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POLITIQUE 152 PCNP 12 F bis Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN SOUS-COMMISSION SUR LES PARTENARIATS DE L’OTAN L’AFGHANISTAN ET LA SECURITE DE L’ASIE DU SUD-OUEST RAPPORT DANIEL BACQUELAINE (BELGIQUE) RAPPORTEUR Secrétariat international novembre 2012 Les documents de l’Assemblée sont disponibles sur son site internet, http://www.nato-pa.int 152 PCNP 12 F bis i TABLE DES MATIERES I. INTRODUCTION ....................................................................................................... 1 II. LE POINT SUR LA TRANSITION EN AFGHANISTAN .............................................. 1 III. LES RELATIONS DE L’AFGHANISTAN AVEC SES VOISINS ................................. 5 A. AFGHANISTAN ET PAKISTAN : DES RELATIONS ETROITES ET CRUCIALES, BIEN QUE COMPLEXES ........................................................................................................ 5 B. L’IRAN ............................................................................................................................ 8 C. LES REPUBLIQUES D’ASIE CENTRALE ..................................................................... 9 IV. LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE ET LA STABILISATION DE L’AFGHANISTAN .................................................................................................... 11 V. CONCLUSIONS ....................................................................................................... 13 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 15 152 PCNP 12 F bis I. 1 INTRODUCTION 1. Depuis 2001, l’Afghanistan est l’une des priorités majeures de la communauté internationale, laquelle s’est engagée à consolider la gouvernance, accroître le développement et renforcer la sécurité à l'intérieur du pays. Certes, cette communauté, OTAN comprise, concentre son attention sur le conflit afghan, mais ce dernier génère des relations complexes entre acteurs intérieurs, régionaux et internationaux. Les voisins de l’Afghanistan bénéficieraient sans conteste de la stabilité et de la prospérité du pays, mais les tensions dans la région sont vives. Alors que l’échéance de 2014 pour le transfert des responsabilités aux autorités afghanes approche, il est de la plus grande importance de faire le point sur la situation en Afghanistan prise dans son contexte régional. 2. Le présent rapport rend compte de l’état du processus de transition en Afghanistan tel qu’il s’inscrit dans le cadre régional et international. Il s’attarde sur les relations du pays avec ses voisins et, notamment, sur ses liens complexes et inextricables avec le Pakistan, voisin dont la contribution est indispensable à la stabilisation afghane. Enfin, le rapport examine, au-delà de celui de l’OTAN, le rôle de la communauté internationale dans la transition ; il souligne que cette communauté et, singulièrement, les membres de l’OTAN conserveront, même après 2014, une fonction essentielle dans le façonnement de l’avenir de l’Afghanistan et de la sécurité régionale. II. LE POINT SUR LA TRANSITION EN AFGHANISTAN 3. Au Sommet de Lisbonne, en 2010, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’OTAN ont marqué leur accord sur un mécanisme de transfert de la pleine responsabilité de la sécurité, de la gouvernance et du développement de l’Afghanistan aux autorités du pays. Ils se sont engagés aussi à mettre un terme, avant 2015, aux opérations de combat menées sur le territoire afghan sous la conduite de l’Alliance. Suivant le plan de transition (Inteqal), les entités militaires et civiles internationales cesseront progressivement d’intervenir directement pour privilégier la formation, le conseil et l’assistance. Le transfert graduel de la responsabilité de la sécurité de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) aux Forces de sécurité afghanes (ANSF) se fera à l’échelon des districts et des sous-districts, en fonction de l’aptitude des ANSF à faire face aux problèmes locaux et de l’efficacité de la gouvernance locale. Le Sommet de Lisbonne a permis d’établir, à partir du plan de transition, l’ébauche d’un transfert en cinq tranches de la responsabilité de la sécurité aux ANSF, cinq tranches qui couvrent tout le territoire afghan. Deux d’entre elles sont déjà achevées et les ANSF sont désormais le premier fournisseur de sécurité. Au Sommet de Chicago, les Alliés ont convenu de modifier le calendrier du plan de transition, de sorte qu’il est désormais prévu que les ANSF assument la responsabilité principale de la sécurité dans les trois quarts du pays avant la fin de cette année, et celle du quart restant – qui englobent les zones les plus disputées – pour le milieu de l’année suivante. L’exécution de la troisième tranche a commencé en mai 2012. De nombreux observateurs estiment que ce sera le véritable test d’endurance des capacités des ANSF, puisque cette tranche comporte des secteurs largement contrôlés par les talibans, dont les districts de Lashkar Gah, Marja et Nad Ali. Des chiffres publiés par le gouvernement afghan montrent en effet qu’au cours des quatre derniers mois (avril-août 2012), les ANSF ont affiché un taux de pertes cinq fois supérieur à celui des troupes de l’OTAN. 4. Le renforcement des capacités des Forces de sécurités afghanes est un élément capital du processus de transition. Après 2009, lorsque le commandant de la FIAS de l’époque, le général Stanley McChrystal, a mis l’accent sur cet élément, l’intensité et la qualité de la formation ont considérablement augmenté (Barry, 2011) et, en 2010 et 2011, la communauté internationale a consacré plus de 20 milliards de dollars à la formation des ANSF, soit l’équivalent du financement consenti durant les huit années précédentes (Barry, 2011). Depuis 2009, la Mission OTAN de formation en Afghanistan (NTM-A), en coordination avec les pays et partenaires de l’Alliance, des 152 PCNP 12 F bis 2 organisations internationales, des donateurs et des organisations non gouvernementales (ONG), forme les militaires et les policiers afghans. Ses activités sont complétées par des initiatives locales de l’OTAN, telles que le Centre de formation de la police de Helmand, dirigé par le Royaume-Uni. D’autres programmes tirent parti de l’extension des services de sécurité : ainsi, l’Initiative pour la police locale afghane apporte son appui à des villageois armés qui peuvent assurer la sécurité de leurs propres villages et permet ainsi le transfert de recrues vers les ANSF. 5. Début 2012, 130 000 soldats étrangers stationnaient encore sur le territoire afghan et les Etats-Unis étaient, de loin, le premier fournisseur de forces. D’ici au mois de septembre 2012, le contingent américain passera de 90 000 à 68 000 hommes (Whitlock & DeYoung, 2012). M. Obama et d’autres dirigeants de pays alliés ont souligné de manière réitérée que le plan visant le retrait de 130 000 soldats de l’OTAN était « irréversible ». 6. A mesure que les forces internationales se retirent, l’armée et la police afghanes doivent avoir une taille qui leur permette d’assurer la sécurité du pays. En février 2012, les ANSF rassemblaient 310 000 hommes, soit 42 000 de moins que ce qu’escomptait l’OTAN. Toutefois, dès le début de l’année, il n’était plus certain que l’Alliance pourrait subvenir aux besoins d’une armée de 352 000 hommes. Selon les estimations, la solde des policiers et des militaires s’élèverait, à elle seule, aux alentours de 5 à 6 milliards de dollars par an, dépense que les autorités afghanes ne pourraient assumer sur leur budget. Les gouvernements étrangers devront continuer à payer la plus grosse partie de la formation et de l’équipement après 2014. A Chicago, les chefs d’Etat et de gouvernement ont donc décidé de s’en tenir à l’objectif d’un effectif de 352 000 hommes pour les ANSF d’ici à 2017, effectif qui sera progressivement ramené à un niveau fonctionnel viable de 228 500 hommes. 7. Certains pays, tels que les Pays-Bas ou le Canada, ont déjà rapatrié leurs troupes, mais ils ont laissé sur place des instructeurs chargés de former les ANSF. D’autres pays comptent les imiter après 2014. Ainsi, l’Italie a conclu un accord de partenariat en vertu duquel elle continuera de fournir une aide financière et une formation militaire à l’Afghanistan au-delà de cette date (Associated Press, 2012). Pour leur part, les Etats-Unis et le gouvernement afghan ont signé, en mai 2012, un accord de partenariat stratégique qui, sans préciser le niveau des forces concernées, définit une relation à long terme, le cadre de la coopération future et qui autoriserait le maintien dans le pays de troupes affectées à des missions de formation et de lutte contre le terrorisme. De surcroît, au mois de juillet 2012, les Etats-Unis ont conféré à l’Afghanistan le statut d’allié majeur non membre de l’OTAN (MNNA), décision qui correspond à un signal politique fort de soutien en faveur de la stabilité à long terme de ce pays et qui permet à ce dernier d’accéder plus aisément aux exercices, à la formation, aux équipements et à l’aide financière militaire américains. 8. Malgré ces engagements, la stabilité financière des ANSF demeure incertaine. Selon le représentant permanent des Etats-Unis auprès de l’OTAN, Ivo Daalder, Washington se charge de financer plus de 90 % des dépenses de l’Armée nationale afghane (ANA) et de la police nationale afghane (PNA) et, à compter de 2015, l’aide financière à la transition devra être une « responsabilité partagée ». Toutefois, compte tenu de l’austérité budgétaire qui sévit dans les pays de l’Alliance, tout manquement aura vraisemblablement des répercussions négatives sur le plan de transition. Après 2017, les réductions des effectifs auront des incidences au-delà des capacités militaires des ANSF, puisque celles-ci sont l’une des principales sources d’emplois du pays. La démobilisation de 130 000 soldats, soit plus d’un tiers de l’effectif envisagé, mettra au chômage beaucoup d’hommes jeunes armés et bien entraînés. Le retour dans une société déjà touchée par une forte pénurie d’emplois de ces soldats dotés d’une formation toute fraîche posera un énorme problème. 9. Qui plus est, en dépit des efforts considérables déployés par les Alliés pour consolider les ANSF, celles-ci restent affaiblies par des taux d’attrition élevés, le manque d’instruction, la 152 PCNP 12 F bis 3 toxicomanie, les tensions ethniques, la corruption, le manque d’instructeurs, d’une part, et d’aptitude au commandement, d’autre part. Le général de corps d’armée Curtis Scaparrotti, commandant en second des forces américaines et chef du commandement conjoint de la coalition conduite par l’OTAN, a reconnu en février que l’armée et la police afghanes étaient loin d’être capables de gérer la sécurité du pays sans une large aide de forces étrangères ; seul 1 % des unités est capable de mener des opérations de façon autonome. Cependant, le général Scaparrotti a ajouté que 42 % des forces afghanes étaient jugées « efficaces » lorsqu’elles intervenaient avec l’aide de conseillers de la coalition et qu’elles seraient « suffisamment compétentes » pour prendre le relais des forces étrangères d’ici à la fin de 2014 (Agence France-Presse, 2012). Cependant, la révocation, le 3 août 2012, du ministre de la Défense, Abdoul Rahim Wardak, et de son collègue de l’Intérieur, Bismillah Khan Mohammadi, pourrait avoir des répercussions néfastes sur le calendrier de la transition, dès lors qu’il prive d’un titulaire le portefeuille de la Défense en plein milieu de l’offensive d’été et au moment où la FIAS réduit sa présence militaire et transfère la responsabilité de la sécurité aux forces afghanes. 10. Récemment, une série d’attaques de membres des ANSF contre du personnel international a suscité de véritables inquiétudes quant à la fiabilité des partenaires afghans et a influé sur le rythme de la formation. Les attaques « verts contre bleus » (ou « attaques de l’intérieur ») – c’està-dire, la prise à partie de soldats de la FIAS par des membres des ANSF – posent désormais un grave problème aux forces alliées. Elles se sont multipliées au cours des dernières années : pour les huit premiers mois de 2012, elles ont été à l’origine de 14 % des pertes de la Force internationale. Par comparaison, elles avaient causé moins de 1 % des pertes de la coalition en 2008, mais ce pourcentage a rapidement augmenté : 2 % en 2009, 3 % en 2010 et 6 % en 2011. En janvier 2012, un soldat afghan a tué quatre militaires français. Le président français de l’époque, M. Sarkozy, et son successeur, M. Hollande, se sont prononcés pour un retrait anticipé des troupes françaises : 2 000 hommes seront rapatriés cette année, et l’ensemble du contingent français le sera en 2013. En février, quelques jours après un autodafé d’exemplaires du Coran dans une base américaine, deux conseillers américains ont été tués à l’intérieur du ministère de l’Intérieur, l’un des bâtiments les plus sévèrement gardés de Kaboul (Riechmann, 2012). En réponse, l’OTAN, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et le Canada ont retiré des centaines de conseillers des ministères afghans, interrompant ainsi le cours des programmes d’encadrement et de formation. Depuis lors, les conseillers ont regagné leur poste, mais il sera manifestement difficile de rétablir la confiance entre ces derniers et leurs homologues afghans. 11. Le regain de tension entre la FIAS et les ANSF, de même que l’annonce par le président français de l’époque, M. Sarkozy, d’une accélération du retrait des troupes françaises, a soulevé la question de savoir si les Alliés seraient en mesure de poursuivre le processus de transition comme convenu (Erlanger & Nordland, 2012). Cependant, après l’assassinat de soldats américains par des militaires afghans en février, M. Obama a déclaré que les plans américains ne changeraient pas (Riechmann, 2012). L’assassinat, en mars, de 17 civils afghans par un soldat américain – la pire atrocité jamais commise par un militaire des Etats-Unis depuis le début de la campagne, il y a dix ans – a gravement ébranlé la confiance de la population dans la FIAS et, singulièrement, dans les forces américaines. Cependant, M. Panetta, secrétaire à la Défense des Etats-Unis a précisé que ce massacre ne saurait miner « ni notre stratégie ni la mission à laquelle nous participons » (Reuters, 2012). Cela dit, on ne sait pas avec certitude si la violence, les tensions et la perte de confiance entre Afghans et Alliés influeront ou non sur les plans de la transition au cours des mois à venir. En outre, malgré l’amélioration considérable des ANSF, de nombreux Afghans restent sceptiques quant à la capacité de celles-ci d’assurer la sécurité lorsque la présence militaire de l’OTAN sera beaucoup plus réduite et ils craignent un retour de la guerre civile après 2014. 12. Le succès de la transition ne dépend pas seulement de la sécurité. De fait, la stratégie politique de l’OTAN à cet égard souligne l’importance des efforts visant à améliorer la gouvernance et à instaurer un développement économique durable (Barry, 2011). Une gouvernance efficace au niveau national et sous-national est cruciale pour conforter la légitimité du 152 PCNP 12 F bis 4 gouvernement afghan. Des services publics améliorés, une corruption en recul et la mise en place d’une justice plus équitable et plus efficace sont essentiels pour saper le soutien aux talibans. Pourtant, la corruption demeure endémique, y compris dans les plus hautes sphères. L’Indice de perception de la corruption (ICP) de Transparency International pour 2011 classait l’Afghanistan à la 3e place des pays les plus corrompus (l’ICP porte sur 183 pays). D’après une étude de l’ONU publiée en 2010, environ un quart des Afghans versent, dans le courant d’une année, au moins un pot-de-vin à un policier ou à un édile local, tandis que 10 à 20 % d’entre eux doivent faire de même pour un juge, un procureur, un docteur ou un responsable gouvernemental [Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 2010]. La corruption et l’inefficacité de l’appareil judiciaire ont poussé de nombreux Afghans à se tourner, pour le règlement de leurs différends, vers les talibans dans les zones où ceux-ci sont présents. Un rapport d’International Crisis Group (ICG) de 2011 indique qu’« en dépit des ressources considérables consacrées à la sécurité et de l’attention accrue accordée à la police ces dernières années, les Etats-Unis et les autres Alliés n’ont pu contribuer à l’édification d’un système judiciaire efficace qui puisse établir la primauté du droit ». D’ailleurs, une étude de Integrity Watch Afghanistan datant de 2010 indique que la moitié de la population afghane considère les tribunaux comme les institutions gouvernementales les plus corrompues et que seuls deux tiers des Afghans peuvent avoir accès à la justice (Peter, 2012). 13. Le rythme de la croissance économique influera, lui aussi, sur la stabilisation et l’aboutissement de la transition. Le gouvernement a besoin de recettes fiscales pour financer la reconstruction, sa sécurité et ses institutions. De plus, l’emploi et la sécurité alimentaire peuvent « être la base d'une transition loin d'une économie de guerre » (Redman, 2011). Certes, le produit intérieur brut (PIB) de l’Afghanistan a augmenté considérablement depuis 2001, grâce surtout à l’assistance internationale, la reprise du secteur agricole et l’expansion du secteur des services (Central Intelligence Agency (CIA), 2012), mais le pays reste l’un des plus pauvres du monde avec, pour 2010, un PIB par habitant de 500 dollars seulement (Banque mondiale, 2012). A leur conférence de Tokyo, en juillet 2012, les pays donateurs ont promis 16 milliards de dollars supplémentaires sous forme d’une aide civile d’ici à 2015 et le gouvernement afghan a signé le Cadre de responsabilité mutuelle de Tokyo. Toutefois, aucun haut responsable coupable de corruption n’a encore fait l’objet de poursuites judiciaires, ce qui montre que les dirigeants afghans manquent de la volonté politique de traiter sérieusement cette question. Cette situation, combinée à une mauvaise gestion financière, fait que l’assistance financière ne parvient pas à ceux qui en ont le plus besoin et diminue de façon considérable la portée des bons résultats obtenus par la FIAS et la communauté internationale dans d’autres domaines, dont celui de la sécurité. 14. La production illicite d’opium continue à poser un énorme problème pour la stabilité de l’Afghanistan. Elle représente environ un tiers de l’économie nationale et il est donc probable qu’elle continuera à en faire partie intégrante. Les tentatives d’introduire d’autres moyens de subsistance ont largement échoué, car l’opium atteint des prix beaucoup plus élevés et engendre des revenus bien supérieurs (Redman, 2011). Selon une étude publiée par l’ONUDC, le revenu brut d’un hectare de pavot s’élevait, en 2005, à 5 385 dollars, contre 947 dollars pour le riz, 575 dollars pour le blé irrigué et 282 dollars pour le blé pluvial (non irrigué). D’après la même étude, il était six fois plus rentable, en 2010, de cultiver le pavot que le blé, encore que ce rapport ait été inférieur les années précédentes. L’ONU estime que la production d’opium a connu une remontée de 61 % en 2011. De plus, les services responsables du maintien de l’ordre et de la répression pénale devraient interdire quelque 70 % des approvisionnements pour rendre le trafic de stupéfiants moins attractif, financièrement parlant, aux yeux des trafiquants et des revendeurs (ONUDC, 2011). Compte tenu des taux d’interdiction relativement faibles enregistrés à ce jour, cela semble difficilement réalisable. En outre, toujours selon l’ONUDC, la maladie du pavot a fait plus pour réduire la production d’opium en 2010 que la stratégie de lutte contre les stupéfiants de l’OTAN. 152 PCNP 12 F bis 5 15. La stratégie politique de l’OTAN dispose aussi que la transition s’accompagne d’une réconciliation entre le gouvernement afghan et les principales factions d’insurgés (Barry, 2011). Depuis 2010, le Programme pour la paix et la réintégration en Afghanistan (PPRA – mené par le gouvernement de la République islamique d’Afghanistan) contribue à la réinsertion d’anciens combattants qui, dans leurs communautés, renoncent à la violence, rompent avec les terroristes et acceptent de respecter la Constitution. A la mi-2011, plus de 1 700 anciens combattants avaient publiquement adhéré au PPRA. Le gouvernement afghan poursuit les négociations avec les groupes d’insurgés. 16. Les représentants des Etats-Unis, de l’Afghanistan et des talibans ont entamé des entretiens trilatéraux dont Washington espère qu’ils déboucheront sur des pourparlers de paix directs entre les talibans et Kaboul (Yaaroslav & Murray, 2012). En Afghanistan et au sein de la communauté internationale, l’idée se répand qu’une stabilité durable ne peut « être obtenue sans négociations fructueuses avec les talibans » (The International Institute for Strategic Studies, 2011). Or ces derniers forment un mouvement composite et les gouvernements américain et afghan ne savent pas toujours très bien avec qui il conviendrait de négocier. Par exemple, l’administration Obama considérait que mollah Omar, dirigeant taliban, était une personnalité de premier plan dans l’organisation de pourparlers de paix, mais même lui n’exerce pas son autorité sur l’ensemble des talibans afghans (Coll, 2012). Si M. Karzaï se dit optimiste au sujet du processus de paix, de sérieux obstacles s’opposent à l’aboutissement de ce dernier. D’aucuns doutent, par exemple, que l’on puisse offrir aux factions talibanes assez de mesures d’incitation pour négocier de bonne foi et les mêmes estiment que les factions en question attendront le départ des forces internationales pour tenter de reprendre le pouvoir. Une récente flambée de violence semble conforter le point de vue selon lequel les talibans ne sont pas enclins à la réconciliation et à la négociation (Bowley & Sahak, 2012). Autre obstacle : les discussions en cours entre Washington et Kaboul sur le maintien d’une présence militaire américaine à long terme dans le pays, dès lors que des chefs talibans ont annoncé qu’ils poursuivraient le combat tant que des soldats américains demeureraient sur le territoire afghan (Yaaroslav & Murray, 2012). Par ailleurs, les pourparlers de paix pourraient être entravés par le soutien présumé que les talibans afghans reçoivent des forces armées et des services du Renseignement pakistanais (Yaaroslav & Murray, 2012)1. De fait, les perspectives d’un Afghanistan sûr et stable dépendent beaucoup des voisins du pays et, singulièrement, du Pakistan, dont le cas sera examiné dans les paragraphes suivants. III. LES RELATIONS DE L’AFGHANISTAN AVEC SES VOISINS A. AFGHANISTAN ET PAKISTAN : DES RELATIONS ETROITES ET CRUCIALES, BIEN QUE COMPLEXES 17. Le Pakistan revêt une importance cruciale pour la sécurité et la stabilité de toute la région et en particulier pour celle de l’Afghanistan. Les deux pays entretiennent depuis longtemps des relations difficiles. Le tracé de la Ligne Durand, qui les sépare mais qui divise les communautés pachtounes de part et d’autre, est une source de frictions depuis la création du Pakistan. L’Afghanistan ne reconnaît pas cette frontière et a demandé, dans le passé, l’aménagement d’un « Pachtounistan » distinct qui engloberait les populations pachtounes vivant au Pakistan, tandis que les autorités pakistanaises s’opposent farouchement au séparatisme pachtoune et s’efforcent de veiller à ce que les Pachtounes vivant sur leur territoire leur obéissent, plutôt qu’ils ne se tournent vers Kaboul. Les responsables afghans ont également accusé Islamabad de s’immiscer dans leurs affaires intérieures et de soutenir les talibans afghans, qui utilisent les zones frontalières du Pakistan comme sanctuaires et camps d’entraînement. De surcroît, chaque partie 1 Voir également, le rapport de l’OTAN sur la situation en Afghanistan et, notamment, sur l’aide fournie par les services du Renseignement pakistanais aux talibans (http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-16821218) 152 PCNP 12 F bis 6 se plaint d’incursions sur son territoire d’insurgés en provenance de l’autre. En 2010, divers faits, dont la mise sur pied de la Commission mixte afghano-pakistanaise pour la réconciliation et la paix, la conclusion de l’accord de commerce de transit entre l’Afghanistan et le Pakistan et celle d’un accord pour la construction d’un tronçon de voie ferrée relié aux Chemins de fer pakistanais, avaient semblé donner le signal d’un rapprochement. Mais l’assassinat, en septembre 2011, de l’ancien chef de l’Etat afghan et président du Haut Conseil pour la paix, Burhanuddin Rabbani - assassinat qui, selon les Afghans, aurait été perpétré avec des complicités pakistanaises - a causé une sérieuse dégradation des relations bilatérales et a renforcé l’impression que le Pakistan contribuait à l’instabilité de son voisin (Roy-Chaudhury, 2011). 18. Manifestement, le Pakistan ne peut que profiter de la stabilité de l’Afghanistan. Un regain d’instabilité chez son voisin du nord-ouest aurait pour lui de graves conséquences, à commencer par un afflux accru de réfugiés, d’armes et de militants, une exacerbation des antagonismes sociaux et ethniques, une montée de la violence et une nouvelle contraction de possibilités économiques déjà limitées. En outre, un retour des talibans au pouvoir après 2014 pourrait encourager les talibans pakistanais qui combattent les forces pakistanaises, et leur offrir une ébauche de la marche à suivre pour renverser les autorités d’Islamabad (Roy-Chaudhury, 2011). Toutefois, les efforts consentis par ces dernières pour favoriser la stabilisation de l’Afghanistan ont été mitigés. En dépit des protestations de Kaboul et de Washington, l’armée pakistanaise n’a pas fait grand-chose pour poursuivre les talibans afghans présents sur le sol pakistanais. Elle soutient que cela s’explique par un manque de moyens, ce qui n’est sans doute pas totalement infondé. Mais il semble aussi que le Pakistan soutienne activement ces talibans. A plusieurs reprises aussi, des éléments du Service du Renseignement interarmées (ISI), principal organe de renseignement au Pakistan, ont été accusés de fournir une aide directe aux talibans afghans, y compris à leur Quetta Choura (Conseil de Quetta, qui réunit les dirigeants) et au Réseau Haqqani, que l’ancien chef d’état-major des armées des Etats-Unis a qualifié de « véritable prolongement » de l’ISI (Bumiller & Perlez, 2011). 19. Des observateurs indépendants attribuent le soutien limité qu’Islamabad apporte à la stabilisation de l’Afghanistan à la rivalité qui existe entre le Pakistan et l’Inde: la présence de l’Inde en Afghanistan et ses tentatives d’y exercer une influence sont considérées comme une tactique visant à encercler le Pakistan, poussant ce dernier à la recherche d’une « profondeur stratégique » dans son voisinage. Ainsi la stabilité, quoique désirable, a-t-elle été jugée secondaire par rapport à un régime afghan amical qui entretiendrait des relations limitées avec l’Inde. Prenant la parole, en juillet 2012, devant des membres de la Commission politique en visite aux Etats-Unis, un analyste indépendant, Bruce Riedel, a indiqué que les objectifs du Pakistan en Afghanistan atteignaient une « profondeur stratégique » : atténuer l’influence de l’Inde sur son voisin du nord-est et être en mesure d’exercer des pressions politiques sur celui-ci, mettre une sourdine au nationalisme pachtoune et, si possible, en finir avec l’instabilité. Certains analystes pensent aussi que les rapports entre le Pakistan et les talibans sont une forme de "couverture", dans la perspective du retrait inévitable de la FIAS et de la possibilité d'une prise du pouvoir par les talibans au sein d’un nouveau gouvernement afghan, y compris par le biais les pourparlers de paix qui commencent à s’engager entre les talibans et Kaboul et que le Pakistan pourrait faciliter. 20. Le Pakistan semble bien placé pour influer sur les négociations de paix, notamment parce qu’il accueille un grand nombre de talibans afghans et leurs familles, mais aussi leurs bases et leurs chefs. En février 2012, pour la première fois, les autorités pakistanaises ont publiquement demandé aux talibans afghans et à d’autres groupes afghans de prendre part à un processus de réconciliation avec Kaboul, donnant ainsi à entendre qu’Islamabad pourraient avoir sur ces groupes plus d’influence qu’elle ne veut bien l’admettre d’ordinaire (Walsh & Schmitt, 2012). Toutefois, dans quelle mesure le Pakistan contribuera-t-il à l’avancement des négociations sera fonction de plusieurs facteurs, et notamment de ses relations avec les Alliés et, plus particulièrement, avec les Etats-Unis. 152 PCNP 12 F bis 7 21. Malgré ses prétendus liens qu’on lui prête avec les insurgés afghans, le Pakistan a facilité de multiples façons les opérations des Etats-Unis, de la coalition et de l’OTAN dans son voisinage. Le soutien d’Islamabad à ce que beaucoup de Pakistanais considèrent comme la guerre « américaine » et son accord tacite sur les frappes de drones américains à l’intérieur de ses frontières ont en effet « alimenté la montée en puissance d’extrémistes islamistes adeptes de la violence » dans le pays (The Economist, 2012). Depuis 2001, les attentats se sont multipliés, surtout dans la ceinture pachtoune de la province de Khyber Pakhtunkhwa et dans les zones tribales. Si certains groupes militants basés au Pakistan concentrent leurs opérations sur des cibles extérieures, des factions sectaires et antigouvernementales s’en prennent à des civils ou à des militaires pakistanais. Les forces pakistanaises ont pu affaiblir ces factions, telles que les talibans pakistanais ou al-Qaïda, mais elles n’ont pu enrayer le déchaînement de violence qui s’est abattu sur le pays. Les actes de terrorisme ont fait quelque 35 000 morts pakistanais, dont plus de 30 000 civils, au cours des huit dernières années, et leur coût pour l’économie nationale est estimé à 40 milliards de dollars (Roy-Chaudhury, 2011). 22. Le Pakistan est aux prises avec de nombreux problèmes, dont une gouvernance médiocre et une économie chancelante qui, s’ajoutant à l’insécurité, viennent aggraver l’instabilité. L’inefficacité des pouvoirs publics et des services publics défaillants viennent souligner cette médiocrité, tandis que le système judiciaire est lent et rongé par la corruption (Legatum Institute, 2011). Quant aux militaires, ils possèdent un pouvoir disproportionné et sont présents dans les sphères économiques, politiques et intellectuelles, de sorte que le gouvernement civil peine à fonctionner normalement. Selon le Legatum Institute, un groupe de réflexion basé au Royaume-Uni, en 2010, seuls 33 % des Pakistanais – l’un des taux les plus faibles au monde – soutenaient le gouvernement alors que 82 % de la population faisaient confiance à l’armée. Cependant, le gouvernement civil, en place depuis quatre ans maintenant, pourrait bien « devenir le premier de toute l’histoire du pays à aller au terme des cinq années de son mandat » (The Economist, 2012). 23. La médiocrité de la gouvernance a porté préjudice à la croissance économique. De fréquentes coupures d’électricité, « conséquence, essentiellement, d’une mauvaise politique et d’une gestion défectueuse » nuisent gravement aux affaires, tandis qu’une administration inopérante du secteur public se traduit par des garanties insuffisantes sur le triple plan de la propriété, des transactions et des contrats, ce qui effarouche les investisseurs (The Economist, 2012). Les marchés souffrent d’un manque de concurrence, de l’existence de distorsions et de barrières à l’importation, ainsi que d’une réglementation inadéquate. Qui plus est, la main-d’œuvre est fort peu instruite : la durée de scolarisation de 30 % des Pakistanais est inférieure à deux ans, et le taux d’alphabétisation est parmi les plus faibles au monde (The Economist, 2012). Si la croissance démographique est rapide, la croissance économique, elle, ne l’est pas. Pour 2012, le FMI a prévu un taux de croissance du PIB de 3,4 %, chiffre beaucoup trop bas pour absorber l’augmentation de la population en âge de travailler (Kundi, 2011). Entre-temps, le Pakistan reste un pays extrêmement pauvre – 60 % de ses habitants vivent avec moins de 2 dollars par jour et 58 % des ménages ne peuvent se nourrir convenablement (Butt, 2011). A l’avenir, le manque croissant d’eau fera planer d’autres menaces sur l’économie et la stabilité. 24. La stabilité du Pakistan a de l’importance eu égard à la sécurité de la région et à la diminution des risques terroristes internationaux, certes, mais aussi en raison de l’existence d’un arsenal nucléaire qui va croissant. Si la centaine d’armes nucléaires déployées au Pakistan est considérée comme étant en sûreté, il n’en va pas de même pour les stocks de matières nucléaires – suffisants pour l’équipement de 40 à 100 armes supplémentaires – qui suscitent de graves préoccupations, dès lors qu’ils sont entreposés dans des laboratoires et des dépôts beaucoup plus vulnérables et qu’ils risquent donc d’être subtilisés plus facilement, y compris par des militaires félons au sein de l’armée pakistanaise ou par des insurgés (Sanger & Schmitt, 2011). En outre, le médiocre bilan du Pakistan sur le plan de la prolifération nucléaire est particulièrement inquiétant. 152 PCNP 12 F bis 8 25. Quelques mois seulement après le raid mené par les Etats-Unis sur le territoire pakistanais pour tuer Oussama ben Laden sans en avertir les autorités d’Islamabad, les relations de celles-ci avec Washington (et avec l’OTAN) ont connu une nouvelle détérioration à la suite d’une frappe aérienne alliée qui a causé la mort de 24 soldats pakistanais près de la frontière afghane. En guise de représailles, le Pakistan a expulsé les militaires américains – et leurs drones – d’une base au Baloutchistan, prévenu que tout aéronef étranger pénétrant dans l’espace aérien national serait abattu, fermé deux points de passage frontaliers par lesquels transitaient de grandes quantités de fournitures à destination de la FIAS et refusé de siéger à une conférence sur l’avenir de l’Afghanistan. Il a également indiqué qu’il réviserait de fond en comble sa coopération avec l’OTAN et les Etats-Unis en matière de sécurité. Le Pakistan n’a rouvert les voies d’approvisionnement de la FIAS qu’au terme de longues négociations, au début du mois de juillet 2012. Un grand pas en avant a ainsi été accompli, mais les relations entre Islamabad et l’OTAN restent empreintes de méfiance. 26. Malheureusement, à la lumière des mauvaises relations qu’entretiennent le Pakistan et ses alliés occidentaux, certains analystes s’interrogent sur l’utilité de multiplier les gestes d’ouverture envers ce pays. Ainsi, Teresita Schaffer et Howard Schaffer conseillent aux Etats-Unis de se faire à l’idée, qu’en dépit de leurs aspirations il est impossible d’édifier un partenariat stratégique, car les objectifs des deux parties sont par trop divergents (Schaffer & Schaffer, 2012). De la même façon, Zalmay Khalilzad observe que les Etats-Unis devraient se résoudre à admettre que le Pakistan est tout à la fois « un allié et un adversaire » et qu’ils doivent recourir à une combinaison de méthodes pour endiguer les « politiques dangereuses et déstabilisatrices » [de ce pays], mais aussi l’encourager par diverses mesures à coopérer davantage (Khalilzad, 2012). Steven D. Krasner indique, pour sa part, que la politique suivie jusqu’ici par les Etats-Unis est inefficace et qu’ils doivent être à même de brandir de manière crédible la menace d’une cessation de toute assistance au Pakistan, de manière à convaincre ce pays qu’il a tout intérêt à coopérer (Krasner, 2012). Selon Robert Grenier, pour définir une "tactique commune élémentaire" vis-à-vis de l’Afghanistan, ce qui servirait les intérêts des Etats-Unis comme du Pakistan, l’administration américaine doit se montrer plus claire sur la façon dont elle envisage la fin de partie en Afghanistan, car l’ambiguïté manifestée jusqu’ici n’a cessé d’inciter Islamabad à cacher son jeu (Grenier, 2012). 27. Ces derniers temps, d’autres membres de l’OTAN ont entretenu avec le Pakistan des rapports bilatéraux moins difficiles que ceux entretenus par les Etats-Unis avec le Pakistan grâce, en partie, à une participation plus restreinte aux opérations de lutte contre le terrorisme et contre l’insurrection dans la région. Leur engagement avec Islamabad reflète toutefois les mêmes préoccupations stratégiques que celles des Etats-Unis. L’Allemagne demeure le premier partenaire commercial du Pakistan ; en 2011, la France et le Pakistan ont signé des déclarations conjointes sur la coopération en matière de sécurité, le partenariat politique et les échanges commerciaux ; enfin, en 2012, le Royaume-Uni et le Pakistan ont formellement ouvert un « dialogue stratégique amélioré » visant à renforcer les liens bilatéraux dans les secteurs de la sécurité, du commerce, de la santé et de l’éducation. En 2011, Londres a mis en avant ses intérêts stratégiques lorsqu’il a fait du Pakistan le principal bénéficiaire de son aide au développement, faisant valoir qu’un Pakistan prospère, démocratique et stable contribuerait à améliorer « la stabilité et la sécurité [dans le pays proprement dit], dans la région et au-delà » (Department for International Development - DFID, 2011). B. L’IRAN 28. Après le Pakistan, c’est l’Iran qui est le plus influent des voisins immédiats de l’Afghanistan. La politique iranienne envers ce pays est animée par deux grands facteurs : les conséquences de l’instabilité de l’Afghanistan sur la stabilité de l’Iran et les relations entre l’Iran, d'une part, et les Etats-Unis et leurs alliés, d'autre part. L’instabilité en Afghanistan a des répercussions directes sur 152 PCNP 12 F bis 9 l’Iran. Les deux pays partagent une frontière longue et mal surveillée, conditions propices à une intense contrebande de stupéfiants. Par ailleurs, l’Iran accueille un grand nombre de travailleurs clandestins afghans et environ un million de réfugiés afghans (Hokayem, 2011). En outre, le gouvernement iranien, dirigé par des clercs chiites, n’aime pas les sunnites radicaux que sont les talibans et s’est toujours opposé à eux. A cette fin, il a apporté son appui à ses coreligionnaires installés en Afghanistan, à savoir la minorité hazara et d’autres communautés afghanes non pachtounes, dont l’Alliance du Nord. Une aggravation de l’instabilité à la frontière pourrait obliger Téhéran à intervenir davantage dans les affaires afghanes. 29. L’inimitié des Iraniens pour les talibans est tempérée par leur animosité tout aussi vive à l’encontre des Etats-Unis. Certes, ils souhaitent la stabilisation de l’Afghanistan, mais ils s’opposent fermement à la présence américaine dans ce pays. Leur crainte d’un encerclement stratégique est confortée par la coopération que les Etats-Unis entretiennent avec l’Arabie saoudite et le Pakistan, lesquels soutiennent les radicaux sunnites afghans. Ces objectifs quelque peu conflictuels ne font que la politique iranienne envers Kaboul « se caractérise par une évaluation pragmatique, prudente et très opportuniste de sa portée et de ses perspectives » (Hokayem, 2011). Téhéran appuie le gouvernement Karzaï tout en s’opposant à la présence américaine en Afghanistan. Après la signature d’un accord de partenariat à long terme entre Washington et Kaboul, l’Iran a autorisé les talibans à ouvrir une représentation dans l’est du pays et a étudié les possibilités de coopération avec les insurgés, selon de hauts responsables afghans et occidentaux. 30. La transition suscite des sentiments contrastés en Iran : le départ des forces américaines est bienvenu, mais le vide qu’il laisse sur le plan de la sécurité ne l’est pas. Ce paradoxe est encore souligné par le jeu des factions à l’intérieur du gouvernement iranien : éliminer le paradoxe et favoriser une attitude plus coopérative de l’Iran envers l’Afghanistan supposerait une amélioration des relations entre Téhéran et Washington, ce qui demeure pour l’instant peu probable. C. LES REPUBLIQUES D’ASIE CENTRALE 31. Les relations entre l’Afghanistan et ses trois voisins d’Asie centrale – Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan – sont, elles aussi, dominées par les préoccupations que suscite l’instabilité afghane : le regain de violence en Afghanistan apparaît comme une menace directe pour la sécurité, menace qui alimente le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée par-delà des frontières mal surveillées (Antonenko, 2011). Dans l’ensemble, le Turkménistan mène une politique de neutralité à l’égard de l’Afghanistan, dont il s’est presque entièrement désengagé, mais le Tadjikistan et l’Ouzbékistan sont associés de beaucoup plus près aux affaires afghanes et partagent largement les inquiétudes de Kaboul. Cette association est renforcée par d’étroits liens ethniques : Tadjiks et Ouzbeks forment, respectivement, les deuxième et troisième communautés ethniques du pays. 32. Les Républiques d’Asie centrale ne sont pas des partisans inconditionnels de la présence américaine en Afghanistan, mais ils en ont profité, essentiellement sous la forme des redevances de transit perçues du Réseau de distribution Nord (RDN), ensemble d’itinéraires empruntant le territoire de ces Républiques pour aboutir en Afghanistan (Recknagel, 2012). Dans une large mesure, les pays d’Asie centrale utilisent à leur avantage la dépendance croissante de l’OTAN vis-à-vis de la région. Au Kirghizistan, qui abrite le centre de transit de Manas, les Etats-Unis et la Russie se sont mesurés dans une guerre de la surenchère largement orchestrée par le gouvernement. Au Tadjikistan, en août 2012, les services de sécurité s’en sont pris à des commandants rivaux (ils s’étaient illustrés pendant la longue guerre civile des années 90), le transit de stupéfiants en provenance d’Afghanistan servant de prétexte. Plus les relations avec le Pakistan se détériorent, comme avec la fermeture de la frontière de novembre 2011 à juin 2012, plus les relations avec l’Asie centrale tendent à se renforcer. En juin 2012, les Etats-Unis et la 152 PCNP 12 F bis 10 FIAS ont renégocié leurs accords de transit avec le Kazakhstan, le Kirghizistan et l’Ouzbékistan pour permettre le passage dans les deux sens de fournitures non létales (et d’autres termes, ni véhicules blindés ni armes à feu) sur le territoire de ces pays. Alors que l’échéance du processus de transition approche, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan s’inquiètent de plus en plus d’éventuels débordements en provenance de l’Afghanistan et, entre autres, d’une radicalisation de leurs populations à majorité musulmane étant donné que des organisations islamistes antigouvernementales et adeptes de la violence (tel le Mouvement islamique d’Ouzbékistan – MIO) sont à l’œuvre dans les deux pays et disposent de sanctuaires sur le territoire afghan. Certes, on estime que ces organisations n’ont qu’une capacité de déstabilisation limitée (Bleuer, 2012) mais, compte tenu de la porosité de leurs frontières et de la faiblesse de leurs dispositifs de sécurité intérieure, l’aptitude des Républiques d’Asie centrale à faire face à une instabilité accrue est minime. 33. L’une des principales préoccupations des pays d’Asie centrale demeure l’ampleur et le niveau du trafic de stupéfiants provenant du nord de l’Afghanistan et transitant par leurs territoires et, singulièrement, par le Tadjikistan. La frontière entre ce dernier pays et l’Afghanistan, longue de 1 344 km, n’est guère étanche et met à rude épreuve les services de sécurité tadjiks, compte tenu notamment du regain d’activité du MIO dans l’est du Tadjikistan et le long de la frontière avec l’Afghanistan. De surcroît, l’utilisation accrue du RDN pour la traversée de l’Asie centrale et la participation de puissants seigneurs de guerre au trafic de stupéfiants afghans rendent la partie septentrionale de l’Afghanistan de plus en plus vulnérable. Il convient de noter que, dans la province de Koundouz, par exemple, le niveau des attaques a spectaculairement augmenté depuis 2005. 34. Selon l’ONUDC, quelque 20 % de l’héroïne produite en Afghanistan et destinée à la Russie et à l’Europe passent essentiellement par le Tadjikistan. On estime aussi que l’« industrie » illégale de l’opium au Tadjikistan intervient à concurrence de 30 % dans le PIB officiel. C’est la crainte de l’apparition d’une économie parallèle reposant sur le trafic de la drogue qui a incité les pays d’Asie centrale à souscrire à la Stratégie Arc-en-ciel de l’ONUDC, initiative découlant du Pacte de Paris et visant l’éradication du trafic et de la consommation de stupéfiants opiacés d’origine afghane. 35. En mai 2012, le ministre de l’Intérieur du Tadjikistan, Ramazon Rakhimov, a proposé que l’opium soit acheté directement aux cultivateurs afghans afin d’être utilisé dans l’industrie pharmaceutique ou détruit. Il a également appelé d’autres pays à faire de même dans le contexte d’une démarche qu’il juge indispensable pour lutter contre le trafic de stupéfiants et le terrorisme financé par ce trafic. Cette solution avait toutefois été essayée en 2002, lorsque le Royaume-Uni était le chef de file du programme de lutte contre la drogue, et elle avait dû être abandonnée quand il était apparu clairement que ce programme d’achat avait pour effet pervers d’encourager l’augmentation de la production. La production légale d’opium à des fins médicales pourrait être envisagée en Afghanistan, mais il faudra attendre qu’un terme soit mis à l’extrême insécurité et à la corruption omniprésente qui règnent dans le pays. 36. L’un des grands problèmes reste l’absence d’entente régionale entre pays d’Asie centrale au sujet de l’avenir de l’Afghanistan après le départ de la FIAS. Par exemple, le président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev, a mis sur pied la Conférence sur l’interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA) pour améliorer la coopération en faveur de la paix, de la sécurité et de la stabilité sur le continent. Il a pressé cette entité de jouer un rôle directeur dans l’élaboration d’une stratégie régionale pour l’Afghanistan, lequel est membre, lui aussi, de la Conférence. Mais, au sommet de l’OTAN à Bucarest en 2008, le président de l’Ouzbékistan, Islam Karimov, a proposé l’ouverture d’autres négociations suivant une formule « 6 + 3 » en vue de mettre au point une stratégie commune à long terme pour l’Afghanistan et d’étudier la question de la réconciliation nationale avec le soutien de la communauté internationale (Antonenko, 2011). En 2011, le président tadjik, Emomali Rahmon, a accueilli un sommet quadripartite auquel participaient les dirigeants russes, afghans et pakistanais. Il a cherché, par ailleurs, à tisser des 152 PCNP 12 F bis 11 liens plus étroits avec l’Iran (grâce, notamment, à des projets communs dans le domaine de l’énergie hydroélectrique et à des exercices militaires conjoints), d’une part, et avec l’Inde (qui a été invitée à moderniser l’un des principaux aérodromes militaires du pays et des bases militaires à Ayni), d’autre part. Pour sa part, la Russie veut mettre en avant l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) – à l’intérieur de laquelle elle exerce une influence incontestée – en tant que principal partenaire régional de l’OTAN pour la conception d’une stratégie régionale relative à l’Afghanistan. Ces dissensions et ces rivalités s’intensifieront sans doute après 2014, lorsque chacun des pays d’Asie centrale voudra consolider son influence dans la région. En outre, au vu des forts risques de tensions ethniques au Kirghizistan et de la détérioration croissante des relations entre l’Ouzbékistan et le Tadjikistan au sujet de questions de sécurité de l’approvisionnement en eau (les Tadjiks se prononcent pour la construction du barrage de Rogun), les perspectives de coopération régionale sont minimes. IV. LA COMMUNAUTE L’AFGHANISTAN INTERNATIONALE ET LA STABILISATION DE 37. La stabilisation de l’Afghanistan reste en tête de l’ordre du jour de la communauté internationale ; en 2011, la Conférence de Bonn a rassemblé 85 Etats et 15 organisations internationales qui ont réaffirmé leur détermination à stabiliser et le pays et la région. En dépit de dix années de progrès, la communauté internationale a, selon l’ICG, « échoué dans son entreprise de bâtir un Afghanistan politiquement stable et économiquement viable » (International Crisis Group, 2011). La sécurité de toute la région reste extrêmement précaire et la communauté internationale devra poursuivre ses efforts en faveur de la stabilisation au-delà de 2014. Ces efforts sont de deux ordres : assistance immédiate à la sécurité, grâce à la FIAS, et formation destinée à la constitution de capacités afghanes proprement dites dans la perspective de la transition, d’une part, et aide économique pour améliorer la gouvernance et les conditions de développement du pays, d’autre part. 38. L’engagement international envers l’Afghanistan fait intervenir une pléthore d’acteurs qui opèrent dans des domaines semblables, ce qui entraîne parfois des chevauchements. Cet engagement est coordonné par une série de conférences internationales (dont la plus récente est celle de Bonn en décembre 2011). La concrétisation de celui-ci est confiée à la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), qui supervise également la contribution aux activités de l’ONU dans ce même pays. D’autres organisations internationales, telles que la Banque mondiale ou la Banque asiatique de développement, qui gèrent de vastes programmes de financement multilatéraux, jouent également un rôle dans la coordination. Par ailleurs, la MANUA travaille en étroite collaboration avec la FIAS et l’OTAN pour soutenir les aspects politiques de la stabilisation et, singulièrement, les activités de réconciliation et de réintégration (International Crisis Group, 2012). Dans l’ensemble, les activités de la communauté internationale ont été largement façonnées par la dynamique et la force de l’engagement de la FIAS, laquelle, après des débuts géographiquement limités, a fini par assurer une présence et une activité intenses dans tout le pays. Aujourd’hui encore, le rôle de la communauté internationale est lié à la transition, 2014 servant de date-butoir pour tous les efforts internationaux déployés en Afghanistan. A cet égard, un retrait accéléré de la présence internationale aurait un effet nuisible pour les activités que la communauté internationale déploie dans des secteurs autres que celui de la sécurité. 39. L’objectif à court ou moyen terme de l’aide internationale à l’Afghanistan est une stabilisation de la situation sur le plan de la sécurité. L’OTAN joue ici un rôle déterminant via la FIAS et la NTMA. Il existe, indépendamment de cela, une grande variété de missions de sécurité bilatérales ou multilatérales en Afghanistan. La plus vaste est l’opération Liberté durable qui continue à se dérouler distinctement des opérations de la FIAS (Katzman, 2011), et qui met en œuvre diverses forces essentiellement vouées au combat, dont des contingents de forces spéciales. On dénombre aussi plusieurs programmes d’assistance bilatéraux destinés aux forces armées afghanes. Dans 152 PCNP 12 F bis 12 tous ces programmes, les Etats-Unis sont le tout premier contributeur et représentent, avec d’autres membres de l’OTAN, presque toute l’aide reçue par les autorités afghanes dans le domaine de la sécurité (Katzman, 2011). 40. Un autre grand volet des activités de stabilisation en Afghanistan est celui de la formation des forces de police et de la consolidation de la primauté du droit. Ainsi, l’Union européenne consacre beaucoup d’efforts à ces deux objectifs par l’octroi de fonds et par l’intermédiaire d’ une mission de police de l’Union européenne (EUPOL-Afghanistan). Cette dernière a été critiquée en raison de graves insuffisances. Elle demeure essentiellement circonscrite à Kaboul et est très peu présente dans le reste du pays (Bloching, 2011). 41. La communauté internationale dispose d’un autre moyen primordial pour secourir l’Afghanistan : l’assistance au développement et l’aide extérieure. Depuis 2001, elle a promis 90 milliards de dollars pour la reconstruction du pays (sur cette somme, 57 milliards ont été effectivement versés – International Crisis Group, 2011). Le plus grand contributeur est, de loin, les Etats-Unis, avec 56 milliards de dollars promis et 37 milliards versés, tandis que l’Union européenne et ses membres ont promis quelque 15 milliards et en ont versé environ 9. Ces fonds sont canalisés par de vastes programmes multilatéraux, tel le Fonds d’affectation spéciale pour la reconstruction de l’Afghanistan (ARTF) de la Banque mondiale, ou font l’objet de versements directs (USAID, par exemple). Seuls quelque 20 % de l’aide sont acheminés par des institutions gouvernementales afghanes (International Crisis Group, 2011), encore qu’en juillet 2010 la communauté internationale se soit engagée à porter cette proportion à 50 %. 42. L’aide internationale à l’Afghanistan a conduit à des réalisations tangibles (Afghanistan Analysts Network, 2011) : l’accès à l’éducation et aux soins s’est nettement amélioré, tout comme s'est améliorée la situation des droits de la femme. Malgré tous ses problèmes, l’Afghanistan a maintenant un gouvernement élu, un parlement élu et une meilleure Constitution. Cependant, faute de mécanismes efficaces de collecte d'impôts, et compte tenu d’une ascension vertigineuse des dépenses, le budget afghan dépend grandement des contributions extérieures. L’aide étrangère a joué un rôle central dans l’économie afghane, quelque 40 % du PIB ces dix dernières années ; elle demeure le premier moteur de la croissance économique (Redman, 2011). Une éventuelle baisse de la présence internationale dans le domaine de la sécurité débouchera indubitablement sur une réduction de l’aide étrangère. Les contributions extérieures devraient passer de 4,814 milliards de dollars (2010-2011) à 3,908 milliards pour la période 2012-2013 (Redman, 2011). Cela aura également des répercussions plus directes sur l’économie afghane, en provoquant un fort recul des services et de la construction, deux secteurs poussés à l’expansion par la présence internationale. 43. L’efficacité de cette aide suscite de graves inquiétudes. A cause de la centralisation de l’administration afghane, peu de fonds reçus arrivent jusqu'aux différentes provinces et ceux qui y arrivent ne répondent que rarement aux besoins locaux. De plus, une bonne partie de l’aide extérieure est réacheminée vers les pays donateurs, par le biais des coûts administratifs élevés, des sociétés de sous-traitance et de l'achat de fournitures à ces mêmes pays donateurs. Ces problèmes viennent de l’existence de politiques collectives chez les donateurs et de difficultés de coordination réelle des priorités et des moyens (International Crisis Group, 2011). 44. Autre problème : dans la plupart des cas, l’aide économique est avant tout fonction de considérations militaires à court terme, plutôt que des priorités afghanes. Les ANSF ont reçu plus de la moitié de l’aide internationale (International Crisis Group, 2011). Ce pourcentage grimpe encore si l’on prend en compte l’aide américaine à la reconstruction ; par exemple, en 2011, les Etats-Unis ont financé plus de 90 % des dépenses inhérentes aux ANSF (Barry, 2011). 152 PCNP 12 F bis V. 13 CONCLUSIONS 45. Le processus de transition se poursuit, mais les progrès accomplis sur le plan de la stabilisation sont inégaux. La situation sécuritaire, elle, s’est améliorée, mais il reste à voir quelle sera la viabilité des résultats, à mesure que la FIAS réduit sa présence et alors que des capacités essentielles continuent à faire défaut aux ANSF. Les parties concernées conviennent de la nécessité d’une solution politique pour la sécurité et la stabilité futures du pays, mais les négociations avec les talibans n’avancent guère, voire pas du tout. 46. Si l’engagement de l’OTAN vis-à-vis de l’Afghanistan demeure crucial, il faut cependant souligner que le sort de ce pays relève de la responsabilité de son propre gouvernement et de la communauté internationale. L’OTAN est intervenue en Afghanistan en vertu d’une résolution de l’ONU et à la demande des autorités afghanes. Si, au fil du temps, la FIAS s’est chargée d’une somme considérable de tâches débordant son mandat initial – lequel se limitait à la sécurité –, c’est parce que ni ces autorités ni la communauté internationale n’ont pu assumer leurs responsabilités. 47. La communauté internationale doit s’engager davantage envers l’Afghanistan. A cette fin, les pays alliés devraient prendre l’initiative d’ouvrir un débat à l’ONU sur la façon dont cette organisation et les entités qui en dépendent – dont le Programme des Nations unies pour le développement, le Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU et la Banque mondiale – peuvent intensifier leurs activités dans le pays. Il y a trop longtemps qu’une telle initiative se fait attendre: tout stationnement futur de troupes de la FIAS et la définition du rôle de ces troupes auprès des autorités afghanes demanderont une nouvelle résolution du Conseil de sécurité. Quelques actions sont en cours, comme le Programme régional de l’ONUDC pour l’Afghanistan et les pays voisins, lancé en décembre 2011, mais cela ne suffira pas. Le développement du pays est subordonné à une amélioration de la sécurité ; la communauté internationale devra donc continuer à contribuer à la formation et au financement des forces armées et de la police afghane, de manière que celles-ci soient en mesure de garantir la sécurité dans le pays. L’importance de cette contribution ne saurait être sous-estimée. Avec le départ de la FIAS et une diminution du rôle de l’OTAN dans le pays, l’ONU sera l’organisation internationale la mieux placée pour aider le gouvernement afghan à consolider les fondations nécessaires pour une démocratie dynamique et une croissance économique à long terme. Cependant, il est probable qu’elle doive aussi aider les Afghans à préserver la sécurité et la stabilité, le cas échéant en servant de médiateur dans la conclusion d’un accord entre le gouvernement de Kaboul et les talibans. 48. La stabilité du pays a une importance régionale manifeste, mais elle n’est pas facile à atteindre. Bien qu’une coopération régionale accrue soit nécessaire pour y parvenir, les politiques de la communauté internationale se concentrent surtout sur l’Afghanistan en soi. La stabilité et la prospérité de l’Afghanistan dépendent dans une large mesure de la politique que mènent ses voisins envers lui. Sans aucun doute, tous les pays de la région ont intérêt à l’élimination de l’insécurité et à l’arrêt de la violence en Afghanistan, mais il se trouve que leurs objectifs divergent. Notamment, aucun d’eux ne souhaite en voir un autre gagner une influence excessive auprès de Kaboul. L’élaboration d’une tactique régionale de stabilisation de ce pays exige une bonne compréhension des intérêts et des motivations de ses voisins ; elle demande aussi que l’accent soit mis sur un engagement de non-ingérence dans les affaires intérieures afghanes. Les voisins de l’Afghanistan devraient entretenir avec ce dernier des relations constructives qui ne menacent aucun autre pays. Cela vaut également pour les pays extérieurs à la région, dont les membres de l’OTAN. Toutefois, les démarches visant à élaborer une politique régionale plus significative sont entravées par les relations problématiques qu’entretiennent les pays occidentaux et les voisins de l’Afghanistan. Mais en dépit de ces problèmes, la communauté internationale devra, à l’approche de l’échéance de 2014, redoubler d’efforts pour favoriser davantage la coopération régionale. Il semble improbable que l’OTAN et ses pays membres puissent aider à améliorer les relations entre 152 PCNP 12 F bis 14 voisins de l’Afghanistan, au vu du caractère heurté de celles-ci. Cela dit, la sécurité des Alliés est étroitement liée à la stabilité de toute la région, et non de l’Afghanistan seul. L’OTAN devrait donc suivre régulièrement l’évolution de la situation régionale sur le plan de la sécurité, éventuellement en inscrivant la question à l’ordre du jour du Conseil de l’Atlantique Nord. L’Alliance et ses membres devraient aussi réfléchir à une amélioration du partage des données du renseignement concernant la région. Dans l’idéal, les Alliés devraient élaborer une stratégie commune intégrée visant à faire progresser la sécurité dans cette partie du monde. 49. De tous les voisins de l’Afghanistan, le Pakistan est celui qui a le plus d’influence. Son action aura de profondes répercussions sur l’avenir du pays. Toutefois, son cas mérite que l’on s’y intéresse, indépendamment de la question afghane. Son arsenal nucléaire, l’extrémisme exacerbé qui s’y manifeste et ses relations tendues avec l’Inde lui confèrent une importance vitale pour la sécurité régionale et internationale. De ce point de vue, le rapporteur espère que la coopération entre le Pakistan et l’OTAN reviendra bientôt à la normale et qu’avec le temps Islamabad consolidera son dialogue politique avec l’OTAN pour compléter la coopération militaire existante. Il espère aussi que le Pakistan soutiendra sans réserve les initiatives destinées à instaurer un climat de confiance, de sécurité et de coopération à l’échelle de la région et, entre autres, à régler les différends bilatéraux. Concrètement, l’OTAN pourrait offrir son assistance pour la réforme du secteur de la sécurité pakistanais. Islamabad devrait également intensifier sa coopération avec l’Afghanistan pour trouver une solution politique à la persistance de la violence. La communauté internationale doit aussi contribuer au développement du Pakistan et faciliter les échanges commerciaux avec ce pays. Ces relations ne doivent pas être vues uniquement à travers le prisme militaire. 152 PCNP 12 F bis 15 BIBLIOGRAPHIE Afghanistan Analysts Network. (2011). The International Community's Engagement in Afghanistan beyond 2014. Kabul: Afghanistan Analysts Network. AFP, Al-Akhbar. (14 février 2012). 'Thousands' of US troops to stay in Afghanistan after 2014. http://english.al-akhbar.com/content/thousands-us-troops-stay-afghanistan-after-2014 Agence France-Presse. (8 février 2012). Afghan Forces Will Be ‘Good Enough’ to Take Over: U.S. Defense News: http://www.defensenews.com/article/20120208/DEFREG02/30208000 8/Afghan-Forces-Will-8216-Good-Enough-8217-Take-Over-U-SAntonenko, O. (2011). The Central Asian states and Russia. In T. Dodge, & N. Redman, Afghanistan to 2015 and Beyond (pp. 199-218). London: International Institute for Security Studies. 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