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Bastelica : le pari de l'hôtellerie de luxe Publié le mercredi 02 février 2011 à 11H31 Photos V.E. et D.R. Christophe Gandon a pris le parti de jouer la carte de l'hospitalité haut de gamme dans son village natal. Une orientation qui oblige à faire preuve de créativité et à innover. A plus d'un titre… Il s'est positionné sur le créneau de l'hôtellerie haut de gamme depuis juin 2010. Et le parti pris économique a rejoint son sens du partage pour dynamiser son offre. C'est ainsi que la spécificité de Christophe Gandon, propriétaire de l'hôtel Artemisia - 11 chambres et 3 étoiles - à Bastelica sera de rendre la grande cuisine accessible à une clientèle élargie, le temps de deux savoureuses et prestigieuses soirées, vendredi 11 et samedi 12 février. Car la sophistication culinaire, à prix doux, a la vertu de rassembler et de créer la convivialité. « L'opération a pour but de sensibiliser un public plus large que d'ordinaire, au meilleur de la table. C'est pourquoi j'ai fait en sorte de proposer un menu - mise en bouche, entrée, plat et dessert - à moins de 50 euros par personne », explique Christophe Gandon. Toqués et étoilés La gastronomie non-élitiste est toutefois conditionnée à la capacité d'accueil de l'établissement bastelicais, soit trente repas servis par soir. Mais avant le dressage des tables, la cérémonie du choix des vins et le ballet des plats, les représentants de l'élite insulaire des fourneaux ont mis la main à la pâte pour donner, avec brio, une délicieuse consistante au thème « tradition et imagination ». Ils se laissent conduire par des liens d'amitié. « J'ai fait appel à deux grands chefs, Jean-Luc Debeuf, 3 toques au Gault et Millau 2010, du restaurant U Palazzu à Pigna et Ange Cananzi du Pasquale Paoli à L'Île-Rousse, une étoile au guide Michelin. Il s'agit du seul cuisinier d'origine corse à avoir décroché cette distinction. Ce sont des connaissances de longue date. En outre, ils apprécient beaucoup l'établissement », détaille l'hôtelier bastelicais. La recherche de l'exceptionnel et du plaisir gustatif à l'Artemisia mettra également à contribution, un troisième copain, Nicolas Stromboni, élu caviste de l'année par la revue Vins de France, mais aussi président des sommeliers de Corse, depuis Le Chemin des Vignobles à Ajaccio. Les mets doivent trouver le juste accord avec les blancs, les rosés, les rouges. À chaque préparation, son partenaire idéal. Car le vin se boit en mangeant. Au-delà, l'assiette comptera tout ce qui fait la renommée du terroir local. Il est impératif de conserver les acquis, entre autres, du veau, de l'échine de porc, du miel, des légumes du potager, des pommes et de la châtaigne. Les chefs s'inspirent des éléments à part entière de la culture culinaire bastelicaise et régalent à force de créativité et de fantaisie. C'est leur manière alléchante de recuisiner le patrimoine et de s'accorder, pour partie, au tempo quotidien de l'Artemisia. Midi et soir, Christophe Gandon défend une « restauration sans prétention, à base de produits de qualité et en adéquation avec les saisons et concoctée par Thomas Ragot, un véritable graphiste. La carte est très variée. » À cela s'ajoutent quelques détails décisifs, « un service en salle très soigné, à la fois chic et décontracté ». A l'Artemisia on met les petits plats dans les grands avec élégance, en alliant vaisselle fine et verres à pied. La gamme des belles idées susceptibles de faire vibrer l'intérêt du professionnel renvoie au commerce équitable, à l'agriculture biologique. « La nourriture est source de volupté mais aussi de bien-être. Les gens soignent de plus en plus leur alimentation. Ils privilégient les produits respectueux de l'homme et de l'environnement. C'est-à-dire sans pesticides, sans additifs. Il m'a paru essentiel de m'inscrire dans cette tendance ». Christophe Gandon : « Mon projet est de sensibiliser au meilleur de la table un public plus large que d'ordinaire » 50 % de baies vitrées L'atout de Christophe Gandon est de savoir absorber les saveurs bastelicaises. « À titre d'exemple, nous ne servons que des confitures maison, confectionnées avec les fruits cueillis au village et dans ses alentours, comme les mûres, les arbouses, les châtaignes, les pommes ». La stratégie du beau, du bon et de l'authentique constitue un levier de croissance pour l'économie locale. « Je m'approvisionne pour l'essentiel à Bastelica. Qu'il s'agisse du fromage, des légumes, de la viande et du pain. » En parallèle, le mécanisme élaboré donne un avantage concurrentiel sur le marché hôtelier. Une table vraie, un cadre de vie agréable représentent des atouts indéniables. Le propriétaire des lieux l'a bien compris. Alors il a confié l'aménagement de l'espace intérieur et la décoration à Sophie Romani et à Vanessa Matarelli, de L'adresse décoration à Ajaccio. Au gré de l'imagination des deux jeunes femmes, son hôtel s'est habillé de couleurs claires - rehaussées par endroits de tons verts pour rappeler la végétation environnante - de mobilier design, ou encore fabriqués à partir de bois issu de tonneaux de récupération. Dans cet environnement jamais tape à l'œil, le mouflon, emblématique des hautes cimes, est à l'honneur, en version tissu d'ameublement sur un fauteuil Voltaire, confronté à la céramique blanche sur un pan de mur. Le bassin de nage à l'extérieur a fait l'objet de toutes les attentions. La géographie impose ses contraintes et ses ambiances. « La forme est ajustée à celle du terrain. Ensuite, nous avons choisi d'apposer un enduit gris sur ses parois afin de reproduire l'effet rivière », souligne le maître des lieux. L'Artemisia obéit aussi à l'esprit loft et s'exonère des cloisons au rez-de-chaussée. L'espace à vivre pratique ainsi la synthèse, accueillant la réception, la salle à manger. La transition entre les deux modules est assurée par un coin salon-bibliothèque. Dans le bâtiment aux lignes ultra-moderne s'engouffrent tout le ciel et le soleil de la vallée du Prunelli. « Les grandes baies vitrées représentent 50 % de la construction. Elles apportent une sensation de liberté très intense. À auncun moment, on ne se sentira enfermé », poursuit le propriétaire. L'ambiance se prolonge dans chacune des chambres. Avec en plus un point de vue imprenable sur le village. Christophe Gandon a tenu à provoquer la surprise à travers le parti-pris architectural. Nulle part ailleurs L'hôtel transparent et avant-gardiste, fondu dans le paysage, prend en compte un modèle touristique porteur. Les villégiateurs de l'Arteminia constituent un segment important. «Durant la saison estivale nous avons une clientèle art de vivre, continentale et étrangère. Elle bénéficie d'un solide pouvoir d'achat et recherche en priorité le repos, la sérénité. Le séjour à Bastelica est une bonne occasion de souffler tout en découvrant la microrégion et même l'île, indique l'hôtelier. Cet hiver, en particulier entre Noël et jour de l'an, les insulaires, du bassin d'Ajaccio, de Haute-Corse, ainsi que des Sardes, ont fréquenté l'établissement ». Christophe Gandon espère tirer parti de la neige et de la proximité de l'hôtel avec la station de ski du Val d'Ese. Tout au long de l'année, il fait le pari d'offrir à ses hôtes, « du dépaysement, un contact fort avec la nature et quelque chose de différent ». Cette détermination à innover a déjà fait son œuvre au moment de concevoir le projet. Elle se traduit par une « volonté de se démarquer de l'existant », affirmée par l'entrepreneur. Elle le conduit à se détourner de l'option gîte un temps envisagée. « Ce mode d'hébergement est bien représenté dans l'île. En outre, il requiert une activité complémentaire. Ce qui ne me convenait pas », se souvient-il. La réflexion se construit autour de l'hospitalité de luxe. L'inspiration est liée à une précédente carrière. « Lorsque je travaillais dans le secteur de la publicité, j'ai eu l'occasion de côtoyer les responsables de grands établissements. Ces professionnels ont contribué à élargir mon horizon. Certains d'entre eux m'ont aussi communiqué leur passion », se souvient-il. Dans le même temps, Christophe Gandon forme le vœu que sa logique entreprenariale s'accorde avec son attachement pour Bastelica, le village natal. « Je suis né à Bastelica, j'y ai grandi, j'y ai été à l'école. Je n'imaginais pas créer mon entreprise ailleurs. Il était important pour moi d'accomplir un geste positif ». Ces considérations modifient le cours de son histoire individuelle. « J'avais acheté un terrain pour bâtir ma maison. Le site a servi à l'hôtel ». Le défi de la ruralité est relevé, avec un effectif de quatre salariés tout au long de l'année et « davantage en saison ». Christophe Gandon a trouvé ses marques professionnelles, grâce à la population locale. « Les gens m'ont encouragé à aller de l'avant. Ils m'ont donné une motivation supplémentaire et m'ont permis de résister dans les moments de découragement ». Les entrepreneurs sont aussi des sensibles. La ruralité est une plus value touristique La gestion d'un établissement de luxe fait appel à des procédures comparables dans l'intérieur de l'île et sur le littoral. A quelques détails pratiques près cependant. À Bastelica, c'est à l'hôtelier d'aller jusqu'à la blanchisserie, « car la tournée n'inclut pas le village ». Christophe Gandon avoue parfois se sentir « un peu loin de tout. » Au-delà de cette impression, « le travail est le même dans tous les trois étoiles ». Comme la promotion du produit. « Je suis présent sur Internet, à travers des sites spécialisés, à travers le site de l'hôtel et Facebook. » En revanche, le milieu rural apporte une plus-value touristique à l'activité. Le mouvement est adossé à « un potentiel environnemental exceptionnel, structuré par des circuits de randonnée variés, sauvage y compris au cœur du mois d'août. » La montagne bastelicaise ignore la foule du GR20. L'histoire est une raison supplémentaire de séjourner au village. Sampiero Corse, auréolé de gloire médiévale, joue son rôle de VRP à la perfection. L'ardeur belliqueuse et le panache jusqu'au crime passionnel en plus. L'attractivité territoriale passe par le petit patrimoine, décliné en « fours, fontaines et grandes maisons de granite ». L'autre argument avancé est celui de la relative proximité avec la ville et le bord de mer, 33 kilomètres plus bas. Véronique EMMANUELLI