DISCOURS BRESSO FR
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DISCOURS BRESSO FR
Quelle politique de cohésion pour les zones rurales après 2013? Premier Congrès européen des communes rurales, Varsovie 20 octobre 2011 DISCOURS D'OUVERTURE DE MERCEDES BRESSO, PRESIDENTE DU COMITE DES REGIONS Seul le discours prononcé fait foi Monsieur le Vice-Premier Ministre, Madame la Ministre, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, C'est un grand honneur pour moi de prononcer ce discours d'ouverture devant une assistance aussi nombreuse, en tant que Présidente du Comité des régions. Comme vous le savez probablement, le Comité des régions représente toutes les collectivités territoriales de l'ensemble de l'Union européenne, et fait entendre leur voix dans le processus décisionnel communautaire. Ce 1er congrès européen est un évènement remarquable à plusieurs titres. D'abord, il nous offre l'opportunité de débattre de questions cruciales pour l'avenir d'environ 100.000 collectivités locales. Ce chiffre donne un peu le vertige. Il témoigne de la force du lien toujours vivant qui unit l'Union européenne à ses campagnes. Ensuite, il intervient au moment où, avec ses propositions de règlement pour 2014-2020, la Commission réaffirme que le développement des zones rurales est à la croisée de deux "grandes" politiques européennes: la PAC et la politique régionale. Pour ouvrir la discussion, je rappellerai quelques caractéristiques actuelles des zones rurales et j'indiquerai quelles sont les premières réactions du Comité des régions aux perspectives tracées par les propositions de la Commission. 1 - Quels sont les défis actuels des zones rurales dans l'Union européenne à 27 ? Aujourd'hui, les zones rurales se caractérisent par une très grande diversité: certaines d'entre elles sont en proie au dépeuplement et au déclin alors que d'autres situées à proximité des villes sont soumises à des pressions croissantes foncières et démographiques. Certaines d'entre elles font face à une régression économique dramatique liée au déclin de l'activité agricole, alors que d'autres connaissent un succès grandissant lié à la qualité de leur environnement naturel et au tourisme. Du point de vue de la cohésion de l'UE à 27, la diversité, voire l'hétérogénéité des situations des zones rurales constitue un sujet de préoccupation. Le 5ème rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale, publié en novembre 2010, insistait sur les disparités socioéconomiques entre les régions européennes et sur les nouvelles 2 dynamiques qui s'y jouent. Mais il montrait aussi que, malgré le rattrapage effectué par les zones à prédominance rurale, leur niveau de développement demeure inférieur à la moyenne communautaire, et même très inférieur à celui des zones à prédominance urbaine. Cet écart entre zones rurales et zones urbaines est particulièrement marqué en Europe centrale et orientale, où d'ailleurs l'essentiel de la population vit en milieu rural (41% vit à la campagne, contre 21% dans les grandes villes et 23% en zone intermédiaire). Cet écart est d'autant plus inquiétant qu'il s'est creusé entre 2000 et 2007, notamment sous l'effet d'accélération qu'ont connu les grandes villes et les capitales. Mais, au-delà de cette diversité, toutes les zones rurales européennes sont confrontées à des problèmes similaires. L'accessibilité physique, l’éloignement des centres de décision et de recherche, ainsi que la fracture technologique, constituent pour de nombreux territoires des handicaps lourds à combler. En matière sociale, les territoires ruraux présentent un taux d'activité plus faible que les zones urbaines et la création d'emploi y est également moindre. Le maintien des services publics ou privés de qualité réclame souvent une forte mobilisation politique, citoyenne et financière, via une péréquation fiscale renforcée qui met en jeu une plus forte solidarité entre les citoyens. 3 A ces problèmes bien connus s'ajoutent de nouveaux défis, tels que l’impact du changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution, le grignotage de l’espace rural, notamment agricole, ou encore le vieillissement de la population. Un chiffre me paraît éloquent en la matière: seulement 7% des agriculteurs ont moins de 35 ans en Europe, alors qu'un tiers des exploitants ont plus de 65 ans. 2 - Quelles perspectives offrent la politique de cohésion et la PAC après 2013 ? Comme vous le savez, la Commission vient de publier ses propositions pour la future politique de développement régional et de développement rural. Ces textes très détaillés ébauchent une nouvelle synergie entre les 5 fonds européens qui interviennent dans le développement territorial. Ils feront l'objet d'une analyse détaillée par les membres du Comité des régions. Il serait donc prématuré que je me prononce formellement aujourd'hui. Néanmoins sur base de nos précédents avis, je peux déjà indiquer quels sont les grands principes défendus par le Comité pour la politique de cohésion et comment ils pourront s'appliquer aux zones rurales. Ces principes sont au nombre de trois: l'intégration, le partenariat et la cohésion. L'intégration: 4 Pour le Comité des régions, c'est seulement par une approche intégrée – c'est-à-dire une coordination intersectorielle renforcée – que les politiques publiques pourront relever les défis économiques, environnementaux et sociaux qui se posent à chaque territoire. En proposant un règlement général couvrant non seulement les Fonds structurels mais aussi le Fonds européen agricole de développement rural et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, la Commission répond à nos attentes. Nous comptons bien que le Cadre Stratégique Commun qui définira les règles et les priorités communes à ces fonds garantisse une véritable coordination entre la politique de développement rural et la politique de cohésion. L'approche commune proposée pour le développement local mené par les acteurs locaux, inspiré par la méthode LEADER, est un excellent point de départ. De même, on peut saluer l'augmentation du budget attribué à la politique de développement rural de près de 5 milliards d'euros, la pérennisation de LEADER qui sera au moins doté de 5% du budget, la possibilité de réaliser des projets de développement local intégrés avec des acteurs publics et privés venant des zones rurales ou des zones urbaines. La cohésion: Au Comité des régions, nous considérons que la cohésion économique, sociale et territoriale – inscrite dans le Traité de 5 Lisbonne - est à la fois un objectif et un moyen. Autrement dit, pour nous, toute politique qui chercherait à renforcer la compétitivité, l'innovation ou l'excellence au détriment de la cohésion ferait fausse route. Au contraire, le dynamisme de notre modèle européen s'est toujours nourri de la synergie entre ces deux dimensions, la croissance et la solidarité. Le Président Barroso l'a bien expliqué à la séance d'ouverture des Open Days la semaine dernière, comme il l'avait déjà souligné dans son discours sur l'état de l'Union. De même, devant le Parlement européen, le Commissaire Ciolos a déclaré que nous devions éviter une fracture territoriale entre, d’un côté, des zones de très forte compétitivité qui mettent en péril la durabilité des écosystèmes et, d’un autre côté, des zones en voie de désertification. Il a aussi expliqué que la PAC devait soutenir la continuité territoriale de l'agriculture. Nous partageons pleinement son analyse. Nous nous en réjouissons quand il s'agit de traiter différemment la production dans les zones difficiles, défavorisées, montagnardes, etc. Néanmoins, nous entendons bien veiller à ce que la politique agricole reste une politique commune. La flexibilité ne doit pas servir de prétexte pour aboutir à des renationalisations déguisées. Dans le 2ème pilier, la proposition de suppression des axes et de l'obligation d'un pourcentage minimal pour chaque axe présente des risques. En effet, les Etats membres seront libres de combiner les six priorités définies par la Commission, comme bon leur semble. On ne peut pas exclure que le FEADER soit 6 exclusivement consacré à l’agriculture, sauf les 5% réservés à LEADER. Conscients de ce danger, les Commissaires Hedegaard et Potocnik ont obtenu à la dernière minute que 25% soient consacrés à des mesures en faveur de l'environnement et de la lutte contre le changement climatique. Pourquoi, avec le même raisonnement, le Comité des Régions ne pourrait-il pas demander que 20% de l'enveloppe soient au moins consacrés à la 6ème priorité, pour promouvoir l'inclusion sociale, la réduction de la pauvreté et le développement économique des zones rurales? Ce serait la meilleure garantie pour que la participation de la politique de développement rural aux objectifs de la stratégie Europe 2020 ne soit pas qu'une façade. Les défis rencontrés par les zones rurales appellent la mise en œuvre d'une panoplie complète et équilibrée de mesures en faveur d'une croissance intelligente, durable et inclusive. Le partenariat: Depuis de nombreuses années, le Comité des régions s'est affirmé comme le champion de la gouvernance à multi-niveaux. Ce principe est explicitement reconnu dans le projet de règlement général, en lien avec les contrats de partenariat proposés par la Commission, comme une nouvelle modalité de mise en œuvre de la politique de cohésion, de la politique de développement rural et de la politique pour les zones côtières et maritimes. Nous en sommes 7 très satisfaits – non pas par fierté institutionnelle, mais parce que nous sommes persuadés que c'est la meilleure manière de garantir l'efficacité et l'efficience des interventions européennes. Pour les espaces ruraux, la multifonctionnalité de l’agriculture contribue efficacement au développement rural, mais elle n’est pas une réponse suffisante. Les autres secteurs socioprofessionnels doivent être mobilisés. Il faut donc prendre en considération la totalité des acteurs, y compris les acteurs non agricoles. Nous avons encore des doutes sur le rôle exact réservé aux autorités locales et régionales dans les contrats de partenariat. Certes, la Commission demandera à chaque Etat membre d'expliquer comment les parties prenantes ont été consultées mais il n'est question que de contrats signés entre la Commission et les Etats membres. Pour le Comité des régions, ce n'est pas acceptable. Les régions et les communautés rurales ne peuvent plus se contenter du seul statut de co-financeur sans être parties prenantes dans le choix des priorités et des modalités de mise en œuvre et de gestion. Aujourd'hui, elles seules peuvent permettre une orientation des aides en fonction des spécificités agricoles, environnementales et territoriales des régions. Comme dans "La ferme des animaux" d'Orwell, il y a des partenaires plus égaux que les autres! En l'occurrence, les autorités locales et régionales, lorsqu'elles en ont la compétence et qu'elles participent au cofinancement doivent être cosignataires des contrats. Si elles doivent répondre des résultats obtenus – nous 8 sommes d'ailleurs d'accord avec l'introduction des conditionnalités internes – elles ont aussi leur mot à dire. Le projet de règlement FEADER prévoit que les Etats membres puissent désigner des autorités locales ou des organismes de développement régional pour assurer la mise en œuvre des opérations de développement rural. C'est une ouverture intéressante qui confirme encore la nécessité de donner aux autorités locales les moyens d'adapter leurs programmes aux réalités de terrain. Je ne souhaite pas terminer mon propos par une note discordante, mais je dois tout de même parler d'une proposition à laquelle le Comité des régions est formellement opposé: il s'agit de la conditionnalité macro-économique. Elle est l'illustration même d'un contre-sens du principe de gouvernance à multi-niveaux! Nous ne pouvons accepter qu'une menace de suspension pèse sur tous les fonds européens couverts par le cadre stratégique commun. Nous ne pouvons accepter que les autorités locales et régionales subissent les conséquences de l'incapacité des gouvernements nationaux à remplir leurs obligations dans le cadre de l'UEM. Le Comité des régions n'est pas seul à rejeter cette disposition; le Parlement européen est sur la même ligne, ainsi que plusieurs autres partenaires. C'est un sujet sur lequel nous ne lâcherons pas prise. 9 En conclusion, je voudrais vous assurer que le Comité des Régions mettra toute son énergie pour que les politiques européennes continuent d'offrir à tous les territoires ruraux un avenir et les moyens d'exploiter leurs atouts. Il insistera pour que le Cadre stratégique commun soit élaboré en partenariat avec les autorités locales et régionales, et pour que la place et le rôle des territoires ruraux dans le développement économique et la cohésion de pleinement reconnus et valorisés. Je vous remercie pour votre attention. 10 l'Union européenne soient