Personnes vivant avec le VIH : le vécu des

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Personnes vivant avec le VIH : le vécu des
Personnes vivant avec le VIH :
le vécu des traitements
Synthèse des appels et échanges sur le forum
Sida Info Service 2010
En 2010, le numéro vert Sida Info Service (SIS) a reçu plus de 5 000 appels de personnes vivant avec le VIH
(PVVIH), ce qui représente 7,2 % de la totalité des appels (contre 6,8 % en 2009). Sur le forum de SIS, cette
proportion est multipliée par plus de deux : 19 % des utilisateurs déclarent être séropositifs lors de leur
inscription en 2010 (N=255).
Dans les discussions téléphoniques (numéro vert SIS) ou électroniques (forum SIS)1, les usagers vivant avec le
VIH laissent transparaître leur rapport à la séropositivité et plus particulièrement au traitement. En effet, la
synthèse réalisée en 2009 sur les appels provenant de PVVIH2 mettait en avant le poids considérable des
aspects médicaux, dans le quotidien, pour une grande partie des appelants. Dans les appels de 2010, quatre
personnes atteintes sur dix ont des interrogations en lien avec les examens et les traitements (39,2 %).
Cette synthèse s’intéresse particulièrement au vécu des traitements anti-VIH et notamment aux facteurs
pouvant occasionner une plus ou moins bonne observance. Après avoir connu des évolutions sémantiques,
l’observance peine encore à être définie et mesurée3. Selon Catherine Tourette-Turgis, chercheure en sciences
humaines et sociales de la santé, « l’observance thérapeutique désigne les capacités d’une personne à prendre
un traitement selon une description donnée. Ces capacités sont influencées positivement ou négativement par
des co-facteurs cognitifs, émotionnels, comportementaux et sociaux »4. Aurélie Gauchet, psychologue
spécialisée dans les questions d’observance thérapeutique5 parle encore de « processus d’adaptation du
patient à sa maladie pouvant être remis en cause à tout moment » pour traduire le décalage existant entre
l’observance et l’inobservance chez les PVVIH sous traitement.
SITUATION THERAPEUTIQUE ET VIH
•
Une majorité de PVVIH sous traitement lors de l’appel
Lorsque l’information est disponible, deux tiers des PVVIH déclarent être sous traitement. Toutefois, même
celles qui n’en suivent pas au moment de l’appel ont fréquemment des interrogations en lien avec leur
situation face au traitement. La grande majorité des personnes atteintes a déjà dû faire face à la question de la
prise d’un traitement antirétroviral passé, actuel ou futur. En effet, les personnes contactent les services de SIS
à différentes étapes de leur parcours thérapeutique.
Parmi les appelants, la moyenne d’âge des personnes sous traitement est de 42 ans contre 39,5 ans pour
l’ensemble des PVVIH. Les utilisateurs séropositifs du forum ont en moyenne 36 ans. Au niveau de la
répartition par sexe, plus de sept personnes atteintes sur dix sont des hommes, tant sur le numéro vert
(72,7 %) que sur le forum (70,9 %). Cette proportion ne varie pas selon que l’usager soit sous traitement ou non.
1
Les propos des utilisateurs de SIS illustrant la synthèse n’ont été modifiés ni dans leur forme ni dans leur contenu.
http ://www.sida-info-service.org/ ?Analyse-des-appels-concernant-les
3
« L’observance aux traitements contre le VIH/sida. Mesure, déterminants, évolution. », ANRS, décembre 2001.
4
C. Tourette-Turgis, M. Rébillon, Mettre en place une consultation d’observance aux traitements contre le VIH/sida - de la
théorie à la pratique, Comment dire, Paris, 2002, pp. 72-73.
5
A. Gauchet, Observance thérapeutique et VIH. Enquête sur les facteurs biologiques et psychosociologiques, L’Harmattan,
Paris, 2008.
2
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
1
Situation des PVVIH par rapport au traitement
traitement au moment de l’appel, Sida Info Service 2010
Sous traitement lors de l'appel
65,4 % - N = 1 151
Sans traitement lors de l'appel
34,6 % - N = 609
•
Changement récent ou envisagé
Suit un premier traitement
Traitement en cours
Aucun traitement actuellement
Jamais pris de traitement
Rupture, arrêt du TT
Traitement envisagé ou proposé
9,1 %
21,1 %
68,7 %
52,4 %
17,2 %
10,3 %
20 %
Diagnostic de la séropositivité et mise sous traitement
Au moment de l’appel, la moitié des PVVIH sous traitement a été diagnostiquée séropositive depuis plus de
dix ans : 50,1 % contre 12,1 % des PVVIH sans traitement lors de l’appel et 39,9 % de l’ensemble des PVVIH.
PVVIH De
fait, les personnes ne sont pas nécessairement
nécessa
mises sous traitement
nt lors du diagnostic et la probabilité d’une
mise sous traitement s’accroît avec les années (graphique 1). Parmi les personnes qui suivent un premier
traitement, plus de sept sur dix ont été diagnostiquées séropositives depuis moins de cinq ans (76,7 %) et cinq
sur dix depuis moins d’un an (52,9 %).
% Ces chiffres montrent une mise sous traitement
aitement relativement « tôt »
dans le suivi médical des appelants atteints.
atteints
Parmi les PVVIH devant changer de traitement ou venant d’en changer, près de la moitié d’entre elles ont
découvert leur séropositivité il y a plus de 15 ans (47,6
(47, %). Si le changement de traitement est plus fréquent
quand l’infection est ancienne (graphique
graphique 1), toutefois, près d’un tiers des ruptures ou arrêts de traitement
concerne des personnes diagnostiquées depuis moins de 5 ans (30,2 %).
Parmi les informations
mations médicales recueillies lors des échanges, seules deux PVVIH sous traitement sur dix
mentionnent une charge virale indétectable (23,8 % contre 1,3 % des personnes sans traitement lors de
l’appel)) soit trois fois moins que dans l’ensemble de la population française traitée (83
( % en 20086). Cette
spécificité explique le poids de la question du traitement dans les échanges avec les PVVIH sollicitant SIS et met
en exergue la diversité des situations
tuations face au traitement qui sont souvent à l’origine des appels (proposition
d’un traitement, premier traitement, arrêt d’un traitement,
traitement etc.).
6
P. Yéni (dir.), Rapport 2010 Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH, La Documentation française, Paris,
417 p.
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
2
•
Un recours régulier aux services de SIS
Les PVVIH sollicitent plus souvent le dispositif que les autres appelants : deux tiers ont déjà contacté le
numéro vert précédemment contre moins de la moitié pour l’ensemble des appelants (67,3 % vs 44,5 %).
Cette proportion augmente régulièrement avec l’ancienneté du diagnostic montrant ainsi que le service offre
un accompagnement tout au long de la vie avec le virus.
UN ACCOMPAGNEMENT RYTHME PAR LES ETAPES DU PARCOURS DE SOIN
Les PVVIH contactent SIS à divers moments importants de leur prise en charge, parfois qualifiés d’étapes, et
visibles à travers les thèmes abordés dans les entretiens.
•
L’acceptation du traitement
Le « processus d’intégration du traitement » dans la vie des PVVIH passe par deux phases : l’acceptation et
l’appropriation de celui-ci7. Cette intégration du traitement semble dépendre de l’acceptation de la maladie
par la personne8 ainsi que de ses croyances en la médecine. En effet, cette étape inéluctable permet à la
personne atteinte de se projeter dans une démarche de soin. Celle-ci peut passer par une meilleure
information sur le virus qui va démanteler ses préjugés et qui va de pair avec le sentiment d’être bien informé
sur la maladie.
Certaines personnes cherchent alors à comprendre comment fonctionne le VIH, d’un point de vue biologique,
et s’interrogent sur la(es) manière(s) de le neutraliser, de le maîtriser, d’empêcher son développement au
maximum. Par exemple, les échanges d’astuces autour de l’hygiène de vie (alimentation, exercice physique,
etc.) sont nombreux, notamment sur le forum de SIS.
« Je souhaite discuter avec des personnes qui s'intéressent à leur qualité de vie en général,
phytothérapie, huiles essentielles, alimentation, massages divers, marche, yoga, méditations... et
les résultats sur leur état de santé. Merci de me faire partager vos diverses expériences et leurs
résultats » Femme, 46 ans, Forum SIS 2010
« (…) séronégatif, je me laissais aller, ne faisait quasi plus de sport, avait pris des kilos ... Ma
séropositivité m'a fait prendre conscience de l'importance de m'occuper de mon corps. Depuis je
fais du sport, des pompes, je fais attention à mon alimentation, j'ai perdu 5 kg et je suis fier de
mon apparence physique... » Homme, 40 ans, Forum SIS 2010
Le rapport à soi et à son corps change, ne serait-ce que par la nécessité de suivi médical que la contamination
par le VIH impose : la question du vécu des soins est primordiale, plus encore chez les PVVIH sous traitement,
davantage sujettes à une médicalisation du quotidien que les autres (prises du traitement, RDV médicaux et
examens). En effet, parmi les PVVIH sous traitement abordant la question du traitement et des examens lors de
l’appel, un quart d’entre elles évoque le vécu des soins (25,8 %).
Sans que cela soit spécifique au VIH, le champ lexical utilisé tant par les appelants que les forumeurs montre
que le virus est personnifié, qu’il est un ennemi à combattre, que la lutte contre la maladie est une guerre. Le
fort impact émotionnel qui accompagne l’acceptation de la séropositivité s’explique par les représentations du
VIH et les peurs auxquelles elles renvoient (maladie, exclusion, mort).
7
J. Pierret et le groupe d’études Aproco, « Une approche dynamique du traitement chez des personnes infectées par le VIH :
la notion d’intégration », in L’observance aux traitements contre le VIH/sida. Mesure, déterminants, évolution, ANRS,
décembre 2001.
8
Par exemple par la mise en place de stratégies de coping, c’est-à-dire l’ensemble des processus qu'un individu interpose
entre lui et un événement éprouvant, afin d'en maîtriser ou diminuer l'impact sur son bien-être physique et psychique.
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
3
« J'ai peur du regard des gens, de leur jugement, si quelqu'un va accepter de se mettre
avec un séro+. J'ose pas aborder les gens, ni leur parler, j'ai même pas le courage de répondre
au tel... je vois le monde autrement, j'ai maintenant un regard différend sur les gens, je me dis
dans ma tête : je suis devenu différent, je ne suis plus comme les autres, j'ai un handicap, j'ai
un virus, j'ai le VIH. Chaque jour je me regarde dans le miroir, et je me dis : il y a quelque
chose dedans moi maintenant, qui coule dans mes vaine, et qui me dévore petit à petit, sans
rien sentir, une sorte de diable invisible qu'il n'y a que moi qui le ressens. Mais la plus grande
force de ce diable est de faire croire qu'il n'existe pas! Je sens le besoin d'en parler, de partager,
avec les gens que j'aime, et j'ai peur de leur réaction, j'ai peur du rejet, peur du regard des
autres, de sa famille et surtout ma mère (…) Je n'ai ni le courage, encore moins la manière de
faire sortir ce secret tellement pesant, qu'on m'accuse d'être léger envers moi-même. »
Homme, Forum SIS 2010
•
Commencer un traitement
Avant de commencer un traitement, les personnes atteintes contactent SIS pour faire un point sur leur
situation et avoir un avis extérieur au monde médical, s’apparentant parfois à une aide à la décision. En effet,
ces personnes ne semblent pas toujours avoir la possibilité d’échanger autour de leur infection et de ses
enjeux avec leur entourage, par peur du jugement, de la discrimination ou encore par la difficulté que
représente l’annonce de leur séropositivité aux autres. De manière logique, la mise sous traitement semble le
plus souvent à l’initiative du médecin, mais il arrive que ce soit la PVVIH elle-même qui en évoque la possibilité,
voire le souhait, se représentant plus que les autres le traitement comme une arme de défense face au virus.
« Venant d’apprendre que j'étais seropositif (jaurai les resultats de mon premier bilan dans dix
jours) je voulais savoir s'il fallait prendre dès le début un traitement ou attendre que la charge
virale remonte et que les cd4 diminuent ? J'ai l'impression de lire les deux versions un peu
partout, en gros, faut il attendre que le corps ait besoin d'une aide d'un médicament ou
faut il l'aider des le début ? Merci » Homme, Forum SIS 2010
Diverses craintes sont provoquées par la possibilité d’une mise sous traitement, liées au traitement lui-même
ou aux contraintes associées :
La peur du traitement comme symbole de la maladie, ici sans possibilité de guérison et à prendre à vie,
La visibilité induite par le traitement :
matérielle, par la prise des comprimés à différents moments de la journée, à dissimuler du
regard des collègues de travail, de la famille, des amis, du conjoint etc.,
physiologique et corporelle, par les effets indésirables à plus ou moins long terme (fatigue,
nausées, diarrhées, lipodystrophies, etc.),
sociale, la visibilité de la maladie soulevant naturellement la question du silence autour de la
séropositivité chez les PVVIH, comme choix et comme poids, voire comme situation à
modifier : dire ou ne pas dire et comment dire sa séropositivité. Ces interrogations ne
surgissent pas seulement au moment de commencer un traitement, mais les contraintes qui
lui sont associées y sont propices. Au-delà des souffrances physiques et psychiques qu’elles
induisent, les modifications corporelles, comme marques de la maladie, sont souvent les plus
redoutées.
« Je dois commencer un premier traitement [noms de deux médicaments], je panique beaucoup
je viens à peine d’accepter le virus. Cette étape me fait peur, cela apporte une visibilité à
ma maladie et dans ma famille personne n’est au courant… Comment faire pour me rendre en
Espagne où se trouve ma mère, au Vietnam pour ma sœur… Faut-il cacher le traitement ? De
nombreuses questions qui n’arrangent pas mon angoisse… » Homme, Numéro vert SIS 2010
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
4
« Bonjour à tous, ce soir c'est mon 1 cachet. je stress et me pause pas mal de questions sur
les effets. j'ai encore parlé à personne de ce traitement. j'espére que ça ce passera bien
pour moi ; façon j'ai pas beaucoup de choix . merci de me donné quelque conseils et les effets de
ce médoc. merci d'avance » Homme, Forum SIS 2010
Ces craintes montrent que le traitement est parfois perçu comme vecteur de stigmatisation. Ces
questionnements qui renvoient à des contraintes à gérer et donc à accepter sont facteurs d’angoisse. Les
usagers vont alors étudier les avantages et les inconvénients de la prise du traitement, d’où leurs
interrogations autour de la nécessité, de l’efficacité du traitement (notamment à travers l’interprétation des
analyses et les définitions médicales) et des effets indésirables induits. Cette évaluation est fonction des
contraintes physiques, psychologiques et sociales provoquées par le traitement et s’accompagne d’une sorte
de négociation avec le médecin. Comme l’explique Catherine Tourette-Turgis, « la mise sous traitement
représente un défi pour les personnes qui n’avaient pu jusqu’alors élaborer sur leur séropositivité (réveil du
traumatisme de l’annonce et mise en échec des stratégies d’ajustement jusque là adoptées, comme par
exemple la mise à distance ou l’évitement pour faire face à sa séropositivité). » 9
La décision de prendre ou non un traitement dépend du calcul coûts/bénéfices lié à la perception des
conséquences de la maladie et de la vulnérabilité par rapport à la progression du virus. Au final, c’est l’impact
global sur la qualité de vie qui est évalué. Le sociologue Emmanuel Langlois montre qu’« en configuration de
chronicité, le malade met l’accent sur le consensus éclairé et la cogestion de sa trajectoire de malade. » (…) Il [le
médicament] propose toujours un dilemme entre les effets bénéfiques escomptés et les effets secondaires
néfastes, une gratification différée et un inconvénient présent. (…) il est des effets secondaires et des
contraintes que les personnes ne semblent pas prêtes à endurer. C’est ainsi que viennent s’intercaler les
questions relatives à la préservation d’une représentation positive de soi et le rejet de tout ce qui semble
grignoter la dignité personnelle. Les effets de marquage sur le corps sont particulièrement redoutés. »10
Dans l’enquête sur l’impact des lipodystrophies sur la qualité de vie des PVVIH, réalisée par l’Observatoire SIS
en 200911, 87 % des participants estimaient que cet effet indésirable lié au traitement avait un impact négatif
sur leur vie, particulièrement sur la vie sexuelle mais aussi sur leur observance du traitement, impact qui
pouvait parfois se traduire par un arrêt du traitement. Ces résultats montrent que les inquiétudes des PVVIH
envers une prise du traitement semblent fondées. On note que parmi les personnes atteintes sous traitement
exprimant du mal-être lors de l’entretien, trois sur dix ressentent une angoisse face au traitement (29,2 %).
C’est également le cas d’un quart des PVVIH envisageant de commencer un traitement (24,6 %).
•
Vivre avec le traitement
Les personnes atteintes, sous traitement, sollicitent SIS suite à un évènement précis souvent lié à leur
thérapie ARV. Les services de SIS exercent alors un rôle d’information, d’orientation, et de soutien, cet
accompagnement venant favoriser une meilleure observance.
Les prises de comprimés
Les appelants ayant oublié une prise de comprimé(s) cherchent à connaître les conséquences de cet oubli sur
l’efficacité du traitement. Il faut noter que la croyance en l’efficacité du traitement et la visibilité de son
efficacité, à travers les résultats d’analyse par exemple, sont des facteurs de motivation indéniables dans la
prise du traitement. Les échanges montrent à quel point la réorganisation de la vie est contraignante, voire
contrarie « une vie normale », face aux horaires des prises notamment. Par ailleurs, l’angoisse générée par la
9
C. Tourette-Turgis, Infection à VIH et Trithérapies – Guide de Counseling, Comment Dire, Paris, 1997.
E. Langlois, L’épreuve du sida, Presses Universitaires de Rennes, Collection Le Sens Social, 2006, pp. 127 et 153.
11
http ://www.sida-info-service.org/ ?Enquete-sur-l-impact-des
10
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
5
notion mal définie de « prise rigoureuse » des comprimés vient peser sur le vécu du traitement et peut même
nuire à son acceptation voire à son observance.
« Je suis séropo ça fait un mois que je prends le traitement et j’ai oublié ce matin [nom de deux
médicaments] est ce je dois prendre là maintenant ou pas ? C’est la première fois que je
l’oublie.... » Homme, Numéro vert SIS 2010
« Bonjour, voila je suis sous traitement depuis juillet 2010, je suis indetectable depuis
novembre... donc je suis content, j'ai juste une petite question, qui a sans doute déjà été
abordée. J'ai oublié de prendre mes cachets un soir de cette semaine…enfin je crois, je
ne suis plus très sur, mais je crois que oui... cela a t il une incidence important pour la
charge virale ? ou cela aurait eu une incidence si c'etait plusieurs fois ? Merci par avance pour
votre réponse. » Homme, Forum SIS 2010
« Petite question, je lis plein de choses au sujet de l'observance, mais qu'entend-on par là
exactement ? Le traitement observé doit il se faire à la minute prés ? Ou la marge de prise
des médicaments a t elle une fourchette de quelques minutes, quart d'heure ou demie heure ?
Nous nous posons cette question, le stress de ne pas manquer les prises d'une mn est
angoissante, vivre l'oeil rivée sur la pendule empêche une vie normale. Merci pour vos
réponses. » Femme, Forum SIS 2010
Les effets indésirables
Près d’une PVVIH sous traitement sur dix déclare avoir des effets indésirables (9,5 %), particulièrement celles
qui viennent de commencer leur première thérapie antirétrovirale (15,2 %). Sur le forum, les personnes
comparent souvent les diverses associations de médicaments composant leur traitement et échangent sur leur
vécu thérapeutique à plus ou moins long terme. Les témoignages de pairs permettent de s’identifier à autrui,
de se rassurer et de mieux gérer leur situation, notamment thérapeutique.
« Bonjour, je ne dors pas à cette heure car ça me démange beaucoup. Depuis que je prends [nom
du médicament] j'ai des boutons sur l'interieur des cuisses, sur l'arrière des genous, le
plis des coudes, et ça démange énormément sous les testicules, le dos, bref partout. Je n'ai pas
encore de plaque mais vu que je gratte ça va pas tarder à mon avis. Je fais quoi je vais voir le
doc ? Merci. » Homme, Forum SIS 2010
« bonsoir a tous, depuis 3 semaines j'ai le ventre et la poitrine qui accumule des graisses
( je suis un homme)....mais ça fait bizard car j'ai toujour eté tres mince le ventre plat et en
manque de graisse. j'en ai parler a mon medecin, il m'a mesurer le corp, je vais bien sur lui en
reparler vu que ca augmente encore ; peut on penser a des lipohypertrophies ? quelqu'un a
deja eu l'experience de ça ? merci pour vos com » Homme, Forum SIS 2010
La sexualité
De par le caractère transmissible du VIH, la sexualité est une problématique ancrée dans les échanges avec les
PVVIH, qui ont souvent peur de contaminer un partenaire sexuel. Les services de SIS sont parfois contactés
lors d’une nouvelle rencontre ou d’une éventuelle prise de risque, pour demander des conseils. Chez les
PVVIH sous traitement ou chez leur partenaire, la question de la charge virale indétectable suscite des
réflexions autour des pratiques sexuelles pouvant être réalisées sans protection (stratégies de réduction des
risques), comme la fellation par exemple.
« Je suis gay (…) dernièrement, j’ai rencontré un nouvel ami... nous sommes en début de relation.
Il m’a dit qu’il est séropositif. Il m’a donné diverses informations, mais je n’ai pas bien compris...
Il me dit qu’il est séropositif, qu’il est sous traitement, que sa charge virale est indétectable... et
qu’il y a beaucoup moins d’effets secondaires maintenant avec les traitements... Alors je voudrais
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
6
savoir ce qu’il en est... Et si la charge virale est indétectable, elle le reste longtemps ?
Bon... et dans cette situation, est-ce qu’on peut avoir certains rapports sans protection, je
veux dire pour la fellation... J’ai appelé à tout hasard, je ne savais pas que je pourrais poser
toutes ces questions... » Homme, Numéro vert SIS 2010
Les résultats d’analyses
Parfois, les PVVIH sous traitement contactent SIS après avoir reçu des résultats d’analyses. Le plus souvent,
les personnes sont angoissées face aux variations des CD4 et de la charge virale, qu’elles interprètent comme
une progression du virus et donc comme une baisse d’efficacité du traitement. Les échanges peuvent alors
porter sur l’interprétation des résultats ou sur des définitions médicales.
« J’ai commencé le traitement il y a un an et demi. J’ai fait une grosse primo. La charge virale est
devenue indétectable au bout de dix mois. Ça fait six mois maintenant qu’elle le reste. Là
j’angoisse le résultat est a 40 copies au lieu d’être en dessous de 20. J’ai peur que le
traitement ne soit plus efficace et de perdre des années de vie. J’ai un enfant de neuf mois,
j’ai peur de pas le voir grandir » Femme, Numéro vert SIS 2010
« Bonjour, j'ai fais un bilan le mois dernier et les CD4 se cassent à nouveau la figure de 480 à
220.Mais c'est sans doute du à la mauvais année que je viens de vivre. Enfin j'espère parce que
pour une fois qu'ils avaient monté. Par contre je ne comprends pas la signification de l'ARN,
le docteur me dit "toujour indétectable c'est bon" mon résultat : ARN -20 copies .D'accord, mais
que veut dire "copie" et quel est le seuil de détection, y a t-il un nombre de copies 'idéal' ? Le
sujet a sans doute été traité, je n'ai pas su le voir. » Homme, Forum SIS 2010
De l’information à la « formation » des PVVIH
Il faut noter le partage d’expériences des PVVIH utilisatrices du forum, notamment sur des questions pratiques
autour du traitement (hygiène de vie, approvisionnement, voyage, etc.) ou sur l’actualité autour du VIH
(avancées dans la recherche, protocoles d’essai, etc.).
« Bonsoir, depuis quelques temps, j'ai des petits soucis d'approvisionnement de ma
trithérapie.Il y a deux mois, un peu galère pour avoir le [nom du médicament] en formule sèche,
aujourd'hui, depuis 10 jours, rupture sur le [nom du médicament] 300md, enfin je devrais l'avoir
demain, ma boite se termine vendredi, sinon j'étais bon pour cavaler à l'hosto et avec le boulot
c'est pas facile. J'avais vu récemment un sujet sur le TRT5, des sis [modérateurs] ont ils des infos
et des retours sur le sujet ? Avez vous vous meme connu des soucis d'approvisionnement ?
Merci » Homme, Forum SIS 2010
« Bonjour, je me pose une question importante. Si l'un de nous est amené pour des raisons ou
autres à rester une longue durée dans un pays étranger, comment faire pour avoir les
traitements la bas ? Est ce que j'ai la possibilité d'acheter le traitement en france pour 3 ou 6
mois et l'emmener avec moi, ou bien suis je obligé de faire le déplacement chaque mois pour
m'approvisionner (…) ou bien dois-je me débrouiller la-bas pour trouver le traitement ? (…) ou
bien dois-je renoncer à mes projets à l'etranger et rester cloué en france a cause du
traitement ? ? ?(...) merci de me renseigner sur les possibilités et sur vos expériences, pour
ceux qui ont déja eu ce probleme. » Homme, Forum SIS 2010
Ainsi, certaines personnes se renseignent à profusion, particulièrement sur internet. Ce besoin de
connaissances émane notamment de la relation médecin-patient. Les appelants mentionnent souvent le
manque de temps lors de la consultation pour poser leurs questions. D’autres peuvent parfois se sentir
dépassés par le discours du médecin ou au contraire estimer qu’il n’est pas assez spécialisé sur la question. Le
fait d’être informé semble permettre une meilleure compréhension et un meilleur équilibre dans la relation
de soins, ce qui donne la possibilité au patient d’émettre un avis, d’enrichir le dialogue : la relation n’est plus
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
7
unilatérale. Le patient devient actif dans sa prise en charge et il en résulte un sentiment de plus grande
maîtrise des évènements : le VIH est alors « co-géré».
Antonio Casilli, chercheur en socio-anthropologie des usages numériques, traduit bien ce phénomène, en
rapportant les résultats d’une étude selon lesquels l’utilisation d’internet par des hommes atteints du cancer
peut améliorer leur expérience de vie : « ils [les patients] peuvent s’abonner à des forums d’entraide qui
fournissent un accompagnement thérapeutique des malades. Ils arrivent à dépasser la sensation que la
maladie entraîne une perte de contrôle sur leur propre corps. Qui plus est, au cours des consultations, ils se
montrent moins inhibés et capables de donner des informations circonstanciées quant à leurs symptômes. Les
malades perçoivent la recherche de renseignements en ligne comme une ressource d’accompagnement de la
relation avec leurs thérapeutes. » 12
Sur le forum, un certain nombre d’usagers séropositifs peuvent être qualifiés d’« experts » en raison de leur
maîtrise des aspects médicaux, sociaux et juridiques du VIH. Cela se traduit par une surreprésentation de « gros
posteurs » (plus de 50 posts) chez les PVVIH par rapport aux autres usagers qui en ont une utilisation plutôt
éphémère. La majorité des appelants séropositifs actifs sur le forum général VIH/sida sont des habitués qui,
lorsqu’ils créent un sujet, le font pour partager une information, mais qui le plus souvent viennent dans cette
rubrique pour répondre aux primo-usagers : leur expérience de la maladie fait d’eux des « experts » aux côtés
des modérateurs de SIS. Parallèlement, comme en témoigne la rubrique Détente, le forum est également un
espace d’échanges dépassant le strict cadre du VIH pour tendre vers des sujets de discussion plus larges
(cuisine, vacances, famille, etc.).
•
Changer de traitement
Cet épisode apparaît régulièrement comme un bouleversement significatif dans le parcours de soin des PVVIH
sous traitement et dans leur expérience de vie : l’habitude d’un traitement, la peur d’une moindre efficacité du
nouveau traitement, d’effets indésirables inconnus, la relation avec le médecin (relation de confiance,
négociations, désaccords) sont autant de problématiques soulevées dans ces circonstances. En effet, le
traitement apparaît intégré dans la vie de la personne et une réadaptation au nouveau traitement à venir est
appréhendée : parmi les PVVIH envisageant de changer de traitement ou venant d’en changer, 26,7 %
abordent des difficultés d’adhésion au traitement contre 13 % des PVVIH abordant le thème des examens et
du traitement.
Les éléments facilitant l’évolution vers un nouveau traitement semblent être, entre autres, la relation de
confiance du patient avec son médecin, la bonne compréhension du phénomène biologique et la projection
de la personne dans l’avenir. À l’inverse, la crainte des effets indésirables du nouveau traitement ainsi que
l’augmentation du nombre de cachets et leur taille semblent être à l’origine d’une certaine résistance au
changement. La question des effets indésirables est évoquée par 38,1 % des PVVIH envisageant de changer de
traitement ou venant d’en changer contre 16,3 % chez l’ensemble de celles sous traitement.
Le dialogue avec le professionnel de santé est au cœur des échanges. En effet, « (…) le double régime de la
maladie sida (aigu et chronique) et le système de représentations des médecins face au sida ouvrent à certains
endroits et à certains moments des espaces où les protagonistes négocient et rompent ainsi le schéma
classique d’une relation asymétrique. » 13 Ainsi, les changements de traitements sont parfois demandés par le
patient afin de soulager les effets indésirables ou encore de rendre les prises plus pratiques et moins
contraignantes.
12
13
A. A. Casilli, Les liaisons numériques – Vers une nouvelle sociabilité ?, Éditions du Seuil, Paris, 2010, pp. 182-183.
E. Langlois, op.cit., p. 136.
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
8
« Ça fait 17 ans que je suis contaminé. Ca fait 10 ans que je prends [nom du médicament] et mon
toubib m’a dit qu’il fallait changer. C’est pas facile, ça m’allait bien. Mes t4 sont bons mais ma
charge virale monte et descend. Ils vont me filer quatre médocs, je sais plus, ou 5. C’est pas
facile de changer de traitement... Mon médecin me propose [nom des médicaments]. Ça
m’angoisse parce que ça me fait un sacré changement !!! J’ai confiance en lui mais dix ans de
relation intime avec [nom du médicament] c’est pas rien. Il était intégré dans ma vie. Il m’a
expliqué que la charge virale est remontée. Il me met pas la pression mais apparemment j’ai pas
trop le choix… » Homme, Numéro vert SIS 2010
« Je prends [nom des médicaments] depuis un an et ça fait 3 jours que j’ai des douleurs
articulaires aux doigts, ça peut venir du traitement ? J’ai appelé mon médecin VIH mais il ne
peut pas me recevoir avant la fin du mois, et comme j’avais du mal à dormir, j’étais angoissé,
j’ai préféré vous appeler et j’ai bien fait car vous m’avez rassuré. Ca m’étonnait aussi d’avoir des
effets un an après mais comme j’angoissais, j’ai préféré avoir votre avis parce que ce traitement
j’ai eu du mal à le prendre, et il marche bien maintenant. J’avais déjà eu [nom des
médicaments] mais je l’avais pas supporté, après j’ai eu [nom des médicaments] et je l’ai arrêté
aussi et puis j’ai essayé de le reprendre et là ça a marché. C’est pour ça que ça m’embêtait ces
douleurs articulaires, je me suis dit que ce traitement marchait bien et j’avais peur de
devoir l’arrêter. Et puis mon médecin VIH me l’a dit, c’est le meilleur traitement que j’ai
actuellement. Mes douleurs articulaires ça peut venir de la fatigue et du stress. En tout cas, je
vais mieux dormir, vous m’avez rassuré par rapport à mon traitement. », Homme, Numéro
vert SIS 2010
•
Un besoin de soutien face aux difficultés relationnelles
Le soutien, les aspects psychologiques et les difficultés relationnelles sont particulièrement présents dans les
entretiens avec les personnes atteintes et encore plus lorsqu’elles suivent un traitement : plus de la moitié
des PVVIH sont concernées par l’un ou
l’autre de ces thèmes (54,8 %) et près
des deux tiers parmi celles sous ARV
(64,8 %). La prise d’un traitement est
positivement corrélée à l’ancienneté du
diagnostic. Or, plus la durée de vie avec
le virus augmente, plus les personnes
atteintes rencontrent des difficultés
psychologiques et relationnelles. Cette
tendance est accentuée chez celles qui
suivent une thérapie ARV, indiquant
que la prise d’un traitement est un
passage perturbant supplémentaire
(graphique 2). Il n’y a pas de différence
significative selon le sexe.
Les difficultés relationnelles se répercutent dans toutes les sphères de la vie sociale et familiale. Pour
l’ensemble des PVVIH, elles concernent la famille (36,5 %), le partenaire (35,3 %), les soignants (21,3 %), les
amis (22,4 %) ou encore le milieu professionnel (11,6 %). Les relations avec les soignants sont davantage
évoquées par les personnes sous traitement (25,6 %).
Si l’expression du mal-être et de l’angoisse est plus présente dans les appels des hommes que dans ceux des
femmes séropositives (29,3 % contre 25,7 %), la prise d’un traitement tend à effacer ces différences (33,7 %
des hommes sous traitement contre 34 % des femmes) : ces aspects s’expriment de manière plus importante
chez l’ensemble des personnes traitées, sexes confondus (33,9 % contre 28,3 % chez l’ensemble des PVVIH).
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
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Ces sentiments se révèlent plus importants
important chez les personnes atteintes se déclarant homosexuelles (37,5 %
contre 33,8 % des PVVIH hétérosexuelles)
hétérosexuel
et la prise d’un traitement ne gomme pas ces aspérités (42,6 %
contre 38,2 %).
De la même manière que précédemment pour les aspects psychologiques et relationnels,
relationnels le sentiment de
solitude et d’isolement est corrélé à l’ancienneté du diagnostic, qui renvoie à divers profils de personnes liés à
l’historique de l’épidémie.
l’épidémie Ce
sentiment est d’autant plus
présent que la durée de vie avec le
virus augmente (graphique 3) et la
l
prise d’un traitement peut
accentue cet isolement : 17,4 %
accentuer
des personnes sous traitement
déclarent souffrir de solitude et
d’isolement contre 11,8 % de
l’ensemble des PVVIH. Parmi les
appelants qui suivent une thérapie
ARV, les
es hommes semblent être
un peu plus sujets à la solitude
que les femmes (18,1 % contre
15,4 %).
« (…) l'association (son forum et ses membres surtout) m'avait bien aidé en début d'année,
lorsque j'ai été testé HIV+ en février (CD4 567). Grand bonheur dans mon malheur, j'avais alors
rencontré l'homme de ma vie en même temps (..) j'aimerais partager mon expérience et
savoir comment chacun l'a vécu. Après coup, je me rends compte que pendant les 6 mois
suivant, j'ai vécu ma petite idylle en refusant de voir la vérité de la contamination : résultat, je
n'en ai parlé à personne à part mon copain et j'ai tout gardé pour moi. J'avais décidé de
vivre comme si de rien était. CD4 (ça rythme notre vie ?) en juin : 832. Mon caractère à
commencé à se dégrader pas mal, crises d'angoisse, de colère, sentiment d'exclusion lors
des réunions en famille ou ami... engueulades
engueulades sans raison sur des sujets que je trouvais (tous)
secondaires. Arrêt de mes études que je faisais en parallèle avec le boulot, arrêt du sport... Et
une pression évidente sur mon copain : ayant peur de le perdre, ou qu'il me quitte, je faisais tout
ce que
e je pouvais pour l'éloigner... Résultat : séparation fin septembre alors qu'on s'aimait. Il
ne pouvait plus supporter de s'inquiéter pour moi tout le temps. J'ai commencé à aller voir un psy
et mon médecin, qui m'ont dit que j'étais en dépression (…) Des associations ? Je ne sais pas où
aller. Les medocs ? Pas envie d’être drogué au [nom du médicament]. J'ai quand même
commencé à en parler à mes meilleurs amis (qu'est-ce
ce que c'est dur au début de les voir
pleurer...) mais je ne me sens pas capable de reprendre
reprendre une relation. Trop peur. CD4
aujourd'hui : 576 et retour de l'angoisse... et pourtant je suppose que le taux varie toujours ?
Merci pour vos retours d'expérience. » Homme, Forum SIS 2010
« Je suis en désinsertion sociale totale j’en souffre terriblement je vis seul, avec ma famille
pas terrible j’ai surtout beaucoup de difficultés à me déplacer. Je suis très très mal comment
faire pour survivre ? Je suis dans un état d’épuisement mais vraiment… Le mot n’est pas assez
fort. Depuis le décès de ma mère je suis seul et surtout je me suis complètement oublié.
oublié »
Homme, Numéro vert SIS, 2010
Par ailleurs, la médicalisation du quotidien apparaît fortement associée à ces sentiments.
sentiments
« A chaque nouvelle un peu inquiétante, je
j passe en "mode panique". Là avant de vous appeler,
j’ai des idées noires, je n’arrive pas à m’en sortir, même décrocher le téléphone, je n’y
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
10
pense pas. Je finis par vous appeler et ça me fait du bien. Mais vous voyez, il y a des
explications que ma médecin, que j’aime bien par ailleurs, ne me donne pas, ou n’a pas
le temps de me donner, alors je vous appelle, et je sais bien qu’elle ne peut pas passer
avec moi le temps que je passe avec vous, c’est pas possible... mais c’est par vous que
j’apprends des choses, les blips par exemple, et là les examens à suivre, les cholestérols, les
triglycérides, on m’en avait jamais parlé. » Homme, Numéro vert SIS, 2010
« Je suis séropositif depuis 14 ans et depuis un an, j’ai dû commencer un traitement. Avant,
je faisais les bilans, mais je ne pensais pas au VIH le reste du temps. Là je dois y penser tous
les jours. On m’a parlé de l’alimentation oui, mais je ne suis pas sûr de bien faire. Je fais très
attention à ce que mange mon fils, mais moi... Oui j’ai arrêté de fumer il y a un an, je galère
encore… Et puis aussi, ce qui m’énerve, depuis que je suis suivi à l’hôpital, c’est que je n’ai
jamais la copie de mes examens. Avant j’avais les résultats assez rapidement, en trois jours et
j’avais mes propres résultats. Depuis que je suis à l’hôpital, il faut aller faire les prélèvements
quinze jours avant, et j’habite loin, à plus de 50km de l’hôpital et au final je n’ai jamais de copie
de mes résultats. J’ai complètement confiance en ma médecin, je pense qu’elle regarde tout
ça. Avant j’allais dans un laboratoire près de chez moi. » Homme, Numéro vert SIS, 2010
•
Arrêt du traitement
Les personnes en arrêt de traitement représentent 3,6 % des usagers séropositifs. Il faut noter que ce type
d’appel est deux fois plus souvent passé par une tierce personne que dans l’ensemble des appels des PVVIH.
Cette rupture dans le traitement est parfois due à un poids trop lourd des effets indésirables et/ou à une
solitude trop importante et/ou à une situation thérapeutique complexe telle que des pathologies associées
(cancer) ou encore des co-infections (15,9 % des PVVIH en arrêt de traitement contre 8,8 % chez l’ensemble
des PVVIH). En effet, « les symptômes perçus et attribués au traitement par le patient, d’une part, la dépression,
d’autre part, comptent parmi les facteurs majeurs influant négativement sur l’observance. »14 Près d’un quart
des personnes en arrêt de traitement déclare être dans un état dépressif lors de l’appel (23,8 %), proportion
supérieure de près de 11 points à l’ensemble des PVVIH (13,1 %).
Le fait que la charge virale soit indétectable semble aussi être parfois une des causes de l’arrêt du traitement :
elle peut être interprétée comme une inoffensivité du virus voire comme sa disparition et est associée au désir
de reprendre une vie « normale ».
La proportion de PVVIH sans suivi médical est bien plus importante parmi les personnes en arrêt de
traitement que dans l’ensemble des PVVIH (12,7 % contre 1,4 %). En effet, les difficultés relationnelles sont
très souvent évoquées dans ce type d’appel (61,5 % contre 55,5 % chez les PVVIH sous traitement),
particulièrement avec les soignants. De fait, certaines personnes ayant arrêté le traitement l’ont décidé sans
l’avis du médecin et n’osent pas le lui dire ou retourner le voir car « dans une configuration où c’est avant tout
au malade de se prendre en charge, de jouer de sa responsabilité et de son autonomie personnelle, le suivi
biologique devient examen ou contrôle de la capacité à s’auto-gérer, mesure du sérieux. » 15
La plupart du temps, il faut noter que ces personnes semblent en détresse sociale et psychologique.
« Mon ami ne veut pas se soigner. Il est au lit, couché, il ne veut plus manger mais il a la
bouteille de whisky à côté. Faut-il que je contacte le médecin ? J’avais envie de vous dire tout. »
Femme, Numéro vert SIS, 2010
14
15
P. Yéni (dir.), op. cit., p. 103.
E. Langlois, op. cit., p. 160.
SIS-Observatoire, Synthèse PVVIH 2010
11
Cependant, il peut parfois aussi s’agir de vacances thérapeutiques que s’autorisent certaines personnes
atteintes et pour qui l’arrêt du traitement signifie retrouver son autonomie, sortir de l’étreinte de la règle ou
encore éviter de se souvenir de la maladie.
« J’ai arrêté mon traitement depuis 5 mois et, comme mes CD4 sont à 350 je voudrais le
reprendre. Je n’ai pas dit à mon médecin que j’ai arrêté le traitement et je vais reprendre
mes médicaments car il m’en reste. Y a un risque faire ça ? » Homme, Numéro vert SIS, 2010
« Ça fait un an que j’ai arrêté le traitement... c’est grave !? Je sais que ça craint mais j’en
pouvais plus. Basta ! Je n’ai pas l’énergie de me faire suivre, me faire hospitaliser, prendre
des penta-thérapies. Pourtant j’en ai vu des potes tomber. C’est une guerre !!! J’ai plus
envie... » Homme, Numéro vert SIS, 2010
CONCLUSION
A l’évidence, la place du traitement dans la vie des PVVIH, et donc son observance, est dépendante de
multiples facteurs. Les relations avec l’équipe soignante semblent centrales dans le rapport que la personne
entretient à son traitement. D’autres facteurs extérieurs interviennent, principalement le soutien dont elle
bénéficie et qu’elle perçoit. Le lien social (amis, famille, travail, partenaire, associations, soignants…) joue un
rôle essentiel et est une ressource dans la vie des PVVIH. Il est souvent indissociable du rapport au traitement.
En effet, quand les relations avec l’entourage s’affaiblissent, que la solitude et l’isolement s’installent,
l’observance du traitement et la capacité de la personne à se prendre en charge semblent diminuer.
Inversement, la prise du traitement peut aussi être à l’origine de cet affaiblissement des relations, par une
auto-exclusion de la personne atteinte, par exemple pour ne pas avoir à révéler son statut.
Selon la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (1998), « l’éducation thérapeutique du patient (ETP)
vise à aider les patients souffrant de maladies chroniques à acquérir ou à maintenir des compétences qui leur
sont nécessaires pour gérer au mieux leur vie dans le contexte d’une maladie chronique ». En ce sens, les
services d’aide à distance de SIS sont une ressource, tant pour les informations précises délivrées quant à une
situation donnée, en complément du milieu médical, que pour l’échange humain qu’ils représentent. Et ce
d’autant plus qu’ils peuvent être sollicités à toutes les étapes du parcours de soin.
Note méthodologique :
Les contenus d’entretiens téléphoniques sont renseignés via une fiche d’appel informatisée
permettant de recueillir des informations sur les usagers et leurs demandes. Ces renseignements
sont de différentes natures : âge, sexe, département d’appel, pathologie(s), situation médicale,
thème(s) évoqué(s) en entretien, etc., tout en préservant l’anonymat de la personne. Ils ne sont
pas recueillis de façon systématique mais sont renseignés selon les éléments apportés par les
appelants au cours de l’appel. Des extraits de leurs propos sont saisis par les écoutants.
Les échanges sur le forum de SIS ont été importés intégralement dans une base de données.
Les informations ainsi collectées par la fiche d’appel et le forum ont été exploitées à l’aide d’un
logiciel de traitement de données quantitatives et qualitatives.
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