L`entrée d`un investisseur financier à l`occasion d`un spin
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L`entrée d`un investisseur financier à l`occasion d`un spin
FUSIONS & ACQUISITIONS PAROLES D’EXPERTS L’entrée d’un investisseur financier à l’occasion d’un spin-off de groupe industriel Les spin-offs de groupes industriels par apport de branche en vue de l’entrée d’un investisseur financier soulèvent des problématiques supplémentaires comparé aux opérations de capital-investissement classiques, avec ou sans effet de levier. SUR L’AUTEUR Frédéric Bucher est associé du cabinet STCPartners, spécialisé en fusions & acquisitions, private equity, et family business. Il intervient tant pour des investisseurs en equity que pour les industriels dans les opérations d’investissement. La marque de fabrique du cabinet est de toujours intervenir en binôme pour traiter les aspects juridiques et les aspects fiscaux d’une transaction. Frédéric Bucher, avocat associé L es opérations de capital-investissement /LBO par réalisation d’un spin-off de groupe industriel ne sont pas nouvelles1. Dans les grands groupes, la branche qui a vocation à être séparée de l’arbre pour grandir toute seule peut déjà être indépendante au plan juridique et organisationnel. Dans les groupes de taille intermédiaire, ou dans les grands groupes ou la branche est encore récente parce que, par exemple, très technologique, elle fait partie intégrante d’une division plus large, sous l’égide d’une seule entité juridique. Se pose alors évidemment la question du détourage de la branche d’activité qui doit être apportée à une nouvelle entité, dans laquelle investira l’investisseur, pour en prendre le contrôle ou non, avec effet de levier ou non. L’objet des présents développements n’est pas de revenir sur les opérations de détourage qui sont maintenant balisées2 mais de revenir sur quelques points saillants de ces opérations. Garantie de passif et traité d’apport Le premier point réside dans l’articulation entre la garantie de passif et le traité d’apport. L’industriel cédant a beau jeu de vouloir réduire son exposition au titre de la garantie de passif au motif qu’en qualité d’apporteur, il fait déjà un certain nombre de déclarations dans le traité d’apport au bénéfice de la société bénéficiaire, et qu’il est donc doublement exposé à indemniser, d’abord au titre du traité et ensuite au titre de la garantie, le plus souvent consentie au nouvel actionnaire de la nouvelle entité, alors que le traité bénéficie à celle-ci. gime des fusions, elle accepte de reprendre les passifs en plus des actifs. De même, l’abus de pouvoirs voire l’abus de biens ne sont pas à ignorer, pour ceux qui auront à signer le traité d’apport pour le compte de la société bénéficiaire, d’autant plus s’ils sont mandataires sociaux ou gestionnaires du nouvel investisseur financier. Un créancier pourrait y penser en cas de déconfiture de la société bénéficiaire du projet dans les mois qui suivent. Comme il n’est pas d’usage qu’un traité d’apport se substitue à un mécanisme complet de déclarations et garanties que sont les garanties de passif, l’intérêt de l’investisseur en equity est au contraire de réduire au maximum les déclarations de droit commun du traité, faites au profit de la société bénéficiaire des apports, au profit de sa propre garantie de passif. L’investisseur peut-il pour autant réduire à néant les déclarations et donc les garanties dont bénéficie la société bénéficiaire des apports ? L’intérêt social de celle-ci nécessite assurément qu’elle bénéficie d’un minimum de garanties puisque par définition, dans un apport partiel d’actif soumis au ré- Si l’intérêt de l’investisseur financier est de limiter au maximum la garantie dont bénéficie la nouvelle société au titre du traité d’apport, surtout lorsque l’industriel y reste comme actionnaire minoritaire, il est donc recommandé de ne pas exclure tout droit à indemnisation de celle-ci et de prévoir que l’industriel n’aura pas à indemniser deux fois, une fois au titre du traité d’apport et une fois au titre de la garantie de passif contractuelle. Il est alors utile de préciser que toute indemnité versée à la société au titre du traité d’apport vient en déduction de toutes les sommes qui pourraient être dues au titre de la garantie contractuelle. 206 COLLECTION GUIDE-ANNUAIRE 2015 I DÉCIDEURS : STRATÉGIE FINANCE DROIT Par Frédéric Bucher, avocat associé. STCPartners LES POINTS CLÉS Comme il convient de favoriser le mécanisme contractuel de la garantie de passif, il convient de limiter les garanties du traité d’apport et d’écarter bien sûr une double indemnisation. Il est essentiel de s’assurer qu’une répartition précise entre les biens du cédant et ceux affectés principalement à la branche apportée soit faite pour limiter en pratique les discussions post-closing. Cela oblige à faire l’exercice avant. Par ailleurs, la garantie consentie à l’investisseur entrant ne doit pas seulement porter sur la branche apportée mais également sur la bonne fin de la réalisation des opérations d’apport (transfert des contrats, des actifs, des créances, mais aussi validité des opérations d’augmentation de capital). De façon plus générale, on peut ainsi dire que la garantie de passif doit avoir une double portée : les déclarations qualitatives de toute garantie, auxquelles il faut ajouter celles relatives à la parfaite réalisation de l’apport. Ainsi, si des engagements, subventions ou dotations d’organismes existent, il faut non seulement s’assurer de leurs conditions éventuelles d’obtention/ remboursement mais en outre s’assurer qu’ils se retrouvent bien dans le patrimoine de la société bénéficiaire. De même, si la branche détient des créances sur le Trésor (CICE et CIR), il faut faire garantir qu’elles sont bien transmises et pourront être utilisées par la société bénéficiaire. Périmètre de la branche apportée et états financiers Les comptes financiers sur lesquels la garantie de passif est assise sont une autre source de discussions. Par définition, faute d’entité juridique préexistante, il n’existe pas d’historique de comptes et encore moins d’historique de certification par les commissaires aux comptes. L’acquéreur doit prendre bien soin de repasser derrière l’industriel pour s’assurer que la comptabilité analytique qui sert de base à la mise en « stand alone » est appropriée et pertinente. Une grande attention doit être apportée à la clé de répartition des coûts et charges des services centraux et communs. Dans ce contexte, la méthode paraît aussi importante que le résultat. Concomitamment à la réalisation de l’opération, l’industriel continue le plus souvent à fournir des prestations de services ou autres à la nouvelle société. Il est alors important de bien négocier les « bons prix de transfert » Garantie de passif Industriel Investisseur Private equity de ces services et surtout leur adéquation aux besoins. La garantie de passif doit elle-même renvoyer aux termes du traité d’apport pour s’assurer que tous les biens affectés principalement à la branche apportée sont d’abord bien identifiés et ensuite dûment transférés. Bien sûr, par l’effet du transfert universel de la branche d’activité résultant de la combinaison des articles L. 23322 et L.236-3 du Code de commerce, tous les biens affectés à la branche sont réputés être apportés. Mais il vaut mieux, en cas de difficulté, clore le débat en renvoyant à une liste exhaustive des biens transférés plutôt que de devoir plaider que tel ou tel brevet ou machine était en réalité affecté à la branche d’activité. Lorsqu’il existe un doute sur le caractère autonome et complet de la branche d’activité apportée, les parties souhaiteront recourir à un agrément fiscal sur la bonne application des articles 210A, 210B et 816 du CGI. D’où la tentation parfois d’enjoliver le traité d’apport pour faire apparaître la branche comme parfaitement autonome alors que ce n’est pas forcément le cas et que tous les contrats annexes du closing sont là pour montrer que la nouvelle entité a encore besoin pour un temps des services de son groupe d’origine. APA Y% X% 1 NEWCO Notamment lorsque la cession d’activités est rendue nécessaire par suite d’une décision des autorités de concurrence. Voir par exemple « les points clés d’un détourage » par Errick Uzzan, Option Finance n° 1307 du 2 mars 2015. 2 COLLECTION GUIDE-ANNUAIRE 2015 I DÉCIDEURS : STRATÉGIE FINANCE DROIT 207