1133 La base de données économiques et sociales : des objectifs à

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1133 La base de données économiques et sociales : des objectifs à
Étude PRATIQUE SOCIALE
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La base de données économiques
et sociales : des objectifs à la
pratique
Stéphanie Guedes Da Costa
Et
Charlotte Michaud,
avocats associés, Flichy Grangé Avocats
Les négociateurs de l’ANI du 11 janvier 2013 l’avaient placée au cœur du dispositif. Nouvel outil
de partage de l’information, la base de données économiques et sociales 1 a fait l’objet de deux
articles dans le Code du travail 2. Le décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 puis la circulaire
DGT du 18 mars 2014 apportent des précisions très attendues. Premier décryptage.
1. Quand et à quelle niveau doit être
mise en place la BDES ?
A. - Entrée en vigueur
Entrée en vigueur échelonnée. – La loi prévoit une mise en place
progressive de la BDES, en distinguant les entreprises d’au moins
300 salariés des autres. Les premières devront mettre en place leur
base au plus tard au 14 juin 2014, première date d’anniversaire de la
loi de sécurisation de l’emploi. Les entreprises de moins de 300
salariés disposeront d’une année supplémentaire, jusqu’au 14 juin
2015.
Une troisième date est à retenir, celle du 31 décembre 2016. À
cette date, la BDES devra être totalement opérationnelle et
« unique », en ce compris avoir intégré l’ensemble des informations
transmises de manière récurrente au comité d’entreprise prévues
par le Code du travail. Ces échéances ont été confirmées par la
DGT 3.
B. - Entreprises concernées
Cette nouvelle obligation est inscrite dans le Code du travail sous
le chapitre consacré aux attributions du comité d’entreprise. Sans
difficulté, on peut affirmer qu’elle s’impose à toutes entreprises d’au
moins 50 salariés pourvues d’un comité d’entreprise. Plus formellement, nous renseigne le décret, à toutes entreprises d’au moins 50
salariés. Celles d’entre elles qui ne seraient pas pourvues d’un comité
1. BDES, nommée également base de données unique (BDU), ou base de
données (BDD).
2. C. trav., art. L. 2323-7-2 et L. 2323-7-3
3. Circ. DGT 2014-1, 18 mars 2014.
d’entreprise – en raison d’une carence constatée aux dernières
élections – devront remplir leurs obligations vis-à-vis de leurs
délégués du personnel, pourvus des prérogatives du comité d’entreprise 4. L’article L. 2323-7-2 du Code du travail vise cette hypothèse
en prévoyant que la BDES est mise par l’employeur à dispositions
des membres du comité d’entreprise « ou, à défaut, des délégués du
personnel ».
L’article R. 2323-1-6 du Code du travail issu du décret est
beaucoup plus explicite : la BDES est constituée au niveau de
l’entreprise. Qu’en est-il du groupe, de l’UES ou de l’établissement ?
Groupe ? Le décret règle la question 5 : « sans préjudice de
l’obligation de mise en place d’une base de données au niveau de
l’entreprise, une convention ou un accord de groupe peut prévoir la
constitution d’une base de données au niveau du groupe ». Puisque la
BDES est constituée obligatoirement au niveau de l’entreprise, la
BDES de groupe mise en place par accord, ne se substituera pas à la
BDES d’entreprise mais s’y ajoutera. Plus délicate est la question de
l’UES.
UES ? L’UES n’est visée à aucun moment par les textes relatifs à la
BDES. Le terme d’entreprise qui est employé peut-il viser l’UES ? La
question pouvait se poser au regard de la solution retenue pour le
groupe, du fait également que la BDES rassemble des données
financières et comptables relatives aux sociétés entendues au sens du
droit commercial (chiffre d’affaires, résultat d’exploitation, etc.),
données qui varient de surcroît selon les effectifs de l’entreprise
(plus ou moins de 300 salariés). À ceci s’ajoute que la consultation
sur les orientations stratégiques dont la BDES est le support paraît
4. C. trav., art. L. 2313-13.
5. C. trav. art. R. 2323-1-10
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concerner la société, l’UES étant dépourvue d’instances dirigeantes
qui définiraient une stratégie 6. Pour autant, le principe est bien que
l’UES se confond avec l’entreprise pour ce qui a trait aux IRP. De
plus, la BDES deviendra le support pour les informations récurrentes du comité d’entreprise et il peut donc être considéré qu’à
partir du moment où il existe un comité d’entreprise d’UES, il doit
exister une BDES d’UES comportant les informations relatives aux
différentes sociétés. La circulaire tranche clairement en ce sens : la
BDES doit être mise en place au niveau de l’UES. Pour autant, les
données ne sont, pour nombre d’entre elles, disponibles que pour les
sociétés et il n’existe aucune obligation de les consolider au niveau
de l’UES. Celle-ci devra-t-elle décliner les 7 ou 8 thèmes société par
société ou pourra-t-elle privilégier une entrée thématique, en
déclinant ensuite société par société (rubrique « chiffre d’affaires »
puis en sous-partie « société A », « société B », etc.) ? Les deux
approches nous paraissent a priori possibles.
Etablissement ? L’ANI n’excluait pas le niveau de l’établissement 7 « si cela est justifié (...) après accord entre l’entreprise et les IRP,
lorsque la prise en compte d’un tel périmètre est possible ». L’établissement n’a pas été visé par la loi.
Le décret prévoit que le niveau de mise en place de la BDES est
celui de l’entreprise. La circulaire confirme que dans les entreprises à
établissements multiples, il n’y a pas d’obligation de mettre en place
une base de données par établissement. Toutefois, tant le décret 8 que
la circulaire rappellent que cette base de données mise en place au
niveau de l’entreprise devra comporter l’ensemble des informations
que l’employeur doit mettre à la disposition du comité central
d’entreprise (CCE) et des comités d’établissement. Cette base sera
accessible aussi bien aux membres du CCE qu’aux membres des
comités d’établissement.
Le fait que la base de données soit unique pour l’entreprise doit-il
être considéré comme aboutissant à ce que les élus aient accès à
toutes les données qui y figurent, quel que soit leur établissement
d’appartenance ? Ou bien doit-on considérer que l’unicité du
support est une question distincte de celle de l’accessibilité à la BDES
et que l’employeur pourra envisager de réserver l’accès des membres
du comité d’établissement aux seuls éléments d’information qui
concernent ce dernier ? Si l’on prend l’exemple du bilan social, la loi
impose d’établir un bilan social particulier à chaque établissement
d’au moins 300 salariés, outre le bilan social de l’entreprise 9. Est-il
possible de prévoir que le comité d’établissement n’ait accès qu’au
bilan social qui le concerne ? La circulaire paraît privilégier cette
dernière solution : les élus doivent avoir accès au bilan social de leur
établissement ou encore aux documents comptables et financiers
lorsqu’il existe une comptabilité propre à l’établissement. Selon la
circulaire, il s’agit de permettre l’accès des membres de comités
d’établissement aux informations nécessaires à l’exercice de leur
mandat. La circulaire aborde l’éventuelle consultation des comités
d’établissement sur les orientations stratégiques et leurs conséquences. Les comités d’établissement ne seront consultés que si les
orientations stratégiques envisagées par l’employeur ont des conséquences économiques et sociales sur l’établissement en cause. La
circulaire DGT du 18 mars 2014 va donc au-delà de l’article
L. 2327-15 du Code du travail qui confère aux comités d’établissement les mêmes attributions que les comités d’entreprise dans la
limite des pouvoirs confiés aux chefs d’établissement. Dans le cadre
de cette consultation sur les conséquences de la stratégie pour
6. C. trav., art. L. 2323-7-1 : « Chaque année, le CE est consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise définies par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise (...) »
7. ANI, 11 janv. 2013, annexe.
8. C. trav., art. R. 2323-1-6.
9. C. trav., art. L. 2323-68.
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l’établissement, le comité d’établissement aura accès aux informations liées à cette consultation dans la base de données. Comme on le
verra plus loin, cette question de l’accessibilité se pose non seulement pour les instances de même nature et de niveau différent
(CCE/CE ; CCE/UES/CE), mais aussi entre instances de nature
différente (CE/CHSCT/DS).
2. Quelles sont les fonctions de la
BDES ?
« Comprendre la stratégie » (ANI) . – L’enjeu de la BDES ne se
restreint pas à une grille d’informations recensant d’innombrables
données économiques, sociales, financières ou environnementales.
Il irait au-delà : « comprendre la stratégie » 10. Tel est l’esprit dégagé à
l’occasion de la modernisation du dialogue social et renforcé dans
l’ANI du 11 janvier 2013. L’objectif poursuivi est ambitieux : permettre à tous les élus 11 de mieux appréhender les choix stratégiques
du chef d’entreprise en disposant d’une plateforme unique d’informations offrant « une vision claire et globale de la formation et de la
répartition de la valeur créée par l’activité de l’entreprise » 12.
La base de données est ainsi érigée en support de la préparation
de la nouvelle consultation du comité d’entreprise sur les orientations stratégiques de l’entreprise et « leurs conséquences sur l’activité,
l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du
travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats
temporaires et à des stages » 13. Leur lien consubstantiel s’inscrit dans
la configuration même des textes. Les articles L. 2323-7-2 et L.
2323-7-3 du Code du travail relatifs à la BDES succèdent immédiatement à celui définissant les obligations de l’employeur en matière
de consultation sur les orientations stratégiques 14.
Partager plus largement l’information. – L’originalité de la
BDES réside dans l’élargissement du cercle des représentants du
personnel ayant accès aux données économiques et sociales. Elle est
conçue comme un outil « pédagogique » permettant à tous les élus
de disposer d’informations pertinentes « afin de mieux s’approprier
les grandes orientations de l’entreprise dans son environnement en vue
de l’exercice de leurs missions » 15.
Anticiper. – L’anticipation apparaît comme un défi majeur pour
la BDES. Celle-ci a un caractère prospectif et doit présenter les
données relatives trois années à venir. Elle a également vocation à
dépasser le cadre formel des rendez-vous périodiques et à être mise à
jour régulièrement.
Structurer les données transmises de manière récurrentes au
comité d’entreprise. – Il serait fastidieux de recenser l’ensemble des
innombrables informations devant actuellement être transmises de
manière récurrente au comité d’entreprise tant elles sont dispersées
dans différents rapports, bilans, documents et soumises à des
périodicités variables. La création de la base de données vise à
repenser en profondeur la présentation et l’agencement de ce flot
d’informations, en les rendant plus dynamiques, lisibles et cohérentes. À terme, la BDES a vocation à se substituer aux rapports et
informations transmis de manière récurrente au comité d’entreprise.
10. ANI, 11 janv. 2013, art. 12.
11. À l’exception des délégués du personnel lorsqu’il existe un comité d’entreprise.
12. C. trav., art. R. 2323-1-2.
13. C. trav., art. L. 2323-7-1.
14. V. A. Martinon, L’information et la consultation des représentants du
personnel : nouveaux droits ou nouveaux partage de responsabilité ? : JCP S
2013, 1263.
15. Circ. DGT, 18 mars 2014 précitée.
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Renforcer le dialogue social. – Modalité ambitieuse de partage
des informations, la BDES se présente comme le « hub » 16 du
dialogue social. Ce rôle fondamental est affirmé explicitement par la
DGT 17 qui encourage ouvertement l’employeur à construire cet
outil « en lien étroit » avec les représentants du personnel et les
représentants syndicaux. Amenée à faire évoluer le mode de relation
entre élus et employeur, la base de données pourra nourrir certaines
consultations périodiques. C’est une évidence pour celle portant sur
les orientations stratégiques. C’est aussi le cas pour celle relative à
l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) 18. Elle
ne substitue pas pour autant aux obligations consultatives de
l’employeur. En particulier, l’article L. 2323-7-3 du Code du travail
précise que « les consultations du comité d’entreprise pour des évènements ponctuels continuent de faire l’objet de l’envoi de ces rapports et
informations ».
3. Quel est le contenu et quels sont les
effets de la BDES ?
La base de données est conçue pour regrouper « de manière à la
fois actualisée et prospective toutes les données utiles et notamment
celles transmises de manière récurrente au comité d’entreprise » 19.
Selon l’article L. 2323-7-2 du Code du travail, les informations
contenues dans la BDES et constituant le support de la préparation
de la consultation sur les orientations stratégiques portent sur huit
grandes thématiques. Devront en outre être mis à disposition dans la
BDES « les éléments d’information contenus dans les rapports et
informations transmis de manière récurrente au comité d’entreprise »,
ajoute l’article L. 2323-7-3 du Code du travail. Il est essentiel de bien
comprendre cette double fonction de la BDES pour mieux appréhender la logique du dispositif et le mettre en place.
A. - Informations nécessaires à la consultation sur les
orientations stratégiques
Huit grandes thématiques. En ligne avec l’ANI, le législateur a
articulé la base de données autour de 7 thèmes, 8 pour les entreprises
appartenant à un groupe 20 :
« 1° Investissements ;
2° Fonds propres et endettement ;
3° Ensemble des éléments de la rémunération des salariés et des
dirigeants ;
4° Activités sociales et culturelles ;
5° Rémunération des financeurs;
6° Flux financiers à destination des entreprises, notamment des
aides publiques et crédit d’impôts ;;
7° Sous-traitance ;
8° Le cas échéant, transferts commerciaux et financiers entre les
entités du groupe ».
Le décret détaille les données à produire pour chacun de ces
thèmes, selon que l’entreprise compte plus ou moins de 300 salariés.
A y regarder de près, les différences de contenu selon les effectifs sont
ténues (Cf. grille annexée).
À la lecture, trois grands volets peuvent être dégagés.
– En premier lieu, sont visées les données permettant de «
contextualiser la situation économique et sociale de l’entreprise »
et de présenter les évolutions attendues.
16. V. D. Courtieu, BDU de l’article L. 2323-7-2 du Code du travail : Village de la
justice.
17. Circ. DGT, 2014-1, 18 mars 2014 précitée.
18. C. trav., art. L. 2323-26-1.
19. Circ. DGT. précitée.
20. C. trav., art. L. 2323-7-2.
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En termes d’emploi, la base doit en particulier indiquer la
situation des salariés par catégorie professionnelle, les mesures
prises en matière d’égalité de traitement, la répartition des contrats
précaires, des stages et des emplois à temps partiel.
Parmi les données économiques, doivent apparaître le chiffre
d’affaires, la valeur ajoutée, le résultat d’exploitation, le résultat net
de l’entreprise, les fonds propres et l’endettement, les flux financiers
à destination de l’entreprise (aides publiques, réductions d’impôts),
les transferts de capitaux significatifs. On retrouve là nombre de
données référencées dans les rapports et bilans transmis régulièrement au comité d’entreprise sur la situation de l’entreprise et ses
perspectives.
– Viennent ensuite les informations qui permettent de mesurer
« les investissements pour la croissance de l’entreprise » : ces
données chiffrent notamment les efforts réalisés et envisagés en
matière de formation professionnelle, de gestion prévisionnelle de
l’emploi, de recherche et développement et de sécurité. Sont visées
des données relatives aux risques professionnels (exposition aux
risques et aux facteurs de pénibilité, accidents du travail, maladies
professionnelles) qui seront plus particulièrement présentées à
destination des CHSCT. Font leur entrée dans les informations à
transmettre aux élus les données environnementales.
– Enfin, sur le volet « distribution de la valeur créée », les textes
prennent en compte un large éventail des composants de la rémunération des salariés et des dirigeants (salaire, rémunération accessoire, frais professionnels, épargne salariale, garantie
complémentaire) en intégrant les obligations actuelles, comme les
rapports prévus aux articles L. 2323-46 et suivants du Code du
travail. La base de données devra également être le réceptacle de
données sensibles relatives à la rémunération des mandataires et des
« financeurs ». Le décret vise ici la rémunération de l’actionnariat
salarié et des actionnaires (revenus distribués). La transparence va
jusqu’à gagner les « transferts commerciaux et financiers » entre les
entités du groupe ainsi que des opérations économiques, telles que
cessions, fusions, acquisitions « réalisées ». S’agissant d’informations
très controversées, les chefs d’entreprise pourraient s’inquiéter du
degré des informations à dévoiler. Le décret évoque les transferts de
capitaux « tels qu’il figurent dans les comptes individuels des sociétés
du groupe » et ne semble donc pas limiter l’exercice aux seuls flux de
la société concernée par la base de données. En ce qui concerne les
opérations juridiques, le terme « réalisées » exclut celles simplement
projetées.
On reste un peu perplexe face à cet inventaire à la Prévert même si
on le comprend mieux au travers du fil conducteur issu de l’ANI du
11 janvier 2013 et repris à l’article R. 2323-1-1 du Code du travail
qui est de contribuer à donner « une vision claire et globale de la
formation et de la répartition de la valeur créée par l’activité de
l’entreprise ». Pour autant, le lien entre ces données et les orientations stratégiques reste difficile à appréhender sauf en ce qui
concerne les conséquences proprement dites de ces orientations
stratégiques sur lesquelles le comité d’entreprise doit être
consulté 21.
Informations disponibles sur 6 ans pour ces 8 thèmes. - À
caractère rétrospectif et prospectif, la BDES vit sur un cycle de 6
années : l’année en cours, les 2 années précédentes et les 3 années
suivantes 22. Ces informations doivent être intégrées dans la base de
données dès sa mise en place, c’est-à-dire le 14 juin 2014 pour les
entreprises d’au moins 300 salariés. Pour la première année de
21. Sur cette question, V. H-J. Legrand et L. Beziz, La consultation annuelle sur les
orientations stratégiques et leurs conséquences : Semaine sociale Lamy, 8 juill.
2013, n° 1592.
22. C. trav., art. R. 2323-1-5.
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mise en place, le décret institue toutefois une période de tolérance :
les données rétrospectives peuvent ne pas être indiquées 23.
Forme des informations. – Il s’agit en principe des données sont
en principe des données chiffrées. Le décret précise que pour les
années à venir, à défaut de données chiffrées, elles peuvent être
présentées sous la forme de « grandes tendances » 24. Que faut-il
entendre par grandes tendances ? Ni le décret, ni la circulaire ne le
précisent. À n’en pas douter, l’exercice prospectif sera périlleux.
Quelle entreprise prendra le pari d’affirmer ce qu’elle produira ou
dégagera comme marge et chiffre d’affaires sur les 3 prochaines
années ? Quelle entreprise sera prête à annoncer l’évolution de
l’emploi ? Quelles seront les conséquences pour le chef d’entreprise
dont les prévisions se sont avérées inexactes ? Les chefs d’entreprise
pourraient-ils ne pas renseigner certaines rubriques dans l’hypothèse où cela s’avérerait difficile, voire impossible ? Le décret admet
qu’en raison de leur « nature » ou « des circonstances », des informations à caractère prospectif ne puissent être apportées. La notion de
circonstances n’est pas définie. Le contour de ces exceptions aurait
gagné à être précisé compte tenu des enjeux. Ce qui est certain, c’est
que l’employeur devra se justifier, réaffirme la circulaire : « Concernant les perspectives sur les trois années suivants l’année en cours, si
elles ne peuvent faire l’objet de données chiffrées ou de grandes
tendances, l’employeur devra expliquer pour quelles raisons ».
Un socle minimum. – Ces dispositions constituent un socle
minimum pour constituer la BDES. Il n’est pas possible de réduire le
nombre des rubriques légales ou des indicateurs fixés par décret. Le
contenu peut en revanche être « enrichi » « en fonction de l’organisation ou du domaine d’activité de l’entreprise » 25. Dans cette optique,
il peut être négocié par un accord collectif de branche, d’entreprise
ou de groupe.
Selon le décret, le contenu de la BDES doit être compris à la
lumière de l’objectif recherché, à savoir contribuer « à donner une
vision claire et globale de la formations et de la répartition de la valeur
créée par l’activité de l’entreprise » 26. La CFDT considère pour sa
part qu’en actionnant cet objectif, les éléments de la BDES qui ne
sont pas prévus par le décret peuvent devoir l’être en se référant à
cette « vision claire et globale » 27. La DGT indique que « au-delà des
informations transmises de manière récurrentes au comité d’entreprise, si d’autres informations complémentaires s’avèrent utiles à la
consultation sur les orientations stratégiques, elles devront être mises à
disposition dans la base de données ».
B. - Informations contenues dans les rapports et
bilans transmis de manière récurrente au comité
d’entreprise
Substitution progressive. – Les informations qui sont actuellement transmises de manière récurrente au comité d’entreprise (mais
également aux comités d’établissement et au comité central d’entreprise) doivent être mises à disposition dans la BDES 28. Sont
notamment concernées les informations visées dans le rapport
23. D. n° 2013-1305, 27 déc. 2013, art. 2. Ainsi, commente la circulaire, au titre
de l’année 2014, les entreprises d’au moins 300 salariés ne sont pas tenues
d’intégrer les informations relatives aux deux années précédentes soit 2012
et 2013 et au titre de l’année 2015, les entreprises de moins de 300 salariés ne
sont pas tenues d’intégrer les informations relatives aux années 2013 et
2014.
24. C. trav., art. R. 2323-1-5.
25. C. trav., art. L. 2323-7-2.
26. C. trav., art. R. 2323-1-2.
27. V. F. Champeaux, Un usage plus intelligent de l’information : Semaine sociale
Lamy 2014, n° 1613.
28. C. trav., art. L. 2323-7-3..
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Étude PRATIQUE SOCIALE
annuel sur la situation économique de l’entreprise 29, le bilan
social 30, le rapport sur la situation comparée des conditions
d’emploi et de formation des hommes et des femmes 31.
La circulaire précise que ces informations mises à la disposition
des élus seront à répartir entre les 8 rubriques de la BDES « de la
façon qui soit la plus pertinente possible pour faciliter leur exploitation
et leur appropriation par les élus » 32. Cette méthode invite à établir
un tableau de correspondance entre les différentes informations
comprises par exemple dans le bilan social et les 8 grandes thématiques visées à l’article L. 2323-7-2 du Code du travail. Les autres
informations récurrentes devront, dans leur totalité, être mises à la
disposition des membres du comité d’entreprise dans la BDES au
plus tard le 31 décembre 2016.
Pour l’heure, les employeurs sont tenus d’établir les différents
rapports et bilans imposés par le Code du travail, et notamment
ceux qui doivent être transmis à l’inspection du travail La circulaire
rappelle qu’à ce sujet une ordonnance de simplification pourrait
intervenir.
C. - Effets de la mise à disposition des documents sur
la BDES
La mise à disposition actualisée des éléments d’information
contenues dans les rapports et celles transmises de manière récurrente au comité d’entreprise vaut communication des rapports et
informations au comité d’entreprise 33. Ainsi, l’employeur pourra à
terme se dispenser de communiquer les informations écrites avec
l’ordre du jour et la convocation du comité d’entreprise. La circulaire du 18 mars 2014 précise toutefois que les entreprises qui le
souhaitent auront toujours la faculté de compléter la mise à
disposition des informations par une transmission par un autre
biais.
Seules les informations récurrentes à destination du comité
d’entreprise sont concernées. La mise à disposition des informations ne vaut communication que pour les informations et rapports
remis de manière récurrente au comité d’entreprise (ce qui
recouvre, selon la circulaire, le CCE et les comités d’établissement).
Sont donc exclues toutes les informations relatives aux consultations
ponctuelles du comité d’entreprise telles que la consultation relative
à l’introduction de nouvelles technologies ou celle relative aux
licenciements pour motif économique 34. Il conviendra donc de
continuer, pour ces évènements ponctuels, à communiquer directement les éléments d’information ou rapports aux membres du
comité d’entreprise.
Aucune substitution n’est par ailleurs possible pour les informations données aux syndicats dans le cadre de la NAO ou au CHSCT.
Conditions. – Pour que cette mise à disposition produise les
effets de la communication des documents, deux conditions cumulatives doivent être remplies 35 :
– les informations doivent être mises à jour régulièrement, au
minimum dans le respect des périodicités prévues par le Code du
travail ;
– l’employeur doit mettre à disposition les éléments d’analyse ou
d’explications nécessaires quand cela est prévu par le Code du
travail.
29. C. trav., art. L. 2323-47.
30. C. trav., art. L. 2323-68 et R. 2323-17.
31. C. trav., art. L. 2323-37.
32. Circ. DGT précitée.
33. C. trav., art. L. 2323-7-3.
34. C. trav., art. L. 2323-7-3 alinéa 2.
35. C. trav., art. R. 2323-1-9.
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Portée. – Si la mise à disposition de ces éléments d’informations
dans la BDES vaut communication des documents normalement
transmis aux membres du comité d’entreprise, elle ne dispense pas
l’employeur de son obligation de consultation sur ces documents,
lorsque celle-ci est nécessaire. Par exemple, le fait pour l’employeur
de mettre à disposition le bilan social de l’entreprise dans la BDES
15 jours au moins avant la réunion du comité d’entreprise vaudra
communication du document. En revanche, cette mise à disposition
ne le dispensera pas de consulter le comité d’entreprise sur ce
document 36.
L’information des membres du comité d’entreprise de la mise à
disposition dans la BDES des informations actualisées requises par
les textes fait courir les nouveaux délais de consultation du comité
d’entreprise prévus à l’article L. 2323-3 du Code du travail, au terme
desquels le comité d’entreprise qui ne s’est pas prononcé est réputé
avoir rendu un avis négatif 37. L’employeur peut-il considérer qu’il
s’est acquitté de l’ensemble de ses obligations en matière d’information sur les orientations stratégiques lorsqu’il a renseigné toutes les
rubriques de la BDU ? Pas nécessairement selon la circulaire 38.
4. À qui la BDES est-elle accessible ?
Ensemble des IRP. – L’article 12 de l’ANI créait un droit nouveau
pour l’ensemble des IRP : un droit d’accès permanent 39 à une base
d’informations.
L’article L. 2323-7-2 du Code du travail précise que la base de
données est accessible en permanence :
– aux membres du comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués
du personnel ;
– aux membres du CCE ;
– aux membres du CHSCT ;
– aux délégués syndicaux ;
Ne sont pas visés les représentants de section syndicale, comme le
rappelait le projet de circulaire.
La notion de « membres » paraît viser aussi bien les titulaires que
les suppléants (ce que confirme la circulaire) ainsi que les représentants syndicaux au CE et au CHSCT.
Les experts ne font pas partie de cette liste. Toutefois si l’expertcomptable du comité d’entreprise juge utile d’avoir accès à la BDES,
il paraît difficile de s’y opposer compte tenu de l’article L. 2325-37
du Code du travail et de son interprétation par la jurisprudence.
Quant à l’expert libre, il dispose des documents « détenus » par le
comité d’entreprise 40. Ceci devrait sans doute s’entendre comme les
documents mis à disposition sur la BDES présumés être communiqués.
Cet accès devrait surtout concerner le nouvel expert « orientations stratégiques » 41 si le comité d’entreprise choisit d’en désigner
un puisque la BDES est le support de la préparation de la consultation sur les orientations stratégiques pour laquelle l’expert assiste le
comité d’entreprise.
Si la liste des IRP concernées est très large, seules les dispositions
du Code du travail relatives aux attributions économiques du
comité d’entreprise ont été modifiées par la loi de sécurisation de
l’emploi, celles relatives aux attributions des autres IRP restant
36. C. trav., art. L. 2323-72.
37. C. trav. art. R. 2323-1-1.
38. Cf. infra.
39. La circulaire DGT du 18 mars 2014 précise que « pour des raisons pratiques,
(...) la base de données peut ne pas être accessible 24h/24 lorsque la consulter
nécessite un accès aux locaux de l’entreprise, par exemple quand elle est tenue
à disposition sous forme papier ou accessible seulement par l’intranet de
l’entreprise ».
40. C. trav., art. L. 2325-41.
41. C. trav., art. L. 2323-7-1.
1133
inchangées. Ceci est conforme à l’ANI du 11 janvier 2013 : « les
parties signataires conviennent qu’une base de données unique sera
mise en place (...) sans remettre en cause les attributions des représentants du personnel. »
Autrement dit, la BDES ne confère pas de prérogatives consultatives aux délégués syndicaux. Elle ne crée pas davantage d’attributions économiques pour le CHSCT. Les attributions respectives des
IRP demeurent. Ne doit-on pas en tirer comme conséquence que
l’employeur peut envisager de réserver l’accès aux informations en
fonction du domaine d’intervention de chaque IRP ?
Possibilité de compartimenter ? Cette faculté semble ouverte
par l’ANI puisque la BDES est « mobilisable à tout moment aussi bien
par les IRP et les délégués syndicaux, dans le cadre de leurs attributions, que par l’employeur ». La loi n’a pas repris cette précision.
Est-ce ainsi que le décret peut être interprété lorsqu’il précise que les
modalités fixées par l’employeur concernant l’accès, la consultation
et l’utilisation de cette base, doivent permettre aux IRP « d’exercer
utilement leurs compétences respectives » 42 ou bien s’agit-il simplement de souligner que l’employeur doit s’assurer, dans le cadre de la
fixation de ces modalités, qu’elles permettront le plein exercice des
attributions des différentes IRP qui y ont accès ? Sans doute faut-il
revenir au caractère multi-fonctionnel de la BDES pour trancher
cette question.
Pour ce qui relève de sa dimension de base comportant les
informations communiquées de manière récurrente au comité
d’entreprise, on ne voit pas ce qui justifierait un droit d’accès aux
informations réservées au comité d’entreprise pour les autres IRP
dont les prérogatives demeurent inchangées. Cette partie de la BDES
devrait être réservée au seul comité d’entreprise sauf à ce que l’accès
à certains documents soit déjà prévu par le Code du travail pour
d’autres IRP (par exemple, le bilan social doit être communiqué aux
délégués syndicaux et certains documents sont exigibles par eux
dans le cadre de la NAO).
Plus délicate est la question de l’accessibilité aux 7 ou 8 thèmes
(pour les groupes) servant de support à la consultation sur les
orientations stratégiques aux IRP autres que le comité d’entreprise.
Les CHSCT peuvent-ils avoir accès aux données autres que celles qui
concernent leur champ d’attribution ? Ils soutiendront que le
souhait des partenaires sociaux dans l’ANI était de permettre de
faire comprendre aux IRP la stratégie, ce qui est rappelé par la
circulaire 43. Ils souligneront que la nouvelle consultation prévue à
l’article L. 2323-7-1 du Code du travail comprend les conséquences
des orientations stratégiques sur l’organisation du travail. Les
employeurs objecteront que ni l’ANI, ni la loi n’ont créé de nouvelles
prérogatives pour le CHSCT et qu’il y a lieu de considérer que le
CHSCT a accès aux informations qui ont un lien avec son champ
d’intervention, sauf à dénaturer cette instance, ce qui n’a jamais été
l’objet de ces textes. Le cas des délégués syndicaux crée moins de
doutes puisque leur mission, l’action revendicative, ne répond pas à
un principe de spécialité. De plus, les délégués syndicaux sont
investis de la négociation annuelle obligatoire (NAO). Ils pourront
revendiquer un accès intégral à ces 7 ou 8 thèmes en arguant de ce
que l’objet de cette présentation est de donner une vision claire et
globale de la formation et de la répartition de la valeur créée par
l’entreprise, indispensable pour mener la NAO. Ce, sans préjudice
des informations qui seront négociées lors de la première réunion de
NAO 44.
42. C. trav., art. R. 2323-1-7.
43. « S’agissant des délégués syndicaux et des élus du CHSCT, l’objectif était de
voir ces personnes disposer d’informations mieux structurées, leur permettant
ainsi de mieux s’approprier les grandes orientations de l’entreprise dans son
environnement en vue de l’exercice de leurs attributions ».
44. C. trav., art. L. 2242-2.
JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION SOCIALE N° 14. 8 AVRIL 2014
5
Étude PRATIQUE SOCIALE
1133
Cette question de l’accessibilité est un des points les plus délicats
et mériterait d’être discutée avec les partenaires sociaux lors de la
mise en place de la BDES.
5. Comment assurer la confidentialité
des données ?
Obligation de discrétion. – Aux termes du nouvel article
L. 2323-7-2, les utilisateurs de la BDES sont tenus à « une obligation
de discrétion à l’égard des informations contenues dans la base de
données revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles
par l’employeur ». Le décret du 27 décembre 2013 indique que « la
mise à disposition de données sensibles et stratégiques pour l’entreprise
s’accompagne d’une exigence de stricte confidentialité pour les représentants du personnel ». La DGT, par sa circulaire, évoque une
« obligation de discrétion » et non de confidentialité.
Elle précise qu’en matière de droit boursier, le traitement des
données devra être examiné au regard des exigences légales. Elle
affirme enfin que « les droits d’accès à la base [...] sont strictement
personnels et ne peuvent être transmis à des tiers ».
La position de l’ANI, reprise par le législateur, est décevante sur ce
point. On peut regretter que le législateur n’ait pas pris toute la
mesure des enjeux attachés à ce nouveau mode d’accès à l’information que constitue la BDES, élargi tant en ce qui concerne le contenu
des informations que les destinataires. Le législateur s’est contenté
de transposer l’obligation classique de discrétion jusqu’alors réservée aux membres du comité d’entreprise 45.
Quelles informations peuvent être considérées comme confidentielles ? – Il appartiendra à l’employeur de viser expressément
les données qu’il entend comme confidentielles et d’indiquer la
durée de cette confidentialité, précise l’article R. 2323-1-8 du Code
du travail. Cette détermination ne sera pas nécessairement aisée. À la
lecture de la circulaire, tout porte à croire que la jurisprudence
dégagée jusqu’à présent en matière de confidentialité se perpétue
dans le cadre de la BDES 46. Il s’en suivrait que l’employeur ne
pourrait pas déclarer confidentiel l’ensemble de la BDES 47.
Défi de la confiance et responsabilisation. – In fine, comme le
souligne la DGT dans sa circulaire, « le respect de cette obligation [de
discrétion] est essentiel car il est la condition pour que le dialogue
social entre les élus et la direction de l’entreprise se tienne dans un
climat de confiance ». Les chefs d’entreprise seront placés devant un
défi pratique, celui de trouver les meilleures voies permettant de
responsabiliser les représentants du personnel en matière de non
divulgation d’informations à caractère stratégique. Il y aura un
véritable enjeu à déterminer les modalités d’accès et d’utilisation de
la BDES. On rappellera que le manquement à l’obligation de
discrétion n’est pas pénalement sanctionné. Les poursuites disciplinaires peuvent s’avérer peu dissuasives tant, en pratique, les
condamnations sont rares 48.
stratégiques de l’entreprise et la déclinaison de leurs impacts organisationnels et financiers », « présenter ses impacts sur la répartition de la
valeur créée ». Un lourd chantier s’annonce pour les entreprises,
consistant en premier lieu à identifier les données existantes et
disponibles et à déterminer si elles répondent aux exigences des
indicateurs légaux.
À la mise en place par l’employeur. – La mise en place de la BDU
est de la seule responsabilité de l’employeur. Il peut fixer unilatéralement les règles relatives aux modalités d’accès, de consultation et
d’utilisation, d’information des utilisateurs sur sa mise à jour 49.
La DGT recommande explicitement que la mise en place de la
BDES, ses finalités, ses modalités fassent l’objet d’une négociation
dans l’entreprise ou « a minima d’un dialogue (...) indispensable pour
établir un climat de confiance » 14. D’un point de vue pratique, ces
échanges pourraient permettre de limiter par la suite le nombre de
recours contentieux sur les conditions d’accès, d’organisation et de
consultation. Ces modalités devraient être définies à la lumière des
objectifs poursuivis : veiller à ce que les représentants puissent
exercer utilement leur compétence 50, d’une part, et contribuer à
apporter une « vision claire et globale » 51, d’autre part.
Support papier ou électronique ? – L’employeur a le choix 52. Le
support électronique pourrait être privilégié, notamment dans les
grandes entreprises, pour faciliter le traitement des données et
l’accès à celle-ci. En l’absence de données nominatives, une déclaration auprès de la CNIL n’est pas exigée 53. Sera-t-il possible d’interdire toute reproduction ou impression, ainsi que tout
téléchargement des données ? La première version du projet de
décret répondait par la négative : « lorsque la base de données est
informatique, les données doivent pouvoir être reproduites, copiées,
extraites et retraitées ». La suppression de cette mention ne signifierait pas pour autant que l’employeur ne dispose d’aucune marge de
manœuvre en la matière. On pourrait parfaitement concevoir qu’il
restreigne les droits d’impression et de reproduction des informations déclarées confidentielles. S’agissant de celles à caractère social
ou économique, remises de manière récurrentes, l’interdiction ne
paraît pas possible
De la conception du modèle. – La circulaire s’est attachée à
rappeler la logique du modèle recherché par les signataires de l’ANI.
Trois étapes sont définies : « contextualiser les résultats de l’entreprise
et sa situation économique et sociale », « partager les orientations
Actualisation. - L’originalité de la BDES est qu’elle a été conçue
comme un instrument mobilisable en permanence. Encore faut-il
déterminer selon quel rythme elle doit être actualisée. La loi
répond : « régulièrement ». Pourrait-on envisager qu’elle se fasse
selon certaines périodicités fixes (semestre, trimestre, etc.) ? Une
mise à jour à chaque évènement intéressant l’un des thèmes de la
BDES s’impose-t-elle ? Un tel exercice serait bien contraignant pour
les administrateurs de la base et périlleux en cas de retard. L’article
R. 2323-1-6 du Code du travail précise que les éléments sont
régulièrement mis à jour, « au moins dans le respect des périodicités du
Code du travail ». Ainsi, les informations transmises au comité
d’entreprise selon un rythme trimestriel devront être mises à jour
dans la BDES tous les trimestres. La circulaire ne donne pas
davantage de précisions sur ce point.
Quoiqu’il en soit il est essentiel de veiller à ce que les informations inhérentes à un thème faisant l’objet d’une consultation soient
actualisées avant celle-ci.
L’employeur devra veiller à définir à l’avance les modalités
retenues pour assurer la mise à jour de la BDES et en informer les
45. C. trav., art. L. 2325-5.
46. CA Paris, 3 févr. 2004, n° 03/35335.
47. TGI Lyon, 9 juill. 2012 ; CA Paris, 11 mars 2013.
48. V. Cass. soc., 6 mars 2012, n° 10-24.367 : JurisData n° 2012-004457 ; JCP S
2012, 1248, note E. Jeansen. – CA Riom, 5 nov. 2013, n°11/03024.
49. C. trav., art. R. 2323-1-6.
50. C. trav., art. R. 2323-1-7.
51. C. trav., art. R.2323-1-2.
52. C. trav., art. R. 2323-1-7.
53. Circ. DGT, préc.
6. Sous quel format doit se présenter la
BDES ?
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JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION SOCIALE N° 14. 8 AVRIL 2014
Étude PRATIQUE SOCIALE
représentants 54. L’enjeu est essentiel tant l’utilisation de la BDES est
liée au nouveau délai de consultation 55.
7. Quelles sanctions en cas de nonrespect des dispositions relatives à la
BDES ?
L’employeur encourt des sanctions civiles et pénales dans les
hypothèses suivantes :
‰ la BDES n’est pas mise en place ;
‰ l’information n’est pas accessible :
– l’information n’est pas mise à disposition dans la BDU ;
– les personnels autorisés n’ont pas accès à la totalité des
informations correspondant à leurs prérogatives.
‰ l’information n’est pas suffisante :
– l’information mise à disposition ne correspond pas aux
catégories ou aux exigences prévues par le décret ;
– l’information n’est pas mise à jour selon les périodicités
requises ou les IRP ne sont pas informées de l’actualisation de la
base.
La loi de sécurisation de l’emploi n’a pas prévu de sanctions
spécifiques en cas de violation des dispositions relatives à la BDU.
Le comité d’entreprise pourra toutefois exercer, dans certains cas,
la nouvelle action prévue par l’article L.2323-4 du Code du travail
issue de la loi de sécurisation de l’emploi
Action civile du CE. – Aux termes de ce texte, lorsque le comité
d’entreprise est amené à formuler un avis et qu’il considère ne pas
avoir disposé d’éléments suffisants, il pourra saisir le président du
tribunal de grande intance statuant en la forme des référés, pour
qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments
manquants. Le juge statuera dans un délai de huit jours. Cette saisine
n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité
d’entreprise pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés
54. C. trav. art. R. 2323-1-7.
55. C. trav. art. R. 2323-1.
1133
particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation
de l’avis motivé du comité d’entreprise, le juge pourra décider la
prolongation du nouveau délai prévu à l’article L. 2323-3 du Code
du travail.
Est visée par ces nouveaux textes la consultation sur les orientations stratégiques. Ne sont pas concernées les remises d’information
non assorties de consultations. Dans cette hypothèse, le comité
d’entreprise conservera ses actions classiques (saisine du juge des
référés pour obtenir les informations manquantes, dommages et
intérêts en réparation du préjudice subi, etc.).
Est visée par ces nouveaux textes la consultation sur les orientations stratégiques. La circulaire précise qu’au-delà des informations
transmises de manière récurrente au comité d’entreprise, s’il s’avère
que d’autres informations complémentaires sont utiles à la consultation sur les orientations stratégiques, elles doivent être mises à
disposition dans la BDES.
Sanction pour non-respect d’un accord collectif fixant les
modalités d’accès à la BDES. – Lorsque la conception et le fonctionnement de la BDES auront été l’objet d’un accord collectif d’entreprise, solution à laquelle incite vivement la circulaire, les syndicats
pourront agir sur le fondement des articles L. 2262-9 et suivants du
Code du travail.
Sanctions pénales. – L’employeur qui ne s’acquitterait pas de ses
obligations s’expose aux sanctions d’entrave à l’exercice des fonctions des représentants du personnel 56.
Nul doute que ce nouveau dispositif, ambitieux dans ses objectifs
et complexe dans ses modalités, devrait à terme modifier la physionomie du dialogue social 57.
56. C. trav., art. L. 2146-1, pour l’entrave à l’exercice du droit syndical. – C. trav.,
art. L. 2316-1, pour les délégués du personnel. – C. trav., art. L. 2328-1, pour le
comité d’entreprise et C. trav., art. L. 4742-1, pour le CHSCT.
57. V. B. Teyssié, Loi n° 2013-504, 14 juin 2013 : vers un nouveau droit du
travail ? : JCP S 2013, 1257 – P. Lokiec, Le droit du travail, réformé en
profondeur – À propos de la loi de sécurisation de l’emploi : JCP G 2013, 756.
- F. Géa, La réforme de l’information et de la consultation du comité
d’entreprise : Dr. soc. 2013, p. 717.
JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION SOCIALE N° 14. 8 AVRIL 2014
7
Étude PRATIQUE SOCIALE
1133
Annexe
Base de données économiques et sociales – Contenu
Effectif < 300
Effectif ≥ 300
1° Investissement social
a) Evolution des effectifs par type de contrat ;
– par âge, par ancienneté ;
X
X
X
b) Evolution des emplois par catégorie professionnelle ;
X
X
c) Situation en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
et mesures prises en ce sens ;
X
X
d) Evolution de l’emploi des personnes handicapées et mesures prises pour le
développer ;
X
X
e) Evolution du nombre de stagiaires ;
X
X
f) Formation professionnelle : investissements en formation, publics concernés ;
X
X
g) Conditions de travail :
– durée du travail dont travail à temps partiel et aménagement du temps de
travail,
– exposition aux risques et aux facteurs de pénibilité, accidents du travail,
maladies professionnelles, absentéisme, dépenses en matière de sécurité ;
X
X
X
2° Investissement matériel et immatériel
a) Evolution des actifs nets d’amortissement et de dépréciations éventuelles
(immobilisations) ;
b) Le cas échéant, dépenses de recherche et développement
X
X
X
X
Thèmes
A. Investissements
3° Pour les entreprises soumises aux dispositions de l’article L 225-102-1, al. 5 du
Code de commerce informations environnementales présentées en application
de cet alinéa et mentionnées à l’article R 225-105-1, I, 2° de ce Code (*).
X
B Fonds propres, endettement et impôts
1° Capitaux propres de l’entreprise ;
X
X
2° Emprunts et dettes financières dont échéances et charges financières ;
X
X
3° Impôts et taxes
X
X
C. Rémunération des salariés et dirigeants, dans l’ensemble de leurs éléments
1° Evolution des rémunérations salariales ;
a) Frais de personnel y compris cotisations sociales, évolutions salariales par
catégorie et par sexe, salaire de base minimum, salaire moyen ou médian, par sexe
et par catégorie professionnelle ;
b) Pour les entreprises soumises aux dispositions de l’article L.225-115 du code
de commerce, montant global des rémunérations mentionnées au 4° de cet
article (**)
X
X
X
X
2° Epargne salariale : intéressement, participation.
X
X
3° Rémunérations accessoires : primes par sexe et par catégorie professionnelle,
avantages en nature, régimes de prévoyance et de retraite complémentaire.
X
4° Rémunérations des dirigeants mandataires sociaux telles que présentées
dans le rapport de gestion en application de l’article L 225-102-1, al.1 à 3 du
Code de commerce, pour les entreprises soumises à l’obligation de présenter le
rapport visé à l’article L 225-102 du même Code (***).
X
D. Activités sociales et culturelles
1° Montant de la contribution aux activités sociales et culturelles du CE ;
X
2° Dépenses directement supportées par l’entreprise ;
3° Mécénat
8
JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION SOCIALE N° 14. 8 AVRIL 2014
X
X
X
X
Étude PRATIQUE SOCIALE
1133
Thèmes
Effectif < 300
Effectif ≥ 300
E. Rémunération des financeurs
(en dehors des éléments mentionnés au B)
1° Rémunération des actionnaires (revenus distribués) ;
X
X
2° Rémunération de l’actionnariat salarié (montant des actions détenues dans
le cadre de l’épargne salariale, part dans le capital, dividendes reçus).
X
X
F. Flux financiers à destination de l’entreprise
1° Aides publiques ;
X
X
2° Réductions d’impôts ;
X
X
3° Exonérations et réductions de cotisations sociales ;
X
X
4° Crédits d’impôts ;
X
X
5° Mécénat.
X
X
1° Sous-traitance utilisée par l’entreprise ;
X
X
2° Sous-traitance réalisée par l’entreprise.
X
X
G. Sous-traitance
H. Pour les entreprises appartenant à un groupe Transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe
1° Transferts de capitaux tels qu’ils figurent dans les comptes individuels des
sociétés du groupe lorsqu’ils présentent une importance significative ;
X
X
2° Cessions, fusions, et acquisitions réalisées.
X
X
(*) Il résulte de cette disposition que pour les sociétés tenues de faire figurer des informations sociales et environnementales dans leur rapport de gestion, la base de données
doit rassembler les informations environnementales de ce rapport.
(**) Cette disposition a pour effet d’imposer aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandite par actions de mentionner dans la base le montant global, certifié exact par
les commissaires aux comptes, des rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées.
(***) Cette disposition a pour effet d’imposer aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandite par actions cotées ou contrôlées par une société cotée de faire figurer dans
la base la même information sur les rémunérations versées aux mandataires sociaux que celle qu’elles doivent donner dans leur rapport de gestion.
Mots-Clés : Comité d’entreprise - Information et consultation - Base de
données économiques et sociales - Contenu - Orientations stratégiques de
l’entreprise
Textes : C. trav., art. L. 2323-7-1, L. 2323-7-2, L. 2323-7-3 R. 2323-1-2 à
R. 2323-1-10.
JurisClasseur : Travail Traité, Fasc. 15-21, par Yannick Pagnerre
JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION SOCIALE N° 14. 8 AVRIL 2014
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