Malformations de l`utérus
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Malformations de l`utérus
Malformations de l’utérus B. Blanc et A. Agostini L’embryologie des voies génito-urinaires permet de classer les malformations génitales. Le diagnostic est le plus souvent posé après un accident obstétrical, une infertilité, un trouble du cycle menstruel. Le bilan paraclinique est indispensable pour préciser le diagnostic. L’échographie pelvienne et endovaginale couplée au Doppler à codage couleur permet une exploration exo- et endo-utérine. L’importance de la malformation n’est pas corrélée à la fréquence et à la gravité des accidents obstétricaux. L’hystéroscopie opératoire a remplacé l’hystéroplastie chirurgicale dans le traitement des cloisons utérines ; elle doit être proposée en cas d’antécédents obstétricaux et devant une stérilité persistante en l’absence d’autres facteurs d’infertilité. INTRODUCTION L’organogenèse des voies génito-urinaires permet d’interpréter et de classer les malformations génitales. Quatre phases peuvent être schématisées (tableau I) : – la première phase urinaire (3e, 4e et 5e semaines) comporte la formation des canaux de Wolff et leur progression vers le cloaque, le développement des bourgeons urétéraux en direction des blastèmes rénaux ; – la deuxième phase, génitale et urinaire (6e, 7e, e 8 et 9e semaines) comporte l’achèvement de l’ap- pareil urinaire par l’ascension et la rotation des reins, à partir de la 9e semaine l’organogénèse urinaire est donc achevée ; la formation des canaux de Müller et leur progression vers le sinus génital peut débuter ; – la troisième phase, génitale, de l’accolement des deux canaux de Müller s’étale sur les 10e, 11e et 12e semaines ; cette phase est responsable de la morphologie externe des voies génitales ; – la quatrième et dernière phase est celle de la résorption de la cloison d’accolement des canaux de Müller (13e à 17e semaine). La résorption commence au niveau de l’isthme avant la fin de Tableau I – Embroygenèse des organes génitaux. Phase génitale et urinaire (a, b, c, d). 1) Canal de Wolff. 2) Mésonéphros. 3) Ligament inguinal. 4) Cloaque (sinus urogénital). 5) Ovaire. 6) Blastème rénal. 7) Bourgeon urétéral. 8) Canal de Müller. 600 Pelvi-périnéologie la phase d’accolement, s’étend rapidement vers le bas et lentement vers le haut. Cette phase de résorption est responsable de la morphologie interne des voies génitales (tableau II). Le type des malformations est lié à la date de survenue de l’agent tératogène au cours de l’organogenèse : – entre trois et six semaines, le canal de Müller n’existe pas encore. On observera une aplasie utérine, un utérus unicorne avec agénésie rénale unilatérale ; – à la sixième semaine, le canal de Müller se développe. Une anomalie apparaissant entre six et neuf semaines entraînera un utérus pseudounicorne ; – entre dix et treize semaines, les deux canaux de Müller se rapprochent de la ligne médiane. Les anomalies observées sont un défaut de fusion des deux canaux de Müller, à l’origine des utérus bicornes ; après treize semaines, on observe un trouble de la résorption de la cloison à l’origine des utérus cloisonnés. Les anomalies urinaires ne peuvent plus exister. - type 1 : deux ovaires isolés absence d’appareil génito-urinaire, - type 2 : type 1 avec en plus 2 ébauches de trompes, - type 3 : est constitué par les annexes ; – aplasies bilatérales incomplètes : syndrome de Rokitansky-Kuster-Hauser (classe Ic) ; – aplasies unilatérales complètes : unicorne vrai (classe Iid) ; – aplasies unilatérales incomplètes : pseudounicorne (classes Iib et Iic). Hémi-utérus ou hémimatrices (AFS classes III et IV) – bicorne bicervical avec rétention menstruelle unilatérale ; – bicorne bicervical perméable ; – bicorne unicervical. Utérus cloisonné (AFS classes V et VI) – cloisonné total ; – cloisonné subtotal ; – cloisonné corporéal ; – cloisonné fundique ; – cloisonné cervical. e Accolement des canaux de Müller f Résorption de la cloison médiane des canaux de Müller g Utérus normal Tableau II – Embroygenèse des organes génitaux. Phase d’accolement (e) et de résorption (f, g). CLASSIFICATION DES MALFORMATIONS UTÉRINES La plus utilisée en France est la classification de Muset, établie en 1964 (1). La classification internationale est celle de l’American Fertility Society (AFS) de 1988 (2). Elle est la plus utilisée dans la littérature. Aplasies utérines (AFS classes I et II) – aplasies bilatérales complètes : - type 0 : organes urinaires et génitaux absents, Utérus communicants (AFS classe II) – cloisonné total communicant ; – communicant bicorne bicervical avec rétention menstruelle unilatérale ; – cloisonné communicant corporéal et bicervical. CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE En dehors de la grossesse, la malformation utérine peut être découverte dans le cadre d’un bilan : – d’aménorrhée primaire ; – de dysménorrhée primaire invalidante ; – de stérilité ; – d’infécondité ; – d’accouchements prématurés à répétition ; – de dyspareunie. Malformations de l’utérus L’anomalie découverte au cours de l’examen clinique peut être : – une absence de vagin ; – un bombement de la paroi latérale du vagin ; – une cloison vaginale ; – une bifidité cervicale ; – l’absence de col. Pendant la grossesse, on peut être amené à diagnostiquer une malformation : – lors d’une interruption prématurée de la grossesse ; – devant une présentation dystocique à répétition ; – lors d’un accident de la délivrance (hémorragie ou rétention) ; – plus rarement devant la survenue d’accidents : hémopéritoine par rupture d’une corne utérine rudimentaire gravide d’un utérus pseudounicorne ; ou syndrome abdominal aigu, par torsion d’un utérus gravide (absence ligamentaire congénitale). 601 mètre, à condition de pouvoir réaliser des coupes strictement transversales de l’utérus. La période de choix pour l’exploration et la définition des utérus malformés se situe près de l’ovulation et à la phase sécrétoire du fait de l’épaisseur significative de l’endomètre. Doppler à codage couleur : il a été utilisé pour identifier la vascularisation myométriale. L’apport du Doppler énergie, par une sensibilité nettement meilleure, est la méthode de choix pour identifier cette vascularisation. La cloison est le plus souvent avasculaire. Deux couronnes vasculaires sé p a rée s BILAN PARACLINIQUE (3) Fig. 2 – Hémi-utérus et Doppler. Échographie utérine : – l’échographie par voie abdominale, vessie pleine est utile dans un premier temps. Sur des coupes transversales, on définit le contour antérieur de l’utérus : une image régulière convexe vers la vessie ne peut correspondre qu’à un utérus cloisonné. La cloison se traduit par une zone hypo échogène centrale. Une image en coin nette de la vessie est en faveur de deux hémi-utérus ; – l’échographie par voie vaginale est nettement plus performante pour analyser l’endo- Bord antérieur convexe Deux endomètres ( E ) Cloison non vascularisée Fig. 3 – Utérus cloisonné. HEMIUTERUS GRELE Caduque Deux corps bien séparés Grele péristaltique au centre Fig. 1 – Hémi-utérus. Fig. 4 – Malformation utérine et grossesse. Oeuf 602 Pelvi-périnéologie L’hystérosalpingographie précise l’aspect de l’utérus, mais ne permet pas d’affirmer le type de la malformation : cloison ou utérus bicorne. Une hypoplasie est souvent associée à la malformation et aggrave le pronostic obstétrical. Cet examen permet aussi de connaître l’aspect du défilé cervico-isthmique et l’état des trompes. L’hystéroscopie permet l’exploration de la cavité utérine, mais ne permet pas de préciser, dans tous les cas, le type de la malformation. Elle reste cependant une exploration indispensable et permet le traitement des cloisons utérines. La cœlioscopie confirme la malformation utérine ; elle permet de connaître son type et de voir d’éventuelles lésions associées qui conditionnent souvent le pronostic obstétrical (endométriose). Elle ne doit pas, cependant, être réalisée de façon constante. Elle est justifiée en cas d’utérus pseudo-unicorne pour préciser le type exact de la malformation et en cas d’utérus cloisonné dont le diagnostic reste hésitant après échographie. L’exploration par résonnance magnétique : elle permet enfin d’affirmer dans tous les cas le diagnostic de malformation utérine et d’en apprécier la variété. Ce type d’exploration peut être prescrit en cas de doute de diagnostic, sa réalisation peut permettre d’éviter la réalisation d’une coelioscopie. Fig. 5 – Utérus bicorne. HIÉRARCHIE DES EXPLORATIONS Dans le bilan d’une malformation génitale, l’échographie doit toujours être réalisée, car c’est la seule exploration qui permet une évaluation précise endo- et exo-utérine. En pratique routinière, sa sensibilité reste peu importante (30 à 40 %) et directement liée à l’expérience de l’échographiste. En revanche, orientée, notamment dans le cadre d’un bilan d’infertilité, elle doit permettre de définir l’existence ou non d’une cloison ; dans ce cas, l’hystéroscopie doit être préférée à l’hystérographie. L’évaluation de la cloison utérine (hauteur, épaisseur, vascularisation) et des lésions associées est en effet plus pertinente en vision directe qu’au travers d’un écran radiographique. La cœlioscopie doit être exceptionnellement pratiquée et réservée aux seules observations où le diagnostic reste hésitant entre utérus cloisonné et utérus bicorne. TRAITEMENT La fréquence réelle de la responsabilité d’une malformation utérine et tout particulièrement d’une cloison utérine dans la survenue de fausses couches spontanées à répétition ou d’accident de la grossesse (accouchement prématuré ou avortement tardif) est diversement appréciée dans la littérature étant donné le caractère souvent asymptomatique de ce type de malformation. Deux particularités méritent d’être soulignées. L’importance de la malformation n’est pas corrélée à la fréquence et à la gravité des accidents obstétricaux. Ceux-ci sont en effet rarement observés en cas de cloison utérine uni- ou bicervicale alors qu’ils sont plus fréquemment rencontrés en cas de cloison partielle et devant un éperon fundique. Le même type d’anomalie (par exemple une cloison partielle descendant au tiers inférieur de l’utérus) peut entraîner des accidents obstétricaux chez une patiente et permettre le déroulement d’une grossesse normale chez une autre patiente. Il est parfois possible d’observer chez la même patiente l’alternance d’une grossesse normale et d’accidents obstétricaux. Ceci démontre bien qu’il est très difficile d’incriminer le rôle isolé de la cloison utérine dans la genèse des accidents obstétricaux (4). Parmi les hypothèses qui permettent d’expliquer la physiopathologie des échecs de la reproduction, plusieurs causes ont été incriminées : – l’étroitesse de la cavité utérine, car la section de la cloison agrandit la cavité et améliore le pronostic obstétrical ; – l’existence d’une béance cervico-isthmique permet peut être d’expliquer la survenue d’accidents tardifs de la grossesse, mais ne permet en aucun cas d’expliquer la survenue fréquente de fausses couches spontanées précoces. La mise en Malformations de l’utérus place d’un cerclage n’est pas toujours suffisant pour les éviter ; – la mauvaise décidualisation endométriale n’a jamais été démontrée ; – la vascularisation inadéquate de la cloison utérine semble peut-être avoir une responsabilité dans la survenue d’accidents gravidiques. En effet, la section de la cloison permet d’obtenir une meilleure vascularisation de la zone placentaire. En présence de complications obstétricales très particulières (avortement tardif, accouchement très prématuré), l’indication d’une cure chirurgicale par voie endoscopique des cloisons utérines a obtenu actuellement un consensus général. Il s’agit en effet d’une intervention simple dont la morbidité n’est pas importante qui entraîne une hospitalisation réduite et dont les résultats sont comparables à ceux de l’hystéroplastie par voie abdominale. Les indications se sont de ce fait modifiées. Actuellement, l’indication opératoire par voie endoscopique semble être plus rapidement proposée (avortement tardif mais aussi précoce), parfois même en l’absence d’antécédent obstétrical. Les équipes s’intéressant à la procréation médicalement assistée (PMA) proposent ainsi le traitement systématique de toutes les cloisons, même les plus discrètes (éperon) avant d’envisager la réalisation d’une PMA (fivette ou autre procédé). L’indication d’une hystéroplastie par voie endoscopique ne doit cependant pas être généralisée à tous les cas d’utérus cloisonnés pour les raisons suivantes : – l’issue d’une grossesse ne peut jamais être prévue de façon formelle en présence d’un utérus cloisonné. Les observations de grossesse évoluant de façon normale jusqu’au terme, la naissance d’enfants de poids normal voire macrosome malgré le handicap d’une cloison utérine, justifient une certaine prudence dans les indications systématiques de section endoscopique d’une cloison utérine ; – le pronostic ultérieur de fécondité est parfois grevé d’une morbidité iatrogène : destruction d’un ostium tubaire, fragilisation du fond utérin avec rupture utérine lors d’une grossesse ultérieure ; – l’évolution des grossesses est quasi normale en présence d’un utérus cloisonné total. 603 Les indications d’hystéroplastie endoscopique que nous recommandons sont guidées par les antécédents obstétricaux et l’état anatomique : – antécédents d’avortement spontané tardif et semi-tardif (après la 12e semaine) ; – antécédents d’avortement spontané du 1er trimestre après avoir éliminé une origine chromosomique ou hormonale ; – stérilité persistante en l’absence d’autres facteurs pouvant expliquer l’infertilité ; – présentation dystocique ayant entraînée une césarienne ; – cloison utérine partielle. Nous récusons de principe les hystéroplasties en l’absence d’antécédents obstétricaux et d’infertilité et en présence d’une cloison utérine totale uni- ou bicervicale. Fig. 6 – Syndrome de Rokitansky-Kuster-Hauser. Références 1. Musset R, Belaih J (1964) Les anomalies morphologiques congénitales de l’utérus. 22e Assises Gynécologiques Strasbourg Masson ed. p 257-319 2. The American Fertility Society (1988) The American Fertility Society classification of adnexal adhesions, distal tubal occlusion, tubal occlusion secondary to tubal ligation, tubal pregnancies, Müllerian anomalies and intrauterine adhesion. Fertil Steril 49: 944-55 3. Blanc B (1990) Hiérarchie des explorations paracliniques dans l’exploration d’une malformation utérovaginale. Gynécologie 41: 236-8 4. Blanc B, Cravello L, Porcu G (1998) Surgical hysteroscopy in treatment of septate uterus systematic treatment or select indication. Bull Acad Med 182: 225161
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