10,8
1,9
Région Tula-Tepeji
16,5
22,9
38,4
62,6
89,7
Reste de l’État d’Hidalgo
55,8
43,4
31,0
26,6
8,4
Total
100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
Source : données du recensement économique 1998, INEGI, Mexique, 2001.
PBT
16,9
56,3
26,8
100,0
VACB
21,2
36,0
42,8
100,0
Les deux régions sont caractérisées par une tension entre économies traditionnelle et moderne. On peut parler de régions en transition, avec une trajectoire qui les rattache au bout d’une trentaine d’années à l’aire urbaine de la
ZMCM. Aujourd’hui, ce sont de minuscules satellites de la mégapole à l’intérieur
desquels se localisent des entreprises travaillant pour le grand marché urbain.
Les capacités de production des deux régions excédent les capacités d’absorption de leur demande locale. Elles participent à plus de 70 % au produit brut
de l’État. Près de la moitié des entreprises et de la population employée de l’État
se trouvent dans ces deux régions. Elles représentent près de 70 % de la masse
salariale distribuée dans l’État, ce qui signifie que la population ayant un emploi a
un revenu moyen supérieur au revenu moyen de l’État. De plus, les projets d’investissements se concentrent fortement dans ces deux régions et principalement
dans celle de Tula-Tepeji del Río.
Conséquence d’un « effet » statistique, et bien que beaucoup de valeurs se
situent au-dessus de la moyenne, les données ne permettent pas d’apprécier l’importance des grosses entreprises dynamiques en raison du grand nombre de petites entreprises en place, principalement dans la région de Pachuca-Tizayuca.
Tableau 2 : indices de productivité de l’activité économique dans les
régions Pachuca-Tizayuca et Tula-Tepeji en 1998
En pourcentage
PO/UE
REM/PO
VACB/PO
État d’Hidalgo
3,7
21,4
79,1
Région Pachuca-Tizayuca
4,5
19, 4
49,7
Région Tula-Tepeji
5,1
35,9
124,4
Moyenne des deux régions
4,7
26,1
79,9
Source : données du recensement économique 1998, INEGI, Mexique, 2001.
VAC/UE
289,6
221,4
632,8
374,8
Les indices de productivité confirment le fait que les capacités productives
des entreprises et du travail sont plus élevées dans ces deux régions que dans
l’ensemble de l’État.
5. La région de Pachuca-Tizayuca
C’est dans la région de Pachuca-Tizayuca que se trouvent les pouvoirs politiques de l’État. La capitale de l’État de Hidalo concentre la majeure partie de
152
Rapport INRETS n° 277
Dynamique locale et processus d’expansion de la région métropolitaine de Mexico
l’activité économique et de la population. C’est le centre politique et commercial.
Ne détenant pas de manière patente une industrie si efficiente, elle partage son
caractère de pôle avec Tizayuca, laquelle doit sa qualité de pôle à sa proximité
et à son ancrage avec la Ville de Mexico. Cette position stratégique a fait de
Tizayuca un pôle d’attraction pour les entreprises.
5.1. Concentration
Le gros de l’activité économique se concentre à Pachuca. Bien que la différence de taille de population entre Pachuca et Tizayuca, soit d’un à six environ,
et d’un à trois pour le nombre d’entreprises, il n’en demeure pas moins que la
population employée et les salaires sont supérieurs à Tizayuca. Cela conduit à
considérer aujourd’hui l’existence de grands écarts entre les régions sur le plan
du nombre d’entreprises et du personnel employé : Tizayuca a des établissements de plus grande taille, avec des technologies supérieures et avec une maind’œuvre beaucoup plus qualifiée, étant entendu que le niveau des rémunérations
est en corrélation directe avec la qualification du travail.
Minéral de la Réforma, au moins dans sa partie urbaine, est une partie de la
région métropolitaine de la Ville de Pachuca. Dans cette municipalité, la localité
la plus peuplée est Pachuquilla. Comme son nom l’indique, Pachuquilla est la
petite Pachuca, et toutes les deux coexistent au sein du même espace. Cela ne
concerne pas que la population, puisqu’à Pachuquilla, on trouve d’importantes
activités économiques qui tendent à se localiser dans les zones périphériques,
en marge de la ville.
Tolcayuca et Zapotlán de Juárez ont été considérées comme rattachées à la
région en raison de la forte croissance de leur population. De plus, elles accueillent
de nouvelles entreprises dont les caractéristiques diffèrent du profil traditionnel de
la population native. Ces caractéristiques de la population et leur nouveau profil
économique sont le résultat de la formation d’un marché de la main-d’œuvre,
d’une association des grandes entreprises à la recherche de la force de travail.
5.2. Efficacité
En matière d’efficacité productive, dans la région étudiée, tous les indices sont
inférieurs à la moyenne de l’État, à l’exception de la taille des entreprises représentée par le ratio population employée/effectifs des entreprises. La vision précédente change quand on entre dans le détail, au niveau de chaque municipalité.
La conjoncture à la baisse affecte les municipalités de Tolcayuca, Zapotlán de
Juárez et Pachuca. Ainsi, Pachuca a pratiquement tous ses indices d’efficacité
inférieurs à la moyenne de ceux de l’État. Les municipalités ayant des indices
d’efficacité supérieurs à la moyenne sont Minéral de la Réforme et Tizayuca, alors
que Tolcayuca a un indice supérieur seulement pour la productivité des entreprises, représentée par le rapport VACB/effectifs des entreprises.
Ces résultats tendent à montrer que les entreprises nouvelles et modernes
cherchent à se localiser à la marge des conurbations, et c’est le cas de Pachuca,
avec la conurbation de Minéral de la Réforma. Ce même phénomène affecte particulièrement Tizayuca, du fait de sa localisation par rapport à la ZMCM. Dans les
Rapport INRETS n° 277
153
Les formes de la métropolisation
deux cas, les municipalités doivent leur dynamisme économique aux avantages
que leur procure leur localisation à proximité de la ZMVM, comme à un niveau
plus local, à la proximité à la conurbation de Pachuca.
5.3. Spécialisation
On a déjà mentionné que l’augmentation de la population à Minéral de la
Reforma rentre dans le processus d’expansion de la ville de Pachuca. Néanmoins,
différencier ces deux zones comme deux entités politiques différentes permet
d’accentuer quelques traits de la croissance urbaine de la région. Près de la moitié des entreprises et plus de la moitié de la population employée ont un profil
d’économie traditionnelle pour ce contexte régional. Cela concerne aussi bien
les rémunérations, que les caractéristiques de la production et la valeur ajoutée.
Mais, on peut observer que le développement des activités modernes au sein
d’une même ville tend à se faire à sa périphérie.
Mineral de la Reforma a des valeurs moyennes de productivité supérieures
à celles de Pachuca, basées sur l’établissement de la population et des nouvelles entreprises en périphérie de Pachuca. Les plus forts taux de croissance de
la population comme des branches les plus modernes, pour le contexte local,
comme les branches 3130, industrie des boissons, et 3220, fabrication de vêtements, se trouvent en périphérie de la ville. Même le type d’emploi généré là est
au-dessus des moyennes qui prédominent dans la ville. C’est le cas de la productivité et dans quelques cas des rémunérations moyennes.
Bien que Pachuca bénéficie d’une forte concentration d’industries, ses indices
de spécialisation sont en réalité relativement faibles, inférieurs à la moyenne de
l’État, pour une grande partie de ses activités. Par contre, Minéral de la Reforma,
partie de la zone conurbée de Pachuca, offre un paysage manufacturier ayant de
meilleurs indices, lesquels sont accompagnés de forts taux de croissance de la
population.
Tizayuca reproduit également le modèle d’expansion urbaine et de localisation
de branches manufacturières modernes dans la périphérie de la ville, mais, dans
ce cas, dans la périphérie de la ZMCM.
Bien que Tizayuca reproduise le même schéma de développement de branches relativement traditionnelles, comme les branches 3115 (élaboration des
produits de la boulangerie), 3116 (farine de maïs et production de tortillas), elle
présente aussi des branches d’un profil dynamique et de haute productivité, dont
quelques-unes qui appartiennent aux sous-secteurs 35 (substances chimiques,
produits dérivés du pétrole et du charbon en caoutchouc et en plastique) et 38
(produits métalliques, machines et équipements, qui inclut des instruments chirurgicaux et de précision).
La grande majorité des indices d’efficacité de ces branches se trouvent audessus de la moyenne, ce qui les qualifie comme relativement modernes dans le
contexte régional. Il s’agit en particulier des branches 3560 (fabrication de produits plastiques) et 3842 (production et assemblage d’équipements de transport,
sauf automobiles et poids lourds).
154
Rapport INRETS n° 277
Dynamique locale et processus d’expansion de la région métropolitaine de Mexico
Ce profil d’activité manufacturière montre la dualité de l’économie. D’un côté,
il y a un type de demande traditionnelle qui génère une inélasticité entre prix et
demande pour les produits de base, comme ceux des dérivés du maïs et du blé.
De l’autre côté, un processus de modernisation qui, pour le moment, ne correspond pas au profil de la demande locale, mais à celui du grand marché urbain de
la ville de Mexico.
6. La région de Tula-Tepeji
Bien que l’origine de ses populations puisse remonter à l’époque précolombienne, la situation stratégique récente de cette région est due à sa proximité à
des axes de communication, routiers et ferroviaires, qui relient les pôles industriels
et de commerces avec le pays voisin. En d’autres mots, la région est connectée
au monde.
Les municipalités englobées dans la région sont au nombre de huit dont quatre ont un profil de grand dynamisme économique : Atitalaquía, Atotonilco de Tula,
Tepeji del Río et Tula d’Allende. Les autres, Mixquiahuala de Juárez, Tetepango,
Tezontepec de Aldama et Tlaxcoapan, ont un taux élevé de croissance démographique. Parmi les huit, seulement deux d’entre elles ont une fonction de pôle
régional, chacune avec un profil propre : Tula de Allende et Tepeji del Río.
6.1. Concentration
Tula de Allende et Tepeji del Río concentrent la plus grande part de l’activité
économique, notamment pour l’industrie manufacturière, avec presque 50 % des
entreprises, environ 70 % des effectifs employés et 50 % de la masse salariale
de ce secteur.
Le dynamisme de ces deux pôles influe également sur les municipalités voisines. Par exemple, Atitalaquía enregistre une production brute totale de 66,7 %
de la région. Ceci peut être dû à un biais statistique du fait d’un décompte dans
cette ville–gare du fret ferroviaire et routier des autres régions. Néanmoins, il n’en
est pas moins certain que la valeur ajoutée brute de la région est bien supérieure
à celle de l’État.
De plus, cette région a le taux de croissance de la population le plus élevé de
l’État, en adéquation avec le grand dynamisme économique qui la caractérise.
6.2. Efficacité
Les indices de productivité sont pratiquement supérieurs à la moyenne de
l’État dans les quatre municipalités ayant un profil manufacturier. Concernant la
spécificité des profils des deux pôles, Tula de Allende est surtout caractérisé par
le sous-secteur 36 (production de ciment, chaux, plâtre et autres produits à base
de minéraux non métalliques) et une autre activité importante, celle du soussecteur 35 (raffinage du pétrole), présente à Tulla et enregistrée principalement
à Atitalaquía. Par contre, les activités prédominantes à Tepeji del Río sont les
industries textiles du sous-secteur 32 (textiles, vêtements et industrie du cuir).
Rapport INRETS n° 277
155
Les formes de la métropolisation
6.3. Spécialisation
Les deux pôles principaux présentent des cas différents de dynamisme économique et de choix dans les facteurs de production. Dans les cas de Tula et
Atitalaquía, il y a un usage intensif de la technologie de très haute productivité,
combiné à un emploi avec une haute rémunération pour le contexte régional. Cette
combinaison s’entend pour la branche 3530 (raffinage du pétrole). Á Atotonilco de
Tula, la branche prédominante est la 3691 (production de ciment…). Ce pôle est
également caractérisé par une industrie plus productive et un personnel mieux
rémunéré que la moyenne régionale.
Par contre, à Tepeji del Río, la branche qui dénote le plus grand dynamisme
et une spécialisation croissante est la 3212 (fils, tissus…) ainsi que la 3220
(confection de vêtements). Dans ce cas, le chemin suivi par les entreprises a été
celui de l’intensité de la force de travail. En moyenne, ces entreprises emploient
566 personnes pour la branche 3212 et 214 personnes pour la branche 3220.
Les rémunérations moyennes sont entre la moitié et le quart de ce qui se pratique
à Atitalaquía et Tula de Allende.
7. Le marché du travail
L’activité manufacturière la plus intense de l’État de Hidalgo et qui emploie la
majeure partie de la population se développe dans les deux régions décrites dans
ce chapitre.
7.1. Le marché du travail dans la région Pachuca-Tizayuca
L’importance de la région Pachuca-Tizayuca est légèrement diluée dans les
statistiques, à cause du poids de la ville de Pachuca. Dans ce cas, le secteur
dominant est le tertiaire, celui du commerce et des services. Par contre, Tizayuca
a 40 % de sa population occupée dans le secteur secondaire, une proportion plus
grande qu’au niveau de l’ensemble du pays.
Les caractéristiques de la population permettent d’expliquer ce qui se passe
dans la région. Les municipalités de la région montrent des taux de croissance
supérieurs à la moyenne de l’État. Il faut préciser ici que l’État, en plus d’être l’un
des plus pauvres et avec des indices de marginalité les plus hauts du pays, est
le lieu d’une émigration importante. Néanmoins, dans cette région, les données
migratoires sont positives et supérieures à la moyenne de l’État, ce qui la place
parmi les principales régions d’accueil des flux migratoires. De plus, elle a des
taux très élevés de population en provenance d’autres entités de la République.
Tizayuca se détache ainsi, en cela que 50,9 % de ses habitants sont nés ailleurs,
et 16,5 % des cinq ans et plus résidaient dans d’autres États du Mexique en
1995. Ce fait plus l’importance des flux de véhicules qui empruntent l’autoroute
Pachuca–Tizayuca (une des plus circulées du pays) révèlent également qu’une
part importante de la force de travail se déplace quotidiennement pour le travail
dans cette région.
156
Rapport INRETS n° 277
Dynamique locale et processus d’expansion de la région métropolitaine de Mexico
On peut ainsi mettre en évidence un marché local du travail qui est relativement décalé par rapport à la force de travail locale et qui entraîne une localisation résidentielle accrue dans les zones urbaines pour des personnes provenant
d’ailleurs et notamment de la ZMCM.
7.2. Le marché du travail dans la région Tula-Tepeji del Río
Dans cette région, des municipalités ont un profil très traditionnel, avec des
activités exclusivement locales, comme l’agriculture, l’élevage et le commerce de
détail, réalisées au sein d’entreprises familiales. Pour cette raison, les entreprises
de grande taille sont sous-représentées. À l’inverse, pour les municipalités dans
lesquelles prédomine l’activité manufacturière, le secteur primaire est peu présent. Ainsi, à Atotonilco de Tula, par exemple, la part de la population employée
dans les secteurs secondaires et tertiaires est respectivement de 49,5 et 42,2 %.
Pour Tepeji del Río, les chiffres sont encore plus élevés avec 55,9 et 39,9 %
Le taux de croissance de la population était relativement haut dans la première
moitié des années 1990 et est descendu ensuite à 1,3 % dans la seconde moitié. Dans quelques cas, on a pu enregistrer des taux très faibles, voire négatifs.
Ces chiffres contrastent avec ceux relatifs aux migrations, données qui mettent
en évidence des municipalités à forte capacité d’absorption, qui sont celles qui
ont une vocation manufacturière et qui ont été identifiées comme ayant un grand
dynamisme industriel. Les cas les plus flagrants d’accueil de personnes nées
en dehors de l’État sont Atitalaquía, Atotonilco de Tula, Tepeji del Río et Tula
d’Allende.
Ces données permettent également de dresser un profil très intéressant du
marché du travail. Les bas taux de croissance, malgré la forte migration, pourraient n’être que le résultat d’une fuite de la population native.
Conclusion
Les régions de Pachuca-Tizayuca et Tula-Tepeji del Rio sont formées à partir
des petits satellites en orbite autour de la région métropolitaine du Mexico. Dans
ceux-ci se sont installées des entreprises manufacturières neuves et modernes.
La demande à laquelle ces entreprises répondent n’est pas locale, pour la simple
raison qu’elle excède largement les capacités locales d’absorption.
La spécialisation peut être vue à travers la formation de regroupements d’entreprises qui cherchent à améliorer leur rentabilité tout en maîtrisant les coûts.
L’agglomération permet de disposer d’un même marché du travail, de services
de base fournis par le secteur public et de la formation d’un marché de services
professionnels et aux entreprises au sein de l’espace en constitution.
Le dynamisme généré par la ZMCM à ces satellites produit également des
fractures régionales à deux niveaux. Tout d’abord, au niveau régional, du fait d’un
faible accès et de réticences à participer à la dynamique urbaine et à l’adoption
de profils de demande et de production liés à ces espaces métropolitains, des
populations rurales et surtout indigènes restent isolées.
Rapport INRETS n° 277
157
Les formes de la métropolisation
D’un autre côté, aussi longtemps que les producteurs locaux avec un profil
productif (méthodes, organisation, technologies et rentabilité) n’ont pas la capacité de fournir une telle demande si rapide, ils sont remplacés par des entreprises
d’autres régions et même d’autres pays. Les enjeux en termes d’éducation, de
formation d’une main-d’œuvre plus qualifiée, deviennent primordiaux, même si
cela doit prendre plusieurs générations.
La population qui arrive contribue peu à une intégration économique et sociale
plus harmonieuse, du fait d’un mode de vie urbain. Le tissu économique local
traditionnel inadapté à la demande se voit repoussé et condamné à la marginalité
et à l’économie informelle. La fracture sociale est patente.
Bibliographie
G. Aguirre Beltran. Obra antropologica IX, Regiones de Refugio, El desarrollo de
la comunidad y el proceso dominical en mestizoamerica, México, Fondo
de Cultura Economica, 1991.
C.F. Ferguso. Teoría Neoclásica de la Producción y la Distribución, México,Trillas,
1985.
C. Gibson. Los Aztecas Bajo el Dominio Español 1519–1810, México, Siglo
Veintiuno, 1967.
A. Koutzoyiannis. Microeconomía Moderna, Argentina, Amorrourtu Editores,
1985.
P. Krugman. Geografía y comercio, España, Antoni Bosch, editor, 1992.
P. Krugman. Vendiendo prosperidad, España, Editorial Ariel, 1994.
INEGI. XI Censo general de población y vivienda 1990, México, INEGI, 1991.
INEGI. XII Censo general de población y vivienda 2000, México, INEGI, 2001.
INEGI. Censo económico 1998. Hidalgo, México, INEGI, 2001.
158
Rapport INRETS n° 277
La ségrégation spatiale dans
les villes françaises :
le cas de trois agglomérations de
la région Rhône-Alpes
Danièle Bloy
L’objectif de ce chapitre est de déterminer si l’évolution des formes de la croissance urbaine entraîne des organisations différentes de localisation des populations. Peut-on faire émerger « des ségrégations résidentielles » ou des disparités
géographiques à partir de variables de revenus des ménages et de la catégorie socioprofessionnelle des habitants40 ? L’étalement urbain est-il générateur
de ségrégations sociospatiales et quelles sont les déformations constatées sur
une période intercensitaire de dix ans ? Nous essayerons de répondre à travers
des données de revenus et des classifications socioprofessionnelles disponibles
grâce aux deux recensements de la population française de 1990 et de 1999.
1. Le territoire concerné et la méthodologie
Nous avons pris en compte un périmètre qui comprend les trois villes les plus
importantes de la région Rhône-Alpes et les communes qui appartiennent à leur
aire d’influence. Ainsi, avons-nous choisi quatre départements :
––
––
––
––
le département du Rhône, dont le chef-lieu est Lyon ;
le département de l'Isère, dont le chef-lieu est Grenoble ;
le département de la Loire, dont le chef-lieu est Saint-Étienne ;
le département de l'Ain, contiguë du département du Rhône et dont
beaucoup de communes appartiennent à l'aire urbaine41 de Lyon.
Le tableau ci-après montre l’évolution de la population entre 1990 et 1999
dans les trois villes et les départements déjà cités.
40 Cf.
chapitre 1.
urbaine : selon l’Insee, ensemble de communes d’un seul tenant et sans enclave, constitué par
un pôle urbain et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population
résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans les communes attirées par celui-ci.
Unité urbaine : ensemble constitué d’une ou plusieurs communes constituant une continuité du bâti
(pas de coupures de plus de 200 m entre deux constructions) et comptant au moins 2 000 habitants.
41 Aire
Rapport INRETS n° 277
159
Les formes de la métropolisation
Tableau 1 : population en 1990 et 1999
Lyon
Grenoble
Saint-Étienne
Ain
Rhône
Loire
Isère
Superficie (km2)
47,87
18,13
79,07
5 762,44
3 249,12
4 780,99
7 431,44
1990
nombre d'habt.
415 487
150 758
199 396
471 019
1 508 966
746 288
1 016 228
1999
nombre d'habt.
445 452
153 317
180 210
515 270
1 578 869
728 524
1 094 006
Variation
(%)
7,2
1,7
–9,6
9,4
4,6
–2,4
7,7
Lyon, au cours de la décennie 1990–1999, a vu sa population augmenter
contrairement à la période précédente. Le centre a retrouvé son attrait. Grenoble
a également légèrement augmenté. C’est une ville extrêmement dynamique qui
a su développer le tertiaire supérieur. Saint-Étienne, ville industrielle, prospère
dans l’après-guerre, vivait de l’industrie du charbon et de l’industrie textile. Avec
les mines qui ont fermé et l’industrie textile qui a périclité et s’est délocalisée, elle
n’a pas su se diversifier, sa population a baissé de près de 10 % en dix ans.
L’espace, excepté autour des grandes villes, est peu urbanisé. Cet ensemble
comprend 1 556 communes.
Pour caractériser la ségrégation spatiale, trois sortes de variables ont été retenues : des variables liées au revenu, des variables caractérisant la population et
des variables fonction de la catégorie socioprofessionnelle des ménages.
Variables de revenu
–– impôt sur le revenu moyen par ménage (IRMOY90, IRMOY99),
–– revenu net moyen par ménage (RNETMO90, RNETMO99),
–– pourcentage de foyers imposables par rapport au total des foyers de la
commune ( % FOYI90, % FOYI99).
Variables caractérisant la population
–– pourcentage d’actifs occupés par rapport aux actifs totaux ( % ACTOC/
actTot),
–– pourcentage de la population active totale par rapport à la population totale
de la commune (POPactT/popT),
–– pourcentage de retraités par rapport à la population totale (retraites/popT).
Variables caractérisant les professions catégories socioprofessionnelles
des populations au lieu de résidence, selon les définitions de l'Insee :
–– agriculteurs,
–– artisans–commerçants–chefs d’entreprise,
–– cadres–professions artistiques,
–– professions intermédiaires (techniciens, etc.),
160
Rapport INRETS n° 277
La ségrégation spatiale dans les villes françaises : trois agglomérations de Rhône-Alpes
–– employés,
–– ouvriers.
Pour faire ressortir des types de communes homogènes, nous avons utilisé
une méthode classique d’analyse de données : la classification ascendante hiérarchique 42. Cette classification permet de faire émerger des types homogènes
de communes.
2. Une ségrégation affirmée
En 1990 et 1999, la classification a donné des résultats comparables. Nous
avons pu faire ressortir six types de communes.
Type 1 : communes urbaines des classes supérieures
Ce type fait apparaître un « impôt sur le revenu moyen » et un « revenu net
moyen » bien supérieurs à la moyenne, un pourcentage de cadres également
important, un taux d’agriculteurs très faible.
Type 2 : communes urbaines à statut social diversifié
Ce type a la même forme que le précédent, mais avec des taux pour l’impôt
sur le revenu et un pourcentage de cadres beaucoup moins élevés ; le taux d’agriculteurs est également très faible.
Type 3 : communes à dominante agricole
Ce type se caractérise par un impôt sur le revenu et un revenu net moyen
faibles, un taux d’agriculteurs très supérieur à la moyenne. Ces communes se
situent surtout dans la Loire.
Type 4 : communes à environnement rural et à faible statut social
Ces communes se caractérisent par un taux d’agriculteurs et d’artisans supérieur à la moyenne, un faible taux de cadres et un taux de retraités supérieurs à
la moyenne.
Type 5 : communes urbaines à dominante industrielle et faible statut social
Ce type se caractérise par un faible taux d’agriculteurs et des taux supérieurs
pour les employés et les ouvriers avec une inversion des proportions entre 1990
et 1999. En 1990, le taux d’ouvriers était plus important que celui des employés.
Type 6 : communes à profil moyen
En 1990, ce type connaissait un taux plus faible d’agriculteurs qu’en 1999 ;
tous les autres taux sont très proches (en plus ou en moins) du taux moyen.
42 On
trouvera une explication succincte de la classification ascendante hiérarchique en annexe.
Rapport INRETS n° 277
161
Les formes de la métropolisation
2.1. Évolution des communes entre 1990 et 1999
Au cours de la décennie 1990–1999, comment les communes ont-elles évoluées par rapport aux différentes caractéristiques que nous avons préalablement
définies ? Le Tableau 1 croise les classifications des communes en 1990 et
1999.
Tableau 1 : les types de communes selon leur niveau de revenu et
caractéristiques de population en 1990 et 1999
Classification 1999
Classification 1990
Type 1
Type 2
Type 3
Type 4
Type 5
Type 6
Communes urb. résid. des
classes sociales supérieures
Communes urb. à statut
diversifié
Communes à dominante
agricole et faibles revenus
Communes à environnement
rural et faibles revenus
Communes urb. à dominante
indus. et faible statut social
Communes à profil moyen
Type 1 Type 2 Type 3 Type 4 Type 5 Type 6 Inc Total
30
71
30
166
1
2
2
28
37
Inconnu
Total
106
231
83
1
11
1
333
13
46
3
27
217
71
29
153
500
35
2
45
82
164
251
7
47
77
1
6
5
3
600
133
140
343
2
92
1
422
3
1 556
15
L’évolution de la typologie entre 1990 et 1999 permet tout d’abord de révéler
un renforcement du type de communes les mieux dotées. Ainsi, toutes les communes du type 1 de 1990 (qui regroupe les communes urbaines résidentielles des
classes sociales supérieures) se retrouvent dans le même type en 1999, même si
d’autres communes s’y ajoutent. Certaines communes urbaines du type 2, ayant
au départ un profil diversifié, ont pu rejoindre le type 1 en 1999.
À l’inverse, les communes du type 5 en 1990 (communes urbaines à dominante industrielle et faible statut social) changent majoritairement de type en 1999
et la majorité d’entre elles affichent un profil « moyen » (type 6).
Nous confirmons ainsi que la croissance de la ségrégation intra-urbaine observée, par ailleurs, est plus tirée par un enrichissement avéré des communes aisées
que par un appauvrissement supposé des communes pauvres. Nous analysons
par la suite plus en détail les types 1 et 2.
162
Rapport INRETS n° 277
La ségrégation spatiale dans les villes françaises : trois agglomérations de Rhône-Alpes
Illustration 1 : typologie selon les variables de revenu et catégories
professionnelles des habitants en 1990
Typologie selon les PCS et des variables de revenus en 1990
Communes urbaines résidentielles des classes sociales supérieures
IRMOY90
Retraites/popT
4
Communes urbaines à statut diversifié
333
30
RNETMO90
Retraites/popT
3
%AT90TOU
2
%FOYI90
%AT90TOU
%ACTOC/ActTot
Retraites/popT
4
%AT90TEM
%ACTOC/ActTot
POPactT/popT
%AT90TCA
%AT90TAG
Communes à dominante agricole
IRMOY90
2
Retraites/popT
RNETMO90
4
%ACTOC/ActTot
%AT90TCA
%AT90TAG
RNETMO90
POPactT/popT
164
2
Retraites/popT
%ACTOC/ActTot
POPactT/popT
%AT90TAR
Rapport INRETS n° 277
IRMOY90
4
RNETMO90
422
%AT90TOU
2
%FOYI90
1
%AT90TEM
%AT90TCA
%AT90TAG
3
%FOYI90
1
%AT90TPI
%AT90TAR
Communes à profil moyen
3
%AT90TOU
500
%FOYI90
%AT90TEM
Communes urbaines à dominante industrielles et faible statut social
Retraites/popT
RNETMO90
%AT90TPI
POPactT/popT
IRMOY90
4
1
%ACTOC/ActTot
%AT90TAR
IRMOY90
2
1
%AT90TCA
%AT90TAG
3
%AT90TOU
%FOYI90
%AT90TEM
%AT90TPI
%AT90TAR
Communes à environnement rural et faible statut social
92
3
%AT90TOU
%FOYI90
2
%AT90TPI
POPactT/popT
%AT90TAR
RNETMO90
1
%AT90TEM
%AT90TCA
4
3
1
%AT90TPI
IRMOY90
%AT90TAG
%AT90TEM
%ACTOC/ActTot
%AT90TPI
%AT90TCA
POPactT/popT
%AT90TAR
%AT90TAG
163
Les formes de la métropolisation
Illustration 2 : typologie selon les variables de revenu et catégories
professionnelles des habitants en 1999
Typologie selon les PCS et des variables de revenus en 1999
Communes urbaines résidentielles des classes sociales supérieures
retrai/poptot
IRMOY98
4
106
RNETMY98
Communes urbaines à statut diversifié
retrai/poptot
3
AT99TOU
2
%foyimpos
AT99TOU
%ACTO/ACTTOT
POPACT/POPTOT
AT99TAR
IRMOY98
4
AT99TEM
%ACTO/ACTTOT
AT99TPI
AT99TAG
POPACT/POPTOT
AT99TCA
RNETMY98
133
retrai/poptot
AT99TOU
%foyimpos
2
AT99TEM
%ACTO/ACTTOT
AT99TPI
2
%foyimpos
AT99TAR
%ACTO/ACTTOT
AT99TPI
POPACT/POPTOT
AT99TCA
AT99TAG
IRMOY98
4
RNETMY98
140
3
AT99TOU
343
RNETMY98
AT99TEM
2
%foyimpos
POPACT/POPTOT
AT99TAR
AT99TAG
Communes à profil moyen
Communes urbaines à dominante industrielle et faible satatut social
retrai/poptot
4
1
1
AT99TCA
IRMOY98
3
3
AT99TOU
AT99TAG
AT99TAR
Communes à environnement rural et faible statut social
Commues à dominante agricole
retrai/poptot
%foyimpos
2
1
AT99TEM
AT99TCA
231
RNETMY98
4
3
1
AT99TPI
IRMOY98
retrai/poptot
IRMOY98
4
RNETMY98
600
3
AT99TOU
2
%foyimpos
1
1
AT99TEM
%ACTO/ACTTOT
AT99TPI
AT99TCA
164
POPACT/POPTOT
AT99TAR
AT99TAG
AT99TEM
%ACTO/ACTTOT
AT99TPI
AT99TCA
POPACT/POPTOT
AT99TAR
AT99TAG
Rapport INRETS n° 277
La ségrégation spatiale dans les villes françaises : trois agglomérations de Rhône-Alpes
Illustration 3 : typologie selon les variables de revenu et catégories
professionnelles des habitants en 1990
Classement des communes selon des variables de revenu
et les PCS au lieu de résidence en 1999
Communes urbaines résidentielles des classes sociales supérieures
Communes urbaines à statut diversifié
Communes à dominante agricole et à faibles revenus
N
Communes à environnement rural et faible statut social faible statut socialé
Communes urbaines à dominante industrielle et faible statut social
Communes à profil moyen
0
50000 M
Source : élaboration propre, données INSEE
Rapport INRETS n° 277
165
Les formes de la métropolisation
Illustration 4 : typologie selon les variables de revenu et catégories
professionnelles des habitants en 1999
Classement des communes selon des variables de revenu
et les PCS au lieu de résidence en 1999
Communes urbaines résidentielles des classes sociales supérieures
Communes urbaines à statut diversifié
Communes à dominante agricole et à faibles revenus
Communes à environnement rural et faible statut socialfaible statut social
N
Communes urbaines à dominante industrielle et faible statut social
Communes à profil moyen
0
50000 M
Source : élaboration propre, données INSEE
2.2. Évolution du type 1
Le nombre de communes constituant le type 1 est passé de 30 en 1990 à
106 en 1999. Comme nous l’avons vu précédemment, ce type se caractérise par
les valeurs de revenus toutes supérieures à la moyenne. En 1990, l’impôt sur le
revenu moyen est très supérieur à la moyenne, mais cela est dû à la situation atypique d’une commune (cf. annexe). Le taux de cadres est également très supérieur à la moyenne, alors que le taux d’ouvriers et d’agriculteurs est très faible.
Toutes les communes classées en type 1 en 1990, le sont restées en 1999.
La quasi-totalité des communes qui ont rejoint cette classe est de type 2, c’est-à-
166
Rapport INRETS n° 277
La ségrégation spatiale dans les villes françaises : trois agglomérations de Rhône-Alpes
dire un type très proche, mais où les catégories socioprofessionnelles sont plus
diversifiées. Cela signifie que la composition socioprofessionnelle a changé. La
proportion de cadres a baissé, mais celle des retraités a augmenté. Ce glissement se fait toutefois entre ménages à revenus élevés.
Illustration 5 : origine des communes du type 1 en 1999
0
Communes urbaines résidentielles des classes sociales supérieures
Communes urbaines à statut diversifié
Communes à dominante agricole et à faibles revenus
Communes à environnement rural et faible statut socialfaible statut social
Communes urbaines à dominante industrielle et faible statut social
Communes à profil moyen
Source : élaboration propre, données INSEE
L’illustration 5 indique la localisation des communes qui ont intégré cette
classe. On remarque que celles-ci sont quasiment toujours contiguës aux communes qui étaient déjà de type 1. Les deux régions qui ont le plus bénéficié de
cette évolution sont les régions lyonnaise et grenobloise, alors que la région stéphanoise fortement touchée par le chômage n’apparaît que très peu.
Rapport INRETS n° 277
167
Les formes de la métropolisation
2.3. Évolution du type 5
Nous avons défini ce type comme correspondant à des communes industrielles
à faible statut social et revenus faibles. Cette classe est passée de 164 communes
en 1990 à 140 en 1999. Seules 45 communes étaient déjà classées dans cette
catégorie. Elles étaient principalement situées dans la banlieue des villes centres.
Illustration 6 : origine des communes du type 5 en 1999
N
Communes urbaines résidentielles des classes sociales supérieures
Communes urbaines à statut diversifié
Communes à dominante agricole et à faibles revenus
Communes à environnement rural et faible statut socialfaible statut social
Communes urbaines à dominante industrielle et faible statut social
Communes à profil moyen
0
50000 M
Source : élaboration propre, données INSEE
Quarante-sept communes sont issues du type 6, qui est le profil moyen, mais
étaient situées dans la fourchette basse des revenus.
Vingt-neuf étaient du type « à environnement rural » à faible revenu. C’est la
structure des Professions catégories socioprofessionnelles (PCS), ou plutôt son
évolution, qui les a fait changer de type. Dans tous les cas, le taux des agriculteurs a diminué dans ces communes qui se sont urbanisées. Ces communes sont
souvent situées le long des axes de transport, où le foncier était moins cher et
contiguës aux communes déjà classées dans ce type.
168
Rapport INRETS n° 277
La ségrégation spatiale dans les villes françaises : trois agglomérations de Rhône-Alpes
En 1990, onze étaient classées dans la classe 2, classe à statut diversifié et à
revenus supérieurs à la moyenne. Ces communes sont, pour la plupart, situées
près des communes de la classe 5. Elles se sont paupérisées.
Conclusion
Cette analyse fait ressortir des territoires « ségrégués ». Elle indique qu’en dix
ans le profil des communes reste globalement comparable, mais que leur composition évolue, souvent dans le sens d’un renforcement des types principaux.
Les communes à fort revenu et aux classes sociales élevées ont élargi leur
zone d’influence autour de celles qui l’étaient déjà. La tendance au déclin de
l’agriculture s’est concrétisée au profit d’une péri-urbanisation, souvent le long
des axes de transport. Les communes à faible revenu le sont restées, mais leur
composition socioprofessionnelle a souvent changé.
Cette analyse confirme ainsi l’accroissement de la ségrégation spatiale par un
renforcement des profils des classes extrêmes.
Rapport INRETS n° 277
169
Les formes de la métropolisation
Annexes
La Classification ascendante hiérarchique (CAH) est une méthode d’analyse
de données qui permet, à partir d’une série de données, de faire émerger des
classes d’individus relativement homogènes. La CAH regroupe successivement,
de façon binaire les unités élémentaires en fonction de leur ressemblance par
rapport à un certain nombre de critères. Le logiciel utilisé propose un indice de
dissimilarité fondé sur la distance euclidienne et le critère d’agrégation est l’indice de Ward. Cette méthode agrège successivement deux groupes de sorte que
l’inertie intraclasse soit la plus petite possible pour que les classes restent homogènes. La CAH produit un arbre binaire de classification appelé dendrogramme.
La troncature permettant une bonne représentation du phénomène est alors réalisée. Selon la troncature effectuée, le nombre de classes est plus ou moins important. En début d’analyse, le nombre de classes est égal au nombre d’éléments
pour arriver à la fin à une seule classe. On choisit donc la césure qui permet la
meilleure explication du phénomène.
Dendrogramme
dede
la CAH
enen
1990
Dendrogramme
la CAH
1990
Dendrogramme
4020,00
3350,00
Dissimilarité
2680,00
2010,00
1340,00
670,00
0,00
La CAH fait ressortir des types. Pour caractériser chaque type, on définit un
profil moyen de chaque classe rapporté au profil moyen de l’échantillon. Dans
cette étude, l’échantillon est représenté par les communes des quatre départements concernés : le Rhône, l’Ain, l’Isère et la Loire. Pour mieux visualiser les
résultats, les différents types ont été représentés par des graphiques en radar où
la moyenne de l’échantillon total est égale à 1. Chaque variable se définit donc
par rapport à cette norme. Ensuite, une représentation cartographique permet de
visualiser les résultats.
170
Rapport INRETS n° 277
La ségrégation spatiale dans les villes françaises : trois agglomérations de Rhône-Alpes
Dendrogramme de la CAH en 1999
4860,00
4050,00
3240,00
2430,00
1620,00
810,00
0,00
En fin de classification, il reste deux groupes qui se divisent pour le groupe 1
au niveau 6 en trois sous-groupes et le groupe 2 en quatre groupes. Le premier
groupe comprend une petite commune atypique qui, en 1990, avec un revenu
moyen par foyer très important faisait ressortir cette commune. Cela correspond
sans doute à un contribuable ayant de très forts revenus en 1990 qui, en 1999,
soit avait déménagé ou dont les revenus avaient très significativement baissé (la
commune est passée d’un revenu moyen de 735 322 F en 1990 à 185 779 F en
1999). Cette classe a été regroupée avec la classe la plus proche pour former le
type 1.
Rapport INRETS n° 277
171
Métropolisation et ségrégation
dans la ville de Mexico
Hilda Rosario Dávila, Roberto Constantino Toto et
Cuauhtémoc Pérez Llanas
La métropolisation comme processus de concentration d’activités productives,
de population et d’expansion des territoires urbains a entraîné l’aggravation du
processus d’inégalité à l’intérieur des villes. Cette inégalité dans les conditions de
vie et l’accès aux avantages du développement se traduit dans l’espace urbain
par une ségrégation sociale et spatiale.
Ce phénomène doit-il être considéré comme naturel et, par conséquent,
comme inévitable et inhérent au processus de métropolisation, ou bien pourrait-il
et devrait-il être inversé par les acteurs politiques à travers une stratégie alternative qui tendrait à éliminer ou, au moins, à réduire ces disparités ? Cette question représente une partie essentielle du questionnement des enquêtes urbaines
actuellement.
Un premier élément pour répondre à la question précédente est de caractériser ce processus, par la connaissance de l’ampleur et de l’évolution des inégalités, afin d’affiner la conceptualisation du phénomène de ségrégation.
Si ce processus de ségrégation est commun à toutes les grandes métropoles, il acquiert des caractéristiques particulières dans les pays en voie de développement ou périphériques. Quelles sont ces spécificités ? Comment sont-elles
distribuées dans l’espace ? Est-ce que la différence tend à augmenter ? Nous
chercherons, dans ce chapitre, à répondre à ces questions à travers l’étude du
phénomène dans la cité de Mexico au cours de la dernière décennie.
Dans la République mexicaine, la pauvreté et l’inégalité, freins au développement, sont les problèmes les plus sérieux et les plus urgents auxquels le pays
doit faire face. L’inégalité est présente sur presque tous les plans : niveaux de
vie, éducation, accès à la santé et par conséquent dans l’espérance de vie.
L’inégalité persiste entre la campagne et la ville et à l’intérieur des deux espaces,
elle s’approfondit.
1. Métropolisation et ségrégation
La ségrégation de l’espace à l’échelle mondiale, nationale, régionale et urbaine
comme phénomène inhérent au processus d’urbanisation et de métropolisation a
Rapport INRETS n° 277
173
Les formes de la métropolisation
été étudiée par divers auteurs (pour le cas français : May, 1993 ; Camagni, 1993 ;
Lacour et Puissant, 1999 ; Mignot, 2003 ; parmi d’autres).
Le processus de globalisation, qui est caractérisé principalement par un développement technologique rapide des télécommunications et l’élargissement des
marchés, et des processus de production à l’échelle mondiale, avec pour conséquence la division internationale du travail, oblige à une modification du vieux
concept de ville par une alternative qui rend compte des nouveaux rapports, produits de ces transformations économiques et sociales.
La proximité géographique n’est plus une condition privilégiée de l’échange,
élément fondamental dans la conformation des espaces urbains. Dans la mesure
où les marchés sont constitués d’espaces plus distants, et où la valeur ajoutée
est produite par des services spécialisés qui n’exigent pas de contact personnel,
mais plutôt des moyens de télécommunication, les rapports qui traditionnellement
se produisaient entre les villes et les régions, entre les régions et le reste du pays,
mais principalement à l’intérieur des villes vont se transformer.
Les rapports qui existent entre une partie des agents et secteurs d’une ville,
avec les agents et secteurs d’une autre ville qui peut être géographiquement
très loin, sont plus forts et plus complémentaires que ceux qui existent entre ces
agents et le reste des agents et secteurs de leur propre espace urbain. Cela produit un processus de ségrégation à l’intérieur des villes qui augmente continuellement. Ainsi, la synergie qui peut être créée parmi les différents secteurs sera plus
grande à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’espace urbain (Sassen, 1996 ; Bassand
1997 ; May 1993, 1994).
Le développement d’une économie à tendance globale engendre des contradictions entre la production et les intérêts territoriaux (cf., par exemple, San
Salvador Atenco).
Au Mexique, les premières études à propos des inégalités territoriales peuvent
être trouvées dans l’analyse de la disparité entre la campagne et la ville, notamment pendant la période du modèle de développement stabilisateur (1954–1970).
L’inégalité entre le secteur rural et le secteur urbain a été largement argumentée
pendant les années 1960 et 1970 du siècle dernier. Ces études ont été à l’origine
d’une série de propositions sur le développement régional dont le but était d’atténuer les disparités.
Dans les dernières décennies du xxe siècle, l’objet d’études a été orienté principalement vers les disparités au sein des grandes métropoles comme les cités
de Mexico, Guadalajara et Monterrey et le reste du territoire urbain. Dès lors, une
série de politiques pour le développement des villes considérées comme moyennes ont été conçues. Durant les dernières années, l’attention a été ciblée sur
le problème de la ségrégation sociospatiale à l’intérieur des villes, surtout dans
les études de Rosa María Rubalcava et Martha Schteingart (Ruba1cava, 1999 ;
Rubalcava et Chavarría, 1999a et 1999b ; Rubalcava et Schteingart, 1985, 1988,
et 2000). Les auteurs ont étudié le phénomène de la ségrégation dans les principales régions métropolitaines du pays pour les années 1980 et 1990.
174
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation et ségrégation dans la ville de Mexico
Dans ce chapitre, nous avons utilisé une méthodologie d’analyse pour le traitement statistique de l’information très semblable à celle utilisée dans les travaux
précédemment mentionnés. Celle-ci permettra, avec certaines exceptions, de
comparer nos résultats pour l’année 2000 avec ceux obtenus pour 1990 dans les
études précédentes.
2. Méthodologie
Pour l’étude de la ségrégation sociospatiale de la Région métropolitaine de
la cité de Mexico (AMCM), on a pris comme références les délimitations géographiques définies par l’Institut national de statistique, géographie et informatique
(INEGI), acceptées par la plupart des spécialistes. Ainsi, notre espace d’étude
est constitué par la région urbaine continue (la tache urbaine) formé par les 16
délégations politiques du District Fédéral (DF) et 34 villes environnantes de l’État
de Mexico. Cette définition diffère de celle de la région métropolitaine de la cité
(ZMCM), puisque celle-ci est constituée par le groupe de délégations et municipalités qui contiennent une partie de la structure urbaine. Le concept de ZMCM
est défini par les unités politiques administratives, alors que celui qui a été utilisé
dans notre travail est un concept de peuplement : c’est ainsi que, dans notre
étude, n’ont pas été incluses les régions rurales des délégations et de banlieue.
Ce concept est dynamique par définition (Garza, 2000b).
La ségrégation urbaine est analysée par la comparaison des conditions de
vie de la population à l’intérieur de l’espace urbain. Comme unités d’analyse ont
été sélectionnées les Régions géostatistiques de base (AGEB), qui constituent
les unités les plus désagrégées sur lesquelles l’information démographique et
socioéconomique est fournie. Pour ce travail, l’information a été fournie par le XIIe
recensement de population et de logements, réalisé au cours de l’année 2000.
L’indicateur utilisé pour mesurer le niveau de ségrégation des différents AGEB
est très semblable à celui utilisé par le Conseil national de Population (2000)
pour mesurer la marginalité de l’entité fédérative. La marginalité, comme concept,
apporte l’idée d’une exclusion des avantages du développement pour certains
groupes sociaux localisés dans un espace défini. L’exclusion a été mesurée par
une série d’indicateurs concernant les carences au niveau socioéconomique et
par les conditions d’accès aux services publics.
Si les métropoles sont structurées par des éléments reliés par des réseaux qui
permettent le fonctionnement du groupe, c’est l’absence de connexion de certains
espaces à ces réseaux qui rend compte de leur niveau d’exclusion. Terrazas de
Revilla (1998) a détecté pour la région métropolitaine, les éléments principaux qui
offrent une infrastructure régionale telle que les systèmes d’eau potable, d’égouts,
le gaz, le pétrole, l’électricité parmi les plus importants. Leur absence peut les isoler du groupe, et, en ce sens, elle les exclue.
Les systèmes de communication métropolitaine et régionale, c’est-à-dire les
systèmes de transport, équipement au niveau régional, national et de la cité s’analysent en référence aux installations caractéristiques des grandes villes, comme
Rapport INRETS n° 277
175
Les formes de la métropolisation
les universités, les hôpitaux et les centres culturels, les espaces consacrés aux
activités productives, administratives ou destinés aux loisirs.
2.1. Les indicateurs de la marginalité
Avant d’essayer de mesurer le niveau de connexion des différents espaces
à l’intérieur d’une région métropolitaine, nous devons sélectionner des variables
empiriques qui peuvent être utilisées comme indicateurs du phénomène. L’index
obtenu a nécessairement des limites à cause de la disponibilité de l’information.
Les variables sélectionnées sont de trois catégories :
–– accès aux services publics : variables mesurant l’accès aux services tels
que les égouts, l'adduction d’eau, l’électricité ;
–– conditions de vie : indicateurs de logement tels que le type de construction,
le nombre de personnes par chambre, l’existence de pièces exclusivement
réservées à la cuisine ;
–– situation socioéconomique : indicateurs tels que le niveau des revenus, la
scolarité et la possession de biens meubles et immeubles.
La ségrégation peut être mesurée à partir de l’accès ou non à une série d’avantages du développement. La stratégie adoptée pour explorer les deux alternatives
a été de sélectionner des variables qui servent d’indicateur du niveau du bien-être
et de variables qui servent d’indicateur de l’exclusion. Les indicateurs spécifiques
sont présentés dans l’Encadré 1.
Les espaces géostatistiques de base étant issus de populations diverses,
pour éviter des biais possibles, il a été décidé de convertir toutes les variables
en pourcentage par rapport au total de la variable correspondante de l’AGEB.
La méthode utilisée pour obtenir le coefficient qui a quantifié les niveaux de
ségrégation a été l’analyse factorielle, en particulier l’analyse en composantes
principales qui a permis d’associer des pondérations à chaque variable en
correspondance avec sa contribution à la variance (Johnson, 2000 ; Kerlinger et
Howard, 2001).
2.2. Un premier cadrage
Les indicateurs d’exclusion ou de marginalité sont plus représentatifs que les
indicateurs de bien-être pour expliquer la dispersion parmi les AGEB, à l’intérieur
de la région métropolitaine et à l’intérieur de la ville. Dès qu’ils expliquent le même
phénomène de ségrégation à partir des perspectives opposées, une sélection
des variables est alors possible pour élaborer un indice qui a de fait ensuite été
adopté.
176
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation et ségrégation dans la ville de Mexico
Encadré 1 : indicateurs de marginalité et de bien-être
Indicateurs de marginalité
• Accès aux services urbains :
Logements :
- sans accès à l’électricité ;
- avec l’eau courante ;
- sans accès à électricité et l’eau courante.
• Conditions de logement :
Logements :
- avec seulement une pièce ;
- avec sol de terre battue ;
- nombre d’occupants par pièce ;
- sans salle de bains à usage exclusif.
• Conditions socioé-conomiques :
Population :
- illettrée de 15 ans ou plus ;
- sans études d’éducation élémentaire complètes ;
- qui reçoit des revenus inférieurs à deux salaires minimums
(250 $ US mensuels).
Indicateurs de bien-être
• Accès aux services publics :
- logements avec eau courante.
• Conditions de logement :
- avec cuisine ;
- avec service sanitaire exclusif ;
- logements propres ;
- logements payés ;
- logements avec automobile.
• Conditions socioéconomiques
Population occupée : ouvriers indépendants
- avec des revenus supérieurs à cinq salaires minimums
(650 $ US mensuels) ;
- avec des études supérieures à l’école primaire ;
- avec des études de baccalauréat ou supérieures ;
- avec 35 à 40 heures hebdomadaires.
Rapport INRETS n° 277
177
Les formes de la métropolisation
Dans les deux cas, la variance expliquée est de l’ordre de 80 % . Les variables
et leurs poids sont présentés dans le Tableau 1.
Tableau 1 : Les variables explicatives du coefficient de ségrégation
pour l’aire métropolitaine de la cité de Mexico en 2000
Le pourcentage de population âgée de plus de 15 ans et n’ayant pas
0,839
achevé l’école primaire
Pourcentage de logements avec une seule pièce
0,893
Pourcentage de logements avec eau courante
-0,924
La moyenne du nombre d’occupants par pièce
0,955
Le pourcentage de la population occupée avec un revenu inférieur à
0,869
deux salaires minimums
Méthode d’extraction : analyse en composantes principales
Variance expliquée totale
80,466
Valeur du déterminant
0,008791
Source : élaboration propre à partir du XIIe recensement de la population et de l’habitat, inegi, 2000.
On peut déduire de ce tableau que ce sont les variables de logement qui expliquent le plus la ségrégation, alors que les variables sur le niveau d’éducation et
de revenu sont d’une importance moindre,
À partir des variables standardisées, des indices de marginalité ou de ségrégation ont été produits pour les années 1990 et 2000. Les valeurs qui ressortent
varient de –7,76 à 20,45 en 1990 et de –6,51 à 19,45 en 2000. Ensuite, une
méthode de classification hiérarchique permet de mettre en évidence cinq grandes classes d’AGEB.
L’indice de marginalité d’espaces de différents niveaux économiques est présenté dans le Tableau 2.
Tableau 2 : coefficients de marginalité 1990–2000
Strates
Minimum
Maximum
Moyen
Demi
1990
2000
1990
2000
1990
2000
1990
2000
Très bas
–7,76 –6,51 –3,53 –3,91 –4,54
–4,97
–4,44
–4,98
Sous
–3,53 –3,91 –0,71 –1,32 –2,05
–2,55
–2,52
–2,52
Demi
–0,70 –1,32
0,70
1,28
0,03
0,01
0,02
0,02
Haut
0,71
1,28
3,52
3,87
1,97
2,45
2,38
2,38
Très haut
3,53
3,88
20,45 19,45
5,30
6,08
5,51
5,51
Total
–7,76 –6,51 20,45 19,45
0,11
0,11
0,01
0,01
Source : élaboration propre à partir du XIIe recensement de la population et de l’habitat, inegi, 2000.
Les extrêmes constituent une preuve de l’hétérogénéité dans les niveaux d’accès aux bénéfices de la croissance. Dans le secteur « très haut » se retrouvent
les espaces avec les meilleures conditions de vie. Il est principalement constitué
178
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation et ségrégation dans la ville de Mexico
par des arrondissements résidentiels, avec des grandes maisons et logements
qui ont tous les services publics, comme l’eau, l’électricité, etc. Dans le cas de la
cité de Mexico, cela correspond aux arrondissements connus comme Bosques de
Chapultepec et la Colonia Del Valle et les délégations Benito Juárez et Coyoacán.
La moyenne de l’indice de ségrégation a été de –4,54 en 1990 et –4,97 en 2000.
Une marginalité certaine peut se trouver dans les arrondissements populaires,
où les habitants ont accès aux services publics, mais où les revenus sont bas.
La plupart d’entre eux se trouvent dans l’état de Mexico, et les délégations de
Iztapalapa, Tlàhuac y Milpa Alta. La valeur moyenne de l’indice était de 1,97 en
1990 et 2,45 en 2000.
Une plus haute marginalité peut également être mise en évidence et correspond à des conditions particulières : pas d’accès aux services publics, non-accès
aux équipements urbains, logements construits avec des matériaux de mauvaise qualité et revenus des habitants au-dessous des 250 dollars par mois. La
moyenne de l’indice de ce secteur était de 5,30 en 1990 et 6,80 en 2000.
3. Distribution spatiale de la ségrégation en l’an 2000
La ville de Mexico est le centre politique du pays depuis l’époque préhispanique, néanmoins c’est pendant le xxe siècle qu’elle a connu les transformations les
plus importantes, la concentration des activités économiques dans le centre du
pays a entraîné une explosion démographique. Pendant la période 1910–2000,
la population est passée de 491 000 habitants à 16 millions d’habitants. En 2000,
la superficie de la région métropolitaine atteint près de 1 500 km2. La région est
passée d’une prédominance industrielle à la spécialisation des services, principalement professionnels, pédagogiques et financiers. En 1970, plus des 2/5 de la
production du secteur secondaire du pays était produit à Mexico, en 1998 cette
proportion a diminué d’un quart, ce qui a fait passer l’activité tertiaire à 38 %
(Garza, 2000a).
Le développement explosif de la cité de Mexico s’est effectué surtout par la
migration du reste du pays, pendant la période de la révolution mexicaine (1910–
1921) et pendant la substitution des importations (1930–1970). Le développement
des premières années du siècle dernier a été un mécanisme de sécurité devant
le danger que représentaient les fréquentes confrontations des différents groupes
politiques, la capitale du pays restait isolée de ces événements, en accueillant la
population qui voulait échapper á la violence des campagnes. En revanche, la
rapide industrialisation a transformé les villes comme Monterrey et Guadalajara
en centres d’attraction.
La campagne a expulsé le surplus de ses habitants, qui sont partis vers les
grandes cités, dans l’espoir d’obtenir un emploi et de meilleures conditions de
vie. Pendant les années 1970, le processus a diminué, et le taux de migration de
la campagne vers la ville a commencé à diminuer aussi, mais la migration intraurbaine a augmenté.
Rapport INRETS n° 277
179
Les formes de la métropolisation
Vers les années 2000, la migration interne à la région a été très importante.
Le DF s’est transformé et a expulsé des habitants, surtout de jeunes couples qui
cherchaient des terrains moins chers pour vivre.
L’incorporation continue et désordonnée à la région métropolitaine de nouvelles municipalités a été la cause de l’installation de cette population dans des
conditions précaires où malgré leur proximité à la cité, il n’y a pas d’accès à la
plupart des services publics. L’écart entre les dynamiques de la population, des
services publiques et de la structure urbaine a augmenté pendant les dernières
années, notamment du fait de la réduction et de la réorganisation des finances
publiques.
La méthodologie décrite ici a permis de segmenter l’espace urbain de l’espace
métropolitain de la cité de Mexico, à partir du niveau de ségrégation (indice de
marginalité). En 2000, le recensement démographique dénombre une population
de 17 577 809 habitants, dont 48,8 % habitent au DF et le reste (51,2 %) dans
les municipalités de l’État de Mexico, 4 111 segments AGEB parmi les 4 698 segments géostatistiques urbains ont pu être renseignés et analysés, 2 082 appartiennent au DF et le reste à l’État de Mexico.
Concernant les niveaux de ségrégation, 632 AGEB avec un très haut niveau
de ségrégation ont été mis en évidence et localisés, comprenant une population
de 2 188 655 habitants (13,2 % de la population totale). Par ailleurs, quatre millions d’individus sont considérés dans un haut niveau de marginalité (24 %). En
résumé, près de 40 % des habitants de l’espace métropolitain font face au phénomène de la ségrégation (Tableau 3).
La distribution spatiale des différents segments peut être observée sur l’illustration 2, les groupes de population avec une haute et très haute marginalité sont
principalement localisés dans les périphéries orientale et nord de la cité, dans les
municipalités de l’État de Mexico. Le centre historique et les délégations voisines
représentent des coefficients de marginalité inférieurs. Nous sommes face à un
modèle de ségrégation selon des axes centre–périphérie et est-nord. Plusieurs
éléments d’explication peuvent être proposés :
–– géographiques, le Sud et l’Ouest ont de meilleures conditions climatologiques et écologiques, ce qui augmente le prix du sol et en exclut la population à bas salaires ;
–– économiques, les nouveaux centres de développement financier et les services spécialisés sont localisés dans le centre historique et dans la région
Est ;
–– politiques, depuis plusieurs années, la politique effectuée par le DF a limité
la création des nouveaux établissements dans la partie nord et orientale de
l'État de Mexico, région où il y avait un plus grand espace.
180
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation et ségrégation dans la ville de Mexico
Illustration 1 : les AGEB urbains par classe de marginalité en 1990
Estratos
Sin Datos
Muy Bajo
Limite estatal
Bajo
Medio
Alto
Muy Alto
Limite Delegacional y Municipal
Source : élaboration propre à partir des XIe et XIIe recensements de la population et de l’habitat, inegi,
1990.
Rapport INRETS n° 277
181
Les formes de la métropolisation
Illustration 2 : les AGEB urbains par classe de marginalité en 2000
Estratos
Sin Datos
Muy Bajo
Limite de Agebs 1990
Bajo
Limite estatal
Medio
Alto
Muy Alto
Limite Delegacional y Municipal
Source : élaboration propre à partir des XIe et XIIe recensements de la population et de l’habitat, inegi,
2000
182
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation et ségrégation dans la ville de Mexico
Tableau 3 : les indicateurs de marginalité des AGEBS urbains,
1990–2000
Nombre de logements
en milliers
1990
2000
1990
2000
1990
2000
Nbr.
%
Nbr.
%
Nbr.
%
Nbr.
%
Nbr.
%
Nbr.
%
Total
14,0 100 16,6 100 3 104 100 4 111 100 2 913 100 3 937 100
Très bas
1,8
12,7 2,08 12,5 481 15,5 682 16,6 456 15,7 584 14,8
Bas
3,5
25,1
3,4
20,6 761 24,5 858 20,9 774 26,6 845 21,5
Moyen
2,6
18,4
4,9
29,7 490 15,8 1043 25,4 519 17,8 1149 29,2
Haut
4,7
33,7
4,0
24,0 966 31,1 896 21,8 900 30,9 888 22,6
Très haut
1,4
10,1
2,2
13,2 406 13,1 632 15,4 264
9,0
470 12,0
Source : élaboration propre à partir des XIe et XIIe recensements de la population et de l’habitat, inegi,
1990 et 2000.
Niveau de
marginalité
Population en millions
Nombre d’AGEBS
4. Les caractéristiques de la ségrégation
L’analyse des caractéristiques de la ségrégation met en évidence l’existence
d’un processus à l’œuvre, conduisant à une ségrégation accrue.
4.1. Les caractéristiques de la ségrégation à l’échelle de la région
métropolitaine
Durant l’année 2000, la population avec des niveaux de ségrégation très faibles possède dans sa presque totalité des études primaires complètes (97,7 %) et
reçoit de hauts salaires. Les logements ont l’eau courante et ne présentent aucun
problème d’assainissement.
Parmi la population avec des très hauts niveaux de marginalité, 10 % n’ont pas
d’études primaires complètes ; 59 % reçoivent des revenus inférieurs à 250 dollars par mois, 20 % n’ont pas d’accès à l’eau potable, et toute la famille habite
dans une seule chambre, sans cuisine et sans toilette, sans réseau d’assainissement. On peut déduire des conditions de vie décrites que ces groupes de population sont complètement étrangers les uns aux autres. Une partie importante de
la population n’a même pas accès aux réseaux d’eau, une autre partie n’a pas
les niveaux élémentaires d’éducation, ce qui entraîne cette population vers l’économie informelle et les bas salaires, ce qui les empêche d’accéder aux marchés
de produits et services, et les marginalise pour une grande quantité de produits
provenant du marché mondial et national. Les caractéristiques socioéconomiques
et de logement des différents niveaux de marginalité pour la décennie 1990–2000
sont présentées dans le Tableau 4.
Pour tenir compte des différences dans les conditions de vie parmi les segments, plusieurs coefficients ont été mesurés pour quantifier la dispersion à l’intérieur de chacune des variables représentatives de l’indice de marginalité. Les
indicateurs calculent la relation entre la valeur de la variable du niveau de marginalité maximum au regard de celui de marginalité minimum.
Rapport INRETS n° 277
183
Les formes de la métropolisation
De cette façon, le coefficient de variation peut mesurer la dispersion dans chacune des variables (Tableau 4).
Des valeurs calculées on peut déduire que l’exclusion de l’éducation entraîne
la ségrégation. Bien que de manière moins intense, l’exclusion se manifeste également dans les niveaux des revenus et dans une différenciation des conditions
de logement, mais ce n’est pas le cas dans l’accès aux services publics où la
dispersion est inférieure.
Tableau 4 : caractéristiques de la ségrégation de la région métropolitaine
de la ville de Mexique 1990–2000
Secteur
Très bas
Moyenne
Bas
Moyenne
Moyen
Moyenne
Haut
Moyenne
Très haut Moyenne
Total
Moyenne
Très haut / moyenne
Très bas / moyenne
Très haut / très bas
Coefficient / variation
Secteur
Très bas
Moyenne
Bas
Moyenne
Moyen
Moyenne
Haut
Moyenne
Très haut Moyenne
Total
Moyenne
Très haut / moyenne
Très bas / moyenne
Très haut / très bas
Coefficient / variation
Pourcentage de
la population de
plus de 15 ans et
n’ayant pas achevé
l’école primaire
1990
2000
7,8
2,3
14,6
4,2
20,9
5,8
26,8
7,1
36,8
9,5
21,2
5,7
1,73
1,66
0,37
0,40
4,75
4,11
0,47
0,49
Moyenne
d’occupants par
pièce en logement
particulier
1990
1,5
2,0
2,4
2,6
3.0
2,3
1,29
0,67
1,94
0,22
2000
0,9
1,2
1,4
1,7
2,2
1,5
1,49
0,58
2,56
0,31
Pourcentage de
logements d’une
seule pièce
1990
1,4
3,6
6,9
10,5
20,6
8,2
2,52
0,17
15,15
0,90
2000
1,2
3,2
7,9
11,9
21,0
8,7
2,41
0,13
17,88
0,89
Pourcentage de
logements avec eau
courante dans
le logement
1990
95,4
84,1
63,7
41,0
18,7
60,7
0,31
1,57
0,20
0,48
2000
97,2
90,5
70,4
46,4
22,3
66,4
0,34
1,46
0,23
0,42
Pourcentage de la
population occupée
qui reçoit moins
de deux salaires
minimums
1990
2000
42,3
21,2
59,6
36,4
67,2
45,3
72,6
52,7
77,7
59,0
64,6
43,2
1,20
1,37
0,66
0,49
1,84
2,78
0,21
0,32
Source : élaboration propre à partir des XIe et XIe recensements de la population et de l’habitat, inegi
1990 et 2000.
184
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation et ségrégation dans la ville de Mexico
4.2. Comparaison entre le DF et le reste de l’espace métropolitain
Comme on l’a déjà mentionné, les groupes qui souffrent de la plus grande
exclusion sont localisés dans l’état de Mexico, 22,8 % des AGEB de l’État de
Mexico ont un niveau de marginalité très haut, pendant que dans le DF, seulement 7,2 % se trouvent dans la même situation. Pendant que 23,9 % des AGEB
du DF sont classifiées avec une marginalité très basse, seulement 10,8 % des
AGEB de l’État de Mexico ont accès à ces services.
Tableau 5 : distribution des AGEB selon l’indice de marginalité 2000
Secteur
Très bas
Bas
Moyen
Haut
Très haut
% total
District Fédéral
1990
2000
19,97
23,92
31,34
26,32
16,53
29,01
24,74
13,50
7,43
7,25
100
100
État de Mexique
1990
2000
9,30
10,08
15,07
16,20
14,76
21,35
39,97
29,61
20,91
22,76
100
100
1990
15,50
24,5
15,8
31,1
13,1
100
Total
2000
16,6
20,90
25,40
21,8
15,40
100
Source : élaboration propre à partir des XIe et XIIe recensements de la population et de l’habitat, inegi
1990 et 2000.
Les conditions de vie entre les deux régions sont très différentes, tous les
indicateurs utilisés (le niveau d’éducation, les conditions de logements, l’accès
aux services et le niveau de revenu) sont toujours supérieurs au DF Néanmoins,
à l’intérieur des unités politico-administratives, l’hétérogénéité est très forte.
4.3. Le processus de ségrégation
Durant la période 1990–2000, la réforme de l’économie mexicaine, qui avait
commencé dans la décennie antérieure, a eu de graves répercussions sur les
dépenses publiques, ce qui s’est traduit par une réduction de la participation de
l’État dans tous les secteurs, y compris les dépenses sociales. Ainsi, en 1995,
le pays a vécu une des crises les plus importantes de son histoire moderne, ce
qui s’est répercuté fortement sur le niveau d’emploi et des salaires de presque la
totalité de la population de la région.
Pour mettre en évidence les tendances du processus de ségrégation, les distributions des coefficients de marginalité des AGEB, durant la période de 1990 à
2000, ont été comparées.
Pendant la décennie 1990, les AGEB ainsi que la population, qui se trouvent
dans les extrêmes, augmentent considérablement. Le segment avec le niveau de
marginalité le plus élevé s’étend dans l’espace (population et logements), surtout
dans les municipalités voisines de l’État de Mexico.
Les zones de peuplement créées en 1990, dans un processus de d’urbanisation
rapide, s’installent loin du centre historique. La dynamique de la population est
beaucoup plus accélérée que le processus d’accès aux services, ce qui augmente
Rapport INRETS n° 277
185
Les formes de la métropolisation
considérablement la proportion de population qui reste exclue du processus de
métropolisation.
Comme on peut le voir sur l’illustration 3, les évolutions les plus significatives
du processus de marginalisation urbaine dans l’espace métropolitain de la cité de
Mexico, pour les années de 1990 à 2000, ont été une croissance des AGEB de
très haute marginalité, et l’écart entre les types d’AGEB ségrégés et non ségrégés augmente.
Illustration 3 : distribution des indices de marginalité des AGEB
en 1990, puis en 2000
200
Count
150
100
10.Media = 0.096
Desv. estandar = 3.13
Coef. Varaicion = 31.93
Rango = 21.07
Sesgo = 0.230
Curtoris = -0.205
50
0
-5.00
0.00
5.00
10.00
Distribution del Indice de Marginacion del AMCM 1990
200
Count
150
100
Media = 0.108
Desv. estandar = 3.66
Coef. Varaicion = 33.88
Rango = 23.09
Sesgo = 0.450
Curtoris = -0.029
50
0
-5.00
0.00
5.00
10.00
15.00
Distribution del Indice de Marginacion del AMCM 2000
186
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation et ségrégation dans la ville de Mexico
La moyenne du coefficient de marginalité a augmenté de 1990 à 2000. La
distance entre les extrêmes du coefficient de marginalité croît. En l’an 2000, la
proportion des AGEB qui se trouvent dans les segments de la partie droite de
la courbe augmente. C’est-à-dire qu’entre 1990 et 2000, les inégalités se sont
accrues.
En même temps, on peut observer un processus de convergence entre les
types « moyens » et les types les moins ségrégés. Un pourcentage important de
la population était situé, en 1990, dans le segment de droite (haute marginalité)
de la distribution qui passe dans la partie du milieu en l’an 2000.
La ségrégation est un phénomène dynamique et relatif. Ainsi, si à travers l’analyse des distributions des indices de marginalité on obtient une ségrégation plus
forte, cela ne veut pas dire que les niveaux socioéconomiques ont diminué dans
la même proportion. En effet, dans quatre des variables incorporées pour le calcul
des indices de ségrégation il y a une amélioration en termes absolus. Ce qui n’est
pas le cas des revenus dont la croissance a été inférieure à l’inflation constatée
pendant la réalisation de cette recherche.
L’amélioration des indicateurs des conditions de vie n’a pas été homogène
dans les deux entités. Alors que le DF présente une hausse plus dynamique
et générale des indicateurs ; pour le reste de l’espace métropolitain, les conditions de vie, en moyenne, sont restées au même niveau, à l’exception du niveau
d’éducation.
La différence des dynamiques existantes pour accéder aux bénéfices de la
métropolisation augmente la ségrégation, fait ressortir des contradictions entre
les groupes et provoque des conflits sociaux qui se traduisent notamment par
des problèmes de sécurité dans la cité. Apparaît donc très nettement la nécessité
d’une meilleure coopération entre les entités fédérales et les municipalités responsables des projets de politique urbaine.
Conclusion
Le processus de métropolisation au cours des dernières décennies, s’est
accompagné d’une ségrégation accrue de la population. Celle-ci est un phénomène permanent dans le développement du pays, mais qui présente des particularités, surtout dans les grandes cités et en particulier pour Mexico.
La distribution spatiale de la ségrégation dans l’espace métropolitain de la cité
de Mexico a suivi une trajectoire « classique » du centre vers la périphérie. Au
fur et à mesure que s’étend la tache urbaine, les régions exclues s’éloignent vers
l’est et le nord de la ville, dans les municipalités de l’État de Mexico.
La ségrégation est la manifestation de l’exclusion des bénéfices du développement, principalement de l’éducation, des services publics et de l’accès à la
ville. Les revenus de la population sont également et globalement très bas, et
les conditions du logement très mauvaises. La comparaison effectuée entre les
années 1990 et 2000 met en évidence un renforcement de cette tendance.
Rapport INRETS n° 277
187
Les formes de la métropolisation
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188
Rapport INRETS n° 277
Métropolisation et ségrégation dans la ville de Mexico
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2000.
Rapport INRETS n° 277
189
Les disparités de revenus à
différentes échelles spatiales
en France
Louafi Bouzouina et Dominique Mignot
La définition de la métropolisation comme un « processus de concentration des
hommes et des activités dans les espaces déjà les plus développés » (Buisson
et al., 1995) nécessite d’être complétée. Alors que pour les villes françaises, par
exemple, le double phénomène de concentration et d’étalement urbain semblait
globalement pouvoir décrire les évolutions à l’œuvre, il semble dorénavant nécessaire de parler d’un triple phénomène de concentration, d’étalement urbain et de
ségrégation. Ce triple phénomène permet de décrire et d’expliquer un renforcement de la hiérarchie urbaine au niveau mondial autour d’espaces métropolisés
de plus en plus étendus mais aussi de plus en plus ségrégués. Ce qui avait pu
être mis en évidence dans les villes globales de Sassen (1996) s’applique de fait
à nombre de métropoles.
La concentration des activités et de la population dans des métropoles
toujours plus vastes semble encore une caractéristique essentielle du processus
de métropolisation, comme l’ont montré ou suggéré nombre de travaux portant
sur différentes échelles spatiales (Fujita, 1994 ; Krugman, 1995 ; Arthur, 1995 ;
Lacour et Puissant, 1999). Cette concentration privilégie toujours le niveau le plus
élevé de la hiérarchie urbaine, qui continue ainsi à se développer. Au sein de ces
agglomérations, le centre historique garde un rôle important, et la concentration se
fait aussi en des espaces privilégiés, au centre mais également ailleurs (étalement
urbain sélectif), en particulier sur des pôles périphériques bien situés le long des
axes de transport, très stables dans le temps et qui ne cessent de gagner des
emplois (Mignot et al., 2004). Nous ne détaillerons pas ici ces tendances à la
concentration et à l’étalement urbain déjà analysées dans nombre de travaux.
Par contre, la question de l’augmentation des inégalités sociales et/ou
territoriales, qui a depuis longtemps intéressé les sociologues et les politologues
(Philpott, 1978 ; Mayer, 2001 ; Jargowsky, 1997), vient au cœur des préoccupations
des économistes et des géographes, tant aux États-Unis (Cutler et Glaeser,
1997 ; Johnston et al., 2003) qu’en France (Rhein, 1994 ; Maurin, 2004 ; Fitoussi
et al., 2004). Ainsi, des travaux récents soulignent que la ségrégation dont tous
constatent une progression au cours des 20 dernières années est accentuée
par l’évolution à la hausse des populations et des territoires les plus riches. Les
Rapport INRETS n° 277
191
Les formes de la métropolisation
travaux à l’échelle des villes et notamment à l’échelle intra-urbaine sont plus rares,
notamment en France, et méritent une attention particulière.
1. Territoires et disparité
1.1. Villes et disparité
Le questionnement sur les disparités spatiales a, tout d’abord, concerné
l’échelle des régions et notamment les relations entre urbain et rural. C’est le
constat d’un déséquilibre Paris-Province qui conduit, en France, à la mise en
place des politiques d’aménagement du territoire dans les années 1950, « Paris et
le désert français » de J.-F. Gravier est publié en 1947. Dans un autre contexte qui
est celui du Mexique, les premières études sur les inégalités territoriales concernent également la disparité ville–campagne et ont été nombreuses au cours des
années 1960 et 1970 (Rosario Dávila et al., 2003). Après les nombreux travaux
développés aux États-Unis à l’échelle intra-urbaine, beaucoup de sociologues
puis des économistes français ont investi ce champ.
Les communes-centres ou les quartiers centraux ne sont pas les seuls espaces en croissance. Des lieux privilégiés du développement apparaissent en périphérie des villes, alors que parallèlement, sur d’autres espaces, voire les mêmes,
le chômage se développe, et la population se paupérise. Avec le développement
du chômage et de la précarité, les politiques urbaines basées sur une convergence et une croissance des revenus de tous par une croissance économique de
la ville ne sont plus pertinentes.
Parallèlement, la dissociation habitat/emploi s’est accentuée au cours des
années 1980 et 1990, volonté des individus (étalement urbain et développement
de la bi-activité au sein des ménages) ou contrainte (développement du chômage
et de la précarité du travail), amenant les personnes à se déplacer plus, et plus
loin, pour chercher du travail, sans que cela se traduise ensuite par un choix de
relocalisation résidentielle.
Plusieurs études concordent pour mettre en évidence une tendance à la croissance des écarts et analysent les disparités de revenu sur le territoire à différentes
échelles (Buisson et Mignot, 2005). Toutes partent de la même base de données :
l’imposition sur le revenu des foyers fiscaux.
1.2. La ségrégation par le revenu
L’ensemble des études qui traitent de l’évolution de la ségrégation font face à
une difficulté méthodologique liée en premier lieu à la définition même du terme.
Et nous sommes d’accord avec Brun (1994) qui définit la ségrégation comme un
« état » et un « processus ségrégatif ».
La ségrégation est un processus, alimenté par un ensemble de mécanismes,
qui conduit à un moment donné à une disparité socioéconomique (catégorie
sociale, revenu) visible entre les unités (quartiers, communes) d’un espace (aire
urbaine, région) et une homogénéisation au sein de ces unités.
192
Rapport INRETS n° 277
Les disparités de revenus à différentes échelles spatiales en France
Même si cette définition peut se confondre avec la différenciation spatiale, elle
a l’avantage de prendre en compte l’ensemble de la population43, car elle ne se
focalise pas seulement sur les groupes défavorisés et elle n’oblige pas de distinguer ce qui est choisi de ce qui est subi.
Concernant la mesure de la ségrégation, de nombreux indices ont été développés depuis celui de Duncan et Duncan (1955) et sont repris dans les articles
de Massey et Denton (1988) et d’Apparicio (2000). Cette mesure quantitative, la
plus utilisée, est face à d’autres difficultés, car toute mesure d’inégalité implique
des jugements de valeur et les indices utilisés ne sont jamais neutres (Atkinson et
al., 2001 : 17). Par contre, l’étude du processus ségrégatif conduit à identifier les
causes et les effets de la ségrégation et surtout à préciser l’analyse. Les études
en France sont peu nombreuses et plus récentes.
Plusieurs types de ségrégation sont identifiés et certains font l’objet de mesures (Rhein, 1994), comme la ségrégation résidentielle, scolaire et celle à l’emploi44. Les indicateurs utilisés pour mesurer ces ségrégations sont eux-mêmes
de nature différente. Ainsi, l’indicateur le plus utilisé aux États-Unis est la race et
l’origine ethnique (Philpott, 1978 ; Cutler et Glaeser, 1997 ; Cutler et al., 1999 ;
Poulsen et al., 2002), associées parfois à d’autres indicateurs tels que le revenu
(Massey et Eggers, 1990 ; Jargowsky, 1996 ; Mayer, 2001). La majorité des études en France, à quelques exceptions près (Felouzis, 2003), se focalisent sur
des groupes sociaux selon les catégories socioprofessionnelles (Tabard, 1993 ;
Lajoie, 1998 ; Préteceille et al., 2004) ou sur le revenu (Fitoussi et Van Haeperen,
1998 ; Atkinson et al., 2001 ; François et al., 2003). Les résultats des études ne
sont pas toujours comparables et semblent parfois être contradictoires. D’une
part, il ne s’agit pas toujours du même revenu par exemple, car il peut représenter
le salaire, le revenu fiscal ou le revenu disponible (le niveau de vie) ; et d’autre
part, l’échelle, le zonage et le niveau de renseignement sont différents d’une
étude à l’autre. Toutefois, au-delà des nombreux avantages dans l’utilisation des
revenus fiscaux pour l’étude de la ségrégation et des inégalités, mais aussi des
inconvénients et des reproches (Champagne et Maurice, 2001 ; Houriez et Roux,
2001), cette source demeure la plus fiable et la seule capable de supporter ce
genre d’études sur une longue durée.
Les inégalités de revenu, en France, ont baissé au cours du dernier siècle
(Atkinson et al., 2001). Pendant la période d’industrialisation, le développement
de la formation et de l’éducation a permis de répondre à des besoins importants
en main-d’œuvre de qualification moyenne et de resserrer les écarts de qualifica43 L’homogénéité
sociale des beaux quartiers fait prendre conscience de l’ambivalence de la
ségrégation : elle n’est jamais seulement séparation, mais aussi toujours agrégation et recherche de
son semblable. Les deux processus sont liés. (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2004 : 92).
44 Les trois s’attachent à l’espace, élément crucial dans l’étude de la ségrégation. Même si l’étude de la
ségrégation doit tenir compte de l’ensemble de l’espace de vie (lieu de résidence, école, emploi, lieux
publics et tout lieu ou la proximité est susceptible de générer des interactions et des liens sociaux), la
plupart des études utilisent le lieu de résidence comme référence au sein d’une échelle d’étude qui
structure le mieux la quotidienneté.
Rapport INRETS n° 277
193
Les formes de la métropolisation
tions et de salaires, dans les pays développés (Piketty, 1997). Depuis la désindustrialisation, les nouveaux secteurs moteurs de l’économie (services supérieurs,
communication…) ont ciblé les personnes très qualifiés en rejetant les autres vers
les secteurs les moins productifs et le chômage.
Deux comparaisons internationales des inégalités de revenu, basées sur la
banque de données du Luxembourg Income Study (LIS) des budgets des ménages, placent la France dans une situation intermédiaire entre les pays scandinaves et le Benelux, les moins inégalitaires, et les pays anglo-saxons les plus
inégalitaires. En 1984, le coefficient de Gini sur les revenus bruts par ménage
était de 0,374 en France, de 0,351 en Suède en 1987 et de 0,421 aux États-Unis
en 1986 (Fitoussi et Van Haeperen, 1998 : 40). De la même manière, mais cette
fois-ci sur les niveaux de vie45, il était de 0,286 en France en 1994, contre environ
0,223 en Suède 1995 et 0,304 aux États-Unis en 1994 (Sastre et Trannoy, 2001 :
325).
L’évolution à l’échelle nationale semble être stable entre 1979 et 1984, puisque l’indice de Gini calculé sur le revenu brut par ménage reste stable autour de
0,37 et celui sur le revenu net ajusté46 environ 0,30 (Fitoussi et Van Haeperen,
1998 : 40). Par contre, Sastre et Trannoy (2001 : 329) montrent une croissance de
l’indice de Gini sur le niveau de vie, il passe de 0,256 à 0,286 entre 1984 et 1995.
À partir des données de revenus issues des enquêtes de l’Insee–DGI de 1996 à
2001, Legendre (2004) montre que le niveau de vie a augmenté en France, pendant cette période, notamment pour les deux déciles extrêmes, mais que le niveau
d’inégalités est resté relativement stable (l’indice de Gini baisse de 1996 à 1998
de 0,271 à 0,268, puis augmente pour atteindre 0,272 en 2001). Une autre étude
sur les revenus fiscaux déclarés par unité de consommation montre que les inégalités baissent entre 1970 et 1997, l’indice de Gini, entre autres, baisse de 0,41 à
0,34 entre les deux dates en passant par 0,36 en 1984 (Hourriez et Roux, 2001 :
280). Mais, en restant sur le même revenu et sur la même source de données,
l’indice de Gini a de nouveau augmenté en 2000 et 2001, respectivement 0,3603
et 0,3611 (Insee–DGI, 2004), ce qui donne une relative stabilité, voire une légère
croissance entre 1984 et 2001. Une autre étude, se basant sur les données de
la Direction générale des impôts, qui permettent d’apprécier les hauts revenus
contrairement à ceux de l’Insee, montre que derrière la légère augmentation de
l’indice de Gini (de 0,440 à 0,445), calculé sur le revenu imposable des foyers
fiscaux entre 1991 et 1999, il y a un accroissement des écarts entre les faibles
revenus et les revenus les plus élevés (Champagne et Maurice, 2001 : 292).
45 Revenu
net ajusté après redistribution. Il est égal, selon l’Insee–DGI, au revenu disponible du
ménage divisé par le nombre d’unités de consommation. Il comprend les revenus déclarés au fisc et
les prestations imputées, nets des impôts directs (impôts sur le revenu, taxe d’habitation, et diverses
contributions obligatoires).
46 L’échelle d’ajustement est celle de l’OCDE qui attribue un poids de 1 au premier adulte du ménage,
un poids de 0,7 aux autres adultes et un poids de 0,5 aux enfants de moins de 18 ans. Tandis que
l’échelle modifiée utilisée par l’Insee donne un poids de 1 unité de consommation au premier adulte,
0,5 pour les autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 pour les enfants de moins de 14 ans.
194
Rapport INRETS n° 277
Les disparités de revenus à différentes échelles spatiales en France
Ces inégalités de revenus se traduisent aussi par une ségrégation spatiale,
comme nous le verrons dans la suite de l’article. Même s’ils sont différents dans
leur rapport avec l’espace, les deux sont extrêmement liées. Mayer (2001) a
par ailleurs mis en évidence une relation entre la croissance des inégalités et la
ségrégation.
1.3. Méthodologie
Dans cette communication, nous analysons l’évolution des disparités spatiales
de 1985 à 2001, à partir des revenus nets moyens imposables des foyers fiscaux
au niveau de la commune47, sur l’ensemble des régions et des aires urbaines de
plus de 100 000 habitants48. Nous utilisons ensuite le découpage infracommunal
en quartiers49 pour tester le degré de ségrégation intra-urbaine à un niveau plus
fin, en fin de la période (2001), à partir des revenus déclarés des ménages fiscaux
avant tout abattement (Insee–DGI, 2004).
La disposition de plusieurs indicateurs en plus de la mesure de la tendance
centrale est nécessaire pour mieux décrire les disparités et la ségrégation. D’une
part, les différents indices tels que le coefficient de Gini (Mussard et al., 2004) permettent d’évaluer la concentration des revenus, et d’autre part, de simples outils
statistiques, tels que les ratios entre les groupes de revenus les plus élevés et les
plus bas, apportent des explications supplémentaires. Nous nous baserons principalement dans cette communication sur la comparaison des revenus moyens et
des indices de Gini sur différents zonages Insee de 1985 à 2001.
L’indice de Gini est souvent considéré comme a-spatial, mais il sera utilisé, ici,
sur des espaces bien définis à partir des plus petites unités spatiales renseignées
(k) qui sont les communes et les quartiers50.
Pour analyser l’évolution des disparités intercommunales à partir de cet indice
(Gk), le revenu moyen sera pondéré par le nombre de foyers fiscaux de chaque
47 Ce
sont des revenus bruts après déduction des charges et des abattements sans redistribution
(Impôts, revenu moyen d’insertion, aide personnalisée au logement…). Il est différent du revenu
disponible et il ne peut pas refléter le niveau de vie.
48 Même si nous ne présentons ici que les résultats des 15 plus grandes aires urbaines.
49 Nous appellerons « quartiers » ou « IRIS » les zones « Îlots regroupés pour l’information
statistique » définies par l’Insee. Le découpage en IRIS-2000® est un regroupement des plus
petites unités statistiques (îlots) selon des caractéristiques socioéconomiques communes au sein
de toutes les communes de plus de 10 000 habitants. Ayant entre 2 000 et 5 000 habitants environ,
ces unités spatiales (IRIS) sont relativement homogènes. Les communes non découpées (moins de
10 000 habitants) sont également prises en compte dans le cadre de notre étude afin d’avoir le plus
d’information possible. Ce découpage est proche du principe du tract aux États-Unis utilisé dans les
études sur le voisinage ou le quartier.
50
tel que : y
ki
est le revenu du ménage i résidant dans l’unité k qui
prend la valeur de son revenu moyen ; n est le nombre de ménage dans l’aire urbaine et µ est son
revenu moyen.
Rapport INRETS n° 277
195
Les formes de la métropolisation
commune pour réduire de potentielles surestimations des revenus dans des petites communes. Dans ces dernières, le revenu moyen est très sensible à l’arrivée
ou au départ d’un très riche foyer fiscal, par rapport aux grandes communes.
Même si l’indice (Gk) explique une grande partie de la ségrégation, il ne prend
pas en compte la distribution des revenus au niveau individuel au sein de l’ensemble des unités spatiales. Un indice de Gini de ségrégation (Gs) est susceptible de résoudre ce problème. Il s’agit du ratio de l’indice précédent (Gk) et de
l’indice de Gini calculé au niveau des ménages (Gi). Cet indice, formulé à partir
de la courbe de Lorenz (Kim et Jargowsky, 2005), revient à rapporter la courbe
de Lorenz du Gini calculé en supposant que les ménages du même quartier ont
le même revenu à la courbe de Lorenz du Gini calculé sur le revenu individuel
des ménages. Il représente la part due à l’inégalité de revenu des unités spatiales
dans l’inégalité totale de revenu des ménages. En cela, il constitue bien à notre
sens un indice de ségrégation spatiale. Plus sa valeur est proche de 1, plus le
niveau de ségrégation est important.
Faute d’informations sur la distribution des revenus au niveau individuel, cet
indice ne peut pas être utilisé pour calculer le niveau de ségrégation sur la période
1985–2001. Par contre, l’indice de Gini (Gi) ainsi que l’écart-type sont disponibles
dans la base des revenus fiscaux des ménages de l’Insee–DGI (2004), ce qui permet de calculer le (Gs) sur les différents découpages de l’Insee et, en particulier,
les aires urbaines.
Il faut signaler que les différentes formes de l’indice de Gini utilisés ici ne
nécessitent pas un découpage par classes de revenus (Jargowsky, 1996).
L’échantillon permettant d’analyser l’évolution des disparités représente environ (90 %) des communes de la France métropolitaine. Pour limiter les biais liés
à l’agrégation dans cette analyse, nous serons conduits à sélectionner uniquement les communes de plus de 2 000 habitants (selon le RGP 1999), puisque les
communes de petite taille influent sur les ratios (communes riches/communes
pauvres) : par exemple, elles peuvent avoir un revenu moyen très élevé, mais un
nombre limité de foyers fiscaux51. Certes, ces grandes communes ne présentent
que 14 % du nombre total des communes renseignées en 2001 (4 544 communes), mais elles regroupent plus de 75 % des foyers fiscaux et plus de 77 % des
revenus fiscaux imposables de l’ensemble des communes de la France métropolitaine renseignés à cette date.
Les informations sont plus détaillées pour les revenus déclarés des ménages52
contrairement aux revenus imposables des foyers fiscaux par commune. Elles
permettent de prendre en compte la distribution au sein même du quartier, même
51 Sachant
que le seuil de diffusion dans cette base de données est de seulement 11 foyers fiscaux
imposés par commune pour le revenu imposable, la définition des groupes ou déciles des communes
pauvres et riches basée sur le nombre de commune peut biaiser les résultats.
52 Dans cette étude, nous utilisons les revenus fiscaux des ménages par unités de consommation
(UC), car ils sont plus proches des niveaux de vie des ménages.
196
Rapport INRETS n° 277
Les disparités de revenus à différentes échelles spatiales en France
si le seuil de diffusion dans le cadre du secret statistique est plus strict et crée
des biais pour certaines aires urbaines. Mais cela ne nous empêche pas d’utiliser
l’indice (Gs) qui selon nous, reflète mieux le niveau de ségrégation des quartiers
par le revenu dans chaque aire urbaine. Pour dépasser cette difficulté liée au
degré d’exhaustivité des Iris (quartiers), nous estimons les revenus moyens des
quelques Iris manquants à partir des simulations sur les revenus par quartile
ou les revenus médians53. Pour les petits Iris non renseignés sur le revenu (Iris
généralement de type « divers » ou de type « activités ») et qui concentrent
moins de 0,5 % de la population dans chaque aire urbaine, nous les regroupons
au sein d’un seul soi-disant Iris, et nous lui attribuons le revenu moyen de l’aire
urbaine.
2. Les évolutions des disparités à l’échelle nationale et
régionale
2.1. Au niveau national
Le revenu net imposable moyen a augmenté entre 1985 et 2001, au niveau
des différents zonages de l’Insee. Après une hausse entre 1985 et 1990, il a
baissé jusqu’en 1996 avant d’augmenter et atteindre la valeur la plus importante
de la période.
Il est plus important dans les zones urbaines et notamment les plus grandes
d’entre elles (les aires urbaines de plus de 100 000 habitants), comme le montre
le Graphique 1.
Le nombre de foyers fiscaux a également progressé de 29,7 % pendant la
période, avec une moyenne annuelle de 1,6 %.
La dispersion des revenus a augmenté entre 1985 et 2001, sauf pour l’espace
rural où l’indice de Gini (Gk) a notablement baissé entre 1990 et 1996. Elle est
plus importante dans l’espace urbain.
Globalement, la dispersion du revenu moyen net imposable des foyers fiscaux
s’accentue sur la période 1985–2001 (Graphique 2). Cette tendance est relativement similaire à celle identifiée au niveau individuel par Champagne et Maurice
(2001) sur la période 1991–1999.
53 Le
seuil de diffusion des revenus moyens (avec l’ensemble des informations telles que les déciles,
l’écart-type, …) est de 2 000 habitants par unité spatiale (commune ou iris), tandis qu’il est de 50
ménages pour le revenu médian, ce qui donne à ce dernier l’avantage de recouvrir plus d’unités
spatiales. La taille des plus petites unités spatiales (nous utilisons indifféremment le terme quartiers
ou Iris) varie de 50 ménages à 10 000 habitants.
Rapport INRETS n° 277
197
Les formes de la métropolisation
Graphique 1 : évolution du revenu moyen net imposable des foyers fiscaux
au sein des différents découpages de l’Insee-1999, de 1985 à 200154
(Euro constant 200355)
19000
Revenu moyen
17000
15000
13000
11000
1985
1990
1995
2001
Données Direction Générale des Impôts.
Graphique 2 : évolution de la dispersion du revenu moyen net imposable
des foyers fiscaux par commune au sein des différents découpages de
l’Insee-1999, de 1985 à 2001
0,18
0,16
Gini
0,14
0,12
0,1
20
01
19
95
19
90
19
85
0,08
Données Direction générale des impôts.
54 La
valeur de 1999 est obtenue par extrapolation.
partir des coefficients de variation des prix à la consommation de la DGI : instruction du
23 octobre 2003.
55 À
198
Rapport INRETS n° 277
Les disparités de revenus à différentes échelles spatiales en France
2.2. Au niveau régional
Les disparités intercommunales ont augmenté au sein de la majorité des régions,
entre 1985 et 2001. À l’exception du Limousin et de la Corse, les deux régions les
moins peuplées, où plus de 70 % des communes sont rurales, l’indice de Gini (Gk)
a augmenté dans l’ensemble des régions françaises. Les hausses les plus fortes
concernent les régions qui ont le moins de communes rurales. Globalement, l’indice
de Gini a augmenté au niveau des différentes régions, entre 1985 et 2001, même
dans celles où le revenu moyen des déciles des communes pauvres augmente.
Nous constatons une évolution du revenu moyen qui suit les mêmes tendances constatées au niveau national, à l’exception de la région d’Alsace qui continue
d’augmenter son revenu moyen même pendant la période de baisse (1990–1995)
ou la Corse qui voit son revenu moyen baisser pendant la première période favorable, ainsi que sur l’ensemble de la période. La moitié des régions ont connu une
hausse comprise entre 5 et 10 %. La plus forte hausse est celle enregistrée en
Alsace (+18,7 %) devant l’Île-de-France (+14,7 %) et Rhône-Alpes (+14,5 %). Sur
la même région de l’Île-de-France, une étude similaire de l’IAURIF (Sagot, 2002)
sur les revenus fiscaux des ménages au niveau communal montre une croissance
des disparités spatiales, entre 1984 et 1996. L’indice d’inégalité (de Theil) a doublé pendant la période de conjoncture favorable (1984–1990), notamment sous
l’effet d’un enrichissement des communes classées dans le décile supérieur ; cet
indice s’est ensuite légèrement amorti (–10 %) pendant la période de conjoncture
défavorable (1990–1996) (Fitoussi et al., 2004 : 15).
Comme l’indique le Tableau 1 (qui classe les régions de la plus riche à la
plus pauvre), l’écart du revenu entre la région la plus riche (Île-de-France), et la
région la plus pauvre (Corse) est supérieur à 73 %. Il est aussi important avec la
deuxième région la plus pauvre (Languedoc-Roussillon, 59 %).
Il faut signaler que l’écart, d’environ 26 %, entre la première et la deuxième
région (Alsace) est le même que celui entre cette deuxième région et l’avant-dernière (Languedoc-Roussillon), ce qui montre en premier lieu la grande richesse de
la région parisienne par rapport aux autres régions et la pauvreté de la Corse.
Pour préciser l’analyse de cette dispersion, nous avons défini le décile des
communes le plus riche et le décile le plus pauvre56 dans chaque région, en
fonction des revenus en 2001. À l’intérieur des régions, les évolutions des deux
déciles extrêmes sont complètement divergentes :
Sur les 22 régions, 17 ont eu une évolution négative entre 1985 et 2001 du
revenu moyen du décile des communes pauvres. On relèvera toutefois qu’entre
1995 et 2001, tous les revenus des déciles pauvres ont augmenté dans l’ensemble des régions à l’exception de la région la plus riche57 et de la région la plus
56 La
région de Corse ne contient que 24 communes de plus de 2 000 habitants, ce qui nous a conduit
à prendre cinq communes de chaque côté au lieu du décile.
57 L’étude de François et al. (2003) montre justement un appauvrissement de la proche banlieue Nord
qui forment en 1999 un noyau vaste et compact qui recouvre une part importante du territoire de la
Seine-Saint-Denis et qui mord sur le sud-est du Val-d’Oise (François et al., 2003 : 74)
Rapport INRETS n° 277
199
Les formes de la métropolisation
pauvre. À un niveau plus fin, nous constatons que, en Île-de-France, 94 % des
54 communes qui appartiennent au décile le plus pauvre ont vu une évolution
négative de leurs revenus (68 % en Provence–Alpes–Côte-d’Azur, notamment
Marseille et 86 % en Lorraine avec ses bassins miniers en crise). Tandis qu’elles
ne représentent que moins de 30 % en Bretagne, Pays-de-la-Loire et en Alsace.
Tableau 1 : revenu moyen des communes riches et pauvres
par région entre 1985 et 2001(en Euro constant 2003)
Régions
Île-de-France
Alsace
Rhône-Alpes
Centre
Provence–
Alpes–Côte
d’Azur
HauteNormandie
Franche-Comté
Pays-de-la-Loire
ChampagneArdenne
Bretagne
Picardie
Bourgogne
Aquitaine
Midi-Pyrénées
BasseNormandie
Lorraine
PoitouCharentes
Auvergne
Nord-Pas-deCalais
Limousin
LanguedocRoussillon
Corse
Revenu
moyen
en 2001
Évolution du revenu
moyen des communes
pauvres
21 703
17 207
16 700
15 573
1985–
1990
–1,0
+3,1
–1,1
+0,9
1990–
1995
–6,4
–2,1
–5,1
–6,2
1995–
2001
–0,9
+3,8
+4,1
+4,6
15 339
–2,8
–7,0
+1,1
–8,7 +10,0 –7,0
+9,9 +12,4
1,71
2,10
15 295
–3,6
–6,6
+3,9
–6,5 +10,1 –0,2
+8,4 +19,2
1,83
2,34
15 128
15 107
+0,1
–1,1
–5,4
–1,3
+6,2
+7,9
+0,6
+5,4
+9,7
+6,7
+3,2 +6,1 +20,1
+1,1 +13,8 +22,7
1,52
1,61
1,81
1,87
15 104
–1,1
–6,8
+5,3
–2,9
+8,9
–9,4 +12,7 +11,2
1,79
2,05
15 100
15 040
14 946
14 850
14 638
–4,4
–0,4
–0,5
–3,1
–2,8
–0,6 +11,0 +5,5 +7,9 +1,2 +12,9 +23,2
–7,7 +1,1 –7,0 +12,9 –1,6 +4,6 +16,2
–5,4 +3,3 –2,7 +7,5 –1,8 +6,4 +12,3
–6,7 +3,8 –6,2 +5,2 –4,6 +14,6 +15,0
–2,2 +5,3 +0,1 +8,4 –1,8 +9,7 +16,9
1,61
1,74
1,63
1,64
1,68
1,89
2,17
1,88
2,01
1,96
14 428
–3,2
–5,8
–0,9 +10,1 +17,4
1,56
1,88
14 320
–0,4 –10,5 +0,3 –10,5 +4,0
+1,5
+7,2 +13,2
1,77
2,24
14 172
–1,6
–5,6
+5,0
–2,5
+5,4
+1,9 +12,2 +20,6
1,47
1,82
14 108
–1,8
–5,9
+7,4
–0,8
+5,0
+2,6
+5,5 +13,6
1,73
1,98
13 947
–2,5
–5,8
+2,3
–5,9 +13,1 –1,0
+7,2 +20,2
1,80
2,30
13 837
–3,2
–3,5
+5,5
–1,4 +13,1 –9,4 +11,6 +14,3
1,53
1,78
13 662
–1,5
–6,4
+4,7
–3,4
–3,4 +12,1 +12,8
1,69
1,98
–2,9
1,42
1,72
12 537 –10,9 –5,6
+6,5
1985–
2001
–8,1
+4,8
–2,3
–1,1
Évolution du revenu
moyen des communes
riches
–2,8
1985–
1990
+33,7
+13,7
+17,7
+7,9
+7,6
+4,1
–0,1 –15,9 –0,4
1990–
1995
–11,6
+6,8
–6,8
+1,8
1995–
2001
+26,7
+11,3
+23,2
+5,4
Revenu
moyen des
communes
riches/
Revenu
moyen des
communes
pauvres
+5,2
1985–
1985
2001
+49,6 2,17
+35,2 1,37
+35,1 1,77
+15,7 1,60
+1,8
2001
3,54
1,77
2,44
1,87
Données Direction générale des impôts.
200
Rapport INRETS n° 277
Les disparités de revenus à différentes échelles spatiales en France
Le revenu moyen du décile des communes les plus riches a augmenté dans
toutes les régions même en Corse (+1,8 %) de 1985 à 200158. L’augmentation était
très élevée dans les trois régions les plus riches (49,6 %, 35,2 %, 35,1 %), mais
aussi dans des régions beaucoup moins riches (Nord-Pas-de-Calais, 20,2 %).
Enfin, l’écart entre le revenu moyen du premier décile et celui du deuxième
décile s’est de plus en plus creusé, au sein de chaque région. Si la région parisienne était la seule ayant un écart supérieur à 2 en 1985, en 1990 les régions
Rhône-Alpes, Haute-Normandie et le Nord-Pas-de-Calais l’ont rejoint. En 2001,
près de la moitié des régions ont atteint cet écart.
3. La ségrégation spatiale intra-urbaine
3.1. Les évolutions des disparités communales
Pour les aires urbaines françaises, l’analyse de l’évolution de la répartition des
revenus fiscaux moyens par commune, au cours de la période 1985–2001, montre également un accroissement de cette dispersion (Graphique 3). Les variations
du coefficient de Gini (Gk) montrent une tendance nette à la croissance.
Graphique 3 : évolution de la dispersion du revenu moyen
des foyers fiscaux par commune entre 1984 et 2004
pour les 15 plus grandes aires urbaines françaises
0,22
Paris
0,2
Lyon
Marseille
0,18
Lille
Indice de Gini (Gk)
0,16
Toulouse
Nice
0,14
Bordeaux
Nantes
0,12
Strasbourg
0,1
Toulon
Douai-Lens
0,08
Rennes
0,06
Rouen
Grenoble
0,04
Montpellier
0,02
84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04
Année
Données Direction générale des impôts.
58 Pourtant,
ce revenu avait baissé pendant la période de conjoncture (1990–1995), notamment en
Île-de-France (–11,6 %). En classant les communes franciliennes en sept catégories, de très aisées
au très pauvres, François et al. (2003) ont montré un reclassement de plus d’un tiers des communes
spécialisées dans la résidence des ménages les plus aisées dans les deux gammes de communes
en dessous, entre 1990 et 1999.
Rapport INRETS n° 277
201
Les formes de la métropolisation
Une analyse plus fine montre que c’est l’ensemble des communes les moins
riches qui voient par ailleurs la progression la plus faible de leur revenu fiscal
moyen, alors que les communes aux revenus les plus élevées sont également
caractérisées par les progressions les plus fortes.
Si l’on retient les cinq communes les plus pauvres et les cinq communes les
plus riches de chaque aire urbaine de plus de 100 000 habitants en 199959, on
dispose ainsi de 47 aires urbaines qui seront étudiées sur la période 1985–2001.
On constate une progression du revenu moyen entre 1985 et 1990, puis un déclin
entre 1990 et 1995, enfin une hausse entre 1995 et 2001.
Globalement, sur l’ensemble de cette période, on constate les évolutions
suivantes :
–– les revenus moyens des aires urbaines en 2001 varient de 21 692 €/foyer
fiscal60, pour Paris la plus élevée de l’échantillon, à 12 189 €/foyer fiscal,
à Douai-Lens pour la plus faible, soit un écart de près de 78 %. Cet écart
important est comparable avec celui observé au niveau des régions, mais il
peut être très considérable si on descend à des niveaux plus bas. Un rapport
de l’Association des Maires de grandes villes (2004) montre que, pour les villes de plus de 100 000 habitants, l’écart s’est accentué entre 1992 et 2001 ;
–– sur ces 47 aires urbaines, l’aire urbaine frontalière de Thionville (située à
une trentaine de kilomètres de la capitale luxembourgeoise) est la seule qui
a eu une évolution globale négative (–3 %) sur la période (en revenu moyen
constant), tandis que 19 avaient une progression supérieure à 10 %. Les
deux croissances les plus fortes sont celle d’Annecy avec 18 % et celle de
Strasbourg avec 16,4 %. Seize aires urbaines ont une croissance située
entre 0 et 5 %, donc relativement faible ;
–– dans 45 % des aires urbaines étudiées, le revenu moyen des communes
pauvres a baissé (21/47). Pour les aires urbaines dont le revenu des communes pauvres a progressé, cette hausse reste faible (entre 0 et 7 %), sauf
dans deux cas (Rennes +19,4 % et Nantes +15 % où la croissance été très
forte entre 1985 et 1990 ;
–– le revenu moyen des communes riches a augmenté dans toutes les aires
urbaines à l’exception de Thionville (–4,7 %). L’augmentation est supérieure
à 10 % dans toutes les aires urbaines et atteint jusqu’à +62 % à Paris et
+51 % à Lyon ;
–– enfin, l’écart entre le revenu moyen des communes riches et le revenu
moyen des communes pauvres au sein d’une même aire urbaine est de
plus en plus élevé. En 1985, seules trois aires urbaines avaient des écarts
supérieurs à 2 ; ce sont Paris, Lyon et Lille. En 2001, les écarts se sont élargis, ils sont de 5,5 à Paris et 4,3 à Lyon, comme le montre le Tableau 2.
59 On
limite l’analyse aux communes de plus de 2 000 habitants au sein de chaque aire urbaine. En
outre, les communes intermédiaires devront être au moins au nombre de cinq. Des seuils de 10 et de
20 communes ont été testés sur les plus grandes aires urbaines. Ils donnent les mêmes tendances.
60 Les montants sont actualisés en euros 2003.
202
Rapport INRETS n° 277
Les disparités de revenus à différentes échelles spatiales en France
Ainsi, la croissance des revenus dans les communes riches est très forte, et,
même si certaines communes pauvres ne perdent pas, les écarts se creusent, car
les revenus moyens dans ces communes progressent peu.
Tableau 2 : revenu moyen des communes riches et pauvres
de quelques aires urbaines entre 1985 et 2001
(aires urbaines dont l’écart communes riches / communes pauvres
est supérieur à 2 en 2001)
Aires urbaines
Paris
Évolution au sein des aires
urbaines du revenu moyen entre
1985 et 2001
Communes
Communes
pauvres
riches
–16,1
+61,9
Lyon
Lille
Marseille
Grenoble
Rouen
Bordeaux
Metz
Montpellier
–7,2
–8,2
–19,5
–1,2
–6,2
–9,7
+1,7
–8,5
+50,8
+19,8
+16,6
+33,1
+16,7
+18,2
+ 24,5
+16,0
Revenu moyen des communes
riches/revenu moyen des
communes pauvres
1985
2001
2,83
5,46
2,20
2,19
1,90
1,91
1,95
1,72
1,79
1,58
4,27
2,86
2,75
2,57
2,42
2,25
2,19
2,01
Données Direction générale des impôts.
L’analyse par commune recouvre, elle aussi, des disparités qui peuvent être
très importantes entre quartiers. Au sein d’une même commune on peut mettre
ainsi en évidence la juxtaposition de quartiers de niveau de revenu très différents.
Mais ce zonage étant relativement récent, il n’est pas actuellement possible de
suivre l’évolution de ces disparités dans le temps. Il nous permet, cependant, de
mieux préciser le niveau de la ségrégation intra-urbaine et de rectifier quelques
biais liés à l’agrégation.
3.2. Les disparités à l’échelle des quartiers en 2001
Nous avons jusque-là mis en évidence une croissance des disparités à différentes échelles à partir des revenus moyens des foyers fiscaux par commune.
Les résultats obtenus à partir des revenus moyens et médians déclarés au niveau
des quartiers (Insee–DGI, 2004) confirment le niveau de disparité entre les communes dans chaque aire urbaine en 2001 (Mignot et Bouzouina, 2005). Ils mettent également en évidence que les disparités entre les quartiers au sein de la
même aire urbaine sont encore plus fortes que les disparités entre les communes.
Même certaines aires urbaines, qui semblent avoir un niveau moindre de disparités au niveau de la commune, sont marquées par des disparités plus importantes
à l’échelle des quartiers, à l’image de Lille, Strasbourg et Nice. Cette dernière est
en plus parmi les aires urbaines les plus inégalitaires (Gini de 0,384) juste après
Paris et Marseille (0,395 et 0,391), comme on peut le voir dans le Tableau 3.
Rapport INRETS n° 277
203
Les formes de la métropolisation
Une étude de l’Insee et de la région Alsace (2004) montre une concentration des très hauts revenus en périphérie des grandes communes (Strasbourg,
Mulhouse et Colmar), sachant que le degré des disparités interquartiers dans ces
aires urbaines est important par rapport aux autres aires urbaines de la même
région. À l’inverse, en région Bretagne, les aires urbaines connaissent moins de
disparités à ce niveau (Gk moins de 0,097). Il existe bien dans cette région, considérée comme la moins inégalitaire de toutes les régions en matière de revenus
déclarés, une hétérogénéité des niveaux de revenus entre quartiers (Le Verre,
2004 : 10).
Tableau 3 : degré d’inégalités et de ségrégation sur
les 15 plus grandes aires urbaines et leurs communes-centres
calculés sur les revenus déclarés des ménages fiscaux en 2001
Indices de Gini sur le centre
de l’AU
Indices de Gini sur l’AU
Aire
urbaine
Inégalité
des
revenus
des
ménages
(UC) Gi*
Revenu
Inégalité
des
Ségréga- moyen
de l’AU
revenus
tion
des Iris
Gs
Gk
Inégalité
des
revenus
des
ménages
(UC) Gi*
Revenu
Inégalité
moyen
des
Ségréga- du centre
revenus
tion
de l’AU
des Iris
Gs
Gk
Paris
0,395
0,208
0,526
21 767
0,471
0,228
0,484
27 356
Lyon
0,348
0,152
0,436
18 533
0,374
0,144
0,385
19 826
Marseille
0,391
0,191
0,488
16 291
0,426
0,216
0,507
14 971
Lille
0,375
0,185
0,493
16 342
0,430
0,204
0,474
14 980
Toulouse
0,346
0,122
0,352
18 291
0,405
0,152
0,375
17 439
Nice
0,384
0,145
0,378
17 858
0,403
0,165
0,409
16 553
Bordeaux
0,341
0,128
0,375
17 725
0,409
0,174
0,425
18 552
Nantes
0,326
0,129
0,396
17 523
0,381
0,168
0,441
17 664
Strasbourg
0,343
0,146
0,425
18 702
0,411
0,211
0,513
17 431
Toulon
0,357
0,141
0,394
16 171
0,385
0,166
0,431
14 825
Douai-Lens
0,363
0,131
0,361
12 855
/
/
/
Rennes
0,315
0,115
0,366
18 085
0,362
0,150
0,414
18 115
Rouen
0,343
0,162
0,473
16 841
0,399
0,176
0,441
16 672
Grenoble
0,338
0,161
0,477
18 548
0,375
0,151
0,403
16 831
Montpellier
0,377
0,147
0,389
16 918
0,433
0,156
0,360
14 953
* Calcul Insee – Données Insee–DGI, 2004.
Nous interprétons la présence d’une forte disparité entre les quartiers d’une
aire urbaine et une importante homogénéité des ménages au sein de ces voisinages comme le résultat du processus ségrégatif. L’indice de ségrégation (Gs) prend
en compte ces deux critères en identifiant la part de l’inégalité entre les quartiers
dans l’inégalité totale au sein de l’aire urbaine. Plus il est proche de 1 plus l’inégalité totale est expliquée par celle entre les quartiers et donc la ségrégation est forte.
Il nous permet de comparer le niveau de ségrégation entre les aires urbaines, leurs
centres, ainsi qu’entre chaque aire urbaine et son centre en 2001.
204
Rapport INRETS n° 277
Les disparités de revenus à différentes échelles spatiales en France
Les aires urbaines de Paris, Lille et Marseille semblent les plus ségréguées.
Elles connaissent les plus fortes disparités entre les quartiers (Gk) et inégalités
des ménages (Gi), mais surtout la plus importante ségrégation des quartiers (Gs).
Ce dernier est égal à 0,532 à Paris, 0,496 à Lille–Roubaix–Tourcoing et 0,461 à
Marseille–Aix (Tableau 3).
Par ailleurs, Lyon, Strasbourg, Rouen et Grenoble, bien que moins inégalitaires que Paris ou Marseille (Gi respectivement de 0,348, 0,343, 0,343 et 0,338
contre 0,395 et 0,391) semblent tout autant marquées par la ségrégation spatiale,
puisque l’indice (Gs) est proche de celui de Paris et de Marseille (Tableau 3).
Rennes demeure l’aire urbaine la moins inégalitaire (Gi de 0,315) (y compris
son centre : Gi de 0,362) où la disparité entre les quartiers est la plus faible (Gk
égal à 0,113), et la ségrégation est parmi les plus modestes (Gs égal à 0,357).
L’aire urbaine duocentrique de Douai–Lens, fusionnée en 1999, apparaît
la moins ségrégée (Gs égal à 0,315). Faut-il en conclure pour autant que les
aires urbaines polycentriques sont moins ségrégées ? Les exemples de Lille et
Marseille tendraient à prouver le contraire.
Aux États-Unis, Pendall et Carruthers (2003 : 581–582) ont mis en évidence
que l’étalement — au moins comme faible densité — n’est pas directement associé ni responsable de la ségrégation par le revenu. Au contraire, ils trouvent, au
niveau régional, que la ségrégation est plus faible dans les régions à faible densité ou à densité très décroissante, entre 1980 et 2000, par rapport aux régions à
densité forte ou stable. Mais ils trouvent en même temps, au niveau urbain, que
la ségrégation est plus faible dans les aires métropolitaines (MSA) les plus denses et dans celles qui voient leurs densités croître même légèrement par rapport
aux aires métropolitaines à densité moyenne ou stable entre 1980 et 2000. Ils
soulignent l’importance de la densité pour les politiques visant à réduire la ségrégation et instaurer une mixité sociale, mais qui risque d’être une simple période
intermédiaire vers une plus vaste gentrification chassant les ménages pauvres
du centre.
En France, le logement social de type HLM, qui, par sa concentration dans des
banlieues, conduit à des quartiers homogènes et à la ségrégation, peut maintenir
une certaine hétérogénéité au sein même de certains voisinages comme l’ont
souligné Pinçon et Pinçon-Charlot (2004) sur Paris, pour peu que des politiques
adéquates aient été menées afin de soustraire une partie du marché du logement
à la spéculation. La politique du logement fait donc partie d’un processus ségrégatif général aux effets directement perceptibles à l’échelle des quartiers.
3.3. Les mécanismes de la ségrégation par le revenu
Il nous semble important d’insister sur les mécanismes de ségrégation pour
mieux appréhender l’avenir des villes (Jargowsky, 1996) et essayer de comprendre les forces de concentration et de dispersion qui les entretiennent notamment
au niveau intra-urbain. La complexité des études qui traitent de la ségrégation
réside dans le fait que ces causes et ces effets ne sont pas forcément extérieurs,
ce qui montre la capacité du phénomène à s’autoalimenter et à être dynamique.
Rapport INRETS n° 277
205
Les formes de la métropolisation
De plus, les mécanismes, liés à la résidence, à l’emploi et l’école, qui peuvent
l’expliquer ne sont pas seulement économiques, mais correspondent aussi à des
comportements individuels et collectifs.
L’ensemble de la littérature a mis en évidence un certain nombre de relations
de causalité qui sont loin d’être exhaustives, mais qui permettent d’approcher
l’explication du phénomène de la ségrégation et d’éclairer les enjeux pour l’intervention des politiques.
Marché foncier et ségrégation résidentielle
La ségrégation résidentielle est expliquée par les lois économiques sur la
localisation des ménages de l’économie néoclassique, qui font appel à la rente
foncière différentielle (Derycke, 1979, 1982 ; Aydalot, 1985). Le ménage, compte
tenu de son revenu choisit sa localisation en arbitrant entre le prix du foncier et le
coût du transport pour accéder aux lieux d’emplois et au centre-ville. Par contre,
les travaux des sociologues montrent que le marché foncier est plutôt une conséquence de la ségrégation selon qu’il s’agit d’une valorisation ou d’une dévalorisation de l’usage du sol (Grannelle, 2004). L’environnement social et la qualité du
voisinage est un élément de valorisation–dévalorisation. Le marché foncier est
donc à la fois cause et conséquence de la ségrégation résidentielle.
Effectivement, le prix du foncier n’est pas déterminé uniquement par la qualité
du logement et de l’accessibilité au lieu d’emploi, mais aussi par la qualité du
voisinage et des équipements. Les ménages mobiles (ayant les moyens) peuvent
choisir leurs logements seulement en fonction de l’image du quartier en cherchant
une « proximité rassurante » pour être « entre soi » (Maurin, 2004). La proximité de voisins influents peut générer des bénéfices et des externalités positives
(Schelling, 1978 ; Wilson, 1987) où les enfants peuvent jouer un rôle de rapprochement. Chez la grande bourgeoisie, cet entre-soi permet, en plus, de vivre en
permanence au sein d’un amoncellement de richesses à la fois matérielles et
culturelles (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2004 : 91). Schelling (1978) montre dans
son modèle microéconomique comment une ville intégrée peut devenir une ville
ségréguée, même si aucun agent ne préfère la ségrégation.
Beaucoup d’études ont montré, également, l’impact des bonnes écoles (parmi
l’ensemble des aménités et des équipements publics) sur le prix du logement dans
leurs aires de recrutement notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne.
Ségrégation scolaire et ségrégation résidentielle
Cette relation vient selon Tiebout (1956) des préférences des ménages pour
les aménités locales telles que les bonnes écoles mais aussi de l’existence d’externalités. Un nombre croissant d’études ont montré l’impact des systèmes scolaires basés sur le voisinage « carte scolaire » sur la ségrégation résidentielle par
le revenu (Bénabou, 1993 ; Nechyba, 2003). Cela crée une homogénéisation des
élèves, et l’école devient le microcosme de l’aire de recrutement. En France, et à
l’exception de certaines zones urbaines et surtout franciliennes (Maresca, 2003), il
n’y a pas de travaux qui mettent en évidence une ségrégation produite par la mon-
206
Rapport INRETS n° 277
Les disparités de revenus à différentes échelles spatiales en France
tée des « stratégies d’évitement » des familles par l’école61 (Duru-Bellat, 2004),
sachant que la valorisation de l’école n’est pas moins importante en France que
dans les autres pays, puisque la compétition commence dès le primaire (Maurin,
2004). En même temps, il est largement prouvé que le regroupement des scolaires des quartiers défavorisés influe sur leurs résultats, ainsi qu’une partie non
négligeable de l’échec scolaire semble pouvoir s’expliquer par des effets de voisinage (Goux et Maurin, 2004 : 5). Cette concentration peut même faciliter l’influence des comportements négatifs des jeunes et favoriser l’effet « contagion »
par des externalités négatives (Wilson, 1987 ; Crane, 1991). La ségrégation scolaire est non seulement susceptible de jouer sur le prix des logements, mais elle
peut être, pour partie, à l’origine d’une ségrégation résidentielle.
Le niveau d’éducation et de qualification ou même la réputation des écoles
fréquentées est ensuite indispensable pour accéder à certains emplois, même
si le niveau de formation ne garantit pas cet accès à l’emploi, notamment du fait
d’effets de quartiers.
Marché de travail et ségrégation résidentielle
Une grande partie des problèmes d’emploi des populations ségrégées est liée
à des effets de quartier. La faiblesse des réseaux sociaux (O’Reagan et Quigley,
1998) et la discrimination à l’emploi par rapport au lieu de résidence redlining
(Zenou et Boccard, 2000) représente un des freins à l’embauche indépendamment de la distance aux opportunités d’emplois.
La théorie du mauvais appariement spatial (spatial mismatch) résultant d’une
discrimination aux marchés de logement, crée une distance entre les quartiers
ségrégés et les lieux d’emploi (Kain, 1968). Cette hypothèse est largement testée
aux États-Unis (Ihlanfeldt et Sjoquist, 1990 ; Raphael, 1998 ; Weinberg, 2000) et
même en France (Bouabdallah et al., 2002 ; Gobillon et Selod, 2002 ; Gaschet
et Gaussier, 2003). Ainsi, la ségrégation résidentielle affecte l’accès aux marchés
d’emploi.
L’emploi reste la source principale du revenu en France. Ce dernier joue un
rôle important dans le choix des résidences, et les ménages modestes choisissent leurs logements dans des quartiers où le loyer est le moins élevé (selon le
marché foncier). On retrouve là le rôle des politiques du logement, notamment le
logement social.
L’impact des politiques du logement
Si on analyse la législation française depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (Deschamps, 1998), on se rend compte que le droit au logement social a
joué un rôle primordial dans le regroupement des résidents de revenu faible dans
des territoires particuliers, notamment certaines communes de banlieue où ont
été construites les zone à urbaniser en priorité (ZUP).
61 Selon
Éric Maurin, les questions de l’économie de l’éducation sont, en général, sous-exploitées en
France.
Rapport INRETS n° 277
207
Les formes de la métropolisation
La non-prise en compte de l’espace global de l’agglomération dans la répartition de ce type de logement social et de son occupation, pendant toute cette
période, a été la cause principale de la défaillance de l’ensemble de ces dispositifs et la dérive vers la ségrégation.
Un grand nombre de mesures de lutte contre la ségrégation ont été mis en
place depuis la circulaire Guichard de 1973, en passant par la politique de la ville,
sans que cela ne remette en cause cette tendance à la ségrégation.
Les enjeux actuels pointent bien la nécessité d’une analyse et d’une politique
à la fois à l’échelle de l’ensemble de l’agglomération et à une échelle fine, celle
des quartiers.
Conclusion
Nous avons mis en évidence des disparités et une ségrégation à différentes
échelles et notamment au niveau intra-urbain.
Les écarts de revenus se sont creusés entre les communes riches et les communes pauvres pendant la période 1985–2001. Les résultats au niveau infracommunal confirment les inégalités de revenus au sein des aires urbaines en fin
de période. Ils confirment la pertinence de cette échelle d’étude et l’importance
de sa prise en compte dans la politique de la ville. À ce niveau fin, l’étude de la
ségrégation intra-urbaine nous a permis d’avoir une photographie du niveau de la
ségrégation de revenu des aires urbaines et de leurs centres. Mais les mécanismes du processus ségrégatif sont multiformes, et les liens de causalités ne sont
pas facilement identifiables.
Un ensemble de travaux met en évidence un certain nombre d’interdépendances autour de la résidence, les aménités et l’emploi sans que l’impact de la
forme urbaine et notamment la multipolarisation ne soit clairement abordé. Une
étude de la ségrégation raciale aux États-Unis (Poulsen et al., 2002) montre que
les deux villes postmodernes caractérisées par leurs edge cities (Los Angeles,
Miami) sont moins ségrégées que les deux autres villes modernes (Chicago, New
York), ce qui nous laisse penser que la création de nombreux centres permet de
réduire la ségrégation en offrant plus d’opportunités aux marchés d’emplois et de
logements.
L’émergence de pôles secondaires diversifiés, en France, est susceptible de
rapprocher les habitants périphériques de leurs emplois et de créer de la centralité et du lien social, sans que ces pôles soient forcement substituables au centre
historique (Gaschet, 2001).
Une comparaison, qui reste à faire, de villes polycentriques et monocentriques, apportera des éléments de réponse.
208
Rapport INRETS n° 277
Les disparités de revenus à différentes échelles spatiales en France
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Imprimé en France – JOUVE, 1 rue du Dr Sauvé – 53100 Mayenne
485515C - Dépôt légal : Août 2009
P
Dominique Mignot
Diana Rebeca Villarreal González
Coordinateurs
artant d’une interrogation sur la permanence des formes de la métropolisation,
les travaux présentés dans cet ouvrage indiquent sans ambiguïté que la métropolisation
est un processus dont les trois caractéristiques de concentration, d’étalement urbain et
de ségrégation intra-urbaine sont indissociables et sont à l’œuvre simultanément.
La première partie, « les formes de la métropolisation », vise à expliciter les permanences
de ces formes. La deuxième partie, « les dynamiques économiques », analyse en quoi les
évolutions du tissu économique jouent sur les
formes de la métropolisation et, notamment,
sur les polarisations intra-urbaines. Enfin, la
troisième partie, « métropolisation et ségrégation spatiale », confirme la pertinence des
travaux sur la ségrégation spatiale pour analyser le processus de métropolisation à l’œuvre
à différentes échelles spatiales.
Rapport n° 277
Juin 2009
Les formes de la métropolisation
Costa Rica, France et Mexique
15,24 €
°2
Légende de la photo de couverture :
« Une rue fermée illégalement par les habitants de
Mexico », Dominique Mignot, 2008.
ISSN 0768-9756
ISBN 978-2-85782-673-6
77
P ORT
RAP
N
Diana Rebeca Villarreal González, docteur
en sociologie de l’École des hautes études en
sciences sociales (EHESS, Paris), professeur
du doctorat en sciences sociales et au département de production économique de l'université
autonome métropolitaine, unité Xochimilco,
Mexico.
Rapport INRETS n° 277
Dominique Mignot, docteur habilité à diriger
des recherches en sciences économiques de
l’université de Lyon et ingénieur des Ponts et
Chaussées, directeur scientifique adjoint de
l’INRETS, chercheur associé au Laboratoire
d'économie des transports (LET) à l'université
Lumière Lyon 2.
Les formes
de la métropolisation
LES COLLECTIONS DE L’INRETS