Un but en or La montagne, ça les gagne

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Un but en or La montagne, ça les gagne
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L’ACTU A LA REUNION
Le Quotidien de la Réunion - mardi 27/01/15
Le concours en cinq dates clés
I 14 mars 2012. La Région
officialise son soutien au concours « Fais-nous rêver », lancé pour la première fois à La
Réunion. Créé en 1998 par
l’Agence pour l’éducation par
le sport, ce concours vise « à
soutenir les actions œuvrant
pour la promotion des valeurs liées à l’éducation et
l’insertion par le sport. » Au
total, 47 associations se portent candidates.
I 13 février 2013. Quatre associations réunionnaises sont
reçues à l’Assemblée nationale pour la finale nationale
du concours. La Mission Locale Sud de Saint-Joseph et le
collège Jean Le Toullec du
Port reçoivent le Grand Prix
dans les catégories « éducation par le sport » et « insertion sociale et/ou professionnelle par le sport ». Le club
de natation de l’Asec SaintPaul et le collège Titan du
Port se contentent d’une
belle place de finaliste.
pites d’or. Il faut faire en sorte
qu’elles puissent sécuriser leur
travail, notamment en leur donnant quelques moyens, qui ne
sont pas forcément financiers.
Je rappelle que 50 % des financements des projets tournent autour de 10 000 euros. Un
projet sur deux est porté par des
bénévoles. Il y a besoin d’écoute
et d’accompagnement.
– Votre voix est-elle entendue au niveau politique ?
– L’agence fait des propositions depuis une bonne dizaine
d’années. C’est certainement
l’acteur en France qui produit le
plus de documents, d’actes de
colloques, de guides pratiques...
J’estime qu’à travers ça on
mérite une écoute beaucoup
plus attentive de la situation et
de mettre en œuvre quelques
propositions faites par l’agence.
– Une fois de plus, La Réunion est surreprésentée dans
cette finale nationale. Comment l’expliquez-vous ?
– Il y a une vraie culture
d’éducation par le sport à La
Réunion. Il y a une vraie appétence des acteurs à utiliser le
sport comme outil d’éducation.
Les jeunes sont très réceptifs
à ce média-là. Malgré tout, là
aussi, les villes doivent être
mieux à l’écoute de ce type de
projets, doivent faire évoluer
leur soutien en direction de ces
projets-là, qui méritent une
meilleure audience et un meilleur financement.
Une politique publique, c’est
avant tout être à l’écoute de ses
habitants. Il faut que cela devienne une priorité de soutenir
ces projets.
Le fait que La Réunion soit
AS REDOUTE : LE FOOT COMME TREMPLIN POUR L’EMPLOI
surreprésentée, cela veut dire
qu’il y a de la compétence, de
l’énergie, des acteurs exceptionnels.
Il faut que ces modèles-là se
diffusent très largement. Les
gens comme Guy Leblond (président de l’AS Redoute), ce sont
des sauveurs. Ce sont des gens
qui sauvent des vies, qui accompagnent des destins, qui remettent des jeunes sur les rails.
Ces gens-là ont un rôle capital
dans l’avenir de la jeunesse.
GROS PLAN
Après le jury régional à La Réunion, les quatre associations défendront leur projet à Paris.
I 28 février 2014. 54 associations péi déposent leur candidature pour la deuxième édition du concours régional,
soit une augmentation de
15 % par rapport à la première édition. 28 associations
seront présélectionnées au
Propos recueillis par Vincent
COUET-LANNES
mois de juillet à Saint-Denis.
I 1er décembre 2014. Le concours régional se déroule au
Moca. Sur les 28 associations,
le jury régional distingue 12
lauréats, dont quatre lauréats
nationaux : l’AS du Collège
Deux-Canons, l’AS du collège
Oasis, l’Académie sportive de
la Redoute et l’Alefpa Edmond Albius.
Ceux-ci auront la chance de
défendre leur projet respectif
lors de la finale nationale du
concours, en janvier à Paris.
Les huit lauréats régionaux
sont : Club de gymnastique
saint-andréen, As du collège
Amiral Bouvet, Cirquez Décalé, Grand Air, Mission Locale
Sud, Nout’tout dan’sentié,
Niagara Canoë Kayak Club,
OMS de Saint-Joseph.
I 28 janvier 2015. Les associations réunionnaises distinguées par le jury régional
présenteront leur dossier à
l’assemblée nationale en
compagnie de 32 autres associations françaises. Une petite dizaine de lauréats seront
distingués à cette occasion,
dans trois catégories différentes : sport et éducation
des jeunes, insertion sociale
et/ou professionnelle, vivre
ensemble sur les territoires.
VOTEZ POUR LES ASSOCIATIONS PÉI ! La 14e édition
du Concours « Fais-nous rêver » amorce la dernière
ligne droite. Quatre associations réunionnaises sont en
lice : l’Alefpa Edmond-Albius, le collège Oasis du Port,
l’ACS Redoute et le collège de Deux-Canons. Les
personnes qui souhaitent soutenir ces associations
peuvent le faire via le site educationparlesport.
com/prix-du-public-fais-nous-rever, qui a ouvert hier
les votes pour le Grand Prix du Public. Ils seront
clôturés aujourd’hui à minuit.
COLLÈGE OASIS DU PORT
Un but en or
La montagne, ça les gagne
Créé il y a cinq ans, le club de football de l’AS Redoute accompagne les jeunes
Dionysiens du Bas de la Rivière dans la formation professionnelle.
Créée en 2013, l’activité « randonnée sportive » du collège Oasis fait découvrir aux élèves
de SEGPA les joies des sorties en montagne.
Dans certains quartiers, le football n’est pas qu’un simple loisir.
C’est une échappatoire. Parfois
même la promesse d’un monde
meilleur. Avant de devenir triple
ballon d’Or, Cristiano Ronaldo a
grandi avec un père alcoolique et
un frère toxicomane. L’enfant de
Madère exprime à lui seul cette
rage de vaincre qui anime les
grands joueurs venus des basfonds. Malheureusement, le foot
professionnel est un « paradis »
difficile d’accès. Beaucoup se retrouvent recalés à la porte d’entrée, sans alternative. Rattrapés
par une réalité qu’ils tentaient de
fuir. Comme une fatalité.
A son modeste niveau, Guy
Leblond a décidé de se dresser
contre cet état de fait. Bien sûr, le
football peut être un chemin vers
la réussite. Mais il ne doit pas
être le seul. C’est en partant de
cette idée qu’il a créé il y a cinq
ans l’Académie Sportive de la
Redoute, à Saint-Denis, dans le
quartier dont il est originaire.
« Je suis né à Petite-Ile. Quand je
suis rentré de métropole, j’ai vu
que le quartier avait pris une
connotation difficile, notamment
avec le “ gang du Bas de La
Rivière ”. On a démarré nos
premiers entraînements sur un
terrain en béton, “ le terrain de la
bulle ”.»
« C’est juste magique »
Celui-ci va servir de fondation
à une structure plus large et plus
ambitieuse, tournée vers l’éducation et la formation. Accompagnement scolaire, stages, jobs de
vacances : le club dionysien offre
un nouveau monde des possibles
à une jeunesse en quête de repères. « Il y en a qui ont décou-
La délégation de l’AS Redoute profitera de son passage à Paris
pour visiter d’autres structures qui défendent l’éducation par le
sport.
vert la plage, le cirque, d’autres
qui sont partis en stage en entreprise », sourit Guy Leblond, tout
en précisant que ce projet n’aurait pu aboutir « sans l’aide du
Rotary.»
Une forme de victoire pour un
club dont la survie ne dépend
pas uniquement des subventions
municipales, contrairement à
d’autres. « Ici, la logique veut
qu’il faut avoir une équipe première le plus haut possible pour
avoir le plus d’argent possible.
Nous, on veut se détacher de ça
en allant vers les entreprises. »
On est loin des frasques de la
D1P. L’AS Redoute mène une
gestion responsable et se restreint à six éducateurs et 200
licenciés, par souci d’économie
et d’efficacité. La qualité de la
formation s’en ressent, sur le
terrain et en dehors. Fazli Ali,
l’un des premiers licenciés, symbolise cette politique altruiste et
raisonnée. « C’est l’exemple d’un
académicien tel qu’on l’aimerait.
Il a le potentiel pour jouer en
D1P, mais il est resté chez nous.
C’est un grand frère dans le
quartier », encense Guy Leblond.
Le jeune joueur de 20 ans
accompagnera d’ailleurs à Paris
son président et deux autres éducateurs (Claude Jean-Marice et
Mickaël Gourville) pour défendre
le dossier du club. « C’est une
récompense, c’est juste magique.
On voit que le travail paye »,
sourit-il, avant d’assurer qu’un
prix national « sera considéré
comme un trophée ». Sans aucun
doute le plus beau de tous.
V.C-L
Le Port porte bien son nom.
Où qu’on y soit, on est toujours
proche du niveau de la mer. Ici,
pas de « Hauts ». L’altitude ne
dépasse pas les 100 mètres. On
est littéralement au pied de la
montagne. C’est peut-être pour
cela qu’elle impressionne, plus
que partout ailleurs.
Traileuse confirmée et professeur d’EPS au collège Oasis, Fatima Hibon a décidé, avec l’appui
du principal Patrick Thomas, de
changer le regard de ses élèves
en lançant il y a deux ans une
activité « randonnée sportive »
au sein de l’AS.
Le premier projet a été baptisé
« Du battant des lames au sommet des montagnes ». Il concerne une trentaine d’élèves de
SEGPA (*), qui présentent de
graves difficultés d’apprentissage. « En gros, ils ne dépasseront pas le niveau CM1 », précise
Fatima Hibon.
« Soyez vous-mêmes ! »
L’objectif de cette expédition
est simple : monter au Piton des
Neiges, le sommet de l’île. Un
défi particulièrement relevé
pour des jeunes qui possèdent
une piètre orientation spatiotemporelle. « Quand on parcourt
1 km, ils ont l’impression qu’on
en a fait 10 », argumente Fatima.
Cela ne l’a pas empêché de les
mettre au pied du mur. Au sens
propre du terme. « Pour la première sortie, j’ai choisi le sentier
de la Kalla. C’était super dur.
Quand ils ont vu le Port en
redescendant, ils étaient heureux ! », raconte-t-elle.
Fatima Hibon et ses élèves portois lors d’une sortie au Maïdo.
L’ascension du Piton des
Neiges est programmée en avril
2014. Elle se déroulera sans accroc. En marchant ensemble, les
élèves développent le sens du
collectif. « On prend notre
temps. Souvent, on se met au
niveau sportif du dernier de la
classe. Je dis aux élèves : la
montagne est plus forte que
vous, calmez-vous ! »
Le message de leur professeur
passe d’autant mieux qu’elle est
une athlète reconnue sur les
sentiers péi. « Le fait qu’ils me
connaissent, ça me rend crédible. Ils veulent faire comme
moi et ils commencent à y
prendre goût. Il y a une meilleure assiduité, ça se passe très
bien », se félicite Fatima Hibon.
Du moins, lorsque ses élèves
sont en randonnée. Une fois redescendus de la montagne, certains retombent en effet dans
leurs travers.
« Quand ils sortent du bus, ils
reprennent leur démarche de
petit caïd. Je leur demande pourquoi, ils me répondent “ domoun coné à moin ”. Je leur dit :
“ Soyez vous-même !”»
Pour continuer à inculquer
ces valeurs de respect et de bienêtre, le collège Oasis compte étendre ce projet à deux classes
l’an prochain. Au programme :
un tour de l’île à vélo pour la
classe de 3e et une activité montagne pour la 4e. Rien de tel pour
prendre un peu de hauteur.
V.C-L
(*) Section d’enseignement général et
professionnel adapté.