Actes du 3eme colloque Amazigh
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Actes du 3eme colloque Amazigh
[1] UNIVERSITE AKLI MOHAND OULHADJ – BOUIRA Faculté des lettres et des langues Département de langue et culture amazighes ayezdu n tutlayt d yedles n tmaziùΨt Actes du 3eme Colloque international sur « L a P r o b lé m a t iq u e d e s g e n r e s littéraires amazighes : Définitions, dénominations et classifications » Organisé les 04 et 05 Novembre 2014 Sous la direction du Professeur Mohamed DJELLAOUI 2014 [2] Page vierge [3] Sommaire 07 Introduction …………………………………….………….. Histoire, genres et littérature amazighe …………………………. 11 Pr. BANHAKEIA Hassan Université Mohamed Premier Oujda, Maroc Les genres littéraires Amazighes : Interaction entre oralité et écriture………………………….………………………. Pr. ANDAM Lhassane 35 Université Ibn Zohr, Agadir, Maroc Les devinettes Kabyles, un patrimoine littéraire oral en déperdition………………………….…………………………. 56 TABTI Rabah Université M. Mammeri de Tizi-Ouzou La poésie orale au Rif : les spécificités esthétiques Pour une définition du sous-genre poétique…………………………. 80 Dr. ZIZAOUI Abdelmottaleb Université Ibn Zohr, Agadir – Maroc TIMΣAYIN : Fabliaux, Sentences, Fablettes…………………………. 96 Dr. IMARAZENE Moussa Université M. Mammeri de Tizi-Ouzou Mohia et le renouvellement des genres littéraires amazighs………………………………….…………………………. HACID Farida Université M. Mammeri de Tizi-Ouzou Tullist kabyle : réflexions préliminaires sur le corpus……… 103 1113 Dr. SALHI Md Akli et Dr. Amar AMZIANE Université Mouloud MAMMERI. Tizi-Ouzou D’un genre expressif spécifique : les expressions idiomatiques…………………………….…………………………. GUERCHOUH Lydia 120 Université Mouloud MAMMERI. Tizi-Ouzou La notion du genre littéraire poétique oral (Paramètres de classification) ………………………….…………………………. FOURALI Yasmina Université Akli Mohand Oulhadj – Bouira [4] 132 La poésie historico-légendaire: de l’intergénéricité à la confusion terminologique………………..…………….…..…… Pr. EL ADAK Mustapha 147 Université Mohammed 1er Oujda, Maroc Quelques contributions à l’étude du genre hagiographique….. Dr. BALLA Sadek Universiré A. MIRA de Béjaîa Ahwach (aḥwaš) dans tous ces genres…………………….. 162 174 Dr. KADDOURI Abdelhafid Université Mohammed 1er Oujda. Maroc Asehrurey (berceuse): un genre poétique aux frontières floues…………………………..……….…………………………. Dr. BEN-ABBAS Mostafa 184 Université Mohammed Premier, Nador – Maroc Tawsit n ukacef deg unnar n tsekla d tesnalmudt………. AIT ABBAS Linda et KHERBOUCHE Hassiba 205 Universiré A. MIRA de Béjaîa. Tiwsatin n tmedyazt tamensayt di tira yinagmayen : Amgired deg usbaddu, asemi d uûennef ……………………. Pr. DJELLAOUI Mohamed 213 Université Akli Mohand Oulhadj – Bouira La structure canonique du genre poétique ahellel………… Mustapha AOUINE 222 Université de Fes – Maroc Redéfinition et caractérisation d’Ahellel, à travers une lecture de Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille, de Miloud Taifi………………………….……………… LAHMIL Imane 241 Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Saïs-Fès – Maroc De la problématique générique dans l’œuvre de Belaid At Ali………………………….…………………………….. BELLAL Hakima 252 Université Mouloud MAMMERI. Tizi-Ouzou. Les principaux genres littéraires amazighs, Comparaison interdialectale : kabyle/chaoui………………………………… Dr. GUEDJIBA Abdenacer 262 Université Abbas LAGHROUR Khenchela Fusion des genres littéraires dans la poésie rifaine : …… cas d’Imeţţawen n tamja d’Abdellah El Manchouri Omar El YAHYAOUI Université Mohamed 1er, Oujda - Maroc [5] 277 • Président d’honneur du colloque : • Professeur. BADDARI Kamel, Recteur de l’université de Bouira • Président du colloque : • Professeur. DJELLAOUI Mohamed • L’organe consultatif : • DR. TAHRAOUI BOUALAM • DR. MELLOUK RABAH • DAHMOUNE Kahina • Comité chargé de l’organisation : Le Président du comité : M. Kacimi Zidine Les membres : Idir Massinissa Lounissi Salim Rabdi Kania Berdous Nadia Laoufi Amar Boudraa Habiba Chebieb Nabil Idrici Nabila Fourali Yasmina Bellal Nourddine Gaci Zahra Boudia Abderrezak Douik Razika Medjadi Djedjiga • Comité scientifique : Pr. NACIB Youcef, université d’Alger. Pr. BOURAYOU Abdelhamid, université d’Alger. Pr. AMAROUCHE Mhand , univertsité de Bouira. Pr. BANHAKEIA Hassan, université de Oujda, Maroc Pr. HADADOU Mohand Akli, université de Tizi-Ouzou. Pr. TIGZIRI Noura, université de Tizi-Ouzou. Pr. NAIT-ZERRAD Kamal, Inalco, Paris. Pr. BOUAMARA Kamel, université de Béjaia. Pr. EL ADAK Mustapha, université de Oujda, Maroc Pr. NABTI Amar, université de Tizi-Ouzou. Pr. DJELLAOUI Mohamed, université de Bouira. [6] Dr. EL KHATIR Aboulkacem-Afulay, IRCAM, Maroc Dr. AMEZIANE Amar, Inalco, Paris, France. Dr. JARMOUNI Hachem, Université de Fès, Maroc. Dr. SAAA Fouad, Université de Fès, Maroc. Dr. BEN-ABBAS Mostafa, Université Oujda, Maroc. Dr. GUEDJIBA Abdenacer, Université de Khenchela. Dr SALHI Mohand Akli, université de Tizi-Ouzou. Dr. IMARAZENE Moussa, université de Tizi-Ouzou. Dr. MEKSEM Zahir, université de Béjaia. Dr. MEHRAZI Mohand, université de Béjaia. [7] Introduction : L’oralité, une des spécificités de la littérature amazighe, est un paramètre déterminant dans la « typologisation » de cette dernière. C’est, d’autant plus, un facteur prépondérant qui permet de mieux comprendre et de cerner la notion du «genre» littéraire amazighe. Les recherches qui se sont penchées sur l’étude des «genres » littéraires amazighes sont rares et souvent partielles et ne traitent pas tous les «genres », comme elles ne s’étendent pas à toutes les variétés amazighes. Par conséquent, il est très important de mener plus de recherches et d’enquêtes de terrain. A ce problème s’ajoute les ambiguïtés de la nomenclature adoptée et qui ne peut satisfaire les caractéristiques de chaque «genre ». La définition d’un « genre » littéraire donné doit tenir compte de plusieurs variables endogènes et exogènes : il s’agit du rythme, de la mélodie, de la longueur, des personnages, des facteurs spatiotemporels et des procédés d’exécution. Enfin le recours à la définition que proposent les aèdes est incontournable pour une classification plus originelle et authentique. Si la littérature amazighe partage avec celles des autres communautés certains points communs l’inscrivant dans l’universalité, elle a aussi ses spécificités singulières qui la distinguent et qui marquent son originalité. Afin de mieux cerner cette problématique des « genres » en tamazight, il faudrait, probablement, avoir à l’œil un fait qui nous semble fondamental : la culture amazighe est essentiellement orale et sa transmission s’est faite par ce canal durant des millénaires. Par conséquent, Il ne s’agit pas, ici, d’intégrer les genres littéraires amazighes dans des moules préétablis, mais plutôt de procéder à des comparaisons qui permettront de dégager leurs spécificités et les éléments de convergence avec les genres d’autres littératures. Cependant, il faut prendre en considération la variation dialectale et régionale car les dénominations autochtones sont nombreuses et diversifiées selon les genres mais aussi les régions. [8] C’est à ce genre de rencontres scientifiques de déterminer le système littéraire amazigh et ses genres. Quoi qu’il en soit, il n’existe aucune description systématique des genres littéraires dans une variété linguistique donnée. Il semble plus judicieux d’ancrer cette description dans chacune des aires dialectales amazighophones avant d’entreprendre une quelconque généralisation à tout le domaine amazigh. Cette suggestion nous incite à réfléchir à une éventuelle classification ou (re)classification des genres littéraires existants dans le domaine amazigh ou bien une redéfinition totale ou partielle de la nomenclature générique de la (les) littérature(s) berbère(s). Toutefois, le rôle de la critique et de la recherche universitaire dans le domaine amazigh est primordial dans la définition et la classification des genres narratifs et poétiques amazighes. En fin, je tiens à adresser mes vifs remerciements à l’ensemble des collègues enseignants et chercheurs, venus de différentes universités nationales et étrangères, pour leurs contributions fructueuses durant les deux journées de cette manifestation scientifique. Leurs interventions, qui étaient d’un grand apport scientifique, ont contribuées efficacement à apporter des réponses aux questionnements posés dans le champ de la littérature amazighe, notamment la problématique de la classification, de la dénomination et de la définition des genres littéraires. Par cette même occasion je tiens à exprimer ma reconnaissance aux membres des comités scientifique et d’organisation pour les efforts fournis afin de réussir cette rencontre scientifique. Président du colloque Professeur Mohamed DJELLAOUI [9] Tazwart : Timmawit d yiwet seg tulmisin tigejdanin iùef treûûa tsekla tamaziùt, am wakken i d-tella daùen d aferdis yesεan azal deg unnar n uûennef d usemmi n tewsatin-is. Inadiyen usnanen d tezrawin tisdawanin yerzan tiwsatin n tsekla tamaziùt drus i yellan, ayen akka yellan annar-nsent ur wessiε ara, ttawint-d kan ùef kra n tewsatin di kra n temnavin. Yessefk ad yiwsiε wennar-agi n yinadiyen d tezrawin, alamma yelêeq merra timnavin timazùanin d tentaliyin-nsent yemgaraden. Annect-a dayen ara iεiwnen deg ubeggen n tulmisin timuta yeεnan yal tawsit. Tabaddut n « tewsit » di yal tasekla yessefk ad tettwabnu ùef waîas n yiferdisen iùef tettewreûûa talùa akked ugbur n yal avris d tegnatin n usnulfu-ines am : ccna d uéawan, teùzi d tewzel, iwudam d yimsiwal, akkud d wadeg, tignatin n usevru d tawilat n uûiwev. Tuùalin ùer tbaddutin n tewsit i d aù-d-ooan imenza yessefk ad dtili. Imi ùas ma yella tasekla n tmaziùt tcuba tasekla tagraùlant deg waîas n tulmisin, ad tt-naf, si tama nniven, txulef-itt di tuget n yiferdisen nniven, ayen i d as-yefkan tafridit akked tnaûlit i swayed tettwemgired . Iwakken ad d-nbeggen akken iwata tamukrist-agi n « tewsit » deg unnar n tmaziùt, yessefk ad d-nerr di lbal yiwet n temsalt s wazal-is : Idles amaziù di lsas-is d idles imawi, izeggr-d leqrun, tasuta tettak-it-id i tayev s webrid-agi n timawit,ùef aya ur ilaq ara ad nger tiwsatin n tsekla tamaziùt di leqwaleb iwejden i dttakent tsekliwin n yigduden nniven. Tizrawin yessefk ad awint abrid n ukenni d userwes iwakken ad ûûiwvent ad d-beggnent tulmisin tiêeqqaniyin iùef tettwabna tewsit tamaziùt d wayen i ttyessemgirden ùef tewsatin nniven di tsekliwin tigraùlaniyin. [10] $er tama n waya, yessefk ad d-nerr di lbal daùen ayen i dttakent tentalyin n tmaziùt s umgired-nsent si temnavî ùer tayev d tibaddutin d usemmi i yal tawsit seg tewsatin n tsekla taqburt. S temliliyin tusnanin yecban tigi i nezmer ad d-nesùim lsas iûeêan i nvan n tsekla tamaziùt d tewsatin-is. Imi ar tizi n wass-a mazal ur d-ilul ara nvam-agi ula deg yiwet n tentalit. Ihi ûwab d anadi ùef nvam-agi n tewsatin di yal tantalit, weqbel ad d-yili wawal ùef tewsatin-agi deg unnar n tmaziùt s umata. Awelleh-agi yessutur-d seg-nneù aεiwed n tmuùli deg wayen yellan d asismel d usbaddu d usemmi n tewsatin deg unnar n tmaziùt, iwakken ad neûiwev di tagara ùer yiwen n nvam amatwan n tsekla tamaziùt d tewsatin-is. $ef aya i ilaq ad yiohid wennar n usenqed aseklan d unadi asdawan deg unnar n tmaziùt, iwakken ad neûûiwev deg yiamal uqrib ùer ubeggen n nvam amatwan n tsekla tamaziùt d wayen i dicudden ùer-s n tsismilin d tbaddutin d usemmi n tewsatin-is di tesrit neù di tmedyazt. Di tagara, bùiù ad snemmreù s waîas iselmaden d yinagmayen i d aù-d-yusan si tsedawiyin tizzayriyin d tbaraniyin, ùef yisarayen i d-fkan ùef teùzi n sin wussan n temlilit-agi tagraùlant tis tlata. Isarayen-nsen reûan ùef waîas n tmusniwin d tikta tilqayanin, wwin-d tiririyin ùef tuget n yisteqsiyen i d-ibanen deg urti aseklan amaziù, aladùa ayen yerzan tamukrist n usismel d usbaddu d usemi n tewsatin n tsekla tamaziùt. Am wakken ad farûeù tagnit-agi iwakken ad d-iniù daùen gedha i yiεeggalen n tesqamut tusnant d tin n uheggi d usewjed n temlilit, s lmejhud-nsen i tessawev temlilit-agi tagraùlant iswi-s. Aselway n temlilit Prufisur Muhemed OELLAWI [11] Histoire, genres et littérature amazighe ---------------------Hassan BANHAKEIA F.P. de Nador – Université Med I - Maroc Ici maintenant, sans doute ne pouvons-nous que saluer, avec un plaisir raisonné, l’organisation de cette activité autour du sujet : « littérature amazighe et genres littéraires ».1 C’est une occasion pour déblayer le sujet de faux calculs, de malentendus, de préjugés et d’études purement théoriques et générales calquées sur le fait littéraire amazigh. Si l’on s’amusait à avancer des statistiques (souvent peu fiables) du nombre des parlants amazighs, il faudrait également donner des chiffres à propos de la production, la réception des fictions et des recueils publiés, l’expansion et la distribution de cette littérature en Afrique du Nord. Le constat sera, en effet, le même : le fait littéraire est extrêmement minoritaire. Nous allons analyser cette littérature écrite (fiction, poésie) depuis la fin du XXe siècle jusqu’au début du XXIe siècle, 2 sans oublier de la confronter à la tradition orale et aux Anciens grecs et latins – en tant que profondeur historique.3 Il y a parfois, l’on nous dira, des auteurs de notre corpus « moderne » qui publient une seule œuvre, en vendent une dizaine d’exemplaires et cessent non seulement 1 D’autres colloques ont eu lieu au Maroc sur la littérature amazighe. Citons quelques-uns : -La Littérature amazighe, oralité et écriture, spécificités et perspectives, Actes du Colloque international, Rabat, Pub. Ircam, 2004 ; -Les types poétiques amazighes traditionnels, Actes du Séminaire organisé par le CEAELPA les 30 septembre et 01 octobre 2004, Rabat, Publications de l’IRCAM,2009 ; -Le brassage de la culture amazighe et de la culture arabe, Acte du colloque du 5ème festival de la culture amazighe de Fès, M. Ennaji (Dir), Imprimerie Imagerie, PubFès, 2009. 2 Voir en annexe les œuvres marocaines d’expression amazighe, corpus de notre étude. 3 J. A. Cuddon, Dictionary of literary terms and literary theory, Penguin Books, 1991 « Tradition (...) denotes the inherited past which is available for the writer to study and learn from. Thus, the writer’s native language, literary forms, codes, devices, conventions and various cultures from the past. (...) And every writer begins with some sort of tradition behind him (even if only that provided by his language) and every writer in some way modifies or influences that tradition, even when being imitative. » (p.982) [12] d’écrire en amazigh, mais surtout de croire en l’amazighité. (cf. l’annexe en fin de l’étude) Dans l’esprit de déconstruire cette culture millénaire, il y aura sûrement, dans ce colloque, l’examen des « vieux » termes littéraires (chant, izli, conte, ahwach, ahellil, proverbe...) issus plus de la tradition orale que de la tradition écrite, un répertoire vaste et discontinue (dans le temps et l’espace), mais qu’est-il des définitions locales, nationales et transnationales de toutes ces productions publiées et mises en circulation parfois dans les manuels scolaires et dans les cours universitaires ? C’est en réaction à cette question que nous allons avancer des hypothèses et des lectures plus ou moins objectives. I – Des précisions critiques Pour nous, la littérature amazighe a toujours existé au-delà de l’unique critère de l’expression. Elle est également tributaire de la tradition orale, malgré ces déterminations factices,1 à savoir la langue écrite, la documentation et les genres d’une part, en dépit des trois autres critères (thématique, lieu de production et biographique) de l’autre.2 Ces conditions contraignantes, notons-le, sont le résultat de la difficile communication spatio-politique à travers l’histoire entre les parties de l’Afrique du Nord –handicap pour l’expansion d’une littérature homogène. Etroitement liée à l’Amazigh (espace/homme), la littérature échappe naturellement aux classifications3, surtout si ces jalons proviennent d’une ethnie/culture étrangère. Vu les aléas de l’histoire, elle est la matérialisation d’un imaginaire qui se construit dans diverses expressions – propres ou implantées. Depuis les premiers philosophes, les concepts (littérature, tradition et genres) posent problème à tout chercheur en face d’un 1 Abdellah Bounfour, « Littérature berbère traditionnelle », in Encyclopédie berbère, n° L, pp.4429-4435, Peeters Publishers, Paris-Louvain, 2008 2 Daniella Merolla, « Peut-on parler d’un espace littéraire kabyle », in Etudes et Documents berbères, p.5-25, n°13, 1995. 3 Jean-Marie Seillan, « L’introduction générale », in J.-M. Seillan, (sous la direction de), Les genres littéraires émergents, L’Harmattan, 2005 « C’est de sa capacité à s’inscrire ou non dans un genre, prédéfini et reconnaissable que dépend largement le degré de lisibilité et d’intelligibilité d’une œuvre nouvelle, le genre servant à établir dans la mémoire et l’institution culturelle, fût-ce provisoirement, des filiations et des classifications. » (p.8) [13] corpus. Tout d’abord, faut-il les rattacher aux philosophies occidentales et orientales qui traitent du fait littéraire ou bien les rattacher tout simplement à la pensée, notamment à la philosophie de l’école de Cyrène qui met au premier plan le plaisir (le goût) aux dépens de la raison ? Ensuite, en l’absence d’un cadre critique qui se fait a posteriori par une réception positive des œuvres, que faut-il présenter et préserver de cet héritage écrit ? Dans l’exemple du Maroc, juste une centaine de fictions (courtes, peu connues, non normalisées) constituent la littérature amazighophone, comment est-il possible de théoriser facilement sur le fait littéraire ? Enfin, faut-il se servir des approches existantes avec la condition de ne pas « exagérer » et de ne pas tomber dans l’explicitation des outils critiques et d’analyser objectivement le corpus ? Toutes ces questions nous mènent à décrire méticuleusement les éléments de cette littérature ni orientale ni occidentale, transposant l’identité nord-africaine (ou sudméditerranéenne). 1.-Tradition « rapiécée » : un tapis vaste et discontinue La tradition amazighe est le fondement de la civilisation nordafricaine. Elle est le fonds culturel des régions et des pays, au-delà de toute définition réductrice par l’expression. Elle englobe les interprétations de l’homme, du monde, de l’histoire, des croyances des lois, des coutumes, des systèmes de gestion familiale et des modèles de l’art. C’est pourquoi, étudier la tradition amazighe est à la fois un acte d’introspection, mais aussi de prospection de l’altérité qui se confond parfois avec d’autres Moi (parlers, rites et coutumes des autres tribus) à travers l’histoire. Ainsi, décrire, préciser et nommer les formes de cette tradition, s’étendant sur un vaste territoire, présupposent-ils une approximation de l’ethnie en question. 2.- Histoire littéraire discontinue Le concept « histoire de la littérature » est généralement complexe, et de surcroît insoluble dans le cas de « la littérature amazighe » écrite et moderne. Il signifie : -histoire matérielle de la littérature ; -histoire des lettres et des documents ; -histoire de la culture collective. [14] A ce moment, la genèse d’une littérature X est basée sur les manuscrits anciens, mais dans notre corpus il s’agit d’œuvres transcrites dans une écriture plus ou moins « normalisée », selon la voix propre de l’auteur. Cette littérature écrite s’impose comme une question de négation. Sans sources matérielles anciennes (de musée), il est aberrant de revendiquer sa légitimité historique. Que faire des Anciens (Térence, Apulée, Fronton) si ce n’est pour se demander à propos de la filiation, pour se réapproprier une place dans l’histoire littéraire et pour déterminer l’imaginaire africain ? Force est de constater que l’histoire littéraire et la tradition vont ensemble. L’évolution dépend ostensiblement des différents événements connus par l’ethnie. Bien que l’histoire de la littérature propose des courants et des écoles selon une vision d’évolution des genres littéraires et des goûts afin d’expliquer ces renouvellements, la progression (ou la continuité) se fait par des ruptures « assumées » inconsciemment par les Imazighen qui se reconnaissent souvent dans le local, et à un moindre degré dans le transnational « commun ». La littérature moderne existe sur des supports physiques (papier, internet). Les recueils poétiques ne sont plus des « izlan » et des contes, mais des œuvres qui ont changé de formes (variations) et de thèmes à travers les temps (adaptation, réécriture). Et l’idée de l’évolution (de l’oral à l’écrit) se pose à son tour comme une autre négation si l’histoire littéraire est ignorée. Tout comme la littérature avance, les genres littéraires évoluent sous forme d’une histoire de formes et de thèmes spécifiques à la communauté. Ces deux évolutions ne constituent, en fait, qu’une seule – incarnant un aspect de la pensée « physique et continue » des Imazighen. En ce qui concerne l’origine des genres, elle demeure néanmoins difficile à préciser sur le plan historique. Voilà les défis lancés aux critiques. Les izlan ont, par exemple, une origine obscure, lointaine et reformulée à travers les générations, mais il serait intéressant d’aller au-delà de la description formelle, de la traduction et de l’explication linéaire des distiques. Les recueils modernes reprennent une telle forme d’écriture propre. Izlan izlan édité par Rachida Marraki en est un bon exemple. Le recueil participe amplement à sauvegarder la mémoire poétique. Car les « izlan » sont avant tout une forme de pensée « ethnique », et les déstructurer apporte quelque chose de cette profondeur civilisationnelle. Pour ce qui du conte, nous avons plusieurs corpus édités, sur la tradition [15] rifaine il y a un intéressant travail fait par Mohamed El Ayoubi intitulé Les merveilles du Rif : contes berbères narrés par Fatima n’Mubehrur. 1 Le contage et les contenus proviennent d’une vision autochtone bien structurée. 3.- Les genres littéraires « d’engagement » collectif S’attarder sur les distinctions entre les genres est une tâche ancienne, entamée depuis Aristote. Néanmoins, si les genres sont des critères universels, ils ont des acceptions différentes. Cette différence fait leur identité. Toujours est-il que réfléchir sur les genres suppose l’existence des mouvements, des écoles, des mouvances et des modes dans une tradition. Si les genres offrent d’une part aux écrivains des règles, des moules et des espaces de création clairs et définis, et de l’autre, aux lecteurs des moments de partage et de communication avec l’œuvre (horizons d’attente), les manifestes d’art paraissent utiles pour organiser et renforcer la mode. Ils font alors la destinée d’une littérature. Qu’est-il en fait de ces « manifestes d’art » et de ces essais « critiques » vis-à-vis du roman, de la poésie et du théâtre qui vont faire école en Afrique du Nord ? L’idée de l’engagement « réaliste » prédomine dans les représentations, les fictions et les poèmes. Il est temps d’en esquisser quelques-uns qui vont apporter le salut et l’à venir. L’homme, la langue, la terre et l’histoire sont des objets du débat « artistique ». Que disent les critiques des romans de Mohamed Bouzaggou ou bien des pièces de Muhand U Yehya ? Les publications d’art n’ont pas alors d’ « accompagnement » critique qui préciserait la langue, la création, les genres, la littérature en un mot. A ce moment, la réflexion et l’identification sont des tâches urgentes à faire dans le corpus amazigh (amazighophone) afin de préciser les contours et les bases de cette production. La littérature demeure, certes, une vision du monde traduite dans une expression, peut-être propre, peut-être étrangère, mais elle a besoin de « formalisme » critique. Le militantisme envers la langue s’avère le choix d’un idiome « épuré » des emprunts et renforcé par les néologismes. En général, cette littérature nord-africaine à double expression (propre et allogène) se forge comme une opposition au discours politique, en l’occurrence un discours de négation et de contestation. 1 M. Th Houtsma Stichting, Utrecht, 2000 [16] Si la littérature recherche l’autonomie et le droit aussi bien à la parole qu’à la transformation de la société, l’écrivain devient, par sa création, son ethos, sa pensée et son goût singulier comme l’artisan de cette autonomisation, en quête d’un affranchissement éternel, depuis le premier Affranchi Térence. Par ailleurs, il y a bien, faut-il le rappeler, d’autres écrivains qui ne font rien pour produire un discours indépendant, impliqués directement ou indirectement avec l’Etat. L’écrivain amazigh se situe généralement hors pouvoir. Il se confronte à la dictature du pouvoir. A l’encontre de la littérature officielle qui renforce la propagande de l’Etat, les œuvres amazighes vont remettre en question les actions du pouvoir en soulevant les injustices historiques – à commencer par la marginalisation de l’amazighité. Elles veillent à la justice et à la démocratie plus que n’importe quelle autre littérature en place, car cette tradition minorée fait partie de l’histoire, elle est, elle même, histoire. Parmi ces œuvres, aucune de ces 100 œuvres ne s’insère complètement dans l’idéologie de l’establishment marocain. Par extension logique, du fait que les mêmes conditions politicoéconomiques (répression, pauvreté), le schéma pourrait s’étendre à l’Algérie et à la Libye… II - La littérature amazighe en questions La littérature amazighe est, en soi, une interrogation complexe. Elle s’attache à la tradition orale, tout en revendiquant une origine lointaine. Elle se recherche dans les expressions allogènes, tout en continuant à se revendique amazighité écrite en amazigh. Au niveau de la critique, faut-il imiter Gérard Genette pour détailler l’histoire de la constitution des genres dans la dite tradition ? Ou bien se fier aux thèses de Taha Husein pour développer les mêmes propos ? Si le critique opère une explication de la tradition à partir d’une vision étrangère, le calque sur l’amazighité serait une étude aussi déplacée qu’erronée. Un travail sur l’histoire de la littérature est néanmoins urgent afin de déterminer les origines, l’évolution, les contenus, les formes et la réception, mais loin de toute dépendance symbolique qui n’a jamais cessé d’habiter le corps amazigh, pardon son esprit. [17] 1.- Questions autour d’une bibliothèque dispersée Si l’on fait fi des Ancêtres (latins et grecs), et en l’absence d’une histoire écrite de cette littérature, que sera-t-il alors de la diachronie de la pensée des Imazighen qui renie pour le comble la réappropriation de la tradition ? Si l’écrivain malien Amadou Hampäté Bâ a dit de la littérature africaine orale : « Chaque vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle », ce sera dans le cas de la tradition nord-africaine : « chaque auteur (vivant ou ancien) que nous ignorons, est un maillon que nous perdons de notre histoire commune ». Leurs œuvres constituent la Mémoire – manifestations indistinctement individuelles et ethniques. Indéfinie, l’histoire de la littérature amazighe se résume à une pléthore de questions, à répartir autour de différents axes. -L’identité de la littérature : *Quels sont ses traits définitoires ? *Comment se fait la reconnaissance d’un genre ? *Quels sont ses signes d’autonomie et de différence ? *Pourquoi la prédilection de la création poétique ? *Pourquoi la rareté des romans ? -Ses origines : *Quelles sont les causes de l’émergence de cette tradition ? *Qui sont les Anciens pour les écrivains amazighs ? *Qu’est-il de la filiation et des influences entre eux ? *Quelles écoles ? Quels mouvements ? -Sa thématique : *Quels en sont les thèmes spécifiques ? *Pourquoi les écrivains amazighs s’accrochent-ils au militantisme ? Quelle conséquence a-t-il sur les œuvres d’art ? -Son évolution : *Quelles sont les œuvres fondatrices de la littérature amazighe ? *Combien de générations compte-t-on dans son évolution ? *Comment se fait le début d’un jeune écrivain dans la création ? -Sa réception : *Qui lit les œuvres amazighes ? Quelle est la part d’audience et de réception positive dans les pays de Tamazgha ? A l’étranger ? *Sur quels supports survivent les œuvres ? *Où les [18] publie-t-on ? *Qui les soutient ? *Peut-on étudier une œuvre moderne hors de sa corrélation avec le système général de la littérature amazighe ? Enfin, pourquoi l’écrivain amazigh ne persiste-t-il pas à écrire au-delà de la première publication ? La lecture du corpus est nécessaire, et un travail critique avec des mécanismes propres et objectifs s’avère surtout une nécessité académique. La réponse aux questions doit être inspirée de la tradition nord-africaine, déstructurée par les mécanismes de réflexion et les règles autochtones. Bref, cette histoire se fera par la réaction intellectuelle à toutes ces questions, mais surtout par la seule déconstruction de l’amazighité. 2.- Littérature mi-orale, mi-écrite A l’instar de la littérature orale créée dans l’anonymat, la littérature écrite respecte souvent les règles de la communauté où elle évolue. En revanche, l’écrivain est « entravé » dans son expression : l’authorship apparaît vague. Il se trouve indécis dans ses prises de position / commentaires / digressions / mises en abyme, voire dans la transcription « écrite » des mots... De ce fait, il y a bien des auteurs qui écrivent pêle-mêle les langues vulgaire et « littéraire », d’où la nécessité d’une révision académique. Dans la tradition orale, le même produit est revendiqué par plusieurs auteurs du fait qu’il est réalisé par la communauté à travers le temps. 1 L’on parle alors de l’énonciateur (littérature orale), mais dans la littérature écrite, il s’agit d’un producteur qui s’attarde souvent sur les détails ethniques et autobiographiques ou bien sur des commentaires purement idéologiques. Les récits de Said Belgharbi en sont une bonne illustration de ces récits subjectifs – se confondant longuement avec un discours directement contestataire. 1 Ursula Baumgardt, « Variabilité, transmission, création », p.77-104, in Ursula Baumgardt & Jean Derive, Littératures orales africaines (Perspectives théoriques et méthodologiques), Karthala, 2008, « les genres soumis à une transmission stricte et à la mémorisation précise aussi bien du contenu que de la forme accordent généralement peu de place à la variabilité. En revanche, les genres narratifs relativement longs, mémorisés davantage au niveau du contenu qu’au niveau de la forme et que n’exigent pas d’énonciateur spécialisé, laissent plus d’espace à l’intervention individuelle de l’énonciateur et à la variabilité. » (p.84-85) [19] Si la littérature orale se caractérise par le fait qu’elle est produite de manière instantanée, étant communication immédiate produite par un énonciateur (identifié) dans un espace/ temps précisé, ensuite avec un public connu et un « conteur » partageant la même expérience, enfin se présentant comme une performance, les textes littéraires du corpus suivent, plus ou moins, le même schéma : * l’oralité y prédomine, ce qui enrichit la profondeur culturelle du texte ; * le non respect des normes de l’écriture : on peut trouver des mots et des propositions à corriger selon un dictionnaire et une grammaire « à standardiser » * le caractère régional : cette littérature est produite dans une région, ignorée par les autres régions et pays vu la distribution impossible, par conséquent offerte à un public restreint qui se trouve souvent dans la même aire culturelle. A titre d’illustration, les poèmes de Mohamed Moustaoui sont méconnus au Rif, tout comme ceux de Karim Kannouf demeurent ignorés par les Soussis. Les poèmes sont, en général, « savourés » lors des festivals, mais rarement consultés comme œuvres écrites. Cette ignorance porte préjudice à la conception d’une littérature « unie ». La distribution et l’expansion de cette littérature écrite ne se font pas de façon efficiente, même avec l’établissement d’organes de régulation et de normalisation comme l’IRCAM au Maroc ou le HCA en Algérie. En général, analogue à l’œuvre orale où les sonorités, les rythmes et les traits visuels font la performance, le texte fictif (ou d’art) demeure également une œuvre dans son immédiateté, poétiquement communiquée hic et nunc sans aucune perspective de fondation historique. III – Profondeur historique & Naissance par incision La tradition se fait profondeur ethnique car elle traduit les aspirations, les doutes, les douleurs et les faits historiques. Elle est aussi historique : qui sont les anciens pensants ? Il faut les chercher sans égard à l’expression car ils ont transposé la vision et l’imaginaire collectifs dans d’autres espaces humains. Dans l’espace sud-méditerranéen, il y a l’effacement, conscient ou inconscient de tout ce qui fait sa culture primaire, comme [20] si les Imazighen étaient depuis la nuit des temps des aveugles ou bien des muets. Certes, l’expression et la vision amazighes ont connu des évolutions et des crises nécessaires qu’il faut déconstruire au-delà de l’oralité, au-delà des manifestations pour des droits à la parole et à la justice... La littérature amazighe a toujours existé, comme vision d’une unité inébranlable, mais surtout comme expression d’une « terre ». 1.- L’ancrage historique de la littérature amazighe Le patrimoine littéraire est à diviser entre une littérature en langue propre et d’autres dans des expressions allogènes. 1 Si la littérature est l’expression d’une tradition-culture collective, plusieurs auteurs grecs et latins ont fait, entre le Ve siècle avant JC et le VIe siècle, de l’amazighité le « socle » de leurs œuvres, des chefs-d’œuvre de la Littérature (universelle) : les Confessions de saint Augustin, l’Ane d’or d’Apulée, les six comédies de Térence… Les lettres retiennent l’école de Cyrène comme le premier édifice de cette littérature nord-africaine. Aristippe de Cyrène, le malaimé des philosophes grecs, fonde son école, et s’entoure du philosophe Théodore de Cyrène, de l’immoraliste Hégésias de Cyrène, du penseur du bonheur possible Annicéris, du critique des certitudes Carnéade, du premier géographe Eratosthène de Cyrène et d’autres penseurs qui placent l’homme face aux plaisirs de l’existence, et non pas au sein de la sagesse socratique. Aussi faut-il citer les écrivains majeurs anciens qui font école dans leurs missions intellectuelles et pédagogiques entre Rome et Carthage. Il y a Callimaque de Cyrène, l’anti-Homère africain, Térence, l’esclave dramaturge, Apulée le premier romancier, Marcus Cornelius Fronton l’éducateur de Marc-Aurèle et l’hellénisant Macrobe qui va interpréter la tradition gréco-latine. Les manuels d’histoire gardent effectivement des traces de leurs œuvres et parlent solennellement de leurs origines africaines, montrant leurs contributions à la civilisation humaine. 1 Pourquoi est-ce que des écrivains autochtones qui ont écrit en langues étrangères sont considérés des écrivains étrangers alors qu’ils ont transposé, traduit et concrétisé le patrimoine local ? [21] Ensuite, il y a l’école des auteurs considérés comme des Anciens mineurs. Citons le voyageur-roi Juba II, l’astronome et poète Marcus Manilius, l’historien courtisan Publius Annaeus Florus, le poète naturaliste Némésien, l’historien Sextus Aurelius Victor, le mystique Martianus Capella, le grammairien Priscien, le poète avisé Terentianus Maurus, le lexicographe du latin Nonius Marcellus, le poète Julius Valerius Alexandre Polemius, le penseur Dracontius, le poète courtisan Luxorius et l’auteur Corippe, et j’en passe et des meilleurs. Ils constituent tous une intelligentsia marginalisée pour leurs positions africanistes, et leur opposition nette aux institutions établies. Vient la christianisation de l’Afrique qui forge des penseurs locaux. Il y a de grands penseurs dogmatiques tels que Minucius Félix, Jules l’Africain, Arnobe, Cyprien, premier martyr d’Afrique, Lactance, saint Augustin, Gaius Marius Victorinus, Optat de Milev, Synésios de Cyrène, Quodvultdeus, Victor de Vita et Fulgence de Ruspe. Grâce à eux, les études chrétiennes connaissent une évolution importante, mais les références à l’identité s’avèrent de l’opprobre. Depuis ce temps-là, l’âme collective est saisie comme un Péché indélébile. Enfin, après des désarrois et des déceptions, les penseurs chrétiens se désunissent alors et naît le mouvement contestataire. Il faut citer, bien sûr, des penseurs hérétiques : Tertullien, Arius, Tichonius et d’autres penseurs que l’Eglise a délibérément effacés… On a toujours souligné avec enthousiasme que ces modèles « classiques » sont des Imazighen, mais on a oublié pertinemment que leurs œuvres véhiculent une amazighologie (pensée qu’il faut développer et déconstruire) afin d’en faire une origine (un début d’une pensée propre), ils représentent déjà des modèles de la Littérature (universelle). Un autre élément de cette profondeur historique est, bien sûr, l’alphabet (matériau d’écriture), le tifinagh. Les chercheurs se réfèrent à l’alphabet premier, mais pas à l’homme originaire de l’Afrique dans son expression de l’imaginaire collectif via les langues étrangères. L’erreur apparaît dans l’équation suivante : s’il n’y a pas d’œuvre en tifinagh, il n’y aura pas de littérature « amazighe ». Force est de constater que si la littérature amazighe persiste à vivre sous le colonialisme symbolique, c’est par l’oubli (ou [22] l’effacement) des aïeux pensants. L’appartenance littéraire n’est-elle pas, en fait, réappropriation ethnique ? Ne faut-il pas prendre, une fois pour toutes, les écrivains latins et grecs d’ascendance amazighe pour des Ancêtres et des modèles qui ont ignoré l’alphabet premier mais ont bien exprimé l’ethnicité dans d’autres expressions ? Ainsi s’annonce le Classicisme nord-africain, et l’imitation devient un pas de création à franchir pour les jeunes auteurs modernes. En fin de compte, la littérature amazighe tiendra de l’utopie si l’on fait abstraction de ces Anciens. Que reste-t-il, sinon la marge, un non lieu dans l’histoire ? En un mot, l’utopie. 2.- La naissance par incision de la littérature amazighe L’histoire est simultanément partielle et partiale. Les choix, les lectures, les interprétations et les partis pris d’un auteur déterminent les contenus d’une œuvre, et par extension de la littérature. « L’Histoire ne nous apprend que les historiens »1, dira Paul Valéry. En outre, elle est déterminée par les changements économiques, sociaux et politiques. Les critiques sont unanimes sur le fait que la littérature écrite (moderne) naît avec le printemps berbère en Kabylie (1980).2 De là jusqu’à cette date, 2014, il serait utile tout d’abord de chercher des périodes, des écoles et des mouvements, ensuite de voir de près comment la voix de l’amazighité a évolué, enfin de déconstruire cette nouvelle littérature dans ses formes et ses contenus. 1 Paul Valéry, « Propos me concernant », Œuvres, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », tome II, 1960, p.1510 2 Daniella Merolla, « De la parole aux vidéos. Oralité, écriture et oralité médiatique ans la production culturelle amazigh (berbère) », pp.33-57, in Afrika Focus, vol. 18, n°1-2, 2005 « A partir de 1980, on assiste à la publication des premiers romans en kabyle. C’est l’année de plusieurs manifestations contre le gouvernement en Kabylie, ce qui a été appelé le ‘Printemps berbère’. L’entrecroisement entre création littéraire et contexte historique explique la tonalité militante des premiers romans come Asfel (Le sacrifice rituel), Faffa (La France) d’Aliche (1981, 1986), et Askutti (Le boy-scout) de Sadi (1983), ainsi que la collection de poèmes Isefra umehbus (Poèmes du prisonnier) de Hmed-Zayed (1981). L’engagement reste également une caractéristique des romans publiés successivement tels Id d wass (Le jour et la nuit) de Mezdad (1990), Tafrara (Aurore) de Zénia (1995) et Si tedyant gher tayed (d’une péripétie à l’autre) de Whemza (1994).» (p.38) [23] A première vue, la littérature écrite se présente comme un accouchement par césarienne de la tradition orale. De l’oral, l’écrivain, conscient de la situation périlleuse dans laquelle se trouve sa culture dans ce monde moderne, précipite habituellement le pas de la naissance. Une telle réaction a lieu dans les débuts de toutes les littératures « consacrées ». C’est pourquoi, les écrivains, après l’incision, peuvent retrouver dans la matrice « antiquité » des modèles pour orner et multiplier les formes et les genres primaires (de la tradition orale), et s’investir d’une légitimité historique. Toutefois, la littérature amazighe se sert d’une langue qui est munie d’une Mémoire et de pouvoirs à « découvrir » en ces temps de globalisation, plus ou moins positive. Mais, quels modèles choisir ? Les nôtres, bien entendu. Ils ont été imités par les mêmes Occidentaux, voire remaniés et investis de valeurs autres. - Genres - Anciens Propres * Roman : Apulée * Théâtre, comédie : Térence * Récit autobiographique : Saint-Augustin * Poésie pastorale : Némésien * Récit épistolaire : Fronton * Historiographie : Florus * Récit de voyage : Juba II * Tragédie : de Cyrène Dracontius / Callimaque * Poésie courtisane : Luxorius Et j’en passe et des meilleurs. Les références ne manquent pas. De là, il y a urgence à redécouvrir ces modèles à partir d’une vision ni orientale ni occidentale, mais propre à l’esprit sud-méditerranéen. Avec une telle redécouverte, il y aura temps à récrire les œuvres, à les adapter et à les réapproprier par la traduction vers l’amazigh littéraire. [24] IV – La critique littéraire généralisante Dans les études amazighes, le travail critique est encore à ses débuts. La conception des corpus y prédomine. Il y a des manuels qui s’attardent sur le théorique « occidental », et citent le corpus amazigh mais sans oser le déconstruire de peur d’être taxés de subjectivité. Citons, à titre d’exemple, l’essai critique Dhar Ubarran (1997) où les deux critiques parlent de tout, sauf de l’épopée rifaine. Il y a également d’autres textes critiques (en arabe et en français) qui portent comme titre des sujets sur la poésie, le théâtre et le conte, les contenus déconstruisent timidement le fait littéraire. Qu’est-il de la critique littéraire (d’expression amazighe) ? Presque inexistante. Y a-t-il des annotations qui accompagnent les œuvres écrites ? Les genres sont, par conséquent, difficiles alors à fonder ou à déterminer (fixer). Sans critique, il n’y a pas de genres, non plus d’histoire littéraire. En outre, trois points sont à citer dans la catégorisation faite par les articles et les manuels d’histoire littéraire du fait amazigh : * Héritée des militaires et des ethnographes, la démarche descriptive (ou structuraliste) est si chère aux chercheurs de l’amazighologie, apportant des recueils et des corpus. Elle aide à fonder les catégories de l’oralité, parfois « précipitées » dans le cas de la tradition écrite ; * les références à la conception aristotélicienne sont autant positives que négatives. Roman, poésie et théâtre sont des catégories à revoir dans les productions amazighes puisque l’histoire nordafricaine est singulière, tout à fait différente de l’Orient et de l’Occident. La tradition orale est à redécouvrir et à réorganiser. * L’amazighité (par les invariables ethniques) peut constituer un point de départ pour parler des contenus et des formes de cette littérature. Nous avons accompagné au sein d’une équipe de recherche les écrivains rifains, qui ont écrit des pièces, des recueils et des romans. Nous avons placé la ponctuation dans les textes. Nous avons corrigé la langue dans le souci de la ramener à l’écrit, parfois aussi la forme, d’insérer dans leurs œuvres des notes critiques et une analyse thématique et formelle. [25] Les textes transcrits sont des auteurs connus au Rif : Fadma el Ouariachi (Yesremd-ayi wawar, recueil de poèmes 1998), Ahmed Ziani (Ighembab yarezun x wudem-nsen deg wudem n waman, recueil de poèmes 2002) ; El Marraki Samira (Tasrit n wezru, roman, 2001), Karim Kanouf (les recueils de poèmes Re3win n tayri (2008), Sadu tira tira (2009) et Cahrazad (2011)) ; El Bousaklaoui (Ajdid n ucar, 2011), Aicha Kurdi (Izlan d tudart, recueil de poèmes, 2009 ; S ivuyyan bbuyebpev 2013), Mohamed Bouzaggou (Waf, pièce de théâtre), Elhachmi Mohamed (Martcika, nouvelles, 2012), Said Abarnous (Taslit n wzru, pièce de théâtre, 2010), Elyandouzi Abdelhamid (Fitu, recueil de poèmes) et Bilal Oualaasse (recueil de poèmes à paraître, 2015) En plus d’une transcription dotée de ponctuation, nous ajoutons des annotations critiques afin d’aider le lecteur amazighophone à lire. Les analyses thématique et formelle, l’explication des néologismes sont fournis à la fin du texte transcrit en latin et en tifinagh. Ces publications sont conçues pour les étudiants du département Langue et Littérature françaises, notamment dans le cours « Traduction littéraire ». A la traduction (adaptation) de la tradition amazighe, nous avons en classé travaille sur des auteurs anglais, espagnols, catalans, français et arabes afin de les approcher de l’imaginaire nord-africain. Par la suite, notre quête auprès des lecteurs a abouti aux résultats suivants : * les lecteurs rifains préfèrent lire en latin pas en tifinagh (les textes sont écrits en tifinagh et en latin), et dans les éditions bilingues, c’est la traduction française qui est choisie ; * Ils ne consultent point l’analyse vu la difficulté du jargon critique (souvent des néologismes) ; * Aucune réaction critique, à part des disqualifications (« Il fallait... ») Toujours est-il que les genres servent d’outils pour expliquer et classer les œuvres littéraires. Ils sont déterminés par les variables de l’espace et du temps qui font développer les contenus et les formes. Ils naissent après accumulation et enrichissement par la publication d’œuvres ayant les mêmes thèmes et formes, avec un corpus qui s’avère ouvert. Les paramètres spécifiques à l’aire amazighe sont [26] difficiles à préciser vu le nombre de « langues littéraires ». Par exemple, entre la littérature rifaine et la littérature soussie, il n’y a pas une réception « mutuelle », il y a des barrières interlinguales. De même, entre les Rifains et les Kabyles il y a des barrières politiques qui s’ajoutent aux différences nées de l’incommunication. Les barrières ont des origines historiques, approfondies par les aléas des variables politiques, provoquant des lésions identitaires dans la Mémoire collective. V.- L’A VENIR DES GENRES LITTERAIRES Notons encore qu’on ne peut pas réfléchir correctement sur les genres littéraires en calquant les formes et les thèmes étrangers sur l’amazighité. Pour Abdellah Bounfour, les genres de la littérature amazighe sont : la poésie, la littérature narrative en prose (conte merveilleux, récit hagiologique, fable, légende coranique), les formes brèves (devinette, énigme), jeux de langage. Cela est vrai pour les productions « orales »1 Contes, festivités théâtrales et izlan constituent cette littérature orale. En ce qui concerne la littérature écrite, les catégories viennent a posteriori, et l’expérience amazighe ne peut être expliquée dans une visée prospective. Certes, l’œuvre ne peut être étudiée sans une corrélation solide avec le genre qui la codifie, et lui trouve une place dans les entrées de la critique et de l’histoire littéraire... Elle est relativement différentielle par rapport aux autres œuvres, mais traductrice d’une mémoire et d’une tradition, Dans la littérature existante, il y a continûment la fusion du poétique et du prosaïque comme première étape de la littérature qui tend à s’affranchir de l’oral. C’est bien l’abondance récurrente d’œuvres semblables sur le plan formel et thématique qui forge l’existence de genres dans une littérature, instaurant une mode, puis une vision, ensuite une école, enfin un mouvement. Cette accumulation enrichit la tradition d’un peuple, en fait une partie de la civilisation. D’ailleurs, une publication dans une forme précise ne peut constituer, à elle seule, un genre ou un sous-genre, mais en être le point de départ. 1 Abdellah Bounfour, « Littérature berbère traditionnelle », op. cit. [27] Par de telles productions littéraires, la communauté expose, en fin de compte, une vision homogène de la tradition. *Le genre romanesque a une histoire, autrement dit une généalogie. La genèse se fait comme un point de commencement à un mode de représenter le monde dans toutes ses manifestations (matérielles et immatérielles). Par exemple, le roman amazigh est né avec Mouloud Mammeri, diront quelques-uns, d’autres prétendront que c’est avec Samira El Marraki, en ce qui concerne le roman rifain... Ce serait, par contre, naïf de situer la naissance du roman à partir d’une production moderne, précisément du XIXe siècle ou du XXe, alors qu’Apulée (125-180), amazigh de naissance et fier de son identité, est le premier à écrire le roman « universel » : L’âne d’or ou les Métamorphoses. L’Orient, l’Occident et tant d’autres parties du monde voient en Apulée le pionnier du roman. Même les philosophes des Lumières, si épris de l’idée de la nation française, vont se réapproprier Apulée comme un Ancien à imiter... Dans le domaine romanesque du corpus consulté, il y a la prééminence de l’autobiographie ou bien du récit à la première personne. Là, il y a identification du propre, mais surtout de cette culture écrite « embryonnaire ». Les références au strictement « personnel » prédominent : l’œuvre se veut nostalgique, elle représente surtout le village agonisant, l’ethnos dans ses ébats pour la survie, l’individu face à la négation… * La poésie, en tant qu’espace de prédilection des Imazighen, a la part du lion dans les publications répertoriées. Elle marque une différence par rapport à la tradition poétique, en s’inspirant des poésies française, arabe et autres. Elle traduit, en plus des expériences subjectives et intimes, un art de liberté totale. Elle fait évoluer les différents sous-genres de la poésie orale, éliminant la rime, brisant les formes de l’izli, de tahwact ou de tamedyazt. Les strophes ne sont plus limitées à quelques vers, les mêmes vers vont au-delà des mesures anciennes, s’incrustant la poésie libre. * A propos du théâtre ancien, reconnu comme folklorique, il y a bien des études générales qui le rattachent à des rites païens. Certes, il est de ressourcement agraire, plus précisément il accompagne les festivités de bonne récolte ou de vœux pour une saison fertile. Les masques persistent dans l’Achoura : des peaux d’animaux et d’écorce de calebasses sont les vêtements rituels. Le cortège de chanteurs est [28] muni de tambourins, de cors et d’autres « objets » artistiques. En général, les offrandes (gâteaux, amandes, figues sèches) sont offertes dans la joie aux jeunes en pleine randonnée de maison en maison, des.... Les festivités dramatiques servent à apporter la fertilité à la terre, mais surtout la joie à la famille. Quant au théâtre moderne, si différent du théâtre populaire,1 l’on prétend qu’il existe avec Kateb Yacine qui met sur scène Mohamed prends ta valise (1970) en arabe dialectal et kabyle. Ensuite, il y a l’expérience théâtrale de Muhand U Yehya qui adapte au kabyle Beckett, Brecht, Molière et Pirandello. 2 Au Maroc, Moumen Safi écrit Ussan semmidnin (Les jours froids) : il s’agit d’un village qui se trouve condamné à l’obscurité et au froid, au moment où le soleil ne se lève point... Il y a aussi sa seconde pièce Tighrit tabrat (Lecture d’une lettre) qui raconte les désarrois et les déceptions d’une vieille femme… Au Rif, il faut citer : Fouad Azerwal, Aghyul inu ioizzen ; Ahmed Ziani : Nunja ; Omar Bumazugh : Rabioa, Buziyan et le permis de séjour ; Mustapha Ayned : Taslit et Roméo… Toutefois, Térence sera l’exemple à suivre par les dramaturges nord-africains, et son œuvre une traduction par l’expression allogène de tout ce qui fait une tradition propre… Reconquérir l’universel apparaît une tâche suprême pour n’importe quelle littérature minorée, surtout dans le but de se frayer le chemin de la « re-connaissance ». En guise de conclusion, il est temps de refonder la tradition littéraire amazighe en amazighophonie pour déblayer les barrières, toutes les barrières. Ce serait simpliste, répétons-le, de rattacher la littérature amazighe au printemps berbère, 3 au strictement local, à 1 cf. Daniella Merolla, « De la parole aux vidéos. Oralité, écriture et oralité médiatique ans la production culturelle amazigh (berbère) », pp.33-57, in Afrika Focus, vol. 18, n°1-2, 2005 2 *U Yehya, M., Llem-ik, ddu d udar-ik (adapt, de l'Exception et la règle de B. Brecht), Tala, Paris, 1974 ; --Aneggaru ad yerr tabburt ('Le dernier ferme la porte', adapt, de La décision de B.Brecht), Univ. Paris VIII, GEB, Paris, 1976 ; --Muhend u Ca'aban (adapt, de Le Ressuscité de Lu Hsun), Tiddukla, no. 6-7, 1986 : 16-17; et no. 8, 1987: 10-12 ; --Si Lehlu (adapt, de Le médecin malgré lui de Molière), Awal, no.2, 1986: 145-156; et no. 3, 1987: 147-190. 3 Cf. Daniella Merolla, « De la parole aux vidéos. Oralité, écriture et oralité médiatique ans la production culturelle amazigh (berbère) », op.cit [29] l’ethnique ou à la littérature militante et engagée. Bien entendu, c’est la situation politique de l’amazighité qui est derrière un tel désordre générique. Mais une réflexion de déconstruction peut sauver la réception de faux calculs et de préjugés… Le pouvoir ne reçoit pas la littérature qui a alors des handicaps au niveau de la réception. Les établissements et les institutions ne la reçoivent pas, autrement dit, elle vit dans la marge. Utile de noter que la marge n’engendre pas les catégories et les modèles, mais peut les susurrer dans l’intelligence. Que faire enfin de la liberté idéologique et de la création si les genres littéraires imposaient des recettes à suivre ? Les genres ne sont pas des recettes pour « cuisiner » une œuvre. Nous sommes plutôt du côté de Maurice Blanchot qui entend parler plutôt du livre « littéraire » à venir que des genres.1 Bibliographie : * Banhakeia, Hassan, Introduction à la littérature ancienne de l’Afrique du Nord, 2015 --, Sur la traduction littéraire, analyse et traduction du poème amazigh, 2015 * Bentolila, F., Proverbes berbères, Paris, L’Harmattan-Awal, 1993 * Baumgardt, Ursula & Derive, Jean, Littératures orales africaines (Perspectives théoriques et méthodologiques), Karthala, 2008 * Bougchichel, Lamara, Langues et littératures berbères des origines à nos jours, Ibis Press, 1997 *Bounfour, Abdellah, Introduction à la littérature berbère, 1.La poésie, Editions Peeters, Paris/Louvain, 1999 --, Introduction à la littérature berbère, 2.Le récit hagiologique, Editions Peeters, Paris/Louvain, 2005 *Cuddon, J. A., Dictionary of literary terms and literary theory, Penguin Books, 1991 *El Ayoubi, M., Les merveilles du Rif : contes berbères narrés par Fatima n’Mubehrur, M. Th Houtsma Stichting, Utrecht, 2000 1 Maurice Blanchot, « Où va la littérature », in Le livre à venir, Gallimard, Folio Essais, 1959. « Seul importe le livre, tel qu’il est, loin des genres, en dehors des rubriques, prose, poésie, roman témoignage, sous lesquelles il refuse de se ranger et auxquelles il dénie le pouvoir de lui fixer et de déterminer sa forme. Un livre n’appartient plus à un genre. Tout livre relève de la seule littérature. » [30] * Galand, Lionel, Langue et littérature berbères. Vingt cinq ans d’études, Editions du CNRS, 1979 * Galand-Pernet, P., Littératures berbères. Des voix et des lettres, PUF, 1998 * Jouad, Hassan, Le calcul inconscient de l’improvisation. Poésie berbère. Rythme, nombre et sens, Peeters, Paris/Louvain, 1998 * Lakhsassi, A., « Réflexions sur la mascarade de Achoura », Signes du présent, Rabat, n°6, pp.31-39, 1989 * Leguil, A., Contes berbères de l’Atlas de Marrakech, Paris, L’Harmattan, 2000 *Merolla, Daniella, « De la parole aux vidéos. 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Ouakki [35] Les genres littéraires Amazighes : Interaction entre oralité et écriture ---------------------Lhassane ANDAM Université Ibn Zohr – Agadir, Maroc Comme dans d’autres littératures, même celles pourvues d’une longue tradition écrite, en amazighe, il n’est pas sans embûches de parler de genre littéraire en se référant au cadre littéraire occidental, et plus particulièrement français. Il est encore trop tôt pour circonscrire des limites entre les divers genres, car les frontières ne sont pas étanches. La terminologie créée pour identifier les genres littéraires (ungal « roman », tullist « nouvelle » tamdyazt« poésie » et amzgun« théâtre ») a fini par s’imposer. Mais, comme la littérature amazighe, encore essentiellement orale, concerne un vaste territoire, les dénominations utilisées diffèrent d’un groupe social à l’autre et ne recouvrent que des réalités régionales. Aussi la problématique des genres littéraires amazighes constitue-t-elle une question qui interpelle un grand nombre de chercheurs. Dans cette contribution qui s’inscrit dans le cadre du premier axe du colloque « les genres littéraires et le statut de l’oralité dans les sociétés amazighes », nous nous proposons d’abord de procéder à quelques précisions terminologiques relatives à ces genres tout en présentant l’état des lieux de la littérature amazighe moderne. Nous examinerons, ensuite, à partir d’exemples, quelques-uns des rapports qu’entretiennent les genres littéraires avec le statut de l’oralité dans la société amazighe. Il ne s’agit, bien entendu, que d’un aperçu visant à mettre en évidence que la littérature écrite s’inspire largement des formes orales attestées dès les périodes anciennes dans le monde amazighe. Nous précisons que c’est bien l’aire d’extension du dialecte tachelhite, à savoir la région du Souss et du Haut Atlas au Maroc, qui nous servira de référence. Nous souscrivons ainsi à l’idée suivant laquelle il vaudrait mieux ancrer la description dans les différentes zones amazighophones avant de procéder à une quelconque généralisation terminologique. [36] 1- Les genres littéraires amazighs La littérature amazighe se présente sous deux formes : la littérature orale1 et la littérature écrite. En étudiant ce sujet, GalandPernet (1998) se sert du syntagme nominal littératures berbères. Le choix du pluriel ne semble pas fortuit. Il s’expliquerait par la diversité géographique et générique. Malgré les parentés enregistrées au niveau du patrimoine, cette littérature englobe des littératures propres aux différentes variétés dialectales. Ainsi, la délimitation des genres demeure une question problématique. Dans son étude, Galand-Pernet (Ibid. : 14-15) précise « qu’une dénomination commune à une aire étendue ne peut pas servir à désigner un genre pan-berbère […], même si l’on peut dégager des éléments communs aux différents types ». Comment dénommer alors des textes écrits en amazighe dont le système « universel » des genres ne peut pas rendre compte ? Telle est l’interrogation à laquelle Galand-Pernet s’est efforcée d’apporter des éléments de réponse pour statuer enfin sur la difficulté de définir un genre littéraire pan-amazighe. Mais, loin de nier l’existence des genres, elle précise seulement que la définition des classes s’opère au niveau régional. En adhérant à cette thèse, nous nous proposons dans les lignes qui suivent de nous contenter du domaine tachelhitophone pour exposer les différentes étiquettes dont on se sert pour dénommer les genres narratifs et poétiques traditionnels. Nous passerons également en revue les genres littéraires modernes2. 1 Il faudrait préciser que la notion de « littérature orale » est délicate et ambiguë.L’expression elle-même semble inappropriée puisque l’usage commun ainsi que l’étymologie associent la littérature aux « lettres » et donc à ce qui est écrit plutôt qu’à ce qui est dit. Nous y recourons ici d’une manière conventionnelle pour parler de toutes les expressions structurées que sont les contes, les proverbes, les devinettes, les comptines, les récits, etc.La littérature orale et la littérature écrite constituent deux modes fondés sur les dichotomies suivantes : rapport collectif/rapport individuel, producteur-auditeur/auteur-lecteur, acte de transmission/acte de création, audition et vision/lecture, réaction immédiate/réaction décalée, contextualisation/non contextualisation, etc. 2 Signalons que le théâtre ne sera pas abordé ici. La raison la plus simple est que la production de textes théâtraux connaît une véritable crise dans le Souss. UssanÃmmiÄnin« Les jours froids » (EssafiMoumen, 1983) reste la seule véritable œuvre de référence. Le théâtre en tant que genre littéraire peut être indirectement rattaché à des formes proches consistant en des rites religieux. La fête de l’Achoura [37] 1.1 Les genres narratifs Pour nommer les genres narratifs dans l’aire tachelhitophone, on recourt à des étiquettes variées parmi lesquelles : a. umiy (plur. umiyn), ce mot fréquemment employé renvoie au récit imaginaire d’une manière générale, et plus particulièrement au conte. G d kra n umiyn est la phrase qu’on utilise pour demander à quelqu’un de raconter des histoires. Le terme est également utilisé dans le sens de mythe. En témoigne l’étude faite sur la mythologie amazighe réalisée par Oussous (2008) ; b. timiynit(plur. timiynin), étiquette fréquente dans la région de Taroudant. Elle a le même sens qu’umiy et se présente comme une forme simplifiée du mot timindit ; c. timinditen usage dans le Souss et l’Anti-Atlas dérive du masculinimindi,terme qui serait obtenu par contraction de la forme imiyn n ndi. Le premier élément renvoie à umiyn et le second ndi signifie « temps situé dans un passé lointain et immémorial ». Dans la région d’Essaouira, les contes s’ouvrent par la formule : Umiy d umiy n aytndi Ad avurigËbbi d aytndi Ulanccatifiyyi n wiydi Ikka t inn ndi … À Tafraout, et plus précisément à Tin WaÄu, on commence une histoire par : Undi undi Yattmaccut Tukrudi Ma traavu ? Ma traudi ? … d. taddmint(plur. taddminin), terme en usage chez les Ipapan. Il dériverait du masculinddmin. Id Belkacem s’en est servi,en se caractérise par le port de masques (peaux d’animaux). On parle d’Imocar ou de Bu ilmawn. Les pratiques théâtrales se rencontrent aussi dans lapalqa. [38] 1988, pour dénommer les textes de son recueil Imarayn« Les amoureux » ; e. lqist 1 (plur. lqsays), emprunt arabe utilisé dans le sens d’umiy « conte » : ad awnoawdvyatlqist, tga tin yanwazzan …« Je vais vous raconter une histoire, celle d’un enfant … » ou encore le début de l’histoire de pmmuunamirracontée par ËËays2 Omar Wahrouch : A oawd a iminuyatlqistarabdrtnt A tin pmmuunamir ad d akÆnbdrlaxbarnns… f. tanfust (tinfas ou tinfusinau pluriel), mot emprunté au domaine zénète dans le sens de conte. Il renvoie à un événement épique ou inhabituel. Il commence à s’imposer dans le milieu des jeunes écrivains. Ouhamo a publié, en 2008, le recueil Izmaz n trgin « Temps des braises » qui se présente comme une composition de contes et de nouvelles, tawckint n tinfas d tallasin. Il en va de même pour AytJeddi, auteur du recueil AÇÏÏa s iskkiln « Tissage avec l’alphabet » (2011) qui se veut une association de nouvelles et de contes,tullisin d umiyn ; g. tallast (plur. tallasin), terme employé pour la 1re fois par Azaykou dans le sens de conte. Il dérive du verbe als « (ra) conter ou redire, répéter » 3 . Ce verbe est concurrencé par l’emprunt arabe cité dans (e) ci-dessus, à savoir oawd. Le vocable tallast a le même sens que tullist4 (plur. tullisin). Nous soulignons ici que, dans le milieu littéraire amazighe, allas est le mot pris pour parler du récit et que tullist est bien l’étiquette retenue aujourd’hui pour désigner la nouvelle en tant que genre littéraire. Jusqu’ici, nous avons procédé à une brève présentation des différentes appellations utilisées dans le domaine occupé par letachelhite pour désigner les récits traditionnels. La transmission de 1 Ce mot n’est pas sans évoquer le terme taneqqistcité dans Salhi (2012 : 102) qui, en Ahaggar, signifie récit, fable et historiette. 2 Le terme ṛṛays désigne le poète itinérant dans le sud marocain. 3 Ce verbe a la même signification chez les kabyles. Salhi (2012 : 96-97) note que « c’est […] dans le sens de reprendre et de répéter la tradition qu’il est utilisé (on relève ce fait dans les expressions kabyles ad d-alesv i teqsidtou ad nales i lpadityedran. Le sème dominant étant “ reprendre, recommencer, refaire, répéter” ». 4 Tullist est en usage à Ghadamès (Libye). Dans la littérature kabyle, ammud n tullisin signifie « recueil de nouvelles ». [39] ces derniers se faisait depuis toujours de bouche à oreille. Mais, pour les conserver et les perpétuer, on a pensé à les fixer par le biais de l’écriture. Ainsi, la littérature traditionnelle des premiers temps consiste en la transcription des expressions de l’oral. Nous citons à titre d’exemples, Märchen der Schluh’ vonTazerwalt (1895) de Stumme, Récits, contes et légendes berbères en tachelhait (1942) de Roux, Contes berbères du Maroc1 (1949) de Laoust etContes berbères du Grand Atlas (1985) de Leguil. Il faudrait signaler aussi un bon nombre de contes, rites et récits divers éparpillés dans différentes recherches parmi lesquelles Mots et choses berbères (1920) de Laoust. La fixation des contes par l’écriture a alors commencé par un simple de travail de transcription ou de traduction2. À ce propos,Salhi (2004) parle de la technique dedélocalisation3. D’autres écrivains se sont efforcés de dépasser le stade de reproduction pure et simple. Ils ont repris les récits ancestraux en procédant à des remaniements de diverses natures. Nous retenons ici les textes Umiy n pmmuunamir (1991), Mmuzya (1994) et Mm iẓula(2009) écrits par Bourass, Zahour et Abernous, respectivement. Les contesont également fait l’objet de transpositions vers d’autres formes littéraires écrites. Des éléments propres aux traditions 1 Ce recueil comprend également des contes du Maroc central (domaine du dialecte tamazighte). 2 Outre la simple transcription des récits oraux amazighes, la littérature soussie s’est enrichie par la traduction d’œuvres non amazighes, le but étant l’ouverture sur le patrimoine culturel universel. Nous citons, entre autres, les textes traduits du russe par Akounad, en l’occurrence Vazilissatafalkayt (1996), Tiddukla(1996), GartaÅmatt(1998), Umiy n illis n ugllid(2005) et Timillaifrsn (2009) ainsi que les œuvres tavlavalt n waÄan (1998) et Asaru n umiyn (2004) de Waozzi, et Illis n waman (2007) et Imnviamggaru (2010) dues à Abenrous. 3 Selon Salhi (2004 : 103), la délocalisation est « le déplacement des textes du lieu de l’oralité dont la rigidité formelle et la variation sont les caractéristiques les plus importantes, et dont les performances littéraires sont conditionnées essentiellement par la voix et les éventuels rites qui les accompagnent, à un autre lieu caractérisé par la graphie et la fixité ». L’auteur distingue cinq types de délocalisation : a) la délocalisation graphique qui consiste en la transcription des traditions discursives orales ; b) la délocalisation linguistique qui porte sur la traduction de cette production orale ; c) la délocalisation stylistique qui concerne la reprise des textes issus du domaine de l’oralité, mais avec des remaniements profonds (style, structures, …) ; d) la délocalisation générique qui étend la transformation des formes traditionnelles vers des genres littéraires écrits tels la nouvelle et le roman et e) la délocalisation architextuelle qui consiste à produire de nouveaux textes coulés dans des moules traditionnels. [40] discursives orales quittent ainsi leur territoire pour s’implanter dans les genres littéraires écrits. Dans ce qui suit, nous allons passer en revue l’état des lieux de deux genres littéraires modernes, à savoir tullistet ungal, dans la région qui nous sert de base. Si les écrivains amazighes se tournent aujourd’hui vers ces nouveaux genres, c’est qu’ils les trouvent mieux appropriés que les contes pour décrire les mutations sociales et traduire les préoccupations actuelles des Amazighes. Tullist « nouvelle » se définit aujourd’hui comme un genre qui commence,lentement mais sûrement, à prendre place dans le champ littéraire amazighe. Après Imarayn (1988), Tivri n tbrat (1993) et Anzlif (1998) que nous devons, respectivement, aux précurseurs Id Belkacem, Essafi-Moumen et Achibane, la scène culturelle s’est enrichie par un nombre assez important de recueils où il n’est plus question exclusivement du militantisme idéologique identitaire. Les nouvellistes abordent des questions et des thématiques relatives au quotidien des gens. Nous présentons ci-après l’essentiel des productions nées dans le domaine chleuh : - Ixfawn d isasan(Oussous, 2006) ; Amussu n umalu (Zahour, 2008) ; Izmaz n trgin (Ouhamo, 2008) ; Aytiqqjdr d uxsay (Oussous, 2009) ; Aozriy n tuÇÇumt (Lasri, 2009) ; Tawgrat (Najib, 2009) ; IrÇagimmim (M. Garhou, 2010) ; IsgÅasn n tgrst (Zahour, 2010) ; Tullisin n Tifa (Sabri, 2010) ; UdmawnikÄËuËn (Ouhamo, 2010) ; Tla d ayt mas (D. Garhou, 2010) ; Aggu n tmÆtit (Arouhal, 2010) ; AÇÏÏa s iskkiln (AytJddi, 2011) ; Tacclli d istt mas (Mourabih, 2011) ; Askarn n tkÃÃad (Amnnou, 2011) ; AvrumiËÇagn (Lfqih, 2011) … D’autres écrivains ont opté pour la production d’œuvres romanesques. Notons que le roman, dit ungal, est un genre nouveau dans la littérature amazighe. Son émergence est due aux profondes mutations que connaît le Maroc du XXIe siècle, notamment le processus de standardisation et de revitalisation de l’amazighe. La [41] naissance des premiers romansdans le grand Souss remonte au début du siècle, et plus précisément à 2002 avec la parution de Imula n tmÆtit« Ombres de mémoire » et Tawargit d imik« Un rêve et un peu plus » produits par Aboulkacem et Akounad, respectivement. Il aura fallu attendre plusieurs années avant que ce dernier ne publie un second roman intitulé Ijjign n tidi « Fleurs de la sueur » (2007). D’autres textes sont venusenrichir le champ de la littérature amazighe dans la région tachelhitophone : - Ijawwan n tayri « Les siroccos de l’amour » (Lasri, 2008) ; Azrfakucam « Droit paralysé » (Sabri, 2009) ; IgÄaÄ n Wihran « Les oiseaux d’Oran » (Bouyaakoubi, 2010) ; IsmÄal n tmagit « Les tombes de l’identité » (Lasri, 2012) ; Tamurt n ilfawn « Le pays des sangliers » (Akounad, 2012). Le nombre de productions narratives écrites reste encore limité.Mais, on peut avancer que les nouveaux genres, tullisin et ungaln, contribuent déjà au rayonnement de la littérature amazighe. Au niveau thématique, les contenus convenus de la tradition sont délaissés au profit de thèmes inspirés de la réalité sociale et politique. Le roman et la nouvelle amazighessont les lieux où l’amour, par exemple, la politique, la religion, l’identité, l’émigration, les tabous sont traités avec une grande marge de liberté. Bref, ce sont des genres dont la caractéristique principale est le réalisme.Après cet aperçu sur les genres narratifs, nous nous tournons vers un autre genre très productif, à savoir la poésie. 1.2 Les genres poétiques Traiter de la poésie dans la zone tachelhitophone nous conduit à évoquer le plus célèbre poète de la période ancienne, en l’occurrence sidi pmmuÏÏalb, surnommé bab n umarg« le maître de la poésie ». Le vocable amarg1 désigne la poésie orale ou plutôt la poésie 1 Le mot peut signifier également : « chagrin d’amour, regret, nostalgie, … ». Il revient souvent dans des expressions comme yavyyiumarg n tmazirt « J’ai le mal du pays » ou yavyyiumargnnk « Ton absence me fait souffrir = tu me manques ». Dans la poésie des ËËways, il peut renvoyer : (i) à l’amour, mais généralement à un amour insatisfait et douloureux ; (ii) à un chant lyrique empli de regret et de chagrin, sentiments dus souvent à l’éloignement de l’être aimé ou à la vie loin du pays natal. Ces poètes itinérants sont en perpétuelle errance et souffrent de ce fait de la solitude, ce qui se traduit par la présence d’une émotion mélancolique dans leur poésie amarg. Bref, les différents [42] chantée. Par extension de sens, il renvoie même à la musique où cette poésie est chantée et dansée. À ce propos, nous ferons nôtre la thèse soutenue par El Mountassir (2004) suivant laquelle l’opposition entre poésie, chanson et chant n’est pas pertinente dans le domaine amazighe. Chez nous, on dit nÄmamarg« composer de la poésie » et non iniamarg « dire la poésie ». La poésie consiste alors en des formes versifiées appelées nnÄm1. Elle est inséparable de la chanson et de l’air mélodique, rrip. Il faut souligner la richesse 2 et la variété du répertoire poétique soussi. On distingue plusieurs formes parmi lesquelles la poésie chantée pendant les festivités liées aux danses et aux chants d’apwac et nomméeamarg n upwac 3 , la poésie des chanteurs itinérants appelée amarg n ËËways, le chant propre au mariage connu sous le vocabletanggift et la poésie liée aux activités journalières. Peuvent rentrer dans ce dernier cas tazrrart « poème chanté par la femme au cours d’une fête d’apwac ou lors d’occupations domestiques » et tamawact « duel poétique ». À son tour, Amarir (2003) note la diversité des genres poétiques dans cette région et les classe en deux types : a. l’amarg professionnel dans le cas de lqist et taqsidt ou non professionnel quand il s’agit de l’asallawet de tamarirt qui comprend tamawact, tazrrart et urar ; b. lmazviy (la poésie orale religieuse) avec ses genres constitutifs ttawḥid, lfaṛayḍ, lmawoiḍa, ttulɣa (lmadip), lpadiyt, etc.). sens « poésie, chagrin d’amour, regret, nostalgie, etc. » donnés au terme amarg se révèlent en quelque sorte liées (El Mountassir, 2004). 1 Anḍḍam est celui qui compose des poèmes. On a également amarir « poètechanteur » ; arittirir « Il chante ». 2 Stroomer (2004 : 97) parle de cet amargcomme étant l’un des trésors littéraires du sud marocain qui « devrait être étudié méthodiquement de plusieurs points de vue : esthétique, littéraire, politique, social, musical, etc. Les stratégies discursives (choix lexical, archaïsmes, néologismes, syntaxe des vers, etc.) appliquées par les ËËwayset les ËËwaysat pour construire leurs mètres sont un champ d’étude fascinant. » 3 Le diminutif féminin tapwactest un distique qui correspond à l’izli du Rif ou du Moyen Atlas au niveau de la textualité. Mais, sur le plan de la performance vocale, Bounfour (2008) souligne que tapwact est une production des hommes dans la plaine du Souss tandis que dans le Haut-Atlas, elle est celle des femmes. Quant à l’izli, il peut être produit indifféremment par les uns et les autres. [43] Les deux types s’opposent non sur le plan structural, mais diachronique. Selon Bounfour (2009 : 23), « lmazviy s’est constitué contre l’amarg et il a lutté férocement pour sa disparition comme symbole du paganisme ». L’indice qui crédibilise cette thèse est la distinction théologienne entre la science du ventre et la science de la raison ». À côté de ce répertoire poétique oral aussi bien abondant que varié, nous avons un cumul assez important de textes poétiques écrits.Au Maroc, il a été convenu, dans l’optique de l’unification, de retenir la dénomination tamdyazt1, emprunt interdialectal qui renvoie à la poésie publiée sous forme de recueils. De là, il faudrait entendre par le syntagme nominal tamdyazttatrart la poésie écrite moderne produite en dehors des espaces culturels traditionnels (asayspar exemple). Ainsi, ni la poésie chantée lors de l’apwac par inḍḍamn tels Ajmmao, Ipya, Kuku, Igasi, Ublla …, ni celle produite par les ËËways (Bloid, Anccad, Janti, Azoriy, Albnsir, Lbaz, Tabaomrant, entre autres) ne rentrent pas dans le cadre du genre littéraire dit tamdyazttatrart. Soulignons que les œuvres des grands inddamn et ËËways, ou du moins une partie de ces œuvres, ont bénéficié de la transcription. Citons en guise d’exemples : - la poésie amazighe attribuée à sidi pmmuÏÏalb (Amarir, 1986) ; ËËayslpajjMohamedAlbnsir : témoignages et poèmes choisis (Moustaoui, 1993) ; ËËayslpajjBloid : vie et poèmes choisis (Moustaoui, 1996) ; lpajj Mohamed Albnsir : poèmes choisis (Asid&Moustaoui, 1999) ; Tamgitinu : amarg n Fatima Tabaomrant (Ben Ipya, 2002) ; Amarg. Chants et poésie amazighs (Sud-Ouest du Maroc) (El Mountassir, 2004) ; Urti n umarg :Ajmmao&AÇuliÄ(Asid&Moustaoui, 2006) ; les poèmes duËËaysLhoucineLbaz (El Hanafi, 2008) ; Imarirn (Asid, 2011). On s’accorde pour considérer l’année 1976, date de publication du premier recueil Iskraf « Entraves » de Moustaoui, comme indicateur historique de la naissance de la poésie écrite amazighe moderne. Celle-ci comprend les recueils produits par des 1 Ce mot renvoie aussi bien à la poésie qu’à l’agent féminin singulier « poétesse ». Il est dérivé du nom d’agent masculin singulier amdyaz « poète ». [44] poètes imprégnés de la littérature universelle. Mais, l’ère de la poésie amazighe moderniste est inaugurée par l’avènement des œuvresproduites parAzaykou, en l’occurrence Timitar« Signes » (1988) et Izmuln « Cicatrices » (1995). Le dernier quart du XXe siècle a connu la parution d’autres travaux dont notamment : - TaÄÃa d imÏÏawn(Moustaoui, 1979) ; TaslitwunÇaË(Id Belkacem, 1986); Ifrawn (Biyzran, 1987) ; Tabrat (Akhiyat, 1989) ; Tayri d unkkid (Hafidi, 1996) ; TaÄÄangiwin (Moustaoui, 1998). Le XXIe siècle se caractérise par la prolifération d’œuvres poétiques. Nous citons entre autres : - Tinitin (Ouagrar, 2004) ; IÇuËan n tudrt (Ajgoun, 2006) ; Ivd n itran (Aboulkacem, 2006) ; IÆlan n mggu (Aboulkacem, 2007) ; Tizlfin n ulili (Ajgoun, 2007) ; Agad n tidt (Amgroud, 2008) ; Uraw n umÏÏa(El Mennani, 2008) ; Tagldit n tiggas (Oussous, 2009) ; Aylal n iman (Arjdal, 2009), Ijddign n imal (Ajgoun, 2009) ; Wissaignwan (Alahyane, 2010) ; Ifugga n tujjutin (Arjdal, 2010) ; Inagan(Amgroud, 2010) … En comparaison avec la littérature narrative, la poésie amazighe née dans la région tachelhitophone semble enregistrer un cumul assez important1. Les poètes innovent, non seulement par les thématiques abordées, mais aussi par un style souple et harmonieux ainsi que par le travail sur la langue. Mais, signalons-le immédiatement, ce n’est pas ce volet touchant aux nouveautésde la littérature amazighe qui va nous préoccuper. Notre souci majeur est de déceler l’empreinte de l’oralité dans les œuvres écrites. L’apparition 1 Pour plus d’informations bibliographiques relatives à la production littéraire amazighe contemporaine au Maroc, nous renvoyons le lecteur à Afakir&Mounadi (2012). [45] des traces traditionnelles dans la production écrite contemporaine prouve que la mémoire s’attache encore aux contes, aux mythes, aux croyances, bref au patrimoine ancestral dans lequel on veut voir l’expression des spécificités linguistiques et culturelles. 2 – Echos de l’oralité dans les productions littéraires amazighes du Souss L’apparition de données propres aux récits traditionnels dans la production littéraire écrite contemporaine témoigne du grand attrait que ceux-ci exercent encore sur les écrivains amazighs. Ces derniers puisent dans ce legs ancien divers éléments qu’ils introduisent dans leurs écrits, lesquels éléments sont, tantôt, reproduits tels quels, tantôt ils obéissent à des transformations diverses. Les contes, les croyances et les mythes semblent fonctionner comme des éléments fondateurs de la littérature amazighe. Le phénomène du renouvellement de la production littéraire traditionnelle transparaît dans beaucoup d’écrits et sous différentes formes littéraires d’aujourd’hui. Ce qui retiendra surtout notre attention, c’est le repérage de certaines traces de l’oralité dans quelques textes littéraires modernes produits dans l’aire tachelhitophone. Il faudrait, cependant, noter que les écrivains ne sont pas les seuls à s’intéresser au patrimoine ancestral. Dans le cadre même de l’oral, les poètes itinérants (ËËways) y glanent ce dont ils ont besoin. La figure de pmmuunamir, par exemple, est présente dans un bon nombre de chansons. Le poète/compositeur et chanteur Omar Wahrouch a consacré à ce mythe toute une chanson qu’il a intitulée lqist n pmmuunamir« L’histoire de pmmuunamir ». Bien que le récit ait de tout temps été oral, l’auteur propose une version de l’histoire qu’il tient pour vraie parce qu’elle provient, selon lui, des livres. Il cherche ainsi à conférer à sa parole une dimension autoritaire indubitable : A oawd a imi nu yatlqistarabdrtnt A tin pmmuunamir ad d akÆnbdrlaxbarnns A vayda s nnanlkutub, mskin, ijËa as … pmmuunamir est l’image archétypique de la poésie amoureuse chez les ËËawys. Autrement dit, la figure de ce héros mythique est celle qui a le plus marqué cette poésie. Selon Nerci (2009 : 184), « les images, [46] les métaphores employées dans la poésie amoureuse traditionnelle amazighe proviennent du récit d’Ounamir sans y faire une référence explicite. La poésie amazighe a transformé le mythe d’Ounamir en un langage symbolique riche d’échos mythiques ». Condamné à errer perpétuellement, le ËËays s’identifie à pmmuunamir. Tel est le cas de Bu Izmawn qui relate, dans son poème intitulé Bismllah, une expérience similaire à celle du personnage légendaire. Il commence par évoquer la scène du henné qui incite l’amoureux à partir à la recherche de la bien-aimée, tanirt. Celle-ci est suggérée par le nom inirn, pluriel du mot anir« ange ». La rencontre de pmmu avec l’aigle à qui il a été contraint de donner des parties de sa chair est traduite implicitement par la scène où Bu Izmawn rencontre un autre poète à qui il sollicite de l’assister en échange de sa main, de son pied et de son cœur. Enfin, l’image de la mère est également présente dans le poème : Wannairanlpnna ad t ivmmrbasrsn Ad as iskrccuËuÄad t urijlu lapt … Salam davuoalikum a jjlb n inirn A tillibÄaninazzar d lucam gr walln UkinivyusiyanlbaËuÄarÅmmrn Ukin is rad afinyanutbirijlaasn Man adrarurnkkinstaraiÇavaËn SsrmivkulluÏÏlbanssrmiiÅrramn … Mnaggarvyanccaoirigabab n umarg … Sawlv s lxlqllinkki is as d nniv Lpubb ad avimlkntasapËgnulinu Yan utbiribbifllalaxbarnnsn Ur nssin is usulnv d is igÅzikaln Ivasntlitasafarbbivak d ulinu Bbivak d afusnvulaaÄaËnvnhduak t … App a tasa n kratusiyyitawdannun Ariggi n ujarf ad d akÆaÆiv ad ngaman … Kkivlbpurstaravignwan d ikaln A immiinu a immiinujlivam … [47] Un autre exemple de cet attachement à cet héritage traditionnel consiste en l’évocation de sidi pmmuconsidéré comme le maître de la poésie. La tradition lui attribue beaucoup de poèmes qu’il a pu composer au cours de ses pérégrinations. Ses trésors sont toujours vivants et continuent à être récités, surtout par les ËËways. Nombreux sont ceux qui seréfèrenttoujours à lui.Les vers suivants tirés de la chanson intitulée BusalmdeHmadAmntag mettent en valeur l’effet magique des paroles de ce poète de la période ancienne : Allah irpm k a sidipmmubab n umarg Arukansulissallawawalnnsnbnadm À son tour, latroupe Arcaca produitpmmuunamir, une chanson qui regorge de sagesses : Irpm k a sidipmmuÏÏalbinnaigllin Illauzmz v yakkayanillauzmz viqqay Illauzmz vyufumddaÆln ËËbiÅmatun … Irpm k a sidipmmubab n umargnnan LarzaqinuganibukaÄnurargmmrn Larzaqinuakal ad myarnimmaignwan Ivnngisllan a ËËbizzugztn d s akal … Nous retenons aussiturtit n sidi pmmu, l’intitulé d’une chanson du ËËaysLbaz. Le poète assimile métaphoriquement les chants desidipmmu à un champ ou plutôt à un verger où se retrouvent toutes sortes de fleurs et de richesses. Il n’est donc pas étonnant de voir nos ËËways y puiser sans cesse. Turtit n sidi pmmu ma gis illan d ujddig Ha winlwËÄ ha winlvnbazkulluyujad À ce niveau, nous voudrions préciser que les trésors de l’oralité, à savoir les mythes, les contes, la poésie orale, les proverbes et les dictons, existent dans la mémoire du groupe tachelhite. Souvent évoquées par bribes dans la communication quotidienne et dans les joutes oratoires des poètes, ces références incontournables forment le socle de l’identité culturelle amazighe. Cependant, ces richesses ne sont pas exclusives au domaine de l’oral, elles sont également convoquées dans les textes littéraires. Dans les œuvres produites par des Amazighes, mais dans d’autres langues, les références au fonds mythologique ne manquent [48] pas. Nous nous contentons ici de l’écrivain Khair-Eddine. Ses textes sont traversés, en filigrane, par des données et pratiques ancestrales, et d’éléments mythologiques typiquement amazighes. Pour ne nous en tenir qu’à ces derniers, nous soulignons que l’auteur se réapproprie par l'écriture des formes de ce matériauconstitué par la culture populaire orale. Mais, la stratégiescripturale adoptée ne restitue pas l'oralité telle quelle, elle en fait une transformation. Il s’agit en quelque sorte d’un détournement par l’écrit des formes héritées de la culture populaire donnant naissance à leur réactualisation tout en garantissant leur transmission et leur perpétuation. Khair-Eddine a exploité les légendes amazighes taÅmart n iÃmÄal et pmmuunamir. La version « khair-eddinienne » du conte traditionnel pmmuunamirqui revient dans nombre de ses textes : Corps négatif (1968 : 6), le Déterreur (1973 : 33-35) et Légende et vie d’Agounchich (1984 : 78) est souvent associée à la récurrence du thème de l’errance et de la figure de l’exil. Pour Khair-Eddine, écrire, c'est également réactualiser des modèles ancestraux qui dialoguent avec le présent. Voyage, déplacement et errance renvoient à l’identité, à la quête et à l’accomplissement de soi. Ce qu’il faut noter à ce niveau, c’est que les contes et les mythes constituent un monument littéraire oral dont la littérature maghrébine d’expression française, de manière générale et les récits de Khair-Eddine en particulier se sont largement inspirés. Les œuvres écrites et orales connaissent ainsi des rencontres et des interférences qui tissent entre elles des rapports solides. Après ce petit détour consacré à l’exploitation des formes littéraires orales dans le cadre même de l’oralité et dans les textes littéraires de Khair-Eddine, nous voilà mené vers l’espace de la littérature soussie produite en amazighe, vers le repérage de quelques empreintes de l’oralité dans les productions littéraires modernes. Les textes écrits et les œuvres d’expression orale, même s’ils ont des traits spécifiques qu’il faut dégager, sont bien moins éloignés les uns des autres. Afin de mettre en évidence les rapports oralité- écriture, nous recourons encore à la notion de délocalisation déjà évoquée. Le rapport oralité/écriture peut se lire au niveau de l’architecture textuelle propre au conte. On emprunte non le contenu du texte oral, mais ce que Salhi (2004 : 104) nomme architexte. C’est le cas de la nouvelle iɣṛm n tusut (Oussous, 2009a : 43-46) où les formules initiale (i) et finale (ii) du conte sont maintenues dans le texte cible : [49] (i) « Umiy d umiy n aytndi Ad avurigËbbi d aytndi Ulanccatifiyyi n wiydi Ikka t inn ndi…» (…) (ii) « lkmvtagara n umiy, ur d tagara n ussaninu. Ivrmannav t inn flvur t id iwiv, lliv d urriv, artn inn kkatv i iÇËan, aryi d kkatn s wudi d tammntalliv d lkmv. » Entre ces deux formules, l’histoire racontée est différente de celle relatée dans le récit oral. Ainsi, la délocalisation architextuelle permet de placer un contenu nouveau dans un vieux moule. La formule d’ouverture des contes amazighes est convoquée également dans les textes poétiques. Oussous (2009b : 91) emprunte au conte la formule que nous avons présentée auparavant (cf. 1.1). Nous la reprenons ici pour commodité. Umiy d umiy n aytnddi Yattmaccuttukrudi Ma mi traavu Ma mi traudi … Le lien entre les productions écrites et les traditions orales s’observe aussi au niveau de la technique narrative utilisée. Certaines nouvelles revêtent l’aspect de contes connus dans la région du Souss. C’est le cas de la troisième nouvelle ddmin n tihiya d bumlik du recueil Imaryan(Id Belkecmn 1988).Mais, il faut souligner que l’auteur ne se contente pas de la transposition pure et simple du texte oral à l’écrit, en ce sens qu’il procède à un travail sur la langue et le style. Il est question dans ce cas de la délocalisation stylistique. Il en va de même pour les textes sidi bu ugrtil et jmioa d ultmastanafalt tirés du recueil Izmaz n trgin (Ouhamo, 2008). La deuxième nouvelle du recueil Aytiqqjdr d uxsay (Oussous, 2009a) intituléead lahv n’est pas sans évoquer omtitikrkas, un conte connu dans l’espace tachelhitophone. Au niveau de la structure narrative, l’auteur a confectionné son texte par l’adoption de procédés et modèles narratifs propres aux contes fantastiques connus dans la région sous l’appellation tikrkasbbrksninmmrksnin. Cescontes se caractérisent essentiellement par la violation et la remise en question des normes logiques et habituelles.Il est également important de signaler, ou plutôt de rappeler, des cas où le conte et la nouvelle cohabitent comme dans tawckint n tinfas d tallasin n tmazivt dans Izmaz n [50] trgin(Ouhamo, 2008) et tullisin d umiyyn dans AÇÏÏa s iskkiln (AytJddi, 2011). La délocalisation générique est une autre stratégie qui permet au patrimoine oral d’être présent dans la littérature moderne. Certains écrivains transposent des contes en nouvelles. Mais, tout en conservant la thématique de l’histoire source, ils tâchent de faire en sorte que le nouveau texte témoigne du vécu. À ce propos, nous admettons avec Oussous (a-àparaître) que la conversion des contes en récits écrits constitue un acte intentionnel visant la conservation du patrimoine et l’enracinement du nouveau genre dans l’espace culturel amazighe. Ainsi se maintiendraient des passerelles entre les récits oraux et les textes réécrits. Les textes littéraires amazighes dialoguent également avec les œuvres orales par laréférence au fonds mythologique 1 ancestral. Tamvra n wuccn est la cinquième nouvelle du recueil Imarayn (Id Belkacem, 1988). Ce titre est emprunté à la mythologie amazighe2.L’auteur a fait appel à ce mythe pour mettre en évidence les désillusions et les déceptions sociales à travers l’histoire d’un jeune homme qui quitte son village natal pour poursuivre ses études à Casablanca. Il y devient un vrai militant. Après avoir trouvé un emploi, il décide d’oublier les protestations. Malheureusement, il ne tardera pas à être arrêté injustement le jour de son mariage qui coïncide avec le phénomène de tamvra n wuccnet condamné à onze ans de prison pour replonger dans la misère. Un autre exemple nous est fourni par la nouvelle awÃaÄ 3 asggan« Le serpent noir »,tirée du recueil Anzlif (Achibane, 1998).L’auteur a fait appel à ce serpent mythique pour parler de la route goudronnée qui, parvenue au village en question, a entraîné des mutations sociales profondes et des bouleversements catastrophiques qui ont affecté les traditions et les valeurs ancestrales des habitants. 1 Les données relatives à la mythologie amazighe sont recueillies dans les travaux de l’expert en la matière, à savoir Mohamed Oussous (Oussous, 2008 ; Oussous, à paraître). 2 Tamvra n wucn renvoie au phénomène météorologique caractérisé par la pluie au cours d’une journée ensoleillée. Le mythe raconte qu’un chacal s’est marié avec une ânesse sans respecter les normes sociales. Cette union contre nature ou plutôt cette mésalliance a bouleversé l’organisation sociale, ce qui s’est traduit par le déséquilibre des phénomènes naturels (pluie, soleil et arc-en-ciel). 3 AwÃaÄ est un serpent mythique qui lâche des feux dévastateurs. [51] Dans le même cadre, à savoir le « dialogisme » entre les productions littéraires et les systèmes de l’oralité, nous retenons le titre du recueil Aytiqqjdr d uxsay (Oussous, 2009a) où l’on trouve des échos du conte très connu dans le Souss, en l’occurrence FaÄma d Mupmmad , deux petits enfants abandonnés par leur père à la forêt. Après avoir accroché à un arbre une citrouille creuse renfermant un lézard mort, il leur précise qu’il reviendra au moment où le lézard bougera à l’intérieur de la citrouille. Quand celle-ci se meut sous l’effet du vent, les enfants croient que leur père ne tardera pas à venir les chercher. Ils continuent à l’attendre, mais en vain. Oussous critique les Aytiqqjdr d uxsay, c’est-à-dire les gens dont le grand défaut est la passivité, ceux qui se nourrissent d’illusions et se soumettent au destin sans jamais agir. Les traces de l’oralité s’observent aussi dans les renvois aux héros légendaires. C’est le cas de pmmuunamir et tanirt dans le texte intitulé tanirt, dixième nouvelledu recueil Aytiqqjdr d uxsay. Il y est questionde l’histoire du jeune Idir qui a perdu sa bien-aimée et refuse d’admettre sa mort. Il la voit et la suit partout. Sous cet angle, son histoire ressemble à celle de pmmuunamir et de tanirt : « igaamdyazmqqurn n usays, ininwilli t issnn, tanqqist n tayrinns d tmayurtissn tt umÇyanulaamqqran g aytubaha, tayri n umiyn, tin unamir i tanirtnns » (Oussous, 2009a : 20). Nous relevons dans le texte trois vers qui sont attribués à Idir et par lesquels il s’adresse à sa bien-aimée : A tanirtinu, mqqartiwntarwissaignwan Ra n munv d waÄuyasi yi nn f ufflaijawwan Gvamnay n tagut, arlssavizlanuÇawan(Oussous, op.cit.: 22) Le personnage de pmmuunamir est également évoqué dans le premier texte intitulé anu : « yanwazzanimyarntidgÅatinartidgÅatin ad as ittals i umiyn n pmmuunamir d nudja, ad t innsulyuÄnn » (Oussous,op.cit.: 3). Les traces de l’oralité ne concernent pas seulement les textes narratifs. La nouvelle poésie amazighe du Souss s’inspire largement de la littérature traditionnelle. Les poètes reprennent des fragments de l’oralité qu’ils adaptent à leur propre matière. L’histoire bien connue de pmmuunamir, évoquée à plusieurs occasions, a été reprise par de nombreux poètes. Azaykou a choisi pour titre du neuvième poème de son recueil Izmuln « Cicatrices » (1995 : 38-42) le nom de ce héros [52] mythique qu’il reprend avec une interprétation nouvelle. Il y introduit le système d’écriture amazighe,tifinaghe, probablement suggéré par le henné sur les mains de pmmuunamir. Après une évocation poétique de certains faits du conte, la ruse du fqih est démasquée. Pour le poète, ce qui dérange le ÏÏalb(fqih),ce n’est pas le henné sur les mains de notre héros, mais le fait que celui-ci découvre les jalons de son identité et le chemin qui y mène. C’est pourquoi il fera tout pour l’égarer : pmmumaxx ad urtajjim lpnna v ufus ? tajjimitbirn n ljnt ivrminayyln(p. 39) (….) Ur nkkiignwannäë d Nvrs i wakal vmklliskrnidammnnnk A pmmuunamir(p. 40) (…..) TÆlaaktifinav urtssnt ad tasit tabratnns ṭṭalbyugiadtkktavaras ntfinav, urigi wins iv t tvit, immut isvalakmadurigi jlunakavaras… (p. 41) Azaykou n’est pas le seul à puiser dans le fonds mythologique pour alimenter ses textes. Le mythe de pmmuunamir a été repris par Lasri dans Tillila…Ounamir (1994 : 67) et par Habounne dans Nkin d Ounamir (1994 : 75). En renforçant les idées de l’égarement individuel et de la recherche de l’amour, ces poètes ont introduit de nouveaux thèmes, en l’occurrence la liberté, l’identité, l’attachement à la terre et la quête des racines. C’est avec l’évocation des racines que nous terminons cette section consacrée aux traces de l’oralité dans les textes littéraires amazighes modernes. À notre sens, l’attachement aux racines semble être l’une des raisons qui incitent les écrivains à actualiser l’imaginaire collectif enfoui dans la mémoire. [53] En guise de conclusion, cette contribution nous a permis de traiter de quelques-uns des rapports qu’entretiennent les genres littéraires amazighes avec l’oralité. Après quelques précisions relatives aux appellations utilisées dans l’espace tachelhitophone pour dénommer les genres littéraires traditionnels, nous avons mis en évidence le renouveau de la littérature avec l’introduction de genres nouveaux, notamment tullist, ungal et tamdyazttatrart. Les nouvelles œuvres portent dans leur majorité l’empreinte de l’oralité. Les écrivains s’inspirent largement de la littérature traditionnelle en reprenant des pans entiers de l’oralité qu’ils adaptent à leur propre matière. Les contes, les mythes, les proverbes, etc. quittent leur terraind’origine pour être réactualisés dans le champ de la littérature écrite moderne qui est en train de se développer. Mais, nous pensons que le développement de cette littérature exige en parallèle celui de la critique littéraire et de la recherche académique. Il est également important que les chercheurs s’ouvrent sur les travaux réalisés dans les différentes zones amazighophones. Établir des canaux de communication serait d’un grand apport pour l’amazighe littéraire. C’est bien le rôle que peuvent jouer les rencontres scientifiques comme ce colloque international dédié à la question délicate des genres littéraires amazighes. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES • BOUNFOUR, A. 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Ces chercheurs dits « oralistes »1 n’ont cessé d’activer en faveur de la littérature orale. Grace à leurs travaux, ils ont pu démontrer la préexistence de cette dernière par rapport à la littérature écrite. Ils ont établi avec force d’arguments que la première sert nécessairement de fondement à la seconde2. Ce que Valéry traduit en ces termes : « longtemps la voix humaine fut base et condition de la littérature. C’est la présence de la voix qui explique la littérature première ». 3 L’oralité puise son existence de la tradition, elle-même vivante, mouvante, changeante, évolutive et progressive. Elle a pour moteur fondamental la mémoire collective. Dans ce qui suit, nous allons tenter d’aborder un pan de cette oralité, et nous allons nous intéresser aux devinettes Kabyles comme patrimoine oral et genre littéraire. En effet, en sus d’élever leurs enfants, entreprendre la famille, faire manger le bétail, s’occuper du labeur des champs, organiser la vie villageoise et organiser les affaires de TajemaƐt, les Berbères en général savaient s’amuser.4Parmi leur passe-temps favori raconter des histoires, des contes, réciter des poésies, dire des proverbes et jouer aux énigmes ou aux devinettes. Si pour certains ce n’est qu’un passetemps anodin, pour la culture Berbère, ce loisir représente l’école de la vie et la pratique du terrain. Tout comme il constitue pour les gens avertis un immense terreau littéraire oral. « Les berbères connaissent un si grand nombre de contes que si l’on prenait la peine de tous les mettre par écrit, on réaliserait des centaines de volumes » disait Ibn 1 Jourdain-Innocent Noah, De la littérature orale négro-africaine et de ses chances de survie, Etudes littéraires, vol. 7, n° 3, 1974, p. 349-367. 2 Jourdain-Innocent Noah, OP. cit. p. 3 Citation empruntée à M. Houis. Cf. Anthropologie linguistique de l’Afrique Noire. P.U.F., 1971. P. 48. 4 Drifa KHALFA, 400 Devinettes Kabyles. [57] Khaldoun, historien et sociologue du XVème siècle.1 Léo Frobenius, déclarait lui aussi, « ne point connaître de littérature orale plus fertile en richesses inattendues et surprenantes que celle des Berbères ».2 De prime abord, nous allons exposer la ou les définitions relatives à la devinette, les différentes appellations données en Kabylie et dans le reste du monde berbère, tout comme nous n’oublierons pas de mentionner ses conditions ainsi que les éléments qui la compose. Comme deuxième étape, nous allons tenter de traiter la devinette Kabyle en tant que genre littéraire oral. Enfin, nous terminerons notre exposé en avançant quelques causes de son inexorable déclin et quelques propositions d’exploitation des devinettes Kabyles en classe de berbère afin de les sauver de l’oubli. En résumé, notre défi sera d’essayer de répondre aux questions suivantes : 1/ Qu’est-ce que la devinette ? 2/ Quelles sont ses autres appellations en Kabylie et dans le reste du monde Berbère ? 3/ Quelles sont les conditions de la devinette Kabyle ? 4/ Pourquoi et comment est-elle considérée comme genre littéraire oral ? 5/ Pourquoi le sentiment de déperdition (Les causes du déclin) ? Mots clés : Devinette, énigme, oralité, culture, Kabylie, définition, appellation, genre, littérature, rythme, rime, mélodie et pédagogie. 1- Qu’est-ce que la devinette ? 1 2 Slane : Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, Alger 1852. L. Fobenius, Les contes Kabyles, T1, Edisud 1995. [58] « La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée ». Cette boutade attribuée à Talleyrand, qui n’a fait que la reprendre sur Molière et Voltaire, pour ne citer qu’eux, s’applique si bien à la devinette qu’il semble opportun de la placer ici en épigraphe. Si l’énigme en kabyle s’appelle timsaεraqt, c’est parce qu’elle égare : le verbe dont elle dérive, eεreq, signifie, en effet, ‘’être égaré, dérouté, détourné, fourvoyé’’, la forme en –s étant la forme active et factitive du verbe ‘’ égarer, faire égarer...’’ C’est la même signification qu’en français où le jeu de l’énigme est appelé aussi devinette. L’énigme, dit Le Robert, est : ‘’(Une) chose à deviner d’après une définition ou une description faite à dessein en termes obscurs, ambigus’’ et, au sens général ‘’ce qu’il est difficile d’expliquer, de connaître’’1 Quant au Gradus, dictionnaire des termes littéraires, il envisage l’énigme sous plusieurs angles : celui de l’allégorie et de l’oracle (il cite les pythies), celui du roman policier, celui du jeu de société sous la forme de la devinette : bien que chacun de ces types présente des particularités, ils sont tous placés sous le signe de l’obscurité ou pour reprendre l’expression de Quintilien de ‘’l’allégorie obscure’’.2 L’opacité fondamentale de l’énigme a déjà été mise en exergue par Aristote qui la définit ainsi : ‘’Le principe de l’énigme, c’est de dire des choses réelles, par des associations impossibles’’3 Aristote cite à l’appui de sa définition la fameuse énigme des ventouses : ‘’J’ai vu un homme couler du bronze sur un homme avec du fer’’. Il faut exclure l’idée qu’il ne s’agit ni d’un mensonge (parce que le mensonge est un discours contraire à la vérité) ni d’un fait réel, 1 Dictionnaire Le Robert, Edition 2004, p. 891 B. Dupriez, Gradus, dictionnaire des procédés littéraires, Paris, éd. 10/18, 1977, p.177 3 Poétique , Revue de théorie et d’analyse littéraire, N° 45, éd du Seuil, Paris 1981, p.36. 2 [59] comme une scène au cours de laquelle on torture un homme, en lui collant sur le corps du bronze avec du fer fondu, ni encore d’un rêve, le rêve autorisant les faits les plus extravagants. La signification de l’énigme ne se trouve pas dans sa littéralité mais dans son dispositif rhétorique. C’est ainsi que dans l’énigme des ventouses couler du bronze sur un homme, en utilisant du fer signifie poser des ventouses, c'est-à-dire des objets en forme de verre ou de cloche dans lesquels on fait le vide, en allumant du feu, et qu’on pose sur le corps pour provoquer une révulsion qui détend les muscles froissés. Si aujourd’hui les ventouses sont en verre, elles étaient, autrefois, en fer. L’énigme est souvent assimilée à un jeu : ‘’L’énigme n’est guère autre chose qu’une devinette. Contrairement au logographe, à la charade et au rébus où l’esprit est soutenu et guidé par des définitions, l’énigme doit être trouvée en partant d’un texte aussi obscure et inattendu que possible dont elle est le sujet principal.’’1 L’énigme est un jeu mais c’est avant tout un jeu de langue ou, mieux, un exercice de langue opérant à la fois sur les différents registres de la langue (phonétique, syntaxique, lexical, sémantique) et de la connaissance (Contexte et situation) (Connaissance du monde physique qui nous entoure, des objets usuels utilisés quotidiennement, des savoirs : rites, traditions, us, habitudes et coutumes). Elle joue sur les signes et les symboles et révèle les ressources insoupçonnables de la langue pour décrire les choses les plus simples, voire les plus banales : aεeqqa uzemmur n’est pas seulement une olive, c’est akli iɛelleq si tmiṫ, ‘’un esclave noir pendu par le nombril’’, L’arbitraire des définitions n’est qu’apparent mais quand on procède à une analyse des définitions, on découvre qu’il y a toujours une pertinence dans la sélection des termes : on ne retient pas les sèmes habituels qu’on utilise pour la définition des mots, mais des caractéristiques secondaires. Ainsi pour azemmur, “ olive ’’, ce ne sont pas les traits ‘’fruit comestible’’ et ‘’fruit donnant de l’huile’’ qui sont retenus mais “couleur noir’’ et “pédoncule’’, traits qui inspirent l’esclave noir et la suspension par le nombril. 1 Cl. Aveline, le Code des jeux, cité dans le Gradus, p. 178 [60] Parce que jeu de langue, l’énigme kabyle est aussi un genre littéraire, voire un genre poétique : il y a d’abord les sonorités, toujours cherchées pour créer une certaine émotion, il y a ensuite et surtout les images, qui puisent à un fonds de représentations et de symboles, parfois universels (les âges de l’homme, par exemple, représentés par la bête qui marche le matin à quatre pattes, à midi à deux et le soir à trois), souvent rattachés à la culture berbère, culture étant prise ici au sens général de savoirs, d’habitudes, de comportements sociaux et religieux, de productions symboliques. Ainsi, l’énigme suivante sur le défunt : Yuγ luḍu, ur yeẓẓul ara, Yelsa ur d yeğği ara, Iṛuḥ ur d yuγal ara. Fait allusion ici au rituel de préparation du défunt : ablutions et costume mortuaire, taillé dans le linceul, qui est un rituel musulman. On peut citer aussi, sur le même thème, l’énigme suivante : Yiwen iniγem, Yeççur takufit. Ici, il est fait allusion à la tombe, un type de tombe particulier au monde berbère : la bazina, une fosse recouverte d’une dalle et surmontée d’un tumulus de terre, qui évoque justement la jarre de terre au ventre bombé pour conserver les figues sèches. Certaines énigmes font référence à un contexte si précis qu’il devient difficile, même pour un berbérophone qui ne connaît pas ce contexte, de les déchiffrer. Il s’agit des énigmes qui font référence aux objets ou aux institutions anciennes, que les jeunes générations ne connaissent pas ou connaissent insuffisamment. Mais heureusement, toutes les énigmes ne sont pas aussi impénétrables : l’obscurité n’est pas sociale ou culturelle, elle est d’ordre linguistique et logique, même si, dans sa formulation, elle semble défier les lois de la logique : l’olive définie comme un esclave noir accroché par le nombril ne paraît incompréhensible que lorsqu’on l’énonce, une fois la solution donnée, les rapprochements paraissent évidents et surtout logiques : olive noir/ esclave noir, nombril/pédoncule. Il suffit de connaître le code de construction des énigmes pour pouvoir les déchiffrer, du moins tenter des solutions : [61] ainsi, on sait qu’un être humain (un Noir) ne représente pas forcément un être dans la solution, ni une chose une chose : on jouera sur les traits de sens secondaires, tels la couleur, la forme, l’usage, pour parvenir au sens. Nous disposons aujourd’hui de plusieurs corpus d’énigmes berbères et même kabyles mais peu d’études ont été consacrées à ce genre littéraire, considéré comme mineur, voire tout juste bon à meubler les réunions amicales. En réalité, l’énigme est un mode d’expression –peut-être le plus ancien dans les cultures humaines : il pousse l’homme à s’interroger sur les mots et les choses, à envisager entre eux des rapports autres que ceux qu’on emploie habituellement, à exploiter les ressources de la langue. Ce genre peut s’avérer un excellent outil pédagogique pour faire prendre conscience des procédés d’expression mais aussi pour s’approprier des savoirs traditionnels que l’on veut, dans un monde submergé par la technique, inculquer aux jeunes générations. Dans le cadre du berbère, l’énigme peut servir de point de départ à des exposés sur les institutions traditionnelles, la famille, la place de la femme, le travail et les tâches quotidiennes, le calendrier agraire, les conceptions sociales, morales et religieuses. Il ne s’agit pas de rejeter les savoirs modernes pour glorifier ces savoirs traditionnels mais de transmettre les expériences et les connaissances du passé, qui constituent ce patrimoine immatériel dont on parle tant depuis quelques années et qui constitue notre héritage culturel. 2 - Quelles sont ses autres appellations en Kabylie et dans le reste du monde Berbère ? [62] 2.1-Dénominations 2.1.1. En Kabylie Dans la région où nous avons relevé notre corpus, le nom le plus répandu de l’énigme est tamsefrut, pluriel timsefra. . C’est le terme que donne aussi Dallet, mais à la forme masculine : amsefru, pluriel imsefra1. Le mot est rattaché au verbe efru qui signifie ‘’être réglé, terminé, résolu. Régler, terminer, résoudre’’, il a pour dérivés des verbes comme ssefru ‘’exprimer, démêler, spécifier’’, myefru ‘’s’arranger, conclure, terminer réciproquement une affaire’’, msefru de même sens, des noms comme asefru ‘’couplet, poème, devinette, énigme, explication d’un rêve’’, amsefru ‘’devinette’’ et tufrat ‘’solution, conclusion, paix’’. Une seconde dénomination, est timsaεraqt, que nous avons cité dans l’introduction et qui est, à notre connaissance, le plus répandu en Kabylie. Il provient, comme nous l’avons signalé du verbe eεreq, et signifie, ‘’être égaré, dérouté, détourné, fourvoyé’’ Une troisième dénomination est timsbibbit, pluriel timesbibbay, d’un verbe dérivé sbibb ‘’faire porter sur le dos’’, par référence à la punition infligée par le sphinx, le poseur d’énigme, à celui qui ne trouve pas la solution. Par ailleurs, le mot désigne aussi un jeu d’enfant qui consiste à se porter mutuellement sur le dos. Dans d’autres régions, on trouve, en plus de ces noms, d’autres dénominations : - Tamsalt, pluriel timsalin que Dallet rattache au verbe d’origine arabe, sal’’ demander, interroger, mettre à la question, à la torture’’ (le dernier sens fait allusion au questionnement que le mort subi par l’ange Azrael, la première nuit dans le tombeau). Par ailleurs, tamsalt a aussi le sens de question, affaire, histoire. A la lumière des données touarègues, nous pensons à une autre étymologie du mot tamsalt (voir plus bas). - Tamεayt, pluriel timεayin, mot auquel Dallet donne le sens de ‘’anecdote à sens moral, proverbe, parabole’’, sens que le mot présente dans la plupart des dialectes. Le mot a, par ailleurs un sens figuré : affaire, grande affaire, affaire troublante etc. 1 Dictionnaire kabyle-français, p. 217 [63] - Tamacahuţ, pl. timucuha, employé partout au sens de ‘’conte, fable, histoire en général’’. - Tahağit, pluriel tiḥağiyin, berbérisation de l’arabe dialectal mḥağya, au sens de ‘’conte’’ et, à Alger, d’énigme. Ce mot est le pendant exact de tamacahuţ, dont il partage les significations. Il se retrouve ainsi que nous le verrons plus bas, dans d’autres dialectes berbères. 2.1.2. Dans d’autres régions berbérophones Les dénominations recensées plus haut ne se retrouvent pas dans les autres dialectes berbères, à l’exception du terme taḥağit, marginal en kabyle, mais répandu ailleurs. C’est, en effet, la dénomination que l’on retrouve dans les dialectes marocains du Moyen Atlas, comme c’est le cas chez les Aït Seghrouchen où on emploie tiḥiğa.1. Ce mot se retrouve chez les Chaouias de l’Aurès, sous la forme mḥağia, tamḥağit et au Mzab sous celle de amḥağa. Les Rifains font usage d’une dénomination berbère, tinfas, pluriel de tanfust. Ce mot, rapporté à la racine NFS, est attesté dans plusieurs dialectes, avec des sens plus ou moins proches : - Tanfust, pl. tynfas ‘’histoire, légende, récit’’ sennefs ‘’raconter des histoires, faire des récits’’ (Touareg Iwlamedden et Ayr). - Tanfust, pluriel tinfusin ‘’conte, légende, fable’’ (Ouargla, Mzab). - Tanfust, pluriel tinfusin ‘’conte, histoire’’ (Rifain). - Tanfust, pluriel tinfas, tanfusin ‘’histoire’’ (Chaouia)2. L’emploi de tanfust pour l’énigme éclaire celui de taḥağit : les deux termes ont le sens premier de ‘’conte, légende’’ et c’est par extension de sens qu’ils sont employés pour l’énigme, qui comporte aussi une forme de narration. Le terme tanfust étant tombé en 1 A. Ardouz et F. Bentolila, Devinettes des Aït Seghrouchen d’Oum Jeniba (Maroc), in Devinettes berbères, sous la direction de F. Bentolila,, CILF, 1986, p. 76. 2 M.A Haddadou, le vocabulaire berbère commun, thèse de doctorat d’Etat de linguistique, 2003, glossaire des racines berbères communes, p. 145 [64] désuétude, il a été remplacé par l’emprunt qui présente le plus d’analogie avec lui : mḥağya de ḥaia ‘’raconter, dire un conte, faire, dire des énigmes’’ En tachelhit, Destaing a cité bien quelques verbes signifiant ‘’deviner’’ : ferk, sellek et qaf, tous empruntés à l’arabe, et des noms pour devin : inqqifi et agezzan, mais pas de mot pour devinette ou énigme1 Cette absence d’un terme pour ‘’énigme’’ est confirmée par Chadia Berkaoui, dans l’introduction à sa collecte d’énigmes du Souss : ‘’ Le correspondant du vocable ‘’devinette’’ en tachelhit pose un problème. Certains affirment que c’est umiyn (masculin pluriel sans singulier), tout en précisant que ce terme est polyvalent car il réfère à deux genres différents : la devinette et le conte. D’autres considèrent ce terme comme spécifique au conte. Alors, la devinette, qui n’est pas dotée d’une signification particulière, est identifiée uniquement par la phrase introductive qui lui est spécifique, à savoir : bbalḥ ak tt inh ur ak tt inn mmalḥ, littéralement : ‘’verbe, à toi, la, vers là-bas, je montre’’. Le verbe bbalḥ n’existe pas en dehors de cette phrase. Dans d’autres régions du Sous, le verbe utilisé est ggalḥ, qui a le sens de ‘’je jure’’ dans la langue courante. Il s’agit peut-être d’une transformation gg-bb-. Cette phrase peut être traduite ainsi : ‘’je te la pose, je ne te la dévoile pas’’. Ainsi, cette phrase peut servir à désigner la devinette, surtout dans le langage des enfants. On dira alors : ackid ad ntgga umiyen ‘’viens, on va dire des contes’’, ackid ad ntaga bbalḥ ak tt inn ‘’viens, on va dire des devinettes’’.2 2.1.3. Dans le monde touareg Comme ailleurs, les Touaregs utilisent plusieurs termes pour désigner l’énigme, selon les régions et les parlers (Ahaggar, Ayr, Ghat etc.). Cependant, de la variété des dénominations, il se dégage un terme commun à tous les dialectes touaregs : tunẓart au Hoggar, timzuren et cimzoren au Mali et au Niger. La dénomination dérive du verbe unẓar qui signifie ‘’poser des énigmes’’. 1 E. Destaing, Vocabulaire français-berbère, étude sur la tachelhit du Sous, Paris, E. Leroux, 1920, p.95 2 C. Derkaoui, Devinettes du Souss (Maroc), in Devinettes berbères, Sous la direction de Fernand BENTOLILA, CILF, Paris 1987, T2, p. 182-183. [65] La particularité, en touareg, c’est qu’on distingue deux formes d’énigmes : l’énigme proprement dite et ce que l’on peut proposer d’appeler devinette. Les deux genres sont distingués par la terminologie mais aussi par la forme et la finalité. Chez les Iwlamedden du Niger, par exemple, on a : Iggi, pluriel iggiten, énigme proprement dite, du verbe aggu ‘’voir, apercevoir d’une position élevée’’, l’énigme se définissant par ce que l’on cherche à distinguer d’autres choses, d’autres propos, c'est-à-dire un sens à découvrir. On annonce son intention de poser une énigme par une formule spéciale : iggiten ! ‘’Ce sont des énigmes !’’. Ou iggiten γas ! ‘’Ce ne sont que des énigmes !’’. - Maslo, pluriel masloten, du verbe esel ‘’entendre’’, et, par extension de sens ‘’dire, apprendre des nouvelles’’’’, la devinette se définissant par ce qui est seulement donné à entendre. La différence entre les deux types d’énigmes immédiatement perceptible à leur structure : est - La devinette comprend deux énoncés, l’un constituant une question (bien qu’au plan grammatical on ne pose pas d’interrogation), l’autre constituant une réponse à cette question. La formule d’introduction des devinettes est meslan meslan ‘’écoutez, écoutez’’. - L’énigme, elle, comporte généralement plusieurs séquences, et elle est toujours dite dans un langage hermétique qu’il est demandé de décoder pour connaître la réponse.1 On ne peut s’empêcher, au plan terminologique, de faire un rapprochement entre le touareg meslo et le kabyle tamsalt : ce dernier pourrait se rattacher non pas à l’arabe sal ‘’interroger’’, comme supposé par Dallet mais au verbe berbère sel ‘’entendre’’. Certes, la devinette ou l’énigme est d’abord une question qu’on pose mais aussi quelque chose que l’on donne à entendre. 1 Sur ces distinctions, voir J. Drouin, Devinettes des Touaregs Iwlamedden Kel Dinnig (Niger), in Devinettes berbères, opus cité, p. 250 et s. [66] 3 - Quelles sont les conditions de la devinette Kabyle ? La devinette kabyle se caractérise par trois critères essentiels : 3.1 Situation de communication : La devinette est un jeu d’esprit qui se pratiquait jadis en Kabylie durant les veillées villageoises, à l’occasion des fêtes et de cérémonies de mariage (tuqna n lḥeni). Tous les convives : hommes, femmes, adultes, vieux, jeunes et enfants y participaient. Les uns se surpassaient en compétence pour poser des devinettes difficiles à résoudre, d’autres se surpassaient en intelligence en proposant des solutions et des réponses adéquates et idoines. C’est un moment particulier de compétence intellectuelle ou chacun a soif de le remporter sur son prochain. Généralement, la réponse à la devinette est le fruit d’un exercice intellectuel basé sur le sens. On peut, pour cela, partir du texte canonique de R. Jakobson, Essais de linguistique générale, où est défini le circuit de la communication : ‘’Un destinateur envoie un message à un destinataire. Pour être opérant, le message requiert d’abord un contexte auquel il renvoie [...] ensuite [...] un code commun en tout ou au moins en partie au destinateur et au destinataire [...] enfin le message requiert un contact, un canal physique et une connexion psychologique entre le destinateur et le destinataire...’’ Ce circuit est ainsi schématisé : 1-contexte 1(a)-F.référentielle 2-destinateur 3- message 4-destinataire 2(a)-F.émotive 3(a)-F.poétique 4(a)-F.conative 5-contact 5(a) F-phatique 6-code 6(a) F.Métalinguistique Chacun de ces six éléments de la communication est à l’origine d’une fonction linguistique différente. [67] Le tableau des fonctions linguistiques est superposable à celui des éléments de la communication, chacun des éléments donnés cidessus correspondant à une fonction : La fonction référentielle, appelée également dénotative, est supposée première parce qu’elle entre en jeu dans la plupart des messages : elle est orientée vers le référent ou ce dont on parle : le monde des objets, les idées, les événements, les références à l’espace et au temps, bref les contextes extralinguistiques sans lesquels un message émis ne serait pas compréhensible. La fonction émotive ou expressive est centrée sur le destinateur ou émetteur du message : elle traduit les attitudes du sujet par rapport à ce dont il parle, ‘’colorant’’ ses propos, par une intonation, un lexique des structures grammaticales choisies. Le pronom ‘’je’’ apparaît fréquemment ainsi des interjections, du type ‘’oh’’, ‘’bien entendu’’ etc. La fonction conative est tournée vers le destinataire ou récepteur que l’on interpelle : elle se traduit, au plan linguistique par l’emploi des pronoms de seconde personne, ‘’tu’’ ou ‘’vous’’ et le recours à l’impératif et au vocatif. Cette fonction est également appelée impressive parce qu’elle vise à faire impression sur le récepteur, en exerçant des pressions sur lui (on cherche à l’influencer, on lui donne des ordres, des conseils etc…). La fonction phatique porte sur le contact, c’est à dire le canal de communication, pour maintenir l’attention du récepteur, rétablir la communication si elle est rompue, bref éviter tout ce qui peut perturber la communication. Ce sont les expressions du type « allô », « dites donc », ou les interjections du type « hem, hem », destinées à retenir l’attention. La fonction métalinguistique est tournée vers le code, c'est-àdire la langue, en donnant la signification de mots ou d’expression qui risquent de ne pas être compris du récepteur. C’est un discours sur le langage. Enfin, la fonction poétique est centrée sur le message, sa visée étant stylistique, c'est-à-dire la manière d’exprimer ses idées, ses impressions ou ses émotions. [68] 3.2 Une forme particulière du discours Si on doit ranger l’énigme dans un genre littéraire on dira d’emblée qu’elle est un genre poétique : toutes ou presque toutes les énigmes de notre corpus sont, en effet, rimées. Or, la rime est l’une des caractéristiques de la poésie traditionnelle kabyle. Il faut ajouter, cependant, que cette caractéristique n’est pas exclusive aux textes poétiques puisque le proverbe, que l’on ne classe pas habituellement parmi les genres poétiques, est, lui aussi, souvent rimé. Le texte de la devinette est caractéristique et facilement reconnaissable car il se distingue par : - Sa forme lapidaire, - Sa forme périphrastique (c’est toujours une définition, donnée comme équivalent du mot à retrouver)1, - Sa disposition en groupes rythmés et/ ou rimés, - Sa rhétorique (emploi de métaphores). 3.3 La devinette comme référent culturel L’énigme est intimement liée au milieu qui l’a produite « Contexte et Situation » : la Kabylie traditionnelle. Appartenant à la littérature orale, donc sans possibilité de repérage précis dans le temps, elles relèvent d’une époque que l’on peut qualifier, suivant la terminologie marxiste de ‘’préindustrielle’’, en tout cas largement précoloniale. .Les références sont celles d’une vie économique dominée par l’agriculture, la nature est abondamment présente, les objets évoqués sont ceux de la vie d’autrefois, aucun objet de la vie moderne (train, voiture etc.) n’étant cité. Il faut supposer que le fusil, timegêelt, cité dans une énigme, est le fusil traditionnel kabyle à pierre. On relève aussi quelques objets manufacturés, comme le miroir et surtout les allumettes, introduites par les Européens (voir énigmes à rubrique : objets). Voici, à partir du corpus que nous avons recueilli, une liste des principaux thèmes. -La nature : Sont évoqués le ciel, l’eau, les éléments naturels, tout ce qui fait l’environnement des montagnards. -La flore : La flore comprend quelques plantes sauvages et 1 Mohand Akli HADDADOU, Introduction à la littérature berbère, HautCommissariat à l’Amazighité 2009, p82 [69] des plantes cultivées. -La faune : Plusieurs devinettes ont évoqué les animaux, domestiques et sauvages, les plus répandus en Kabylie. -Le corps humain : Les différentes parties du corps humain font l’objet d’énigmes. -Objets usuels : beaucoup d’ustensiles comme la lampe, le tamis etc… ont été traité dans des devinettes. -Les aliments : Seuls quelques aliments sont évoqués : le pain, le miel, l’œuf... en fait, il s’agit de produits ayant une valeur symbolique et que l’on utilise dans des expressions figées (d aéidan am tament ‘’doux comme le miel) ou alors dans des images (fareémellal ‘’jaune d’œuf’’, quantité de nourriture infime). -L’habitat : La maison kabyle dans sa composante et dans ses matériaux, fut l’objet de diverses devinettes. -L’au-delà, la mort : L’importance accordée à la religion et aux fins dernières, transparaît dans quelques énigmes ; Dieu est évoqué à travers un des attributs (en arabe ûûifat) que lui accorde la religion musulmane : l’unicité. 4 - Pourquoi et comment est-elle considérée comme genre littéraire oral ? Dans quel genre situer tamsalt ou timsaeraqt que nous avons traduit en français par énigme, mais que certains appellent également ‘’devinette’’ ? 1 Les usagers de la langue reconnaissent bien un genre ‘’énigme’’, puisqu’ils le citent nommément quand ils veulent s’y adonner : ‘’ad nini timsal, nous allons dire des énigmes’’ ou ‘’a nurar timsal, nous allons jouer au jeu des énigmes’’. Ils le distinguent bien du conte –tamacahup, du proverbe, lemtel, et de la poésie, isefra, mais au plan formel, il est difficile d’établir ses frontières, puisque une énigme peut revêtir l’allure lapidaire d’un proverbe ou la forme d’un poème. Si on doit ranger l’énigme dans un genre littéraire on dira d’emblée qu’elle est un genre poétique : toutes ou presque toutes les 1 C’est le titre générique du recueil Bentolila, Devinettes berbères, de textes réunis sous la direction de F. [70] énigmes de notre corpus sont, en effet, rimées. Or, la rime est l’une des caractéristiques de la poésie traditionnelle kabyle. Il faut ajouter, cependant, que cette caractéristique n’est pas exclusive aux textes poétiques puisque le proverbe, que l’on ne classe pas habituellement parmi les genres poétiques, est, lui aussi, souvent rimé. Ainsi, la rime émaille aussi divers discours : la harangue, le récit religieux, jusqu’ au conte qui comporte des bouts rimés. Faut-il comprendre que la rime est un procédé littéraire, ou, pour être plus précis, une marque du texte littéraire ? Ici, la question reste encore et toujours posée. Pour Henri BASSET « […] leur répétition et leur fixité ordinaire, […] font proprement de ces énigmes un genre littéraire et pas seulement un passe-temps. Elles ne diffèrent pas, à ce point de vue, des autres productions de la littérature orale; elles sont soumises aux mêmes lois de production, de transmission et de conservation… » On remarque ici, que BASSET a utilisé le mot « énigmes » en place et lieu de celui « devinettes». Cependant BENTOLILA, pense (1987 :1-2) qu’«il s’agit bel et bien d’une forme littéraire, d’un genre poétique et non pas d’un simple jeu d’enfants ou d’un exercice intellectuel consistant à résoudre un problème de pure logique» ». Il s’est basé sur les éléments intrinsèques aux devinettes à savoir la structure métrique, les rimes, les assonances etc…(cf. II.2.2.)1 Pour D.AZDOUD et M.PEYRON, « Loin d’être un simple passe-temps, la devinette berbère est considérée comme un genre littéraire à part entière. C’est une forme de poésie où la rime, le rythme, la musicalité et le caractère énigmatique aboutissent dans une sorte d’osmose à un discours littéraire spécifique. Il se différencie des autres genres par la structure qui le caractérise, par les conditions dans lesquelles il naît et s’épanouit et par la fonction qu’il occupe dans la littérature et que les usagers lui ont assignées ».2 1 Cité par Takfarinas BELLACHE dans son mémoire de Magister intitulé : Contribution à l’étude typologique d’un corpus d’énigmes-devinettes kabyles, 2011. P11. 2 E.B., D.Azdoud et M.Peyron, « Devinettes », Encyclopédie berbère, 15/ Daphnitae-Djado, Aix-en-Provence, Edisud, 1995, p.2283-2289. [71] 4.1. Du rôle de la rime La rime se définit avant tout comme un jeu d’homophonie, c'est-à-dire de ressemblance phonique entre deux mots qui se prononcent de la même façon mais qui ont des sens différents (homonymie) ou de parties de mots : c’est de cette homophonie qu’il s’agit généralement en poésie : A yaqcic arras, a yizimer aksas, Wi b$an taqbaylit, ad yisin tira-s. (Chanson d’Idir). Ou dans l’énigme : Agertil mbla lsas, Ur nepruz ur netnevfas, Öebbi fell-as d aεessas. Les mots qui riment sont, comme en poésie, les derniers mots, les phonèmes rimant étant a et s, la rime étant as : lssas, nevfas, zemr-as. Le système des rimes peut être plus élaboré, avec des rimes intérieures qui font écho aux rimes de fin de mots. Ainsi l’énigme de la barbe et des moustaches : Amada$ seddaw n wed$a$, Tizgi seddaw n yifri. La disposition binaire que nous avons adopté pour cette énigme est surtout dictée par le besoin de conserver à chaque vers sa cohésion. En tenant compte de cette ‘’rime intérieure’’ on peut proposer une disposition quaternaire : Amada$, Seddaw n wed$a$; Tizgi, Seddaw n yifri. On n’aurait plus un système à rime unique système à double rime : a$ et –i [72] -a$ mais un 4.2-Qualité des rimes dans l’énigme Selon les énigmes, la qualité de la rime varie de pauvre (un seul phonème rimant), à suffisante (deux phonèmes), à riche (trois phonèmes et à très riche (+ de trois phonèmes). - Exemple de rime pauvre : - Urti yeççur d aôeman, Ur d ksse$, aîas d asawen. rime en n. Exemple de rime suffisante : - Atmaten, d atmanen, Deg wass n lεid ur ppem$afaren. rime en en. Exemple de rime riche : Tabaqit m yewzan, F-ayed ur ersen yizan. rime en –zan. Dans certains cas, c’est vrai, ils sont rares ; les mots riment entièrement, à l’exception d’un phonème, ce qui constitue des paires minimales. Ainsi, la définition de la figue de Barbarie : S daxel tessefraê, Sufella tesseqraê. Tessefôaê,et tesseqôaê ne sont distingués par les phonèmes f et q. Il y a aussi des cas ou deux bouts riment alors qu’un autre est sans rime : Sin igelliden d atmaten, Yiwen iteddu s tafat, Wayev s yemnayen. Les mots rimant sont séparés par un vers qui ne rime pas. Signalons qu’il y a des énigmes qui ne riment pas : Taqecwalt n tmellalin, Tenegdam ur ten$il. [73] Mais il est vrai que ce genre d’énigmes est plutôt rare, la quasi-totalité des énigmes riment. Dans la plupart des cas, les rimes sont plates, c'est-à-dire se suivent, on relève, cependant, des rimes croisées, c'est-à-dire alternant deux par deux. Exemple de l’énigme de la ruche d’abeilles, rimes en abab : Lêess yella, Irgazen ulac, Taêbult tebb°a; Timess blac. Cependant, des fois, on relève des structures rimiques plus complexes. Ainsi, dans l’une des définitions de l’argent (devinette N° 36 du corpus), la rime est en –en, mais dans les deux premiers segments, elle est plus riche : lalaven D iêlalaven, D iblalaven, Sked tammurt ur bb°iven. Dans la définition de la fumée, les deux mots rimant sont ini et igenni, le second étant obtenu par l’ajout d’un phonème, g : l’opposition est donc 0/g, mais dans la chaîne parlée, l’état d’annexion, transforme l’opposition en opposition y/g : yini/ igenni Illul-ed ger yini, Yemdel deg genni. Les énigmes sont composées de deux ou trois vers, mais on en relève de plus longues, notamment quand il s’agit de trouver plusieurs mots. Ainsi, pour la définition du vent, du tonnerre, de l’éclair et de la pluie, on a huit vers rimant en ur : A t-aya bu gennur, S nnefs yeççur, Di ddunit mechur, Anda iεedda teqqur, Bu dderz yemugrit, Bu îiwej yesser$-it, Bu ymeîîawen yeslexs-it, [74] Deffir nsen ooan-d talwit. La longueur a, en principe, pour fonction de multiplier les indices pour faciliter la résolution de l’énigme : mais ici, au contraire, elle semble la compliquer encore plus. En fait, le seul indice qui éclaire, est le segment : S nnefs yeççur, Les énigmes qui ne riment pas sont en général celles qui sont composées d’un seul segment : Aεeqqa yeççur axxam. Ou la suivante : Akli iεelleq si tmiî. Mais en moyenne, l’énigme comporte au moins deux segments, ce qui permet donc l’insertion de rimes. Ikerri amgeêgeê, Skud tamurt ur yengeê. rime en ê. 5 - Pourquoi le sentiment de déperdition (Les causes du déclin) ? Que dire de l’énigme ou de la devinette de nos jours ? Si ce n’est qu’elles sont les seules laissées pour compte. Nous étions tentés de croire qu’avec l’arrivée des divers systèmes numériques et technologique, ce genre de littérature connaitrait son apogée, mais hélas nous fûmes vite déchantés. La radio, la presse, l’édition, la télévision, la parabole, le portable, le micro-ordinateur, l’appareil photo digital et surtout enfin la tablette ; tout cet arsenal moderne qui devrait être utilisé à bon escient pour le bien du savoir, la culture et de la civilisation, se retrouve détourné de sa vocation fondamentale pour sombrer dans des utilisations futiles, dévoreuses de temps qui au lieu de servir son maître, le rendent addict. Les énigmes ou les devinettes furent autant en honneur en Kabylie que les contes et les proverbes. La pratique de ces jeux d’esprit faisaient parties des longues soirées d’hiver du temps ou les foyers campagnards et montagnards ne connaissaient ni radio, télévision ou autre média moderne pour embellir leurs veillées interminables autour du feu qui se voyait le centre le plus choyé ou se [75] rassemblaient les enfants, les filles, les femmes et tous les hommes de la famille. Dans les maisons aisées, même les voisins sont conviés et font partie de ces rencontres fraternelles, chaleureuses, et cordiales ou les liens se nouent et se dénouent au gré des contes et devinettes. Ce trésor oral, littéraire et social, est la mémoire vivante de chaque individu, chaque famille, de chaque village. Il est gardé jalousement par les anciens (les vieux et surtout les vieilles). Il est distillé au compte goute par des orateurs qui diffusent leur savoir savamment, et une énigme devinée valait au vainqueur honneur, considération, distinction et respect. Notre premier souci majeur est de préserver ces devinettes, les collecter, les transcrire, les analyser et les sauvegarder. La vie moderne ne cesse de prendre le dessus et tout un pan de notre civilisation (Kabyle) est en train de disparaître et de fondre sans laisser de trace comme fond la neige au soleil. Il y va de la pérennité de ces devinettes. Du fait qu’elles ne sont plus utilisées, elles disparaissent. Pourtant les moyens technologiques de préservation ne manquent point. Mouloud Mammeri a dit dans ce sens : «Il était temps de happer les dernières voix avant que la mort ne les happe ». Le père de Youcef Allioui l’a si bien illustré en disant à son fils (Youcef) « Ecris ce que tu peux en kabyle, tes enfants le trouveront »1. Son ami (l’ami du père d’Allioui) Muḥend Qasi, a abondé dans le même sens, affirmant et parlant toujours de Mouloud Mammeri : qu’ «un savant (et sage) digne de ce nom est celui qui écrit dans sa langue». Du point de vue socioculturel, les devinettes Kabyle sont très caractéristiques de la société Kabyle. Les Kabyles, gens de la campagne et de la montagne, vivent en contact permanent avec la nature, les bêtes et les animaux domestiques. Il fût un temps où ils ont partagé avec ces animaux familiers le logis et les travaux des champs. Ce mode de vie rural a influencé considérablement les thèmes entrepris dans les devinettes. Les mots constituant notre corpus sont le reflet de ce mode de vie. Ils sont le miroir de cette société. Mais, même si elles sont encore d’actualité, une question se pose : pour combien de temps encore ? Enfin pour préserver la langue, il faut un travail de mémorisation de ces formes simples, de ces formes brèves. La 1 Allioui Youcef, Timsal, Enigmes berbères de Kabylie, Paris, l’Harmattan 1990. [76] question de survie de ce jeu de langue séculaire se ramène à un problème de conscience, comme l’a noté A. Basset : « il faut que les sujets-parlants-aient la volonté de maintenir leurs langues ».1 Donc pour les sauver de l’oubli, il y a lieu de les étudier, de les enseigner, de les inclure dans des programmes radiophoniques et télévisuels, les rendre d’actualité dans les soirées et veillées familiales, les remettre au goût du jour dans les fêtes, les cérémonies et les mariages. Tout comme il est possible d’organiser des concours des meilleurs orateurs de devinettes, de champions en réponse ou tout simplement organiser des festivals de devinettes à l’instar des festivals de chansons et de poésie. Rien ne parait impossible, par moment il suffit d’une idée, de la volonté, de l’ambition et un zeste de courage et d’audace, le fruit viendra de lui-même. Les utiliser dans l’enseignement revêt donc un double intérêt : enseigner les devinettes et avec les devinettes. Enseigner les devinettes, c’est les préserver de l’oubli et de l’extinction. C’est la meilleure forme de sauvegarde de ce patrimoine littéraire millénaire. Enseigner avec les devinettes, c’est développer une nouvelle forme de pédagogie à l’instar des enfants qui vont beaucoup apprécier. En même temps c’est une nouvelle méthode d’enseignement tout en jouant (le jeu est fondamental dans la nature des enfants), tout en redécouvrant le savoir et la culture ancestraux. 1 Basset.A, « l’Avenir de la langue berbère en Afrique du nord », In Entretien sur l’évolution des pays de civilisation arabe, Centre d’Etude de Pratiques Etrangères », Paris, 1938. [77] Bibliographie • ALLIOUI, Y, Timsal, énigmes berbères de Kabylie, commentaire linguistique et ethnolinguistique, Paris, L’Harmatan, 1990 • AGHALI-ZAKARA, M, Devinettes touarègues (Mali, Niger), in tome 2 de Devinettes berbères, sous la direction de F. Bentolila, opus cité. • AMRANI, F, Devinettes des Aït Seghrouchene d’El Mera (Maroc), in tome 1 de Devinettes berbères, sous la direction de F. Bentolila, opus cité. • ARDOUZ, A, et BENTOLILA, F, Devinettes des Aït Seghrouchen, in tome 1 de Devinettes berbères, sous la direction de F. 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Or la projection du cadre théorique occidental et plus particulièrement français n’est pas toujours évident, surtout que la poésie amazighe en tant que littérature orale, confond parfois musique, chant et danse, dont la performance et les procédés d’exécution tiennent une place primordiale pour que le texte soit une œuvre poétique. Dans la région du Rif, le nom qu’on donne souvent à cette poésie est izri, pluriel : izran. Souvent des distiques chantés lors de différentes festivités collectives, ou récités hors des cérémonies, lors des tâches quotidiennes de la communauté. 1 Il fallait attendre l’année 1845 pour la publication proprement dite du premier texte amazighe en Europe. Cette année même « Un éditeur parisien lithographie la copie que Jacques-Denis Delaporte a fait exécuter sous le titre « S’aby ou le dévouement filial. Qasydah ou poème en langue amazigh, autrement dit Chleux, Berbères ou Kabyles » le texte en caractères arabes figure avec une transcription en caractères latins, une traduction interlinéaire et une « traduction » libre dans Specimen de la langue berbère. » P. Galand-Pernet, La littérature berbère : des voix des lettres, Paris : PUF, coll. « Islamiques », 1998, p. 13. [81] Dans notre communication, différentes réflexions seront menées : existe-t-il de sous-genres d’izran ? Lesquels ? Dans quelles circonstances sont-ils produits ? Quelles sont les caractéristiques formelles et thématiques qui les distinguent ? En plus d’izran, y en at-ils d’autres sous-genres poétiques ? Quelles sont leurs spécificités qui les distinguent d’izran ? Cette communication va essayer d’apporter quelques éléments de réponse, et de mener des réflexions autour de cette problématique peu traitée par les chercheurs. Pour ce, notre contribution sera focalisée sur deux axes : dans un premier temps nous allons voir qu’on est-il de la recherche sur la problématique du genre poétique amazighe en général, dans le deuxième volet nous allons essayer de voir quelque sous-genres poétiques au Rif. I- Problèmes de terminologie générique Dans cette partie, nous allons mettre l’accent sur la terminologie liée à la poétique amazighe, nous remarquons à propos de ce sujet une hétérogénéité des concepts qui est due à deux raisons : * Absence d’une tradition critique institutionnalisée qui traite de la poétique amazighe ; * Insuffisance d’études universitaires poussées à propos de la poétique amazighe. Notre dessein est d’essayer de pallier ce problème, en apportant un ensemble d’éclairages sur la poésie orale rifaine. Tout d’abord, nous esquisserons ce qui a trait à la terminologie poétique dans d’autres régions du Maroc et de l’Algérie. Les outils de l’analyse poétique diffèrent d’une région à une autre, mais le chant et la poésie sont inséparables2. Néanmoins, nous avons plusieurs termes qui définissent la poésie à partir du thème et de la forme. Par exemple : Llàa, tazrart, tamawayt, tamewwact, tameddaít, tamedyazt, tamelkazt, tamelyazt, 2 « Le nom générique de la poésie reste très flou. Selon les régions, on dispose de vocables multiples d’autant plus que la poésie est indissociable de la musique, du chant et de la danse. » A. Bounfour, Introduction à la littérature berbère : 1. La poésie, Paris-Louvain : Peeters, 1999, p. 11. [82] tayeffart, tazŸayt, taàyult, taneccadt, takezzumt, urar, izlan, arasal, lemsaq, asalaw, tasukant, ledkar, leíwal et ahellil.3 Si, dans le parler chleuh, nous avons avec plus de fréquence le terme « amarg », le tamazight « connaît deux termes ; tamedyazt, désigne la poésie mais aussi un genre de poèmes alors que awal amazià désignerait la poésie en général. »1 En Kabylie, le terme le plus fréquent est asefru, qui désigne un type poétique distinctif et la poésie en général : « L'asefrou est un poème à forme fixe, qui, ainsi que Mouloud Feraoun l'a justement noté, rappelle le sonnet. Il est formé de trois strophes (taseddart) semblables de trois vers (tafirt) chacune. Le 1er et le 3e vers de chaque tercet ont sept syllabes, le second en a cinq. L'asefrou est bâti sur deux rimes (amsada): une pour le dernier vers de chaque strophe, et une pour tous les autres. »5 En ce qui concerne la terminologie poétique, Bounfour arrive que : « … certains termes désignent à la fois la poésie en général et un genre poétique spécifique (asefru en kabyle, tamdyazt en tamazight et amarg en chleuh). »6 Nous constatons que l’auteur ne parle pas de la terminologie rifaine en la matière où le terme générique de la poésie est izri. Notons que ce terme n’est pas spécifique au Rif mais il est aussi présent dans d’autres régions de l’Afrique du Nord. 3 El. Moujahid, « Amarg », Mémorial du Maroc, T. 2, 1989, pp. 667-673. A. Bounfour, op. cit., p. 17. 5 M. Mammeri, Les isefra, poèmes de si Mohand-ou-Mhand, Paris : François Maspero, 2ème éd, 1972, p.79. 6 A. Bounfour, op. cit., p. 18. 7 Pour les études menés par des Espagnols la seule étude que nous connaissons et celle de E. Blanco Izaga, Las danzas rifeñas publié en 1946. A part cet article, un grand nombre d’études sont consacrée à la géographie, aux structures tribales, à l’histoire des guerres contre les Rifains, etc. La littérature orale est peut mentionnée. 4 [83] II- y a t-il des sous-genres poétiques au Rif ? Tout d’abord, il est à signaler que contrairement aux autres régions, où on trouve plus ou moins beaucoup de recherches sur la tradition orale amazighe, ces différentes études menées par des militaires et des interprètes français, la poésie orale rifaine n’a pas suscité la curiosité de ces chercheurs ; peut être que cela est liée que cette zone n’a pas été occupé par la France. Rares sont les recherches qui traitent cette production littéraire7. Force est de noter que des études considère que cette poésie est de qualité inférieure en comparaison avec d’autres régions. C’est par cette constatation que commence Biarnay son article sur les chants populaires du Rif : « Les productions poétiques des Rifains semblent être de qualité notablement inférieure à celles des Berbères du Moyen Atlas et à celles des Chleuhs du Grand Atlas et du Sous, dont MM. Basset, Boulifa, Luciani, Johnston et Justinard nous ont donné des aperçus. Nous avons pu recueillir une soixantaine de morceaux provenant d'informateurs divers, hommes et femmes, originaires des tribus rifaines des Thamsaman, des Aith-Ouriar'en et des Ibeqqoïen (6). Dans aucun d'eux nous n'avons trouvé les qualités littéraires et la richesse d'inspiration qui sont les caractéristiques des poèmes du Sous ou des Ah'idous (7) de l'Atlas. Les chants du Rif paraissent, en outre, n'avoir jamais une grande étendue.»8 Sur quelle étude se base-t-il pour avancer une telle constatation ? Sur quelles statistiques peut-il baser son constat ? La réception étrangère de la tradition orale au Rif passe par l’imprécision : ce territoire demeure fermé à l’occupant français jusqu’à 1926. 1. Izri : genre poétique général Au contraire des autres régions où ils existent plusieurs dénominations pour définir les sous-genres poétiques, le terme le plus utilisé pour désigner la poésie au Rif c’est izri. Il s’agit de poèmes courts, chantés en général. Pour l’étymologie du mot, les avis divergent, mais ce terme est lié principalement à la poésie9. Ce terme 8 S. Biarnay, « Notes sur les chants populaires du Rif », Les archives berbères (1915-1916), Fasic I, 2ème Edition, Rabat : Al Kalam, 1987, p. 26. 9 « On en reste encore au stade de l’incertitude quand on veut proposer un étymologie pour les différents termes dont le radical présente une séquence zl et qui ont un rapport avec la poésie. Pour cette recherche qui reste à poursuivre, on ne peut que renvoyer au seul point de départ fiable, le travail de K. G. Prasse. Quel est le rapport entre ëhël « attarder, divertir, entretenir, retenir », ahâl « réunion galante » [84] n’est pas attesté seulement au Rif, mais il est présent dans d’autres régions amazighophones sous le nom d’izli10. Cette forme poétique est alors panamazighe. Elle est propre à sauvegarder la mémoire de tout un peuple11. Comme nous l’avons notés, izri est le genre prédominant au Rif. Pour exprimer la production de cette poésie,on dit aussi « tirarent izran » (elles jouent de la poésie, elles chantes) , « ttawin-tt-d izran xef fran » (litt. elles chantent pour quelqu’un) cette dernière expression est utilisé surtout quand les poétesses prodiguent des louanges à quelqu’un. Au Rif, les femmes sont derrière la création poétique en tant que sujet tout comme elles le sont en tant qu’objet de la poésie. La féminité organise les vers et les verses dans la recherche du beau ; le point de vue redoublé d’une sensibilité forte y prédomine. Ces créations poétiques animent la vie de la société, elles sont présent lors des différentes tâches quotidiennes des femmes, mais reste que les célébrations collectives, surtout les fêtes de mariage sont l’occasion idéale de la composition poétique. Les études avancent : de jeunes gens « libres » des deux sexes, où se récitent des poèmes (Hoggar), et äzlu « distraire, divertir », verbe auquel le lexique de Ghubäyd et Prasse rattache ezäle « chant, chant de danse » (Niger ; Aïr, Iwellemmeden), ce dernier terme étant une variante du izli des parlers du Nord et n’étant pas attesté au Hoggar ? » P. Galand Pernet, op. cit., p. 52. 10 T. Yacine, L’izli ou l’amour chanté en kabyle, Paris : Edition de la maison des sciences de l’homme, 1988. « À l’origine la racine zl a probablement servi à désigner le chant. Cette acception n’est guère demeurée qu’en nefousi où zli veut dire chanter et en mozabite izli (pl. izlan) signifie poème. » (p. 15) C.-Motylinski, Adolphe de, Le dialecte berbère de R’édamès, Paris : Ernest Leroux, 1904 « Dans le parler de Ghadames et Nefousa de Lybie on trouve le terme azali/izli qui signifie chant, le verbe ezli, izli pour chanter. » (p. 140) « Chanter, ǝdyǝz ; cf. ǝdyiz, n.v adiaz, Sokna ; diz à Ghadamès signifie « danser », et ǝzli « chanter » comme à Nefousa » » E. Laoust, Siwa. I Son parler, Paris : Ernest Leroux, 1931, p. 211. 11 « Aujourd’hui, l’étendue de l’aire de diffusion, la comparaison des sens attestés et des usages comme on le verra ci-dessous, peut-être aussi la forme du pluriel permettent de penser qu’on a à faire à un type ancien ; et c’est probablement un des éléments les plus importants de la poésie berbère. » Paulette Galand Pernet, Op. cit., p. 52. [85] « Le nom d’izran est donné à des morceaux de compositions diverses qui sont chantés ordinairement en public aux fêtes de nuit données à l’occasion des mariages. On distingue ceux qui sont chantés par les hommes et ceux qui sont chantés par les femmes ou les jeunes filles. Tous, d’ailleurs peuvent être répétés en dehors de ces manifestations publiques. »12 Lors de ces occasions, le duel poétique prend sa place, les jeunes filles du même clan ou des autres se concurrent pour créer des vers instantanément : A cem teswid atay, a necc swià aman Ffeà àar remraí ad nåar wi àa yarnan! Toi tu as bu du thé, moi j’ai bu de l’eau Sors à la cour pour voir qui va vaincre ! Cette production poétique confond parfois chant et danse. Samuel Biarnay intitule son article par chants populaires, et non pas de poésies populaires. D’où la remarque qu’izran sont souvent liés aux chants. Il distingue entre izran composé par des femmes qui porte le nom de rehwa leur sujet est l’amour et ceux composé par les chioukh/imedyazen qui porte le non de reârur, qui sont des pièces satirique13. D’une manière générale, l’izri au Rif est une composition poétique souvent de deux vers enfermant une rime interne ou en fin d’hémistiche et disposant d’un sens complet. Le travail de la forme est alors primordial par rapport au contenu à développer. L’izri qui est souvent un distique de deux heptasyllabes et de quatre hémistiches signifie par extension toute la poésie chantée souvent par les femmes. La question qui se pose, peut-on distinguer entre des sousgenres d’izran ? La thématique est-elle un critère de définir izri en sous-genre ? Répondre à cette question n’est évident. Cela nécessite des années de recherche de terrain dans les différents villages et tribus 12 S. Biarnay, Op. cit., p. 30 « On distingue deux genres principaux d’izran : les pièces qui ont particulièrement l’amour pour sujet prennent le nom de rhoua : les pièces satiriques, injurieuses ou grossières sont appelles ra’rour. Les femmes composent surtout des rhoua, les chioukhs des ra’rour. » Ibid, p. 32 Nous remarquons aujourd’hui que ces dénominations sont tombées dans l’oubli. 13 [86] et faire des comparaisons, afin de pouvoir délimiter tout les sousgenres poétiques. 2. Ralla Buya Dans les occasions festives, surtout les cérémonies de mariage, izran porte souvent le nom izran n buya, et ce pour les distinguer des autres distiques qui ne respectent pas la mesure musicale: Aya ralla yaral ///// Aya ralla buya Pour l’étymologie du mot, les dictionnaires du Rif14 ne disent rien sur la signification de buya. Mais ce terme est attesté aussi à Ouargla, il signifie « amie, compagne, demoiselle d’honneur dans une noce »15, alors ralla buya veut dire « chère compagne » c’est tout à fait normal car ces vers sont chantés collectivement. Izran n buya sont partagés lors des festivités collectives, surtout les noces. Les filles se rassemblent formant deux rangs de quatre à six, en se mettant face-àface. Ces compositions sont liées aux chants et à la danse, ils sont accompagnés des coups de tambourins16. Les thèmes de ralla buya sont récurrents dans la vie rifaine : ils forment une sorte de commentaire sur les histoires, les espoirs, les aspirations, les frustrations et les triomphes de la vie. C’est un miroir qui reflète le vécu de la communauté17. Ce n’est pas simplement un 14 P. H Sarrionandia & E. Ibáñez Robledo, Diccionarios español-rifeño rifeñoespañol, Edición facsimil al cuidado de José Megias Aznar & Vicente Moga Romero, Melilla: Uned, 2007. Mohamed Serhoual, Dictionnaire tarifit-français, Thèse pour l’obtention de doctorat ès lettres option : linguistique, T. 1, Université Abdelmalek Essaâdi, Tétouan, Année universitaire, 2001-2002. 15 J. Delheure, Dictionnaire ouarguli-français, Paris : Selaf, 1987, p. 37. 16 « Elles [les filles] se présentent par deux dans le cercle des spectateurs en agitant leurs « foulards de soie aux vives couleurs ». Les deux fillettes chantent leur morceau ou leur couplet à mi-voix, accompagnées du bruit des tambourins agités par toutes les femmes de l’assistance. Elles ne chantent pas plus de deux ou trois vers, puis elles regagnent modestement leurs places au milieu des youyous et des coups de fusil. Deux autres fillettes leur succèdent immédiatement sur la scène improvisée pour être ensuite remplacées par un nouveau groupe. » Samuel Biarnay, Op. cit., p. 31-32. 17 D. Montgomery Hart, The Aith Wariaghar of the Moroccan Rif: An ethnography and History, Arizona: Vicking Fund Publication In Anthropology, 1976. «Ay-aralla-buya is a highly symbolic if equally highly fragmented, theme running through most of Rifian life, and in its way it is a commentary on Rifian history, hopes, and aspirations. In their emphasis on both the frustrations and the triumphs of [87] trait culturel, mais une tradition sociale qui a un trait institutionnel. La tribu qui ne chante pas ralla buya n’est pas considérée comme étant rifaine18. Ainsi, cette coutume, propre aux tribus rifaines et de tradition millénaire, est très productrice. Izran n buya sont souvent sous formes de distiques. La fille qui est incapable de chanter ralla buya est mal vu par les autres, elle peut même être méprisée comme le montre l’izri suivant : Qqen aqemmum-nnem a teqqn-am-t ict tezra, Aqemmum d ameqqran war issin i rehwa, War issin i reànuj ura i ralla buya! Ferme ta bouche, qu’elle soit fermée par une cordelette La grande bouche qui ne peut improviser des airs, Qui ne sait ni aux chants, ni à ralla bouya. La poétesse tourne en dérision une autre femme car elle ne peut créer des vers de ralla buya. Nous remarquons dans le deuxième vers la présence du terme rehwa, sous-genre déjà mentionné par Biarnay. Ralla buya est chanté surtout pendant les cérémonies festives, surtout les veilles de noces. Alors nous constatons que les procédés d’exécution sont distinctifs dans le cas d’izran n buya. Mais ces distiques peuvent êtres chantés en dehors des festivités. La question qui se pose : comment peut-on distinguer izran n buya d’autre izran ? Est-ce par le mètre ou bien le sujet ou bien les circonstances d’exécution ? day-to-day life and love, the izran couplets, if systematically collected year by year (for they change constantly, and new ones are rapidly invented), would provide the raw anecdotal material for such a commentary. » (p. 169) 18 « Ay-aralla-buya is much more than a mere culture trait, it is an institution: and i can safely be said that any tribe in wich it not chanted or sung is not Rifian. In the west, the Bni Bufrah and the Aith Yittuft, for example, both have it, but the Targuist and the Sinhaja Srir tribs do not. In the east the Iqar’ayen and the Ixibdanen have it, and the transhumants of the Ibdarsen and the Aith Bu Yihyi habe a modified version of it, but the Arabs of Ulad Stut do not. And to the south it is not chanted in either of the Jbalan tribes of the Branis and the Marnisa. » Ibidem. [88] 3. Re²yart n tesrit Pendant la nuit qui précède le départ de la mariée vers le domicile conjugal, la famille du marié rendent visite à la maison de la mariée en apportant avec eux amekri∗. Dans la veille commence le spectacle de re²yart n tesrit « chant de la mariée ». Ce spectacle se déroule de la manière suivante : la mariée accompagnée de ses escortes d’honneur se met sur scène azzarg formant deux rangs de deux-deux ou trois- trois, elles se mettent face-à-face, un rang de la mariée avec ses escortes, l’autre de ses amies. Les groupes dansent d’une façon circulaire de la droite à gauche, izran sont accompagné des coups du tambourin. La mariée chante un morceau ses amies et ses escortes un autre, cela se fait sous forme d’alternance. Ces chants dévoilent son chagrin surtout s’elle est mariée contre sont gré, la douleur de quitter la maison ou il a grandi vers une autre, elle fait ses adieux avec sa famille, etc.19 Ce genre mêle joie et tristesse, les larmes coules par la mariée elle-même ou bien parmi les présents, surtout quand le discours poétique touche les émotions profondes des invités. Necc mri àa Ÿerqeà i wur ad iruba, Aya ta²cart-inu ad àarqen iàarruba! Si je libère mon coeur pour pleurer, Ô ma compagne les bateaux vont s’écrouler! Quant aux escortes, elles prodiguent des louanges à la mariée, elles le patiente et demande à Dieu de bénir ce mariage, elles dénoncent la médisance des gens, etc. ∗ Amekri signifie normalement le déjeuner. Ici, le repas est apporté pendant la journée mais il est consommé la nuit. 19 A ma connaissance la seule étude qui fait mention de ce genre est celle de Lyamani Qassouh, « baâd al ackal a ttaâbiriya dat attabaâ al ihtifali bi qabilat ayt uryaghel bi arrif al awçat -tadwin wa dirasa-», Tawiza, N° 112, août 2006. 20 S. Biarnay apporte un long poème d'une mariée de la tribu de Temsaman, mais selon lui c’est un reârur chanté par une jeune mariée, elle maudit ses parents qui l’ont mariée à un vieillard. Il ne cite pas reâyart n tesrit. Peut être que ce sous-genre n’est connu que chez les Aït Ouriaghel mais lui il n’a pas collecté des poèmes de cette tribu. Cf. S. Biarnay, Études sur le dialecte berbère du Rif, Paris : Leroux, 1917, p. 342. [89] Ralla taslit-nneà war ttru bu ime‚‚awen, Baba-m aqa ixŸar-am ij n wemcan iqaden. Notre chère mariée ne verse pas de larmes, ton père t’a choisie une bonne demeure. Mais si le poème est long porte-il une autre dénomination ?20 Nous remarquons à partir d’exemples ci-dessus que ces compositions poétiques sont aussi sous forme d’izran mais ce sont les procédés d’exécution qui imposent cette dénomination car ile ne peuvent être chantés en dehors de cette manifestation. 4. Taqessist, critère formel imprécis Le terme taqessist21 relève d’une imprécision conceptuelle. Nous pensons que c’est un emprunt arabe, du mot qasida « poème », ce mot est proche de taqsit en kabyle22. Il y’a ceux qui pensent que ce terme n’est apparu qu’aux années soixante-dix du siècle dernier avec le mouvement associatif23 lorsque les jeunes poètes essayent d’ouvrir de nouveaux horizons pour la poésie au Rif, ils choisissent ce terme pour signifier poème plus long qu’izri. Mais lors des longues discussions menées avec les personnes âgées de mon village et avec d’autres chercheurs24, j’ai constaté que 21 Le pluriel est tiqessisin: récit (en prose ou versifié); histoire. Mohamed Serhoual, Op. cit., p. 342. 22 A. Lahlou, « Réflexion sur le neuvain de Si Mohnad U Mhand », Awal, n° 40-41, Paris : édition de la maison des sciences de l’Homme, 2009-2010 « La poésie kabyle privilégie deux formes poétiques : la forme longue du genre taqsit, et la forme courte, principalement le sizain à l’exemple de l’izli ou du dikr. La première, qui peut aller jusqu’à cent vers (…) Réservée habituellement aux récits légendaires, épiques et hagiographiques, le genre taqsit raconte la vie des saints et des prophètes : Abraham, Moïse et Joseph, ou encore sert à narrer les exploits du Prophètes et de ses compagnons (essentiellement les prouesses de son gendre Ali) ; il est le fait de poètes professionnels à la mémoire exercée. » (p. 75-76) 23 Selon monsieur Hassan Tiydrin, le terme taqessist n’est pas utilisé chez les monolingues qu’il a rencontrés lors de la collecte de la poésie orale des tribus Aït Ouriaghel et Ibeqqouyen. La première fois qu’il entend ce terme été lors de sa participation au 1er festival de la chanson populaire organisé par l’association Al Intilaqa Attaqafiya à Nador en 1979. 24 Les professeurs Mohamed Serhoual et Abdessalam Khalafi m’ont confirmé que ce terme été utilisé chez les personnes âgée de la tribu Aït Saïd. [90] ce mot existe dans quelques régions et peut avoir le sens de poème. Mais des fois même si le poème est long il porte le nom d’izran, cela dépend des tribus et même des villages de la même tribu. Or cette production est-il une production spécifique aux imedyazen ? Où bien elle est peut être une production de tout les gens pas spécialement des professionnels. Par exemple taqessist n Dhar ubaran, poème épique qui parle de la victoire des Rifains sur les Espagnols dans la bataille de Dhar ubarran en premier juin 1921. Aujourd’hui, ce terme est utilisé par les poètes pour signifier la production poétique écrite. Ainsi, taqessist se veut une réflexion sur tous les thèmes « modernes ». Les poètes de nos jours préfèrent utiliser ce concept pour désigner poème. 5. Tanna Il y a d’autres termes en relation avec la création poétique, mais qui sont tombés en désuétude. À savoir : tanna, pluriel : tanniwin, qui signifie poème25. Tanna est un poème sans accompagnement musical il peut parler : d’un événement historique ou simplement d’un autre sujet lié à la société. Tanna est plus longue que l’izri, elle évoque un thème précis, par exemple une histoire qui se répète de génération en génération comme le rappel d’un fait historique lointain26. Aya Mulay Muíend, iàra uca yiàis A isàim lebraqi, x tà²urar igelles Isàim Awaryaàer, issen as ad ineyyec Iwta fargata, iàŸer zzays neññ Ijja i¨umeyen, íaca ne‚‚wen zzays Fargata n Uliman, iàaben àar neññ Izlem itt Ubeqquy, iwta xafs leàŸes Min d iksi zi lebraqi, d uqar‚as nnes Min immuten zeg u¨umey a d arruyas nnes. 25 Nous trouvons un terme qui ressemble à tanna en Kabylie. « En kabyle, les dits poétiques, en vers ou en prose, sont des inan. Mais en milieu kabyle, ce dernier mot s’applique de préférence à la poésie sérieuse. » M. Mahfoufi, Chants de femmes en Kabylie, Alger : CNRPAH, 2006, p. 134. 26 La découverte de ce sous-genre poétique est grâce à monsieur Hassan Tiydrin. Selon lui, cette dénomination est attestée chez Itsouliyen de la tribu d’Ibeqqouyen. [91] Ô maître Mohend, comme il est intelligent ? Il posa les canons sur les collines Il désigna un Ouriaghli qui sait bien cibler, Il bombarda le vaisseau, il détruisit sa moitié Il laissa les chrétiens en train de sauter, Le vaisseau de l’Allemagne naufragea à midi, Le Beqqioui l’aperçut et il plongea Il prit tant des bombes et de des balles, Tant d’européens et de chefs sont mort. Ce sous-genre poétique est rare dans la littérature orale, nous n’avons pas pu collecter un grand nombre de ce sous-genre. La question qui se pose y a-t-il un critique thématique pour désigner tanna de taqessist ? Ou bien tanna c’est une simple confusion terminologique. Est-ce la présence de l’épique et de l’historique ? Quelle sont les frontières entre les deux sous-genres ? 6. JemmaŸ-jemmaŸ JemmaŸ-jemmaŸ est dérivé de ajemmaŸ « rive », c’est une poésie satirique am²aqeb spécialement entre tribus limitrophes. Deux membres de tribus rivales se mettent debout au sommet de la montagne frontalière des deux tribus, ou sur les deux rives de la rivière qui les sépare, ils commencent alors à improviser des vers l’un à l’encontre de l’autre27. Nous lisons par exemple : -Araí-d a Ut²mart! Ad c-geà d aŸekkwar. Ak-wceà caraba, u©mas n uneàzar. -Awi-d, a a²effan, ara d ula ²ec¨a, Ad as-geà aíemmar, ad as-sfugeà anexxar, Ad ak-ttejj ayyawen ad ak-dían zi rexwar. -Viens ô homme d’Aït Ammart, je te prendrai pour gendre, Je te donnerai la chienne, sœur de l’amoureux, - J’en veux, ô maudit, j’en veux même dix, Je vais être son portefaix, je vais l’assouvir Elle t’accouchera des neveux qui seront tes oncles. 27 Information donnée par Hassan Tiydrin. En fait c’est grâce à lui que je découvre ce genre tombé en désuétude. Ce poème fait partie de son corpus. [92] Il s’agit d’un poème propre aux tribus d’Aït Ouriaghel contre Aït Ammart. Les tribus du Rif connaissent ce sous-genre poétique comme un patrimoine de rivalité. Le critère thématique et pragmatique est primordial pour distinguer jemmaŸ-jemmaŸ. Et pour d’autres izran qui ont le même sujet mais pas la même forme, comment peut-on les définir jemmaŸ-jemmaŸ ou portent-ils d’autres noms? Voici un exemple qui illustre cette problématique : Aqc-ayi d Utsidar war Þià d ameååuj, Aqc-ayi d rebñer war itteggen afeqruj. Je suis d’Aït Sidar pas de Mezzouja, Je suis l’oignon sans de bulbe. Il s’agit d’un izri dévoilant la rivalité entre deux tribus, nous la fomre d’un izri. Le poète appartenant à Aït Sidal tourne en dérision celui d‘Imezzoujen. Le poète de la première tribu se considère comme l’oignon sans bulbe qui signifie son statut supérieur et sa force au contraire du deuxième poète apparatenant à Imezzoujen. 7. Izran n um²aqeb : Ce sous-genre est souvent produit par des poètes professionnels. Am²aqeb ou bien re²rur, est un duel poétique entre imedyazen. Ces poèmes sont improvisés sur demande d’un homme lors de la fête. Biarnay décrit avec précision le déroulement de ce spectacle27. Il s’agit de poèmes satiriques improvisés par les plus grands poètes. Ces compositions préludent souvent par : 27 « Un jeune homme indique au chikh le morceau qu’il désire que celui-ci chante en son nom. Après s’être couvert le visage avec le capuchon de sa djellaba, tenant son fusil de la main droite, le jeune homme saisit le chikh de la main gauche par son vêtement et l’entraîne dans l’espace resté vide au milieu de la cour. Le chikh chante son izri pendant que le jeune homme le guide à pas lents et lui fait faire le tour du cercle des spectateurs. Derrière le chikh suit l’azemmar qui joue de son instrument ; en général deux ou trois amis du jeune homme, porteur de leurs armes, se joignent à ce groupe et lui constituent une véritable escorte d’honneur. Le chant terminé, tous rejoignent leurs places. Les femmes poussent des youyous, les hommes tirent des coups de fusil. Puis la même scène se reproduit, un autre jeune homme conduisant le même chikh, ou un autre si plusieurs chioukh ont été loués. » S. Biarnay, « Notes sur les chants populaires du Rif », Op, cit., p. 31. [93] Min x d-ak tt àa inià a ccix inu! Je te le dirai sur quoi ô mon cheikh. Ad ak tt inià x Je te le dirai sur… Ou bien : ³eyye‚, ³eyye‚, a ccix inu! Chante, chante, ô mon cheikh ! †ennet, ñennet a ccix inu Ecoute, écoute, ô mon cheikh ! Nous allons voir deux exemples d’izran n um²aqeb28 Mi x d ak tt àa inià, a ccix inu ! Ad ak tt inià x idferawen n d ittijjan incerawen D sser²et ta²effant ittíukan akfir i imesrawen. Je te le dirai sur quoi, ô mon cheikh ! Je te le dirai sur les neiges qui laissent les brins de pailles, C’est le mauvais genre qui frotte l’aloès pour les cuisses. La riposte est immédiate : Mix d ak tt àa, inià a ccix inu ! Je te le dirai sur quoi, ô mon cheikh ! Ad ak tt inià x imendi, Je te le dirai sur l’orge D texcebt ammen tendi, Et la trappe comme elle est dressée D illis n imes²i, C’est fille de mendiant TeŸleq i mmis n urgaz, Elle a abandonné le fils du brave homme, Tuwey mmis n weydi. Elle a épousé le fils de chien. 28 Ces vers font partie du corpus collecté par le chercheur Hassan Tiydrin depuis les années soixante-dix du siècle dernier. [94] Derrière ces deux morceaux il y’a l’histoire suivante : Un homme atteint de la maladie ajjiŸ ireàman « La gale des chameaux » il demanda à ses amis le remède, l’un deux lui a proposé de se mêtre à nu, se vautre dans la paille, puis gratter son corps par l’aloès. L’homme a fait du conseil de son ami, mais cela lui a aggravé la douleur, quant à sa femme elle ne voulait plus de lui. Alors il la divorça, et elle épousa son ami. Dans la noce du mariage de sa femme amedyaz improvise ce dernier poème pour dénoncer la trahison dont cet homme été victime. En guise de conclusion, nous constatons que ce sujet n’est pas encore achevé ; il nécessite plus d’études et de recherches. La tâche n’est malheureusement pas facile car ces poèmes sont en voie de disparition à cause du décès des personnes âgées qui gardent cette poésie dans leur mémoire en plus des mutations profondes qui touchent la structure socioculturelle du Rif. [95] Références bibliographiques : • Biarnay S., - « Notes sur les chants populaires du Rif », Les archives berbères (1915-1916), Fasic I, 2ème Edition, Rabat : Al Kalam, 1987. - Études sur le dialecte berbère du Rif, Paris : Leroux, 1917. • Blanco E. I., Las danzas rifeñas, Africa, n° 49-50, Madrid, 1946. • Bounfour A., Introduction à la littérature berbère : 1. La poésie, Paris-Louvain : Peeters, 1999. • Delheure Jean, Dictionnaire ouarguli-français, Paris : Selaf, 1987. • Galand-Pernet P., La littérature berbère : des voix des lettres, Paris : PUF, coll. « Islamiques », 1998. • Hart D. 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Assmi akken zdint twaculin n leqbayel, ttemlilin iâeggalennsent yal ass, ne$ yal tameddit n wass ama mi ara d-zzin $ef terbut n seksu ad ççen imensi, ama mi ara d-zzin i lkanun ad ssifessen deg usemmiv n ideflawen n cctawi-nni tiqessêanin. Mi ara qqimen akkenni, ttawin-d awal $ef temsal i ten-ice$ben d wayen yurzen tudert-nnsen n yal asss. Imir i ferrun awal akken ad ssifessen tiâekkmin ééayen $ef yiwen. Deg tesquma am tagi, i lemmden imecîaê, rennun imeqqranen: imecîaê sellen i tmucuha i d-ttawint tem$arin, ma d imeqqranen ttleqqimen awal-nnsen s temâayin akken ad as-fken ugar n wazal: yal tamâayt ad tessiwel i tayev alama ineûûef yiv ne$ iâedda. Qqaren at-zik: “A taêkayt, a tamâayt, a seksu teçça t$erdayt”. Timsirin-agi akk i lemden iâeggalen n twacult, ad tentsqedcen deg tudert-nnsen, gar-asen d wiyiv . Même si les contes ont complètement, ou presque, disparu et qu’ils ne sont plus contés dans les villages de Kabylie, les gestes sont toujours présentes dans les pratiques discursives de la communauté kabyle. Seulement, leur présence n’est pas aussi intense et fréquente qu’au sein de la société traditionaliste. A quoi est due cette différence dans la pratique actuelle entre les contes et les gestes ? En d’autres [97] termes : qu’est ce qui fait que la geste soit plus présente dans la société actuelle ? Cela résulte essentiellement des caractéristiques morphologiques, lexicales, sémantiques et thématiques de la geste, comparée au conte. Pour mener ce travail, nous avons analysé un corpus constitué de 100 gestes traitant des thématiques différentes. Ce corpus a été recueilli essentiellement dans la région d’Illoula, willaya de TiziOuzou, en Kabylie. Même si les gestes sont dites par les hommes et les femmes sans distinction, seules quelques-unes, environ une vingtaine, nous ont été racontées par des femmes. [98] A quoi est due cette différence dans la pratique actuelle entre les contes et les gestes ? Qu’est ce qui fait que la geste soit plus présente dans la société actuelle ? Cette recherche est menée sur un corpus de cent fabliaux collectés dans la région d’Illoula en Kabylie, à Tizi-Ouzou. Une région montagneuse assez éloignée des centres urbains et des grandes villes. C’est pour ainsi dire que cette localité, pareillement à beaucoup de régions de la Kabylie, a conservé un peu plus son oralité, ses pratiques littéraires orales, que les zones urbaines ou celles qui y sont limitrophes. 80% de ces fabliaux ont été racontées par des hommes et uniquement 20% par des femmes. Mais cela ne veut nullement dire qu’elles en connaissent moins que les hommes : c’est tout à fait le contraire car elles connaissent les fabliaux qui leur sont propres et spécifiques et qui ne peuvent être dits par les hommes et elles maitrisent parfaitement ceux racontés par les hommes puisqu’elles ont une bonne oreille et une excellente mémoire pour apprendre un texte rien qu’en l’écoutant une fois. Ceci est le résultat de la pratique et de l’exercice de mémorisation. Spécificités des fabliaux : 1/ Nature du texte : Les fabliaux se présentent sous forme de petits textes en prose ; ils peuvent aller de quelques lignes, une à deux minutes à l’oral, jusqu’à un peu plus de la moitié d’une page, quatre à cinq minutes. On y retrouve, parfois, un petit texte rimé. Ces textes contiennent souvent des dialogues ou encore des monologues. 2/ Le temps : Pour décrire le temps au niveau de ce genre de textes, il nous semble est essentiel de distinguer entre le temps d’énonciation et de la narration, d’une part, et celui de l’histoire racontée, d’autre part. [99] Le temps d’énonciation des fabliaux est variable et n’est pas limité à un moment précis du jour ou de la nuit ; Ils peuvent être dits à n’importe quel moment où le locuteur éprouve la nécessité de les joindre à son discours. Cependant, ces fabliaux ont, en outre, des occasions précises où ils sont dits : ce sont les rencontres de réconciliation entre deux personnes, deux familles ou encore deux tribus suite à un désaccord ou à un conflit qui n’a pas été solutionné entre les deux parties. Lors de ces occasions, on invite lejmaâ, un certains nombre d’hommes sages et respectés par les membres de la communauté, généralement âgés, pour tenter de trouver une sortie pacifique voire amiable aux problèmes traités. Par ailleurs, le temps de l’histoire fait référence au réel et s’éloigne de l’imaginaire qui est la base du conte merveilleux. 3/ L’espace : Comme le temps, l’espace est, aussi, à scinder en deux : l’espace d’énonciation des fabliaux et l’espace où se déroule l’histoire elle-même. Il est à préciser que ces fabliaux ne sont pas reliés aux contours du Canoun ou à l’environnement de la maison traditionnelle uniquement, même si c’est là qu’ils sont le plus racontés pour être appréciés et appris par les gens. Ils sont racontés à n’importe quel lieu, à l’intérieur et/ou à l’extérieur de la maison et/ou du village. Comme le temps, l’espace des faits racontés aussi est, généralement, réel ou lié à la réalité. 4/ L’émetteur : Même si les fabliaux sont racontés par n’importe quelle personne sans limite d’âge ni de sexe, ils sont surtout dits par des personnes âgées, notamment les hommes, à des occasions bien connues. [100] 5/ Contenus et thématiques traitées : Les contenus de ces fabliaux ont toujours, si non souvent, trait avec la réalité que vit la communauté. Ainsi, on y retrouve des thématiques assez variées allant de la tenue de l’individu et de son comportement, aux relations entre les individus puis entre les groupes. Même s’il arrive de se retrouver face à des fabliaux qui tendent plutôt vers l’humour et la comédie, ils ne sont pas, pour autant rejetés ou moins intéressants dans le traitement des problèmes sociaux. 6/ Sa valeur argumentative dans le discours : Grâce aux thèmes qu’ils traitent ou encore à la morale avec laquelle ils se terminent, les fabliaux servent souvent, en entier ou en partie, d’appuis et d’argument pour les gens qui savent s’en servir et les employer à leurs places dans les discours pour les illustrer et les argumenter. C’est comme si on présentait une expérience déjà vécue pour confirmer notre propos. C’est d’ailleurs pour cette raison que ce sont les hommes qui manient le verbe et manipulent les fabliaux qui sont conviés à assister à lejmaâ pour régler les problèmes et conflits entre personnes, entre familles ou encore entre tribus. 7/ La fluidité dans la manipulation de son texte et de sa longueur : Les fabliaux se présentent, déjà à l’origine, sous forme de textes assez courts. Cela facilite à l’auditoire leur mémorisation. En les racontant encore une fois, on n’est pas tenu de reprendre le texte initial dans sa totalité puisqu’il y a une fluidité totale dans la manipulation de leur longueur, de leur lexique et de leur contenu. On peut même les ramener à leur simple morale on ne citant que le dicton avec lequel ils finissent. C’est, d’ailleurs, une manière de mettre l’autre à l’aise car cela peut signifier qu’il connait l’histoire et qu’il vaut mieux faire l’économie de la reprendre en entier. [101] 8/ Le rapport avec le réel et la réalité : Nous avons souligné plus haut que les fabliaux ont une relation intime avec la réalité spatio-temporelle de la communauté kabyle. Par ailleurs et dans 40% des cas des fabliaux collectés pour notre corpus, l’histoire racontée est réelle. Dans la majorité des cas restant, l’histoire dite apparait comme réelle et le fait qu’on y fasse parler, personnifier, les animaux, les insectes, les oiseaux et la nature renvoie plutôt à des symboles qui reprennent cette réalité sous des formes imagées. On ne fait appel à l’imaginaire ou au surnaturel que très rarement : D’ailleurs, même les personnages de ces petites histoires sont à 99% réels ou tirés de l’environnement immédiat de la société. 9/ Les personnages : Pour poursuivre dans le réel et s’écarter de l’imaginaire et du merveilleux même si on fait parler de temps à autre les animaux et la nature en les personnifiant, les personnages cités dans les fabliaux sont tirés à 99% du réel et de l’environnement immédiat de la communauté : Humains (am$ar, tam$art, argaz, tameîîut, aqcici, taqcict), animaux domestiques et sauvages, nature). Par ailleurs, le nombre de personnages est, souvent, limité dans la majorité des fabliaux (95%), entre un et deux car le but n’est pas de tarder dans une histoire ou de la compliquer mais de transmettre un message et une morale pour orienter l’individu au sein de la société. Conclusion: La spécificité la plus pertinente des fabliaux comparés aux contes c’est certainement ce rapport avec le réel et la réalité. Celui-ci peut être expliqué par le rapport direct des fabliaux avec la vie quotidienne des gens car ces textes ciblent les sentiments et l’esprit des membres de la communauté pour les éduquer, les orienter et les aider à se remettre dans le droit chemin, mais, aussi et surtout, pour régler les conflits et les querelles, si nombreux, existant entre les individus et/ou les groupes. [102] Bibliographie : Bibliographie : GRIM M., Contes et légendes kabyles du Djurdjura, Librairie bleue, 1999. HADDADOU M-A., Introduction à la littérature berbère, Haut commissariat à l’amazighité, Algérie, 2007. IMARAZENE M., Timâayin n Leqbayel, Imprimerie les oliviers, Haut commissariat à l’amazighité, Algérie, 2007. [103] Mohia et le renouvellement des genres littéraires amazighs ---------------------Farida HACID Université Mouloud MAMMERI de Tizi Ouzou Figure charismatique de la langue et culture amazighes, Mohia dit « Mohand u Yahia » est d’une humilité exemplaire. Membre actif de la cause identitaire, il s’engage corps et âme pour donner un autre visage, radieux cette fois-ci, à sa culture par le kabyle pour les Kabyles. Quel est l’apport de Mohia aux genres littéraires amazighs en traduisant, adaptant et réécrivant des œuvres d’auteurs étrangers ? Comment renouvelle-t-il la littérature et la culture amazighes en introduisant de nouvelles réflexions sur les genres théâtral et poétique ? Quel est l’impact de l’ensemble de son œuvre sur les genres littéraires kabyles contemporains ? Par ses travaux, particulièrement, sur le théâtre et la poésie, il défie la chronique et bouleverse les genres de la littérature algérienne d’expression amazighe en adjoignant les subtilités de sa langue vernaculaire et en usant d’un style où se mêlent sérieux, humour, ironie, parodie et bien d’autres procédés linguistiques qu’on ne trouve communément que dans le kabyle, mélange de langues , codes switching : le langage d’un peuple qui estparfois friand de multiculturalisme et d’interculturalité où le style imagé ouvre une voie royale à la création et à la créativité. Devant cet état de fait, la traduction peut poser des problèmes de sens sous-jacents à la langue cible. Seule alternative, on adapte le texte pour éviter des blocages ou on recourt aux emprunts, si nécessaire. Le kabyle est une langue économe, parfois avare en mots. Seul son discours poétique peut ouvrir les portes à l’adaptation Alioui Youssef affirme que parfois « (…) la langue kabyle ou la langue amazighe en général est très économe de ses mots. C’est pour cela qu’elle s’entoure d’hapax, de métaphores et de nombreux stratagèmes linguistiques (apocope, aphérèse, syncope, épenthèse et [104] ellipse) qui lui donnent un cachet susceptible d’intéresser des chercheurs en sciences sociales. »1 Mohia appréhende cette complexité langagière, que certains considèrent, à tort, vernaculaire, un dialecte sans lendemain et sans attaches avec la réalité du moment…Il sait qu’il faut ébranler la machine du simulacre dans lequel est incarcérée la langue de tout un peuple. Un peuple qui l’a sauvegardée, depuis des millénaires et au prix de milles sacrifices, de l’oubli, de la désuétude et des conflits culturels divers et chroniques. Pour faire taire les mauvaises langues, Mohia s’attelle donc à mettre à l’épreuve la langue kabyle. Il l’utilise pour traduire les œuvres d’auteurs étrangers ou pour les adapter au contexte culturel amazigh. N’est-ce pas Mohia qui avoue que « Le fait d’adapter des auteurs contemporains, et d’une manière générale des auteurs appartenant à des civilisations différentes de la nôtre, revient encore à situer notre expérience vécue par rapport à celle vécue par d’autres hommes sous d’autres cieux. A défaut d’en tirer des règles de conduite, la chose au demeurant ne peut que nous aider à faire l’économie de certaines erreurs, quand il se trouve que celles-ci ont déjà été commises par ces autres hommes. Cela revient assurément aussi, oui, à compléter, sinon à remplacer, nos vieilles références culturelles par d’autres références moins désuètes.»2 On comprend par-là que la traductionet/ou l’adaptation sont autant de moyens pour sauver les genres littéraires kabyles du dépérissement et du ressassement thématiques. La pratique de l’adaptation, selon toujours Mohia, « offre des possibilités réellesde tirer profit de l’expérience des autres. »3 Tirer profit, ce n’est pas, bien entendu, mimer stupidement les autres. L’adaptateur est celui qui s’arme d’outils théoriques inhérents aux genres littéraires et qui s’intéresse en premier lieu au canevas sur lequel est construite une œuvre, aux procédés d’élaboration, aux motsclés et à la structure de celle-ci. 1 Alioui Youssef, L’ogresse et l’abeille, L’Harmattan, Paris, 2007, p.7. Muhand u Yahya, Entretien in revue Tafsut,n° 10 (série normale) avril 1985,Tizi-Ouzou, p. 49. 3 Ibid.p.48. 2 [105] Une fois le terrain et les données de l’objet à adapter sont circonscrits, on commence à travailler sur la visée culturelle que véhiculent les mots d’une langue lorsqu’on les transcrit dans une autre. L’adaptateur est un artiste qui voit son œuvre se déconstruire, se reconstruire jusqu’à atteindre une forme plus ou moins satisfaisante. « Ce n’est donc qu’après avoir disséqué une œuvre, afin d’en percer les secrets, que l’adaptateur procède au travail d’adaptation proprement dit, c’est-à-dire à la reconstruction de celle-ci au moyen de matériaux qu’il puise dans son environnement culturel.»1 Une fois le travail d’adaptation ficelé, l’œuvre finale de l’artiste-adaptateur doit trouver nécessairement une place privilégiée dans l’univers culturel adoptif. Autrement dit, l’adaptateur doit user d’outils théoriques appropriés pour ancrer et inscrire son œuvre dans un système de codes propre à un genre déterminé. (Le théâtre, la poésie, la fable, par exemple). L’un des premiers renouvellements des genres amazighs ou de la littérature traditionnelle amazighe est dû à l’adaptation d’œuvres d’auteurs étrangers d’époques et d’horizons différents. La littérature amazighe est revigorée par toutes ces traductions ou adaptations cosmopolites que Mohia défend : « l’adaptation d’auteurs étrangers nous donne ainsi le moyen concret de renouveler notre production, de la revivifier »2 L’adaptation ouvre à notre culture la voie royale de la poétique et de la transtextualité. Gérard Genette souligne à ce propos que « l’objet de la poétique n’est pas le texte (…) mais l’architexte ou si l’on préfère l’architextualité du texte( comme on dit […] la littérarité de la littérature), c’est-à-dire l’ensemble des catégories générales ou transcendantes – types de discours, modes d’énonciation, genres littéraires, etc. – que cet objet est la transtextualité, ou transcendance 1 2 Ibid.p.48. Ibid.p.47. [106] textuelle du texte que je définissais déjà grossièrement, par tout ce qui le met en relation, manifeste ou secrète, avec d’autres textes.»1 Partant de ce postulat sur la traduction ou l’adaptation de productions littéraires d’auteurs étrangers, Mohia acquiert une autre donnée pour promouvoir le champ de la production littéraire amazighe, à savoir la création-recréation ou la créativité. L’adaptation conduitindubitablement à la création et la création à la réécriture. Chez Mohia, il s’agit en réalité plus de synergies de réécritures ou d’adaptation de genres d’auteurs étrangers. De la traduction a l’adaptation Dans son ensemble, la traduction est un fait herméneutique plutôt qu’un phénomène linguistique. Dans cette optique, un peu générale, l’opération traduisante repose sur des faits de discours que sur des valeurs de langue. Pour être, dans ce cas, d’une efficacité plus ou moins extrême, elle ne doit pas perdre de vue la culture de départ ; comme elle aaussi le devoir d’adaptation à la culture d’arrivée. Mohia gomme les frontières ou délimitations imposées par la traduction. Il considère que le discours, à traduire, véhicule toujours, et parfois rien d’autres, que des substrats culturels. Dans ce sens, la traduction vise donc à supprimer ou à éradiquer les frontières linguistiques et culturelles entre les différents publics (dans le genre théâtral) ou lecteurs (dans le genre romanesque ou sous-genreps : la chanson, la parodie ou le fabliau). De l’adaptation a la réécriture Une création théâtrale satisfaisante réside sans doute dans une bonne traduction ou adaptation. Mohia a adapté en kabyle un grand nombre de pièces théâtrales écrites par des dramaturges de renommée mondiale tels que Bertolt Brecht, Samuel Beckett, Molière. En ouvrant la lucarne de l’adaptation, Mohia éclaire de son génie novateur et provocateur, les combles dans lesquels est incarcérée la littérature algérienne d’expression amazighe. Pionnier dans le domaine du théâtre kabyle moderne, Mohia « (…) d’adaptations en créations, a, en d’autres termes, fait de ce théâtre très populaire parmi les émigrés (on y vient en famille), un 1 Gérard Genette, Palimpsestes, (la littérature au second degré, Essais, édition Seuil, 1982, p.7 [107] véritable laboratoire littéraire. Une langue est une rhétorique moderne s’y constituent dans la pratique et dans la réflexion, avec une fonction voulue d’éveil critique et le souci d’une langue évoluée, avec aussi un passage à l’écrit. »1 Les adaptations de Mohia puisent, dans la plupart des cas, leur ton typique dans l’investissement de l’ironie et parfois même de la dérision. Morella Daniela soutient à ce sujet que « le ton typique de ses pièces théâtrales est celui de l’ironie,de la dérision qui vise toute forme de totalitarisme étatique ainsi que, et peut-être encore plus, les stéréotypes, les idées enracinées, les faiblesses et les illusions du public kabyle. »2 L’adaptation, qui est un procédé de la traduction, est renforcée par l’adjonction de l’ironie et de la dérision dans le discours dramaturgique. La méthode de la traduction par Muhend U Yahia, qui s’apparente plus à une forme de création que d’adaptation d’œuvres d’auteurs étrangers, est un peu particulière. Selon Galant-Pernet Paulette : « (…) Mohia a pris pleinement conscience du fait que la traduction telle qu’il la conçoit n’est pas une correspondance de mot à mot, ni de phrase à phrase, mais qu’elle est en même temps et surtout un exercice de recréation du contexte de situation entre les personnages, qui aboutit à une formulation vivante dans la langue cible. »3. Les deux pièces de théâtre adaptées en kabyle par Mohia, Tacbaylit 4 et Si Lehlu 5 ,nous éclairent davantage sur les procédés utilisés. D’abord, il opère un ancrage (actoriel, spatial, temporel) de 1 Galand-Pernet Paulette, Littératures des berbères, des voix et des lettres, Paris, PUF, 1998, p.226. 2 Morella Daniela, « Amazigh : « La production culturelle entre oralité, écriture, audio-visuel et Internet » », In La littérature amazighe, oralité et écriture, spécificités et perspectives, IRCAM, 2004, p.293. 3 Galand-Pernet Paulette, « Mohia 1970, quelques notes » in études et documents berbères, N° 24, 2006, p.29. 4 Tacbaylit est l’adaptation de la Jarre de l’Italien Luigi Pirandello (1867-1936). Elle a été, comme on le sait, traduite en français par Jean Michel Gardair. A l’origine c’est une nouvelle. Mohand Ouyahia l’a traduite en 1982 et mise en scène par plusieurs troupes théâtrales kabyles. 5 Si Lehlu est l’adaptation de la comédie « la farce » du dramaturge français Molière, au XVIIe siècle, intitulée Le Médecin malgré lui ; mise en scène pour la première le 6/08/1666 au palais royal. Adaptée en kabyle en 1986 parue en deux parties dans la revue Awal n°2 et 3. [108] ces deux pièces dans un univers contemporain de chez nous. Elles sont immédiatement adoptées par le public kabyle. La réécriture, une forme de création Si l’adaptation obéit à la réécriture et la réécriture bannit les frontières linguistiques et culturelles des langues, la création produit des textes neufs. Des textes qui ont un ancrage social, culturel nouveau pour s’insérer, sociolinguistiquement parlant, dans le contexte de la langue et de la culture cibles. Selon Marc-Emmanuel Melon1, « l’adaptation est une pratique detransposition d’une œuvre d’un mode d’expression vers un autre ». Pour Alain Viala,la création« produit des textes neufs. Dans une acception stricte, création serait à entendre comme écriture d’un texte à tous égards original »2. Il va de soi que la création, au même titre que l’adaptation, met à l’épreuve la langue kabyle. « La langue fellahi » 3 , le kabyle populaire afin de dire les réalités sociales et culturelles des kabyles et faire avancer leur société. L’adaptation et la récriture sont deux procédés largement utilisés de façon délibérée par Mohia pour faire gagner du temps, de l’efficacité et de l’énergie aux chercheurs chargés de la promotion et du renouvellement des genres littéraires amazighs. Comment ? En profitant des expériences des autres (notamment dans les genres littéraires). La littérature a traduit les auteurs de l’Antiquité, soit du grec ou du latin au français (à l’époque de la Renaissance. Dans l’interview accordée à la revue Tafsut, Mohia confirme :« (…), je suis enclin à penser que la pratique courante de l’adaptation, si elle venait à se répandre chez nous, devrait jouer un rôle décisif. Ce serait véritablement le raccourci qui nous permettrait de rattraper des siècles de retard en quelques années »15. Ces deux pratiques ont été délibérément utilisées par les auteurs depuis 1 Marc-Emmanuel Melon, « Adaptation », In Le dictionnaire du littéraire (ouvrage collectif sous la direction de Paul Aron…), PUF, Paris, 2002, p.4. 2 Dictionnaire du littéraire (ouvrage collectif), PUF, Paris, 2002, p.123. 3 Lounaci Mohand, « Mohia, voix, mots et révolution », In Tifin : revue des littératures berbères, Mohia, esquisse d’un portrait, Achab, Tizi-Ouzou, Algérie, 2011, p. 74. [109] pratiquement le Moyen-âge français à nos jours : par exemple, les humanistes des 16e et 17e siècles français ont traduit ou adapté des auteurs de l’Antiquité gréco-romaine (Virgile, Eschyle, Aristote, Platon, Esope…), Molière ou Racine qui se sont inspirés des auteurs antiques,le fabuliste Jean De La Fontaine qui s’est intéressé aux fables d’Esope, etc.S’inspirer de l’expérience des autres n’est pas une honte. Cette pratique, un peu originale, constitue un trésor et un butin littéraires dignement gagnés avec moins d’efforts, peu de moyens, et beaucoup d’imagination et d’intelligibilité. Pour les genres littéraires amazighs, l’adaptation et la réécriture sont par conséquent deux pratiques (une sorte de cure de jouvence) qu’il faut vulgariser pour faire redécouvrir de nouvelles formes narratives ou théâtrales au lecteur ou spectateur kabyles. Par exemple, la tragédie, la comédie, le drame (où prédominent quelquefois l’ironie, la dérision, la parodie, le pastiche et l’imitation) sont autant de genres pour redynamiser et insuffler une âme nouvelle à la littérature amazighe en souffrance. Ces deux pratiques ont des visées multiples : - - - Le renouvellement et l’enrichissement des genres littéraires amazighs ; L’adaptation permet aussi bien la recherche de nouveaux moyens d’expression que de nouvelles formes de narration pour les genres littéraires amazighs ; L’adaptation, en langue kabyle, d’œuvres d’auteurs étrangers, est une source de nouveaux dispositifs d’expérimentation ; L’adaptation ouvre des horizons prometteurs et riches en découverte de nouveaux genres et de nouvelles thématiques littéraires ; L’adaptation est un exercice de style qui sert à transformer un texte non dramatique (roman, récit, nouvelle) en texte pour scène (le cas de Tacbaylit) ; L’adaptation dépasse le cadre de l’appropriation d’un texte source. Elle est transposition intelligente, transfert subtile d’une forme artistique d’un savoir-écrire vers un autre, d’un langage à un autre. L’inventaire des bienfaits de l’adaptation à la littéraire est long. C’est un fait inévitable et nécessaire. Pour sortir des sentiers battus, notre littérature a fortement et forcément besoin de ce type d’adaptation, à condition qu’elle soit bien entendu prise en charge ou entreprise par des professionnels et non des amateurs. [110] Qu’en est-il de la réécriture ? La réécriture est considérée comme une nouvelle source intarissable pour d’éventuelles techniques d’écriture dont a fiévreusement besoin la littérature amazighe. La théorie de l’intertextualité, quant à elle, pourrait, à la longue, ouvrir de nouvelles perspectives sur et pour les genres amazighs. Adopter et adapter la pratique de l’intertextualité à notre littératureest un passage obligé dicté par la conjoncture historique contemporaine : une culture qui n’évolue pas, en évoquant tous les moyens imaginables, meurt ou finit par disparaître. La réécriture, comme nous le savons, se rencontre dans toute littérature, surtout dans celle qui est dite contemporaine. C’est un travail sur le langage dans le langage et par le langage pratiqué par une communauté. Elle fournit aux nouveaux genres littéraires, par exemple le théâtre (cas de Mohia) et le Nouveau-Roman, une excellente pratique de subversion des modèles et des formes d’écriture, considérés désuets ou révolus par les critiques. Pour sortir de son marasme, de sa stagnation et de sa léthargie morbides, les chercheurs en herbe doivent s’initier, comme l’a fait Mohia, aux typologies ou types de réécriture. Beaucoup de chercheurs les ont bien compris et les ont déjà pratiqués.Les chercheurs en herbe dans les genres amazighs et pourquoi pas nos écrivains (comme a fait le français Raymond Queneau dans ses exercices de style) ne s’efforcent-ils pas, par exemple, à adopter et à adapter la réécriture intra-textuelle, la réécriture intertextuelle et la réécriture macrotextuelle de façon délibérée et à des fins poétiques ? Qu’en est-il de l’intertextualité comme perspective et prospective pour notre littérature et pour nos genres amazighs ? La notion d’intertextualité, initiée par Julia Kristeva, par ses adeptes, redéfinie par Gérard Genette est un concept révolutionnaire qui permet d’ordonner, ou plutôt d’ordonnancer et de catégoriser la littérature amazighe dans ses moments de débâcle. Gérard Genette la redéfinit dans Palimpsestes comme « une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes, c’est-à-dire eidétiquement et le plus souvent, par la présence effective d’un texte [111] dans un autre. Sous sa forme la plus explicite et la plus littérale, c’est la pratique(…) de la citation, (…) du plagiat, (...) de l’allusion. »1 Si nous paraphrasons quelques théoriciens de la littérature, nous pouvons dire que la notion de genres doit s’inscrire dans un vaste réseau de transaction de discours sociaux. Elle doit s’inspirer, imiter d’autres textes, autres que ceux qui lui sont contemporains, pour se repérer, se positionner, se reconstituer, se reconstruire et s’actualiser dans le vaste champ de la littérature universelle, sans cesse ébranlé ou déconstruit. Il faut partir du principe que tout texte, selon Roland Barthes, « est un intertexte ; d’autres textes sont présents en lui à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables : les textes de la culture antérieure, ceux de la culture environnante (…) tout texte est donc un tissu de citations révolues. »2 Tous les ingrédients sont dans notre culture. Avec un minimum de volonté et beaucoup d’ingéniosité, on peut créer de nouvelles recettes d’écriture. Il faut dire qu’il ya beaucoup à dire sur notre artiste-artisan ;artisan du verbe, artisan du mot, artisan de la phrase, artisan de la culture.Il sait ciseler, forger, modeler, exhorter les foules.Il mérite son nom sur la toile, le Net du savoir.Ilest l’une des constellations dans l’univers culturel kabyle en particulier et amazigh en général qui illumine le savoir de notre patrimoine littéraire et qui a éveillé,éveille et éveillera toutes les consciences avides de connaissances cosmopolites. En guise de conclusion générale, Mohia insiste sur l’urgence du renouvellement des genres amazighs. Ce renouveau réside principalement dans les techniques de la traduction et de l’adaptation des textes d’auteurs étrangers. Quelques techniques, telles que la traduction littérale, la réécriture, la transposition, la substitution, l’équivalence, l’amplification et la réduction, apporteront certainement de nouvelles “touches” pour mieux appréhender la place de l’amazighité dans l’universdes littératures universelles. Pour aspirer à l’universalité, ce passage est donc souhaité pour ne pas dire nécessaire ou inévitable. Par conséquent, la redynamisation des genres littéraires sont en corrélation avec trois niveaux de transformation textuelle : la transformation thématique, la transformation linguistique et la 1 2 Gérard Genette, Op.cit., p. 8. Roland Barthes, « Théories du texte », In : Encyclopaedia Universalis, Paris, 2011. [112] transformation esthétique et/ou poétique. Ces trois transformations constituent, à elles seules, un gage d’avenir certain et une consolidation indéfectible du terroir et du patrimoine de la littérature amazighe contemporaine. Bibliographie • • • • • • • • • • • Alioui Youssef, L’ogresse et l’abeille, L’Harmattan, Paris, 2007. Barthes Roland, « Théories du texte », In : EncyclopaediaUniversalis, Paris, 2011. Galand-Pernet Paulette, Littératures des berbères, des voix et des lettres, Paris, PUF, 1998. Galand-Pernet Paulette, « Mohia1970, quelques notes »,in études et documents berbères,24,2006,PP.15-39. Genette Gérard, Palimpsestes, la littérature au second degré, Essais, édition Seuil, 1982. Lounaci Mohand, « Mohia, voix, mots et révolution », In Tifin : revue des littératures berbères, Mohia, esquisse d’un portrait, Achab, Tizi-Ouzou, Algérie, 2011. Melon Marc-Emmanuel, « Adaptation », In Le dictionnaire du littéraire (ouvrage collectif sous la direction de Paul Aron…), PUF, Paris 2002. Morella Daniela, « Amazigh : « La production culturelle entre oralité, écriture, audio-visuel et Internet » », In La littérature amazighe, oralité et écriture, spécificités et perspectives, IRCAM, 2004. RevueTafsut, n° 10(série normale) avril 1985, Tizi-Ouzou, réédité par Timmuzgha, HCA, Alger, octobre 2004. Dictionnaire du littéraire (ouvrage collectif), PUF, Paris, 2002. [113] Tullist kabyle : réflexions préliminaires sur le corpus ---------------------Amar Ameziane Mohand Akli Salhi Crb-Lacnad Inalco Laela-Dlca Ummto Notre contribution portera sur un genre en construction, dénommé tullist, et tentera de discuter le corpus qui le compose. Le terme tullist a été introduit en kabyle en 1973 dans l’Amawal 1 pour désigner la notion générique équivalente à « nouvelle » en français. Il a été utilisé comme élément paratextuel pour la première fois au début des années quatre-vingt, dans le texte Ablaḍ de Muh Bilek, paru dans la revue Tisuraf 2. Le premier recueil de tullisin, conçu comme tel, Nekkni d wiyiḍ de Kamal Bouamara3 a été publié en 1998 par le HCA. Entre ces dates, de nombreux textes (généralement de deux à une dizaine de pages) ont été publiés sans précision générique. On relève le même constat pour la période précédant la première date4 et la période couvrant les quinze dernières années. Nos premières observations nous ont conduits à nous intéresser de prime abord au(x) type(s) de textes et aux limites de ce corpus. Cette question est d’autant plus importante qu’elle se pose comme une condition méthodologique essentielle de la suite et de l’orientation que nous voulons donner à l’étude de tullist. En effet, elle est déterminante aussi bien de l’évolution de ce qu’on pourrait considérer comme « le genre de la nouvelle » en kabyle, des types de textes qui s’y insèrent que des tendances poétiques que l’analyse est appelée à y définir. Qu’est ce qui compose donc le corpus de cette catégorie de textes appelée tullist ? C’est à cette problématique que seront consacrées les lignes suivantes. 1 Ce terme est donné dans la nomenclature des termes néologiques se rapportant à la vie moderne sous la morphologie tullizt. La nomenclature en question porte le titre Amawal n tmaziɣt tatrart (sous la responsabilité de Mouloud Mammeri). 2 Tisuraf, n° 7, pp. 72-78. Ce texte est une continuité de Tazwara, un autre texte paru dans le n° 6 de Tisuraf (pp. 57-59). La mention tullizt n timmalt (nouvelle de fiction) a servi à qualifier le genre du texte. Le même auteur considère comme une nouvelle son texte Timlilit, paru dans le même volume (n° 7) de la revue Tisuraf. 3 Ce recueil a été réédité par Tira Editions en 2009. 4 Voir l’étude de Sadi sur le texte Jeddi de Belaid At Ali. [114] Les éléments de réponse préliminaires proposés ici seront mis en relation avec la question de la généricité des textes car le corpus et le genre sont, pour nous, dans une relation de justification mutuelle. Nos premières lectures concordent sur deux traits. D’un côté, nombreux sont les textes qui ne portent pas la mention architextuelle tullist mais qui contiennent les traits formels les plus importants de la « nouvelle » (au sens occidental du terme). De l’autre, certains textes (publiés isolément ou dans un recueil) sont désignés comme tullist mais leur poétique les rapproche soit du roman, soit du conte. Parfois, certains textes présentent une poétique hybride participant à la fois du romanesque et du style oral du conte. Se pose alors la question de la limite du corpus de cette catégorie de textes. Doit-on limiter le corpus aux textes désignés explicitement par la mention tullist ? Doit-on intégrer dans ce corpus les textes qui ne portent pas cette mention et, éventuellement, ceux qui portent d’autres mentions génériques mais qui présentent une poétique proche de la nouvelle ? Ou encore, pour élargir la sphère de cette problématique, intégrer l’étude de cette catégorie de textes dans une interrogation globale dédiée à l’étude des récits brefs ? Borner l’étude au corpus dénommé par le terme tullist a certes l’immense avantage, et le confort, de la limitation, de la clarté et de la faisabilité de la recherche. L’histoire du genre est également encadrée par cette même dénomination et cette même limitation. Ce faisant, on perd cependant de vue un aspect important de la littérature contemporaine à savoir que cette dernière est d’émergence récente et qu’elle est la conséquence d’une confrontation entre deux conceptions sociales de la pratique littéraire : l’une est liée globalement à la tradition orale et l’autre tire sa substance de la vie moderne où les contacts culturels jouent un rôle important. L’analyste doit prendre en considération les changements littéraires qui se sont produits dans le passage progressif de l’oralité à l’écriture, autant dire d’un système littéraire à un autre. Dans ce passage l’émergence de nouveaux textes a précédé leurs dénominations. Par ailleurs, très marqués par ce même passage, d’autres textes portent une identité hybride tirant du patrimoine littéraire ses matériaux tout en ayant une essence novatrice. Ces faits encouragent l’analyste à partir de l’interrogation globale des récits brefs et à [115] délimiter le corpus de tullist kabyle en se donnant des critères propres à la nature des textes étudiés. L’entreprise est séduisante car elle s’inscrit dans une approche analytique (pour dégager la poétique des textes) et comparative (afin de séparer les genres de textes), encadrée par une vision ethnolinguistique (pour mieux situer et la conception littéraire et esthétique des textes et de leur histoire) tout en prenant en considération les contacts culturels produits dans l’espace kabyle et qui sont déterminants dans son évolution. Tout en rappelant le caractère périphérique de la littérature kabyle et son invisibilité dans le champ littéraire algérien, qui rendent difficile le recensement des publications, on note du point de vue bibliographique, près d’une trentaine de recueils édités, dont ceux qui suivent : • Abdenbi Ramdane, 2010, Timsirin n tudert akked tullisin nniḍen, Tira Editions, Béjaia ; • Abdenbi Ramdane, 2013, Aqcic akked yiɣid akked tullisin nniḍen, Anep, Alger. • Achouri Youcef, 2012, Aklan n tayri akked tullisin nniḍen, HCA, Alger. • Ait Ighil Mohand, [1999], Allen n tayri, tazwart Amar Mezdad, Tiddukla Tadelsant Tamaziɣt, Bgayet. • Ait Ighil Mohand, 2000, Atlata. Tullizin, Tiddukla Tadelsant Tamaziɣt, Bgayet. • Ait Ighil Mohand, 2003, Tchekhov s teqbaylit. Tullizin, [s.e.], [Béjaia]. • Ait Kaci Mohamed Arab, 2011, Ṭaṭabaṭaṭa. Tullisin, Editions Mehdi, Tizi-Ouzou. • Ait Kaci Mohamed Arab, 2014, Idɣaɣen n tefsut. Tullisin, Akma Editions, Tizi-Ouzou. • Bessaci Islam, 2011, Azal n tayri akked tullisin nniḍen, HCA, Alger. • Bessaci Islam, 2014, Daɛwessu n yimawlan, HCA, Alger. • Bouamara Kamal, 2009, Nekni d wiyiḍ. Tullisin, Tira Editions, Béjaia.[HCA, 1998, Alger]. • Bouzeboudja Noufel, 2013, Ahya Ssimra! Tullisin, Tira Editions, Béjaia. • Chemakh Said, 2008, Ger zik ed tura (d tullisin ed yeḍrisen nniḍen), Editions Baghdadi, Alger. • Chikhi Mokrane, 2014, Akud n yilem, HCA, Alger. • Gide André, 1996, Tuɣalin n weqcic ijaḥen, tasuqilt Kamal Bouamara, Tiddukla tadelsant Tamaziɣt Bgayet. • Guy de Maupassant, 2009, Amneṭri akked tullisin-niḍen, tasuqilt Ahmed Hamoum, tazwart [116] • Abdennour Abdesselam, Association Culturelle n ‘Imazighen de Belgique, [Béjaia]. • Halouane Hacene, 2014, Tamekrust akked tulmisin nniḍen, HCA, Alger. • Ḥud Malek, 2008, Timsirin n yiḍ. Tullisin, Tira Editions, Béjaia. • Ifsan n tamunt, Tullisin n tmurt n tmazgha, Tira Editions, Béjaia. • Irnaten Mourad, 2013, Di lǧerra-k ay awal, Lulu.com. • Mezdad Amar, 2003, Tuɣalin d tullisin nniḍen, [s.ed.], Béjaia. • Ouslimani Remdane, 2004, Akli ungif, HCA, Alger. • Tazaghart Brahim, 2003, Lǧeṛṛat, [s. ed.], [Béjaia]. • Zimu Mourad, 2010, Ameddakel d tullisin nniḍen, Tira Editions, Béjaia. • Zimu Muṛad, 2005, Tikli d tullizin nniḍen, HCA, Alger. A ces recueils, il faut ajouter la rubrique Tullist dans la revue Tamaziɣt tura1 du Haut- Commissariat à l’Amazighité. L’inventaire des textes qui composent la catégorie tullist doit également inclure tous ceux qui portent cette mention et qui sont publiés dans des revues, des journaux et des sites Internet2. Si cette catégorie présentée sous forme de recueil a l’avantage de la limitation du corpus du fait que les textes sont dénommés tullisin, par l’auteur ou par l’éditeur, il n’en demeure pas moins que la question de la généricité de certains d’entre eux mérite d’être soulevée et étudiée de manière approfondie car la seule mention sur la couverture, la page de garde ou sur la quatrième de couverture (ou ailleurs) ne peut être une garantie suffisante de l’identité générique de ces textes. Il est à notre sens plus important de ne pas perdre de vue que les nouveaux genres littéraires auxquels ils appartiennent sont en construction. L’imprécision qui peut caractériser leurs genres semble significative de ce processus de passage de l’oralité à l’écriture mais également une conséquence importante de ce processus de changement. Les exemples sont nombreux : nous pensons ici, entre autres, aux recueils respectifs de Djamel Arezki3, de Malek Houd1 qui, 1 Cette revue compte présentement 12 numéros. Le numéro 11 a été entièrement consacré à tullist. 2 Ce travail bibliographique est nécessaire afin non seulement de quantifier les textes de tullist mais également de bien établir l’histoire du genre. La position périphérique de la littérature kabyle est une condition qui explique l’invisibilité des textes. Il faut signaler ici le rôle que joue la cyber-revue Ayamun (74 numéros depuis 2000) entre autres dans la diffusion des textes. 3 Djamel Arezki est inspecteur de langue amazighe, nouvelliste et collecteur de contes kabyles qu’il présente en traduction française. [117] d’après nos premières lectures, oscillent entre l’écriture de la nouvelle et le style oral du conte. La narration dans certains de leurs textes est proche de celle pratiquée dans les contes traditionnels. Dans d’autres recueils, on remarque également un va-et-vient entre la poétique du récit bref et celle du roman. Nous pensons plus particulièrement aux textes de Mohand Arab Ait Kaci et, à un degré moindre, à ceux de Mourad Zimu. A titre d’illustration, dans ses deux recueils, Ait Kaci multiplie les personnages dans plusieurs textes, à l’instar de Tanekra, Taflukt et Arrac n tefsut dans son second recueil, et les amplifie à volonté par des caractérisations diverses. . Le même auteur se distingue notamment par la longueur narrative de ses textes, qui incite à y voir des marques du romanesque. La constitution des textes en recueil est également problématique dans la mesure où, suivant l’état présent des recueils en kabyle, la relation entre les textes qui composent l’ensemble n’obéit pas, dans plusieurs cas, à un même univers thématique. Une partie de ces recueils est intitulée par le titre de l’un de ses textes, suivi de la mention d tullisin nniḍen (et autres nouvelles). Rares sont les recueils unis par un même univers thématique. Nous pensons plus particulièrement à Nekni d Wiyiḍ de Kamal Bouamara et à Tuɣalin d’Amar Mezdad. Par ailleurs, de nombreux textes sont publiés généralement dans des revues et des journaux ou dans des ouvrages avec d’autres types de textes (comme les poèmes par exemple). C’est le cas entre autres des textes de Mezian U Muh2 et ceux d’Arab Sekhi3. Les textes en prose de ces derniers se caractérisent par l’hybridation générique. Les textes du premier revêtent l’apparence de la confidence et du journal intime. Présentés sous forme de discours onirique, les récits s’appuient sur la narration des fragments autobiographiques. Ceux du second se rapprochent de réflexions mises en narration. La mise en contexte des personnages, par exemple, y participe plus de la validation des contenus (moral, philosophique, identitaire, etc.) que de la construction de l’intrigue. 1 Malek Houd est enseignant de la langue amazighe, poète, nouvelliste, traducteur et transcripteur de contes traditionnels. 2 Mezyan U Muh est auteur de quatre ouvrages : Tirga umedyaz (1987), Lḥif yuran (2000), Tirga (2014) 3 Arab Sekhi est l’auteur de Abruy…tirect , Trafford, Victoria (Canada), 2009. [118] A un autre niveau, celui de l’origine du genre en relation avec les textes qui l’exemplifient, il est, à notre sens, plus prudent de ne pas se limiter les horizons d’analyse. Car s’il est facile de soutenir que le genre tullist (pris comme équivalent exact de la nouvelle dans son sens occidental) constitue un emprunt à la culture occidentale, cette explication se heurte au cas des textes issus de la recomposition des textes oraux. Des auteurs comme Mezdad et Bouamara empruntent clairement des matériaux traditionnels dont ils font de nouveaux textes avec une nouvelle poétique1. La mise en relation de certains textes appelés tullisin avec tiḥkayin (récits oraux traditionnels) et, à degré moindre, avec timɛayin doit ainsi être prise en considération notamment dans l’étude des ressemblances au niveau des traits de la vraisemblance et de la narration2. Les quelques considérations développées ci-dessus permettront, nous l’espérons, de baliser l’étude d’un « genre » en construction dont l’émergence est rendue problématique par son propre corpus. Plusieurs raisons sont à l’origine du flottement des limites de ce dernier. Elles sont liées essentiellement liées au contexte d’apparition des textes (Salhi, 2013) et aux sources de ces derniers. Si les pratiques de la traduction, au sens premier du terme, permettent à un genre d’intégrer un espace culturel, l’adaptation, dans toutes ses formes, constitue une forme de négociation entre l’emprunt littéraire et les moules culturels et esthétiques de cet espace. Par ailleurs les relations au patrimoine littéraire y sont multiples et diversifiées. Elles sont, en dehors des cas de transcriptions, des reprises légèrement remaniées, des recompositions sensibles des matériaux littéraires et parfois des attitudes critiques des conceptions esthétiques. En somme, l’ensemble des connexions (avec soi et avec l’autre) contribuent à situer la question de la filiation et de l’identité des textes. Par conséquent, prendre tullist comme un terme qui recouvre les récits de narration courte, à l’exception des narrations strictement orales, nous parait un positionnement méthodologique adéquat, tout au moins recevable. 1 Pour plus de précision sur cette question voir Ameziane (2014, pp. 115-142), Salhi (2004b et 2011, pp. 97-108). 2 Dans la perspective historique, la catégorie du merveilleux rend la comparaison avec timucuha moins importante avec tullisin. [119] Références bibliographiques • Ameziane Amar, 2013, "Une expérience d’écriture littéraire. Quelques notes sur les Cahiers de Belaïd ", Le Journal des Africanistes, 83 (1), pp. 92105. • Ameziane Amar (dir.), 2013, Les Cahiers de Belaid At-Ali. 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Regards sur une œuvre pionnière, Ameziane Amar (dir.), Tira Editions, Béjaia, pp. 49-76. • Salhi Mohand Akli, 2004a, "La nouvelle littérature kabyle et ses rapports à l’oralité traditionnelle", La littérature amazighe : oralité et écriture, spécificités et perspectives, IRCAM, Rabat, Aziz Kich (dir.), 2004, pp. 103- 121. • Salhi Mohand Akli, 2004b, "La délocalisation des textes oraux. Le cas de deux textes kabyles : Aheddad l-lqalus et taqsit n Aziz d Âzuzu", Echanges et mutations des modèles littéraires entre Europe et Algérie, Tome 2, Charles Bonn (dir.), l’Harmattan, Paris, pp. 205211. • Salhi Mohand Akli, 2011, Etude de littérature kabyle, Enag, Alger. • Salhi Mohand Akli, 2013, "Les écrits de belaid Ait Ali. Balises pour une histoire littéraire kabyle", in Les Cahiers de Belaid At-Ali. Regards sur une œuvre pionnière, Ameziane Amar (dir.), Tira Editions, Béjaia. • Titouche Rachid, 2001, Les cahiers de Belaid Ait Ali : du conte à la nouvelle, Mémoire de Magistère, Univ. de Tizi-Ouzou. [120] D’un genre expressif spécifique : les expressions idiomatiques ---------------------Lydia GUERCHOUH Université Mouloud MAMMERI - Tizi-Ouzou I. Introduction : Entre ce qui est proverbe et ce qui s’intègre dans les locutions et les dictons, nous retrouvons un genre particulier : les expressions idiomatiques. En berbère, ce type d’expressions figées n’a fait l’objet que de très peud’inventaires et étude en référence aux publications qui nous sont parvenues dans ce domaine. Les expressions idiomatiques sont définies comme des locutions dont le sens est à prendre au figuré : leur sens ne peut être déterminé par le sens des mots pris un à un. Ce sont des expressions qui ont du sens dans la langue où elles sont construites et qui, traduites mot à mot dans une autre langue, peuvent être dénuées de sens. Ceci s’explique, là encore, par l’arbitraire du signe dans la mesure où le référant (sémantique) de l’expression n’est pas l’addition / combinaison des signifiés de ses constituants lexématiques mais renvoie à un signifié conventionnel qui a induit le figement de l’énoncé sous forme de locution. En effet, la signification de ces constructions tient à une dénomination, à une représentation conceptuelle préalablement établie, qui doit avoir été antérieurement mémorisée pour pouvoir être appréhendée dans sa juste valeur sémantique. La structure syntagmatique des expressions idiomatiques est, le plus souvent, assortie de certains effets métaphoriques employés par le locuteur dans un objectif précis, soit pour parasiter ce qui est communiqué, atténuer le contenu significatif d’une affirmation lourde, gênante ou désagréable, soit dans un souci purement stylistique visant à valoriser et appuyer son discours. A partir de leur reconstitution diachronique, on constate que certaines expressions sont immémoriales dans la mesure où elles ne sont plus décryptables puisqu’on a perdu leur trace à travers l’évolution de la langue mais surtout en conséquence de l’oralité [121] comme dans le cas de l’expression : uriyi-ççin ara wanzaren-iw qui prend le sens de « avoir un fort doute ». Toutefois, bien que l’origine de naissance de ces expressions ne soit plus perceptible, leur sens général demeure à la portée des locuteurs. D’autres, par contre, restent analysables compositionnellement, renvoyant à une ancienne métaphore ou à un quelconque fait de langue. Ces figures de style mémorisées dans leur sens figuré devenues routinières et figées, sont entrées dans les mœurs littéraires pour, finalement, être absorbées par le lexique de la langue au même titre que les proverbes et autres locutions figées. Ex : Tu$al di temgervt Cette expression renvoie à une pratique sociale berbère, attestée aussi dans d’autres sociétés le plus souvent traditionnelles, qui consiste à donner sa fille en mariage à une tribu ennemie dans le but de mettre fin à un litige de sang qui les opposait dans une situation antérieure. Qu’elles soient analysables ou pas, la majorité des expressions que comporte la langue berbère se suffit à elle-même pour rendre compte de leur sens et se passe fort bien de réactiver le fait rhétorique et historique dont elles relèvent. Par ailleurs, bien que l’on parle d’arbitraire de la relation entre le sens de l’expression et sa composante syntagmatique, cet arbitraire n’est pas absolu comme on l’identifie dans les monèmes, dans la mesure où la majorité des expressions sont perceptibles à travers l’analyse métaphorique qui est, généralement, pris en charge par le noyau (le plus souvent verbal) de l’expression. Toutefois, cette analyse n’est opérable que partant du fait que l’on a préalablement mémorisé ce que l’expression dénomme. Rappelons à la fin, que les énoncés que nous avons aujourd’hui répertoriés sous l’étiquette d’expressions idiomatiques, n’étaient, autrefois, que de simples faits de paroles qui, petit à petit, à mesure que s’estompe la perception d’un fait de parole originel, à travers l’énonciation répétitif, finissent par prendre la dimension d’expressions figées introduites au départ par l’énoncé : akkenyenna flan …. , puis devenues plus générales en ayant perdu la trace de leur énonciateur par leur usage habituel et élargi. Ces expressions sont [122] aujourd’hui insérées dans les discours au même titre que les autres unités lexicales qui composent le lexique de la langue. II. Les expressions idiomatiques et les autres types d’expressions : Après avoir défini ce que nous regroupons dans la dénomination « expression idiomatique », et vu les divers points de convergence qu’il y a entre ces expressions et les autres construits plus ou moins de la même manière, nous avons constaté l’intérêt d’établir des critères de distinction qui permettraient de les isoler des autres ensembles qui présentent des limites assez difficiles à cerner. II.1. Expression et locution : Si l’on se réfère aux dictionnaires, on trouvera des définitions plus ou moins convergentes. Pourtant, en poussant plus loin l’analyse des deux genres, les divergences apparaissent de façon spontanée et nette. Par description générale, l’expression et la locution sont des « unités fonctionnelles plus longues que le mot graphique, appartenant au code de la langue en tant que formes stables et soumises aux règles syntaxiques de manière à assurer la fonction d’intégrant ». Toutefois, en mettant l’accent sur la genèse de ces deux concepts littéraires, on dégagera les points qui tracent les frontières de chacun de ces termes : La locution est une « manière de dire », ou une manière de former le discours, d’organiser les éléments disponibles de la langue pour produire une forme fonctionnelle. Elle se présente le plus souvent sous une forme courte, moins courte que l’expression. Ces formes sont en fait, des unités complexes pouvant appartenir à différentes catégories lexicales et grammaticales, généralement de par la nature syntaxique de la première unité composant la locution. Autrement dit, la locution est une dénomination explicative dans le sens où elle inclut en elle-même une courte définition du référent auquel renvoie nt les unités combinées : Bab n tidet (adjectif ou nom d’agent) Akkacwiya (locution adverbiale) … Quant à l’expression, bien qu’elle soit aussi considérée comme une manière d’exprimer une réalité, mais elle implique une rhétorique et une stylistique : elle suppose le plus souvent le recours à [123] une « figure », métaphore, métonymie, … Ainsi, dans l’expression, on dépasse le stade d’une simple dénomination pour lui donner une forme de description. Par ailleurs, locution et expression sont toutes deux des groupes de mots fixés par la tradition. La première a la valeur particulière de groupe de mots ayant une fonction grammaticale donnée qui varie selon la relation qu’elle entretient avec le prédicat et les autres unités de l’énoncé dans lequel elle est insérée. La seconde, par contre, a la valeur d’un syntagme descriptif dont les unités occupent des fonctions diverses. Du point de vu syntagmatique (combinaison syntaxique), la locution ne peut, en général, constituer à elle seule un énoncé complet et dépend justement d’autres unités de la langue pour acquérir une fonction donnée. Quant à l’expression, elle constitue généralement un énoncé complet et n’a besoin d’aucun autre élément de consolidation ou d’actualisation. Sur le plan flexionnel, les locutions sont plus figées que les expressions dans la mesure où les possibilités d’intervention sur les unités composant l’expression sont plus importantes. En effet, dans le cas de la locution, les seuls changements qu’on peut y opérer interviennent sur les modalités du genre (masculin-féminin), le nombre (singulier-pluriel) et état (état libre et état d’annexion). Quant à l’expression, outre ces aspects, on peut également intervenir sur l’aspect des verbes, les déictiques, les possessifs, l’ordre des mots (thématisation ou mise en relief), la forme des verbes, … Yuli-as lgaz s aqerru. → Yessuli-as lgaz s aqerru. (Intervention sur la forme du verbe). → Yessuli-yi lgaz s aqerru. (Intervention sur l’affixe du verbe). → Yuli-as lgaz almi d aqerru. (Intervention sur le fonctionnel). Deg wudem-is. → £er / arwudem-is. (Intervention sur la préposition). → S udem-is. (Intervention sur la préposition). D tazuli$t uqemmuc-is. → Aqemmuc-is, d tazuli$t.(Intervention sur l’ordre des mots). [124] II.2. Expression et proverbe : De manière générale, le proverbe est souvent plus long et plus expressif que l’expression. Il désigne une sentence morale, une maxime de sagesse. C’est aussi une formule figée, en métaphore, qui exprime une vérité d’expérience ou une vérité de bon sens, un conseil. On emploie aussi d’autres termes comme synonymes tel maxime, dicton, adage, pensée, formule, sentence, devise, … Bien que plus long que l’expression, le proverbe est une formulation condensée qui, se passant de l’histoire, véhicule une petite leçon de morale. Et tout comme les locutions et les expressions, les proverbes appartiennent à la culture et au patrimoine de la société, ce qui fait que chaque peuple possède ses propres constructions qu’il serait erroné d’essayer de traduire mais juste d’en donner les équivalents les plus rapprochés. Sur le plan structurel, le proverbe et la locution se rejoignent dans la mesure où ils apparaissent très souvent sous la forme de petites énigmes qu’il faut arriver à décoder pour en extraire le sens renfermé. Par ailleurs, les deux genres divergent au niveau de la construction syntagmatique/phrastique, puisque le proverbe combine, le plus souvent, deux énoncés subordonnés ou coordonnés afin de bien mettre en évidence l’opposition « bien – mal » sur laquelle repose la majorité des dictons, alors que l’expression se contente de très peu d’unités allant de la combinaison du comparé, comparant, élément de comparaison et outil de comparaison à uniquement l’élément de comparaison ou le comparant actualisé par une prédication (préposition ou auxiliaire). Sur le plan sémantique, le proverbe et l’expression s’opposent à la locution du fait qu’ils se suffisent à eux-mêmes pour rendre compte de leur signification et qu’ils n’ont pas besoin d’être consolidés par le contexte ou le co-texte (entourage linguistique) lorsque la relation métaphorique est saisit et, bien sûr, lorsqu’on appartient au même groupe culturel. Quant à la structure formelle et flexionnelle, le proverbe est bien plus rigide que la locution et l’expression. En effet, la sentence n’admet pas ou très peu de modifications. Elle est généralement mise entre guillemets ou entre tirets de séparation comme pour rendre compte du degré de figement de ces actes de paroles. [125] Par ailleurs, tous ces genres d’expressions se distinguent par des caractéristiques spécifiques que ce soit au niveau de la thématique ou de la structure proprement linguistique. Certes, des convergences existent entre eux mais une étude plus approfondie démontrera une nette divergence. III. Structure et caractéristiques idiomatiques en kabyle: des expressions Les expressions idiomatiques en kabyle et probablement en berbère, prennent des structures courtes où on n’y retrouve en général, que deux voire trois unités essentielles véhiculant de façon explicite la métaphore et renfermant délicatement le sens implicite. Ces métaphores sont bien entendu, en relation étroite avec les représentations existantes au sein de cette société. En kabyle comme dans d’autres langues, les expressions idiomatiques relèvent de plusieurs domaines qui s’expliquent en référence au champ sémantique des deux unités utilisées ou, plus précisément, au noyau sémantique de l’énoncé sur lequel est basé la métaphore. Le plus souvent, les expressions idiomatiques sont construites autour d’un noyau par exemple les expressions basées sur basées sur l’anatomie sont portées par le nom d’une partie ou un organe du corps humain voire deux dans quelques cas, et qui est appuyé par la référence métaphorique généralement véhiculée par un verbe et quelque fois par un complément de nom ou un adjectif. Bien que la majorité se présente sous une structure phrastique simple, n’impliquant pas de nuance ou n’ayant pas besoin du contexte pour identifier leur sens, certaines expressions se présentent avec des caractéristiques assez spécifiques que nous expliquerons dans les points suivants. IV.1. Les caractéristiques thématiques : Parmi les thèmes abordés par les expressions idiomatiques recueillies, les plus représentatifs sont ceux renvoyant à la santé physique, aux sentiments et affection et à l’état morale et le caractère personnel. Dans chacune de ces thématiques, nous retrouvons la référence à plusieurs parties du corps, alors que dans les autres thématiques, chaque référence correspond à un, deux voire trois organes plus ou moins spécifiques. [126] On remarquera à partir de cette petite analyse thématique, qu’il existe une distribution plus ou moins complémentaire où chaque partie du corps correspond à une thématique précise. Par ailleurs, les cas où le même organe se retrouve dans deux voire plusieurs thèmes, révèlent l’existence d’un minimum de sens commun. En outre, nous constatons une relation logique entre les deux variables dans la mesure où celle-ci se base sur un rapprochement sémantique et sensationnel. IV.2. Les caractéristiques linguistiques : Les expressions idiomatiques présentent des caractéristiques linguistiques assez particulières les distinguant de façon irrévocable des proverbes et autres genres d’expressions construits sur la même structure. Parmi ces caractéristiques, nous en citerons les plus spécifiques et les plus représentatifs. IV.2.1. La référence polysémique : Sur plus de 400 expressions, nous avons recensé plus de 80 dont la référence significative est polysémique. Cette particularité intervient le plus souvent soit lorsque le verbe ou l’unité avec laquelle est combinée le nom de l’organe est lui-même polysémique d’où la polysémie de l’expression contenant cet élément. Yerwi uqerru/lmux-is. « Avoir la tête qui tourne ». - Avoir des maux de tête. - Etre perturbé par quelque chose. Irfed / yettawi aqerru-s deg yigenni. « (Marcher) la tête haute ». « Faire la grosse tête ». - Etre fier de ce qu’on est, avoir confiance en soi. - Frimer et être orgueilleux. Ou lorsque l’organe est partagé par plusieurs thématiques différentes : Yeîîef aqerru-is. « Mettre la tête entre les mains ». Etat physique - Fait référence aux maux de tête. Etat moral - Fait référence à la déception. £ezzif yiles-is. « Etre une grande gueule ». Caractère - Se dit de quelqu’un qui parle trop. Principes - se dit d’un menteur. [127] Par ailleurs, certains polysèmes sont conditionnés par d’autres particularités spécifiques à la langue : Yeréa aqerru-s. « Casser la tête à quelqu’un », « Casser les pieds », « Se casser la tête », « Se creuser la cervelle ». - Ennuyer quelqu’un. - Se donner à fond. Cette expression qui renvoie à un double sens ne l’est en fait que lorsqu’elle est construite sur cette structure. Autrement dit, lorsqu’il y a une certaine concordance entre le sujet du verbe avec l’affixe du nom de l’organe, l’expression acquiert cette polysémie car les deux sujets se confondent. Par contre, cette particularité polysémique est rompue dès que la confusion entre les deux sujets (indice de personne et affixe) est interrompue dans le sens où on pourrait distinguer les deux parties en question sans avoir à recourir au contexte ou au co texte linguistique : Réan aqerru-is. « Casser la tête à quelqu’un » Ils l’ont ennuyé. Ou lorsque les deux parties font clairement référence à la même personne : Réi$ aqerru-iw « Se creuser la cervelle ». Je me suis donné à fond. Notons par ailleurs, que la polysémie dans les expressions idiomatiques se manifeste souvent sous deux significations mais elle peut aussi couvrir trois voire quatre sens différents réunis sous un minimum de sens commun. Yebzegwudem-is. « Avoir le visage enflé ». - Avoir mal dormi. - Etre malade. - Employé avec l’actif, l’expression signifie se faire tabasser et défigurer. [128] IV.2.2. La synonymie : Comme il existe des expressions douées de plusieurs significations, il existe aussi des expressions qui convergent au niveau sémantique. Cette synonymie apparait avec le même organe où sur la base d’organes différents. Elle est généralement liée à cette relation révélée à travers les thématiques. (1) Sdatwallen-is. « A vue de nez », « sous les yeux », « ça crève les yeux ». Se trouve juste devant (à côté de). Sdatwanzaren-is. « A vue de nez », « sous les yeux », « ça crève les yeux ». Se trouve juste devant (à côté de). (2) Teqqurtasa-a. « Avoir le cœur dur », « Avoir une pierre à la place du cœur ». Se dit de quelqu’un qui n’a aucune pitié. Ur yesiiara n wul. « Etre sans cœur ». Etre sans pitié, insensible. Les significations révélées dans certaines expressions dénotent toutefois, quelques nuances sémantiques comme celles qu’on pourrait relever entre les deux organes « cœur » et « foie » qui, bien qu’ils fassent référence à la même signification au sens général, mais, leurs emplois est basés sur la répartition sémantique qui fait que la majorité des emplois de l’organe « foie » dénote en plus du sentiment, le lien sanguin et familier que le cœur ne prend pas en charge. [129] IV.2.3. L’antonymie : Cette caractéristiques est très restreinte et ne s’affiche qu’à travers quelques expressions qui incluent des verbes qui ont cette particularité. Ff$ent-d wallen-is. « Sortir par les oreilles », « Avoir les yeux qui brille » - En avoir mare. - Etre attiré. Yebra i uqerru-is « Baisser la tête ». - Signe de respect. - Signe de honte. IV.2.4. Corrélation syntaxe – sémantique : Dans ce volet, nous nous sommes intéressés aux phénomènes syntaxiques qui induisent des changements au niveau sémantique allant de simples nuances sémantiques à des oppositions totales (antonymie) en passant par la diversification significatives (polysémie). • L’aspect : Il arrive que le changement de l’aspect du verbe introduisant le nom de l’organe induise un changement assez pertinent au niveau sémantique. (1) S yivarren i t-yexdem. « Avoir deux mains gauches ». Faire un mauvais travail. S yivarren-is ad t-yexdem. « Faire quelque chose les doigts dans le nez ». « Faire quelque chose les bras liés ». - Se dit de quelque chose qui est facile à faire. - Se dit pour rendre compte du peu d’effort à fournir. (2) Yerwa ôôay-is « Etre farfelu ». S’être bien amusé, avoir profité de la vie. Ad yerwu rray-is. « Récoler le résultat ses actes ». Subir et assumer les conséquences de ses actes. [130] • La particule de direction et les affixes : Dans quelques expressions, nous avons remarqué que la substitution d’un seul élément périphérique au verbe conducteur, induit parfois un changement de sens allant même jusqu’à en former des antonymes. (1) Yefka afus. « Tourner le dos ». Abandonner quelqu’un qui compte sur notre aide. Yefka-as afus-is. « Serrer la main », « Tendre la main ». Manière de saluer avec les mains. Yefka-d afus. « Donner un coup de main / pousse ». Aider quelqu’un. (2) Te$li-d gar yifassen-is. « Une chose m’est tombée sous la main ». Le hasard a fait que la chose soit arrivée jusqu’à lui. Ye$li gar yifassen-is « Tomber dans les bras ». Trouver quelqu’un qui va nous consoler. • Les prépositions : La substitution d’une préposition par une autre induit dans quelques expressions une diversification sémantique. (1) Nnig wul-is. « Sans y mettre son cœur ». Faire ou dire quelque chose sans le vouloir mais par obligation ou désintéressement. Seg wul. « Y mettre tout son cœur », « du fond du cœur ». - Sincèrement. - Avec/ par amour, par estime. - Passionnément. [131] Eléments bibliographiques : • • • • ASHRAF M. et MIANNAY D. (1995), Dictionnaire des expressions idiomatiques, Librairie Générale Française, France. DALLET, J.-M. (1982), Dictionnaire kabyle-français, Parler des AtMengellat, Paris, SELAF. EL ADAK, M. (2006). Le figement lexical en rifain : étude des locutionsrelatives au corps humain. Thèse de doctorat, INALCO, Paris. TAIFI, M. (1991). Dictionnaire tamazight-français (Parler du Maroccentral), Paris, L’Harmattan-Awal. [132] La notion du genre littéraire poétique oral (Paramètres de classification) ---------------------Yasmina FOURALI Université Akli Mohand OULHADJ - BOUIRA Introduction : Cette contribution présente la synthèse ou le bilan des études faites autour de la problématique du genre poétique kabyle, en particulier la poésie d’amour « aêiêa, aquli, izli » et relativement « tizrarin » un terme pas très connu ou employé dans toutes les régions berbérophones. Elle tente aussi, de mettre en lumière la relation de ces genres avec la définition extraite du terrain et celles déjà présentées par certains chercheurs et voir les différences dans le traitement des paramètres. Ensuite, elle cherche à identifier les raisons qui entravent la classification de ce genre d’une façon définitive. Enfin, elle nous permet, d’une part, de voir la place qu’occupe ce genre dans la société -un genre dit mineur- et d’une autre part de souligner l’intérêt que doit recevoir ce genre pour d’éventuelle définition, dénomination et classification adéquates basées sur un choix méthodologique ou conventionnel ! La littérature berbère se trouvant dans un champ d’investigation en quête d’une éventuelle classification du genre seulement elle se trouve devant de diverses difficultés à savoir le peu de recherches et des études lancées dans ce domaine. Il y’a toujours lieu de préciser que la littérature berbère n’a été traitée, qu’ à partir du 19e siècle, et ce que comme un champ documentaire souvent sommé de révéler la mentalité des berbères, leur mode de vie, leurs mythes et leurs croyances, c’est pour ça qu’elle a perdu de ses valeurs littéraires et que par conséquence on ne peut jusque là établir une classification en genres déterminés. Pourtant, déjà au 12e siècle, des sources ibadites avaient signalé l’existence des genres et catégories de chant berbères (du moins le genre poétique) par un savant ibadites qui recueilli un corpus de poésie intitulé « catégorie-genres de poésies et chants chez les berbères médiévaux. Cela signifie qu’il y’avait une tentative de théoriser les genres et qu’avec le temps on aurait perdu cette désignation ou même une grande partie des faits-distinctifs de tous ces genres qui ont pu existés dans un temps et qu’on ne peut, [133] malheureusement, repérer aussi facilement aujourd’hui. Et Si aujourd’hui cette théorie ne nous a pas été parvenue, c’est parce que les agents de celle-ci, la pratiquaient et la vivaient dans une oralité spécifique, sans le moindre souci qu’un jour elle serait égarée dans cet ensemble d’approches qui essayaient de la définir sans la spécialisation, alors ils n’ont pas pensé d’établir des règles comme l’ont déjà souligné H. Basset, M. Mammeri et d’autres. Ces agents n’ont jamais éprouvé le besoin de la théoriser mais les chercheurs, aujourd’hui, signalent l’urgence de le faire par souci qu’elle ne disparaisse complètement, de voir s’estomper les classifications des genres littéraires oraux qu’elle regorge. Léo-Frobenius écrivait en 1921 : «…autrefois on faisait bien la différence entre les diverses formes de narration…aujourd’hui les classifications s’estompent. Les noms des différents genres narratifs sont en partie oubliés d’autres sont remplacés par des noms arabes, certains se confondent…»1. Ce chercheur signale bien les difficultés de garantir toute authenticité pour énumérer les anciens genres « narratifs » et comme le fait remarquer A. Bounfour, ce problème peut signifier absence ou perte du système littéraire qui codifie la littérature traditionnelle. Aujourd’hui, il existe naturellement toute une série de tentatives de classement et d’interprétation des genres kabylesberbères, elles se fondent sur les plus récentes investigations des sciences humaines, en proposant de différents modèles d’analyses : anthropologique, structurale et autres. Seulement, les résultats sont encore insuffisants car la question se pose toujours et on sent dans leurs analyses une certaine sensibilité et hésitation quant à l’emploi du mot « genre ». 1- La notion du genre autour de la poésie d’amour: D’une façon générale, un genre littéraire est une notion de type catégoriel qui permet de classer des productions littéraires ; il est une convention qui donne un cadre, une forme plus au moins précise à une œuvre donnée. Dans la tradition scripturaire, la notion de « genre littéraire » a suscité, tout au long de l’histoire, une réflexion et des débats pour dégager une « théorie des genres ». En effet ce problème de genre est l’un des plus anciens de la poétique dont le système est 1 Léo-Frobenius, contes kabyles, Tome1, Edisud, Aix, 1995, P. 20, 1921. In : A.Bounfour, introduction à la littérature berbère, 1-la poésie, Ed. Peeters, Paris, 1999, P. 25 [134] perpétué depuis Aristote. La recherche d’une classification des classes de textes en genre s’est trouvé chargée par des diverses disciplines qui remettent en cause sa validité par l’inévitable évolution des regards portés sur la production littéraire et sa littérarité. Qu’est ce qu’un genre? Est une question qui ne semble avoir de réponse claire jusque là, surtout après l’éclatement des genres au 19e siècle. T. Todorov, J.M. Schaeffer, Karl Viêtor et d’autres encore ont lancé un débat sur la question en guise, d’abord d’éclairer la relation qui peut lier entre le texte et le genre puis d’identifier des paramètres pour classifier une classe de textes donnés. Ce qui rend la chose difficile est que ces textes ou ces genres dans leur ensemble s’interpénètrent et les critères de classification ne sont pas simples et faciles d’autant plus que les chercheurs eux-mêmes différent dans la conception des critères de distinctions : selon la nature, la structure des textes, condition de profération, leur réception…etc. Ce qui parait un problème fondamental est que, ces paramètres ne peuvent être jusque la universels (applicables à tous les genres appartenant aux autres langues du monde). L’hiérarchisation de la parole traditionnelle berbère en genre littéraire bien définis, se heurte à ces mêmes difficultés vécues par les autres littératures depuis des siècles. Sachant que l’aspect littéraire des « textes berbères » n’a été, réellement abordé qu’au alentour du 20e siècle et les premières études qui ont essayé de les approcher, ont employé une terminologie qui n’est pas propre à celle des autochtones. C’est pour cela que, la désignation de la catégorie « genre » ou « type » dans cette même littérature ne semble être très claire. H. Basset, (1920), Essai sur la littérature des berbères, fut Le premier chercheur a abordé la question des genres littéraires berbères. Il a porté l’accent sur les genres littéraires kabyles existants en prose et en poésie, seulement ses résultats ou ses constats n’ont conduit qu’à des distorsions de la réalité décrite, il a jugé les deux formes d’expression que ce soit narrative ou poétique d’expression dénuée de morale ou d’idée simple. Et si la désignation de cette littérature n’est pas élaborée, c’est parce qu’il y’a absence de système de valeur spécialisé et d’institution. Cela a bien suscité l’intérêt et la réaction de M. Mammeri, P. Galand Pernet A.Bounfour et d’autres encore. [135] M. Mammeri, (1980), de sa part, dans « y’a-t-ils des caractéristiques spécifiques de l’oralité », culture savante, culture vécue disait qu’une distinction des genres kabyles n’existe pas mais par contre il y’a des noms pour désigner des types particuliers de poésie qui sont en nombre de quatre « aquli, izli, asefru, taqsit ». Et que même s’il y’aurait la possibilité de définir un genre avec une certaine rigueur cela ne serait être facile devant certaines entraves…Cela est dû, selon lui, d’abord par le fait de l’inexistence d’une théorie globale de l’oralité et surtout par le manque de spécialisation dans le domaine de l’oralité. Galand-Pernet, (1998), dans littératures berbères des voix des lettres, n’opère pas la possibilité d’employer le terme « genre », elle préfère celui de « type ». Pour elle c’est le terme qui répond le mieux à la réalité dialectale divergente. Les termes existants ne peuvent pas servir à cette fin, car chaque groupe berbère héberge une classe de texte propre à lui, même si l’on peut trouver des éléments communs. Elle continu de dire que même la répartition entre épique, lyrique et dramatique utilisée dans les classifications des littératures occidentales, ne peut s’appliquer aux littératures berbères (sans la moindre explication !). Elle désigna alors, à ce propos, dans son analyse les types suivants : ahellil, izli et lqist (qui est un genre narratif) A. Bounfour, (1999), dans Introduction à la littérature berbère, 1-poésie, expose lui aussi la difficulté d’établir une terminologie des genres à cause de la forte dialectalisation et propose une classification de trois genres majeurs : l’énigme, le genre narratif et poème. Dans son ouvrage, il évoque un ensemble de genres poétique berbère dont la terminologie fait défaut d’une définition claire, parmi « aquli, tamedyazt, tayffert, izli…». K.Bouamara, (2004), dans Si Lbachir Amellah (1861-1930) un poète-chanteur célèbre de Kabylie, de sa part a souligné que la difficulté de définir le genre ne concerne pas que le genre de l’oralité mais aussi ceux de genres écrits. Il attire l’attention à un point très important, que pour rendre la configuration poétique possible, il faudrait d’abord connaitre les critères ou les paramètres du mot genre en lui même et qui contribueront à l’identification ou la description des genres poétiques berbères (kabyles) en l’occurrence izli, aquli, asefru, etc. Il a évoqué dans son travail les efforts consentis par plusieurs chercheurs tels Karl Viëtor, T. Todorov, Marie-Schaeffer [136] pour cerner les paramètres de classification qui peuvent être d’ordres intra-textuels et extratextuels… Ces chercheurs soucieux de la situation problématique du genre littéraire berbère, voient qu’il est urgent de régler l’afflux de terminologie observé dans la langue berbère, de s’entendre sur des paramètres scientifiques clairs et d’opérer des définitions possibles pour les différents genres. Seulement que, cela suscite d’élaborer une méthode qui permettra de récupérer du terrain le maximum de descriptions locales possibles pour gérer déjà les différentes définitions attribuées à un seul et même genre. C’est dans ce contexte que s’inscrit notre contribution, où nous avons vu très nécessaire d’évoquer l’ensemble des travaux réalisés autour d’un genre poétique « la poésie d’amour chantée : aêiêa, izli, aquli dont se regroupent un ensemble de définitions qui paraissent conflictuelle déjà pour un seul dialecte « le kabyle ». Cette situation est due par le fait d’une terminologie abondante et le manque de description locale. 2- Définition de la poésie d’amour « aêiêa, izli, aquli » Il eu plusieurs définitions autour de la poésie d’amour dont la terminologie variée entre aêiêa, izli et aquli. Ces définitions semblent être moins stables et relativement communes. 2-1- Izli Un genre qui parait largement diffusé à travers les groupes berbérophones, vient de la racine « zl » qui signifie « chanter » chez les mozabites. Ce terme est défini différemment par ces auteurs : H. Basset, T. Yacine, M. Mammeri, P.G. Pernet, A.Bounfour, F. Ayt Faroukh et M. Mahfoufi. Il y’a lieu de signaler qu’on ne va pas se focaliser sur les détails auteur par auteur, juste signaler les différentes définitions que nous complèteront avec d’autres informations recueillies du terrain (région de Takerboust -Bouira, et de Tizi Gheniff-Tizi Ouzou):: Forme poétique (simple/ importante), poésie d’amour, petits poèmes, chant, poésie ; ou le verbe chanter, petit poème chanté. Réservé aux femmes ; chanter ; grande affaire ; joute poétique mais il n’est pas indiqué dans la plupart que c’est une forme réservée uniquement aux femmes. La racine semble être repairée dans plusieurs points de la Kabylie et d‘autres de la Berbérie même en [137] Egypte. La forme est variable, courte pour la plupart. Par contre dans le dictionnaire de J.M.Dallet et dans les deux régions :Tizi Gheniff, Taqerbust et ces quelques régions avoisinantes ce terme ne révèle aucune relation avec le chant mais ayant un autre sens : izli du verbe zlu, il a le sens d’égorger= izlan/ tizli (le dernier sang qui reste sur la gorge de l’animal égorgé). Pour certains, il est un genre à part entière sans pour autant déterminer ce qui fait de lui un genre ; un genre mineur car il est limité dans son énonciation aux femmes et pour d’autres il ne l’est pas car sa définition reste inhérente à la variété des cultures locales. 2-2- Aêiêa : Défini aussi comme poésie chantée à thématique amoureuse et parfois érotique ; moins diffusé que l’izli. Il a été cité par ces auteurs Hanoteau, J.M.Dallet, Djellaoui, et étudié F.Ayt Faroukh et Mahfoufi : C’est une poésie d’amour ; chant d’amour ; chanson d’amour libertine ; forme variable, courte dans la plupart. La racine semble n’être partagée que dans quelques régions de la Kabylie (du moins celle concernées par les enquêtes). Par le manque d’études, sa dénomination comme genre reste incertaine et parfois moins considérée et le débat reste ouvert à fin de réunir d’autres paramètres constitutifs (les conditions de production, d’énonciation et de réception et surtout récupérer du terrain le champ sémantique adéquat). Un travail de master a été fait dernièrement sous notre direction sur l’aêiêa dans la région de Takerboust ‘Bouira’ dont l’objectif est de récupérer d’autres descriptions du terrain. La région de Taqerbust : emploi les deux termes : aêiêa et aquli pour désigner la poésie d’amour chantée par les femmes en chœur ou parfois en soliste (solo), accompagné de battement de mains, de tambours (abendayer) 1 et danse. Elle porte comme thématique toutes description du sentiment de l’amour et les parties intime du corps féminin et masculin. Le temps favoris de ce chant est la nuit de 1 Abendayer n’est pas utilisé comme un instrument de musique, mais un outil avec le quel on étouffe les mots vulgaires proférés- car ces femmes ne peuvent pas s’abstenir quant à leur prononciation- pour que les hommes ne les entendent pas et ne reconnaissent pas la voix de la femme qui l’aurait chanté, si non elle serait battue ; de plus les youyou qui interviennent pour remplir la même fonction [138] noce, ou se regroupent uniquement les femmes mariés et celles qui s’apprêtent à se marier. Ces vers sont employés pour préparer et rassurer les futurs mariés: Wa nana ma tewwiv-d liéar/ deg yid-agi ad neméaréar/ cwi meqqar iêa yelha /ahiha d gma-s n lqut Il porte aussi la signification de chasser les oiseaux : ashahi n yifrax= asqerqar(êa êa êa, ad afgen yifrax). Dans la région de Tizi Ghennif, on trouve aussi la même signification : faire fuir les oiseaux (la yesêaêay tiéiwci ne$ imerga, tisekkrin). Maintenant, si on fait une connotation du mot aêiêa, on peut l’interpréter ainsi : il exprime le plaisir refoulé du soi. La lettre «ê »est un son produit dans deux situations différentes dans la proclamation de la douleur «aêê » et le plaisir « eêê». Et si on se réfère aussi a la signification donnée par certaines de non locutrices : ttawint aêiêa signifie le va et vient, relatif au rapport sexuel axxam n buciêa relatif à la partie intime de la femme ; ad tent yeçç mmi s seêêa qui signifie le plaisir sexuel. Le mot est repéré dans une chansonnette pour enfant : awi, awi a lhawa/ tisekrin di îîerêa/ la ttawint aêiêa/ fell-ak a sidi Yeêya; à Tizi gheniff :diwêa, diwêa/ tisekkrin di tterha/ la ttawint ahiha/ ar uxxam n buciêa/ ad tent-yeçç mmi s sseêêa cela crée une situation paradoxal pour le sens que peut avoir le mot ! 2-3- Aquli : En comparaison avec les deux premiers genres celui-ci n’est pas très étudié, mis à part l’étude faites par Bouamara, si non on en trouvera quelques passages qui tentent de l’expliquer d’ici par là et qui le mettent en opposition avec aêiêa. A partir de la, on va conclure que par la diffusion le terme izli parait le plus répondu par rapport aux deux autres mais si nous nous appuyons sur le champ sémantique récemment recueilli du terrain on en déduira que le terme aêiêa parait le plus convenant pour les caractéristiques déjà citées. Alors la question à poser éventuellement est : quel est le terme qui pourrait faire un projet d’un genre panberbère ? [139] 3- Les paramètres de classification et réflexion: A raison d’une oralité et de la non existence de normes ou de règles préétablies par les ancêtres, on s’y trouve aujourd’hui dans une situation problématique et dans l’urgence d’établir des paramètres qui serviront de bases pour une éventuelle « théorie des genres oraux ». Ce retard est dû par le fait que cette poésie est, dans sa plupart, féminine, qualifiée de genre mineur et villageoise en opposition à celle masculine dite noble ; c’est alors, qu’elle n’a pas reçue l’intérêt qu’elle mérite. Après quelques années de l’indépendance du pays, la poésie a gagné d’autres espaces de performance avec l’émergence d’un groupe de poétesse-chanteuse qui ont permet à ce genre poétique traditionnel une nouvelle dimension surtout sur le plan de la performance et a suscité ainsi un grand intérêt pour de nombreuses études. S.M.Akli1, a parlait de l’importance de la poésie féminine dans la définition de la poétique kabyle, ce qui a accentué l’intérêt et donne à l’analyse l’opportunité de poser les problèmes relatifs à la notion du genre poétique réalisé en situation d’oralité…Cependant, ces dernières décennies, certains chercheurs tentent de lui donner une éventuelle définition à base de certains paramètres conçus, à voir sa structure, son énonciation ou sa situation de production. M. Mahfoufi, T. Yacine, P. G.Pernet, K. Bouamara, A.Bounfour ont soulevé un ensemble de paramètres possibles qui peuvent servir, éventuellement de base pour définir et classifier ce genre oral dit poésie d’amour. Seulement, il y’a lieu de s’arrêter un moment sur l’un des premiers paramètres « l’écriture » appliqué par l’un des pionniers français dont H. Basset, qui ont participé à sauvegarder une riche littérature en corpus et manuscrits. L’écriture : est un critère adopté par H. Basset. Il disait que : «…les phrases de poésie…, sont des idées simples,…; traditionnels,…si bien déformés parfois que leur sens n’apparait plus clairement…est cela pour la raison de l’absence de l’écriture et que les berbères n’ont jamais songé à formuler les règles qu’ils suivent tout naturellement». Il est clair que ce paramètre est spécifique à une 1 - voir Salhi Mohand Akli, « poésie féminine et poétique kabyle », In Des femmes et des textes dans l’espace maghrébin, Actes du Colloque International, du 21-23 mai 2000, Constantine (Algérie), p. 213. [140] communication réalisée à base d’une perception visuelle1 du message. Ce paramètre adopté par H. Basset pour classifier les genres poétiques relève d’un principe évolutionniste2. Ce critère a été remis en cause par M. Mammeri, P.G. Pernet, A.Bounfour, K. Bouamara, qui expliquent que les exigences de l’écriture et ceux de l’oralité sont tout à fait différentes et que, c’est le résultat de l’influence du romantisme allemand, apparu en France au 19e siècle, qui a mis cette opposition : littérature écrite/ littérature orale et appliquée sur la littérature berbère. La métrique : proposée déjà par Mammeri, ayant dégagé la forme (aab /757) qui pour lui est fixe et qui est une spécificité dans l’asefru mohandien par contre K.Bouamara voit que ce critère à lui seul ne suffit pas, car cette forme déclarée dans l’asefru revient dans la quasi-totalité dans l’aquli (poésie de Si Lbachir Amellah) et reconnait dans l’izli par T. Yacine La longueur des poèmes : ce paramètre ne suffit pas, en lui seul pour définir la structure du poème dit fixe. Si Yacine dit que des formes tel (quatrains/ quintils/ sizains…ect.) sont localisés dans l’izli, Bouamara dit que s’est aussi une spécificité dans l’asefru mohandien et dans l’aquli de Si Lbachir. La terminologie employée pour dénommer un genre : est proposée comme l’un des critères de classification du genre poétique seulement on s’est trouve devant d’autres substituts qui regorgent les mêmes caractéristiques malgré qu’ils sont dits des genres différents, tel le cas observé par K. Bouamara dans la poésie de Si Lbachir, et dans l’asefru mohandien : awal/ lqewla/ aquli/ lfesl/ lherf. Ces substituts, dans leur globalité, recouvrent pratiquement le même sens 1 - l’écriture évoque la notion d’analphabète qui a son tour se soumet à la scolarisation, or que cette paire ne ce laisse définir que dans une société de tradition écrite. 2 - H. Basset était certainement influencé dans son analyse par la théorie darwiniste des genres reprise par Ferdinand Brunetière. Elle représente l’aboutissement du paradigme biologique dans la conception du genre apparu au même siècle et qu’il a conçu en appliquant systématiquement cette théorie à l’histoire de la littérature française. H. Basset appliquait alors cette même théorie sur la littérature berbère. Sachant que cette théorie a été remise en cause par Jean-Marie Schaeffer, Gérard Genette et d’autres encore qui ont démontré la faillite de cette théorie ; son paramètre n’est ni scientifique ni empirique, il est ethnocentrique [141] proche du mot « poème ». Ces substituts « aquli, asefru et awal » sont aussi retrouvés dans un corpus nouvellement recueilli dans la région de Taqerbust : - s llif n heyya asefru/ lfahem ad t-yaru… - A leêbab ad nemsawal/ ad nemrir awal … - Ad nebdu aquli $ef lba/ berka lbaîiîa… M.Dellaoui, Evolution de la poésie kabyle et ses spécificités entre la tradition et la modernité (2009 :388) de sa part dit que les termes « aêiêa et izli » sont les plus renommés et que le rapprochement, fait par Bouamara entre aquli et aêiêa n’est tient pas. Il explique que le mot aquli- leqwal, vient de l’arabe, qui signifie les paroles sages. Quant à Mahfoufi, aquli est une poésie chantée par les imeksawen. Dans la région de takarboust, le terme aquli 1 fait partie de ahiha, il est une poésie d’amour non chantée. Il passe au niveau de l’aêiêa on lui attribuant un rythme de musique ; le mot aquli correspond dans ce cas à la signification qu’on retrouve en arabe ( elqawl= anchada/ khataba). On a repéré un autre substitut dans la région de Tizi Gheniff qui est Tizrarin2 qui semble partager les mêmes caractéristiques que : izli, ahiha et aquli. Ce terme, selon A. Bounfour, est aussi retrouvé par un jeune chercheur dans l’une des régions marocaine Le contenu : la thématique d’amour est une caractéristique spécifique de l’izli selon T.Yacine seulement Bouamara l’attribua aussi à l’aquli et l’asefru de SI Mohand ; elle est chantée aussi même par les « ivebbalen » comme en témoigne déjà Hanoteau au 19e siècle. Si T .Yacine rajoute l’aspect de l’individualité, K ; Bouamara l’identifie aussi dans l’aquli, la même chose pour : Le duo ou le duel. A voir ces similitudes partagées par ces trois genres, Bouamara conclue de dire qu’il n’est pas impossible que tous ces 1 -ce terme est aussi employé avec le même sens dans les régions avoisinantes de Takerboust : Selloum/ Imcheddalen/ At Hemdoun/ Iwakouren. 2 - ce terme tizrarin signifie aussi lemdeêet raconter un ensemble de tiêuoay! Tizrarin au singulier azrar ; il signifie le collier peut signifie la poésie dite en duo lors des cérémonies de mariage et s’accompagne avec une danse excitante. Un travail reste à faire pour compléter la signification. [142] termes techniques : asefru, aquli, et izli soient des synonymes qui désigneraient un seul et même « genre » ce qui fait il serait possible de les classer comme un seul genre, il suffirait juste de choisir un terme pour le dénommer ! A partir de quelques caractéristiques générales partagées entre les autres poésies universelles et celles de la poésie d’amour arabe dite (elghazalia) tout en considérant celles locales. Il transpose les deux parties essentielles que contient l’arabe à ce qui la corresponde en tamazight : ghazel εoudri εafif = tamedyazt n tayri tusirt (celle qui ne révèle que les sentiments sérieux et nobles) et ghazel êissi ibaêi = tamedyazt n tayri tufviêt (celle qui traite du sexe et contient la description des parties intimes du corps), même si cela peut être possible, il reste à trouver les critères sur les quels il y’aurait possibilité de trier une seule dénomination devant l’afflux d’une terminologie dialectale. Il y’eut un autre paramètre qui parait aussi si important évoqué par Mahfoufi et soutenu par P.G. Pernet, qui est le rythme musical qui structure le texte dans sa distribution et entrepris dans l’analyse poétique. Il y’eut d’autres paramètres à prendre aussi en considération, telle La sphère géographique (la large diffusion) présenté par P.G. Pernet1 en définissant ahellil et izli. La liste de paramètre ne s’arrête pas là, il y’eut d’autre proposés tels : La fonction, le rituel par Mammeri ; le contenu thématique le statut du chanteur, Les conditions de performance, la langue poétique ; la fonction du poète par A.Bounfour. Bouamara de sa part expose aussi d’autres, qui sont étudiés par des chercheurs étrangers tels Karl Vietor, J.M.Scheaffer et T.Todorov et d’autres proposés par Chréstiane Seydou en travaillant sur des échantillons de la littérature orale africaine dont le Mali et qui sont d’ordre intra textuel et extratextuel. 1 - voir : P.G. Pernet, littératures berbères des voix des lettres, presses universitaires de France, 1998. [143] 4- Les raisons : Les raisons qui font que la classification des genres dits poétiques sont d’ordre général, seulement on ne va citer que certaines qui paraissent communes aux genres poétiques oraux berbères traités dans ce travail et que nous n’allons pas les énumérer toutes : Les genres de la littérature orale s’interpénètrent, ce qui rend difficile leur classification. Il y’a une liaison intime entre un genre et un autre comme on la constaté pour aêiêa, izli, aquli et éventuellement tizrarin. Ce caractère commun répond au contexte, de la théorie générique d’où la dynamique des genres qui stipule que ces ressemblances textuelles, formelles et surtout thématiques peuvent être considérées comme un réinvestissement de cette même composante textuelle. La variation constatée au niveau de la terminologie employées pour désigner la poésie d’amour, comme la souligné beaucoup de chercheurs entre autre P.G. Pernet et A.Bounfour, est due à la diversité dialectale et qui certainement rentre en rapport avec les changements opérés aux niveaux de la société berbère en général dont le régime colonial, l’influence de l’écrit et surtout l’invasion de la langue arabe qui s’est faite place dans le domaine littéraire comme avec l’emprunt d’où l’exemple de « aquli ». L’influence du religieux, qui a fait naitre une idéologie officielle du groupe, évoqué par T. Yacine fait que la poésie amoureuse-féminine vit dans un anonymat et n’acquiert pas de statut digne d’un genre particulier. Vu sa thématique sensible « le sentiment d’amour » et le caractère vulgaire qui prime font que, cette poésie vit longtemps dénué de statut et qualifié de genre mineur par rapport à la poésie masculine qui elle dite noble. Ce qui fait que cette poésie ne pouvait pas avoir de système ou l’aurait perdu. Dans ce contexte, Tzvetan Todorov souligne que : « Chaque époque a son propre système de genres, qui est en rapport avec l'idéologie dominante. Une société choisit et codifie les actes qui correspondent au plus près à son idéologie ; c'est pourquoi l'existence de certains genres dans une société, leur absence dans une autre, sont révélatrices de cette idéologie ». Seulement, il y’a lieu de dire que malgré la marginalisation imposé par l’implantation du système susdit qui voulait le suffoquer [144] par un ensemble d’interdits1, ce genre a tout de même sauvegarder beaucoup de ces trait performants car on ne pouvait supprimer les agents de ce genre. D’autres raisons qui sont d’ordre général et partagées par tous les autres genres que ce soient poétiques ou narratifs, le manque de recherches et d’études scientifiques et surtout de spécialisation. Le penchant vers l’aspect linguistique qui a envahit l’esprit de la recherche scientifique lancée en Europe, surtout pendant la période qui s’étalait entre 1870 et la moitié du 20e siècle ou il y’eut des recherches en Europe sur les langues pour remonter aux langues mères en linguistique ; ces aspects ont été transposé sur le domaine berbère mais dans un esprit beaucoup plus historique et colonial. Et vu le statut sociopolitique de la langue (dit, à l’époque : idiome) était innommable, durant ce même siècle fait que les études berbères perdent de ses valeurs littéraires à une époque où ces chercheurs auraient pu sauver la plupart. 5- Propositions : Le genre qui aurait mieux gardé son intégrité et qui présenterait moins de différences d’une région à une autre et dans le même dialecte et qui répond à l’ensemble des paramètres serait adopté comme un genre majeur et panberbère. Seulement devant cette diversité dialectale qui constitue une convergence littéraire, il est conseillé, dans ce cas, de faire un choix (comme la déjà signalé A. Bounfour) et qui se résume en deux points : ou se contenter de la terminologie d’un seul groupe, ce qui ne satisfait pas le critère de l’exhaustivité ou d’étudier la terminologie de tous les groupes séparément et tenter ensuite de faire ressortir une sorte de théorie générique ; ce que nous avons procéder de faire sur le terrain du moins pour le dialecte kabyle dans les deux régions déjà citées en dessous. Certes le facteur temps serait une difficulté mais sur le plan de la recherche elle rapportera beaucoup même à long terme ! 1 - dans ce contexte, on fait rappel du même cas qui a concerné le rituel de « Anéar », H.Genevois notait que les marabouts, au 18e siècle, l’ont frappé d’interdit. Il y’a eu une tentative d’islamisation du rituel, quand les usagers de ce rite ont disparu. [145] Conclusion : L’état des lieux des études sur les genres littéraires berbères, nous l’avons vu ci-dessus, n’est pas aussi maigre qu’on le croyait seulement il manque de spécialisation et des enquêtes de terrain. Il n’y a pas d’études qui rendent compte des genres littéraires berbères de manière claire et systématique par le fait du manque, constaté déjà par P.G. Pernet, de descriptions locales … La liste des genres oraux dans la littérature berbère d’une façon générale ou kabyle d’une façon particulière n’est pas close, le débat est toujours soulevé et les recherches paraissent très peu avancées car la convergence y’est toujours. Cet état de chose, exprime une perspective pour une théorisation des genres de la littérature orale berbère seulement cela exige une stratégie, visant sans doute à régler le conflit dialectal qui semble entraver cette démarche par la richesse terminologique qu’il propose. Par ce fait il serait aussi judicieux que l’état constitue une institution scientifique qui permettra de gérer ces différences en vue d’une théorie générale des genres oraux berbères ! Bibliographie • Ayt Faroukh Farida, 1994, Ethnopoétique berbère, le cas de la poésie orale kabyle, Thèse de doctorat à la sorbonne, sous la direction du P.m. Arkoun, Paris. • Bounfour. A, 1999, Introduction à la littérature berbère, 1-la poésie, Peters, Paris, Louvain. Basset.H, 1920, Essai sur la littérature des berbères, Ibis Press • Bouamara.K, 2004, Si Lbachir Amellah(1861-1930) un poètechanteur célèbre de Kabylie, Talantikit • Baumgardt Ursula et Jean Dérive, 2008, Littératures orales Africaines, Perspectives et Méthodologie, Karthala • Calvet.L.J., 1984, La tradition orale, Presses Universitaire de France. • Chevrier. 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Chaque fois les mêmes problèmes se posent : on se trouve inexorablement confronté à la problématique de l’intergénéricité qui est aussi consubstantielle à celle de la terminologie. L’une ne peut être envisagée sans l’autre, nous semblet-il. Apparemment, l’intérêt accordé à ce sujetn’a pas encore permis de déterminer adéquatement les genres littéraires héritées de la tradition orale et d’éclaircir les différentes formes d’interactions qui soustendent leur structure interne. Il en va sans doute de même pour la production écrite dite contemporaine où l’ambiguïté n’épargne pas l’œuvre de nombreux créateurs. De là à dire que seuls la multiplication et l’approfondissement des études visant la détermination des genres, leur classification et leur examen dans la perspective d’une comparaison interdialectale devraient permettre de remédier aux lacunes constatées. Il y a à vrai dire des productions qui mériteraient une attention toute particulière. C’est ce que nous voudrions souligner, dans le cadre de ce colloque, en abordant la confusion qui entoure la terminologie d’un type de poésie inspirée de la religion et qui consiste plus précisément à relater la vie du prophète et les faits héroïques de ses compagnons. Comme exemple d’illustration, nous avons choisi d’examiner un texte attesté dans trois dialectes : rifain 1 , kabyle 2 et 1 Le texte qui est donné ici en annexe est recueilli en 2009 auprès d’une femme âgée de 65 ans à Bouyafar, une tribu des Iqerɛeyyen située à 30 km de Nador. Selon elle, c’est une ṯḥajit« conte, histoire » sans titre.Il s’agit d’un texte rare qui semble avoir perdu quelques passages. Il a déjà fait l’objet d’une étude que nous avons publiée dans Revue des Etudes Berbères, vol. 8, Inalco, 2013, p 35. 2 M. Mammeri, Poèmes kabyles anciens, textes berbères et français, Paris, Maspero, 1980, p. 318. [148] touareg 1 , mais avec des variations de nature diverse sur lesquelles nous reviendrons dans une étude ultérieure. Sans s’attacher aux détails, il s’agit d’un récit court en vers où le prophète et les mécréants entrent en conflit au sujet d’une chamelle. L’intervention de l’imam Ali met fin au conflit et aboutit à une défaite cuisante des opposants du prophète. Seront ainsi examinés les termes amazighes (autochtones) et les termes empruntés à la langue française pour désigner un genre littéraire laissant apparaître un jeu d’interférence et de fusion entre l’historique, le religieux, le poétique, l’épique, etc. 1. Influence de l’islam et imaginaire religieux A l’instar d’autres littératures comme c’est le cas en Afrique et en Asie centrale, la littérature orale amazighe a subi une forte influence islamique. L’arabisation et l’islamisation rapide de la majorité des populations amazighes ont eu pour conséquence d’affecter leur héritage littéraire et culturel en l’orientant vers une nouvelle voie de valeurs. Ainsi, le renouveau culturel et idéologique favorisé par l’implantation progressive de l’islam se trouve porté par une production littéraire riche de l’apport religieux. En fait, dans un tel contexte, il va de soi que les genres littéraires préexistants se ramifient et que, dans certains récits comme le conte, des symboles et des éléments religieux se greffent sur des motifs profanes ancestraux. De quelque nature qu’elles soient, les nouvelles productions inspirées de la religion mettent en exergue la grandeur de l’islam et célèbrent les hauts faits du prophète et de ses compagnons. En voici quelques exemples : - récits relatant la vie des personnages ayant un statut prophétique comme Salomon, Moïse, Joseph, Job, etc. ; - récits relatant la vie des saints locaux comme Abdeslam Usalah, un saint de la tribu des Iqerԑiyyen très connu pour ses miracles, Cheikh Mohand qui a fait l’objet d’une légende hagiographique kabyle, Sidi Moussa « Boukabrine » dont la légende touareg rappelle celle de Joseph, etc. ; 1 M. Aghali-Zakara, 1997, « Baghirun, poème étiologique en berbère (touareg) », in Littérature Orale Arabo-Berbère, 25 (1997), p 231. [149] - récits en vers ou en prose relatant la victoire de l’islam et l’héroïsme d’Ali ; - zhid, dikr/adekker : poésie (mystico) religieuse axée sur l’amour de Dieu et du prophète. Elle est récitée aussi bien par les hommes que les femmes lors de différentes occasions telles que décès, mariage, baptême, etc.; - izlan ou poésie chantée et accompagnée de musique à l’exemple du répertoire de Moudrous (Rif), de Mokrane Agawa (Kabylie) et de Mehdi ben Mbark (Souss). L’éloge du croyant, la mort et le jugement dernier sont les principaux thèmes de cette poésie. - proverbes, adages, anecdotes, etc. Ce qui inspire essentiellement le genre de poésie qui nous intéresse ici, c’est l’islam populaire. Bien entendu, il n’est pas aisé d’identifier son origine et de dater son apparition avec exactitude. Toutefois, il serait possible de l’attribuer à l’inspiration maraboutique qui fut une caractéristique de la période de la décadence. C’est en effet à partir de cette époque que la ferveur religieuse commence à nourrir l’imaginaire populaire au sein des différentes confréries islamiques et que les croyances magiques et païennes connaissent leur plein essor en Afrique du Nord. A titre d’exemple, la vénération des saints est devenue une pratique désormais répandue dans les milieux populaires. Sans aucun doute, les pouvoirs politiques qui se sont succédé au cours des siècles ont joué un rôle déterminant dans l’implantation d’une telle pratique, ce qui est évidemment en totale contradiction avec l’islam qui est en principe une religion monothéiste. On comprend, dans cette perspective, que l'islam populaire a contribué de façon remarquable au développement d’une littérature nourrie d’imaginaire religieux. D’ailleurs, les différents récits où le prophète et ses compagnons s’illustrent par leur grandeur d’âme et leur bravoure laissent deviner qu’ils sont inspirés des récits al-maɣāzī « récits des expéditions arabo-musulmanes ». Par leur forme de diffusion discursive, ces récits - dans leur version écrite ou orale constituent des épopées héroïques qui ont marqué de leur empreinte la littérature populaire arabe et, par là même, la littérature orale amazighe et d’autres littératures à travers le monde. [150] Rappelons brièvement que les récits al-maɣāzī sont l’œuvre de l’historien Mohammed ben Omar Al-Wāqidi 1 (745-822). En s’inscrivant dans l’optique de son prédécesseur Ibn Isḥaq, il a pu faire de l’ensemble des expéditions militaires menées par le prophète et ses compagnons un genre littéraire à part. Cependant, les faits rapportés par al-maɣāzī n’étaient pas forcément bien accueillis par tous ses contemporains et ses successeurs. Nombreux sont ceux qui lui ont reproché d’avoir forgé des hadiths ou d’exagérer certains événements. De même, il n’est pas sans intérêt de souligner aussi que ce qui caractérise ces récits, c’est qu’ils ont perdu leur précision au fil du temps. C’est dire que leur contenu a fait sans cesse l’objet d’amplification et de détournement à caractère merveilleux. Ainsi voyons-nous se développer au fil du temps une littérature populaire où le religieux occupe une place majeure. En fait, il n’y a pas que les confréries islamiques et les récits al-maɣāzī qui ont insufflé un air de renouveau à la littérature orale amazighe. Le coran, le hadith et toutes sortes de dogmes nourris par l’islam populaire ne doivent pas être occultés. Ils ont tous contribué d’une manière ou d’une autre à faire du prophète et de ses compagnons des figures de légendes. D’où l’émergence de plusieurs formes littéraires comme il nous a été donné de le souligner plus haut. Il n’est pas inutile par ailleurs d’évoquer la tendance chiite du poème auquel nous nous consacrons ici. C’est d’ailleurs le cas d’une grande part de la poésie religieuse et mystique amazighe, plus particulièrement des textes héroïco-religieux. Saïd Doumane (2014 : 276) ne manque pas de souligner cette remarque en abordant les chants religieux kabyles : « Il existe bel et bien une sédimentation historique de faits religieux millénaires en Kabylie, même si la strate islamique est la seule reconnue et légitimée. Dans cette strate, si la tradition sunnite est affirmée, voire revendiquée, il n’est pas rare de voir affleurer la tradition chiite à travers des évocations et des faits relatant l’époque du khalife Ali, de sa femme Fatima fille du Prophète et de leurs enfants Hassan et Hocein ». En littérature, il est connu que cette tradition chiite évoquée par Doumane s’exprime essentiellement dans les récits al-maɣāzī. C’est ce qu’a bien vu déjà Mélikoff (1960 : 299) : « l’inspiration [y] est ostensiblement chiite ». 1 Al-Wāqidi s’est distingué par son ouvrage Kitab Al Tarikh wa Al-maɣāzī « Histoire et expéditions militaires du Prophète ». [151] Mais qu’est-ce qui fait, dans la poésie religieuse amazighe, qu’Ali acquiert une place importante et devient une figure héroïque exemplaire ? La réponse à cette question tient à plusieurs raisons. Outre sa bravoure et ses exploits guerriers contre les infidèles qui le constituent comme étant héros, il ne faut pas perdre de vue qu’il se distingue par des atouts majeurs : sa descendance de la lignée de l’envoyé de Dieu, son alliance avec le prophète en épousant sa fille Fatima, le fait qu’il est parmi les premiers hommes à être convertis à l’islam, sa générosité, son impartialité, son érudition, sa passion et sa capacité à sublimer l’instinct en lui-même, son assassinat, alors qu’il priait, etc. C’est là autant de vertus et de perfections qui dotent l’homme d’un grand charisme, un homme qui inspire le désir d’identification. Dans l’imaginaire collectif, Ali est donc magnifié grâce à plusieurs vertus. A l’image du héros des temps antiques, il semble bénéficier de toutes les qualités pour dépasser la condition humaine et se situer dans une configuration métaphysique. Que ce soit dans les représentations fondant les formes littéraires où il s’illustre ou bien dans les stéréotypes culturels qui se sont forgés à propos de sa grandeur constamment exaltée, son héroïsme s’avère une faveur divine. Bref, le statut légendaire de l’homme tient aussi bien à ses qualités intrinsèques qu’à sa conformité à l’idéal que prône sa communauté. La tendance chiite dont il est question ici est apparue nettement dans les propos de plusieurs informateurs auxquels nous avons fait appel pour voir ce qu’il en est de l’interprétation du poème. Certains sont allés jusqu’à entendre certains passages comme un blasphème envers le Prophète et l’islam sunnite. En effet, ces personnes reçoivent la parole du chef suprême des musulmans comme une expression désespérée d’un homme incapable de faire face à ses ennemis : Yenna-as: « ahnaci a Faṭima! ruḥ-ayi ɣar Ʃali In-as aqqac baba yenḏeğ, war ği wi ṯ-iɣaṯn. Il lui dit : « dépêche-toi, ô Fatima ! Va appeler Ali Dis-lui que mon père est humilié et que personne n’est venu à son secours ». Dans cette réplique adressée à Fatima, faisons remarquer l’usage de l’expression ahnaci « fais vite » qui traduit une situation [152] d’extrême urgence et la rhétorique de la syntaxe de la phrase ruḥ-ayi ɣar Ʃali « litt. va pour moi chez Ali » où l’intercalation du complément indirect ayi entre le verbe ruḥ et la préposition ɣar est révélatrice d’un ordre qui émane d’une autorité affaiblie et en difficulté dans son rapport à l’ennemi. En somme, il y a de bonnes raisons de soupçonner qu’une déclaration de ce genre ne peut être attribuée au Prophète. Comment admettre qu’un envoyé de Dieu, si puissant et si noble, ait pu s’exprimer de telle façon et reconnaître son humiliation ? A la différence de notre informatrice auprès de laquelle nous avons recueilli le poème et de quelques personnes illettrées auxquelles nous avons proposé de réagir à son contenu et qui n’ont émis aucun jugement critique, cinq de nos informateurs dont le niveau d’instruction est moyen ont interprété les propos ci-dessus comme un outrage au prophète. Pour certains d’eux, il s’agit d’un poème qui illustre explicitement la tendance au chiisme. Ils y voient, une glorification d’Ali au détriment de Mahomet. De même, la réplique suivante est considérée comme une grossièreté qui ne saurait être proférée par le prophète réputé pour sa décence et sa délicatesse : Yenna-asn: « llah yenɛer ddin-nwem Ddin-inu ma am wn nwem ? Mri xa-s ɣa nexxra, mri xa-s ɣa neyzem Mri xa-s ɣa narni ra ḏ min nuṛu nessyem ». Il leur répondit : « maudite soit votre religion Ma religion est-elle comme la vôtre? S'il faut s'exiler, nous nous exilerons, s’il faut mourir, nous mourrons Et s’il faut sacrifier notre progéniture, nous la sacrifierons ». En général, ce sont ces deux derniers passages qui sont interprétés comme une exaltation de l’islam chiite et une déchéance du Prophète Mahomet. 2. A la croisée des genres Compte tenu de sa forme et de son contenu, le poème analysé ici constitue un croisement discursif où la fiction est enrichie par ses multiples rapports avec la macro-sémiotique littéraire autant amazighe qu’arabe. Il en résulte un texte intégrant dans son corps plusieurs genres, à savoir qu’il mélange poésie, narration, histoire, épopée, [153] religion, etc., et ce dans le but de construire une vision mythique de la figure héroïque d’Ali. Sur le plan historique, on ne peut que constater que le récit met en scène des personnages constituant deux clans ennemis que la religion divise et engage dans une forte hostilité. D’un côté, les musulmans et de l’autre les non musulmans ou les mécréants. Les premiers sont représentés par trois figures clé de l’islam : le prophète Mahomet, son cousin et gendre Ali et sa fille Fatima (épouse d’Ali). Les seconds forment un groupe indéterminé de personnes. En tant que héros et représentant de sa communauté, Ali est sollicité par le prophète Mahomet pour lui porter secours et le délivrer d’une situation désespérée lors du conflit qui l’oppose aux mécréants. On est donc en présence d’une fiction qui en s’appuyant sur une discorde imaginaire évoque un conflit réel et bien connu du point de vue historique et religieux. Mahomet avait pour mission de répandre dans le monde les lois divines qui lui ont été révélées. Ce sont justement ces données historiques qui se transposent dans l’univers d’une création populaire faisant ressortir clairement la trame narrative d’un conte merveilleux. Une trame où l’on distingue une structure économe nettement caractérisée par la non multiplication des épreuves. Cela tient sans doute au fait que les événements rapportés doivent rester dans la sphère du réel, mais aussi à l’effet poétique qui a tendance à condenser le contenu de l’histoire et à confiner son étendue dans la concision et la poéticité des vers. En plus de cette caractéristique, soulignons aussi l’alternance du récit et du discours, la répétition des répliques des personnages, la fréquence du verbe ini « dire » introduisant leurs paroles, etc. Ainsi, les rôles et les relations régissant le récit répondent parfaitement au schéma actantiel de Greimas (1966), schéma connu traditionnellement par l’interaction entre les six actants : héros : Ali ; objet de conquête : la chamelle (chamelon) ; destinateur : le prophète Mahomet ; destinataire : l’islam qui triomphe et bénéficie de l’action du héros ; adjuvant : l’épée sacrée d’Ali ; opposants : les infidèles. [154] Par ailleurs, notons qu’à l’exception d’une narration qui manque d’envergure, le poème pourrait être reçu comme une épopée héroïque. A cet égard, il apparaît clairement qu’il réunit les principales caractéristiques du genre épique : récit rythmé, conflit et fait de guerre, acte de bravoure et exaltation de l’héroïsme du quatrième calife de l’islam. Donc, le réel que nous venons d’évoquer est converti en production anonyme qui ne saurait refléter les faits connus de la vie du prophète et de ses compagnons, mais elle est fortement ancrée dans le champ des figurations liées à la littérature orale. C’est en effet dans cette perspective qu’événements, personnages, lieux, objets, etc., servent de prétextes à de nouvelles perceptions du monde. Derrière l’arrière-plan religieux de l’histoire, apparaissent des représentations idéalisées et des modèles prototypiques structurant mythes, légendes et contes merveilleux. Dans cette perspective, l’action épique ne saurait exister sans poésie. La mise en forme du message à travers toute une série de procédés stylistiques suppose que le récepteur doit être aussi attentif à la sonorité des mots et des phrases qu’à leur signification. Comme nous l’avons pu constater lors des différentes récitations effectuées par notre informatrice, la variation de la hauteur et du volume, le marquage accentuel des syllabes, les pauses, sont autant de moyens qui visent à susciter l’émotion et l’admiration pour le héros et ses exploits.Quant aux images, il suffit d’observer les comparaisons mises en évidence dans la dernière strophe pour voir comment la poésie est au service d’une scène qui suscite la peur, mais aussi l’admiration pour l’exploit réalisé.De même, n’oublions pas qu’une forme versifiée de ce genre facilite la mémorisation et participe, par son rôle pédagogique, à la diffusion de l’information. 3. Quelle terminologie pour quel genre ? On aura déjà compris qu’il n’est pas facile d’attribuer à un poème de ce genre une terminologie non confuse. En effet, l’imbrication des critères définitionnels remet en question et les termes amazighs et les termes français qui le désignent dans les études soulignées plus haut. D’où la question suivante : pour quel classement opter et quelle dénomination devrait être offerte à un texte de tradition orale qui tisse un réseau de correspondances entre des éléments poétiques, contiques, merveilleux, épiques, historiques, religieux, etc. ? Le problème qui se pose est donc lié, d’abord, aux termes amazighs qui sont vagues en raison de leur polysémie, ensuite, [155] aux dénominations de la langue de travail, en l’occurrence le français, qui, en plus de leur prolifération, ne s’appliquent pas toujours aux productions littéraires amazighes. Commençons par le tarifit pour voir ce qui en est de cette confusion terminologique. Mais, avant d’en arriver là, il serait important de souligner que le poème dont il s’agit ici est très peu connu dans la région où nous l’avons recueilli et sans doute dans tout le Rif. Nombreuses sont les personnes âgées qui déclarent ne jamais l’avoir entendu. Parmi elles, figurent des imams et des hommes censés avoir une bonne connaissance des récits se rapportant à la vie du Prophète et à celle des grandes figures de l’islam. Lorsque nous l’avons recueilli auprès de notre informatrice qui dit l’avoir appris de sa mère dans les années 1950, nous croyions avoir affaire à un genre oral qui aurait une désignation spécifique. La raison en est qu’il englobe plusieurs composantes littéraires et qu’il est différent du conte populaire à plusieurs égards. Or, tel n’était pas le cas. Pour notre informatrice principale comme pour tous les autres informateurs, les seules désignations attestées et possibles sont ṯḥajit et ṯaqessist. D’ailleurs, il suffit d’observer le vers initial du poème pour se rendre compte que le terme ṯḥajit se manifeste à deux reprises sous forme verbale à l’impératif : Siwr siwr a yirs-inu, a mmi ḥaja-ayi-d Ḥaja-ayi-d x rḥujjaj-nni, iẓurn nnabi. Parle, parle, ô ma langue ! Raconte-moi Raconte-moi l’histoire des pèlerins qui rendirent visite au prophète. Ce qui laisse penser à une sorte de protocole d’ouverture consistant à lancer le récit et à attirer l’attention de l’auditeur sur l’intrigue à laquelle il l’invite. Donc, dès le début, on apprend qu’il s’agit d’une histoire à raconter et que tout conteur se prépare à cet acte par un jeu de mots comme s’il n’était pas la personne qui conte. Cette manière d’inaugurer le récit en s’y impliquant, plus précisément en parlant à sa « langue » qui est un organe de la parole, et puis en s’effaçant pour relater les faits et laisser la parole aux personnages est unique en son genre. On dirait une invitation au témoignage et une façon de vouloir créer l’effet de surprise. [156] En effet, ce qui pose problème dans ṯḥajit et ṯaqessist, c’est leur caractère générique. Le premier peut désigner un conte merveilleux ou facétieux, une histoire, une légende, une anecdote, une blague, etc. Quant au second - qui serait une altération du terme arabe al-qiṣṣa « histoire » -, il est employé pour signifier aussi bien un récit qu’un poème ou encore une chanson. Vus sous cet angle, ces deux termes ne sauraient donc rendre compte de toutes les composantes d’un poème hybride racontant une action héroïque très peu connue. Pour ce qui est du kabyle, cette action héroïque est rendue par le terme taqsiṭ. Mammeri la classe dans la catégorie de tiqsiḍin « légendes religieuses » où elle figure sous le titre taqsiṭ bbwelɣem « la légende du chameau », aux côtés d’autres légendes : « le sacrifice d’Abraham », « histoire de Joseph » et « la mort de Moïse ». Mais, Mammeri ne se contente pas d’un seul équivalent français pour traduire taqsiṭ. Dans l’analyse qu’il présente à ce sujet, on peut relever une cascade de dénominations : « poème religieux », « poème à sujet religieux », « poème d’inspiration maraboutique », « récit édifiant », « épopée », « petite épopée », « anecdote miraculeuse ou épique qui tient lieu d’histoire » et « geste ». Ce que l’on peut déduire de la totalité de ces désignations, c’est que taqsiṭ brasse dans son ensemble plusieurs genres dont il n’est pas facile de tracer les limites. Cependant, comme le précise Mammeri, dans le champ de la poésie religieuse auquel elle appartient, elle se distingue clairement des deux autres composantes que sont la poésie mystique personnelle et dikr. Précisons qu’en kabyle la forme signifiante de ce terme emprunté à l’arabe tend à camoufler1 deux notions distinctes : al-qiṣṣa « histoire » et al-qaṣîḍa « poème ». C’est d’ailleurs ce que montre le dictionnaire de Dallet (1982) où il apparaît sous les deux racines QSD et QSṬ, mais la définition à laquelle réfèrent les dénominations françaises citées par Mammeri est donnée sous la racine QSD : « taqsiṭ : ar. qaṣîda, tiqsidin // Histoire. Légende chantée : genre littéraire souvent traité en vers, et souvent réservé à la légende des saints personnages : taqsiṭ n sidna yebṛahim, la belle histoire de Notre Seigneur Abraham // Aventure. Evénement, fâcheux ou non. •ixedmay taqsiṭ meqqweṛet, il nous a fait une très grande histoire ! •teḥka-yas 1 Apparemment, il y a lieu de distinguer entre taqsidt<qaṣîḍa « poème » et taqsiṭ<qiṣṣa « histoire, récit ». En s’intégrant à la morphologie amazighe, taqsidt s’apparente à taqsiṭ par assimilation des deux phonèmes en contact : « d » et « t ». D’où, un seul terme qui renvoie à deux notions différentes. [157] taqsiṭ akken tella i meṛṛek es wadda, elle lui raconta l’histoire telle quelle d’un bout à l’autre, depuis le début ». En désignant essentiellement une forme de poésie religieuse, taqsiṭ aurait pris en kabyle un sens qui ne semble pas constituer une dominante sémantique dans le signifiédu terme arabe al-qaṣîḍaqui, lui, renvoie à toutes sortes de formes littéraires constituant une unité rythmique. En effet, al-qaṣîḍa comme d’ailleurs al-qiṣṣa 1 peuvent faire l’objet d’un sujet religieux, mais pas au point de l’évoquer en premier lieu. Même constat de confusion dans la version touarègue. M. Aghali-Zakara nous offre le titre suivant : « Baɣirun : poème étiologique en berbère (touareg) ». Parler de poème étiologique, c’est aussi référer à une notion très vague où l’on ne peut distinguer de prime à bord les composantes principales déjà citées (poésie, histoire, légende, religion, épopée, etc.). Dans sa présentation du poème, apparaissent également d’autres désignations comme : « texte hagiographique » et « poème historico-légendaire », lesquels, selon lui, relatent les faits et dits prophétiques. En touareg, de tels poèmes ou textes sont connus sous le nom de temmal n Annabi, voilàune autre désignation générique qui pose les mêmes difficultés que cellesusitées en tarifit et en kabyle. Ainsi, dans les trois variantes dialectales examinées, les termes utilisés pour désigner le poème en question sont génériques. En cela, les formes littéraires auxquelles ils renvoient pourraient être des récits fictifs ou factuels, en prose ou en vers, d’ordre religieux ou autre, etc.Par ailleurs, s’il n’y avait qu’une dénomination à retenir pour traduire ce fameux poème qui est tout un poème,nous estimons que « poème historico-légendaire »2 serait la plus convenable. Cela étant dit, elle évoque les principales composantes qui l’édifient. C’est pourquoi nous avons décidé après bien des tâtonnements, de l’adopter et même de l’utiliser comme titre de cet article. 1 Cf. Khadija Mouhsine, « Lqiṣt : genre narratif et genre poétique », Revue des Etudes Berbères, n°8, Inalco, Paris, 2013. 2 Comme notre enquête au sujet de la terminologie de ce genre littéraire n’est pas définitive, nous avons choisi de ne pas utiliser le terme ṯḥajit. [158] Conclusion De cette brève étude, retenons que seuls les termes génériques ou polysémiques sont employés autant en amazigh qu’en français afin de désigner le genre de poème abordé ici. Evidemment, ṯḥajit, taqsiṭ et temmal n Annabi sont tous des termes qui prêtent à confusion, et en tant que tels, ils ne rendent pas compte immédiatement de la dynamique générique qui le sous-tend.Cela prouve qu’on ne saurait reconnaitre la nature d’une forme littéraire en dehors des paramètres intervenant dans ses conditions d’énonciation et d’une étude minutieuse de sa structure interne sur tous les plans. Concernant la pléthore terminologique constatée en français,il semble que les chercheurs amazighs ont tendance à multiplier des terminologies abondantes dans le but de mieux expliquer leur sujet, mais peut être aussi dans le but d’affirmer leur originalité. Or, ces terminologies qui ne se distinguent parfois que par leur forme ne traduisent pas souvent adéquatement le référent littéraire concerné. Aujourd’hui, plus que jamais, la littérature amazighe est à la recherche d’une terminologie cohérente et sans ambiguïté pour la fixation des différents genres identifiés et classés au cours des dernières années. En effet, cet objectif ne sera atteint que si le classement des genres et l’ensemble de la terminologie en usage dans la littérature amazighe sont réexaminés. Ce qui signifie que la réflexion sur la terminologie devrait être conçue en parallèle avec le raffinement de l’analyse des genres et sous-genres existants. Annexe 1. Siwr siwr a yirs-inu, a mmi ḥaja-ayi-d Ḥaja-ayi-d x rḥujjaj-nni, iẓurn nnabi A ruḥn s umenɣi, arekwḥen-d s ubarqi Ṯireɣmin n nnabi, war ṯeqqim ra ḏ icten Ṯeqqim ij n ṯerɣemt, a ṯewsar ṯennehḏem Ṯejje-d ij n webɛir, beḥra yebḏa aḏ iym Ṣurn ḏay-s iṣeyyaḍn, bḏan a xa-s irarn Teggen xa-s ṯiɛurar, n yejḏi s uɛekkem Yenna arbbi yenna, uḏayn ḍermen-tn Arami ḏ tameddiṯ, ruḥn aḏ arekwḥen 2. Ṯarɣemt ṯarwer-d ɣar siḏi Nnabi . Usin-d nnan-as : « siḏi Nnabi a siḏi Arr-anɣ-d ṯarɣemt nneɣ, ṯenni d ɣar-k yarewren » [159] Yenna-asn : « llah yenɛer ddin-nwem Ddin-inu ma am wn nwem ? Mri xa-s ɣa nexxra, mri xa-s ɣa neyzem Mri xa-s ɣa narni ra ḏ min nuṛu nessyem » Nnan-as : « a siḏi Nnabi ! arr-anɣ ṯarɣemt-nneɣ Niɣ wc-anɣ Faṭima, umi yiɣɣra yism Niɣ wc-anɣ siḏna Ɛali, icarf war iḥezzem » 3. Yenna-as : « ahnaci a Faṭima, ruḥ-ayi ɣar Ɛali In-as aqqac baba yenḏeğ, war ği wi ṯ-iɣaṯn Ḥarcen-d zi bni Weḥjar, ḥarcen-d zi bni Ṣaym Ḥarcen-d zi bni Cifa, xelli ma ḏ bnaḏm » 4. Umi ṯruḥ Faṭima, ḏeg wenẓar nni ijehḏen Ṯufa Ɛali yeṭṭes, yegga am wi yenxerɛen Yenna-as : « min cm-yuɣin a Fatima ! a yeğis n ɛemmi ! In-ayi min cm itaɣn » Ṯenna-as : « aqqac baba yenḏeğ, war ği wi ṯ-iɣaṯn Ḥarcen-d zi bni Weḥjar, ḥarcen-d zi bni Ṣaym Ḥarcen-d zi bni Cifa, xelli ma ḏ bnaḏm » Yenna-as : « iwa ahnaci a Faṭima ! a yeğis n ɛemmi ! Sarreḥ-ayi-d I ssarḥani, ɛeḏr-as-d aḥezzem Ssif-inu menzul, itudum am ssem War ṯ-yeddiz uḥeddaḏ, war ṯ-yeggi remɛeğem » 5. Ṯenna-as umi yuyur Ɛali, yegga am wajjaj xmi yenhem Umi ḏay-sn yewṯa, am rbaz ḏeg (i)fiğusn Umi ḏay-sn ifarseɛ, am wuccen ḏeg (i)zmarn Ḥedd yenɛarq, ḥedd yenneɛreq, ḥedd yeḏwer-d aḏ yesrem Traduction 1. Parle, parle, ô ma langue ! Raconte-moi Raconte-moi l’histoire des pèlerins qui rendirent visite au prophète Ils partirent malgré eux, et rentrèrent déçus Les chamelles du prophète disparurent toutes Sauf, une vieille et meurtrie Elle met bas d’un chamelon qui commençant à peine à grandir Tomba entre les mains de brigands qui se mirent à le brusquer En le chargeant d’amas de sable encombrants Dieu dit que les Juifs les rudoyaient [160] Et à la nuit tombée, ils rentraient chez eux 2. La chamelle se réfugia auprès du prophète Ils vinrent lui dire : « ô notre prophète ! Rendez-nous notre chamelle, celle qui s’est réfugiée auprès de vous » Il leur répondit : « maudite soit votre religion Ma religion est-elle comme la vôtre? S'il faut s'exiler, nous nous exilerons, s’il faut mourir, nous mourrons Et s’il faut sacrifier notre progéniture, nous la sacrifierons » Ils lui dirent : « notre prophète ! Rendez-nous notre chamelle Ou donnez-nous Fatima qui jouit d’une grande réputation Ou donnez-nous notre seigneur Ali, ligoté et désarmé » 3. Alors, le prophète s’adressa à Fatima : « dépêche-toi, ô Fatima ! Va appeler Ali ! Dis-lui que mon père est humilié et que personne n’est venu à son secours Ils sont accourus de Bni Hjar, ils sont accourus de Bni Saym Ils sont accourus de Bni Chifa, c’est une véritable marée humaine » 4. Lorsque Fatima fut partie sous une pluie battante Elle trouva Ali plongé dans son sommeil, l’air effrayé Il lui dit : « qu’as-tu ô Fatima ! Ô ma cousine ! Dis-moi, qu’est-ce qui te préoccupe ? Elle répondit : « mon père est humilié et personne n’est venu à son secours Ils sont accourus de Bni Hajar, ils sont accourus de Bni Saym Ils sont accourus de Bni Chifa, c’est une véritable une marée humaine » Alors dépêche-toi, ô Fatima ! Ô ma cousine ! Selle bien mon cheval et prépare-le Mon épée est sacrée, elle dégouline de poison Elle n’est ni battue par un forgeron, ni conçue par un artisan 5. Alors, Ali partit comme un tonnerre rugissant Il s’abat sur eux comme le faucon sur les poussins Il les éparpilla comme le loup terrifiant les agneaux Certains s’enfuirent, d’autres s’exilèrent et le reste se convertit à l’islam. [161] Bibliographie • Aghali-Zakara, M. (1997), « Baghirun, poème étiologique en berbère (touareg) », in Littérature Orale Arabo-Berbère, 25 (1997), pp. 231-263. • Bounfour, A. (1995), Introduction à la littérature berbère. 1. La poésie, Peeters, Paris-Louvain. • Dallet, J.-M. (1982),Dictionnaire kabyle-français, Parler des At Mengellat, Paris, SELAF. • Doumane Said 2014, Le chant religieux au village d’Aït Atelli Versus femmes, Revue des Etudes Berbères, vol. 9, pp. 275-289. • El Adak, M. (2013), « l’épique dans poème rifain d’inspiration religieuse », Revue des Etudes Berbères, n°8, Inalco, Paris, pp. 35-53. • Galand-Pernet, P. (1998), Littératures berbères. Des voix, des lettres, PUF, Paris. • Galand-Pernet, P. (2008), « « Épique » et « Héroïque » dans l’Afrique berbérophone », in Camenae no 4 – juin 2008. • Glasenapp, H. (de). (1966), Croyances et rites des grandes religions, Payot, Paris. • Greimas, A.-J. (1966), Sémantique structurale, Larousse, Paris. • Jamous, R. (1981), Honneur et Baraka. Les structures sociales traditionnelles dans le Rif, MSH/Cambridge University Press. • Justinard. (Ct.), (1926), Manuel de berbère marocain (Dialecte rifain), Librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris. • Karl Reichl, (2001), « Le héros et le saint », Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines, n°32, pp. 39-67. • Mammeri, M. (1980), Poèmes kabyles anciens, textes berbères et français, Maspero, Paris. • Mélikoff, I. (1960), La geste de Malik Danishmend,vol. 2, Maisonneuve Paris. • Mouhsine, K. (2013), « Lqiṣt : genre narratif et genre poétique », Revue des Etudes Berbères, n°8, Inalco, Paris, pp. 83-93. • Roux, A. (2002), Poésies berbères de l’époque héroïque. Maroc Central (1908-1932), Edisud, Aix-en-Provence. [162] Quelques contributions à l’étude du genre hagiographique Sadek BALA Université de béjaia Introduction L’hagiographie constitue l’un des supports des plus importants de la vie culturelle, cultuelle, littéraire et anthropologique du monde amazighe et de son patrimoine. L’un de ses motifs privilégiés est la littérature, dont le chant mystico-religieux arabo-berbère. Ce constat est le résultat d’une constatation du champ littéraire amazighe et de l’exploration du terrain à travers différents matériaux dont des manuscrits et des enregistrements audio. Il ressort de là, son imposition en tant que socle important et incontournable de l’un des soucis des sociétés actuelles en l’occurrence, la question identitaire. Quel le rapport de façon concrète et pratique entre identité et hagiographie ? Comment est vécue cette jonction entre ces deux objets du monde ? Quel est l’éclairage identitaire par ce détour par l’hagiographie ? Beaucoup de questions sont à l’œuvre, mais on se contentera de quelques constatations et lectures de certains matériaux liés à cette thématique. 1- Eléments factuels 1-1- Introduction à l’hagiographie Il est important d’éclaircir quelques les notions liés à l’hagiographie : son essence, son sens, sa manifestation anthropologique, littéraire et cultuelle. En effet et pour mieux saisir cette réalité, on reprendra quelques réflexions sur ce genre. La notice descriptive de Michel de CERTEAU (2001: 364-373), nous introduit dans cet univers et nous offre le monograhe de ce concept. En effet, elle lui reconnaît le statut de genre et de genre littéraire de façon spécifique en disant : ¨L’hagiographie est un genre littéraire qu’au dixseptième siècle on appelait aussi l’hagiologique ou l’hagiologie. Comme le père Delahaye le précisait en mille neuf cent cinq dans un ouvrage qui a fait date, Les légendes hagiographiques, elle privilégie [163] les acteurs du sacré (les saints) et elle vise l’édification (une exemplarité)¨1. Dans cette configuration, l’hagiographie se dessine par sa pluralité, la spécificité et le parcours de chaque saint. Par sa reconnaissance en tant que genre littéraire, ce détour par la littérature se voit ainsi justifié, mais qu’en est-il de sa manifestation et son contenu façon concrète ? La réponse partielle est donnée quand il donne des précisions sur les spécificités du discours hagiographique en disant : ¨L’hagiographie est, à proprement parler, un discours de vertus¨2. Le motif de vertus fait jonction avec la thématique religieuse et islamique de la (walâya) sainteté. Celui-ci traite de la vie, de l’œuvre et du parcours du personnage de la sainteté. 1-2- Hagiographie et islamologie L’islamologie fait configurer à partir du Coran et de la tradition prophétique (al-sunna), l’identité du saint et sa caractérisation par la notion de faveur divine (karama). Ce rang de sainteté va de la simple et de la double attestation de la foi (alshâhâda) à la proximité de la mission (al-rissâla) ou la prophétie (alnubuwwa) propre aux Envoyés (al-rûsul) et aux Prophètes (alanbiyya). De la sainteté mineure à la sainteté majeure, les expériences sont variables et multiples. Il est d’ailleurs très bien explicitée par le très-docte (al-‘alâma) Sîdî Isma’îl al-Nabahânî dans son illustre ouvrage tabaqât al-sûfiyya. Devant la diversité de la littérature hagiographique, nous reprenons quelques informations d’un des spécialistes de la question en l’occurrence notre directeur de thèse Eric Geoffroy3 islamologue et enseignant à l’université de Strasbourg tirées de sa thèse. Reprenant d’abord le point de vue de Michel de Certeau, il affirme ensuite : ¨Il est à noter cependant que le genre hagiographique est pluriel, ce que démontrera l’étude de nos sources. Le saint ne 1 Michel de Certeau, p. 364, ¨Hagiographie¨, in Dictionnaire des Genres et notions littéraires, Encyclopaedia Universalis/Albin Michel, Paris, 2001, p. 364-373. 2 Ibid. 3 Eric Geoffroy, ¨L’hagiographie¨, in Le soufisme en Egypte et en Syrie sous les derniers Mamelouks et les premiers Ottomans, orientations spirituelles et les enjeux culturels, Institut français à Damas, 1995, p. 29-38. [164] représente donc pas toujours en Islam un modèle social interchangeable ; il se distingue souvent au contraire d’un autre walî par sa personnalité spirituelle propre¨1. Il s’arrête sur la traduction du terme en question en langue arabe. Il fait partie d’un terme générique de tarjama qui désigne aussi bien biographie qu’hagiographie. Mais au vu de la spécificité de l’hagiographie, le terme le plus approprié en arabe à ce concept est le terme manâqib (vertus et prodiges). Il parle aussi la littérature hagiographique en tant que genre, tout en citant des exemples concrets. Selon son point de vue : ¨L’expression de adâb al-manâqib constitue un vocable plus précis ; il défini déjà un genre littéraire, comme l’indique la présence du mot adâb¨2. Il aborde ensuite le statut et la genèse de ce genre tout en mettant en valeur son caractère savant à travers le passage suivant : ¨En Islam, le genre hagiographique ne saurait en effet être considéré comme une littérature purement populaire et orale ; il se révèle également de la tradition la plus savante, celle de la ¨défense et illustration de la sainteté¨. Il faut ici rappeler que la croyance aux miracles des saints (karamât) fait partie du dogme sunnite officiel depuis que celui-ci l’a emporté sur le mu‘tazilisme, au III/IV siècle. La sainteté possédant en Islam des fondements scripturaires solides, notamment dans le Coran et le hadîth qudsî, il est logique de la trouver intégrée dans la tradition écrite ; l’hagiographie n’est donc pas, dans cet espace, culturel, un écrit se contentant de fixer l’oralité il peut l’être à l’occasion-, mais un genre littéraire à part entière. Les cheikhs qui s’y adonnent sont d’ailleurs des grands ‘ulamâ’ ou des maîtres reconnus dans le tasawwuf, ou l’un et l’autre. Il faut ici distinguer entre les répertoires hagiographiques à portée générale et les textes concernant une voie initiatique ou un personnage particuliers¨3. Derrière cette présentation générale, il cite des exemples de ce qu’il appelle recueils généraux et parle aussi de l’usage pédagogique de l’hagiographie à base de l’expérience de la voie shâdhili. Et à propos de cette dernière il dit : ¨La méthode shâdhilî veut autant 1 Ibid., p. 29. Ibid., p. 30. 3 Abdellah Bounfour, p. 30-31. 2 [165] éduquer qu’édifier, en mettant à la portée du musulman quelque peu lettré la doctrine du tasawwuf ¨1. Concernant l’accès au spirituel, il préconise un regard intériorisant de cette matière allusive et hermétique dans beaucoup de cas et qui est l’apanage de gens initiés, contrairement à la masse pour son ignorance de ses subtilités. 2- L’hagiographie et le domaine amazigh De la jonction du monde amazighe au religieux à travers l’hagiographique, est attestée par l’imposition des matériaux littéraires en langue amazighe à la fois multiples, vastes et variés. Ils sont même les représentants du premier ordre de la littérature amazighe. Les textes et les chants légués par des noms comme al-Shâykh Muhand U Lhûsin, al-Hâj Ssîd Jarrâbî, Ssaîd Amlikash, al-Hâj Shrîf A‘idal, alHâj Mhand at Lhusîn, Si al-Hâj al-Hanafî, al-Shâykh Ben Yahya, pour ne citer que ces noms en sont la parfaite illustration. A cela s’ajoute des centaines de poèmes dont on ne connait de qui ils sont. Le sixain est choisi comme forme privilégiée et irréversible d’expression hagiographique. De le champ des études berbères par exemple, on commence à s’intéresser un peu plus au religieux loin de l’ethnographique, de l’ethnologique, de l’utilitaire, de l’amalgame et même parfois de l’idéologique souvent à l’œuvre dans ce domaine. Le travail d’Abdellah Bounfour spécialiste et connaisseur du monde arabo-berbère, sur le récit hagiologique, nous introduit de façon pus précise, dans le domaine de la subjectivité dans le discours religieux2. Dans l’introduction de son ouvrage, il parle de l’hagiographie en tant que genre et situe sa réapparition en surface. Un genre selon son affirmation, actualisé faut-il le rappeler, par les historiens au cours d’une période qui ne dépasse pas une dizaine d’années selon son témoignage. Il n’est ou ne sera plus le monopole de l’histoire ou de l’anthropologie, il est ouvert à d’autres perspectives. L’auteur et son évaluation des faits, expose sa démarche qui en plus des aspects descriptifs, est inscrite dans une orientation littéraire, vaste et même pluridisciplinaire. Néanmoins, il souligne sa complexité et les difficultés qu’il pose sur l’étude de l’hagiographie, surtout du côté des sentiments et de 1 2 Ibid., p. 34. Ibid, 2005, Introduction à la littérature berbère 2. Le récit hagiologique. [166] la subjectivé qu’il porte. Il ne s’arrête pas à ce constat, mais parle des outils et des moyens de son approche et son option pour les paradigmes de la description et de l’analyse. C’est du moins ce que nous déduisons de l’une de ses interventions suivantes : ¨Le récit hagiologique a, certes, une construction esthétique descriptible de manière autonome. En effet, il peut être l’objet d’analyses narratologique, sémiotique et rhétorique. Toutefois, il s’adresse à un lecteur et un auditeur particuliers¨1. Parmi les paradigmes de son choix théorique, il y a la théorie de la réception et la sémiolinguistique. Voyons concrètement ce qui l’on est de la représentation que fait Abdellah Bounfour des instances et de ces procès de production et réception. Nous la résumons dans la configuration suivante : - L’auteur en tant qu’instance d’origine est variable entre : clerc, saint, mystique, maître, biographe, collecteur, - Le texte en tant qu’espace littérarisé ou espace projeté peut être : genre, manuscrit, document, biographie, autobiographie, - Le lecteur en tant qu’instance de réception peut être : croyant, critique, disciple, historien, chercheur, anthropologue. Le profil le plus dominant de cette instance qu’est Abdellah Bounfour est celui du littérateur. Son statut de professeur de littérature berbère à l’Institut National des Langues Orientales à Paris et ses activités au sein du centre de recherche berbère dirigé par le professeur, l’académicien et le berbérisant Salem Chaker, le confirment. Pour mieux saisir cette articulation entre subjectivité et genre, il s’est basé sur la relation entre saint et autobiographie. Il utilise d’abord, le terme de charisme pour préciser ce concept et le conçoit comme : ¨…l’élément sans lequel il n’y a pas de sainteté¨2. Il introduit ensuite le motif de la mystique musulmane la himma qui (énergie spirituelle/inspiration profonde) comme pièce 1 2 Abdellah Bounfour., p. 9-10. Ibid., p. 16. [167] maîtresse définissant la sainteté et dit : ¨ La himma serait ainsi la présence de la divinité de l’homme¨1. Du rapport avec l’autobiographique, il parle d’éléments autobiographiques et d’autobiographèmes comme modes d’expression du saint sur sa propre sainteté. 3- Collecte et analyse de textes hagiographiques Ce programme est constitué de deux éléments importants, le descriptif et l’analytique dont la théorie sémiotique du sens de Jean Claude COQUET. Le premier constitue une étape préliminaire d’accès au matériau. Il permet par les moyens d’enquêtes, de collectes, d’observations, d’entretiens, des comparaisons,…., l’obtention de matériaux à l’état brut. Une fois fixé et décrit convenablement, le matériau est soumis à l’analyse. Le point de vue descriptif est inspiré de façon précise de celui développé par Paulette Galand-Pernet. Elle est choisie pour sa proximité du monde arabo-berbère et sa réflexion sur le monde littéraire. Une réflexion qui prend en compte les différents aspects de la confrontation entre matériaux littéraires et linguistiques d’une part, et réflexions ou études d’autre part. Sa démarche tient aussi compte de la portée et des limites de ce même paradigme de description. Elle l’aborde de façon particulière, dans le point relatif à Critères de définition du genre. Elle part d’un constat relevé sur les textes qu’elle a elle-même examinée et où elle constate une analogie entre la situation linguistique et la situation littéraire dans le monde berbère2. En plus de la configuration de Tzvetan Todorov sur les genres, partagée entre genres descriptifs et genres théoriques, nous empruntons le concept de description à cet article Paulette GalandPernet. L’auteur l’évoque de façon implicite dans ce passage : ¨Pour ce qui est d’établir des systèmes régionaux, qui existent, on se heurte encore à l’insuffisance des descriptions locales. La plupart du temps, les collecteurs de textes se sont contentés du nom générique donné par le témoin sans s’interroger sur sa place dans le champ lexical local des productions littéraires, c’est-à-dire sur une possible classification dans 1 2 Ibid., p.101. Paulette-Galand Pernet, Littératures berbères des voix et des lettres, Puf, Paris, 1998, p.74-78. [168] le champ littéraire tel qu’il est conçu dans un groupe social ; ces insuffisances s’expliquent en partie par les conditions de l’enquête dans des zones à variation linguistique et par les préjugés classificatoires, déjà évoqués, d’enquêteurs étrangers au lieu enquêté, même s’ils sont berbérophones¨. On a supposé que le concept de système régional concerne la matière première à l’état brut. Elle peut être d’ordre linguistique, littéraire ou anthropologique et peut être obtenue par le biais de la description. Cette dernière à son tour s’obtient par le biais de la collecte, l’observation et la comparaison. A ces éléments de base, s’ajoutent les concepts de terminologie locale, de circonstances de l’énonciation et de labilité dans l’étude et de façon précise la description du genre. En effet son examen du travail de l’ethnomusicologue Mehenna Mahfoufi sur le genre dit ahîha lui fait dire ceci : ¨La musique structure le texte dans sa distribution ; elle replace le texte dans les circonstances où il est produit, en dégage la fonction ; elle établit la relation du type avec l’acteur qui énonce le texte avec le statut social, féminin ou masculin, de cet acteur. Cet examen des différents plans de l’acte de communication littéraire inclut la thématique du message et conduit à une esquisse de champ littéraire local¨1. La terminologie locale est un élément important et variable dans le domaine berbère. Le même genre peut avoir d’une région à un autre, des dénominations différentes. Les circonstances de l’énonciation jouent aussi un rôle important dans l’explication de l’appartenance d’un même texte à plusieurs genres à la fois. Le texte à lui seul ne fait pas le genre, c’est beaucoup plus un discours riche et mouvant. Elle résume cette pensée en disant : ¨Les circonstances de l’énonciation et la terminologie locale sont notées, ce type de document constitue une base pour reprendre l’examen de la question des genres littéraires berbères¨2 . L’auteur nous met en garde aussi sur les limites de l’outil descriptif en parlant de préjugés classificatoires. La description est une 1 2 Ibid., p. 75. Ibid. [169] étape nécessaire pour un meilleur contact avec le matériau brut, mais non suffisante dans le sens où elle ne permet pas complètement l’accès réel et effectif au sens. Il est aussi recommandé au collecteur de chant par exemple, de réaliser son travail en contexte ou en situation, et en notant tout. Le travail sur la matière textuelle du chant ne rend pas compte des éléments qui le constituent. En effet, il est admis que celui-ci est constitue certes de matière textuelle qu’est la poésie, et de l’air musical ou en d’autres termes accompagné d’une progression musicale ou mélodique. Le seul travail sur le texte en littérature berbère tombe automatiquement en désuétude, il doit se faire conjointement avec l’étude ethnomusicologique et s’inscrire dans une perspective de recherche interdisciplinaire. Examinons quelques matériaux collectés. Comment se configure ce motif de la himma dans ces quelques échantillons ? En premier lieu nous examinons quelques poésies d’évocation et d’éloges au saint patron du quinzième siècle Sîdî Yahya al-‘Idlî. Collectés auprès d’une femme, et les présentons avec des traductions en langue française, nous allons tirer quelques conclusions. A Sidi yeḥya liεdli Ass lğemεa aql-aɤ a d-nas O Sîdî Yahya laïdlî Nous allons venir le jour du vendredi A k-id-naf gg lḥemmam Nous te retrouverons au bain A k-d-nezzi d aqewwas Nous formerons un cercle autour de toi Caylelleh s lberhan-ik Gloire à tes pouvoirs Bab n ddnub teεfiṭ-as Tu as pardonné au pécheur …………… A Sîdî yeḥya liεdli O Sîdî Yahya al-‘Idlî A win mi semman izem O celui qui dénommé lion Tesεiṭ lḥemmam d ajdid Tu as un bain nouveau I d-yusan gg bir zemzem Son eau vient de Bir Zamam Caylelleh s lberhan-ik Gloire à tes pouvoirs Tehyi ṭ azger yemmezlen Tu as ressuscité le bœuf égorgé …………… Win ibɤεan ad izur Celui qui veut effectuer une visite pieuse [170] Iruḥ taqerrabt deg giṭ Qu’il aille au mausolée de nuit Lembat-is gg lḥemmam Passant sa nuit au bain Ad yaf lbila tettfiṭ Il trouvera débordé le bassin A Rebbi gg leεnaya-k Ğeεl-aɤ gg id mi teεfiṭt O Dieu par Ta protection Fait de nous de ceux à qui Tu as pardonné Un autre cas extrait d’un mémoire de licence que nous avons encadré. Il traite de la collecte et de l’analyse de textes hagiographiques et concerne le saint patron Sidi Younes de la région Awzellagen non loin de la vallée de la Soummam. Voici quelques exemples : Sidi Yunes Uzaɤar Ass llexmis ɤur-k a d-nas Sidi Younes de la forêt Ne te seront tes hôtes le jour du jeudi A d-nili gg lxelwa-k Ne seront dans ta retraite spirituelle A k-id-nezzi d aqewwas autour de toiArraw-ik d imnayen Nous formerons un cercle Tes descendants sont des cavaliers Yiwen ur illi d aterras Aucun n’est piéton ………………… Lwaleyya gg sidi yunes Ttrusun-d bḥal ledyur Les saints à Sidi Younes Atterrissent comme des oiseaux Temeddit i d-ttrusun Atterrissent l’après midi Amm itbiren gg lkeεba Tels les pigeons de la kaaba Sidi yunes gar-asen Sidi Younes est parmi eux C’est lui qui noua l’étendard D netta i ggcudden leεlam L’examen de ces sixains révèle la présence : - Des instances suivantes : sujet (je, il, ils,…), le saint. Leurs identités varient en fonction de la diégèse en œuvre. Le sujet parlant est sujet croyant et sa foi est énoncée par le ton élogieux envers le saint (O Sidi Yahya…,), et la glorification de ses pouvoirs (caylelleh s lberhan-ik). Elle inscrite dans un programme initiatique et spirituelle, par la projection d’un programme d’une visite pieuse (ziyâra). [171] Du dévoilement de l’identité à l’expression d’un vouloir, le sujet entame un programme de quête spirituelle. Concernant le saint, il ne fait rien dans le texte, son identité est celle dévoilée ou imposée par le sujet. - Des procès suivants : Eloges, Vertus et Prédications. En effet, ces sixains commencent ou contiennent des éloges (acekker) au saint, montrant ensuite ses vertus et ses prodiges, et exprimant enfin leurs vœux (du‘â’) en faisant de celui-ci leur intercesseur privilégié. Concernant les éloges, son procès est ponctué de respect, d’élévation et dans le strict respect des règles de convenances du novice envers son maître. Pour ce qui est des vertus et prodiges de saint, les éléments constitutifs de sn identité en sont répertoriés. Enfin, le sujet exprime son vouloir, partagé entre demande de pardon, réalisations de vœux et dénouement de situations. Le personnage de Sidi Yahia est présenté comme un saint vénéré, pôle d’une circonférence doté de pouvoirs initiatiques (karamat), dont son bain et son eau sacré venant du puits Birzamzam. Ce pouvoir de résurrection des morts fait de cet intercesseur un saint christique. Concernant le saint Sidi Younes, il se distingue ainsi que ses descendants de la masse. Cette spécificité est propre saints et qui sont en général des descendants charnels du Prophète – sur Lui prières et paix divines-. Ce porteur d’étendard est vénéré, pôle de circonférence et praticien de la retraite spirituelle. [172] Conclusion L’examen présent de l’hagiographie révèle la forte présence de ce genre, et son imposition dans le champ littéraire et anthropologique du monde amazighe. Son étude ne peut être l’apanage d’un seul point de vue. Sa richesse, sa complexité et sa variation imposent dans examen un regard pluriel et interdisciplinaire. La poésie versifiée et le sixain sont la forme d’expression et de construction de la poésie religieuse et hagiographique sans conteste. La structuration ternaire éloge, vertus et prodiges et prédication/intercession en sont les différents procès et les plus récurrents du présent genre. La notion de himma, malgré son irréversibilité à elle seule ne peut dévoiler l’identité spécifique du saint. Les motifs de celui-ci ponctuent le parcours de chacun d’eux. La faveur divine reste l’élément définitoire de la sainteté, et la himma varie d’un individu à un autre. Plus le corpus est large, plus l’identité du saint se précise. Enfin, même l’aspect mélodique du chant hagiographique est un souffle d’invocation que même l’ethnomusicologie, à elle seule ne peut expliquer. Sa saisie ne peut être dissociée de l’invocation et de l’initiation surtout. Les identités spirituelles et hagiographiques ainsi se précisent, compte tenue de ces deux derniers paramètres. . [173] Bibliographie • • BALA, Sadek, 2008, Soufisme et voyage : l’Algérie du dixhuitième siècle à travers al-rîhla al-warthîlâniyya de Sîdî alHusîn al-Shârîf al-Warthîlânî, (1125-1713/m.1193 ou 11941779), Thèse de doctorat, Université Strasbourg II, France. BOUNFOUR, Abdellah, 2005, Introduction à la littérature berbère, 2- Le récit hagiologique, Editions Peeters, ParisLouvain • CERTEAU (DE), Michel, 2001, ¨Hagiographie¨, in Dictionnaire des Genres et notions littéraires, Encyclopaedia Universalis/Albin Michel, Paris, p. 364-373. • • COQUET, Jean-Claude, 1997, La quête du sens, PUF, Paris. GEOFFROY, Eric, 1995, Le soufisme en Egypte et en Syrie, sous les derniers Mamelouks et les premiers Ottomans, orientations spirituelles et enjeux culturels, Institut français de Damas, Syrie • NÂBAHÂNÎ (AL-), Yûsaf Ibn Ismâ‘îl, s.d., Jam‘ tabaqat alawliya’, al-maktaba al- thaqâfiyya, Beyrouth, Liban (réédition). • PERNET (Galand-) Paulette, 1998, Littératures berbères des voix et des lettres, Puf, Paris. ROUDAUT, Jean, 2001, ¨Récit de voyage¨, in Dictionnaire des notions et genres littéraires, Encyclopaedia Universalis/Albin Michel, Paris, p. 637-649. TODOROV, Tzvetan, 1970, Introduction à la littérature fantastique, Seuil, Paris. • • [174] Ahwach (aḥwaš) dans tous ces genres ---------------------Abdelhafid KADDOURI Université Mohamed Premier – Nador - Maroc Il n'y a pas d'autres mots que "spectacle" pour désigner aḥwaš. L'intérêt de ce patrimoine musical et chorégraphique propre à la communauté amazighe du sud du Maroc réside dans la pluralité des expressions qui le caractérisent : danses individuelles et collectives, chants, rythmes, improvisations poétiques, mise en scène, etc. fusionnent et forment une parfaite symbiose pour le plus grand plaisir du spectateur. Or, aujourd'hui, force est de constater que les contraintes liées au marketing tendent de plus en plus à uniformiser cet art et à le vider de ses composantes artistiques ancestrales. D'où la nécessité de préserver son authenticité et de réfléchir à sa promotion de façon rationnelle. L'objectif de cette communication est justement de faire la lumière sur les diverses manifestations d'aḥwaš. Nous tenterons dans ce qui suit de souligner et de décrire les différents types qui le définissent en tant que pratique musicale et poétique variable d'une région à l'autre. En effet, la dénomination d’«aḥwaš» provient de « ḥuš » en arabe et d’« asarag » en tachelhit. C’est-à-dire, la cour consacrée aux danses collectives, accompagnées de la musique et du chant, célébrant toutes les festivités et événements importants de la vie sociale. C’est un art composé d’une construction rythmique, d’une danse et d’une poésie. En général, un spectacle de danses, d’improvisations poétiques, de percussions et de chants individuels et collectifs qui fait partie intégrante de la culture orale des chleuhs du Grand Atlas et de la région de Souss Massa Daraa.1 Attendu qu’aḥwaš est une tradition, qui se pratique et se joue selon un rituel et un espace spécifique et dans des circonstances bien particulières, elle exige des vêtements et des ornements adéquats. Selon les habitudes des chleuhs, aḥwaš est conçu et pratiqué par les hommes et les femmes. C’est une manifestation essentiellement rurale, sa mise en scène est aussi symbolique que suggestive. Vêtus de djellabas blanches ou jaunes et coiffés de turbans, les hommes se placent au centre de la scène. 1 Les préfectures et provinces qui composent cette région sont : Agadir, Inzegane Ait Melloul, Chtouka Ait Baha, Taroudant, Ouarzazate, Zagora, Tiznit. [175] Les femmes, ornées de beaux apparats et bijoux berbères authentiques, forment un cercle. Les plus importants instruments par lesquels les danses d’aḥwaš sont instrumentalisées sont les flûtes, les tambourins, le rbab, dderst (tam tam), luṭar (à quatre cordes), naqus (tube en fer qu'on percute par deux baguettes de fer) et nwiqsat (cymbalettes en cuivre), les claquements des mains, les trépignements des pieds contre le sol. Les rythmes produits sont variés et riches en accentuations. Les percussionnistes occupent des rôles différents : tous les tambours n’ont pas le même registre sonore. Celui du chef percussionniste est accordé plus haut afin d’émerger du lot. Pour qu’un aḥwaš soit bien conduit, il est nécessaire d’avoir un ṛayәs percussionniste, un premier danseur (ou aεәllam) et le musicien joueur de flûte métallique (awassa). La danse d’aḥwaš comporte des séquences qui sont principalement de quatre tours : la première phase consiste en l’ouverture par un chant soliste scandé par le poète chanteur de la troupe, suivi de la chorale des danseurs et danseuses qui reprennent le refrain du poème initial. La troisième phase est le sommet de la réussite de la danse et du chant. La quatrième et dernière étape enchaîne et parachève la précédente avec accélération du rythme qui entraîne les voix, les mouvements des corps et les sons des instruments. ṛwayәs / ṛayәs 1 ṛwayәs est le pluriel de ṛayәs, il désigne des poètes chanteurs et chorégraphes itinérants. Un genre poético-musical pratiqué par la quasitotalité des tribus du sud du Maroc. La poésie des ṛwayәs est composée généralement de distiques ; elle exalte la beauté de la nature et la grâce des femmes, chante l’amour, loue Dieu et son prophète. Le ṛayәs « chef, maître » s’accompagne au ṛbab « instrument à plusieurs cordes, que l’on frotte avec un archet monocorde ». Un autre joueur de ṛbab pourra figurer dans une troupe, à côté de deux joueurs de luṭar « instrument à plectre à trois ou quatre cordes » et d’un percussionniste jouant au naqus « tube en fer que l’on percute à l’aide de deux baguettes de fer » et de quatre danseurs munis chacun de trois nwiqsat « cymbalettes en cuivre ». A l’aide de son ṛbab, le ṛayәs fait 1 Notons au passage que la tradition des ṛwayəs a fait l’objet de diverses études, des enquêtes ont été élaborées dans le cadre de l’émergence d’amarg n ṛwayəs et taṛṛwaysin dans l’art poético-musical des troupes du Souss. Parmi ces études, celles de Paulette Galand-Pernet, 1972, Henri Basset, 2001 ; aisni que d’autres comme Chottin, 1999, Roux, 1928, Rovsing Olsen, 1997 ; voir bibliographie. [176] accorder les instruments tout en chantant en compagnie d’autres musiciens de la troupe. Les grands ṛwayәs de ce genre poético-musical des chleuhs, haj Belaïd, Boubakr Anchad, Lhousayn Janti (et d’autres ṛwayәs comme Albensir, Ahrouch, Bounsir, Abdellah ben Driss, ṛaysa Tihihit, ṛaysa Tabaamrant, …), sont généralement des chanteurs professionnels, qui avaient animé des soirées dans des cérémonies familiales ou tribales et avaient parcouru des villages et des villes surtout dans la période des récoltes. Le grand artiste de l’amarg «poème chanté», le ṛayәs Lhaj Belaïd était musicien, compositeur, poète, génie de l’improvisation poétique et chef de troupe. Il demeure une véritable icône, puisqu’il n’écrivait jamais ses poèmes, il les improvisait. Il avait chanté les femmes, l’amour, les guerres tribales et des poèmes nationalistes. Boubaker Anchad et Boubaker Zaari, qui ont marqué la chanson soussie en tachelhit, étaient ses disciples. Parmi ses chansons les plus célèbres Atbir Oumlil (la colombe blanche) et Taleb (le savant). Dans ses poèmes, chaque phrase est une image, dans laquelle il dénonce la corruption morale et les mœurs dépravées, affiche un mépris souverain envers l’argent, il chante l’amour, l’émancipation des femmes et d’autres valeurs de la société. En voici un extrait de « atbir umlil » : atbir umlil atbir umlil, nra adnmun s dar-un ; iġ yyi trit, nraabdda ng wi nn-un, adnmun adnzr wanna nra ġ ddunit, iqqan aġ d usmun, lxyar d kiyyin. La colombe blanche Ramier sans tache, je souhaite aller vers toi ; Si tu voulais de moi, je te suivrais toujours, Je te suivrais partout voir librement le monde, D’un ami j’ai besoin, mais je ne veux que toi. Par ailleurs, en parlant des ṛwayәs, principaux dépositaires du répertoire de leurs maîtres, Alexis chottin1 évoquait les expressions de « ballet » et de « science chorégraphique ». En ce sens que les chefs ou directeurs des troupes se livrent à un spectacle composé de figures 1 Alexis Chottin, Tableau de la musique marocaine, Paris, Geuthner, 1999 (1939), p.3. [177] chorégraphiques très complexes. C’est un art professionnel et complet qui se distingue aussi bien par la beauté des habits et ornements et l’élégance du geste que par la maîtrise de la voix, du jeu instrumental et du rythme exécuté par des trépignements des pieds sur le sol et des applaudissements des mains ; en outre des percussions rythmées réalisées par le naqus et les nwiqsat. Soulignons au passage que les ṛwayes, qui pratiquaient merveilleusement cet art à la fin du XIXe siècle et jusqu’à l’indépendance, entamaient dans leurs œuvres plusieurs genres poétiques – nous y reviendrons ultérieurement- : Boubakr Anchad, à titre d’exemple, abordait des expressions parémiques imagées dans lesquelles il faisait parler des oiseaux et d’autres animaux au sujet de la vie, la mort, de l’existence et du paradis. Dans d’autres thèmes qui relèvent de l’histoire, il entreprenait la première rencontre des berbères avec les arabes venus d’Orient. Nous illustrons ceci par les vers suivants : Tazzwit immi nu, a yimmi tiḥnint, nga ġmkad n tazzwit lli f iḍṛ umdlu d usmmid, ur as isrg aylliġ nn tnsa, ġar ajddig ġwad s ġwad aylliġ t nn issumm d yiḍ L’abeille Maman, bonne maman, j’ai fait L’abeille, celle que viennent pénétrer brume et fraîcheur Quand rien ne l’a détournée, jusqu’au soir, Cette fleur-ci, cette fleur-là, de butiner même dans le noir. Joutes poétiques ou « l’msaq » : Comme nous l’avons signalé auparavant, aḥwaš se déroule en plusieurs phases, la partie la plus difficile à réussir et la plus appréciée dans le spectacle, est celle des joutes poétiques qui précèdent ladanse. Ces joutes oratoires, appelées dans la tradition des chleuhs l’msaq, exigent que le ṛayәs soit doté d’un certain charisme et d’une certaine compétence d’improvisations poétiques et d’un esprit de répartie. Les spectateurs les moins initiés la trouveront surprenante grâce à son originalité. Les joutes nécessitent la participation d'au moins un improvisateur ou deux pour qu'il y ait une grande émulation. Pour commencer, un soliste improvise une suite de vers appelée «répartie». Un groupe de tambourinaires et deux chœurs, l'un féminin et l'autre masculin se font face. Ces chœurs doivent être denses pour obtenir [178] un effet de masse chorale compacte. Sans cet effet essentiel, le chant est jugé inesthétique. Le chœur masculin répond en premier, suivi par celui des femmes. Enfin, après un certain nombre de réparties, une fois que les joutes poétiques atteignent le sommet, le rythme s’accentue et le chant finit en danse. La parole perd alors sa prééminence et les voix croisées des chœurs deviennent un simple accompagnement du jeu des tambours qui prend le dessus sur la chorale et intensifie la puissance des mouvements et des gestes des danseurs. Variétés d’aḥwach et sous-genres aḥwaš vient de la grande vallée du Sous qui est composée d’un très grand nombre de villes, de villages, de casbahs, de douars et de tribus. Tous les chleuhs de ces régions le pratiquent, cette tradition les accompagne tout au long des événements jalonnant leur vie. Il est pratiqué essentiellement par les villageois et se distingue d’une région à l’autre, que ce soit au niveau du rythme, de la mélodie ou de la chorégraphie. Cela sousentend que chaque région cultive son propre aḥwaš qui peut être mixte ou non, avec ou sans chant. On peut dire que chaque tribu possède son expression et cultive son système rythmique. Effectivement, avec l’émergence de plusieurs troupes et l’évolution de cet art poético-musical dans ces deux dernières décennies, de nombreuses appellations et dénominations hétérogènes et imprécises ont été forgées pour renvoyer soit à la forme d’aḥwaš, soit à la région ou la tribu de provenance de cet art, soit encore au genre de la poésie chantée. Voici quelques « variétés » d’aḥwaš confondues à des « genres » ou « sousgenres » : aglagal, ntfәrxin (Taliouine), ajmak (Chtouka Ait Baha), mizan Houara, akәllal, ṛukba (Zagora), aḥwaš afella n’dra Agdz (Ouarzazate), aḥwaš Taourirte, aḥwaš Sidi Daoud, imәġṛan, aḥwaš Telouat, aḥwaš Tikert, aḥwaš Tissint Tata, aḥwaš Ourika, aḥwaš Taskiouine. aḥwaš Tamanart, aḥwaš Awlouz, aḥwaš Taourirte (Ouarzazatte), aḥwaš ntfarkhin Imintanout, aḥwaš bani tata (Tafraout), aḥwaš izuran nwalt (Tata), … etc. Du coup, la première difficulté à laquelle se heurte le chercheur pour une éventuelle classification de ces types ou formes d’aḥwaš, réside dans le fait que la majorité de ces dénominations renvoient à des lieux de villes, de villages, de vallées, de casbahs, de tribus, etc. Il en ressort que toutes ses variantes ou formes véhiculent chacune son expression collective idoine. Elles semblent, d’après les multiples appellations énumérées supra, que les aḥwaš sont aussi nombreux que les tribus et les différentes troupes qui les pratiquent. En réalité, elles se distinguent par les diverses chorégraphies, les rythmes, les genres de poèmes chantés et également [179] l’instrumentation. Aussi ont-elles en commun l’appartenance à la même aire géographique et linguistique. Certes, la classification des dénominations en tachelhit comme aberdag « danse » ; astara « prélude instrumental non mesuré donnant les notes de base des mélodies qui suivent et permettent aux instrument de s’accorder sur la vièle » ; amarg « poème chanté » ; tabbayt « cadence finale caractérisée par l’accélération du rythme et de brusques arrêts annonçant la fin » ; tamssust « chant intercalaire d’allure vive » ; urar « un poème long chanté, assonancé et rimé », pose énormément de problèmes. Si on prend, par exemple, astara et tabbayt, outre que ces deux éléments ne suivent pas un ordre précis dans le cadre de mélodies et rythmes propres à la tradition chleuh, leur agencement et leur durée dépend du choix effectué par le ṛayes qui est chanteur et maître de la poésie. De même, le genre de poème peut changer suivant le lieu, la tribu, le genre de cérémonie. La question se complique davantage quand on passe d’un parler à un autre dans la même aire linguistique, sinon dans l’ensemble du monde berbérophone. Parmi les aḥwaš donnés dans la liste plus haut, qui n’est pas exhaustive d’ailleurs, prenons l’exemple d’aḥwaš de Tamanart. En effet, cette variété génère d’autres formes ou sous-genres d aḥwach. Deux facteurs incontournables déterminent les différents genres engendrés d’aḥwaš de Tamanart : le lieu où se tient le spectacle et la participation ou non des femmes à côté des hommes. Ces deux éléments (lieu et sexe) reproduisent une sorte d’arborescence en trois constituants : le premier genre est appelé ṛṛšuq, il désigne la convivialité et la bonne ambiance. Dans l’assarag (cour intérieure à ciel ouvert), huit ou dix tambourinaires en position assise jouent à tallunt (tambourin) ou au ganga (tambour) en vue d’animer la grande cour au milieu des maisons. Entourés de spectateurs masculins, ces hommes, qu’on appelle en tachelhit des imḥawšәn (homme en action) forment un cercle en maintenant le rythme des tambours ; tandis que les femmes suivent le spectacle à partir des toits ou des cours des maisons. Un second genre appelé tamәdwәṛt , qui signifie «cercle» en tachelhit. Cette appellation provient des formes circulaires que prennent les danseurs. Six tambourinaires en position assise forment un cercle dans la cour (assarag). Les danseuses, quant à elles, en règlent les figures en formant une grande boucle. Le troisième et dernier genre est appelé aḥwaš n’dderst qui est exécuté seulement par des hommes, une trentaine d’imḥawšәn dont deux [180] chefs d’orchestre et dix musiciens maintiennent le rythme à l’aide des battements aigus des tambourins, alors que d’autres danseurs servent de chorale. Ce genre se joue dans l’abaraz (place aménagée pour accueillir les imḥawšәn) en liesse et à l’honneur des invités étrangers, essentiellement dans des cérémonies de mariages et joies collectives. Il est à noter que ṛṛšuq et tamәdwәṛt sont généralement deux genres joués spécialement pour animer ou divertir particulièrement des espaces familiaux des villages de Tamanart. Réellement ces aḥwaš sont presque aussi nombreux que les tribus de la grande vallée de Massa Daraa. L’examen chorégraphique, symbolique, acoustique et ethnographique de ces danses a révélé qu’aḥwaš a généré plusieurs autres types de danses ou sous-genres dont les caractéristiques diffèrent d’une région à l’autre. Ces différences ont permis de distinguer différents genres. Le genre aḥwaš n’isemgan (des nègres) est assimilable à celui des gnawas au niveau des rythmes et des sonorités. En s’inspirant des gnawas, musiciens et danseurs africains, les danseurs d’aḥwaš isemgan se caractérisent par des sauts impressionnants, des trépignements des pieds contre le sol et des martèlements du sol avec des pieds nus. C’est une danse à caractère religieux, parfois guerrière, composée d’un ensemble de chants et de mouvements. Un autre genre d’aḥwaš très connu dans la province de Tiznit, appelé aheyyaḍ. Celui-ci est une danse masculine qui reçoit plusieurs sens : il peut désigner un type de danse qui se distingue des autres dans les gestes, les mouvements, les mélodies. On le trouve généralement dans les régions de Haha, Aoulouz et Ida Oukensousse. Il peut encore désigner un type de rythme, avec des gestes et des mouvements bien déterminés et distingués. Il est exécuté surtout dans la région de Taskiwine. C’est aussi un nom donné à une troupe artistique ambulante très populaire au Maroc appelée Ouled sidi Hmad Oumoussa. C’est une troupe de trapézistes, d’acrobates qui pratique de la danse, du chant et de l’humour. Par conséquent, avec le genre ahәyyaḍ, on a plusieurs types : de Haha, de Tiznit, de Taskiwine, de Aoulouz, etc. Plus qu’une simple danse rythmique, ajmak est un vrai spectacle de joutes poétiques échangées dans la cour entre deux rangs d’hommes. L’originalité de cette danse réside dans les paroles et dans l’improvisation poétique. Les sujets d’ajmak sont la dispute éternelle entre les époux et également les disputes entre les tribus. C’est une danse masculine exécutée dans la région de Chtouka Ait Baha et où les danseurs chantent avec précision et synchronisation en présence du ṛayәs. Celui-ci utilise son tambourin et [181] dirige la troupe en émettant des cris caractéristiques qui maintiennent le rythme et la voix et produisent une harmonie agréable. Par ailleurs, parmi les poèmes chantés par les imḥawšәn dans les différents villages chleuhs, on trouve les formes les plus traditionnelles1 comme l’asallaw ou tusugant, des dénominations villageoises par excellence. Elles renvoient à des poèmes chantés dans les cérémonies des mariages chez les chleuhs lors du départ de la fiancée vers la demeure de son futur mari. L’urar, quant à lui, est un poème long, il est assonancé et rimé et se chante sans accompagnement musical par un double chœur de femmes. Dans le Sous, la tagezzumt est un autre genre parfaitement masculin chez les Ayt Mgoun, exécuté particulièrement par deux rangés d’hommes à l’occasion des mariages, sans accompagnement musical. Un autre genre appelé imsaq, chanté en commun par les hommes et les femmes. Il sert de prélude à la danse d’aḥwaš. La tazerrart est un chant masculin sur registre aigu qui s’exécute en soliste sur la base des tambours dans des pauses entre les danses d’aḥwaš. Il se joue également accompagné de la musique lors du déplacement de la fiancée vers sa nouvelle demeure. Les chants que produisent ces chorales villageoises des chleuhs s`inscrivent essentiellement dans une thématique variée et présentent une grande fraîcheur au niveau de l’improvisation et de l’interprétation. « L’amarg des ṛwayes est soumis à deux impératifs rythmiques : celui de la phrase musicale et celui de la percussion. Si la phrase poéticomusicale obéit à différents mètres binaires et ternaires, simples ou composés, le rythme de la percussion est dominé par un rythme ternaire simple (3/8). A l’intérieur du chant, on assiste donc à une interpénétration 1 A propos des types poétiques amazighes traditionnels, l’IRCAM avait organisé un séminaire les 30 septembre et 1 octobre 2005, les types poétiques amazighes traditionnels, on a dénombré près de 74 termes berbères désignant autant de genres littéraires. Il est à préciser que ce séminaire n’était pas ouvert sur l’ensemble des variétés dialectales berbères. Une dénomination comme izli, par exemple, qui désigne la même chose aussi bien en kabyle qu’en tamazight, est ignoré par les chleuhs dans la littérature disponible. Aussi se demande-t-on si le tachelhit possède un item équivalent pour désigner l’izli. En ce sens, les études élaborées par les chercheurs en tachelhit postulent qu’on peut émettre l’hypothèse de l’influence du système générique arabe sur le berbère. [182] de ces deux modes de division rythmique binaire et ternaire (2/4 et 6/8) concourant à créer des effets de polyrythmie. »1 L’extrait du poème « taliwin » donné ci-dessous pourra représenter les effets de polyrythmie créés par la phrase poético-musicale : taliwin a Yayt lmakan, i ṛәbbi dduεyt ad yurri uḍar, imam hann lḥub myarn ufiġ d lḥub igaljdid, ur ak sul iri uḍar tawada d lәεql a ixf inu bidd ad ak nәzzәnz, riġ ak nara ġ lkiġd i yan uḥbib ufix t. Taliwin Hôtes accueillants, il faut, mains vers le ciel, prendre congé, Mettre entre nous des pas, mais voici que mon cœur flanche Pour avoir ici flambé. Et que ça ne me Dit plus de marcher raisonnable … Rends toi mon âme, contractons : oh S’inscrire sur les registres en regard de l’aimée ! En général, la poésie d’aḥwaš utilise des images du monde agricole, de la chasse, des thèmes de l’amour, de la religion ainsi que toutes les activités de l’homme amazigh : naissance, mariage, cueillette, tissage, moisson, rites, circoncisions, célébrations de moussems des saints, concordances des fêtes religieuses sont autant d’occasions de fêtes. Cependant, le mariage demeure une fête importante, car il renforce les alliances familiales. Le chant et la danse sont considérés en ce sens comme une obligation religieuse et sacrée. Cette tradition est aussi un espace où les jeunes des deux sexes se découvrent, se proposent mutuellement en vue d’éventuelles fiançailles. Comme la plupart des danses traditionnelles marocaines, aḥwaš incarne une référence d’identité, une mémoire collective de l’appartenance ethnique. Ces danses collectives sont, en effet, des moments de joie et de 1 Anthologies des Rwâyes, Chants et musiques berbères de la vallée du Sous, éditions, Maison des Cultures du Monde, Centre français du patrimoine culturel immatériel, Paris,1991, p.6. Publiée sous forme de livret, cette anthologie est consacrée à la mémoire des rwâyes du XXe siècle : Haj Belaid, Bubakr AmMarrakshi, Mbarek-u-Bulahsen, Lhusayn Janti, Ftuma Talgoursht, interprétés par leurs héritiers : Mbarek Ammouri, Ahmad Amentag, Raqiya Demseriya, Muhammad Bunsir et bien d'autres. [183] communication. Elles constituent un fondement de l’identité culturelle des communautés chleuhes du Sous cultivé depuis des siècles comme une tradition authentique d’un grand raffinement. Pourtant, d’une tradition authentique, il est banalisé et réduit à un simple spectacle ou danse folklorique, et ce pour subvenir aux besoins des marchés du tourisme. Par ailleurs, avec tous les problèmes qui entravent l’évolution de la littérature amazighe de l’oralité à l’écriture, il s’avère difficile d’asseoir une définition fiable des genres littéraires basée sur des critères stables pour toutes les langues amazighes. Ainsi, les définitions des genres littéraires amazighes élaborées à partir de la typologie présentée par les français ou encore les européens n’a aucun sens ; puisque ce sont tout simplement des extrapolations au détriment de la particularité des langues, des cultures et des sociétés amazighes. Ce qui nous porte à réfléchir sur les questions générales des définitions récurrentes et du système littéraire général dans lequel de tels genres sont inscrits. En d’autres termes, y a-t-il un système littéraire dans lequel on peut reconnaître des genres similaires dans l’ensemble du monde berbérophone, et ce en dépit des différences géographiques, socioculturelles et linguistiques. 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[184] Asehrurey (berceuse): un genre poétique aux frontières floues ---------------------Mostafa BEN-ABBAS Université Mohammed Premier Faculté pluridisciplinaire de Nador. Introduction Les études en matière de genre de littérature orale, dans le contexte amazigh, accusent un retard au regard de celles menées en linguistique, domaine pour lequel des textes oraux aussi riches que variés ont été fournis pour être essentiellement exploités dans leur aspect référentiel et cognitif. De la même manière, la berceuse, qui l’objet du présent papier, n’a pas suscité autant d’intérêts et de recherches que les autres formes de l’oraliture ce qui ne permet pas de l’appréhender dans toute son hétérogénéité et sa variabilité, condition sine qua non d’une catégorisation qui se veut rigoureuse et objectif. Ce chant méconnu, si ce n’est ignoré comme l’une des assises de la littérature orale, est susceptible de modifier profondément notre compréhension du genre poétique et de livrer une plus grande visibilité du patrimoine immatériel de la communauté amazighe. Toutefois, nous n’avons pas la prétention d’épuiser un tel sujet, car sa nature spécifique dépasse le cadre de la linguistique pure et relève d’une dimension pluridisciplinaire intéressant des regards différents couvrant des disciplines dont notamment la psychologie, l’anthropologie, la sociolinguistique… Notre intention est de sensibiliser davantage les chercheurs animés par l’exploration d’un pan jusque-là inexploré de la culture amazighe. Ainsi tenterons-nous d’examiner, à travers la berceuse, nourrie de la couleur locale, la problématique de ce genre d’œuvre poétique, qui est aussi celle des œuvres littéraires, en régime de l’oralité. Il s’agit de comprendre la manière par laquelle ce chant mélodieux fonctionne et de voir comment les processus créatifs, performatifs et réceptifs révèlent des caractéristiques formelles, stylistiques, thématiques et énonciatives qui [185] font de ce texte spécifiquement féminin une forme hybride, voire composite, aux limites floues. Le nom ‘’berceuse’’ permet de distinguer au sein de l’ensemble des formes littéraires, qui sont des berceuses de celles qui ne le sont pas. Qu’est ce qui donc nous autorise à regrouper sous ce même chapeau dénominatif ou à en écarter tel ou tel texte ? Quels sont les critères qui décident de l’appartenance d’une espèce au genre poétique ? Les frontières de la berceuse sont-elles bien arrêtées ou, au contraire, flottantes ? La réponse à ces questions fera l’objet de notre étude. Mais, avant tout, il importe de passer en revue quelques éléments définitoires de la berceuse. 1-Quelques éléments définitoires 1-1-Définition de asehrurey (la berceuse) asehrurey est un terme d’origine onomatopéique. Il se prête à deux types d’explication plausibles. La première est que le mot manifeste une forme de création absolue ne s’appuyant sur aucun nom préexistant. Il est formé des sons émis par l’enfant ou, plutôt, par le bébé et repris, lors du processus de l’endormissement, par la mère, en signe d’entrer dans l’univers du langage enfantin. Celle-ci en constitue une production vocale non signifiante, forgée d’un redoublement d’une même consonne [R], suivie et/ou précédée de la voyelle [a] dont le résultat est une suite syllabique de la forme ara-ra... imitée comme forme mélodique et intonation chantante1. Cette production vocale est onomatopéique en ce sens qu’elle stimule le gazouillis2 de l’enfant. En synchronie, le signifiant du mot comporte l’augment du causatif s- qui a perdu sa productivité et s’est 1 S. Fouad. (2014 ; 141-142) note que ces suites de syllabes généralement légères entre dans la constitution des vers vides et se trouve parfois encastrées dans les paroles ou les ‘’jeux vocaux’’. 2 Selon le dictionnaire en ligne, Trésor, le terme gazouillis admet une acception spéciale :’’ suite de sons variés qu’émet un enfant de un à cinq mois ans’’ (cf. Ling.1972) ; http://www.cnrtl.fr/ [186] ossifié dans le radical avec lequel il forme un tout indissociable. Cette interprétation peut être confortée par le fait que l’onomatopée est un lot commun entre l’enfant et la mère. Elle est largement associée au langage enfantin où les termes appropriés par l’usage font encore défaut, comme par ailleurs, elle constitue un ingrédient favori pour la mère visant par ce procédé lexical - qui est l’âme de la poésie imitative - mettre la vie dans sa berceuse. Quant à la deuxième explication1, on peut interpréter asehrurey comme extension de sens du terme onomatopéique primitif et préexistant a(s)herher dont le correspondant en français est ‘’murmure’’ et qui est fait d’une suite de sons suggérant par imitation phonétique le bruit de l’eau qui coule à travers les rigoles d’irrigation ou celle des ruisseaux roulant à flots. Ainsi asehrurey pourrait-il être l’aboutissement d’une évolution diachronique du terme a(s)herher. Il a impliqué un changement du signifié avec une légère altération du signifiant, sous l’effet de l’évolution phonétique ayant porté non pas sur les consonnes considérées dans tamazight et dans les langues chamito-sémitiques, en général, comme porteuses de signification primitive, mais sur les voyelles. Quant à la relation qui s’établit entre le sens primitif et le sens second, elle est métaphorique et repose sur un composant sémantique commun à savoir ‘’sons presque inaudible’’, ‘’son fluide et continu’’. Par ailleurs, il est à noter que, dans l’usage courant, les deux termes coexistent au sein du même parler local. a(s)herher admet comme trait inhérent [-humain] alors que asehrurey est pourvu du trait [+humain]. En synchronie, asehrurey est un terme polysémique dans le parler de Figuig. Son premier sens renvoie à un nom verbal, dérivé du verbe sehrurey signifiant ‘’fredonner’’. Il admet comme équivalent local azuzen, issu du verbe zuzen terme onomatopéique également, mais dont le sens est plus restreint, impliquant, dans le processus de 1 Cette deuxième interprétation m’a été suggérée par mon collègue Fouad Saâ lors du troisième colloque international organisé les 04 et 05 novembre 2014 à l’université Akli Mohand OULHADJ de Bouira . [187] l’endormissement, l’idée de tapoter légèrement et régulièrement sur le dos de l’enfant en accompagnant ce geste d’onomatopées, d’interjections à peine audibles et non de paroles. Quant au deuxième sens, il est attribué - par procédé rhétorique de la métonymie - à la chanson fredonnée par la mère ou la grand-mère pour faire endormir l’enfant. Son équivalent en français est berceuse. Enfin, le troisième sens résulte de l’extension ou de l’emploi étendu de asehrurey, sens plus élargi qui n’est plus limité à l’acte de fredonner une berceuse, mais à toute fluidité d’expression, lors de l’émission d’un chant ou d’un discours. 1-2-Berceuse : un genre féminin La berceuse est le premier monument de la littérature orale féminine. Elle est douce, simple, sans artifice et n’est accompagnée d’aucun instrument de musique. Sa fonction consiste à susciter decrescendo l’endormissement de l’enfant, tâche qui relève du domaine des activités domestiques, prises en charge exclusivement par la femme. N’exigeant pas la mobilisation d’un grand public et ne s’accomplissant pas devant n’importe qui, n’importe comment, n’importe où et n’importe quand, ce chant a lieu dans une situation sociale opportune, déterminée par la conjonction de l’endroit, du moment et de la relation de rôle (Fishman, 1971 :70). Cette rencontre est réalisée au foyer par la mère en relation avec son fils qu’elle veut endormir. Pour ce faire, elle l’endort contre elle, sur ses genoux ou l’enserrant d’un pagne sur le dos ou encore en le déposant dans son lit. Cette fonction biologique plutôt que culturelle fait appel à des paroles sécurisantes, à la mélodie, au mouvement rythmique et à une intonation émotionnelle. De telles manifestations confortent l’enfant, lui enlèvent le sentiment de solitude et permettent, au même temps, de tisser des liens affectifs et de confiance nécessaires à son développement cognitif et à son affect. Auprès de cette fonction pragmatique et utilitaire, une autre fonction véhiculée par la berceuse est l’expression consciente ou non de la [188] vision du monde propre à la femme. Ce chant constitue, à juste titre, une sorte d’exutoire de ses émotions et de ses désirs refoulés, la seule plage où, soustraite du regard patriarcal, elle exprime sa peine, son angoisse, ses attentes…tout en fredonnant à un rythme simple et en effectuant des gestes réguliers pour ramener la détente à son enfant et l’endormir. C’est à cet acte de bercement, à cette fonction même, que ce chant doit la dénomination de berceuse plutôt qu’à son contenu thématique, parfois, étrange pour l’enfant. Cette forme poétique dont la création et la perpétuation ne peut être imputée à une femme unique ou singulière, est anonyme ou plutôt collective réalisée et partagée par l’univers féminin. Elle est transmise de mère en fille avec éventuellement une part de subjectivité, des modifications et des changements pour s’adapter au nouvel environnement social et à la sensibilité du moment. A ce titre, elle est considérée comme une construction à long terme auquel participent plusieurs architectes. C’est pourquoi une femme berceuse pour ne pas refaire à l’identique ce qui a été déjà fait, tout en se basant sur l’héritage antérieur, tente d’y apporter sa propre pierre, ses propres empreintes, d’où le tissage et le métissage de certains aspects appartenant aux genres plus ou moins hétéroclites, mais qui concourent à faire de la berceuse un genre hybride, un chant qui résiste à tout système de codification. 1-3-Codes investis par la berceuse La berceuse est une des formes les plus primitives du chant populaire, un genre poétique où l’importance est accordée à la musicalité des mots et à leur rythme bien adapté aux capacités perceptives de l’enfant à vouloir endormir. Comme performance orale, ancrée dans une situation de face à face, hic et nunc, d’une mère et de son fils, elle mobilise trois codes différents quant à leur nature mais qui se complètent et se correspondent en vertu de leur rythmicité. Il s’agit du mouvement, de la parole et de la musique, qui, dans leur ensemble, sont très proches du quotidien de l’enfant. Aussi doivent-ils être cohérents et captivants pour inciter au sommeil. [189] Dans le processus communicatif qui s’établit entre l’enfant et la mère, celle-ci fait appel à une communication non verbalecongruente à la communication verbale- représentée par la gestuelle aussi riche que variée dont le rôle est si important dans la gouvernance du bien être émotionnel de l’enfant. Il s’agit de tapotements, de caresses, de balancement des bras et du corps, de chatouillements qui sont des activités relaxantes mais aussi sécurisantes du fait qu’elles favorisent la proximité et la présence rassurante et indispensable de la mère. Ces liens tactiles bien maintenus jusqu’à l’endormissement constituent autant de modes primitifs et basiques de communication qui lient la mère à son enfant pour qui font défaut les autres modes de communication. En plus de la charge émotionnelle stimulée par ces gestes multiples, et qui sont secondés par la voix maternelle, vecteur incontestable d’une gamme affective combinant mélodie, rythme, les affects passent aussi par la communication vocale. Il s’agit de la parole de la mère, l’image acoustique de son fort intérieur, servant à canaliser, à concrétiser sa relation envers son enfant. La musique, quant à elle, enchante et captive. Elle accompagne un acte rituel, lié à l’endormissement. Dans ce chant, la femme privilégie une structure simple, certains patrons sonores : la répétition de syllabes similaires ‘’nunnu’’, de mots, de phrases et de refrains, des diminutifs à vocation berçante. Ainsi, les gestes, de par leurs effets sur le corps comme procédé de relaxation, euphorisant et apaisant, ne sont pas aussi moindres de ceux de la mélodie du texte pour l’oreille et des paroles douces et confiantes, véhiculées par un langage bien adapté au langage enfantin, assumant avant tout une fonction phatique, celle de maintenir et de prolonger une connexion psychologique et affective entre la mère et son enfant jusqu’à ce que celui-ci s’endorme paisiblement. [190] 1-4-Intérêts de la berceuse La berceuse recèle des potentialités bienfaisantes pour l’enfant auquel elle est censée adresser dans l’intention de faciliter son sommeil. Outre qu’elle fonctionne comme vecteur d’émotion profonde susceptible d’assouvir son besoin de sécurité, elle véhicule des intérêts multiformes. Elle est conçue comme ses premières leçons de langue, de littérature, de musique et d’initiation aux valeurs culturelles. D’ailleurs, elle incarne comme les autres segments de la littérature orale, la mémoire collective et la référence identitaire du groupe. Ce chant est un genre littéraire représentant donc la première littérature féminine où la femme exprime les sentiments puissants qui l’attachent à son enfant qui, à son tour, tire profit du genre poétique, de son rythme et de sa musicalité ce qui laisse dans son esprit des souvenirs douillets et contribue positivement au développement de ses capacités d’écoute. De la même manière, le langage utilisé dans la berceuse est modifié, voire simplifier, de façon à ce qu’il réponde à une visée pédagogique, celle de l’adapter aux possibilités verbales de l’enfant en situation d’apprentissage de la langue maternelle. Ce langage simplifié de la femme foisonne de productions verbales non signifiantes dont les exclamations, les onomatopées, sorte de petits mots utilisés comme activité ludique, agrémentent le chant. Le procédé de réduplication d’une même syllabe, généralement conçu comme signe avant-coureur de la formation du corps d’un mot y abonde. Les mots expressifs formés par ce procédé lexical relèvent soit du langage enfantin (nunnu ’’dormir’’, mummu ‘’enfant’’…) ou des onomatopées, deux types de formation qui se rapprochent par leur forme. Ils sont bien adaptés aux capacités perceptives de l’enfant qui doit d’abord passer, en premier lieu, par la mémorisation syllabique dans le processus de l’apprentissage. Des diminutifs à valeur hypocoristique (bajju ‘’probablement une déformation du mot bijou’’) y gagnent de l’ampleur. Ce bagage linguistique, en plus de sa fonction expressive et affective, est associé au processus d’apprentissage du langage des enfants pour qui il constitue la quasi totalité du stock lexical (bappa ‘’couscous’’, ɣuɣɣu, ’’pain’’, ħaħħa ‘’habit’’, cicci ‘’viande’’, fuffu ‘’feu’’ …). De par sa brièveté, il est aisément perçu, mémorisé et reproduit progressivement en l’absence de la mère. Son [191] rôle est déterminant dans les futurs apprentissages et constitue un appui infaillible dans le développement de ses compétences linguistiques. Grâce à ce chant aussi, l’enfant est mis en contact avec la musique qui est celle de la voix de la mère. Souvent aigue et lente, elle est chargée d’une grande qualité émotionnelle visant assoupir l’enfant et l’endormir non pas tant par les mots ou leur signification qu’il ne comprend pas encore, mais bien plutôt par une mélodie combinée à un rythme vocale et gestuel. Dans ce contexte, les premières rencontres de l’enfant avec son environnement affectif se font via la berceuse, assurant un échange intime entre la mère et l’enfant et stimulant son plaisir de la musique et des rythmes. Par ailleurs, elle offre une occasion précieuse pour l’analyse des premiers éléments de la culture locale inculqués à l’enfant. Grâce aux possibilités offertes par ce chant, la femme peut mettre tout ce qu’elle a dans le cœur : amour de l’enfant, la fatigue des charges domestiques … De par la simplicité de sa structure, de son vocabulaire réduit, de sa musicalité apaisante et de son contenu fourni de thèmes, la berceuse se manifeste comme un outil éducatif richement organisé auquel s’ajoute la communication gestuelle qui autorise la construction des liens tactiles et affectifs, la voix de la mère qui rend audible les émotions et les affects. Par ailleurs, elle peut constituer un document transmettant des informations sur l’expérience de la communauté locale dans le cas où elle serait conservée par enregistrement ou par écrit de manière à être reproduite et traitée par n’importe quel destinataire. 1-6-textes Le répertoire du chant asehrurey est très réduit par rapport à ceux des autres espèces de chants lyriques réalisés par la femme dans différentes circonstances. Les quelques berceuses1 de notre étude, couvrent une étendue géographique très restreinte, celle du 1 Je remercie mon collègue Hassane Benamara qui m’a secondé dans l’élaboration du corpus des berceuses. [192] ksar zénaga, un des ksour de Figuig, localité située à proximité de Béni-ounif algérien. Ces chants sont tenus gardés jalousement par la femme ksourienne. Leur support linguistique est un parler amazigh, transfrontalier à travers lequel l’expérience socio-culturelle du milieu local est véhiculée et transmise. Certains de ces textes manifestent une existence très ancienne comme le révèlent les mots archaïques, les toponymes et les anthroponymes qui les truffent et dont on ignore l’histoire, comme le sens, même en demandant secours aux personnes les plus averties. Berceuse n°1 Texte original Traduction ammu yella ul in-ux am ujenna yaziza . merra yṣeħħa merra yemrara d lɣyam . ammu yella ul inu-x am uɣanim n uẓẓta , iccaln wass aḍirar ittaley al ihekkwa . iẓwa yuma l tyiwa ; iεerqi tt umud i tẓiwa ; iẓwa yuma l tšrumt ; ibani tt d lluban n teqrunt . Que mon cœur est comme un ciel bleu tantôt limpide, tantôt trouble ! Que mon cœur est comme un roseau de tissage, toute la journée, montant et descendant ! Mon frère est parti vers le nord, Je n’ai plus la jouissance du repas. Mon frère s’en va à Tachroumt, Il m’est apparu comme une attache d’une tresse. Mon cœur en détresse, tel un léopard égaré, en quête de ses frères. Ô bien aimé ! quoique tu sois portant, tu n’as imité ni Ziyan uyus ni Baghdadi izzullez wul in-ux azillez n uɣilas , iccaln i lexla ul yufi aytma-s. a sidi tellid d l-wafi ; u-dit tεanded baɣdadi wala ziyan u yus wala εadi wala εemmar ixedmen i lmrus, tεanded mmi-s n teyya yellan εad i ljus . a helllah d lħett ! a rayi isɣen yyer n icras ! tehdem di-s tmasext mitten kren atfen di-s a yul in-ux ! a weldi ! kfa-c tssallid iyi ! may tnewmed zman assu u-da-c illi ; ni encore Ammar ou Addi défrichant des terres fermes Tu as hanté le fils de la négresse encore asservie Que c’est triste d’avoir acheté un jardin des héritiers ! son mur abattu, il est piétiné par le public. Ô cœur ! mon fils ! Cesse de me faire pleurer ! Ce dont tu étais comblé, tu en seras [193] frustré aujourd’hui. ferḍ-as a tazzweyt abrid i mmi . Ô Eventail ! Fraye le chemin pour mon fils ! Berceuse n°2 mmi d amnay d iri n uɣanim wis un ɣis d leԑdu a tiqeyyarin mmi d tsuqqet d yusen si mekka d l’ħrir d ccenyal adal Mon fils est un cavalier à long cou ! Celui qui ne l’aime pas est un ennemi, ô les filles ! Mon fils, c’est une pièce de tissu apportée de la Mecque ! C’est du tissu fait de soie verte Berceuse n°3 nunnu ya mummu ! tennud mani tennud ! tennud mani texsed ! innu lxaḍṛ ennec ! iṛaḍa wul ennec ! iẓiḍ wawal ennec ! ibedd leεlam ennec ! tennud jaṛ awmaten ! ad tseεded jaṛ asen ! yili babac ed yemmac ! Endors-toi, mon petit enfant ! Tu dors où tu es ! Tu dors où tu veux ! Ta conscience s’assoupit ! Ton cœur s’apaise ! Ta parole s’adoucit ! Ton drapeau se hisse ! Tu dors entre les frères ! Que tu éprouves du plaisir entre eux ! En présence de ton père et de ta mère ! Berceuse n°4 ԑawn iy a ṛeppi ammen tεawned sidi sliman inyu taslemt am etserdunt al zzis ikkur. *** ԑawn iy a ṛeppi ammen tεawned tileɣmin Aidez-moi! Ô mon Dieu ! Comme vous avez aidé Sidi Sliman Il a enfourché un poisson, comme une jument, et il continue sa route. *** Aidez-moi! Ô mon dieu ! comme vous avez aidé les chamelles [194] ikkurn i lexla, ul uḥilent i leħfa. *** eyy aɣ-dd, a reppi, leεwin teyyid i lalla ԑica. teflu yaẓeṭṭa. ul icli, ul insi. teyyu yamensi isidna ԑali. *** reppi ad i-dd teyyd elbaṛaket ! wenn tt iyyn i leɣdir ! iswu waεṛab d umaziɣ. issekker dd εad eṛṛbiε ! qui marchent dans les déserts sans qu’elles se fatiguent d’être nues *** Accordez-nous ! ô mon Dieu, l’aide que vous avez accordée à Lalla Aïcha Elle a fini le tissage qui n’a pas dépassé la journée qui n’a pas dépassé la veille Elle a préparé le dîner Pour le Seigneur Ali *** Dieu que vous m’accordiez votre bénédiction Celle que vous avez attribuée à l’eau de pluie : l’arabe et l’amazigh en ont bu ; elle a encore fait pousser l’herbe. 2-Critères d’identification Un genre littéraire est un ensemble d’œuvres, une classe de productions textuelles caractérisées par une série de traits formels et de thèmes communs définis par la tradition. Son rôle est crucial non seulement parce qu’il introduit l’ordre dans la masse du matériel littéraire informe, mais aussi il structure la lecture et l’oriente, assure son caractère intelligible et conditionne l’horizon d’attente. La berceuse possède un nombre d’attributs en vertu desquels elle est rangée comme espèce dans la catégorie de genre poétique et se démarque des autres chants appartenant à la même classe par un nombre de propriétés qui constituent sa différence spécifique. Toutefois, à l’aide de ces attributs, on ne peut fignoler une ligne frontière fixe et entre les différents genres de la littérature orale en raison de leur chevauchement. Ils ne sont pas tout à fait homogènes et pertinents sur le plan de la catégorisation, [195] 2-1- Critère formel La berceuse, en tant que chanson fonctionnelle, s’adresse à l’oreille de l’enfant par la mélodie et les sonorités qui sont autant de valeurs originales qu’elle est censée véhiculées pour remplir sa fonction de l’endormissement. Nous examinerons quelques aspects formels qui concourent à ramener la détente pour l’enfant et à l’endormir. La berceuse est susurrée à voix basse, intuitivement bien dosée. Elle renferme des interjections, des onomatopées, des paroles sécurisantes, des répétitions de syllabes et de strophes, des diminutifs à valeur hypocoristique, des effets sonores offerts par le parler natif et qui sont autant de manifestations superficielles des pressions sousjacentes exercées essentiellement par la fonction de l’endormissement. Comme une ritournelle, l’intonation, mieux que les paroles, exprime l’émotion, rassure l’enfant et le conduit progressivement de l’état de veille à l’état de sommeil. Le même effet est déclenché par le rythme et la musicalité, résultant du fredonnement et de la répétition des sons constitués de deux syllabes comme le verbe nu-nnu…’’dormir’’, de la rime, des mots doux, tendres nés dans son imagination et choisis en fonction de leur musicalité plutôt que de leur sens, des formes strophiques se composant souvent d’un nombre restreint de modules mélodiques, d’un refrain, dans la majorité des cas, basé sur des onomatopées berçantes et, parfois, monotones. La nature musicale de la berceuse confère au texte une certaine beauté poétique, certes, mais aussi facilite sa mémorisation et sa persistance comme matériau qui se propage au sein des mères berceuses. Tous ces procédés à effets musicaux sont orientés vers l’enfant et remplissent à la fois une fonction impressive ou conative pour reprendre le terme de R. Jakobson et une fonction poétique en jouant sur le signifiant phonique (rime, assonance, allitération) et sur le rythme (rhétorique, parallélisme …). C’est à ce titre encore qu’elle est un genre musical, associé au mouvement avec lequel elle s’harmonise parfaitement. La berceuse est un mélange de matériau de réemploi constitué partiellement de vers conservés et hérités auquel est combiné d’autres [196] vers, comme apport personnel de la femme berceuse ou, simplement, de tout texte susceptible d’être chanté, cantabile et de remplir la fonction de l’endormissement et, du même coup, satisfaire le goût personnel de la berceuse. Cette infraction aux règles du genre poétique auquel est censé appartenir la berceuse met en cause la pertinence du critère formel. Comme catégorie, elle inclut différentes espèces de textes : fragment versifié, des morceaux de prose et le texte poétique entier, considéré jusqu’aujourd’hui comme la seule forme qui a intéressée les chercheurs. 2-2-Critère stylistique Chaque genre littéraire représente une manière particulière d’utiliser la langue, choisir un genre implique le choix du style, c’està-dire un ensemble de moyens mis en œuvre pout traduire l’intention et les sentiments de l’auteur. A ce niveau stylistique, la berceuse recouvre plusieurs registres de langue qu’elle essaie d’imbriquer les uns aux autres. Il s’agit, d’une part, de ce qui est hérité auquel on ne peut accéder immédiatement à moins que l’on dispose, en plus du code linguistique, des codes culturels. Ce type nécessite un art de préparation, un effort d’encodage comme, par ailleurs, au niveau de la réception, un effort supplémentaire de décodage. D’autre part, le registre courant, celui de la communication quotidienne, est le plus usité. Il est exprimé avec beaucoup de verve et ne présente aucune difficulté quant à sa compréhension. Aussi est-il difficile de tracer une ligne de démarcation en se basant sur le critère du niveau de langue, effectivement hétérogène : registre littéraire et registre courant qui se distinguent à bien des égards et auxquels s’ajout le registre enfantin. Par ailleurs, la berceuse est essentiellement un genre descriptif : description de l’enfant sous forme d’éléments disséminés un peu partout dans le texte mais qui répondent à la logique de l’ensemble, puisqu’ une fois réunies, ils donnent une certaine forme à la structure du tableau. Cette description se fait selon l’expérience intérieure et subjective de l’auteure dont elle et reflète l’état d’âme. Ce qui y est recherché c’est l’aspect expressif plutôt qu’informatif du [197] message d’où l’usage du langage symbolique. Les images dont regorge le chant ne suivent pas une progression logique. Elles se développent d’une façon décousue et désordonnée dès l’état initial, celle de veille, jusqu’au-delà du sommeil. Cet entassement d’images est motivé : la mère se saisit de ce qui vient d’abord à son esprit sans perdre de vue la succession des sons apaisants. En plus des adjectifs considérés essentiellement pour leur trait hypocoristique, la femme berceuse recourt à des procédés rhétoriques et métaphoriques dont le sens global peut être extrait par référence au contexte pragmatique et énonciatif. Grâce à ses métaphores, la berceuse déploie sa vertu : l’endormissement de l’enfant. Par ailleurs, les substantifs, unités récurrentes, peuvent évoquer à eux seuls l’image de l’enfant. Il ya des parties du corps: pieds, mains, bouche yeux, qui portent l’empreinte de la beauté. Cette métonymie occupe une place de choix dans la description. Les appellations hypocoristiques, chargés d’affectivité, les objets de valeur selon la communauté (tissu de la Mecque, soie verte…) sont employés à profusion. Ils représentent l’enfant comme quelqu’un de précieux. Chaque espèce de berceuse, en fait, a ses spécificités quant à la manière d’utiliser la langue, lesquelles sont liées, entre autres, à sa performance et à la situation sociale de son exécution qui la rend plus souple et unique. Toutefois, elle partage aussi, avec la catégorie à laquelle elle appartient, un lot commun qui se manifeste par la mise en œuvre de toutes les facettes d’harmonie : jeu de sonorité, rime, rythme et musique. Si l’aspect formel et stylistique de la berceuse remplit la fonction de l’endormissement de l’enfant, le contenu que cette même forme véhicule est extrêmement fourni en tonalités et en renseignements. [198] 2-3-Critère de tonalité Au niveau des intérêts ou tonalités servant des fins thématiques, la berceuse nous en offre plusieurs qui sont enchevêtrés. Il ya lieu de citer le lyrique, l’épique et le dramatique qui sont évidemment des genres esthétiques très générales qui n’induisent pas de forme strictement définies et qui coexistent dans un même chant. L’intérêt lyrique caractérise l’expression poétique des émotions de la mère, son amour envers son enfant, son désir pour le rassurer, sa tristesse poignante, les inégalités sociales qui règnent dans la communauté locale basée sur l’hégémonie de la structures patriarcale. Dans cet agrégat thématique, la berceuse est conçue comme l’expression vocale de tous ces griefs par la parole et les rythmes musicaux. Cet intérêt domine dans la plupart des berceuses de notre corpus. Il est favorisé par une fonction expressive très marquée : prédominance du vocabulaire affectif, la simplicité de la structure, la réduplication des syllabes ou des vers, exclamations, onomatopées, invocations, importance des figures de styles, une certaine lenteur, une série de murmures, une recherche particulière sur les mots. Quant à l’intérêt épique, il consiste à évoquer quelques personnages masculins qui ont défriché des terres compactes et qui sont porteurs d’une morale destinée à exalter la collectivité locale et symboliser la grandeur de ses hommes. Enfin, l’intérêt dramatique ne dérive pas d’une fatalité métaphysique mais d’une fatalité sociale dont la communauté est responsable. Il s’agit des mésententes, des regrets et des conflits engendrés par les biens communs non entretenus et qui font l’objet d’empiétement par autrui. D’autre part, la mère, consolatrice et protectrice, évoque toute une série d’images valorisant son enfant tout en faisant référence à l’univers des héros qui lui sont familiers. L’aspect pathétique et élégiaque se manifeste aussi dans le fait que la mère berceuse est émue par elle-même jusqu’aux larmes (‘’Ô mon fils ! Mon cœur !cesse de me faire pleurer !’’) par les privations et les souffrances qu’elle endure ce qui déclenche la compassion et la pitié de des éventuels récepteurs. [199] En somme, la berceuse est truffée de différents intérêts qui peuvent ou non se chevaucher ce qui lui attribue, parfois, le trait hybridité des tonalités. Le texte est à la fois descriptif, dialogué, narratif. Tout ce qui concourt à créer un univers poétique et répondre à l’esprit du chant : les niveaux de langue, les images, les sonorités, la prose…y est le bienvenu. 2-4- Critère thématique La berceuse est assurément liée au sommeil et sa vocation première est d’induire l’état de somnolence, mais elle offre aussi à la mère, recluse dans sa case avec son enfant, dans la plus stricte intimité de la maison, l’occasion d’une réflexion sur elle-même, d’une ventilation de ses griefs, de certains contenus propres au vécu et au monde féminin qu’elle exprime d’une façon détournée pour reprendre la parole publique monopolisée par l’homme. En se penchant de très près sur le contenu de ce chant, on se rend compte que son exécution, loin de répondre à une quelconque gratuité, épouse l’expérience socio-culturelle de la communauté locale en évoquant des thèmes couvrant la sphère des activités familiales et sociales ce qui confère au texte une certaine hétérogénéité sémantique. La manifestation du bien être est bien récurrente dans le chant et se dévoile sous forme d’expression comme nunnu (‘’endorstoi’’) plusieurs fois répétée avec une mélodie traînante et accompagnée de gestes relaxants. Une telle forme de communication, relevant du langage enfantin favorise l’interaction et suscite un climat de sécurité. Les intentions affectives imprègnent les chants. La mère exprime son admiration, son amour pour son enfant dont la beauté est assimilée à une perle en l’appelant bajju (qui est probablement un emprunt fait à la langue française du mot bijou). Elle l’adore et le compare à un objet de valeur, à un ‘’tissu venu de la Mecque ‘’ou ‘’fait de soie verte’’. Parfois, l’enfant est assimilé à un [200] héro, à un cavalier dont elle loue la qualité physique : ‘’long cou’’. Le chant permet aussi à la femme l’épanchement de ses tentions psychologiques nées de la frustration. Par des répétitions d’invocation à Dieu pour qu’il vienne à son secours. Le thème la procréation, gage de pérennité sociale est évoqué indirectement ; dans la société patriarcale, la femme doit mettre au monde des garçons pour profiter d’un niveau de respect et d’un minimum de droit familial et social ; celui de la faim y est exprimé ; la mère tente d’apaiser la faim de son enfant en l’encourageant à dormir tant que le repas n’est pas encore prêt.. D’autre part, la berceuse évoque des thèmes d’actualité qui suscite, d’ailleurs, la création poétique, tel le défi des grands personnages comme Baghdadi Zian uyus… et vante leur mérite d’avoir défriché des terres compactes. Elle évoque également les malheurs et les conflits de familles qu’animent les mésententes au sujet des biens communs abandonnés ou délaissés. Souvent, le chant se métamorphose en un récit sentimental où les espoirs, les attentes, les déceptions, les angoisses… auxquels des thèmes habituels du fardeau domestique sont engrangés et savamment exprimés. Ainsi la berceuse peut-elle être plus ou moins longue suivant en cela non seulement l’acte de bercer l’enfant qui peut durer parfois longtemps lorsque celui-ci s’abstient de dormir pour des raisons inconnues de la mère, mais aussi lorsque celle-ci y éprouve un plaisir de s’extérioriser et de donner libre cours à son cœur dans un flot thématique insaisissable. Il est à noter que malgré les changements intervenus dans l’environnement social et qui ont contribué à la disparition progressive de la structure mentale et sociale qui a présidé à la naissance de ces ‘’vers lyriques et épiques’’, ces derniers n’ont pas disparu de la culture locale. Ils sont conservés par la mémoire humaine comme témoignage du passé communautaire. Il ressort de toute cette richesse thématique une hétérogénéité du contenu et donc manque de cohérence et de convergence sémantique qui explique la difficulté d’assigner un titre pour chaque chant, certes, mais aussi de catégoriser la berceuse, du moins dans le contexte local, à tel ou tel type de texte en se basant uniquement sur [201] son contenu. Comme pratique culturelle, loin de suivre les règles rigides codifiant un genre particulier, la berceuse s’insurge contre la notion de genre qui essaie de la cloisonner dans le respect de la convergence thématique. Elle rejette la pertinence de cette notion pour affirmer sa singularité en tant que mélange au niveau du contenu. 2-5- Critère de l’énonciation Un autre aspect de la porosité de la frontière de la berceuse est à lié à l’énonciation et à son caractère rituel. Ce chant est circonstanciel : sa production assure une fonction précise ; l’endormissement de l’enfant. En entendant fredonner ce chant, l’enfant non seulement est sécurisé par la présence de la mère mais aussi comprend qu’il est temps de dormir. Aussitôt que cette activité cesse, le chant lui aussi cesse ou se métamorphose pour intégrer d’autres thèmes, d’autres tonalités ou d’autres genres mais qui ne peuvent pas être reconnus comme berceuses puisque le contexte du bercement et les circonstances affectives de son énonciation qui devraient s’accomplir où le ‘’je’’ de la mère en face d’un ‘’tu’’ de l’enfant éveillé, sont révolues. En réalité, c’est la situation sociale, incorporant un ensemble de paramètres (qui chante ? devant qui ?où ? quand ? pourquoi ? qui décide si l’on a affaire à une berceuse ou non. Un chant exécuté dans l’activité de tissage, par exemple, peut être considéré comme berceuse pourvu que les conditions de son exécution soient celles reconnues pour celle-ci. Aussi le sens qu’il acquiert est celui conféré par le nouveau contexte. A cet égard, Jean Derive, Llancan (2008 ) souligne que la perméabilité des frontières est renforcée en régime d’oralité, en vertu du fait que ‘’les critères de l’énonciation prennent le pas sur les critères de l’énoncé pour la détermination des genres. Un énoncé verbal ne suffit pas à définir un genre. Ce n’est que dans des conditions de communication données que celui-ci peut être identifié sans confusion possible’’. En se basant donc sur ce critère de l’énonciation, la mère est autorisée à faire feu de tout bois dans le processus de l’endormissement de son enfant : en plus des berceuses proprement dites auxquelles elle adjoint des morceaux improvisés comme signe d’inspiration du moment, mêlant [202] ainsi le bagage hérité et l’expérience personnelle, des poèmes populaires chantés ailleurs, dans d’autres circonstances, sont réutilisés dans le nouveau contexte et deviennent de véritables berceuses, parfois, elle en invente de toute pièce. Ainsi le genre poétique qu’est la berceuse recèle-t-il une ‘’saveur d’impureté’’ au regard des valeurs et des normes codifiant le système des genres poétiques en intégrant une variété de textes, de tons, de registres, utilisés dans d’autres genres. Quoiqu’il en soit, la berceuse n’est jamais complètement fermée dans la catégorie désignée par le genre poétique dont elle fait partie. La femme en choisissant les thèmes, les tons et les éléments formels qu’elle souhaite privilégier dans le processus de la construction de sa berceuse, elle ne postule pas une identification ou une différentiation par rapport à une ou à plusieurs traditions génériques d’où la difficulté de la classer, à coup sûr, dans un genre aux limites bien circonscrites. Cette transgression des frontières du genre poétique dont le corollaire est le renforcement de l’hybridité est à la base du renouvellement de la berceuse, de la dynamique de cette production littéraire en régime de l’oralité. La berceuse n’échappe pas à la problématique de la classification en termes de contenu et de forme. Se manifestant par le passage d’un genre à l’autre ou des formes en vers à des formes en pose, sorte de paroles entrecoupant le texte qualifié de poétique, elle ne peut pas être définie par la forme revêtue, et encore moins, sur la base de son contenu qui regorge de renseignements sur la société qui les a produits. Elle est souple moins enfermée dans des codifications sociales d’où le caractère chancelant de ce genre poétique1. 1 Ce chant devient de plus en plus fragile, se raréfie et tend à s’effilocher en tant que segment précieux du patrimoine oral. Sans doute, les techniques de communication moderne dont le corollaire est l’introduction du phénomène d’acculturation, et le nouveau mode de vie, de par l’introduction des lits montants sécurisés compliquant ainsi le désir de reprendre l’enfant, le recours à la tétine, au biberon comme substitut de la chaleur maternelle sont à l’origine du phénomène. [203] Conclusion Si le genre, en tant que notion rigide, reste vital dans la littérature de masse comme système de classement des textes littéraires (apparemment hétérogènes) et de leur arrangement dans des cases (générales et peu précises) et, dans le travail de production et de réception, comme ligne de démarcation et d’hiérarchisation générique du matériel textuel de l’espace littéraire, cette notion perd de sa pertinence dans cas de la berceuse qui transgresse les barrières entre les genres tout en privilégiant leur hybridation ou leur chevauchement. Ce chant peut être considéré comme la réalisation la plus aboutie d’un genre aux frontières floues, voire mouvantes, un cas illustratif du genre en régime d’oralité, comme notion problématique. Des critères de nature différents s’y mêlent et plusieurs traits génériques hétérogènes s’y combinent à la fois : usage alternant prose et poésie, refus du thème monolithique au profit d’une pluralité thématique, multiplicité des tonalités, ancrage dans la situation d’énonciation intégrant tout texte cantabile… Ainsi, se présentant comme un amalgame de formes, de thèmes, de styles, de tons constamment variables suivant en cela les conditions sociales de sa production : le tempérament de la mère, celui de l’enfant, le temps et l’espace où a lieu le bercement, instaure-elle un espace où les frontières entre les différents genres de la littérature orale sont bannies. En termes plus précis, ses frontières sont constituées non pas de lignes de démarcation bien fixe et pérenne, mais d’une zone d’interférence malléable plus ou moins large où elle vit en symbiose avec d’autres genres de la littérature orale et perpétue la mémoire du passé communautaire tout en l’adaptant aux valeurs du moment. [204] Bibliographie • • • • • • • • • Belzame, Guy. (2014). Genres littéraires. In Encyclopaedia Universalis. https//www.universalis.fr Ben-abbas, M. (2014). Oralité et traditions orales, In La langue amazighe, de la tradition orale au champ de la production écrite, (Parcours et défis). Sous la dir.de Djellaoui, Mohamed. Actes du 2ème colloque international, organisé les 17 et 18 Avril 2013. Publication de l’Université Akli Mohand Oulhaj. Bouira Doja, Albert. (1997). L’enchantement socialisateur : la berceuse dans la tradition orale. Nicole Bejmont & Jean-François Gossiaux. De la voix au texte : l’ethnologie contemporaine entre l’oral et l’écrit. 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Bouira [205] Tawsit n ukacef deg unnar n tsekla d tesnalmudt ---------------------AIT ABBAS Linda et KHERBOUCHE Hassiba Université Abderrahmane Mira/Bejaïa Yal tikkelt nettmeslay γef tewsatin, ama d isefra, timucuha, amezgun, timseɛraq, tullizin…, d tiwsatin yellan deg tmetti, ttwasemrasent seg zik ar ass-a, lant azal-nsent di wansayen γas akken ahat ass-a mxalafent kan di tarrayt n usissen imi yella wayen ibeddlen yella, wayen yeqqimen deg-sent, yerna annect-a yemgarad sed temnaḍt γer tayeḍ. Maca, tiwsatin-a daγen ur qqiment ara kan deg teγmert-nni n tmetti acku uγalent kecment deg uselmed/almad n tutlayt n tmaziγt, d tiwsatin i yetteqnen anelmad d tmetti-s, maca ur nezmir ad neḥbes da imi tura llant tewsatin-nniḍen i yessefk γef unelmad ad tent-yissin, timsal i yessefk ad tent-yegzu iwakken azekka mi ara yeffeγ γer tmetti ad tent-iqabel s wudem iwatan, d tiwsatin i yellan zik mazal-itent ar tura gar-asent : tawsit n ukacef iγer nerra lwelhanneɣ iɣef ara ad d-nawi awal, d tawsit ur nettwazrew ara s telqi deg tutlayt n tmaziɣt iwumi ttwafken waṭas n yinumak, gar-asen ad d-nebder: “agezzen, i yellan d tririt i d-yettak umkacef” 1 , ilmend n tbadut Tabadut i as-yefka J. M. Dallet deg usegzawal-ines, taqbaylittafransist 1982, i d-yeqqaren dakken Ma yella ɣer CHARLE DE FAUCAULD “akacef”: anamek-is “ârid” (asget-is: âriden) d asirem i yeqqnen ɣer sdat ama d ayen yelhan neɣ dayen n diri.2 -Renet Basset ibder-d akacef s wawal “eller” i d-yekkan seg tantala tatergit yesɛan anamek “ẓẓar” neɣ “wali”.1 1 J. M. Dallet, 1982, Dictionnaire kabyle-français, SELAF, Paris, asebter 393. « Prédire (DEVENIR, rendre des oracles). 2 DE FAUCAULD, C., dictionnaire touareg français, dialecte de l’ahagar , tome IV, imprimerie nationale de France, MDCCCCL II. « arid :pl ariden //souhait qui renferme un présage ». [206] Ma yella nuɣal ɣer usegzawal ISSIN n K.BOUAMARA, ad t-naf yesbadu-d awal «“Kcef”: sbeyyen-d ayen ur neẓri ara neɣ ayen i yeffren i medden. ».2 Akken daɣen i d-yettwabder wawal “voyantes” deg Encyclopédie Bèrbere uṭun wis 15”; imi i d-yettmeslay ɣef lxalat yettkacafen ama d “tiderwicin”(asuf: taderwict), “timkucaf”(asuf: tamkaceft) neɣ d ticewwafin (asuf:tacewwaft).3 Ad naf deg usegzawal-a dakken akacef d ayen yellan seg zik deg tmetti taqbaylit d ayen i ssemrasent ladɣa tlawin. Gar wawalen i yettwanefken i tewsit-a nextar awal akacef imi d win i yuzzlen deg tmetti. Tabadut n tmiḍrant n ugezzen/ akacef D tawsit n yiḍrisen i d-ttawin yimkucaf. Qqaren-t-id yimdanen i yesɛan tazmert iwakken ad d-awin isallen yerzan tidyanin i d-iteddun. Semrasen-t yimkucaf iwakken ad d-afen tifrat i wuguren i d-ttmagaren yimdanen deg tudert-nsen. Akacef yettwassen seg zik, acku d ayen s wayes ttamnen yimdanen. Ma nuɣal ɣer umezruy n Yimaziɣen, deg tasut tis tẓa (09) ad d-naf Dihiya, tagellidt n teqbilt n Ǧerrawa tettwanefk-as tezmert n ukacef, ayen i d-tuder akk yeḍra-d, akken i d-yenna Ibn Xeldun; d tin yesduklen gar udabu d ukacef, dɣa s wannect-a i tessaweḍ ad teṭṭef adabu azal n 65 n yiseggasen, ɣef waya i as-fkan Waɛraben isem n Kahina yesɛan anamek n temkaceft. Ula d Faḍma n sumer yellan d tamnayt n Ǧerǧer tettwassen deg taɣult n ukacef.4 1 BASSET R., 1908, Grammaire et Dictionnaire Français-Touareg, imprimerie orientale Pierre Fontana, asebter 240. 2 BOUAMARA Kamal, 2007, ISSIN Asegzawal n teqbayli s teqbaylit, H.C.A, asebter 130. 7 VIROLLE-SOUIBÈS M., 1995, « Divination », Encyclopédie Berbère, ut° XV, France, EDISUD, isebtar 2345-2367. *Anekmar n tesnilesmettit : approche sociodidactique *Isensa utlayanen=pratiques langagières [207] Tabadut n tewsit Ma yella nuɣal ɣer tewsit, ad naf dakken tamiḍrant-a tettwassen seg zik imi deg tallit tagrigit ad naf beṭṭu n yiḍrisen yella-d ilmend n tewsatin n tsekla, ahat imi ahat deg lawan-nni d iḍrisen kan n tsekla i yuggten. Maca deg tallit tamirant, ladɣa ilmend n tesnalmudt tiwsatin mmalent-aɣ-d inawen i yettwasqedcen deg taɣulin yemgaraden i d-yettbanen s waṭas n leqwaleb ilmend n ubeddel i d-yettilin seg tmetti ɣer tayeḍ neɣ seg tegnit ɣer tayeḍ. Leqdic-a yebded ɣef yiwen n ugnu s wayes nettnadi ad nẓer: -Ma yella nezmer ad as-nefk adeg i uḍris n ukacef deg uselmed n tmaziɣt ? -Dacu-tent tulmisin n yiḍrisen-a ? Deffir n yisteqsiyen-a nra ad d-nseken yiwet n tewsit i yesran ad tesɛu udem ussnan; Akken daɣen nebɣa seg tama ad nesnerni isulal n uselmed n tutlayt n tmaziɣt, ara icudden anelmad ɣer tmetti-ines, ara as-d-isseknen ayen i yellan deg-s, ama d ayen yelhan neɣ d ayen n diri, i yellan ass-a d iswi agejdan n unekmar n tesnilesmettit* anda anelmad d aferdis agejdan deg tmetti. Anekmar-a iban-d iwakken ad yessiweḍ anelmad ad yesɛu tizemmar deg timawit akked tira s tarrayin yemgaraden akked usdukkel gar wayen akk yellan d timetti akked uɣerbaz. Gar wayen ara yessiwḍen anelmad γer waya d aseqdec n yisulal yemgaraden ara d-yilin s yiḍrisen imettiyin iḥeqqaniyin imi d ayen yessen unelmad deg wayen yerzan tigensas timettiyin akked yisensa utlayanen* ara yissin unelmad s tewsatin n yiḍrisen i yellan, ama deg tmetti-ines neɣ deg tmettiyin tiberraniyin . Seg tama-nniḍen ad d-nesnekwu, ad d-neglem tulmisin n yiḍrisen-a (taɣessa d yiferdisen utlayanen) iwakken ad ttwasqedcen deg uselmed. *Tasnilest taḍrisant : linguistique textuelle. 8 VIROLLE-SOUIBÈS M., 1995, bdr.ya. isb. 2345-2367. [208] Iwakken ad d-nerr ɣef yisteqsiyen i d-nefka deg ugnu, nga tasatant s wayes i d-negmer ukuẓ n tmerwin d sin (42) n yiḍrisen n ukacef segmi nerza ɣer kra n yimkucaf akked yimdanen i yuɣen tanumi ttruḥun ɣur-sen, maca deg wayen yerzan tasleḍt nefren anagar mraw (10) n yiḍrisen i nwala d imesbaɣuren i tukksa n yiferdisen n tutlayt ara yilin d tallalt tagejdant i unelmad deg ufares-ines iwumi nga tasleḍt s ubrid n tesnilest taḍrisant. S uḍfar n tarrayt-a, nessaweḍ ad d-nesnekwu akk imqimen udmawanen, imyagen d yisuraz akked tulmisin n yiḍrisen-a. Ma yella d tarrayt i neḍfer iwakken ad d-nessufeɣ taɣessa n yiḍrisen, nres ɣef tenfaliyin id-yettalsen deg yal aḍris. Ma d tarrayt s wayes i nessaweḍ ad nẓer ma uklalen yiḍrisen-a ad sɛun adeg deg uselmed n tmaziɣt, nexdem yiwet n tirmit anda id-nefren kra n yiḍrisen i nessemres deg tneɣrit, armud n tɣuri d tegzi n uḍris, i aɣ-yessawḍen ɣer kra n yigemmaḍ. S tesleḍt n yiḍrisen n wammud i d-negmer nufa-d dakken imqimen udmawanen i yellan d tulmist n yiḍrisen n ukacef d wi: nekk d nekkni, ttuɣalen ɣef umkacef mi ara dyettmeslay. Nekk, nekkni d nkenti, ttuɣalen ɣef yimẓuyar mi ara dttmeslayen. Kemm, kečč, kunwi d kunemti, ttuɣalen ɣef yimẓuyar mi ara asen-yettmeslay umkacef. Talɣiwin timyaganin i yellan d tulmist n yiḍrisen n ukacef, d izri, urmir s “ad” akked wanaḍ. Azal n yizri ttkeccifend yes-s ayen iɛeddan, asemres n talɣa urmir s “ad” skanayen-d yes-s ayen ara d-yeḍrun ɣer sdat. Ma yella d anaḍ semrasen-t deg yiḍrisen-a i usendeh neɣ iwakken ad d-fken iwellihen i tifin n tifrat i wuguren n yimẓuyar. Deg wayen yerzan tuddsa n uḍris n ukacef nufa-d dakken yebna ɣef kraḍ n tegnatin: [209] 1Tagnit n tazwara: d tanfalit s wayes ibeddu uḍris. M.D*1: mselxir a Zi Muḥu. 2Tagnit tis snat: d tanfalit id-yeskanen asatal iɣef i d-yella umeslay. 3Tagnit n taggara: d tanfalit s wayes yettfakka uḍris. M.D: Ad d-iferreǧ Rebbi fell-am ncallah. Tasleḍt i nga i yiḍrisen-a, tessaweḍ-aɣ ad d-nessukkes tulmist yerzan ssenf-a n yiḍrisen: d aseqdec n umqim ameskan “Atan”s wayes i d-yettili uwehhi d ujbad n lwelha n umẓuru ɣer wayen ara as-d-yeḍrun ɣer sdat. Iwakken ad nẓer ma yella aḍris n ukacef yezmer ad yesɛu adeg deg uselmed n tutlayt n tmaziɣt, nga yiwet n tirmit deg tneɣrit, segmi i nefren yiwen n uḍris i nwala meẓẓi, yeshel i tegzi d tesleḍt. S usemres-ines deg urmud n tɣuri d tegzi n uḍris, anda ara nẓer ma yezmer unelmad ad d-yessufeɣ tulmisin (iferdisen n tutlayt d tɣessa) iɣef yebded uḍris n ukacef, nessaweḍ ɣer yigemmaḍ-a: Deg tazwara ur ufin ara inelmaden uguren, ama deg tɣuri neɣ deg tegzi n uḍris n ukacef; Aḍris-a d win i d-ijebden tamuɣli n yinelmaden imi d ayen yellan d amaynut fell-asen deg tneɣrit, ɣas akken sɛan timussniwin fell-as deg tmetti. Ilmend n tesleḍt i gan yinelmaden i uḍris-a, ssawḍen ad d-kksen iferdisen n tutlayt akked tɣessa iɣef yebded, iten-yeǧǧan ad d-afen s sshala tawsit-is; Aḍris-a d win yessawḍen inelmaden ad issinen ayen s wayes ttamnen kra n yimdanen deg tmetti-nsen. Ilmend n yigemmaḍ iɣer nessaweḍ ama seg tesleḍt n wammud i d-negmer, ama deg tirmit i nga deg tneɣrit, nezmer ad d-nini dakken aḍris n ukacef yesra ad yili amkan deg uselmed n *M.D : amedya [210] tutlayt n tmaziɣt imi d win iten-ittɛawanen deg usenfali s tira neɣ s timawit. Leqdic-a, nessaweḍ ad t-id-nessisen ilmend n tmuγli n tesnalmudt d tesnilesmettit, nessaram iwakken ad yili usismelines di tewsatin n tsekla imi d tawsit yellan seg zik ar ass-a, akken daγen i llan kra n yiḍrisen i d-ttawin yimkucaf s talɣa n tmedyazt. Umuɣ n yidlisen • BASSET R., 1908, Grammaire et Dictionnaire FrançaisTouareg, imprimerie orientale Pierre Fontana. • BOUAMARA K., 2007, ISSIN Asegzawal n teqbayli s teqbaylit, H.C.A. • BASSET R., 09/2011, La Religion des Berbères de l’antiquité jusqu’à l’Islam, ESSAI, Belles – Lettres. • CANVAT K, 1999, Enseigner la littérature par les genres Bruxelles, De Boeck Duculot.-DEVULDER M., 2011, La magie en Kabylie, Belle-Lettres, Alger. • DOLZ J. d B. SCHNEUWLY, 1998, « Pour un enseignement de l’orale ». Initiation aux genres formels à l’école, Paris. • DALLET J. M., 1982, Dictionnaire kabyle-français, SELAF, Paris. • DE FAUCAULD, C., dictionnaire touareg français, dialecte de l’ahagar, tome IV, imprimerie nationale de France, MDCCCCL II. • MEKSEM Z, 2007, Pour une socio-didactique de la langue amazigh approche textuelle , Tazrawr n Doctorat, Tasdawit n STENDHAL - GRENOBLE III. • VIROLLE-SOUIBÈS M., 1995, « Divination », Encyclopédie Berbère, ut° XV, France, EDISUD. [211] Tijenṭaḍ Aḍris : Saɛdia d Ccix Zi Muḥu Saɛdiya: Mselxir a Zi Muḥu. Ccix: Ɛeslama a yudem n lxir, a tin yettbuddun lxir ad am-yefk Rebbi lxir, atan itteddu am-d lxir lumeɛna ssber, tetteddu am-d lehna. Ad am-yefk Rebbi amlawi a tin yettlawin. ssellaḥ yid-m lawliya yid-m. Tenɛettabeḍ, tuḍneḍ ad tawḍeḍ ɣer leɛlali ad dasen ad kem-awin, mazal ur tettruḥuḍ ara. Suturen-kem sya u sya, qerreb ɣer sdat ur ṭallay ara ɣer deffir-m. Ad d-iferreǧ Rebbi fell-am ncallah. Tiferret n uselmed Azwel n uḍris: Saɛdia d Ccix Zi Muḥu Iswan : -Ad d-iɣer unelmad aḍris akken iwata; -Ad yegzu anamek-is; -Ad yessiweḍ ad d-yessufeɣ taɣessa-s; -Ad d-yaf anaw n uḍris. Tizza Tiddin n temsirt Aseṭwi -Dacu-t wanaw i twalam yakan ? Tafada Tamsirt-nneɣ ass-a, taɣuri d tegzi n uḍris, ɣer taggara n temsirt-a, ttrajuɣ deg-wen ad teɣrem aḍris akken iwata, ad tegzum anamek-is, Ad d-tessufɣem taɣessa-a, rnu ɣer waya ad d-tafem anaw n uḍris-a. Tagnit n tazwara -Dacu tettwalim deg uḍris ? -Amek i tettwalim aḍris-a ma nessemgared-it d widak twalam yakan ? -Ilmend n uziḍris, ɣefwacu yezmer ad dTizi yemmeslay uḍris ? 1ut -Taɣuri s tsusmi. Tikti tagejdant: Adiwenni id-yeḍran gar Saɛdia d Zi Muḥu ɣef tudert d wayen ittyuɣen. -Taɣuri n uselmad -Taɣuri n yinelmaden. [212] Ayen yessen-ya: Anelmad yessen ullis. Aktazal Ullis, anda amaru iḥekku-d ɣef kra yellan deg tilawt neɣ d asugen. -Azwel, aḍris,… -Mecṭuḥ,yesḥel i tɣuri, d adiwenni. -Adiwenni gar Saɛdia d Zi Muḥu. -Amlawi: amɛawen. -Lawliya:imawlan, Tizi tis 2 -Asegzi n kra n wawalen. Tagnit n uslaḍ -Anwa ɣef i d-yella umeslay deg uḍris-a? -Dacu d awal amezwaru i as-tenna Saɛdia i Zi Muḥu? -Amek i as-d-yerra ? -Dacu d awal i yessemres iwakken ad as-dyesken dakken itteddu-d ɣur-s lxir ? -Amek i as-qqaren ? -Γer wacu i ftin tuget n yimyagen deg uḍris-a ? -Acuɣer i yuget wurmi s “ad” ? -Swacu yekfa ameslay-is ? Tizi tis 3 Tagnit n usemlil -Amek yebda uḍris ? -Dacu yellan deg tneflit-is (talemmast)? -Amek i yekfa ? -Dacu-ten yiferdisen n tutlayt iɣef yebna ? Ad cfuɣ: Aḍris n ukacef, d win id yeskanen ayen yellan deg tmetti, d aḍris id-ttawin yimkucaf mi ara iruḥ umẓuru γur-sen s talγa n uḍris amagnu akked d talγa n tmedyazt. Yebna ɣef (03) n tegnatin: 1-Tagnit n tazwara: d taneflit s wayes ibeddu uḍris. 2-Tagnit tis snat: d taneflit i d-yeskanen asatal iɣef i d-yella umeslay. 3-Tagnit tis kraḍ: d tanfalit s wayes yettfakka uḍris. Akken daγen deg uḍris n ukacef yettili useqdec n umqim ameskan “atan” idyeskanen ayen ara d-yeḍrun γer sdat. [213] iɛessasen. -Saɛdia d Zi Muḥu. -Mselxir. -Mselxir. -Atan. -Amqim ameskan. -Izri, urmir ussid, urmir s “ad”. -Iwakken as-dyesken dacu ara yeḍrun. -S ddeɛwa n lxir. Tiwsatin n tmedyazt tamensayt di tira n yinagmayen : Amgired deg usemmi d usismel d tbaddutin ---------------------Mohamed DJELLAOUI Université Akli Mohand Oulhadj - Bouira Deg usaray-agi ad neεrev ad nexdem yiwet n tùuri n usenqed, deg wayen i d-uran kra n yinagmayen ùef usentel-agi n tewsatin. Taùuri ideg ara d-nbeggen, amgired i d-yettbanen di tira-nsen aladùa di temsal yerzan : asemmi d usismel d tbaddutin. Gar tewsatin-agi n tmedyazt, ùas akken ugtent, awal ad tid-nawi ùef tlata tewsatin tigejdanin i yettemsevfaren s waîas di tira n yinagmayen : Izli, aêiêa d uquli Taùuri-agi ad tt-nebnu ùef kra n yidlisen d yimagraden i d-uran yimyura yecban : (H.), Basset : 1920(1) - (J.), Delheure : 1984, 1897)(2) (T.), Yacine : 1990)(3) – (M.), Mahfoufi : 1992)(4) – (D.), Abrous : 1992)(5) – (Y.), Nacib : 1993)(6) – (F.), Ait Ferroukh : 1993)(7) - (A.), Bounfour : 1999)(8) – (K.), Bouamara : 2004)(9) - (S.), Chaker : 1989)(10). (1) (H.), Basset, Essai sur la littérature des Berbères, Carbonel, Alger, 1920. (J.), Delheure, Ageraw n yiwalen Tumzabt t-Tefransist / Dictionnaire Mozabite-français, SELAF, Paris: 1984. Et Agerraw n iwalen teggargarent-tarumit / Dictionnaire ouarglifrançais, SELAF, Paris, 1987. (3) (T.), Yacine, L'izli ou l'amour chanté en kabyle, éd, Bouchène, Awal, Alger, 1990. (4) (M.), Mahfoufi , Le répertoire musical d’un village berbère d’Algérie (Kabylie), thèse de Doctorat, université de Paris, 1992. (5 ) Abrous, (D.) «Les joutes poétiques du henni : compétition d’honneur et rapt symbolique », in E.D.B N° 9, 1992, pp. 147-164. (6) (Y.), Nacib, Anthologie de la poésie kabyle, éd, Andalouses, Alger, 1993. (7) (F.), Ait Ferroukh, « Le chant kabyle et ses genres », in Encyclopédie berbère, N°12, éd, EDISUD, 1993, pp. 1869-71. (8) (A.), Bounfour, Introduction à la littérature berbère, éd, Peeters, Paris – Louvain, 1999. (9) (K.), Bouamara, Si Lbachir Amellah(1861-1930), un poète-chanteur célèbre de Kabylie, éd, Talantikit, Béjaia, Algérie, 2004. (10) (S.), Chaker, «Une tradition de résistance et de lutte : la poésie berbère kabyle, un parcours poétique», in REMM N° 51, Edisud, 1989. (2) [214] $as ma yella nebder-d kan inagmayen-agi d amedya, neêsa belli llan wiyevnin, acukan akken yebùu yili, ayen uran ùef tewsatin-agi n tsekla n tmaziùt tamensayt drus mavi. Tira-nsen s lekmal-nsent ur iwivent ara ad frunt timukrisin i d-icudden s annar n tewsatin-agi. yal yiwen d tamuùli i d asent-yefka, yal yiwen d tikta i d asent-yessa. Ad neεrev ad d-nbeggen timuùliwin-agi yiwet yiwet, syin akin ad d-nefk tamuùli-nneù ùef wayen i d-wwin d asemmi d usismel akked tbaddutin. 1- Izli « Izli neù izlan » d awal i d-yettwabedren s waîas di tira n yinagmayen izzayriyen(1) d yinagmayen n tmurt n lmeruk(2). Ahat adlis i d-yufraren di ûûenf-agi n tmedyazt, d win tura T. Yasin deg useggas n tesεin 1990, iwumi tefka azwel : « Izli neù tayri yettwacnan s teqbaylit - L'izli ou l'amour chanté en kabyle ». Deg udlis-agi iban-d s ttbut usismel d tbaddut i d as-tefka tnagmayt i tewsit-agi n tsekla tamensayt, imi di lewhi-s : « Izli d asefru yettwacnan, yesεan talùa wezzilen, agbur-ines yettwabna ùef usentel n wafrayen n tayri »(3). Awal « Izli» d awal i d-telqev si temnavî seg i d-tejmeε ammud n yisefra i d-yettawin di tuget-nsen ùef wafrayen n tayri. Maca tesqedc-it di tira-s mebùir ma tnuda s ubrid n tussna ùef laûel n usexdem-is udyiz akked tidet n usismel-is d tbaddut-ines di temnavin nniven di tmurt n timmuzùa. (1) Inagmayen i d-yettwabedren yakan yecban : (Y.), Nacib : 1993, (T.), Yacine : 1990, (M.), Mahfoufi : 1992, (F.), Ait Ferroukh : 1993. (2) Wid yecban : (H.), Jarmuni, Anthologie analytique de la poésie berbère (Tamazight) du Moyen Atlas, thèse de Doctorat en science du langage, université de Fès, Maroc, 2009. (B.), Hamri, La poésie amazighe de l’Atlas central marocain : approche culturelle et analytique, thèse de Doctorat, université de Fès, Maroc, 2005. (3) (T.), YACINE, op. cit, p. 15. [215] Seg tmuùli-agi nezmer ad d-nefhem tlata n trekkizin tigejdanin iùef yettwabna usismel d tbaddut n «izli» di lewhi n T. YASIN : D asefru i d-yettasen s ccnawi, d asefru wezzilen di talùa-s, abgbur-is yettwabna ùef wafrayen n tayri. Ma nuùal ùer tira n yingmayen nniven i d-icudden s asismel d tbaddut n wawal-agi « izli » ad naf amgired yettban-d s lebrez. S. Caker deg umagrad yura deg useggas n 1992 : «Taεecret n tezrawin timazùanin - Une décennie d’étude berbère », yessenqed-d asismel d tbaddut i d-tefka T. Yasin, imi yettwali « belli acuddu n « yizli » s iêulfan n tayri yeêwao aεiwed n tmuùli aladùa seg tama n tsekla d tesnillest »(1) Di tira n F. Ayt Ferrux, ad naf « izli » yettwabder-d s unamek n « usefru yettwacnan », mebùir agbur n yiêulfan n tayri neù talùa wezzilen. Tanagmayt-agi tebna igemmav n tezrawt-ines ùef wayen i d as-d-yefka unnar n tira n kra yinagmayen, imi dtenna : tban-iyi-d tbaddut d usismel n « yizli » seg tira yecban tid n H. BASSI i yura ùef waîlas alemmas deg useggas n 1920, d tid n F. DELHUR ùef yicawiyen n Wregla d yimzabiyen deg yiseggasen n 1984 d 1987. Tira-agi beggnent-iyi-d belli izli d « asefru yettwacnan »(2). Ma di tezrawt yexdem M. Maêfufi ùef wammud n yisefra i d-yejmeε seg unnar n snat tudrin : At Hicem d Ugusim di tmurt n leqbayel, yessawev ad d-yefk tikta nniven ùef tbaddut d usismel n wawal « izli neù izlan », imi di lewhi-s : « izli d awal i ssemrasen imezdaù n tudrin s lmeεna n « umεeéber », i d-yettasen srid neù s (1) (S.), Chaker, op. cit, p. 294. (F.), Ait Ferroukh, Ethnopoétique berbère, le cas de la poésie orale kabyle, Thèse de doctorat, Soutenue à la Sorbonne, sous la direction du P. M. Arkoun, Paris, 1994, p.294. (2) [216] ccnawi, neù tikwal ssemrasen-t imezdaù-agi s unamek n ccnawi i d-ttawint tidma di « tegnatin n lferh ». Yettban-d si tmuùli-agi n M. Maêfufi, amek i d-yella umgireg d ameqqran deg usismel d tbadut n wawal « izli ». Asismel d tbaddut ibeεden aîas ùef wayen i d-nnan inagmayen i dnebder yakan. Tamuùli n unagmay-agi ur tebni ara ùef tarrayt tussnant, yenna-d kan ayen i d as-d-yefka unnar n unadi, mebùir ma yerra-t deg uùerbal n usenqed, imi amεeéber d tawsit nniven si tewsatin n tmedyazt tamensayt, tettwabna ùef waîas n tulmisin n talùa akked ugbur d tid n tegnatin n usevru i tt-yeooan temgarad s waîas ùef yizlan. Am wakken tiwsatin n tegnatin n lferê (urar, tibuùarin d uzenzi n lêenni) yebεed wassaù-nsent ùef yizli. Amek ihi ara d-yili usismel d usbaddu n yizli s userwes-ines ùer tewsatin yemgaraden fell-as deg waîas n tulmisin aladùa amεeéber d tbuùarin?! Ma d M. Mεemmri si tama-s, ibder-d snat tulmisin iùef yettwabna usismel d tbaddut n yizli, tulmisin-agi i d-yessugzel deg yiwet n tefyirt wezzilen ideg d-yenna : « Izli neù izlan d isefra wezzilen yettwacnan di tuget n tegnatin»(1). $er tama n yinagmayen-agi i d-nebder ad naf tuget n tezrawin nniven ttbegginent-d belli asismel-agi d tbadutin i asyettewmudden i yizli yettemgirid si tantallit ùer tayev, u tikkwal yettemgirid ula deg yiwet n tentallit. Ma neddem-d amedya seg waîlas alemmas ad naf izli yettewsemres s unamek n « usefru (1) M. Mammeri, Poèmes kabyles anciens, éd, Maspéro, Paris, 1980.Poèmes kabyles anciens, p. 209. [217] wezzilen », ùer Yiméabiyen yedda-d s lmeεna n « usefru », di Nfusa ad naf yettmagar-it-id « Ccna ». Seg wayen akka i d-nebder di tira n yinagmayen iban-aù-d belli yella waîas n usexlev, tikta ur mûavant ara. Aferdis-nni n tbaddut d usismel i d-yeqqaren belli izli yettwabna ugbur-ines ùef usentel n yiêulfan n tayri ur d-yettwabder ara mavi di tira n yinagmayen, yettuùal-d kan uferdis n talùa yerzan tewzel akked ccnawi i swayed yettawev s amseflid. Ihi ma nessugzel-d awal deg wayen i d-nnan yimyura-agi ad naf belli : « Izli » d awal amatwan yettewsemres s tewseε di temnavin timazùanin. Anamek-ines d asefru wezzilen yettwabna ugbur-ines ùef tuget n yisental, yettas-d d usrid neù s ccnawi ». 2- Aêiêa D ûûenf wis sin si leûnaf n tmedyazt tamensayt, drus n tezrawin i t-id-ibedren, di tuget ttakken-as tabaddut n tmedyazt n tayri d wayen akk i d-icudden ùer-s n yiêulfan d wafrayen. Gar yinagmayen i t-id-ibedren s wudem ubriz ad d-nebder M. Maêfufi deg yiwet n tezrawt yura deg useggas n 1992. Di tezrawt-agi yewwi fell-as awal s telqayt deg yiwen n yixef s lekmal-is. Di lewhi n unagmay-agi : « Aêiêa d ccnawi d-ttawint tidma n At Yesseεd, yettwabna ugbur-ines ùef usentel n tayri (leêmala) neù n uùucu (lkerh) … Aêiêa yettbeggin-d akken iwata iêulfan n tayri yezdin gar urgaz d temîîut-is neù gar tmeîîut d uεciq-is uffir i s ur yeεlim êedd mebùir-is »(1). (1) (M.), Mahfoufi, op. cit, p. 211-212. [218] Tabaddut-agi d usismel n uêiêa i d-yefka M. Maêfufi, ad ttnaf tuùal-d di tira n F. Ayt Ferrux, imi ula d nettat tebna asismel n uêiêa ùef ugbur n yiêulfan d wafrayen n tayri. Di lewhi-s : « Abgur n uêiêa yettwabna ùef yisental n wafrayen n tayri, aladùa wid n tayri tufviêt, deg-s i d-ttwacnayen isefra-nni imeqqranen widak-nni n lεib, ùef waya, aêiêa ttawin-t-id imeksawen deg yikusa, ttawinttt-id tidma mi ara xedmen kra n lecùal, am unejruv n uûaùur, timlilit di tala, lcùal n uxxam, di tegnatin n lferê ma yella ulac irgazen »(1). Deg umawal n J. M. Dalli yettwabder-d wawal n uêiêa s tbaddut n ccnawi n tayri neù ccna ufviê(2) $as akken imyura-agi fkan i wawal “aêiêa” tabaddut d usismel yettwabnan ùef wafrayen n tayri, maca nitni s timad-nsen ad ten-naf ur reûûant-ara tmuùliwin-nsen ùef tbaddut d usismel aêeqqani n wawal-agi. Amedya d anagmay M. Maêfufi i d-yennan: « Awal « aêiêa » ùas ma yella nefka-as tabaddut n ccnawi n tayri i d aù-d-yekkan seg unnar n unadi, maca tabddut-ines taêeqqanit ahat mazal ur tt-nufi ara, awal ad yuùal ùer yimussnawen n tutlayin i izemren ad d-segzin inumak n tidet n uêiêa d wayen i d-icudden ùer-s n yisefra »(3). Anagmay-agi ikemmel yefka-d kra n tbaddutin nniven i dyeqqnen s awal-agi n uêiêa, tibaddutin-agi sbeεdent-tt ùef yinumak-nni imenza i d as-yefka. Deg wayen i d-yenna : « Awalagi n uêiêa yella-d usemres-ines s yinumak nniven di teqbaylit, imi aêaêi neù asêaêi ssexdament medden mi ara ûvawen afrux ùef lerzaq d lùellat»(4). (1) (F.), Ait Ferroukh, op. cit, p. 295. (J. M.), Dallet, Dictionnaire kabyle-français, éd, SELLAF, Algr, 1982.p. 298. (3) (M.), Mahfoufi, op. cit, p. 211. (4) Ibid, p. 209. (2) [219] Tabaddut-agi tebder-tt-id daùen tnagmayt F. Ayt Ferrux di tira-s, ideg d-tenna : « Gar wawalen i d-yefrurin seg wawal «aêiêa», ad naf «asêaêi», i yesεan anamek n uûvaw n yifrax ùef lùellat (ad nruê ad nesêaêi afrux) s leûwat εlayen»(1). Ayen icuban tabaddut-agi ad tt-naf di tira n A. Hanutu, imi ula d netta iwala belli « awal-agi “aêiêa” yesεa anamek n ccnawi dttawin medden s ûûut εlayen … Di kra n temnavin n unéul azzayri sseqdacen-t imezdaù s unamek n leûwat-nni n usêahi i ssexdamen iûeyyaden mi ara ttûeyyiven iwetlan akked yilfan »(2). Seg wayen akka i d-nebder ùef wawal “Aêiêa” iban-aù-d amek i mgaradent tmuùliwin n yinagmayen, yal yiwen d tabaddut d usismel i d as-yefka, yal yiwen tiùbula iseg d-yugem : kra qqnen agbur-ines ùer wafrayen d iêulfan n tayri tuûûirt neù tufviêt, kra walan-t d ccnawi d-ttawin medden s ûûut εlayen di tegnatin yemgaraden, kra ssufùen inumak-ines s asêaêi i d-yettilin deg unnar n ûyada n yiwetlan d yilfan. Timuùliwin-agi merra ur bnint ara ùef lsas ussnan: Ma yella aêiêa d ccnawi i d-yettasen s ûûut εlayen, amek i yezmer ad yili ugbur-ines d tayri tuûûirt neù tufviêt, aladùa di tmetti tamensayt i yettwarzen leεwayed d wansayen, ideg ur yezmir umdan ad dyenîeq s wafrayen-is d yiêulfan-is n tayri?!. (1) (F.), Ait Ferroukh, op. cit, p. 295. (A.), Hanoteau, Poésies populaires de la Kabylie du Djurdjura, Imprimerie impériale, 1867, p.325. (2) [220] 3 - Aquli « Aquli » d awal wis tlata i d-yettwabren di kra n tira n yinagmayen, acukan drus mavi i yellan. Ibder-t-id M. Maêfufi deg udlis-ines (1992 : 213), maca mebla kra n telqayt di tezrawt. Di lewhi-s «aquli» d ûûenf nniven n tsekla taqburt, yettwabna ugburines ùef yiêulfan n tayri, ttawin-t-id yirgazen s wawal usrid neù s ccnawi, maççi am uêiêa i d-ttawint tidma. Awal-agi n uquli yettwabder-d daùen di tira F. Ayt Ferrux (1994 : 294), ùas ma ur tessuget ara awal fell-as, di cwiî-nni i dtenna tefka-as tabaddut n yisefra i d-yettawin ùef wafrayen d iêulfan yezdin gar urgaz d tmeîîut. Asismel d tbaddut i d-bedren inagmayen-agi ur yebni ara daùen ùef lsas ussnan. Imi aquli d awal i d-yekkan si tutlayt n taεrabt «El-aqwal» s teqbaylit «Innan». Sin wawalen-agi mmalen-d inumak n rzana d leεqel d lmeεqul yeççuren d tikta tilqayanin, i dteslal tirmit n umdan, ur tesεiv iten-yezdin d wafrayen n tayri. Qqaren di teqbaylit « leflani d aquli», s unamek n umdan yettfeûilen awal, i wumi qaεden yinnan. $ef waya iban-d amek i yebεed wassaù n uquli s unamek n rzana, ùef uquli s unamek n wafrayen n tayri tufviêt!? Seg wayen akk i d-nebder deg umagrad-agi yettban-d belli tibaddutin d usismel i fkant tira n yinagmayen i tlata n leûnaf-agi n tmedyazt tamensayt, ur mûavant ara, ur bnint ara ùef lsas ussnan. D izli neù d aêiêa neù d aquli yiwen ur d-tban tbaddut d usismel-ines akken iwata.$as ma llan wid i sen-yefkan inumek n ccnawi i dyettawin ùef wafrayen n tayri, maca tibaddutin d usismel aêeqqani n yal ûûenf mazal yettraou tizrawin tisdawanin ara yeùzen s telqayt, ilmend n usekfel n yinumak ussnanen iùef ireûûa lsas n yal yiwen si tlata n wawalen-agi. [221] Tiùbula : • Abrous, (D.), «Les joutes poétiques du henni : compétition d’honneur et rapt symbolique », in E.D.B N° 9, 1992, pp. 147-164. • Ait Ferroukh, (F.), Ethnopoétique berbère, le cas de la poésie orale kabyle, Thèse pour le doctorat, Soutenue à la Sorbonne, sous la direction du P. M. Arkoun, Paris, 1994. « Le chant kabyle et ses genres », in Encyclopédie berbère, N°12, éd, EDISUD, 1993, pp. 1869-71., • Basset, (H), Essai sur la littérature des Berbères, Carbonel, Alger, 1920. • Bouamara, (K.), (Si Lbachir Amellah(1861-1930), un poète-chanteur célèbre de Kabylie, éd, Talantikit, Béjaia, Algérie, 2004.. • Bounfour, (A.), Introduction à la littérature berbère, éd, Peeters, Paris – Louvain, 1999. • Chaker, (S.), «Une tradition de résistance et de lutte : la poésie berbère kabyle, un parcours poétique», in REMM N° 51, Edisud, 1989. • Dallet, (J. M.), Dictionnaire kabyle-français, éd, SELLAF, Alger, 1982. • Delheure, (J.), Ageraw n yiwalen Tumzabt t-Tefransist / Dictionnaire Mozabitefrançais, SELAF, Paris: 1984. Et Agerraw n imawalen teggargarent-tarumit / Dictionnaire ouargli-français, SELAF, Paris, 1987. • Djellaoui, (M.), Poésie kabyle d’antan, retranscription, commentaires et lecture critique de l’ouvrage de Hanoteau, éd, Zyriab, Alger, 2004. • Hanoteau, (A.), Poésies populaires de la Kabylie du Djurdjura, Imprimerie impériale, 1867. • Mahfoufi, (M.), - Le répertoire musical d’un village berbère d’Algérie (Kabylie), thèse de Doctorat, université de Paris, 1992. • Mammeri, (M.), Poèmes kabyles anciens, éd, Maspéro, Paris, 1980. • Nacib, (Y.), - Anthologie de la poésie kabyle, éd. Andalouses, Alger, 1993. • Yacine , (T.), - L'izli ou l'amour chanté en kabyle, éd, Bouchène, Awal, Alger, 1990. • Zumthor, (P.), Introduction à la poésie orale, éd, du Seuil, Paris, 1983. [222] La structure canonique du genre poétique ahellel ---------------------Mustapha AOUINE Université de Fes – Maroc 1- Introduction Traiter la question des genres poétiques dans un domaine littéraire oral, tel que celui de l’amazighe, c’est s’aventurer dans les méandres d’un immense chantier où les résultats probants sont difficiles à escompter. Plusieurs chercheurs ont essayé de cerner cette problématique à l’image d’A. Roux qui, force est de le souligner, a été le premier à s’être intéressé à la poésie du Moyen Atlas. A emboîté le pas au précurseur susmentionné J. Drouin qui a eu le mérite, et non des moindres, d’avoir entrepris de s’y frayer un petit chemin en traçant la distinction entre quatre genres, à savoir : tamdyazt, tayfffart, izli et lmayt 1. Après J. Drouin, c’est au tour de M. Peyron d’apporter sa contribution dans ce domaine en portant son intérêt plus particulièrement à izli et à tamawayt. Pour notre part, nous allons centrer notre attention surtout sur le genre poétique ahellel qui se présente comme le genre poétique majeur de la poésie orale amazighe du Moyen Atlas. 2- Essai de définition Plusieurs appellations peuvent être prises en considération pour désigner ce genre poétique. On peut trouver tayffart, tamdyazt et ahellel. Ces trois appellations renvoient toutes à la longueur du poème. Il faut dire tout d’abord que le mot tayeffart désigne à l’origine une chaîne dont les maillons sont attachés les uns aux autres pour former un tout. tayeffart est donc un long poème mais qui est caractérisé par la présence de plusieurs couplets. Dans une tayeffart, on peut trouver le sujet de l’amour, de la guerre, des vices sociaux, etc. 1 lmayt est un emprunt arabe de al maya puisé dans le répertoire d’Al Malhoun. [223] Le déclamateur des poèmes formant tamedyazt est généralement accompagné d’une autre personne qui joue d’une flûte appelée bu-yġanimn. Néanmoins, la flûte n’est pas le seul instrument utilisé, le violon peut intervenir dans ce répertoire instrumental. On trouve tamedyazt chantée dans les foires, les marchés ou les arènes. Cela montre que tamedyazt a subi des changements. Dans ce sens, M. Taifi affirme que : « Le genre tamedyazt a subi des évolutions qui ont abouti à des transformations du genre tant au niveau de la forme poétique qu’au niveau du contenu. Les poèmes chantés n’étaient plus, d’abord, accompagnés de supports musicaux, ensuite les textes sont émis non seulement par un seul chanteur mais par plusieurs qui alternent en se donnant la réplique ».2 Le troisième terme qu’il nous revient de discuter est ahellel. La racine est hl ou hll qui a le sens de la récitation, de la déclamation ou de la psalmodie. P. Paulette-Galland affirme : « L’étude de la racine renvoie à des termes arabes, de groupes musulmans ou juifs qui désignent des récitations ou des chants de louange à Dieu. Cette parenté chamito-sémitique n’implique pas une origine orale ni du mot ni de la chose, on pourrait être tenté de croire à une création due à l’Islam, mais la diversité des réalisations et des usages indiquerait plutôt une islamisation de quelque chose de plus ancien, les chants de moulin, de moisson, de pèlerinage, de confrérie.»1 Mais il faut dire qu’au début, ce genre était réservé à la religion, avant de subir des changements surtout au niveau du contenu. En abordant le même sujet, M. Taifi ajoute : « ahellel était d’abord un genre poétique religieux ». 2 De son côté, E. Laoust définissait ahellel comme suit : 1 Taifi, (M), « la transcription de la poésie orale : de la transcription orale à l’opacité scripturale ». Etudes et documents berbères 11, 2006, pp.133-147 1 Galand-pernet, (Paulette), littératures berbères. Des voix, des lettres, Paris : Puf, 1998. 2 Taifi, (M), op, cit, pp, 133-147. [224] « ahellel, chant, souvent d’impétration religieuse, dont s’accompagne un groupe d’individus appartenant à un même corps de métiers : moissonneurs, tondeurs de moutons, pèlerins se rendant en pèlerinage, tireurs, membres d’une confrérie se livrant à leurs exercices, ou par une femme seule qui moud ou endort son enfant».1 Il nous semble intéressant de signaler que ce genre ne traite pas seulement du religieux en ce sens qu’il est passé du sacré au profane. D’ailleurs, une telle caractéristique lui donne plus de force et d’expressivité. S’il est vrai que le thème de la religion est fortement présent, il n’en reste pas moins qu’ahellel a abordé aussi les préoccupations des gens, leurs souffrances et leur spleen, leurs ambitions et leurs convoitises. Nous remarquons que le poète amazighe du Moyen Atlas est capable de discuter n’importe quel sujet sans aucune difficulté. Ce genre poétique, semblable à un serpent qui se mord la queue, s’ouvre par des formules et se ferme par d’autres. C’est un cycle qui se manifeste à ce niveau. Les expressions utilisées présentent un soutien psychique pour le poète voulant entamer la discussion. Notre approche cernera les trois parties qui composent ce genre de poèmes, à savoir : le prologue, la matière du texte et enfin la morale ou l’épilogue. Tout poème ne mettant pas en évidence ces trois éléments n’est jamais apprécié par le public. Le souci majeur du poète est de satisfaire l’auditeur, un auditeur critique, attentif et perspicace. 1-2 Le prologue Le prologue, comme le souligne M. Taifi : « Est réservé à l’invocation de Dieu, du prophète et des saints patrons. Cet acte énonciatif de soumission et d’assujettissement est un préalable à toute prise de parole car, pour les poètes, l’inspiration se perd de la volonté divine.»2 1 Laoust, E., « Chant berbère contre l’occupation française. » Mémorial Henri Basset, Paris, Gurthner, 1928,pp. 9-20. 2 Taifi, (Miloud), « Poésie, don de Dieu, consigné dans de la ferraille » Actes du colloque international sur la littérature amazighe : oralité et écriture, spécificités et perspectives, IRCAM, Rabat. 2004, pp.200-215. [225] D’après le corpus que nous avons recueilli, nous constatons que le premier mot prononcé par le poète est généralement zzurx de la racine zwr qui veut dire précéder, passer devant, prendre les devants. Ce verbe se présente sous cinq formes : 27 occurrences 8 occurrences 6 occurrences 2 occurrences 1 occurrence zzurx š nezzur š aš zzurx akk nezzur zzurx wenna Ce verbe est utilisé soit au singulier, soit au pluriel, suivi ou précédé d’un complément d’objet direct. Il faut signaler que le complément d’objet direct renvoie à Dieu. Généralement, on remarque l’apparition du nom de Dieu après le verbe zwr. Il ne s’agit pas d’une répétition mais il s’agit plutôt d’une affirmation qui met en évidence l’attachement du poète à son créateur. Le poète peut utiliser d’autres termes qui renvoient au créateur et qui caractérisent sa grâce, sa pitié, sa générosité et son pouvoir extrême. En voici des exemples : Terme Traduction Poème Strophe Vers bu lefḍel Gracieux 1 A A Lžid Généreux 3 A B ism imeqqurr nom suprême 3 A B yat i lxir couvre-moi de tes richesses 4 A A bu lfeḍl possesseur de la grâce 7 A A bu lḥeq vrai juge 7 A E bu lemxazin possesseur des magasins 7 B A ur ġur s babas Il n’a pas de père 7 B H [226] ur ġurs adžarr Il n’a pas de voisin 7 B I ḍḍamn Garant 8 A A aḥnin Gracieux 10 A A Amezwaru Le premier 12 A A Mulana Notre patron 13 A A ḍḍamn Le garant 14 A A war ašriš Il n’a pas d’associé 14 A A ḍḍamn Le garant 15 A A bu rzeq Le possesseur des biens 15 B A šeg agg žžužuyn C’est toi le vrai praticien 15 B B la yubeṭṭu larzaq C’est toi qui partages les biens 16 B A wenna ur yuyir ša Personne ne t’est supérieur 18 A A Mulana Notre Patron 18 A A Sidi Seigneur 19 A A wenna islalan Il nous donne la vie 20 A A iša ax kulši Il nous a donné tout 20 A A Mulana Notre patron 21 B A Les qualificatifs sont d’une représentation assez importante. Il ne s’agit pas de faire l’inventaire de tous les mots et expressions qui renvoient à Dieu, il s’agit seulement de montrer un critère assez important qui caractérise le prologue, celui de [227] l’imploration, de l’invocation et de la supplication. Prenons la strophe1 qui peut illustrer ce propos : a) b) c) d) e) nezwur wenna da islalan i dduniyt iy ax kulši nezwur wenna ax išan allen iy ax afud ad nteddu iy ax aksum izayd ax iġṣan iyer žaž nx rruḥ iy ax udem iy imežžan ad selx i wenna ax iqqarr iy ax aqmu nna as nsawal sebḥan lžid itfeḍḍall a) Je te précède, ô Toi qui nous donnes la vie et tout ce qu’on désire. b) Je te précède, ô Toi qui as donné les yeux et les pieds pour marcher. c) Nous a couverts les os par la chair. Nous a soufflé l’âme. d) As dessiné un beau visage et des oreilles pour entendre. e) A donné la bouche pour parler. Louange à lui qui nous a tout donné. Il s’agit d’un exemple introduit par le poète où il cite les parties du corps. C’est Lui qui nous a donné les yeux, les genoux, les os, l’âme, le visage, les oreilles et la bouche. Reste à dire que le poète peut entamer son poème par des formes autres que zzurx–š. Les voici avec le pourcentage d’apparition: 1 À la question, comment distinguer les strophes et les vers dans la poésie berbère du Moyen Atlas ? On peut répondre en disant que le vers est marqué par une pause qui se repère dans les enregistrements même si nous ne sommes pas sur scène. Pour la strophe, elle se marque par la reprise des répétiteurs du dernier vers. Une fois les répétiteurs répètent le dernier vers, on est sûr que le poète va entamer une deuxième strophe et ainsi de suite. Reste à dire que la fin du poème est identifiée par la reprise de la dernière strophe. Cette reprise se fait par le poète et les répétiteurs. Sinon, on peut reprendre ensemble le dernier vers. [228] Expression Traduction Nombre Pourcentage ad ikk rzemx C’est par vous que j’ouvre 3 ad ikk bdux C’est par toi que je commence 2 18,18 % bdix ikn C’est par vous que je commence 2 18,18 % adž adˆnini Disons au nom de Dieu 2 18,18 % O patron qui n’a pas d’associé 1 9,1 % C’est toi qui prends notre âme 1 9,1 % 27,27% bismillah a ḍḍamn a war ašriš šeg ay d ineqqan 1-3 La matière du texte La matière du texte constitue par excellence la clé de voûte du poème. L’auditoire privilégie cette partie du poème, étant donné qu’elle en représente la quintessence. Le passage du prologue à la matière du texte est, généralement, indiqué au moyen de formules linguistiques diverses. Nous avons tout d’abord un verbe qui introduit cette transition1, ensuite le terme awal qui veut dire la parole et enfin la mention de l’organe nous permettant de parler, à savoir la bouche qui peut avoir deux variantes : aqmu et imi. Présentons les expressions qui assurent un tel passage. 1 Les poètes usent des verbes smuttey, xellef, sinf, εawd, beddel qui se partagent de par leur champ sémantique, des traits afférents aux notions de mouvement. [229] Expression Emplacement 3 B A 8 C A 12 E A 13 C A 14 B A 15 C A rix ad kwn weṣṣax a wenna i durrin Ô auditoire, je voudrais vous donner des recommandations. 16 F A adž i aš wažebex a aneššad akk laḥḍex ad nemlamma 17 C A xellef wad zayd a imi nw lužab šḥal aš isull ur iffiġ Ô ma bouche, change de parole, abondants sont les sujets. 18 D A adž ad nales i lexbar ad nini ma awn nnix Laissez-moi répéter l’information que j’ai déjà annoncée. a imi nw smuttey wad uždid ag ḥdadža užemmuε Ô ma bouche, change la discussion. L’auditoire attend de nouvelles informations. xellef d a imi i lleġa awal ggudin Change de parole, ô ma bouche, les paroles sont diverses. adž ad smutteyx wa ad nasey ša iḍ nin ran imferrežn 19 B A 20 B A 21 D A 22 C A 23 C A a wa a imi nw ssinf awal a inat ša n iḍ nin Ô ma bouche ! Change de paroles, entame un autre sujet. a imi nw ssinf ad neddu i lεilm Ô ma bouche, change cela, j’aimerais parler du savoir. ssinf aztta a imi amezwaru Ô ma bouche, change ce premier tissage. nšemmel wad neffeġd ur nsula Achevons cela et passons à autre chose. adž ad nesmuttey lleġa a imi rix ad d asyex way ḍ nin Change de paroles, ô ma bouche, prends une deuxième. adž ad smuttix wad ad d nεawed wis-sin Changeons celle-ci, prenons une deuxième. Ô poète, accorde-moi l’occasion de répondre et d’échanger des idées. anna iẓiln Laisse-moi changer celle-ci, l’auditoire demande le plus beau. sires wad iqnax nn ad nasey wis-sin Laissons celle-ci, une autre nous attend. [230] a imaziġen d ad awen inix Ô les Amazighes, je vous dirai xellef a aqmu wad illa ubrid iqn iyi nn Change, ô bouche, celle-ci. Le chemin est encore long. 25 C A 26 B A 27 B A 28 B A 29 B A adž ad smuttix wad a imi εedl as i lleġa nna iḍeffur lġaši Que ma bouche change de parole. L’auditoire demande une poésie. 30 B A a imi nw ad smuttix is illa lleġa yaḍ n Ô ma bouche, change celle-ci et entame une autre. ad aš xellefx awal idd is da itsula lewḥid imez ufus Changeons de parole, celui qui n’a pas d’associé pourrat-il croiser les bras ? 31 C A 32 C A adž ad smuttix wad a imi hezza d altu wis-sin ad t blasax Ô ma bouche, change cette parole, j’ai de quoi parler. adž ad nsemuttey lleġa a imi ur sulax Je suis occupé, alors change la parole, ô ma bouche. adž ad smuttex zey wa illa yun iya ax iġ n ša gg ul Change cette parole, j’en ai plusieurs qui affligent le cœur. ssinf a imi awal a ggafyat i wis-sin Change, ô ma bouche, cette parole,il existera une deuxième. a wa sires a aqmu nw wad hezza d ša iḍnin Ô ma bouche, dépose celle-ci et entame une deuxième. 33 D A 34 C A 35 C A 36 B A 37 B A adž ad smuttex zey wa rix ad nebdu wi n lmalik ami nḥtal Changeons cette parole pour prendre celle du roi qui nous intéresse. 38 B A adž ad smuttix wad a imi hezza d dix wenna iḍnin ggudin Changeons de parole, ô ma bouche, les informations sont abondantes. adž ad xellefx awal ur idd amm wa aš ttinix Change de parole, je prendrai une, autre que celle-là. rix ad smuttix wad a imi tebdud i lleġa Ô ma bouche, change cette parole. Je veux entamer un autre discours. ad nessinf azṭṭa a ad d nasey wis-sin iya ax tiqett gg ul 39 D A 40 B A 41 D A 42 B A a imi nw ssinef wad ad nasey wenna iḍn lla ax ityanay Ô ma bouche, change celle-ci et prends une deuxième qui nous attend. adž ad nesmuttey awal arra šfat d wis-sin Changeons cette parole. Prenons une deuxième. adž ad smuttix wad a imi nw rix Ô ma bouche, laissons cette parole, je désire [231] Changeons ce tissage, entamons une deuxième parole qui nous afflige le cœur. adž ad smuttix zey wad ad nasey wa ax ibrin Changeons cette parole et prenons celle qui nous chagrine. 43 B A adž ad smuttix ad nawweḍ ġer ayenna ax ibrin ul Chagerons de paroles pour dire ce qui nous afflige le cœur. ssinfat ax wa hezzat ax wis-sin Change cette parole et prends une deuxième. 44 C A 45 E A ad aš xellefx awal ḍfarex ayenna itežrun a xef aš nsawal Je changerai de parole pour te dire de nouvelles informations. a imi nw smuttey aneġmis illa maġra qqisx iεedda Ô ma bouche, change cette information, il y en a plusieurs qui nous affligent. adž ad nberrem wa yan iwaliwn i idmarr inw rray n umettar Changeons de paroles. Sont semblables dans ma poitrine au tas sur l’aire. da nsers wad isul wa i ̣nin Posons celui-ci, il y a d’autres choses à dire. ssinef a imi nw lleġa a Ô ma bouche, change ce rythme. 46 C A 47 B A 48 B A 49 B A 50 B A 51 B A 52 C A 53 B A 54 B A 55 C A adž ad smuttix lleġa nusey wis-sin ad t id bdux Changeons ce refrain, commençons un deuxième. ad smuttix awal a imi nw wenna mi illa wul ad itru imeṭṭi Ô ma bouche, je changerai la parole. Ce qui se passe afflige le cœur. a imi ssinef wad ur sulax ad naweḍ wis-sin Ô ma bouche, change de parole pour passer à une deuxième. adž ad nsmutty wa ddex adž ad bdux i wis-sin Change cette parole, commence une deuxième. sires wad asyat ax wenna yaḍ n adž ad ten smuttix is gudin Change cette parole, prends une deuxième. Il nous est loisible de dire que ce changement, permettant de passer de l’invocation de Dieu à la matière du texte, se fait dans le premier vers de la 2 ème, de la 3ème, de la 4ème, de la 5ème ou de la 6ème strophe. Maintenant, nous montrerons la strophe ou les strophes considérées comme les plus propices pour marquer un tel passage. [232] La strophe Le nombre Pourcentage 2ème = B 22 48,89 % 3ème = C 15 33,33 % 4ème = D 5 11,12 % 5ème = E 2 4,45 % 6ème = F 1 2,23 % Dans les poèmes 1, 2, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11 et 24, le poète passe, à partir de la deuxième strophe à la matière du texte. Cela permet au poète de ne pas ennuyer son auditoire. Sinon, ce passage peut s’effectuer à partir de la 3ème strophe. Il est rare que la matière du texte commence à partir des strophes 4 ou 5. Cela représente un pourcentage de 18%. Après avoir mobilisé diverses formules linguistiques pour réussir un tel passage, le poète entame la thématique du texte qui développe des questions récurrentes ou contingentes : la mort, l’amour, la fierté, le social, le politique, le menu événement, etc. En effet, cette poésie prend en charge toutes les valeurs humaines qu’elle reprend constamment pour les faire revenir comme un leitmotiv dans une dimension spatio-temporelle sans limite. Le tableau suivant peut éclaircir nos propos : [233] Thème religieux Nbre 8 social 13 poésie 13 politique 21 % 14,55 % 23,64 % 23,64 % 38,18 % Les points discutés Nbre La puissance divine. La clémence paternelle. La mort. La mauvaise foi. Les prophètes. Les vices sociaux : la corruption. Les vices sociaux : la jalousie. Les vices sociaux : perte de valeurs. Tremblement d’Al Hocima. Les droits de la femme. Les immigrés. L’analphabétisme. Les Amazighes. Le mariage. La vieillesse des poètes. La concurrence entre les poètes. La description de la vie du poète. L’immigration des poètes. 2 1 3 1 1 2 2 1 La dynastie alaouite. La mort d’Hassan II. La dynastie alaouite : le roi Mohamed VI. La dynastie alaouite : le discours royal. Le Sahara marocain. Le terrorisme. La guerre contre l’islam. Palestine. L’Irak. 1 3 1 1 1 1 2 2 3 2 2 2 4 2 2 1 2 6 D’après le tableau ci-dessus, nous constatons que la thématique traditionnelle de l’amazighe s’enrichit par d’autres thèmes face aux bouleversements que subit la société par son ouverture au monde et les exigences des temps modernes. Dans sa modernité, cette thématique ne se limite plus à l’homme amazighe, ni au Marocain en [234] général, elle se veut universelle et universaliste via le traitement de sujets internationaux tels que le terrorisme, l’occupation de l’Irak, etc. 1-4 L’épilogue Généralement, l’épilogue prend la forme d’une morale qui résume le sujet qu’on a cerné dans le développement. Il s’agit de présenter un certain nombre de règles, d’actions et de valeurs qui fonctionnent comme normes dans la société. La morale est véhiculée sous forme de rappels aux instructions divines, au droit, à l’éthique, aux bouleversements des valeurs et des habitudes, etc. La morale peut aussi épouser les allures d’une critique. L’épilogue constitue donc la charpente de chaque poème. Assurément, la morale peut être véhiculée tout au long du texte poétique ; cependant, force est de constater que le poète utilise des vers spécifiques assurant le passage de la matière du texte à l’épilogue. Il serait donc opportun de présenter quelques vers annonçant l’introduction de la morale avant de discuter les formes que peut prendre cette morale. 1-4-1 Les vers annonçant l’introduction de la morale a wi lḥasul niwweḍ s iġil n wubuy šemmell ifilan Arrivé à la fin, on n’a plus quoi tisser. neεlat iblis ad temsasam i rray nna da tḥerrim Chassons le diable, arrangez-vous pour être unis. ad i tsameḥm a mag durn imun mnid ax Ô vous qui m’entourez, je vous demande pardon. adž ad nesyir i užemmuε awal izill ad ur d nadž aḥraq Que la fin soit embellie par de belles paroles. Que personne ne se fâche de ce discours. a ayt wammas wenna d imunn mnid anx s iširran a ixatarr Ô auditoire qui nous entoure. Vous, jeunes et vieux. a ayt awal rix ad qqisx diy un ša Ô hommes de parole, je voudrais vous dire une telle chose. naḍr a ažemmuε na itsemaεen ġur i ma xef d iwix Ô auditoire, as-tu compris ce que je vise par mon discours ? a ažemmuε a ġrat ad neġer i wenna da ibṭṭun ussan d yiḍan Ô auditoire ! Invoquons celui qui a séparé le jour et la nuit. [235] ad tεalmem a midden nna iqqimen ġur i Soyez sûrs, ô mes chers amateurs, que j’ai improvisé a wenna žmeεnin han ddunit ur diy s may tsaεafem Ô attentifs, de nos jours, la vie ne vaut rien. 1-4-2 Les formes que peut prendre la morale Les poètes affirment que la morale doit être ciblée. Elle doit avoir un objectif très précis qui peut résumer tout un ensemble de doctrines et d’expériences. Elle peut se décliner à travers des conseils ou de critiques. Prenons chacune de ces formes et essayons de les illustrer par des exemples. 1-4-2-1- L’éthique L’éthique établit les critères pour agir librement dans une situation pratique et faire le choix d’un comportement dans le respect de soi-même et d’autrui. Il ne faut pas comprendre par l’éthique un ensemble de règles qu’on laisse sans exécution, mais la nécessité d’agir d’une certaine manière pour assumer la responsabilité vis-à-vis des actes vécus. La strophe suivante parle de la corruption qui reflète la violation outrageante de l’éthique. a) a ay d izzenzan ṣṣut ay d ur neḥmil b) wenna ur iṣṣerġan aswen ay d ifeḍḍan c) wenna ġur izdeġ ad irḥel iddeġ ur ḥlin d) a bu šrad imizar aš ixzu rebbi a) Je déteste ceux qui vendent leurs votes. b) Ils ne suivent que des lâches et des vilains. c) Ils doivent décamper parce qu’il est sujet de moquerie. d) Dieu t’a châtié et tu n’as plus d’asile. Un deuxième exemple ne peut qu’éclaircir nos propos : leḥlib n tassaεta d ad ixser ur iġudi ur ax ittenfaε a) teššard t a amsaġ ikžem asaray isswa t i leġšim b) uma šeg a bu tfunast tiwi t id ur aš ittusum c) iya leḥlal aġrib iεeffa t wenna ur yufi liman d) idda leḥram ikker as ušenεi illa gg wansa axatar [236] a) Le lait de nos jours ne tiendra pas pour longtemps. b) Dommage pour toi, ô acheteur, tu n’es qu’un débutant. c) Ô vendeur de vaches ! Personne ne négocie avec toi le prix. d) Ce qui est légitime n’est jamais cherché par les incroyants. e) Tandis que l’illicite est bien placé dans un endroit privilégié. L’éthique nous oblige aussi à respecter les autres, à protéger les proches et à leur rendre visite. Dans la strophe suivante, le poète essaie de nous rappeler ce que représente la fraternité pour l’individu : a) taymat nš ad iwfu lqul inyer aš is-s b) ammi tyid lḥiḍ s llesas tyim as lbuṭun c) ṣṣeḥuyat ddala ns ad teqqimim ddaw as d) mġar da ikkat unzar ula ma zey d ikka a) Que tes paroles soient bonnes envers ta grande famille. b) C’est comme si tu fondais la base d’un mur en béton armé. c) Fortifie le toit pour que vous conserviez tous. d) Même si la pluie tombe, vous ne serez plus dans l‘embarras. 1-4-2-2- Les conseils Dans son épilogue, le poète peut donner un certain nombre de conseils indispensables pour la vie tout entière. L’exemple suivant nous incite à surmonter tous les obstacles et à être solidaires et unis : a) neεlat iblis ad temsasam i rray nna da tḥerrim b) beṭṭu n taymatt ur izill agwed agwa iḥdadža imεiwann c) kku ad šfen tiġerḍin i yma as mḥadžan izill d) usar itġara uġbalu nx ad as gwdin waman a) Chassons le diable, arrangez-vous pour être unis. b) Tout projet nécessite une entraide sublime. c) Qu’on se donne la main pour franchir les obstacles. [237] d) Que notre source soit pleine d’eau. Jamais elle ne se tarira. Nous voyons clairement qu’il ne s’agit pas seulement d’un homme qui casse la parole, il s’agit aussi d’un homme plein de sagesse qui veut endiguer les conflits entre les gens : a) a ayt awal rix ad qqisx diy un ša b) rix ad ynux s umlil ax iya rebbi i uqmu c) neεlat ššitan ḥidat ax i ubrid n šwaš d) wenna ixdan inhert uneššad nna d itmun a) Ô hommes de parole, je voudrais vous dire une chose. b) Dans ma bouche, Dieu n’a soufflé que de bonnes paroles. c) Chassez Satan, laissez de côté vos conflits. d) Que le poète freine son accompagnant s’il a tort. 1-4-2-3- Les critiques Il s’agit d’attaquer l’ensemble des gens à cause des comportements et des vices que le poète voit se propager dans la société. La poésie produite par nos aèdes vit dans une certaine ébullition, elle est très émotive et attentive à tout ce qui se passe autour d’elle. Elle est le reflet d’une sensibilité, elle ne laisse passer inaperçu nul événement, nul fait si futile soit-il. Dans la strophe suivante, le poète parle de la convoitise de gens peu scrupuleux qui ne cessent de perturber la quiétude de cette vie : a) a wa aš tt iqqisn a muḥand is nn ufix εeqqa tama n lbaṭu b) idr afus i išeffarr ar as ttinin bariz ay netemlaqa c) sikkent id i lḥusima rarent i tanža lla ttiġall iyya aṣaḍ d) alliy nn yufa ġas lluġa nna as isawal εad agg inna težra as e) lla ḍemεen ad izzeε tamara tenna yeḍr tuyer tamezwarut. a) Ô Mohammed ! Tu as assisté à Akka à côté du bateau. b) Se donnant aux voleurs, lui disant qu’on se verra à Paris. c) Se croyant brave, le pauvre est passé par El Hoceima puis par Tanger. [238] d) Ecoutant l’Arabe, il est conscient d’une telle trahison. e) Tu as ajouté une deuxième misère en voulant échapper à la première. Nous avons déjà signalé supra que toute entreprise poétique commence par un couplet ou même par un ensemble de vers où est évoqué Dieu auquel on demande la bénédiction et l’aide pour que la soirée démarre bien. Dans un épilogue, nous pouvons parler du respect du Coran, d’une conduite fidèle aux recommandations de Dieu et de son prophète, comme nous allons le constater ci-desous : a) neεla mur neḍfar ġas ddin ad ten neḥḍu b) ad niẓil kku ad ney afus s afus c) tili taḍfi awd lšerh ur itġima d) kku lžil hat inn yurew yits ax yurun e) kku rruḥ n bnadem iqedda is-s rebbi a) Dommage qu’on n’ait pas bien suivi cette religion. b) Dommage qu’on n’ait pas mis la main dans la main. c) Dommage que la haine ait vaincu l’amour. d) Chaque génération donnera naissance à une autre. e) Chaque âme, de la part de Dieu, est contrôlée. [239] Conclusion Il faut signaler que les travaux inhérents au sujet des genres poétiques ne cessent de connaître un nouvel essor ces dernières années. Cela est dû tout d’abord à une nécessité extrême, imposée par un besoin urgent, de pouvoir mener des études exhaustives dans ce domaine. Par ailleurs, les productions littéraires sont abondantes et, du coup, des classifications et des regroupements sont indispensables, ce qui va donner naissance à des recherches plus avancées. Enfin, nous constatons qu’il y a une dégénérescence importante d’un patrimoine qui reflète la civilisation des amazighes. De tels travaux peuvent mettre en exergue la richesse et la diversité de la culture amazighe. Disons enfin que les études qui se sont penchées sur les genres poétiques sont rares. Elles ne couvrent pas tous les genres. Plusieurs paramètres peuvent être pris en considération, mais le parent le plus pauvre, c’est le niveau prosodique qui reste déterminatif dans la distinction des genres, sans oublier la multitude des nomenclatures adaptées à chacun d’entre eux. Reste à dire que la structure canonique du genre poétique ahellel est respectée par les poètes. Cette observance stricte des normes donne une netteté à l’identité de ce genre et, partant, le met à l’abri de toute confusion avec les autres genres. Cette conformité structurelle ou formelle est illustrée, entre autres, par la définition précise des vers de transition assurant le passage du sacré au profane. [240] Bibiographie • Bentolila, F., • Bounfour, A., 1999 : Introduction à la littérature berbère.1 La poésie, Paris-Louvain, éd. Peeters. • Bounfour, A., 2004 : « La littérature amazighe entre l’oral et l’écrit ». Actes du colloque international sur la littérature amazighe : oralité et écriture, bilan et perspective, IRCAM, Rabat. • Peyron, M., 1985 : « Une forme dynamique de la poésie orale : les izlan et timawayin du Moyen Atlas Maroc », Langue et Littérature IV. Rabat, publications de la faculté des lettres et des sciences humaines. • Peyron, M., 1993 : « isaffen ghbanin » (rivières profondes), Casablanca, éd.wallada. • Peyron, M., 2004 : « Langue poétique littéraire : Enjeux et mutations chez les poètes du Maroc Central ». Actes du colloque international sur la littérature amazighe : oralité et écriture, bilan et perspective, IRCAM, Rabat. • Peyron, M., 2005 : « le passage imaginaire de la poésie Amazighe du Moyen Atlas ». Actes du colloque sur le linguistique Amazigh : les nouveaux horizons » publications de la faculté des lettres et des sciences humaines de Tétouan. 1986: Devinettes berbères, collection du conseil international de la langue française, Paris. 1992 : « l’écriture de la langue berbère : problèmes de notations », in Revue de La faculté des lettres N° : 8, Fès. • Taifi, M., 1992 : Dictionnaire, Tamazight, Français (parler du Maroc central), Paris : Awal l’Harmattan. • Taifi, M., 1994 : « sémantique et syntaxe de la particule prédicative"d" en berbère », communication au premier colloque international de linguistique du GREL. Fès. • Taifi, M., 1996 : « la transcription de la poésie orale : de la transcription orale A l’opacité scripturale ». Etudes et documents berbères 11, Paris, La boite à documents, Edisud. • Taifi, M., 2004 : « Poésie, don de Dieu, consigné dans de la ferraille », Actes du colloque international sur la littérature amazighe : oralité et écriture, spécificités et perspectives, IRCAM, Rabat. [241] Redéfinition et caractérisation d’Ahellel, à travers une lecture de Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille, de Miloud Taifi ---------------------Imane LAHMIL Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Saïs-Fès – Maroc L’expression littéraire amazighe, ou les expressions littéraires amazighes, sont d’une grande diversité. Essentiellement orales, elles comprennent une panoplie de genres autonomes, dont la prose et la poésie. D’autres genres appartiennent à des expressions artistiques diverses comme les danses chorégraphiques traditionnelles, ou des rites, traditions ou habitudes parrallèles au mode de vie de telle ou telle région. La littérature amazighe, d’une beauté et d’une richesse extraordinaires, est toujours un terrain fertile, n’ayant pas encore été exploré à fond et qui suscite encore aujourd’hui plein d’interrogations et de défis à relever. C’est, en effet, un domaine passionnant, où plus on trouve de réponses à nos questions, plus on avance dans la désambiguisation et la compréhension d’un grand volet de notre histoire. Ce sur quoi va porter ma contribution c’est la poésie traditionnelle orale dite ahellel dont j’essaierai de revoir les grandes lignes en faisant la lecture d’un article m’ayant interpellée à plus d’un titre. Cette poésie traite de thèmes universels et philosophiques, de questions existentielles et humaines, dont la nostalgie, la paix, l’amour, la prise de conscience de l’identité amazighe, etc. A travers l’article de Miloud Taifi Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille1, je tenterai de revisiter le genre littéraire dit ahellel, voir ce qui le caractérise et tenter de le redéfinir bien que plusieurs l’ont fait avant, soit en dressant des définitions classiques du genre, ou bien en en caractérisant le fonctionnement et les mécanismes, ce qui nous permet (à nous, personnes intéressées par le domaine mais qui 1 Taifi, Miloud « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille », in La littérature amazighe, oralité et écriture, spécificités et perspectives, Rabat 2004 [242] sommes loin d’en être spécialites) de rassembler les pièces du puzzle pour aboutir à des résultats concrets. Un intellectuel comme Brahim Baouch dira en parlant du groupe Ihinajen « Tayffart ou ahellel d’Ihinajen se base sur un ensemble de tiwan (au singulier tiwent) (des refains). Le fait marquant dans la poésie d’Ihinajen, c’est qu’elle est basée sur le style du récit et du dialogue, elle traite un thème sous forme d’une histoire ou d’un dialogue » 1 . Brahim Baouch a évoqué le cas d’Ihinajen, mais le fonctionnement de l’ahellel, tel qu’il en parle, est propre à plusieurs auteurs imhelleln. Le deuxième point sur lequel Brahim Baouch rejoint Taifi est la perte de cette production ahellel « Les poètes amazighs ne se fatiguent pas de satisfaire le public sans penser au sort de leurs poèmes qui se perdent dans les méandres de la langue »2. Tel que présenté par Taifi, le prologue d’ahellel est la partie (début du poème) où Dieu et le prophète sont invoqués. Ces derniers sont les « facilitateurs » de la parole, ceux qui lui ordonnent de s’élancer, ceux qui la fluidifient et en permettent l’abondance, la qualité et la régularité. Voilà, nous avons là une définition du prologue de l’ahellel, sans avoir de définition du genre littéraire en soi puisque l’auteur ne souhaite, en aucun cas, redire ce que d’autres ont déjà dit auparavant. « Inutile de présenter ici une définition du genre littéraire dit « ahellel», plusieurs travaux en ont déjà proposé des contours définitionnels, quoi que grossiers, qui permettent de le distinguer, relativement, à la typologie locale des genre littéraires »3. En revanche, la définition du prologue de l’ahellel, celle qui figure dans l’article, s’applique à tous les poèmes que nous connaissons. Voici quelques prologues d’ahellel que le lecteur reconnaîtra peut-être, et qui remplissent tout à fait leur fonction. 1 Baouch, Brahim « La poésie comme élément de promotion des valeurs authentiques » 2 Ibid 3 Taifi, Miloud « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille », article publié dans Littérature amazighe, Oralité et perspectives, Spécificités et écriture, Rabat 2004, p. 202 [243] Prologue 1 Slla Ɛla mulay mohmmad alƐers axatar n-lislam smalun xes udayn urttamun Traduction française (approximative) Louanges au prophète Mohamed, trône suprême de l’islam Seuls les mécréants ne seront pas couverts de son ombre Prologue 2 Zzurexs a-unna dayssakkan isa ksen isa Adi-y tyidh a-rbi gganssa-nna ghur ayth liqin Traduction française (approximative) Je m’adresse à vous, vous qui donnez aux uns et enlevez aux autres (vous qui privilégiez les uns ou bien les autres). Prologue 3 Slla Ɛla mulay Mohmmad aƐrinnun ay-ayth tallwahine ayin-Ɛbadine lqoran. Louanges au prophète Mohamed, vous êtes enviés, porteurs d’ardoises qui apprenez le coran. Adis-kh rzmegh imi agzzuregh amulana AyachfiƐ arasul allah ahduth ayimi Slla Ɛla mulay mohmmad as t-kregh al-is-gganegh mes digh g-brid altnttini Traduction française (approximative) Dieu, c’est en vous invoquant que je commence mon discours. Les prières sur Mohamed ne me quittent ni dans mon réveil ni dans mon sommeil, et quand je marche dans la rue je les répète. [244] Ce qui dérange les imhelleln, c’est le fait d’assister à la consignation de leurs voix et de leurs textes dans de la ferraille. Si cela peut contribuer à la définition d’ahellel, nous dirons d’abord que celui-ci est un genre littéraire amazigh qui a en horreur la consignation et qui se veut d’être pratiqué en pleine nature. Voilà le premier constat, tout simple, que nous livre l’article. Quant à la contradiction qui y apparaît, et qui a été soulevée par Taifi, c’est que cette ferraille meprisée est le seul gage ou la seule garantie de perennité des poèmes chantés par imhelleln. La production ahellel ne risque-t-elle pas de se perdre si elle reste livrée à elle-même ? Le prologue du poème choisi par Taifi s’étend sur 5 strophes. Comme la première strophe, la cinquième n’en est pas moins invocatrice du prophète dans son rôle primordial d’intercesseur. Le prophète de l’islam est tantôt intercesseur pour fluidifier la parole, tantôt intermédiaire auprès de Dieu pour faire accéder au paradis. « le poète confirme tout d’abord sa foi en le messager de Dieu, bien qu’il ne soit jamais allé en pèlerinage en lieux saints ; il sollicite ensuite l’intercession et l’assistance du prophète pour faciliter son ultime transhumance vers l’au-delà »1 Comme nous pouvons le constater, à travers le texte choisi par Taifi et ceux qu’on a eu la générosité de me faire découvrir, le prologue de l’ahellel est une sorte de préparation ou de demande d’assistance à un pouvoir suprême, assistance sans laquelle le poète ne saurait accéder aux sens et à l’esthétique recherchés. Dans ce sens, la définition de Taifi est complète et s’applique à l’ensemble des prologues ahellel consultés sur internet ou entendus en direct lors de quelques évènements « le prologue est un prélude incantatoire à la prise de parole, car, pour les poètes, le fait de casser (rez) la langue pour en extraire la quintessence poétique dans ce qu’elle a de lyrique, de sensible, d’imagé et de beau, ne relève pas seulement du pouvoir des hommes »2 Ce qui est extraordinaire dans l’explication de Taifi, c’est qu’elle met en avant la beauté esthétique des ihellilen, en rappelant qu’elle est conditionnée par la volonté divine. Il est donc une 1 Taifi, Miloud « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille », in Littérature amazighe Oralité et perspectives, Spécificités et écriture, Rabat 2004, p. 208 2 Taifi, Miloud « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille », in Littérature amazighe, Oralité et perspectives, spécificités et écriture, Rabat 2004, p.209 [245] conscience voire une conviction de la part des imhelleln qu’il ne peut y avoir de beauté, ni de création, ni de plaisir donné par l’art, sans que la divinité n’en autorise l’élan. Ainsi, amhellel demande à cette autorité suprême son accompagnement dans tout ce qu’il entretient, et parmi ses entreprises bien évidemment figure la parole. Donc, si l’on reprend les 5 étapes du prologue étudié dans Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille, ça va correspondre à ce qui suit : Première strophe: invocation du créateur, pourvoyeur de la subsistance. Deuxième strophe: la prépondérance divine est sollicitée face au pouvoir précaire et aléatoire des hommes. Troisième strophe : necessité de la soumission à Dieu dernière strophe : invocation du prophète dans son rôle primordial d’intercesseur. Et c’est dans cette strophe que la foi prend tout son sens. Acmé du prologue, la dernière strophe de celui-ci marque une confirmation de la cassure de la parole en vue de l’entrée en matière. Donc, effectivement, la matière du texte où se fait la recherche de l’essence poétique voit apparaître ses prémisses dans la cinquième strophe. C’est une transition énonciatrice du corps de l’ahellel. Taifi explique que le passage du prologue à la matière du texte se fait, dans le genre ahellel, par le biais de moyens linguistiques divers. « dans le texte qui nous intéresse ici, le premier jouteur annonce ce passage par : a imi-nw ssurf tiwan-a ( littéralement ô ma bouche, enjambe ces noeufs) »1 Juste après, le poète fait son entrée en matière en annonçant sa tristesse à l’auditoire. Son inspiration a tari, il pense n’avoir plus rien d’intéressant à dire, il manque d’assurance en lui dans le cercle des poètes et fait montre de son angoisse, de son inquiétude d’être voué à la marge en étant mis à l’écart, banni de la communauté des poètes à 1 Ibid [246] laquelle il s’adresse en lui rappellant qu’il est impératif que la situation change sinon cela entraînera la décadence des imhelleln que l’auditoire réclame. « A imi-nw ssurf tiwan (a) Ur nannay a n lexbar ad t nteqqis (a) Teḥfa-i ula ma ttinix (a) ddan imferzen all ax Ɛeffan (a) awal uzdid ur ten ufix (a) unna nrza ibda la tyacharn (a) (…) zem3at ixf-nes urtsulad (a) a llan imferzen la tsaln gif-un (a) »1 Traduction française (approximative) O ma bouche, enjambe ces nœuds Il n’y a pas de nouvelles choses à dire j’ai beau chercher quelque chose à dire, en vain Nos auditeurs seront bientôt dégoûtés de nous, ils partiront Je ne trouve plus de parole sage, qui vaille la peine La parole que nous cherchons se fait voler (par autrui) Si tu vois que mon répertoire (répertoire de poèmes) a été vidé, c’est que l’ennemi est parmi nous O ma bouche, ressaisis-toi, apprête-toi à la reprise ! Les spectateurs te réclament. Juste après le prologue, l’entrée en matière est une annonce de détresse où l’amhellel se parle à lui-même en essayant de se redonner une énergie, de s’encourager et de s’inciter à perseverer pour renouveller le répertoire artistique et le sauver des redites. Le corps de la production ahellel, qui peut être un chant de la patrie, des paysages, de l’amour, de divers sujets sociaux, est ici, nous l’avons vu, un chant 1 Partie du poème analysé par Taifi dans son article « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille » [247] du spleen du poète et de sa réduction au silence, lui que la providence n’a pas encore doté d’une inspiration nouvelle, et dont les vieilles productions ont été volées. Dans l’ahellel choisi par Taifi, deux éléments sont à la base de l’inquiétude du poète. 1- Il n’a plus de poèmes à déclamer. 2- Son œuvre, qu’il a consenti à soumettre à l’appréciation générale des auditeurs, a été l’objet d’un vol, d’un détournement, d’un pillage, et par conséquent, le répertoire poétique du poète s’en retrouve dépourvu. Ainsi, la problématique générale de l’ahellel soumis à l’analyse par Taifi fait-elle se confronter des faits culturels et artistiques complexes et étroitement liés à la dichotomie orature/écriture puisque les ihellilen, dans la civilisation de l’orature à laquelle ils appartiennent, se fait un plaisir de briser la parole ordinaire et de la remplacer par des vers sages et rimés, déclamés en plein air, mais que l’esprit de la consignation dans de la ferraille change complètement. L’un des points importants soulevés dans l’article, est que la consignation première des poèmes, celle faite par les poètes euxmêmes par le seul biais de la mémoire, est la seule consignation acceptable par les imhelleln, autrement dit l’apprentissage des textes en vue de les sauvegarder pour des déclamations ultérieures a toujours été la seule consignation envisagée… Un chant n’est donc unique et éphémère (à un seul usage) que quand c’est voulu par les poètes. Si l’on essaie de redéfinir ce genre littéraire amazigh à travers les données de l’article, nous dirons que d’abord , 1-Ahellel est fondé sur le paramètre de la voix, puisque faisant partie de l’orature. 2-Il a, grâce à sa transmission de génération en génération, pu se maintenir, survivre, assurer sa perennité par les seules « mémorisation » et « transmission ». [248] Pour en venir au mot « ferraille », présent dans l’intitulé de l’article et expliqué comme suit « La nomenclature lexicale employée par les poètes pour désigner les moyens d’enregistrement est diverse et est généralement investie d’une nuance péjorative. On relève ainsi, à titre d’exemple, izaluqn (ustensiles), attasn (seaux), attawatn (chaudrons), igherrafn (gobelets) »1, cette ferraille que dédaignent les imhelleln, paradoxalement, fait partie de la biographie de l’ahellel et l’on pourrait l’intégrer à la caractérisation de celui-ci, car malgré la volonté des imhelleln de preserver l’authenticité de leur production, leurs chants n’ont pu échapper à la « ferraille », l’acte de piraterie croise le chemin des imhelleln et la configuration de leur voix dans la cassette la dénature et ôte à la production ahellel ce qu’elle a de plus précieux, son identité et sa liberté. Parmi les caractéristiques du genre ahellel, figure cette nature du genre fondé sur la tradition orale et la communication réelle, directe et immédiate, non altérée par une quelconque machine d’enregistrement ou de transmission. Cette communication a lieu entre les chanteurs-compositeurs et les auditeurs-spectateurs à l’instant même où les poèmes sont déclamés. L’instantaneité est donc l’une des caractéristiques premières du genre ahellel. La deuxième caractéristique est la représentation théâtrale qui expose, à travers des gestes et des mouvements, des manières particulières de se tenir, un fragment d’histoire ou une histoire complète, tout en mettant en avant la qualité de la voix. Donc, une fois la cassette introduite en tant que moyen de consignation et de transmission des textes appris et déclamés, c’est tout l’aspect naturel spontané de l’ahellel qui se retrouve altéré. Une fois altéré, c’est tout un processus de travail forcé qui commence chez les imhelleln. Taifi explique comment, après parution d’un premier album, les poètes se doivent de produire pour ne pas sombrer dans la marge et l’oubli et assurer leur survie en tant qu’artistes. La 1 Taifi, Miloud « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille », in La littérature amazighe Oralité et écriture, spécificités et perspectives, Rabat 2004, p.201 [249] déclamation des ahellel prend alors une autre forme. Elle passe d’un plaisir ressenti, recherché au fin fond de soi et puisé dans sa propre inspiration, à un travail qu’on doit préparer pour assurer sa perennité sur le marché de l’art. Les imhelleln sont dépouvrus d’une législation pour les protéger. Les droits d’auteur sont donc inexistants et les ahellel deviennent l’objet d’un commerce florissant dont les créateurs ne profitent guere. Ce sont ceux qui procèdent aux enregistrements de la production poétique qui en empochent les gains. La continuité et la survie de la poésie des imhelleln a toujours reposé sur le paramètre de la voix. C’est de cette manière que la production poétique fut transmise à la postérité et cela continue de nos jours. Cela n’est certes pas la technique la plus efficace pour la perennisation de ce legs poétique voué, un jour ou l’autre, à la disparition. Si les poètes et auditeurs ne souhaitent pas se voir voler leur production, ils ne souhaitent pas non plus qu’on la consigne par un quelconque moyen d’enregistrement qui enfermerait leur voix ayant toujours résonné en plein air. L’accent est mis, dans l’article, sur le fait que l’authenticité et la liberté des ahellel réside dans la non consignation de ces derniers dans des appareils d’enregistrement. Cette opération est désignée par le mot « écriture » car elle repose sur la captation de la voix et la dissimulation de la scène, du mouvement et de la théâtralisation. Elle étouffe ou tait carrément la « liberté énonciative initiale » qui en fait l’originalité et dont Taifi rappelle l’importance pour la simple raison qu’elle permet aux poètes de disposer de leurs productions comme bon leur semble. Le mot « écriture » utilisé par Taifi renvoyant à l’enregistrement, à la transcription et à la production orale dans des supports pour l’immortaliser, est expliqué par une inscription sur des supports matériels de la production phonatoire. Avant l’avènement du CD, c’était « lmuszzala », là où on mettait la cassette pour écouter de la musique, qui régnait. Et si la [250] cassette, elle, a dû avoir plus de mal à conquérir les artistes par rapport à un CD qui s’est imposé par une rapidité extraordinaire et que l’on retrouve partout dans les marchés, souks etc, alors que les premières consignations se faisaient dans des cassettes ! Quelle découverte pour ces imhelleln habitués à s’entendre instantanément en pleine nature ou dans une surface assez vaste ! Cassette, enregistreuse, CD à enregistrer le son ou l’entièreté de la prestation (son et image), ce sont là des ennemis des imhelleln mais qui se sont imposés par la force des choses. S’ils altèrent l’originalité et le charme des productions poétiques, ils permettent à d’autres d’en tirer profit. L’intrusion de la cassette est évoquée dans l’article comme un premier effet néfaste de la praterie puisque la consignation via cassette va à l’encontre de la nature des Ahellel et de la tradition orale perpetuée jusque là de bouche à oreille. L’incapacité de capter la performance théâtrale (aujourd’hui possible grâce au CD) tronque jusqu’à la « situation » ou la sphère de ce dernier. Le genre ahellel, dénaturalisé par les moyens d’enregistrement à en perdre son charme et sa profondeur, l’a été paradoxalement pour être maintenu, pour ne pas que s’en privent les générations futures. Mais les responsables de cette conservation, étant tombés dans le piège de l’excès à trop vouloir maintenir la tradition orale en vie, la confinent dans une « ferraille » qui lui est étrangère. Finalement, dans l’amas de définitions du genre ahellel, définitions données par les intellectuels ou simplement par les personnes intéressées par la langue et la littérature amazighes, le genre ahellel a-t-il été totalement et entièrement défini ? Et les productions ahellel que d’aucuns ont transposées sur le papier et dans de la « ferraille », ne leur a-t-on pas imposé, par effraction, un mode d’existence qui ne leur ressemble pas ? Il paraît que le genre ahellel, comme la majorité des productions amazighes, comme l’esprit même du poète sensible et tiraillé, est condamné à vivre avec ses propres contradictions. Dans sa conclusion, Taifi évoque la conscience des poètes-compositeurs de l’effet de l’écriture sur l’orature. L’état des [251] lieux de cette situation, comme l’explique le linguiste, est parfois retrouvé dans la matière de la production ahellel. Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille, explique en profondeur la situation des Imhelleln, des sujets traités par les ahellel, ainsi que les raisons et les conséquences du recours à des techniques (en vue de la consignation) intruses à l’esprit des ihellilen, ce qui affecte évidemment la liberté de la production ahellel faite pour être déclamée loin des chaines et de toute sorte d’emprisonnement. [252] De la problématique générique dans l’œuvre de Belaid At Ali ---------------------Hakima BELLAL Université Mouloud Mammeri – Tizi Ouzou L’histoire de la littérature kabyle témoigne d’une longue tradition de collecte de textes oraux entamée depuis les débuts de la conquête française de l’Algérie et menée quasi-exclusivement par des chercheurs français. L’apport des kabyles à ce travail de sauvegarde et de transcription du patrimoine littéraire intervient un peu plus tard, notamment avec les travaux de Boulifa qui publie en 1904, son « Recueil de poésies kabyles » composé essentiellement des textes du poète Si Mohand Ou Mhend. « Dès le début du siècle, la volonté d'opérer le passage à l'écrit se traduit par la publication d'importants corpus littéraires ou de textes sur la vie quotidienne par les premiers instituteurs et membres des élites formées par l'Ecole française. Boulifa peut être considéré comme le premier prosateur kabyle : sa Méthode de langue kabyle(1913) (cours de deuxième année) étude linguistique et sociologique sur la Kabylie du Djurdjura comporte plus de 350 pages imprimées de textes berbères non traduits, composés directement à l'écrit par l'auteur ».1 D.Abrous, décrit ces textes et remet en cause leur littérarité. Elle écrit à ce sujet : « ce sont, en effet, des textes à caractère ethnographique qui s’inscrivent parfaitement dans la mouvance intellectuelle de l’époque : Boulifa y décrit la vie quotidienne en Kabylie avec ses différents temps, ses différents rites(…)»2, elles les trouvent « (…) relativement courts et descriptifs et ne contiennent pas d’intrigue ni processus de narration »3. Les textes de Boulifa servaient, au même titre que les fables écrites par Ben Sedira, de supports didactiques à leurs méthodes de langue kabyle. 1 Salem Chaker, « La naissance d’une littérature écrite. Le cas berbère (Kabylie) », in : Bulletin des Etudes Africaines (Inalco) : IX (17/18), 1992, p.2. 2 Dehbia Abrous, La production romanesque kabyle : une expérience de passage à l’écrit, Mémoire de DEA, S.Chaker (dir.), Université de Provence, Novembre 1989, p 28. 3 Ibid. [253] L’œuvre de Belaid At Ali (1909-1950) est produite à une époque charnière du passage à l’écrit. Elle est caractérisée, entre autres, par l’abondance et la diversification générique des textes qui la composent. Ces écrits ont aussi la particularité de combiner dans le fond et dans la forme, une conception poétique traditionnelle et une aspiration moderne. Si certains récits de son corpus sont facilement identifiables dans le système générique traditionnel, d’autres le sont moins, soit parce qu’ils s’apparentent à des genres dits écrits (roman, nouvelle), ou se présentent sous des formes « hybrides » qu’il faudrait définir. L’objet de cette étude est la problématique du genre dans l’œuvre de Belaid At Ali. Il s’agit plus exactement de relever et de confronter les écarts entre la classification générique des textes de Belaid At Ali faite par leur auteur dans son manuscrit et celle que ses éditeurs, les Pères Dallet et Degezelle, proposent dans la version finale de cette œuvre publié par le FDB. Rédigé entre 1945 et 1946 et publié en version intégrale en 19631, le manuscrit de Belaid At Ali se présente sous forme de neuf (09) cahiers contenant un ou plusieurs textes. L’ensemble de ces cahiers constitue l’œuvre complète de l’auteur. Initialement inscrit dans un projet de collecte et de transcription de textes oraux dirigé par les Pères Dallet et Degezelle, le travail de Belaid At Ali donne naissance à une œuvre édifiante et personnelle. Comparée à celle du manuscrit, l’organisation des textes dans la version éditée a subit de multiples transformations, brouillant ainsi l’identité générique initialement attribuée par Belaid At Ali à ses récits à travers quelques marques. Nous tenterons dans ce qui suit de mettre en exergue certains de ces écarts et d’en expliquer les raisons. Organisation des textes dans la version éditée Editée à titre posthume, l’œuvre de Belaid At Ali a été soumise aux choix classificatoires de ses éditeurs. La catégorisation générique qu’il est possible de retrouver dans la version originale (Kabyle) publiée en 1963 est l’ouvrage exclusif des Pères J.M.Dallet et J.L.Degezelle. 1 La première parution de l’œuvre de Belaid At Ali dans le Fichier de Documentation Berbère remonte à 1946, la majeure partie de ses textes a été éditée en parties ou en versions complètes dans plusieurs numéros de cette revue. [254] La table des matières dans la version éditée contient _ en plus de la dernière partie consacrée exclusivement à l’œuvre poétique de Belaid At Ali_ ses textes en prose, réparties en deux catégories distinctes. La première porte le titre « Timucuha » traduit dans le tome II des Cahiers par « Contes et nouvelles ». Composée de 11 titres1, les éditeurs semblent regrouper dans cette partie tous les textes qui, de par leur contenu, reprennent des contes traditionnels notoires, ou ceux que le paratexte identifie comme tel. Ce sont les récits qui portent la mention architextuelle « Tamacahut ». Certains récits sont alignés dans cette catégorie sur la base de quelques marqueurs2 insérés dans le corps du texte. Cependant, les études qui se sont penchées sur l’analyse de l’appartenance générique de l’œuvre de Belaid At Ali ont conclut que l’ensemble des récits regroupés dans cette catégorie est loin de constituer une entité homogène. S’il est vrai que la majeure partie de ces récits est en effet des reprises ou des versions plus ou moins recomposées des contes oraux, il n’en demeure pas moins que les modifications portées par l’auteur à ces textes ont affecté leur appartenance générique. Dans une intéressante étude consacrée à l’œuvre de Belaid At Ali, Rachid Titouche3 décrit le comportement de l’auteur vis-à-vis de la tradition littéraire orale. Il distingue trois attitudes : 1-fidélité à la tradition, 2- raffinement et révision de la tradition, 3- création individuelle. Ainsi, certains textes de la première catégorie intitulée « Contes et nouvelles » s’identifient facilement au genre dit conte. C’est le cas selon lui, des récits « Aɛeqqa yessawalen » et « Tamacahut 1 Certains titres de la table des matières regroupent plusieurs textes, c’est le cas de « At Zik », « Sut taddart » et «D ayen i d-hekkun ». 2 Il s’agit de tous les indices qui renvoient de manière directe ou indirecte au genre. Les récits de Belaid At Ali sont parsemés d’expressions du genre : « win la dyettawin tamacahut-agi ur yessin ara ad tt-yedbeɛ am usaru » (Tafunast igujilen),p.118, « yerna, mačči d nekk i ugin : d tamacahut »(Tamacahut uwaγzeniw),p.15, « Teqqim teqcict… (di tmacahut ur d-qqaren ara isem-is, lameɛna ad as-nsemmi…Fadma) »(Bu Yidmimen),p.78. 3 R. Titouche, Les cahiers de Belɛid At ɛli : Du conte à la nouvelle, Mémoire de Magister, B.Riche (dir.), Université Tizi Ozou, 2001. [255] uwaγniw ». Belaid At Ali ayant reproduit fidèlement ou presque, les versions orales. La classification des autres récits de cette catégorie est plus problématique. D.Abrous écrit à propos du texte « Bu Yidmimen » : « ce conte, tel qu’il apparait dans le recueil de Belaid, perd la formule d’ouverture, mais il garde la formule de fermeture. La structure du conte avec tout son arrière-plan symbolique (…) est également conservée ; mais le processus de narration, lui, change, il est plus dépouillé, en disparaissent toutes les figures de style, images, métaphores qui font la spécificité et le merveilleux du conte. Enfin, le texte est parsemé de digressions dans lesquelles l’auteur insère des commentaires qui lui sont personnels».1 Belaid va jusqu’à bouleverser la structure de quelques récits comme « Tafunast igujilen », « Tamacahut uwaγniw » et « Aɛeqqa yessawalen », en introduisant de nouvelles séquences et en supprimant quelques unes, ainsi qu’en modifiant l’ordre et le nombre des épreuves. Certains récits se voient même attribués des prologues à la place des formules d’ouverture. L’auteur donne des noms à tous ses personnages même secondaires et introduit des références sociohistoriques et religieuses et de longs passages descriptifs.2 Sur le plan paratextuel, il est aisé de constater que sur les 11 textes figurant dans la première catégorie de la table des matières, seuls les quatre (4) premiers textes portent clairement la mention générique « Tamacahut » , ce qui justifie à notre sens leur classification par les éditeurs dans cette catégorie. Mais qu’en est-il des autres textes qui ne portent pas cette mention ? En effet, deux textes seulement s’ouvrent avec une formule traditionnelle et trois seulement se terminent par une formule de clôture, dont deux avec la phrase « mon conte (histoire) et finie ». Ainsi, en supprimant les formules d’ouverture et de clôture qui caractérisent le conte en situation d’oralité, Belaid At Ali brouille un peu l’identité générique de ses récits. En analysant le récit « Lwali n udrar », Amar Ameziane soutient que le texte qui, à priori, se donne à lire comme une légende hagiologique (ou hagiographique selon Bounfour), n’est plutôt qu’une 1 2 Dehbia Abrous, op.cit., p.30. Voir à ce sujet R.Titouche, op. cit. [256] version parodique et satirique de la légende. Le classement de ce texte dans la première catégorie est vraisemblablement justifié par le recours de l’auteur à des marqueurs textuels et paratextuels tels que : « ssebba n tmacahut » et « yewwi-y-id tamacahut… ». A l’exception, donc, de ces marques génériques intégrées dans le corps du texte, aucun autre élément ne rapproche le texte « Lwali n udrar » de la catégorie de conte. Les récits publiés sous le titre « D ayen i d hekkun », de part leur contenu humoristique sont appelés dans la configuration générique traditionnelle « Tahkayt » ou « Taqsit (n Jehha) », genre qu’en désigne dans la littérature occidentale par contes plaisants. C’est ce qui explique, donc, leur insertion dans cette catégorie (conte). La dissemblance des cultures de l’auteur et de ses éditeurs ainsi que leurs intentions se dégagent de manière explicite de la classification de certains récits. La littérature kabyle, à cette époque, était confinée dans le caractère folklorique cher aux berbérisants français, comme en témoigne les extraits suivants, tirés d’un échange épistolaire entre le Père Degezelle et Belaid At Ali à propos de la conclusion du texte « Tafunast igujilen ». Dans une lettre adressée au Père Degezelle, Belaid At Ali explique les raisons qui l’ont poussé à amputer la fin classique du récit traditionnel, il écrit à ce sujet: « je sais que vous devez connaitre « tafunast igujilen » autant que toutes les autres et vous devez voir, donc, que je l’achève ,moi, un peu avant la fin véritable, classique. (…) Mais, cependant, il me faut avouer le petit plaisir que j’ai éprouvé en inventant, et en adaptant ce dénouement à Tafunast ». En écrivain conscient de son acte d’écartement de la tradition, il précise : « (…) Je sais que vous tenez surtout au folklore( ?) Et je ne sais même pas s’il y en a ou pas dans ma ‘‘Tafunast’’ ». Degezelle lui répond : « Cette belle histoire fort bien narrée aurait gagné à l’être exactement à la façon kabyle. Mettez vous, cher conteur, dans la peau d’une vieille grand-mère kabyle racontant des histoires à ses petits-enfants. Ça sera parfait, et le folklore y gagnera en authenticité ». Le passage suivant de Paulette Galand- Pernet résume parfaitement cette situation, elle écrit : « (…) la critique occidentale de l’époque, formée par les études classiques, ne pouvait que s’émouvoir d’un archaïsme qui reléguait la littérature berbère dans un folklore à oublier, mais qui, [257] dans une contradiction inconsciente, exaltait la pureté de la tradition du Berbère »1. Curieusement, les mêmes éditeurs traduisent le titre « Timucuha » par « Contes et nouvelles », faisant par là apparaitre une autre catégorie générique qui ne figure pas dans la table des matières du premier volume, et qui ne constitue pas une catégorie à part. La différence entre les deux volumes s’arrêtent aux nivaux des titres ; aucun texte classé dans la première catégorie de la table des matières n’est explicitement désigné par la mention « nouvelle ». Est-ce parce qu’elle n’a pas d’équivalent en kabyle ? Nous ne pouvons répondre à cette question, mais il est permis de supposer que les éditeurs n’étaient pas si indifférents au remarquable travail de réécriture mené par l’auteur. La critique littéraire universitaire menée sur l’œuvre de Belaid At Ali depuis plus d’une décennie, conclut que certains récits de l’auteur s’apparentent bel et bien au genre de la « nouvelle ». C’est le cas entre autres de « Tafunast igujilen »2 et « Jeddi »3 . La deuxième catégorie qu’il est possible de retrouver dans la table des matières de la version éditée s’intitule « Amexlud » traduit par « Mélanges ». Ce qualificatif tel que présenté dans la version de 1963 prête à confusion. Il se donne à lire comme étant un genre hybride. Sont classés sous cette catégorie, tous les autres récits de Belaid At Ali qui, de l’avis des éditeurs, ne répondent pas aux critères du genre « conte ». Cependant, le terme « Amexlud » ne renvoie dans le système générique traditionnel à aucun architexte défini. L’ensemble des pièces littéraires alignées sous cette catégorie, forme un vrai mélange de récits en prose qui n’ont en commun que de décrire des scènes de la vie quotidienne, sous forme dialoguée pour certains. Dehbia Abrous aborde le caractère ambigu et équivoque de ce terme, elle écrit :« fait significatif : les deux genres classiques dans la littérature Kabyle que sont le conte et la poésie sont clairement dénommés ; ce 1 Paulette Galand pernet , « La notion de littérature. Essai d’analyse et de classification », in Asinag, n 3-4, 2010, pp.15-56. 2 S. Mohand- Saidi , Tafunast igujilen de Belaid Ait Ali : du conte à la nouvelle, Mémoire de Magister, M.Djellaoui (dir.),2011, 3 N.Sadi, « Poétique du récit « Jeddi » de Belaid At Ali » in : Les Cahiers de Belaid At-Ali. Regars sur une œuvre pionnière (A.Ameziane, dir.), Tira, 2013, pp.49-76. [258] genre que nous appelons provisoirement et approximativement ‘nouvelle’_ et qui sont des tableaux de la vie quotidienne en Kabylie_ est un genre tout à fait inconnu dans la littérature Kabyle : il porte le nom de ‘amexlud’ qui signifie au sens premier du terme : mélange (un peu confus) d’éléments divers. La difficulté d’une dénomination précise rend bien compte du caractère nouveau et intermédiaire de ce genre. »1 Ce vocable, au sens métissé est en fait une création de Belaid At Ali qui le choisit comme titre à son dernier cahier rédigé en Décembre 1946. Ce dernier contient une lettre adressée au Père Degezelle lui expliquant les motifs de l’emploi du terme « Amexlud » qu’il traduit par « mélange » ou « panachage » pour désigner les trois récits intitulés « Sut udrar », « Sut taddart » dans le manuscrit. Qu’en est-il de la classification dans le manuscrit ? Sur les neuf cahiers rédigés par Belaid At Ali et qui composent son manuscrit, trois seulement portent une marque générique sur la page de couverture. Les deux premiers cahiers sont intitulés ‘Timucuha’. Le troisième cahier qui regroupe l’œuvre poétique de l’auteur est désigné par la mention architextuelle ‘Isefra’. Les intitulés des pages de couverture des autres cahiers de Belaid At Ali sont des reproductions de (ou des) titre(s) des textes qui les constituent. C’est le cas entre autres du cahier (V) comportant le récit « Tafunast igujilen » et le cahier (VII) consacré au récit « Lwali n udrar ». Il faut signaler que la disposition des textes de Belaid At Ali dans la table des matières de la version intégrale n’a pas respecté l’ordre chronologique dans lequel l’auteur a rédigé ses textes. C’est ainsi que, à titre d’exemple, le récit « Bu yidmimen » qui vient en troisième position dans la version éditée, est en fait le premier texte rédigé par l’auteur. Il n’est pas aisé d’identifier tous les marqueurs génériques que comportent les textes de Belaid At Ali. Nous avons constaté qu’ils se situent moins sur le plan paratextuel que dans le corps des textes. Si certains titres de récits, à l’image de « Tamacahut uwaγezniw » et « Tamacahut inisi d wuccen », arborent explicitement la mention architextuelle « conte », l’identification générique des autres textes requiert une lecture et souvent une analyse approfondie de leur 1 D. Abrous, op. cit., p.29. [259] poétique. La tendance chez Belaid At Ali à la rupture avec la tradition littéraire orale et sa volonté de s’inscrire dans des genres nouveaux est telle qu’il est difficile de situer ces marqueurs génériques. Notons toutefois qu’à travers certaines pièces, il a soulevé la problématique du genre en littérature kabyle. Estimant que les résultats des analyses menées par les chercheurs universitaires (Titouche, Mohand Saidi, Ameziane, Sadi…) pour déterminer les catégories génériques des récits de Belaid At Ali sont assez concluants, nous nous contenterons de soulever deux points ayant trait à cette question. Le premier concerne les prologues qui servent d’introductions à certains récits de Belaid At Ali et qui n’existent dans aucun texte appartenant à la configuration générique traditionnelle. L’auteur avoue son hésitation quant à la classification de certains récits qu’il livre au lecteur, à travers des prologues de ce genre : « Tagi mačči d tamacahut, mačči d taqsiṭ : D ayen yeḍran : d yiwen ‘wawal’ »1. Ou encore ce long passage introductif au texte « Taneggarut » dans le manuscrit et dont les éditeurs n’ont publié que les deux premières pages amputées de cette introduction: « Mačči d tamacahut, mačči d taqsiṭ, mačči d taḥkayt, mačči n At zik, mačči d lekdeb, mačči d nekk i tt-id-ibudɛen deg uqerruy-iw, mačči …Lameɛna ad awen-d-iniγ axir d acu-tt : d targit ». Le deuxième point concerne la catégorie et plus exactement le terme « amexlud ». L’usage qu’en fait les éditeurs de Belaid At Ali est loin de refléter le sens que lui donne son créateur. Si, pour des raisons éditoriales ou par méconnaissance de la valeur et de la richesse générique de l’œuvre de l’auteur, les Pères ont fini par ranger tous ses textes qui ne rentrent pas dans le cadre de la poétique du conte sous cette catégorie, l’extrait suivant, tiré de sa lettre au Père rédigée la nuit du 24 et 25 décembre 1946 et qui ouvre son dernier cahier, enlève définitivement l’amalgame suscité par l’emploi de ce terme. Il écrit : « Sincèrement, quand j’ai donné à ce cahier le titre de ‘amexlud’, je n’avais absolument aucune idée de ce que ce mot s’appliquerait à ‘un mélange’, ou… ‘panachage’ de kabyle et français. Je comptais simplement l’emplir de ‘dialogues’ entre « sut 1 J.M. Dallet & J.L. Degezelle (édit.), Les cahiers de Belaid ou la Kabylie d’antan, t.I, FDB, Fort-National. 1963, p. 372. [260] udrar », et exclusivement en langue kabyle_ …voulut autrement ». Mais…Mais il s’en Il en ressort que le titre en question n’a rien d’un marqueur de la généricité des textes, et qu’il se réduit à un critère qu’on retrouve dans un seul texte de Belaid At Ali, il s’agit de« ttbitar »inclut sous le titre « Sut taddart » dans la version éditée. Conclusion Les études consacrées à l’œuvre de Belaid At Ali révèlent l’aspect créatif du travail de l’auteur mesuré en termes d’écartement à la tradition. Cet acte est conscient, volontaire et parfaitement assumé par Belaid At Ali. Cependant, les résultats de ces analyses restent à ce jour partiels. La majeure partie de ces recherches pose un problème de taille, celui de situer les textes de Belaid At Ali par rapport à un système générique conçue pour une littérature d’une longue tradition écrite. En bon lecteur de la littérature française qu’il était, Belaid At Ali a dû acquérir une maitrise assez parfaite de sa configuration générique. Il pouvait à ce titre, facilement distinguer un conte ou une nouvelle et désigner ses récits par des mentions architextuelles empruntées, mais il ne l’a pas fait. Etait-il conscient que cette configuration ne correspondait pas à cette nouvelle forme de littérature dont il était le pionnier ? Voici une question sur laquelle la critique littéraire devrait se pencher inéluctablement. [261] Bibliographie • Abrous D., (1989), La production romanesque kabyle : une expérience de passage à l'écrit, Mémoire de DEA, ILGEOS, Université de Provence. • Ameziane A., (2008), Tradition et renouvellement dans la littérature kabyle Thèse de doctorat de 3ème cycle Etudes africaines, (s.dir.Bounfour), INALCO, Paris. • Ben Sedira B., (1887), Cours de langues kabyle : grammaire et versions, A. Jourdan, Alger. • Boulifa M. S., (1913), Méthode de langue kabyle (cours de deuxième année), Alger, Jourdan. • Boulifa S., (1990), Recueil de poésies kabyles, Alger, AWAL [1904]. • Chaker S., (1992) «La Naissance d’une littérature écrite : le cas du Berbère (Kabylie) », in Bulletins d’Etudes Africaines N°17/18 ; Paris.pp.1-7 • Dallet J.M. & Degezelle J.L. (édit.), (1963), Les cahiers de Belaid ou la Kabylie d’antan, FDB, Fort-National. • Sadi N., « Poétique du récit « Jeddi » de Belaid At Ali » in : Les Cahiers de Belaid At-Ali. Regards sur une œuvre pionnière (A.Ameziane, dir.), Tira, 2013, pp.49-76. • Salhi M.A., (2011), Etudes de littérature kabyle, ENAG Editions, Alger. • Salhi M.A., (2004), « La nouvelle littérature kabyle et ses rapports à l’oralité traditionnelle», Actes du colloque International : la littérature amazighe : oralité et écriture, spécificités et perspectives, (éd) Aziz Kich, pp.103-121. • Mohand-Saidi S., (2011), Tafunast igujilen de Belaid Ait Ali : du conte à la nouvelle, Mémoire de Magister, M.Djellaoui (dir.), 209 p. • Titouche R., (2001), Les cahiers de Bélaid : du conte à la nouvelle, Mémoire de magister (s.dir.Riche), Univ.Tizi Ouzou. [262] Les principaux genres littéraires amazighs Comparaison interdialectale : kabyle/chaoui ---------------------Abdenacer GUEDJIBA Université Abbas Laghrour Khenchela Résumé La littérature orale est l’une des formes multiples de la culture populaire. Elleest l'ensemble de tout ce qui a été dit, généralement, de façon esthétique, conservé et transmis verbalement, à travers des générations. Elle est composée d’une multitude d’éléments qu’on nomme, communément, les genres littéraires: le conte, le proverbe, le dicton, la poésie, la chanson etc. Ce patrimoine littéraire est, foncièrement, le produit des sociétés rurales. Cette littérature est très chargée de valeurs spécifiques de la société qui la sécrète. Dans ce texte, notre problématique est bâtie sur la question des genres littéraires d’expression chaouie. Ces genres littéraires présentent-ils des spécificités qui les distinguent ou plutôt des recoupements qui les rapprochent des autres genres littéraires d’autres aires berbérophones ? Pour répondre à cette question,nous essayerons, dans un premier temps, de mettre en exergue les genres littéraires les plus saillants dans le parler chaoui. Nous établirons ensuite une comparaison inter-dialectale : kabyle/chaoui. Mots clés : Tradition orale- genres littéraires- comparaison interdialectale- portée éducative- valeurs sociales [263] Introduction La littérature amazighe est, par essence, une littérature orale. Elle est l’une des multiples formes de la culture populaire.Cette littérature estl'expression esthétique des valeurs sociales conservées et transmises, verbalement, à travers des générations. Elle privilégie le bien dire, le bonheur de l’expression. Son contenu touche la société entière dans tous ses aspects. Sa mise en forme diffère, naturellement, d’un groupe social à un autre et d’une langue à une autre. La littérature orale se définit, communément, comme second terme d’une dichotomie connue : littérature orale /littérature écrite. Dans les recherches en littérature écrite, le texte est considéré, à la fois, comme point de départ et comme point d’aboutissement.Un point de vue qui empêche de voir comme essentiels les éléments qui ne sont pas contenus dans le discours. En littérature orale, en plus du texte, sont pris aussi en ligne de compte, les circonstances de l’énonciation, c’est-à-dire,l’intonation, les mimiques, le mouvement du corps, les gestes, … Des éléments qui aident à guider la compréhension et à orienter l’interprétation de l’oralité. Traditionnellement, l’oralité caractérise toute société humaine qui n'écrit pas et qui ne recourt pas à l’écrit, pour la transmission des traditions culturelles, selon diverses modalités d’expression, ou pour inscrire réflexions, pensées et émotions de ses membres.Elle est, foncièrement, le produit dessociétés rurales où elle se développe et s’épanouit. Le milieu rural est, d’ailleurs, connu pour être le principal détenteur des cultures non scripturaires et leur ultime transmetteur et protecteur. «L’oralité, écrit M. Djellaoui caractéristique des sociétés traditionnelles, dites orales, a permis à ces sociétés de maintenir leurs organisations et de transmettre leurs cultures et leurs patrimoines littéraires à travers le temps et l’espace.»1Elle est à considérer, écrit M. Ben Abbas,«comme un mode de civilisation où les informations générationnelles, les plus pertinentes pour la survie de la communauté, n’ont besoin que de la mémoire humaine, (…) où les échanges oraux sont conçus comme élément essentiel de ce qui fonde 1 M.Djellaoui, (2014) : Introduction, in Actes du 2eme Colloque international sur La langue amazighe de la tradition orale au champ de la production écrite. Parcours et défis) Organisé les 17 et 18 avril 2013. p. 7 [264] la cohésion communautaire» 1 ;où chaque membre participe, activement, àla pérennité des traditions culturelles et à leur préservation et contribue intensément,par-là même, à la sauvegarde de l’unité du groupe et de sa cohésion sociale. Ce patrimoine culturel relève de contextes divers qu’on nomme, communément, les genres littéraires: le conte, le proverbe, le dicton, la poésie, le chant, les devinettes, etc. Il engrange dans ces genres l’expérience commune accumulée au fil des siècles et constitue ainsi le principal moyen de restitution de la mémoire collective. «La parole mémorisée, souligneG. Grandguillaume, tient lieu d’écrit et elle est l’objet d’une transmission comme un dépôt.» 2Cette littérature est, à lafois, transmetteuse de l'histoire du groupe, et porteuse de ses représentations symboliques et sa vision du monde en référence à un fonds culturel commun. Chaque genre est, chargé de valeurs spécifiques riches en informations sur les mentalités, les modes de vie, les mythes et les croyances de la société qui la sécrète. La littérature orale a aussi une portée didactique et une valeur éducative.«Elle comporte toujours, souligne M. Ben Abbas, une valeur,un enseignement ou une leçon de morale à tirer, unevaleur à inculquer à l’enfant comme à l’adulte.» 3 Une part importante de l'éducation, notamment, la transmission des valeurs et des savoirs s'effectue à travers la parole. Fortement imprégnée de valeurs spécifiques de la société, cette littérature sert, souvent, de base à cet enseignement. C’est un peu le cas des devinettes, des contes, des récits mythologiques… Les scènes ont lieu, généralement, dans le monde rural, pendant les veillées nocturnes autour d’un feu, en saison hivernale ; ou à la belle étoile ou au clair de lune, en saison estivale. Les enfants et les adultes se retrouvent tous les soirs autour du locuteur/conteur,non seulement, pour partager des moments de bonheur et de distraction, mais aussi, sinon surtout, pour acquérir des valeurs et des savoirs. 1 M. Ben Abbas, (2014) : « Oralité et tradition », in Actes du 2eme Colloque international sur La langue amazighe de la tradition orale au champ de la production écrite. Parcours et défis) Organisé les 17 et 18 avril 2013. p. 34 2 G. Granguillaume, (2010) : «Langue arabe et langue berbère : quelle complémentarité ?» Iles d Imesli n° 2, Revue du LAELA, UMMTO. p. 125 3 M. Ben Abbas, Op cité, p. 46 [265] Bien qu’il tende, aujourd’hui, à une disparition de plus en plus précipitée, à cause, d’une part, de l’extinction des générations qui le détiennent et d’autre part, en raison des mutations rapides des sociétés traditionnelles; ce patrimoine culturel connaît, tout de même, depuis quelques années, un engouement,de plus en plus, grandissant à l’échelle planétaire en milieu de la recherche scientifique comme objet d’étude et de connaissance. Beaucoup de chercheurs, issus d’horizons divers, font de ce patrimoine littéraire un champ documentaire inépuisable.Ce colloque sur la littérature berbère, qui selon Camille Lacoste-Dujardin«mérite de figurer au premier rang des littératures orales du monde entier»en est un exemple très édifiant. Méthodologie Dans ce texte, nous nous intéressons à la littérature orale d’expression chaouie. La société auressienne, à l’instar des autres groupes berbérophones, possède unpatrimoine littérature qui regorge d’une immense richesse. Une richesse qui va de pair avec les mutations historiques, sociales et économiques de la société en question. Notre problématique est bâtie sur la question des genres littéraires d’expression chaouie. Ces genres littéraires présentent-ils des spécificités qui les distinguent ou plutôt des recoupements qui les rapprochent des autres genres littéraires d’autres aires berbérophones ? Pour répondre à cette question,nous essayons, dans un premier temps, de mettre en exergue les genres littéraires les plus saillants dans le parler chaoui. Nous établissons ensuite une comparaison interdialectale : kabyle/chaoui. L’idée qui nous a été, en réalité, suggérée par notre ami Pr. Djellaoui, que nous nous tenons, d’ailleurs, à remercier vivement pour cette suggestion. Dans cette contribution, dans laquelle nous rendons compte de notre modeste expérience de l’enseignement de la littérature orale à des étudiants de 3èmeannée de licence au département de français ;nous nous penchons, particulièrement, sur trois genres littéraires à savoir la poésie/le chant et le conte. Pourquoi la comparaison avec le kabyle ? D’abord, parce que c’est le parler le plus proche, géographiquement, du pays chaoui. [266] Ensuite parce que c’est le parler que nous maitrisons, relativement, le mieux, comparativement, aux autres parlers berbères. Le choix du chant, de la poésie et du conte s’explique, d’abord, par le fait qu’ils représentent les genres qui ont donné lieu à la production la plus abondanteen matière de littérature orale dans ces deux aires berbérophones. Ensuite, parce que dans la documentation existante sur la littérature auressienne, ces trois genres se taillent une place importante. En l’absence d’une collecte exhaustive de cette littérature, nous avons travaillé sur un corpus que nous avons puisé dans des ouvrages et des articles connus. Les textes relèvent desépoques différentes : de l’avant-guerre, de la guerre et de l’après-guerre. Résultats de l’analyse Au terme de cette étude comparative interdialectale sur les genres littéraires chaoui/kabyle, nous avons dégagé un certain nombre de remarques. Nous n’avons rapporté ici que les principales : La première remarquese rapporte à la masse documentaire sur la littérature orale dans les deux aires berbérophones en l’occurrence l’Aurès et la Kabylie. Même si l’intérêt pour la littérature berbère, dans ses variétés régionales et dans ses différents genres,remonte, en général, à l’époque coloniale (E. Masqueray, R.Basset, J. Servier,) ;« toutes les régions et toutes les variétés dialectales ne jouissent pas de masses documentaires équivalentes au niveau quantitatif et qualitatif»1écriventBounfour& Meziane. En effet, il nous a été donné de constater, au cours de la réalisation de notre cours,que le pays chaoui est l’un des parents pauvres de la documentation publiée, comparativement à d’autres aires berbérophones, démographiquement, importantes. Il en résulte ainsi que la littérature orale de l’Aurès est presque inconnue du monde berbère et que nos connaissances sont encore rudimentaires et très lacunaires en la matière. La remarque est faite, principalement, dans l’intention de sensibiliser nos étudiants à procéder, urgemment, à des 1 A. BOUNFOUR & A. MEZIANE, (2010) : Anthologie de poésie berbère traditionnelle(Tachelhit, taqbaylit, tarifit, tamazight), Paris, l’Harmattan. [267] collectes de ce patrimoine littéraire afin de le protéger contre la menace de disparition. La documentation qui date de l’époque coloniale peut être comptée sur les doigts d’une seule main. R. Basset a publié en 1896 dans le Journal Asiatique un article intitulé « Notes sur le Chaouia de la province de Constantine » dans lequel il nous livre des contes dans le parler des Hrakta. G. Mercier a publié la même année son livre(Le Chaouïa de l’Aurès) dans lequel, l’auteur nous rapporte une collecte importante de contes chaouis de la région de T’kout. Le même auteur fait sortir un autre livre(Cinq textes berbères en dialecte chaouia) début1900. Ces trois études sont suivies, quelques années plus tard, par la thèse de M. Gaudry sur la femme chaouia, 1929) dans laquelle ellenous rapporte des extraits de chants de femmes. Et enfin la thèse de J. Servier sur les chants de femmes de l’Aurès publiée dans les années 50. Après l’indépendance, les natifs de la région ont à leur tour écrit sur leur littérature. Nous citons en premier les travaux d’universitaires : L.Dahou a préparé, à la fin des années 70, un mémoire de DEA sur la littérature berbère de l’Aurès. A notre connaissance, il est le premier, sauf erreur, à avoir colligé un corpus important de chants et de poèmes de la guerre de libération. On lui reproche d’avoir publié ces textes en langue arabe sans avoir livré leur version originale. N. Hamouda est une chercheureauressienne décédée très jeune. Sociologue de formation, elle s’est intéressée principalement à la situation de la femme dans la société chaouie. Dans un article publié en 1983 dansFemmes de la Méditerranée, peuples Méditerranéens, l’auteure met l’accent sur la production poétique féminine. A. Djarellah, lui s’est intéressé particulièrement au conte. Il a publié un conte chaoui « Hendutevyult » dans Awal en 1985. Puis deux textes dans Etudes et documents berbères. Un conte dans le parler n At Abdi en 1988. Le second est publié dans le parler des Harkta en 1993. M. Azoui un chercheur universitaire a publié, il y a quelques années, au Caire, sa thèse de doctorat sur Le conte populaire algérien dans la région des Aurès, (2006). [268] Amina Boudjellal -Meghari, a soutenu en 2008 une thèse de doctorat en deux tomes à l’université Aix-Marseille sur l’analyse et la structure du conte chaoui. Les efforts des amateurs ont, eux aussi, marqué leur présence dans ces publications. Nous faisons, ici, allusion, principalement, aux travaux de M.S. Ounissi, et de T Fakihani. La deuxième remarque concernele chant et la poésie traditionnels dans les deux aires berbérophones. Ces deux genres sontauthentiquement oraux. Ils épousent tous les évènements de leur temps et recouvrent toutes les préoccupations sociales qui leur sont contemporaines. Ne dit-on pas, d’ailleurs, que le chant et la poésie sont le reflet et le miroir de leurs époques ? D’ailleurs, en chaoui, les frontières entre ces deux genres sont souvent difficiles à établir. Le chant, tout comme d’ailleurs, la poésie sont liés à la parole agréable,généralement, rythmée et toujours fluide Ils recherchent constamment des affinités sonores du langage. Ces caractéristiques ont la particularité de faciliter la mémorisation de ce patrimoine littéraire et de contribuer largement à sa conservation au fil des temps, dans une société à tradition non scripturaire. Un processus rendu possible grâce aux personnes âgées et aux illettrés, notamment, en milieu de la gente féminine. « Pratiquement toutes les femmes de l’Aurès, écrit N. Hamouda à ce propos, sont concernées par la production et la transmission de la poésie et, ce faisant, elles participent pour une grande part à maintenir et à perpétuer l’homogénéité du corps social et de la culture. Elles portent la responsabilité du patrimoine culturel, elles l’enrichissent, le font circuler et vivre.»1 Ils représentent le moyen le plus efficace pour diffuser l’expression du vécu populaire et le support favori de la morale du groupe. C’est également à travers ces deux genres que les discours interdits et les pratiques non tolérées trouvent l’occasion d’être verbalisées et poétisées. 1 Cité par S. Lounissi, (2014) : « L’Aurès, un trésor de l’oralité qui nécessite une transmission par la voie d’écrit» in Actes du 2ème colloque international sur La langue amazighe de la tradition orale au champ de la production écrite. Parcours et défis) Organisé les 17 et 18 avril 2013. p. 296 [269] Néanmoins la société auressienne semble se démarquer quelque peu de la société kabyle, notamment, en ce qui concerne la production dans ces deux genres. Dans l’Aurès, la production poétique tout comme la production de la poésie est anonyme. Nous n’avons pas de poètes connusà l’image de Si Muhend U Mhend, Si Muhend U Lhusine, Yusef U qasi ... Dans le pays chaoui, le chant est plus riche que la production poétique parce qu’il est d’un usage très fréquent dans la vie courante. La poésie, quant à elle, tombe, très vite, en désuétude, en raison, justement, de son faible usage dans le quotidien des gens. En effet, dans la société traditionnellechaouie, tout comme en kabylie d’ailleurs, le chant meuble les grands moments de la vie du monde traditionnel et accompagne tous les actes de la vie quotidienne des individus et du groupe. Il est porteur d'émotion. Le chant sert aussi à rythmer un travail, à parler d'un métier, d'une spécificité communautaire, à endormir les enfants, à faire danser.Il assistedonc le geste de la femme devant son métier à tisser, devant son moulin de pierre. Il l’accompagne dans le balancement du berceau de son enfant et dans le travail de l’argile. Le chant soutient l’homme dans son travail dans les champs et dans les jardins, allège sa solitude dans sa vie pastorale, dans ses voyages et soulage ses souffrances. Il rythme aussi les cérémonies et les rituels du groupe et des individus, exprime leurs réjouissances et leur bonheur, leurs souffrances et leurs malheurs. La troisième remarque dans notre étude comparative interdialectaleest relative auxthèmes abordés dans le chant et la poésie de l’Aurès et de Kabylie. Des thèmes qu’ils puisent dans un fonds commun d’images et de formules et qui recouvrent une diversité impressionnante. Le découpage de cette littérature en thèmes est quelque peu artificiel. Car souvent ils s'interpénètrent et s'associent pour servir le sens véhiculé par le texte. Les deux aires berbérophones affichent à ce niveau beaucoup de convergences et de recoupements. Mais faute de temps et d’espace, nous nous contentons, dans ce bref exposé, de n’approcher que troisdomaines à savoir: la religion, la résistance et la revendication identitaire. Notons toutefois qu’il existe bien d’autres, plus ou moins importants, qui méritent aussi examen et réflexion. [270] - Le domaine de la religion :en milieu chaoui, tout comme en milieu kabyle, la religion occupe une place importante dans la vie sociale traditionnelle. Les fêtes religieuses sont nombreuses. Certaines d’entre elles relèvent du calendrier hégirien que les chaouis et les kabylesobservent largement : L3id amezyan l3id ameqran, 3chura, Lmulud n nnbi. Leur célébration, chez les chaouis, est enrichie et entachée de pratiques et de cérémoniales préislamiques notamment le Achoura et le Mawlid. D’autres suivent le calendrier julien et sont déterminées par les grandes étapes du cycle annuel de la végétation et des variations météorologiques. Elles consistent en les pèlerinages et le culte des mzara, endroits sanctifiés par le passage ou l’enterrement d’un wali. Toutes ces fêtes et toutes ces festivités sont célébrées avec beaucoup de ferveur et d’enthousiasme à différents moments de l’année et donnent lieu à des périodes de répits et de réjouissances à toute la société. Ces fêtes sont, naturellement, accompagnées de chants religieux de circonstance. Si l’on se réfère aux corpus recueillis dans les deux aires berbérophones, en matière du chant religieux, la remarque pertinente que l’on peut retenir est que dans le pays chaoui, contrairement, à la Kabylie, le corpus est quasiment exprimé en langue arabe. Un phénomène qui à notre avis s’explique, par deux facteurs qui ne s’excluent pas mutuellement : l’influence de la langue de la religion sur la langue du culte et par voie de conséquence sur la production poétique religieuse. Le processus de l’arabisation, plus ou moins significatif, de l’aire chaouiophone comparativement à l’aire kabylophone, représente le second facteur. - Le domaine de la résistance : Qu’appelle-t-on poésie et chant de résistance ? Par poésie et chant de résistance, on entend ici la production littéraire qui exprime le mécontentement et la colère de toute une société ayant longuement vécu sous le joug colonial et beaucoup souffert des mesures répressives et d’injustice du colonisateur.« C’est donc une poésie historique écrit M. Benbrahim, non pas parce qu’elle a été faite dans le but de servir de source [271] d’histoire mais parce qu’elle prend son origine dans une historicité certaine, elle est née d’évènements historiques vécus.»1 La résistance est menée par toute la société et à tous les niveaux contre l’occupant tout au long de la présence coloniale. Dans l’Aurès la résistance a commencé dès le début de la colonisation sous l’égide d’Ahmed Bey qui s’est réfugié dans la région après la chute de Constantine, pour s’étendre à l’insurrection de 1859 de Sidi Sadek Ul Hadj à Tibermacine, à celle de 1879 d’Ujarella à El Hamam n’Ah Lahlouh, au soulèvement populaire contre la conscription de 1916,au large mouvement de banditisme qui s’en est suivi jusqu’au déclenchement de la guerre de 1954. Tous ces soulèvements populaires étaient autant des évènements glorifiés par les poètes et les chanteurs de ces différentes époques. Cette littérature exprime le rejet du colonisateur et le malaise que cause ce dernier à la société autochtone. Voici à titre d’exemple ce que dit une femme des At Soltane de la région de Belzma, à qui les autorités coloniales ont enlevé son unique fils insoumis à la conscription. Des vers qui exprimentle désarroi et la douleur de cette mère. Xir a sseltan xir a yalus Zenz agel amenhus Ternid l3uda n uqerbus Serg-ed memmi anehbus Yeww-it urumi amenjus Ggin-as tisegal deg fus Yekref ùer uyis d aberkan S ineglaf d ame3sus Azzel azzel a yalus Awi-d lfuci n umesmar Ul inu yeccur d ddemmar 1 M.Benbrahin, (1982) : « La poésie orale kabyle de résistance » Littérature orale, Actes de la table ronde, Alger OPU. p. 34 [272] Azzel azzel a sseltan Awi-d lfuci n uqertas Ddemmar hat yenùay Segur umi idin aferdas. Cette littérature a glorifié aussi les bandits d’honneur pendant leur activisme et après leur mort. Comme cela fut le cas d’Ahmed Umerri et de Arezki Ul Bachir en Kabylie,de Lmes3ud Ugzelmad et de ses compagnons dans l’Aurès. Voilà ce qu’on dit à propos du fameux Benzelmat : Lmes3ud d aqeyyas D lqedd uqertas D mi3ziz n yemma-s La glorification de SalahUbumesrane un compagnon de Benzelmat. Gaga d lfesyan Dahad aqebtan Sidi Ali iherrez s lburhan Yus-ed lexber s Saleh Yexla Mrici deg-umecwar Quant à la glorification des martyrs et des moudjahidines de la guerre de 1954, la mémoire collective, aussi bien en Kabylie que dans l’Aurès, regorge de chants et de poèmes qui rendent hommages à ces braves hommes. - Le domaine de la revendication identitaire : La revendication identitaire est la devise chère des jeunes poètes et chanteurs des trois dernières décennies du siècle passé. Si en Kabylie, ce domaine a fait son apparition dans le chant et la poésie dès les années 30, ce qui coïncide un peu avec la montée de la prise de conscience berbère en milieu des intellectuels kabyles, sa représentation dans la production littéraire chaouie ne remonte qu’aux années 70. Ce thème consiste, dans les deux aires berbérophones, en la revendication identitaire à travers la revendication culturelle et [273] linguistique. Il abonde dans la production littéraire de ce qu’on appelle, communément, dans le mouvement berbère, « les poètes et les chanteurs engagés » à l’image de L. Maatoub, de L. Ait Menguellat pour ne citer que ces deux monuments de la chanson kabyle. Dihia, Nedjahi, Mihoub, Ajroud, Sahbi… pour le cas de l’Aurès. A leurs yeux, l’indépendance de l’Algérie ne saurait être complète sans la dimension amazighe. Dans leur production littéraire, ils dénoncent l’injustice et l’oppression qui pèsent sur la langue et la culture amazighes. Une dénonciation véhiculée notamment par la chanson et la poésie moderne.Nous citons, à titre d’exemple, la diva de la chanson chaouie :Dihya Kkr-ed a yelli Ad nawi tilelli Idammen uzzlen deg ucal Idurar di-m trajan Et SahebChafei qui dit Melmi ad yali wass F ugujil, tiwdi d usallas Lem3ac d amessas Ou encore Mihoub qui chante Kker a y argaz Bedd rfed a3ukkaz Tutlakt nneù di wùerbaz [274] Le conte Le choix du conte s’explique, d’abord, par son caractère universel. «Aujourd’hui, écrit Hddadou, il n’y a pas de culture, il n’y a pas de langue qui ne possède pas ses contes.»1Ce choix s’explique aussi par la prépondérance du rôle de ce récit merveilleux dans la vie des sociétés rurales auressiennes. Un rôle que le même auteur résume sur la même page en ces termes : «Loin d’être un divertissement pour enfant, le conte a été longtemps un véhicule de croyances et de mythes, un moyen d’enseignement de règles et de lois, ou encore le canal par lequel un peuple consigne les évènements les plus marquants de son histoire.»2 Au terme de l’analyse de notre corpus sur les contes dans les deux aires berbérophones, nous avons réalisé que cette littérature narrative est anonyme. Elle transmet oralement des récits merveilleux. Des récits certes variables dans leur forme; mais dans leurs fonds, ils présentent beaucoup de convergences. Nous faisons allusion, ici, aux contes « Tafunatigoujilen » en kabyle, connu dans le massif de l’Aurès sous le titre « Dbira d 3li Izerzer »ou encore «Louandja » dans les deux aires berbérophones. Le conte commence et se termine, aussi bien dans l’Aurès qu’en Kabylie, par des formules consacrées. Nous avons subdivisé les contes recueillis en deux catégories. Une catégorie destinée aux enfants et une autre destinéeaussi bien aux enfants qu’aux adultes. Au niveau de la première, une édification morale est assignée au message du conteur qui prend le soin de baliser les bonnes conduites aux jeunes afin de contribuer à leur plein épanouissement. Ces contes ont pour fonction de préparer les enfants, sur le planpsychologique, à la vie adulte, à faire d’eux des hommes et des femmes mûrs en les amenant à distinguer entre le mal et le bien et à accepter la douleur et la souffranceau sein du monde social. Les textes de la seconde catégorie sont construits autour d'un conflit ou d'un méfait assorti d'un dénouement. Ils s'inscrivent dans la veine de la morale sociale en vigueur au sein de la société et se terminent,souvent, par une sanction infligée à toute infraction à la norme admise par la communauté. 1 2 M. A. Haddadou, (2009) : Introduction à la littérature berbère, Alger HCA. p. 111 Ibid p. 111 [275] Conclusion Ce que l'on peut affirmer, au terme de cette contribution, en se référant aux études et aux recueils publiés, c’est qu’il existe un système littéraire commun, ou au moins similaire, dans l’aire chaouiophone et l’aire kabylophone. Seulement dans l’Aurès, contrairement à la Kabylie, ce patrimoine culturel n’a pas réussi à susciter l’intérêt des chercheurs. Le travail sur le chant et la poésie orale d’expression chaouie nécessite une collecte exhaustive de ce patrimoine littéraire menacé « de disparaître à une vitesse qui dépasse celles des recherches.» 1 Une disparition à laquelle concourent, à notre avis, au moins, troisfacteurs: - La disparition de ce qu’on appelle communément les « bibliothèques vivantes», c’est-à-dire les générations qui détiennent dans leurs mémoires ce patrimoine culturel. - L’exode rural massif et l’impact de l’urbanisation sur les zones rurales contribuent, largement, à l’effritement du milieu traditionnel, principal producteur et détenteur de la littérature orale. - Le désintérêt quasi-total des jeunes générations à l’égard de cette production littéraire. Un désintérêt, que certains, parmi nos enquêtés, expliquent par le fait que cette littérature se caractérise par des maladresses et des gaucheries qui ne lui permettent pas de s’élever au rang de véritables œuvres poétiques, à proprement parler, eu égard « aux normes académiques » et du coup elle ne suscite pas leur intérêt et n’éveille pas leur curiosité. Une vision qui résulte, en réalité, de leur attitude négative envers la langue et la culture du terroir qu’ils abandonnent au profit d’autres langues et d’autrescultures qu’ils jugent plus prestigieuses. Pour sauver ce patrimoine culturel de la disparition et contribuer à sa conservation, il est nécessaire de changer, d’abord, ces attitudes négatives qui ne reposent sur aucun fondement scientifique, avant de procéder à des collectes d’envergure auprès des sujets qui le détiennent encore dans leurs mémoires. Aux universitaires, 1 A. BOUDJELLAL MEGHARI, (2008) :Analyse de la structure et des procédés de narration et de contage : approche comparative des contes de Perrault et des contes chaouis. Thèse de doctorat FridrunRinner, Université Aix-Marseille, p. 7 [276] notamment, des départements de langues et culture amazighes, incombent la responsabilité d’en faire des sujets de recherche de leurs travaux ou de ceux de leurs étudiants.La protection de cette littérature signifie, conséquemment, la protection de la langue et de la culture. Car la langue vit aussi dans la littérature orale. Sans cela, paraît-il, aucune prise en charge de ce patrimoine littéraire ne saurait être efficace et fructueusedans l’Aurès. Bibliographie • Ben Abbas, M. (2014) : « Oralité et tradition », in Actes du 2ème colloque international sur La langue amazighe de la tradition orale au champ de la production écrite. Parcours et défis) Organisé les 17 et 18 avril 2013. p. 33-50 • Benbrahin, M. (1982) : « La poésie orale kabyle de résistance » Littérature orale, Actes de la table ronde, Alger OPU. p. 34-37 • Boudjellal-Meghari, A. (2008) : Analyse de la structure et des procédés de narration et de contage : approche comparative des contes de Perrault et des contes chaouis. Thèse de doctorat, Université AixMarseille. • Bounfour A. &Ameziane, A. (2010) : Anthologie de poésie berbère traditionnelle (Tachelhit, taqbaylit, tarifit, tamazight), Paris, l’Harmattan – Inalco. • Djellaoui, M. (2014) : Introduction, in Actes du 2ème colloque international sur La langue amazighe de la tradition orale au champ de la production écrite. Parcours et défis) Organisé les 17 et 18 avril 2013. p. 7- 8 • Granguillaume, G. (2010) : «Langue arabe et langue berbère : quelle complémentarité ?» Iles d Imesli n° 2, Revue du LAELA, UMMTO. • Haddadou, M. A. (2009) : Introduction à la littérature berbère, Alger HCA. • HammoudaN. (1983) : «Les femmes rurales de l’Aurès et la production poétique», in, Femmes de la Méditerranée, peuples Méditerranéens, n°22-23 Janv-Juin 1983, p.267- 279. • Lacoste-Dujardin, C. (2003) :Le conte kabyle, Paris, La Découverte, 2003 (3eme ed.) • Lounissi, S. (2014) : «L’Aurès, un trésor de l’oralité qui nécessite une transmission par la voie d’écrit »», in Actes du 2ème colloque international sur La langue amazighe de la tradition orale au champ de la production écrite. Parcours et défis) Organisé les 17 et 18 avril 2013. p. 295-310 [277] Fusion des genres littéraires dans la poésie rifaine : cas d’Imeţţawen n tamja d’Abdellah El Manchouri* ---------------------Omar El YAHYAOUI Université Mohamed 1er, Oujda - Maroc Introduction : Peut-on raisonner en matière de production littéraire, orale ou écrite, en termes de genres littéraires autarciques et typiquement homogènes ? Le syncrétisme des genres littéraires ne permet t-il pas de définir une certaine fécondité artistique des littératures du monde ? Le droit à la mémoire et à la liberté d’expression exige-t-il d’obéir à la loi des frontières entre les genres littéraires ? Telles sont quelques interrogations en fonction desquelles nous essayerons de mener une réflexion sur le flux de l’écriture et l’extension rhétorique qui caractérisent la poésie rifaine d’Abdellah El Manchouri en général, et en particulier, son recueil de poèmes libres : Imeţţawen n tamja ou Les pleurs du fifre pour la traduction française1. La poésie amazighe est un espace littéraire riche en matière de méditations poétiques et de représentation de cultures traditionnelles orales. Elle est perçue dans son aptitude à cultiver une pluralité interprétative, un foisonnement herméneutique qui inhibent l’univocité et l’autarcie littéraires. A la fois polyvalente et informelle, cette poésie offre un champ propice à l’étude de sa structure génétique et de son dispositif rhétorico-stylistique. Le poète amazigh se veut ainsi un trésor de patrimoine socioculturel intarissable. Dans sa diction s’entrecroisent incessamment une prose truculente et une liberté d’expression artistique amazighe, celles qui confèrent au dispositif textuel produit un statut de « Muse » réfractaire à tout genre poétique qui se veut constamment mesurable et classable. Le poète use, en ce sens, non seulement du pouvoir rhétorique de sa langue pour *Présenté par Omar EL YAHYAOUI, Université Mohamed Premier, Faculté pluridisciplinaire de Nador, département de Langue et Littérature Françaises. 1 - Le recueil d’Abdellah El Manchouri est composé de 40 poèmes à formes libres. Il est écrit en langue amazighe (le tarifit), en adoptant la graphie latine. Le recueil est aussi traduit en français par Mohamed SERHOUAL en 2006 (Tanger, éditions « Slaiki Frères »). [278] transfigurer la réalité, mais puise aussi dans d’autres genres littéraires et s’inspire, évidemment, d’autres visions du monde pour assurer à sa diction le cachet d’ " un tout culturel plus vaste". Cette richesse de création artistique est un trait esthétique fondamental dans les poèmes d’El Manchouri. A lire Imeţţawen n tamja du poète, on s’aperçoit que la structure rhétorico-stylistique du recueil dépasse de loin "le joug des règles de versification" (strophes, césures, coupe, syllabes accentuées du rythme linguistique…) et expérimente un mode de création en rupture avec l’héritage du "vers figé". Chaque poème du recueil se veut, dans sa composition rhétorique amazighe originale (le tarifit), un lieu de rencontre entre les genres littéraires, une espèce d’ouvroir potentiel de littératures dialogiques, celles qui raisonnent en termes de brassage, de compatibilité et de perméabilité artistiques et culturelles. Eu égard à cette combinatoire de créations littéraires, le mythe, le conte, l’épistolaire, le voyage, le dramatique voire même l’autobiographique, cessent d’être des genres littéraires démarcatifs indépendants, et font parties intégrantes d’Imeţţawen n tamja. Ils participent largement à l’enrichissement de la structure poétique du recueil, à sa tonalité pathétique et contribuent, subséquemment, à la construction d’un sens pluriel et inépuisable des poèmes. Tamja, le fifre, devient chez El Manchouri un canal lacrymal susceptible d’émouvoir et de sensibiliser le lecteur à la spécificité de la littérature amazighe extrêmement fournie et riche en genres. Les sonorités larmoyantes qui s’écoulent abondamment à travers le roseau semblent correspondre à l’écoulement d’une encre poétique susceptible de dire et d’affirmer sur la page blanche l’identité culturelle amazighe. En d’autres termes, le roseau-fifre permet d’inspirer le genre poétique fusionnel du poète, et appelle à défendre le patrimoine socioculturel amazigh, lequel patrimoine est digne de lecture, d’hommage et de valorisation. C’est là une raison pour laquelle nous voudrions préciser qu’il ne suffirait pas d’accorder énormément d’importance à la réception des poèmes d’Abdellah El Manchouri dans leur structure scripturale (l’art de l’écriture) pour saisir et déguster davantage les tréfonds de la poéticité amazighe qui ne cesse de se dégager de son recueil ; mais il faut aussi et surtout s’intéresser à entendre le poète lui-même lire à haute voix ses textes, et jouer son fifre, c’est-à-dire qui fait pleurer son roseau-tamja en y insufflant sa voix pour l’amener ainsi à verser son flux de sonorités lyriques. A titre d’illustration, et pour mettre en valeur cette richesse de l’art poétique extensif dans Imeţţawen n tamja d’Abdellah El [279] Manchouri, nous nous intéresserons à l’étude de la structure génétique de quelques poèmes du recueil en question. Ces poèmes seront évidemment cités conformément à leur composition originale amazighe. 1 - Imeţţawen n tamja : le premier poème éponyme du recueil : Teftuttusen wussan-inu, 1 Ttawen am bumarγud, 2 Ig iketsi wadu. 3 Tfawt tugi ad tessij. 4 Tağest tarennu… tarennu…5 Tawengint tessara-d amadal, 6 Tufi-t εad isneddu. 7 Aγi ur dag-s teswi. 8 Trussi ur dag-s tecci. 9 Ma dhen yuğeγ yuğeγ yendu. 10 Yusi-d kid-ek wareq-inek, 11 Ammi-s n tmurrt-inu. 12 Yebsissq-ak uγembub, 13 Arrimet-inek tiru, 14 Ussan-inek reqhen, 15 Tamejjat-inek tečirru, 16 Mcca arr-d x useqsi-a : 17 Swizzed s ufus-inek. 18 Mmer-ayi mani yeğa 19 W-areq-inu? 20 Traduction française de Mohamed SERHOUAL : Mes jours que le vent emporte s’effritent, S’envolent comme la poussière. La Lumière s’entête de poindre. Ténèbres tentaculaires ! La lucidité fait le tour du monde, Embryon en pulsation. Le lait, elle n’en a pas bu. Beure rance égarée. Ces lieux te conviennent à merveille, Ô Concitoyen ! Au visage auréolé. Stature de grande envergure, jours épanouis. [280] Gorge enrouée, voix ratatinée. Mais répond donc à ce questionnement ! Aie la main tendue ! Montre-moi un endroit où je peux me tailler Une place au Soleil ! La lecture de ce premier poème permet de souligner que le poète se soucie, dès l’ouverture de son recueil, de conférer à son vers une liberté d’expression autonome. Son travail sur sa langue amazighe maternelle, plus précisément sur le tarifit, pour produire ses poèmes, n’est soumis à aucune règle de versification préétablie. La composition rhétorique du poème s’insurge plutôt contre l’usage conformiste d’un langage mesurable habituel ; plus encore, le poète semble être tenté par l’élaboration d’une rhétorique, à la fois libre et libératrice, de la prose 1 amazighe pour écrire ses vers. Le profil typographique même du poème, notamment dans sa production amazighe originale, échappe aux exigences de toute caractérisation formelle préalable : aucune strophe, aucune rime riche, aucune coupe, aucun hémistiche, aucun retour anaphorique ni même épiphorique, aucun rythme linguistique régulier, au sens de l’alexandrin français classique, ne régit la configuration du poème. Outre ces traits informels qui caractérisent ce poème, et qui s’inscrivent aux antipodes d’une prosodie normative, il y a lieu de souligner que le poème se confond avec le récit laconique d’une mémoire traumatisée2, celle du « je » du poète qui ne cesse de partir à la recherche de son identité amazighe3, et de s’interroger ainsi, sur son statut de citoyen digne de respect, de reconnaissance et d’une personnalité honorable au sein d’une société hétérogène et polyglotte. Dans ce cadre de confusion et de fusion des genres littéraires, rien n’empêche de prendre le même 1 - On rappelle que Paul Claudel, le poète français (1868-1955, et l’auteur de L’Art poétique (1904), souligne que « Tout ce qu’il ya en français d’invention, de force, de passion, d’éloquence, de rêve, de verve…chez nous ne se trouve pas dans la poésie, mais dans la prose. » in Le Petit Robert, éditions Dictionnaires Le Robert, 1987, p. p. 1551, 1552. 2 - Le poème épouse dès le premier vers, l’allure d’un récit autobiographique qui avance par description. En fait, l’effet traumatisant qui semble surgir du récit de mémoire du poète, est rendu sensible dans le poème par le recours à "la parataxe", procédé de construction syntaxique consistant à juxtaposer des phrases sans expliciter par une particule de subordination le rapport de dépendance qui existe entre elles. 3 - Les vers 6, 7, 8, 9 et 10 le soulignent parfaitement. [281] poème pour une tirade de théâtre : le « je » du poète se permet de se déguiser en acteur, il prend ainsi en charge sa tirade-monologue pour valoriser, interroger et faire agir et réagir son cher spectateur concitoyen amazigh. Explicitement, ce sont les vers 12, 17, 18, 19 et 20 qui expriment ce raisonnement théâtral. 2 - Hammadi d Σbesram L’investissement du genre narratif, dans sa forme dialogique et dramatique, apparaît clairement dans le neuvième poème : Hammadi d Σbesram1. Dans sa structure rhétorico-linguistique originale, ce poème narrativo-dramatique s’étale sur trois pages, soit au total une composition de 121 vers libres. Nous ne nous contenterons de citer que les 38 vers de la première page : Yeqqim Hammadi d Σbesram, 1 Ssawaren x wemcum-a n zman. 2 Yenna-s Hammadi: 3 “A Σbesram a Yuma! 4 Ussan trahen εeddan. 5 Isegwasen tasen-d xwan. 6 Ur ttiwin xayli taqebbit n yewzan.” 7 Hammadi yessawar. 8 Σbesram yetxemmam. 9 Yenna-s Hammadi : 10 “Rbar-inek ur da yeği. 11 Nec ssawareγ akid-k. 12 Cek trahed ur ssineγ mani?” 13 Yenna-s Σbesram: 14 “Ur x-i taγ a Hammadi a Yuma! 15 Tufid-ayi txemmameγ. 16 Deg wemcum-a n zman. 17 Imerek-ayi baba, 18 Nac εad d amezyan. 19 Nessenta netmenγa, 20 Yessufrγ-ayi zeg wexxam, 21 Ad bniγ ur γar-i. 22 Ad qqimeγ d iγufan. 23 Ijj n rbar yeqqar-ayi, 24 Ad ksiγ aqrab-inu, 25 1 - "Le poème-récit-dialogue" figure aux pages 27, 28 et 29 du recueil. [282] Ad kkeγ mani ci. 26 Ijj n rbar yeqqar-ayi, 27 Qim gi tmurt-inek. 28 Xayli ad tecced car. 29 Ad yehna wur-inek.” 30 Yenna-s Hammadi : 31 “Amnus Yuza γar-i. 32 Ad ksiγ aqrab-inu, 33 Ad uwceγ irefyafi. 34 Ad raheγ ad ddarreγ, 35 Xayli gi tmurt n urumi. 36 Yenna-s Σbsram: 37 Qim a Hammadi! 38 Traduction : Hammadi et Abdeslam, déçus par les déconvenues du temps, Se mirent à causer. Ô ! Abdeslam ! Ô ! mon frère ! les jours passent sans retour, Que d’années stériles vécues ! Même pas une brassée d’orge, dit Hammadi. Abdeslam plongé dans ses pensées : Et Hammadi de poursuivre : La présence d’esprit te fait défaut ; C’est a toi que je m’adresse, sois donc bien attentif ! Tu es parti, je ne sais où. Abdeslam rétorque : Il ne faut pas m’en vouloir, Ô Hammadi ! Ô mon frère ! Tu me rappelle cette époque maudite. Jeune et pour me plier a la volonté du patriarche, j’ai pris femme. Ce fut un début d’altercations, Je fus expulsé de la demeure paternelle. Construire un logis, il n’en est pas question ; Vivre sous le toit paternel est un désagrément. Je fus hanté par l’idée de plier bagage, de prendre mon sac, Aller quelque part, n’importe où. Une voix intérieure me contredit et me retient. Ne vas nulle part, tu es chez toi, c’est ton pays ! Quitte a se nourrir de terre comme pitance, Et Hammadi de lui répondre : [283] Je n’en peux plus, je vais plier bagage, J’irai par monts et vaux, j’irai vivre ailleurs, là-bas, En Europe, ma terre d’élection Abdeslam reprend de nouveau : Hammadi tu dois rester ! Ta terre natale est préférable à l « Europe. Nombreux ceux qui sont partis, et sont revenus, Séduits par ce voyage bien avant toi et moi. Ils ont regagné leur pays, ils ont retrouvé les leurs. Page tournée pour toujours. En lisant la totalité des vers qui composent ce neuvième poème, on s’aperçoit bien que le poète adopte la position d’un narrateur omniscient qui s’ingénie à rapporter le dialogue dramatique de ses personnages. Plongés dans leurs pensées, les personnages en question, Hammadi d Σbesram, dans leur lexique populaire amazigh, dialoguent et discutent entre eux le destin de leur situation familiale et le grand problème à affronter seuls les aléas du temps et à mener une vie de dépaysés à jamais désabusés. Le fait de confier et de conférer à ces vers libres ce mode de "focalisation zéro" ou de "vision par derrière les personnages", témoigne du grand intérêt de l’auteur féru à sonder, à embrasser et à réhabiliter les témoignages d’une littérature ancestrale amazighe 1 , inspiratrice de l’écrivain poète. Hammadi d Σbesram est d’une facture particulièrement riche. Tant par sa manière de communication folklorique, celle qui se rapporte aux témoignages des deux personnages qui racontent, à tour de rôle, que par sa composition poétique, celle qui renvoie au travail de la communication écrite du poète-scripteur, le poème parvient à exciter la curiosité du lecteur, à faire adhérer ce dernier au discours rapporté du poète, un discours qui émane notamment des recoins les plus oubliés du Rif du Maroc, et qui s’évertue à mettre l’accent sur le droit des concitoyens à la vie équitable au sein de leur terre natale. Si les deux poèmes analysés ci-dessus, le premier et le neuvième, sont élaborés en fonction d’une articulation rhétorique qui 1 - Cet engagement du poète à défendre l’identité culturelle amazighe et à réhabiliter le patrimoine socio-culturel de ses ancêtres, est très sensible dans son seizième poème intitulé « Tiggaz n tmaziγt deg waği n imaziγen » traduit en français par : «Tatouages indélébiles dans l’imaginaire des Amazighe ». (Ce poème est composé de 46 vers. Il figure à la page 54 du recueil). [284] prête à confusion, et ce, en abolissant les frontières1 entre le poétique, l’autobiographique, le narratif et le dramatique, Imeţţawen n tamja, le recueil, offre aussi chance à d’autres poèmes pour régénérer le conte, le genre du voyage et celui de l’épistolaire. 3 - Tumat-nni iεarqen Dans le quinzième poème intitulé Tumat-nni iεarqen/« Nos frères immigrés » (composé de 98 vers et figurant à la page 48 du recueil), il arrive au poète de raisonner en termes d’un sage-conteur. Il suggère que le conte est un héritage populaire indispensable à toute société. Cet héritage permet d’instaurer entre les gens la solidarité, l’altruisme, l’échange psycho-verbal et participe à déterminer leur dignité culturelle. Aux yeux du poète, une société sans contes est une société déjà morte. Ainsi, usant d’une figure de prosopopée, va-t-il jusqu'à faire du concept « Azul » le portrait moral d’un pédagogueformateur qui enseigne à ses élèves une didactique de conte oral amazigh : […], Maca "Az-u-u-u-ul,"(vers 58) D wenni i da-k izedγen ur. 59 D wenni d amezgaru, 60 I d-ak yddfen aği. 61 D wenni i d-ak yarezmen aqemmum. 62 Yudef-ak reεwin, 63 Γar tura d agemmum. 64 Ynnejbed-ak yri! 65 Issermed-ak tawarin, 66 Σad ira teğid deg whsi. 67 Iεawed-ak tihuja, 68 Γar tfawt n taziri. 69 Ou encore, en s’dressant à Numidia2 : Iketsi-ayi ci n wecεad,(vers 1) 1 - On rappelle que dans Le livre à venir (1959), Maurice Blanchot écrit : « Seul importe le livre, tel qu’il est, loin des genres, en dehors des rubriques sous lesquelles il refuse de se ranger et auxquelles il dénie le pouvoir de lui fixer sa place et de déterminer sa forme. Un livre n’appartient plus à un genre, tout livre relève de la seule littérature. (Cité dans Introduction à la littérature fantastique de Todorov, édité chez Seuil en 1970, p. 12) 2 - Le poème rifain s’intitule Numidya taΣεqqayt n unina. Il est composé de 23 vers (voir p. 57 du recueil) [285] Yessawad-ayi γar Beyya. 2 Ad γraγ ict thijit 3 Zdat i Numidia. 4 […] Ad ksiγ ifassen γar ujenna. 15 Ad raγiγ: 16 A Nuuuu-miiii-dia-aaaaaaaa !17 Traduction : […], Quand à "Azuu-uu-uul", Profondément enraciné dans ton cœur. Il s’est accaparé ton imaginaire depuis l’enfance ; Il fut au commencement de tes balbutiements d’enfant. La brise s’est engouffrée au sein de tes entrailles ; C’est lui qui t’a vu grandir, il fut au commencement de la parole ; Tu étais alors dans le giron maternel. Il t’a raconté des contes, au clair de lune ; Ou encore dans le poème Numidia sonnant le glas1 : Une agitation confuse, Une saute d’humeur subite me prend ; Elle me transporte vers Beyya, Pour narrer un conte à Numidia. […] A voix haute : Je crierai de toutes mes forces et j’appellerai Nuuuu-miiii-dia-aaaaaaaa 1 - le poème figure à la page 58 du recueil. Sa version française se compose de 16 vers. [286] 4 - Tabrat γar umezruy Le genre épistolaire fait, lui aussi, partie intégrante de la structure génétique de la poésie libre d’El Manchouri. Dans son dixhuitième poème, Tabrat γar umezruy 1 /« Lettre pour l’histoire », composé de 43 vers, le poète, homme du devoir, se consacre à l’écriture d’une lettre indélébile en hommage à la mémoire de ses ancêtres amazighs, mais aussi à toute la jeune génération descendante. Le message est clair dans la lettre : le poète, tout en s’adressant métonymiquement aux Historiens2 du monde, se dresse contre toute idéologie raciale qui s’ingénie à faire de l’Homme Amazigh, originaire de son pays, un simple indigène relégué au second plan. Plus précisément, il s’élève contre le fait de marginaliser son statut social, son droit à la liberté d’expression, à lire et à écrire dans sa langue amazighe, sans oublier, bien entendu, de défier et de prévenir contre ceux qui cherchent derrière les coulisses à porter atteinte et à effacer son passé historique vraiment chargé. En effet, dans sa lettre, le poète ne se contente pas uniquement d’écrire et de décrire à titre de rappels, mais il s’engage à fonder une Ecole d’Azul capable d’enseigner l’Histoire Vraie des Imazighen, les amoureux de la terre, d’amener la jeune génération amazighe à prendre conscience de son identité culturelle, et d’encourager ainsi, l’élan dynamique de la plume à dénoncer toute forme d’exclusion et de marginalisation : […],(vers1) Ad awyγ tanekkayt, Γar umezruy ad-as iniγ,18 Qa teqqimed ur tarid. Xayli min ur k-nniγ, Xayli d awar-inu. Jjin-ayi ur t-γriγ Xayli tira-inu. Jjin-ayi ur tent-uriγ. Ţa.. tudart n-yehsaren, 25 Derqem-ayi ad dewreγ tfuyt. Adfer ad t-ssefsiγ. 32 […], 33 Ads sesweγ ddemnet. 1 2 - Voir pages 59 et 60 du recueil. - Voir le vers 18 du poème. [287] Min yemmuten ad t-sseγmiγ. Ad t-mjareγ d tidet, I ysgman ad asent ariγ. Ad assent jjeγ d tabrat, 41 Ad assen iniγ : "Ha min zriγ!" (vers 43) Traduction : […] Je dirai à l’Histoire, haut et fort : L’amnésie est impardonnable, L’oubli, l’omission sont inadmissibles, Même si j’ai des trous de mémoire ; Surtout ma langue et ma culture en jachère, Exclues de l’école ; La graphie millénaire des Ancêtres, Non consignée par écrit ; Libérez-moi, j’ai envie de m’exprimer, De dire l’indicible. […], Je raviverai les lettres incultes ; La moisson sera abondante. J’écrirai pour les générations montantes, Je leur laisserai une lettre ; Témoin d’une époque, Je dirai ce que je fus. Ce que j’ai vu Ce que j’ai vécu. [288] 5 -Tamassint Le caractère variétal et extensif d’Imeţţawen n tamja est appuyé aussi par le style du voyage adopté par le poète. En fait, Tamassint, le vingtième poème 1 du recueil, est révélateur de sens. Dans son mouvement rhétorique global, le poème en question se veut une sorte de dédicace apologétique à la bien-aimée du poète. Cette Dulcinée 2 , digne d’amour, d’éloge et d’apologie, n’est autre que l’entourage socioculturel amazigh où l’auteur du recueil a grandi. Autrement dit, Tamassint, le titre du poème, est aussi le nom du village natal d’El Manchouri. Après avoir présenté ses compliments à sa Princesse Amazighe3, et évoqué les qualités de celle-ci, le poète, usant d’une métaphore filée, se lance hardiment dans une sorte d’invitation au voyage baudelairien pour partir à la découverte d’un Soleil Amazigh, Le Soleil des Indépendances. La bien-aimée tend au poète sa main enluminée de henné4, et le voyage s’effectue ensemble comme le soulignent bien les seize derniers vers5 du poème dans sa graphie latine : […]. Uca-yi-d fus-inem!(Vers 29) Arwah ad negg iij n uratar. Ad nessij x tmura Ur netγimi deg igendar. Ad nemmuti ad neεda. Ad nari ad neddar. Ad nessuref ad nugur. S twengint ad nenneεgar. 1 - Dans son articulation rhétorico-lexicale amazighe, le poème s’étale sur une longueur de 44 vers. Sa version française ne comporte que 37 vers. (Voir le recueil, p. p. 65, 66, 67 et 68) 2 -Nous nous référons ici à la femme aimée de Don Quichotte. Pour Abdellah El Manchouri, il s’agit bien de son village natal qui lui a inspiré ce poème. 3 - On rappelle que Siham Bouhlal, une écrivaine marocaine casablancaise d’expression française, et qui vit à Paris depuis vingt-cinq ans, a écrit un roman qui s’intitule La Princesse Amazighe (voir Le Magazine Littéraire du Maroc, « Les Ecrivains de la diaspora marocaine », Numéro Hors-série, été 2010, P. 7 et p. 111. 4 - Plante naturelle des régions tropicales dont les feuilles sèches fournissent une poudre colorante, jaune ou rouge, utilisée par les femmes amazighes pour enluminer leurs mains et pieds, et teinter leurs chevelures. 5 - L’invitation au voyage est manifeste dès le vers 29 et continue jusqu’au derniers vers, le vers 44. [289] Mummu-nneγ d rağaγ, Γar tiysi n rebhar. Aği-nneγ ttarayt. Aked itran ad nemzar. Tikri-nneγ timahaγ. A may-s d yeccab tya. Char ma yenned webrid, Char ma yeğa d azegrar. (vers 44) Traduction : […] Tends-toi la main ! (vers 22) Viens par là, cheminons ensemble ! Nous irons à la conquête des contrées lointaines, Détachons les entraves ! (vers 25) Nous cheminerons, Nous irons en deçà, Nous irons par monts et vaux, Nous ferons une longue marche, lucide et digne. Nos regards pénétreront l’intimité des choses, (vers 30) Scrutant les profondeurs maritimes, La pensée en ascension, Nous échangerons un regard dans la galaxie. Notre voyage n’est qu’un départ, Vers des lieux baignés de Soleil. Même si le chemin est tortueux, Même si le chemin est si long. (vers 37) [290] Conclusion : Au terme de cette modeste réflexion sur la rencontre et la fusion des genres littéraires dans Imeţţawen n tamja, et qui fait partie intégrante de la problématique des genres littéraires amazighs, il importe de retenir que chez Abdellah El Manchouri la poésie ne doit pas signifier impérativement en termes d’une métrique préétablie, ni même, non plus, obéir aux exigences d’une théorie des frontières entre les genres littéraires. Aux yeux du poète amazigh rifain, tant qu’il y a effort de style, il y a poésie, et par conséquent, cette Muse est à définir, en premier lieu, en fonction de la question de vocation artistique. Elle est à concevoir comme un travail d’articulation rhétorique à la fois libre et libérateur, une sorte de "tout-culturel plus vaste" au service d’une fusion, d’une synthèse et d’une neutralisation des limites entre les genres littéraires. C’est à plus forte raison, le cas de ses vers libres1, mais aussi de son livre intitulé TTeqsiret γar tfawt n taziri2 où il essaie de montrer qu’il n’y a aucune nécessité qu’une œuvre littéraire incarne fidèlement tel ou tel genre littéraire, et qu’à vrai dire, l’essentiel n’existe pas dans la catégorie littéraire, mais dans le but et le souci d’avoir quelque chose à dire et à transmettre au lecteur. Autrement dit, la richesse de la poéticité, ou encore, la littérarité poétique d’un texte écrit en vers est à chercher, avant tout, dans l’investissement d’un mélange de "faires émissifs" et de représentations culturelles fondateur d’une synergie de ce texte poétisé. Du reste, espace de fécondités artistiques où viennent se croiser une variété de voix et de voies autobiographique, narrative, dramatique, épistolaire, d’effets de voyage…, Imeţţawen n tamja, loin de tout découpage syllabique, est aussi une sorte de lecture doublement significative : une lecture historique et évaluative du patrimoine socioculturel amazigh, lequel patrimoine est digne d’hommage et d’enseignement/apprentissage, mais aussi une lecture qui prend conscience de se redéfinir en fonction de l’importance d’une création littéraire, notamment en matière de poésie amazighe rifaine, en rupture avec toute exigence métrique et toute conception qui vise à établir des frontières étanches entre les genres littéraires. 1 - Pour Abdellah EL MANCHOURI, le choix d’un hexasyllabe, d’un octosyllabe, d’un décasyllabe ou d’un alexandrin est un choix subjectif, il n’obéit à aucun critère scientifique. Le vers, au contraire, ne doit pas avoir de limite métrique, il est, par sa nature de diction rhétorique, insaturable, et il est inutile de s’ingénier à l’arrêter, sur le plan de découpage syllabique, ici plutôt que là. 2 - Le livre est traduit en arabe sous le titre de ءا , Tanger : Editions Slaiki frères, 2011. [291] Bibliographie • BOUMALK, A. et NAIT-ZERAD, K. (2009). Vocabulaire grammatical amazigh, Publications de l’Institut Royal de la Culture Amazighe, (CAL), Série : Lexique n°5, Imprimerie El Maârif Al Jadida, Rabat. • BOUNFOUR, A. (1995), Introduction à la littérature berbère. 1. La poésie, Peeters, Paris-Louvain. • BOURDIEU, P. (2001). Langage et pouvoir symbolique, Paris, Fayard. • CADI, K. (1987). Le système verbal rifain, forme et sens, Paris, SELAF. • CALVET, L.-J. (1984). La tradition orale, Paris, PUF. • CHAMI, M. (1979). Un parler amazigh du Rif marocain, Approche phonologique et morphologique, Thèse de 3ème cycle, Université René Descartes, Paris-V. • CULLER, J. 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[293] ñŠíìjÛa@–@xb§ëc@†äª@ïÜ×c@òÈßbu ــ ا داب وا ــــ ت ز ـ ــــ ـــ ا ــم ا ــ وا ayezdu n tutlayt d yedles n tmaziùΨt Þìy @Zsîy@åß@òîÌí‹bßþa@òîi…þa@÷bäuþa@òîÛbØ‘g CÑîä–nÛaë@òîànÛaë@ÑíŠÈnÛa @ 2014@àÏìã@05@ë@04@Z@âbíc@áÄä½a ÒaŠ‘g@o¤ اﻟﺒﺮوﻓﻴﺴﻮر ﻣﺤﻤﺪ ﺟﻼوي 2014 [294] [295] • • • • : -اﻷﺳﺘﺎذ اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺑﺪاري ﻛﻤﺎل رﺋﻴﺲ ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺑﺎﻟﺒﻮﻳﺮة : -اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺟﻼوي ﻣﺤﻤﺪ : اﻟﺪﻛﺘﻮر ﻃﻬﺮاوي ﺑﻮﻋﻼم اﻟﺪﻛﺘﻮر ﻣﻠﻮك راﺑﺢ -اﻟﺪﻛﺘﻮرة دﺣﻤﻮن ﻛﻬﻴﻨﺔ : : ز "#$ء : - • إﻳﺪﻳﺮ ﻣﺴﻴﻨﻴﺴﺎ ﻟﻮﻧﻴﺴﻲ ﺳﻠﻴﻢ اﻟﻌﻮﰲ أﻋﻤﺮ ﺑﺮدوس ﻧﺎدﻳﺔ راﺑﺪي ﻗﻨﻴﻌﺔ % - إدرﻳﺴﻲ ﻧﺒﻴﻠﺔ ﺷﺒﻴﺐ ﻧﺒﻴﻞ ﻓﻮراﱄ ﻳﺎﲰﻴﻨﺔ ﺑﻼل ﻧﻮر اﻟﺪﻳﻦ -ﻗﺎﺳﻲ زﻫﺮة ﺑﻮدراع ﺣﺒﻴﺒﺔ ﳎﺎدي ﺟﺠﻴﻘﺔ دوﻳﻚ رزﻳﻘﺔ -ﺑﻮدﻳﺔ ﻋﺒﺪ اﻟﺮزاق : ﻳﻮﺳﻒ ﻧﺴﻴﺐ ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ اﳉﺰاﺋﺮ ﺑﻮراﻳﻮ ﻋﺒﺪ اﳊﻤﻴﺪ ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ اﳉﺰاﺋﺮ أﻋﻤﺎروش أﳏﻨﺪ ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ اﻟﺒﻮﻳﺮة ﺑﻦ ﺣﺎﻛﻴﺔ ﺣﺴﻦ ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ وﺟﺪة ،اﳌﻐﺮب ﺣﺪادو ﳏﻨﺪ أﻛﻠﻲ ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻴﺰي وزو ﺗﻘﺰﻳﺮي ﻧﻮرة ،أﺳﺘﺎذة اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻴﺰي وزو ﻧﺎﻳﺖ زراد ﻛﻤﺎل ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺑﺎرﻳﺲ ،ﻓﺮﻧﺴﺎ دﻣﻘﻠﻴﻮ آﻻن ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻛﻮرس ،ﻓﺮﻧﺴﺎ ﺑﻮﻋﻤﺎرة ﻛﻤﺎل ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﲜﺎﻳﺔ اﻷدك ﻣﺼﻄﻔﻰ ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ وﺟﺪة ،اﳌﻐﺮب ﻧﺎﺑﱵ أﻋﻤﺮ ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻴﺰي وزو ][296 - ﺟﻼوي ﳏﻤﺪ ،أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ اﻟﺒﻮﻳﺮة اﻟﺪﻛﺘﻮر اﳋﻄﲑ أﺑﻮ اﻟﻘﺎﺳﻢ أﻓﻮﻻي ،اﳌﻌﻬﺪ اﳌﻠﻜﻠﻲ ﻟﻠﺜﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ،اﳌﻐﺮب اﻟﺪﻛﺘﻮر أﻣﺰﻳﺎن ﻋﻤﺮ ،ﻣﻌﻬﺪ اﻟﻠﻐﺎت و اﳊﻀﺎرات اﻟﺸﺮﻗﻴﺔ ﺑﺒﺎرﻳﺲ اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺳﺎﻋﺔ ﻓﺆاد ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻓﺎس ،اﳌﻐﺮب اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺟﺮﻣﻮﱐ ﻫﺎﺷﻢ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻓﺎس ،اﳌﻐﺮب اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺑﻦ ﻋﺒﺎس ﻣﺼﻄﻔﻰ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﳏﻤﺪ اﻷول ،وﺟﺪة ﺑﺎﳌﻐﺮب اﻟﺪﻛﺘﻮر ﻗﺠﻴﺒﺔ ﻧﺎﺻﺮ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻋﺒﺎس ﻟﻐﺮور ،ﺧﻨﺸﻠﺔ اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺻﺎﳊﻲ ﳏﻨﺪ أﻛﻠﻲ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻴﺰي وزو اﻟﺪﻛﺘﻮر إﻣﺮازن ﻣﻮﺳﻰ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻴﺰي وزو اﻟﺪﻛﺘﻮر ﻣﻜﺴﻢ زﻫﲑ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﲜﺎﻳﺔ اﻟﺪﻛﺘﻮر ﳏﺮازي ﳏﻨﺪ ،ﺟﺎﻣﻌﺔ ﲜﺎﻳﺔ ][297 )('''' & @Êì™ì½a òzЖÛa اﻟﻤﻘـ ـ ـ ـ ـ ـ ـ ـ ــﺪﻣ ـ ـ ــﺔ 05 • اﻷﻧﻤﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ ﻓﻲ واﺣﺔ ﻓﮕﻴﮓ د .ﻓﺆاد ﺳﺎﻋﺔ 11 ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻓﺎس -اﻟﻤﻐﺮب ﻌﺮي )دراﺳﺔ ﻣﻘﺎرﻧﺔ ﻟﺘﺼﻨﻴﻒ • ﺟﻐﺮاﻓﻴﺎ اﻟﺠﻨﺲ اﻟ ّ ﺸ ّ ﺸﻌﺮ ﺑﻴﻦ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ( أﻏﺮاض اﻟ ّ 21 ﺑﻠﻮﻟﻲ ﻓﺮﺣﺎت ﺟﺎﻣﻌﺔ آﻛﻠﻲ ﻣﺤﻨﺪ أوﻟﺤﺎج ﺑﺎﻟﺒﻮﻳﺮة • اﻷﻧﻤﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﺑﺎﻷﻃﻠﺲ اﻟﻤﺘﻮﺳﻂ )وﺳﻂ اﻟﻤﻐﺮب( ﻣـﺤـ ـﻨـ ــﺪ اﻟﺮ ـ ﻛﻠﻴ ـ ــﺔ اﻵداب واﻟﻌﻠـ ــﻮم اﻹﻧﺴﺎﻧﻴــﺔ ﺳﺎﻳ ـ ــﺲ -ﻓـ ـ ــﺎس ][298 35 ) @ [299] ò߆Խa@ <HêÇè‡^Úù]<húÖ<íé‰^‰ù]<“ñ^’¤]<ï‚uc<>íèçËÖ]><‚Ãi <]„â< Jä‰^ßq_æ< ä^´_< Üâ_< ‚è‚vje< í×éËÓÖ]< äŠéè^ÏÚ< àÚ< ^‰^éÏÚæ <xév’Ö]<ÜãËÖ]<î×Â<ì‚Â^й]<ØÚ]çÃÖ]<àÚ<øÚ^Â<^ãÞçÒ<î×Â<ìæøÂ < <JêÇè‡^Úù]<êeù]<>‹ß¢]><Ýçã˹<Ðé΂Ö]<‚è‚vjÖ]æ <HíéÇè‡^Úù]<íéeù]<Œ^ßqù]<Ù^¥<»<êÛ×ÃÖ]<ovfÖ]<Ù]ˆè<÷æ <^fÖ^Æ<Ö]æ<Há`Ö]<]„â<»<l^‰]…‚Ö]<í×Îæ<ì…‚ßÖ<]†¿Þ<^f’}<øÏu <àÚ< ì‚u]æ< ír< î×Â< ˆéÒÖ]< gfŠe< íèæ‚]æ< íéñˆ¢^e< Ì‘çi< ^Ú <^ßâ< àÚæ< HíéÇè‡^Úù]< íÇ×Ö< í×Ó¹]< l^rã×Ö]< êÎ^e< ±c< цŞjÖ]< áæ <íéÞ]‚éÚ< l]ð^–Ê< ±c< pçvfÖ]æ< l^‰]…‚Ö]< å„â< ÄÊ< ì…æ†•< êi`i <]„â< gÞ^q< ±cæ< JíéÇè‡^Úù^e< íÏ^ßÖ]< Ð^ß¹]< ØÒ< ØÛi< Hĉæ_ <Ì×j§<Ì×è<Ù]ˆè<÷æ<ؾ<ë„Ö]<HšçÛÇÖ]<í×–ÃÚ<Í^–i<Ù^Óý] <íéבù]< “ñ^’¤]< ‡]†ec< áæ< Ùç¬æ< HíéÇè‡^Úù]< íéeù]< Œ^ßqù] < <Jï‚u<î×Â<êe_<‹ßq<ØÓÖ<ìˆéÛ¹]æ <àÚ< í×¶< î×Â< ˆÓi†è< á_< g«< êeù]< >‹ß¢]>< Ìè†Ãi< ác <<V< {e< †Úù]< Ð×Ãjèæ< Híéq…^¤]æ< ^ãßÚ< íé×}]‚Ö]< Híé‰^‰ù]< †‘^ßÃÖ] <^ãéÖc< Í^–iæ< J”ç~Ö]æ< H†’ÏÖ]æ< ÙçŞÖ]æ< HÜÇßÖ]æ< HÅ^Ïèý] [300] 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اﻟﺘﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﺴﺎﺋﺪة إﱃ ﻗﺴﻤﲔ ﻣﺘﻤﺎﻳﺰﻳﻦ ﳘﺎ اﻟﺸﻌﺮ واﻟﻨﺜﺮ. وﺑﺎﻻرﺗﻜﺎز ﻋﻠﻰ ﻫﺬا اﻟﺘﺼﻨﻴﻒ ﺳﻨﻌﻤﻞ ﻋﻠﻰ ﺗﺼﻨﻴﻒ ﺟﻨﺲ اﻟﺸﻌﺮ إﱃ ﻓﺮوﻋﻪ ﺑﻨﺎء ﻋﻠﻰ ﻣﺴﻤﻴﺎت ﻫﺬﻩ اﻟﻔﺮوع ﳏﻠﻴﺎ وﻋﻠﻰ ﲰﺎﺎ اﳌﻤﻴﺰة ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﻟﺸﻜﻞ واﳌﻀﻤﻮن واﻷداء. وذﻟﻚ ﻗﺼﺪ ﲢﺪﻳﺪﻫﺎ ﻣﻦ ﺟﻬﺔ وﻗﺼﺪ رﺻﺪ اﳌﺨﺘﻠﻒ واﳌﺸﱰك ﺑﻴﻨﻬﺎ وﺑﲔ اﻷﺟﻨﺎس اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ ﰲ ﻣﻨﺎﻃﻖ أﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ أﺧﺮى. اﺧﺘﻠﻔﺖ اﳌﺼﻄﻠﺤﺎت اﻟﱵ ﺗﻄﻠﻖ ﻋﻠﻰ اﻟﺸﻌﺮ وأﺻﻨﺎﻓﻪ ﺑﺎﺧﺘﻼف اﳌﻨﺎﻃﻖ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ واﳌﻮاﺿﻴﻊ واﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﱵ ﻳﺆدى ﻓﻴﻬﺎ اﻟﻘﻮل اﳌﻨﻈﻮم ،وﻣﻦ ﻫﺬﻩ اﳌﺼﻄﻠﺤﺎت ﻣﺎ ﻫﻮ ﺧﺎص ﲟﻨﻄﻘﺔ دون أﺧﺮى وﻣﻨﻬﺎ ﻣﺎ ﻫﻮ ﻣﺸﱰك ﺑﲔ اﳌﻨﺎﻃﻖ ﺑﺄﺳﺮﻫﺎ أو ﲟﺠﻤﻠﻬﺎ. واﳉﺪﻳﺮ ﺑﺎﳌﻼﺣﻈﺔ ﻫﻨﺎ أﻻ ﻣﻌﺮﻓﺔ ﻷﻫﻞ ﺑﻔﮕﻴﮓ ﲟﺼﻄﻠﺤﺎت ﺷﻌﺮﻳﺔ ﻣﻦ ﻗﺒﻴﻞ إﻳﺴﻔﺮا وأﻣﺎرگ ،وإﻳﺰﻻن ،وﺗﺎﻣﺎواﻳﺖ ،وﺗﺎﻳﻔﺎرت ،وﺗﻴﻤﺪﻳﺎزﻳﻦ وﻏﲑﻫﺎ ﻣﻦ اﳌﺴﻤﻴﺎت اﳌﺘﺪاوﻟﺔ واﳌﻌﺮوﻓﺔ ﰲ أﻏﻠﺐ اﳉﻬﺎت .وﳑﺎ ﻳﺜﲑ اﻻﻧﺘﺒﺎﻩ ﻛﺬﻟﻚ أن ﻣﻨﻄﻘﺔ ﻓﮕﻴﮓ ورﲟﺎ اﺘﻤﻌﺎت اﻟﻮاﺣﻴﺔ ﺑﺼﻔﺔ ﻋﺎﻣﺔ ﱂ ﺗﻌﺮف ﻇﺎﻫﺮة اﻟﺸﻌﺮاء اﳌﺘﻨﻘﻠﲔ ﺑﲔ اﻟﺮﺑﻮع اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﺎورة .وﻻ ﳜﻔﻰ ﻣﺎ ﻛﺎن ﳍﺬﻩ اﻟﻈﺎﻫﺮة ﻣﻦ أﺛﺮ ﺑﺎﻟﻎ ﰲ اﻧﺘﺸﺎر اﻷﳕﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﳌﺨﺘﻠﻔﺔ اﳌﺸﺎرب وﰲ ﺻﻘﻞ اﻟﻘﺼﻴﺪة وإﺗﻘﺎﺎ ﺣﱴ أن اﻟﺘﻔﺎوت ﺑﲔ اﳌﻨﺎﻃﻖ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﳌﺘﺒﺎﻋﺪة أﺻﺒﺢ ﺟﻠﻴﺎ ﻋﻠﻰ ﲨﻴﻊ اﳌﺴﺘﻮﻳﺎت وﺧﺎﺻﺔ ﻣﻨﻬﺎ وزن اﻟﻘﺼﻴﺪة وأداﺋﻬﺎ .ﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﳝﻜﻦ ][304 اﻟﻘﻮل إن اﺘﻤﻌﺎت اﻟﻮاﺣﻴﺔ ﳎﺘﻤﻌﺎت اﻧﻜﻔﺎﺋﻴﺔ ،وﻣﻦ ﰎ ﻻ ﻏﺮو أن ﺗﻨﻔﺮد ﺑﺬاﺎ وأن ﺗﺘﻤﻴﺰ ﲞﺼﻮﺻﻴﺎﺎ ﻋﻦ ﻏﲑﻫﺎ ﰲ ﳎﺎل اﻹﺑﺪاع اﻷدﰊ واﻟﻔﲏ. إن أول ﻣﺼﻄﻠﺢ ﻳﺼﺎدﻓﻨﺎ ﰲ واﺣﺔ ﻓﮕﻴﮓ ﰲ ﳎﺎل اﻟﺸﻌﺮ ﻫﻮ ﻣﺼﻄﻠﺢ أﺳﻬﺮوري اﻟﺬي ﻳﻄﻠﻖ ﻋﻠﻰ اﻟﺼﻮت اﻟﺸﺠﻲ وﺧﺎﺻﺔ اﻟﺬي ﲢﺪﺛﻪ اﻟﻨﺴﻮة ﻋﻨﺪ أداﺋﻬﻦ ﻟﻠﻤﻘﻄﻮﻋﺎت اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺸﺠﻮﻦ ،إذ ﻣﻦ ﺧﻼﻟﻪ ﻳﻌﱪن ﻋﻦ ﻟﻮاﻋﺠﻬﻦ وأﺣﺰاﻦ وﺑﻪ ﻳﻌﻤﺪن إﱃ ﻫﺪﻫﺪة أﻃﻔﺎﳍﻦ ﳑﺎ ﻳﻌﺮف ﺑﺄزوزن وﻣﺪاﻋﺒﺘﻬﻢ وﺗﻨﺸﻴﻄﻬﻢ ﻣﻦ ﺧﻼل "أﺳﺮﻛﺾ" أو أﺳﺮﻗﺺ ﻛﻤﺎ ﻳﻘﺎل ﰲ اﻟﻘﺒﺎﺋﻠﻴﺔ .ﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﻳﻌﺘﱪ أﺳﻬﺮوري ﺷﻌﺮا ﻧﺴﺎﺋﻴﺎ ﺑﺎﻣﺘﻴﺎز ،ﻳﺘﻄﺮﻗﻦ ﻓﻴﻪ ﳌﺨﺘﻠﻒ اﻷﻏﺮاض اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﲟﺸﺎﻋﺮ اﻷﻣﻮﻣﺔ واﻟﺸﻮق واﻻﻓﺘﺨﺎر واﳌﺪح واﻟﻐﺰل اﻟﻌﻔﻴﻒ إﱁ .أﻣﺎ ﻋﻦ اﳌﺼﻄﻠﺢ أﺳﻬﺮوري اﻟﺬي ﻳﻘﺎﺑﻠﻪ ﰲ اﻟﻘﺒﺎﺋﻠﻴﺔ أﺳﻬﻮل ﻓﻬﻮ ﻣﺼﺪر ﻣﺸﺘﻖ ﺑﺰﻳﺎدة اﻟﺴﲔ اﻟﺪاﻟﺔ ﻋﻠﻰ اﳉﻌﻠﻴﺔ ،وﺑﺎﻟﻨﻈﺮ ﻣﻦ اﻟﻨﺎﺣﻴﺔ اﻟﺼﺮﻓﻴﺔ إﱃ اﳉﺬر اﻟﺬي ﻳﺘﻜﻮن ﻣﻨﻪ ،ﳒﺪ أن اﳊﺮوف اﻷﺻﻮل ﰲ ﻫﺬﻩ اﻟﻜﻠﻤﺔ ﻫﻲ اﳍﺎء واﻟﺮاء اﳌﻜﺮرة أو اﳌﻀﻌﻔﺔ واﻟﻴﺎء ﺑﺎﻋﺘﺒﺎر أن اﻟﻀﻤﺔ ﺗﺘﻐﲑ ﺣﺴﺐ اﻟﺼﻴﻐﺔ ﻛﻤﺎ ﻫﻮ اﳊﺎل ﰲ اﳌﺆﻧﺚ أي ﺗﺎﺳﻬﺮاراﻳﺖ ﲟﻌﲎ اﻟﺒﻴﺖ اﻟﺸﻌﺮي أو اﻟﻘﺼﻴﺪة وﻟﻴﺲ ﺗﺎﺳﻬﺮورﻳﺖ ،وﳒﺪ ﻣﺜﻞ ﻫﺬﻩ اﻟﺼﻴﻐﺔ ﰲ أﻣﺜﻠﺔ ﻛﺜﲑة ﻣﺜﻞ اﳌﺼﺪر أﺳﻘﻨﻮﻧﻲ "دﺣﺮﺟﺔ" واﻟﺼﻔﺔ أﻗﻨﺎﻧَﺎي "ﻛﺮوي" .أﻣﺎ ﺑﺎﻟﻨﻈﺮ إﱃ اﳌﺼﻄﻠﺢ ﻣﻦ اﻟﻨﺎﺣﻴﺔ اﳌﻌﺠﻤﻴﺔ وﺑﺎﻟﺮﺟﻮع إﱃ ﻣﻌﺠﻢ ﻣﻴﻠﻮد اﻟﻄﺎﻳﻔﻲ ﺣﻮل ﻓﺮع ﺗﺎﻣﺎزﻳﻐﺖ ﻣﺜﻼ ﻓﺈﻧﻨﺎ ﳒﺪ ﺛﻼﺛﺔ ﻣﺪاﺧﻞ ﻣﻌﺠﻤﻴﺔ ﻫﺮ" ﺑﺘﻀﻌﻴﻒ اﻟﺮاء ﺗﺘﻘﺎﺳﻢ اﳊﺮﻓﲔ اﻷﺻﻠﻴﲔ :اﳍﺎء واﻟﺮاء .وﻳﻔﻴﺪ اﳌﺪﺧﻞ اﻷول " َ ﻣﻌﺎﱐ اﻟﺪﻏﺪﻏﺔ واﳌﺪاﻋﺒﺔ واﻹﺛﺎرة واﻟﺘﻤﻠﻖ واﻹﻃﺮاب وﻟﻌﻞ ﻫﺬﻩ اﻟﻮﻇﺎﺋﻒ ﻫﻲ اﻟﱵ ﺗﺆدﻳﻬﺎ ﺗﺎﺳﻬﺮاراﻳﺖ .أﻣﺎ اﳌﺪﺧﻞ اﳌﻌﺠﻤﻲ اﻟﺜﺎﱐ اﻳﻬﻴﺮي ﻓﻴﻔﻴﺪ اﻟﻔﺮس ذي اﳋﻄﻰ ﻫﻮرك" ﻳﺮﺗﺒﻂ ﻛﺬﻟﻚ اﳌﻮزوﻧﺔ واﻟﻮﻗﻊ اﳌﺘﻨﺎﻏﻢ ،واﳌﺪﺧﻞ اﻟﺜﺎﻟﺚ "ﻫﺮك" وﻣﻨﻪ اﻟﻔﻌﻞ " ُ ﺑﺎﻟﻔﺮس وﻳﻔﻴﺪ اﳋﺒﺐ .اﻧﻄﻼﻗﺎ ﻣﻦ ﻫﺬﻩ اﳋﻠﻔﻴﺔ اﻟﻠﻐﻮﻳﺔ ﻟﻠﻜﻠﻤﺔ ﻧﻼﺣﻆ أن اﳌﺼﻄﻠﺢ ﻗﺪ اﺷﺘﻖ ﻣﻦ ﻛﻠﻤﺔ أم ،أﻛﺜﺮ ﻣﺎ ﺗﻜﻮن ﳏﺎﻛﺎة ﻟﻠﻄﺒﻴﻌﺔ ،وداﻟﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﻘﻮل اﳌﻮزون ﺑﺼﻔﺔ ][305 ﻋﺎﻣﺔ .وﳒﺪ إﱃ ﺟﺎﻧﺐ ﻫﺬا اﻻﺻﻄﻼح ﻛﻠﻤﺔ ﻫﺮﻫﺮ وأﺳﻬﺮﻫﺮ اﻟﱵ ﲢﻴﻞ ﻋﻠﻰ ﻫﺪﻳﺮ اﻟﻨﻬﺮ ،وﺗﻄﻠﻖ ﻋﻠﻰ ﻛﻞ ﻗﻮل ﻣﺴﱰﺳﻞ وﻣﺆﻧﺲ ﺻﺎدر ﺑﻮﺟﻪ اﳋﺼﻮص ﻣﻦ ﺻﻮت رﺟﺎﱄ .وﻗﺪ ﺗﻜﺮس اﺻﻄﻼح أﺳﻬﺮوري وورد ﰲ اﻟﺸﻌﺮ اﶈﻠﻲ ﲟﻌﻨﺎﻩ ﻛﻤﺎ ﰲ ﻫﺬﻩ اﳌﻘﻄﻮﻋﺔ: ara ya rara rara; aš asehrurey si lћeËË may zzeg sad dd yaγ nnum ; wikk ifËqen wikk innum أرا ﻳﺎ رارا رارا ،ﻓﻤﺎ ﺑﺚ اﻟﺸﻜﻮى إﻻ ﻟﻠﻮﻋﺔ وﻣﻦ أﻳﻦ اﻟﺴﺒﻴﻞ ﻟﺪﻋﺔ ﺑﻌﺪ ﻓﺮاق اﳊﺒﻴﺐ. إﻻ أﻧﻪ إذا ﺧﺮﺟﻨﺎ ﻣﻦ اﳌﻌﲎ اﳌﻮﺳﻊ ﻷﺳﻬﺮوري ﺑﺎﻋﺘﺒﺎرﻩ دﻓﻘﺎ ﻣﻮزوﻧﺎ ﻣﻦ اﻟﻘﻮل اﻟﺸﻌﺮي اﳌﻨﻈﻮم ،إﱃ ﻣﻌﻨﺎﻩ اﻟﻀﻴﻖ اﳌﺒﲏ ﻋﻠﻰ وﻇﻴﻔﺘﻪ ﻛﻤﺎ ﺣﺪدﻧﺎﻫﺎ ﺳﺎﺑﻘﺎ ﰲ اﻟﺘﻨﺸﻴﻂ أو أﺳﺮﻛﺾ واﳍﺪﻫﺪة أزوزن ،ﻓﺈن اﳌﺼﻄﻠﺢ ﻳﻨﺴﺤﺐ ﺬا اﳌﻌﲎ ﻛﺬﻟﻚ ﻋﻠﻰ أﳕﺎط ﻣﻦ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻨﺴﺎﺋﻲ اﻟﺬي ﳛﺪد ﲟﻨﺎﺳﺒﺘﻪ وﺑﺎﳌﻮﺿﻮﻋﺎت اﻟﱵ ﻳﺘﻄﺮق إﻟﻴﻬﺎ .وﻣﻦ ﰒ ﳒﺪ ﻣﺴﻤﻴﺎت ﻣﺮﻛﺒﺔ ﻣﻦ ﻗﺒﻴﻞ أﺳﻬﺮوري ن ْرﺷﻞ ،وأﺳﻬﺮوري ن وزﻃﺎ ،وأﺳﻬﺮوري ن اﻟﺤﺠﺎج .ﻛﻤﺎ أن اﳌﺼﻄﻠﺢ ﻳﺸﻤﻞ إﱃ ﺟﺎﻧﺐ ذﻟﻚ ﻛﻞ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﱵ ﺗﺘﻨﺎول َ ﻣﻮﺿﻮﻋﺎت ﳘﻮم اﳌﺮأة اﻟﻌﺎﻃﻔﻴﺔ واﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ واﻟﻮﺟﻮدﻳﺔ .واﳌﻼﺣﻆ ﰲ ﻫﺬا اﻟﻨﻤﻂ اﻟﺸﻌﺮي ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﻟﺸﻜﻞ أﻧﻪ ﻳﺄﰐ ﰲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﺑﻴﺘﲔ ﻣﺘﻜﺎﻣﻠﻲ اﳌﻌﲎ ،ﻛﻤﺎ ﻗﺪ ﻳﺘﻌﺪاﳘﺎ إﱃ ﲬﺴﺔ أﺑﻴﺎت أو أﻛﺜﺮ ،وﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﳝﻜﻦ اﻟﻘﻮل إن اﳌﺼﻄﻠﺢ اﻟﻌﺎم أﺳﻬﺮوري ﻳﻔﺼﺢ ﻋﻦ ﻧﻮع ﻣﻦ اﻷداء ﺑﻐﺾ اﻟﻨﻈﺮ ﻋﻦ اﳌﻮﺿﻮع واﻟﺸﻜﻞ .وﺑﺎﻟﺘﺎﱄ ﻳﺼﻌﺐ ﻣﻘﺎرﻧﺘﻪ ﺑﺈﻳﺰﱄ أو ﺗﺎﻣﺎواﻳﺖ. وﻣﻦ اﻟﺸﻌﺮ ﻣﺎ ﻳﺮﺗﺒﻂ ﺑﺎﳋﺼﻮص ﺑﻌﻤﻞ اﻟﻨﺴﻴﺞ اﻟﺬي ﻳﺸﻜﻞ ﻣﻮردا ﻣﻦ اﳌﻮارد اﳌﺎدﻳﺔ اﻷﺳﺎﺳﻴﺔ اﻟﱵ ﺗﺴﻬﻢ ﺎ اﳌﺮأة ﰲ اﻗﺘﺼﺎد اﻷﺳﺮة .وﻗﺪ ﳜﺘﻠﻒ ﻋﻦ ﺳﺎﺑﻘﻪ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﻷداء واﻟﺘﻴﻤﺎت واﻟﺴﻴﺎق ،إذ ﻳﻠﻘﻰ ﺑﲔ اﻟﻨﺴﻮة ﺑﺸﻜﻞ ﻓﺮدي أو ﲨﺎﻋﻲ أﺛﻨﺎء اﺷﺘﻐﺎﳍﻦ ﺑﺎﻟﻐﺰل واﻟﻨﺴﺞ .وﻳﺘﻨﺎول ﻣﻮاﺿﻴﻊ ﻣﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺎﳊﺚ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻤﻞ وﻓﻮاﺋﺪﻩ وﻻ ﳜﻠﻮا ][306 ﻣﻦ اﻟﺼﻼة واﻟﺴﻼم ﻋﻠﻰ اﻟﻨﱯ واﻟﺘﻀﺮع إﱃ اﷲ واﻻﺳﺘﻌﺎﻧﺔ ﺑﺎﻷوﻟﻴﺎء .و ﻫﺬا اﻟﻨﻤﻂ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﺬي ﻳﺆدى ﺑﲔ اﳉﻤﺎﻋﺔ أﺛﻨﺎء اﻟﻌﻤﻞ ﳝﻜﻦ ﺗﻘﺴﻴﻤﻪ إﱃ ﻗﺴﻤﲔ .ﻗﺴﻢ ﻻ ﳒﺪ ﻟﻪ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎ ﺧﺎﺻﺎ وﻫﻮ اﳌﺘﻌﻠﻖ ﺑﺎﳊﺚ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻤﻞ وﻣﺜﺎل ذﻟﻚ : ahamt ahamt a lhlat inux ; llmemt ibubaš inux ad tsεed teqbilt nšemt ; ad imlel umγaË1 nšmt وﻗﺴﻢ آﺧﺮ ذو ﻃﺎﺑﻊ دﻳﲏ ﺑﺎﻷﺳﺎس. إﻻ أن اﻷﺷﻌﺎر اﻟﺪﻳﻨﻴﺔ اﻟﱵ ﻫﻲ ﰲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﻣﻨﻈﻮﻣﺎت ﻋﺮﺑﻴﺔ ﺗﺘﺨﺬ ﳍﺎ ﻣﺴﻤﻴﺎت ﻧﺎﺑﻌﺔ إﻣﺎ ﻣﻦ أداﺋﻬﺎ أو ﻣﻦ ﻣﻮﺿﻮﻋﺎﺎ وﻣﻦ ﰎ ﳒﺪ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎت ﻣﺜﻞ أﻣﺪح أﺷﻮق .واﳉﺪﻳﺮ ﺑﺎﻟﻘﻮل ﻫﻨﺎ إن أﺷﺮگ ﻳﻄﻠﻖ ﺑﺼﻔﺔ ﺧﺎﺻﺔ ﻋﻠﻰ اﻷﺷﻌﺎر وأﺷﺮگ و َ اﻟﱵ ﺗﻠﻘﻴﻬﺎ إﺣﺪى اﳌﺴﻨﺎت اﳊﺎﻓﻈﺎت ﰲ ﺣﻔﻞ اﻟﺰواج أو ﻋﻨﺪ ﺗﻮدﻳﻊ اﳊﺠﺎج ﺑﺼﻮت ﺣﺎد وﻣﺮﺗﻔﻊ ،ﳑﺎ ﳝﻴﺰﻩ ﻋﻦ أداء أﺳﻬﺮوري اﳍﺎدئ .ﻓﺎﳌﺼﻄﻠﺢ ﰲ ﺣﺪ ذاﺗﻪ إذن ﳛﻴﻞ ﻣﻦ ﺟﻬﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﺸﺮخ اﻟﺬي ﳛﺪﺛﻪ اﻟﺼﻮت ﰲ اﳍﻮاء أﺛﻨﺎء اﻷداء ،ﻛﻤﺎ ﻳﺪل ﻣﻦ ﺟﻬﺔ أﺧﺮى ﻋﻠﻰ اﻷﺛﺮ اﻟﺒﺎﻟﻎ اﻟﺬي ﳜﻠﻔﻪ اﳌﻌﲎ ﰲ اﻟﻘﻠﻮب اﳌﻨﻔﻄﺮة ،ذﻟﻚ ﻷن ﻣﻀﻤﻮﻧﻪ ﳚﻤﻊ ﺑﲔ اﻟﺪﻧﻴﺎ واﻵﺧﺮة ،اﻷﻧﺲ واﻟﻔﺮاق .وﻳﻌﺪ أﺷﺮگ ﻣﻦ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﱵ أﺧﺬت ﺗﻨﻘﺮض ﲟﻮت ﺣﻔﺎﻇﻬﺎ وﺑﺘﻐﲑ اﻟﻄﻘﻮس واﻟﺘﻘﺎﻟﻴﺪ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﺎ .أﻣﺎ أﺷﻮق ﻓﻴﺨﺘﻠﻒ ﻋﻦ ﺻﻨﻮﻩ أﺷﺮگ ﰲ ﻛﻮﻧﻪ ﺧﺎﺻﺎ ﺑﺎﻟﺮﺟﺎل اﻟﺬﻳﻦ ﻛﺎﻧﻮا ﻳﺼﺪﺣﻮن ﻛﺬﻟﻚ ﺑﺎﻟﺼﻼة ﻋﻠﻰ اﻟﺮﺳﻮل ﰲ ﻣﺴﺘﻬﻞ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﱵ ﻳﺒﺘﻬﻠﻮن ﻓﻴﻬﺎ وﻳﺘﻀﺮﻋﻮن ﺗﻮﺳﻼ ﻟﻠﻌﻮن أﺛﻨﺎء ﳑﺎرﺳﺘﻬﻢ ﻟﻸﺷﻐﺎل اﳉﻤﺎﻋﻴﺔ ﻣﺜﻞ دق أرﺿﻴﺔ اﻟﺼﻬﺎرﻳﺞ ،واﻷﺷﻐﺎل اﻟﻜﱪى ﻟﻠﺒﻨﺎء اﻟﱵ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﻘﺎم ﺑﺸﻜﻞ ﲨﺎﻋﻲ ﻓﻴﻤﺎ ﻳﻌﺮف ﺑﻌﻤﻠﻴﺔ ﺗﻮﻳﺰا .وﻫﻲ ﻛﺬﻟﻚ ﻣﻦ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﻌﺮﺑﻴﺔ ﰲ اﻟﻐﺎﻟﺐ واﻟﱵ ﺗﻼﺷﺖ ﻣﻊ ﺗﻼﺷﻲ أﺳﺲ وﻃﻘﻮس اﻷﻋﻤﺎل اﳉﻤﺎﻋﻴﺔ اﻟﺘﺂزرﻳﺔ .واﳉﺪﻳﺮ ﺑﺎﻟﺬﻛﺮ 1 ﺗﻄﻠﻖ ﻛﻠﻤﺔ أﻣﻐﺎر ﻛﺬﻟﻚ ﻋﻠﻰ ﻗﻄﻌﺔ ﻣﻦ اﻟﺼﻮف اﳌﻤﺸﻮط ﺑﻠﺒﺎﻗﺔ. ][307 ﻫﻨﺎ إن ﻣﺼﻄﻠﺢ أﺷﻮق ﻗﺪ ﻳﻔﻴﺪ ﺣﺎﻟﺔ اﻟﻮﺟﺪ اﻟﱵ ﺗﻮﺟﺪ ﻋﻠﻴﻬﺎ ﻛﺬﻟﻚ ﻣﺆدﻳﺔ وﺻﻠﺔ أﺷﺮگ. وﻏﲑ ﺑﻌﻴﺪ ﻋﻦ ﻣﻮﺿﻮع ﻫﺬﻩ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﺪﻳﻨﻴﺔ ﻣﺎ ﻳﻌﺮف ﺑﺄﻫﻠﻞ اﻟﺬي ﻳﻨﺤﺼﺮ ﳏﻠﻴﺎ ﰲ اﻷﺑﻴﺎت اﻟﺴﺘﺔ اﻟﱵ ﻳﱰﱎ ﺎ اﳌﺆذن ﺛﻼث ﻣﺮات ﻣﺴﺎء ﻛﻞ ﻳﻮم ﲬﻴﺲ ﰲ وﻗﺖ اﻟﻌﺸﺎء إﻳﺬاﻧﺎ ﺑﻴﻮم اﳉﻤﻌﺔ .وﻫﻲ أﺑﻴﺎت ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ ﺑﺎﻟﻌﺮﺑﻴﺔ ﰲ ﻣﺪح اﻟﺮﺳﻮل .وﻣﻦ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﱵ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﻮاﻛﺒﻬﺎ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﺪﻳﻨﻴﺔ ﻛﺬﻟﻚ ﻋﻤﻠﻴﺔ ﺗﻠﻘﻴﺢ اﻟﻨﺨﻴﻞ أدك َ◌ ُ◌ر" ،وﻫﻲ ﺣﺴﺐ ﻣﺎ ﺗﻮاﻓﺮ ﻟﺪﻳﻨﺎ ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﻗﺼﻴﺪة ﻋﺮﺑﻴﺔ أورد ﺗﺮﲨﺘﻬﺎ إﱃ " َ اﻟﻔﺮﻧﺴﻴﺔ روﺳﻮ )أﻧﻈﺮ اﳌﺮاﺟﻊ( وﱂ ﺗﺘﻮارث ﻣﻨﻬﺎ اﻷﺟﻴﺎل ﺑﻌﺪ ذﻟﻚ ﺳﻮى ﺑﻌﺾ اﻷﺑﻴﺎت ،وﻻ ﳜﺘﻠﻒ ﳊﻦ إﻧﺸﺎد ﻫﺬﻩ اﻷﺑﻴﺎت ﻋﻦ اﻟﻠﺤﻦ أو اﻹﻳﻘﺎع اﻟﺬي ﻳﺘﺨﺬﻩ أﻫﻠﻞ. وﻣﻦ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﱵ ﺗﻜﻮن ﺳﺎﳓﺔ ﺑﺎﻣﺘﻴﺎز ﻹﻟﻘﺎء اﻟﺸﻌﺮ ﻣﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﺰواج واﻻﺣﺘﻔﺎء ﺑﺎﳊﺠﺎج ﰲ ذﻫﺎﻢ وإﻳﺎﻢ .وﻗﺪ ﺗﺘﺨﺬ ﻫﺬﻩ اﻷﺷﻌﺎر ﻃﺎﺑﻌﺎ دﻳﻨﻴﺎ أو دﻧﻴﻮﻳﺎ أو ﳘﺎ ﻣﻌﺎ .واﳌﺼﻄﻠﺢ اﻟﺬي ﻳﻨﺴﺤﺐ ﻋﻠﻰ ﻫﺬﻩ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻻﺣﺘﻔﺎﻟﻴﺔ ﻫﻮ ﻣﺼﻄﻠﺢ أورار )ﺑﺘﻔﺨﻴﻢ اﻟﺮاء( .ورﻏﻢ أن اﻟﻜﻠﻤﺔ ﺗﻄﻠﻖ ﻋﻠﻰ اﳊﻔﻞ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ ﻛﻜﻞ وﺧﺎﺻﺔ ﻣﻨﻪ ﺣﻔﻞ اﻟﺰواج ،ﻓﺈن اﳉﺪﻳﺮ ﺑﺎﻟﺬﻛﺮ إن اﻟﻜﻠﻤﺔ ﺗﻔﻴﺪ اﻟﻠﻌﺐ واﻟﱰﻓﻴﻪ ،واﻟﻜﻠﻤﺔ ذاﺎ ﳒﺪﻫﺎ ﻏﲑ ﻣﻔﺨﻤﺔ ﰲ ﺗﺎﺷﻠﺤﻴﺖ ﺑﺎﳌﻌﲎ ذاﺗﻪ وﻣﻨﻬﺎ إﺳﻢ إﻣﺎرﻳﺮن اﻟﺬي ﻳﻔﻴﺪ اﻟﺸﻌﺮاء اﻟﺬﻳﻦ ﻳﺘﻌﺎﻃﻮن اﻟﺸﻌﺮ اﳊﻮاري ﰲ أﺣﻮاش أو أﺣﻴﺪوس .1ﻫﺬا ﰲ اﳊﲔ اﻟﺬي ﻳﻔﻴﺪ ﻓﻴﻪ ﺟﺬر ﻫﺬﻩ اﻟﻜﻠﻤﺔ ﻏﲑ اﳌﻔﺨﻢ ﳏﻠﻴﺎ ﻣﻌﲎ اﻟﺮد ،وﻣﻨﻪ ﺗﺮارﻳﺖ ن واوال ﲟﻌﲎ اﻟﺘﻌﻘﻴﺐ ﻋﻠﻰ اﻟﻘﻮل ،واﻟﺬي ﻳﻘﺘﻀﻲ ﺑﻄﺒﻴﻌﺔ اﳊﺎل وﺟﻮد ﺣﻮار ﺷﻌﺮي أﻣﺮارا ﺑﲔ ﻓﺮدﻳﻦ أو ﲨﺎﻋﺘﲔ. وﺧﻼﻓﺎ ﻋﻠﻰ ذﻟﻚ ﻳﺪل ﳏﻠﻴﺎ إﺳﻢ أﻣﺮارا ﺑﺎﻟﺘﻔﺨﻴﻢ اﻟﱰاﺷﻖ ﺑﺎﳊﺠﺎرة ،واﳌﺮاﻗﺒﺔ اﳌﺘﺒﺎدﻟﺔ. 1أﻧﻈﺮ أﲪﺪ ﻋﺼﻴﺪ ،2011 ،ص .6 ][308 ﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﳝﻜﻦ اﻟﻘﻮل إن ﺷﻌﺮ أورار ﻫﻮ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻮﺣﻴﺪ اﻟﺬي ﺗﺴﺘﻌﻤﻞ ﰲ أداﺋﻪ آﻻت اﻟﻨﻘﺮ اﻟﱵ ﺗﺴﺘﺪﻋﻲ اﻟﺮﻗﺺ أﺣﻴﺎﻧﺎ .وﻫﻮ ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﻋﺪة أﺑﻴﺎت ﻣﺘﻮارﺛﺔ ﺗﻨﺸﺪﻫﺎ اﻟﻨﺴﻮة ﲨﺎﻋﻴﺎ ﰲ ﻛﻞ ﻋﺮس ﻣﻊ ﺑﻌﺾ اﻟﺘﻐﻴﲑات اﻟﻄﻔﻴﻔﺔ ﺣﺴﺐ اﻟﺴﻴﺎق .وﻣﻦ ﺷﻌﺮ ﺑﻮارو ﰲ اﳉﻨﻮب اﻟﺸﺮﻗﻲ )ﺗﺎﻓﻴﻼﻟﺖ( ﻧﺬﻛﺮ أورار اﳋﺎص ﲝﻔﻞ اﻟﺰﻓﺎف واﻟﺬي ﻳﻌﺮف َ ﻫﺬﻩ اﳌﻘﻄﻮﻋﺔ: zzin illa da wiss ala nškË ; zzin illa da oiša d omË fËpmt teslulimt a tizednan ; oiša d omË llan mtawan اﳉﻤﺎل ﺑﺎد ﳌﻦ ﻳﺘﻐﲎ ﺑﻪ ،اﳉﻤﺎل ﲨﻊ ﺑﲔ ﻋﺎﺋﺸﺔ وﻋﻤﺮو اﻓﺮﺣﻦ وزﻏﺮدن ﻳﺎ ﻧﺴﺎء ﻓﻘﺪ اﻟﺘﺄم ﴰﻞ ﻋﺎﺋﺸﺔ وﻋﻤﺮو أﺷﺮگ، ﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﳝﻜﻦ اﻟﻘﻮل إن ﺟﻞ ﻫﺬﻩ اﳌﺼﻄﻠﺤﺎت :أﺳﻬﺮوري ،و َ أﺷﻮق ،وأﻫﻠَﻞ ﲢﻴﻞ ﰲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﻋﻠﻰ اﻟﻠﺤﻦ واﻹﻳﻘﺎع وﻃﺒﻴﻌﺔ اﻷداء اﻟﺼﻮﰐ اﻟﺬي و َ ﺗﻨﺸﺪ ﺑﻪ ﺗﻠﻚ اﻷﺻﻨﺎف ﻣﻦ اﻷﺷﻌﺎر ،وﺑﻪ ﺗﻌﺮف .وﻫﺬا ﻳﺴﺘﻮﺟﺐ ﻣﻨﺎ أﺧﺬ ﻋﻠﻢ اﳌﻮﺳﻴﻘﻰ ﺑﻌﲔ اﻻﻋﺘﺒﺎر ﰲ ﺗﺼﻨﻴﻒ ﻫﺬﻩ اﻷﺷﻌﺎر ﻋﻠﻤﺎ ﺑﺄﺎ ﺗﻨﺸﺪ ﻛﻠَﻬﺎ وﻻ ﺗﻘﺮأ ﺑﺸﻜﻞ ﻋﺎدي. اﻟﻨﻤﻂ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﺪﻳﲏ اﻵﺧﺮ واﻟﺬي ﻛﺎن ﻳﻠﻘﻰ ﰲ ﺟﻠﺴﺎت اﻟﺬﻛﺮ واﳌﻨﺎﺳﺒﺎت ﻛﻌﻴﺪ اﳌﻮﻟﺪ اﻟﻨﺒﻮي ﻳﺪﻋﻰ أﻣ َﺪح وﻫﻮ ﺷﻌﺮ ﰲ ﻣﺪح اﻟﺮﺳﻮل ﺗﻠﻘﻴﻪ اﻟﺰاﻫﺪات "ﺗﻴﻔﻘﻴﺮﻳﻦ" وﻛﺬا اﻟﺮﺟﺎل إﻣﺎ ﺑﺎﻟﻌﺮﺑﻴﺔ أو اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ .وﱂ ﺗﻜﻦ اﻟﻨﺴﺎء ﲡﺪن ﺣﺮﺟﺎ ﰲ إﻟﻘﺎء اﻟﺒﻌﺾ ﻣﻨﻪ ﰲ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﻜﱪى ﻛﺎﻟﺰواج .وﻧﻮرد ﻣﺜﺎﻻ ﻋﻦ ذﻟﻚ ﻫﺬﻳﻦ اﻟﺒﻴﺘﲔ. ÃÃlat usslam olik a sidi ya Ësul lleh Jmio lxlq ndh bik ššfaoa ya Ësul lleh ﻣﻦ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﱵ ﲢﻈﻰ ﲟﻜﺎﻧﺔ ﺧﺎﺻﺔ ﰲ ﺣﻴﺎة اﻟﻔﮕﻴﮕﻴﲔ ﻛﺬﻟﻚ ،اﳌﺂﰎ اﻟﱵ ﺗﻌﻘﺪﻫﺎ اﻟﻨﺴﺎء ﻟﻠﻌﺰاء وﻟﺮﺛﺎء اﻟﻔﻘﻴﺪ وذﻛﺮ ﻣﻨﺎﻗﺒﻪ ،وﻣﻦ ﰎ ﻳﻄﻠﻖ إﺳﻢ أﻧﺒﺰي ﻋﻠﻰ اﳌﻨﺎﺳﺒﺔ ﰲ ﺣﺪ ذاﺎ ﻛﻤﺎ ﻗﺪ ﻳﻄﻠﻖ ﺗﻮﺳﻌﺎ ﻟﻠﺪﻻﻟﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﺬي ﻳﻠﻘﻰ ﻓﻴﻬﺎ. ][309 وﻳﺘﻤﺜﻞ ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ اﻟﺮﺛﺎﺋﻲ اﻟﺬي ﻳﺴﻤﻰ أﻋ َﺪد ﺑﻮﺳﻂ اﳌﻐﺮب ﰲ ﺳﻠﺴﻠﺔ ﻣﻦ اﻷﺑﻴﺎت اﳌﺘﻤﺎﺳﻜﺔ اﻟﱵ ﻗﺪ ﺗﻄﻮل أو ﺗﻘﺼﺮ ﻟﺘﺸﻜﻞ اﳌﺮﺛﻴﺔ .وﻳﻌﺪ ﻫﺬا اﻟﺼﻨﻒ ﻛﺬﻟﻚ ﻣﻦ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﱵ ﺣﺎﻓﻈﺖ ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ وﻣﻀﻤﻮن ﻗﻠﻤﺎ ﺗﻐﲑ ﺣﱴ أن ﻛﻠﻤﺎت ﻣﺜﻞ أم ،وأب، وإﺑﻦ ،وأخ وأﺧﺖ وإﺑﻨﺔ ﻳﺘﺴﻊ ﻣﻌﻨﺎﻫﺎ ﻟﺘﺸﻤﻞ ﻛﻞ ﻓﻘﻴﺪ .وﺗﺘﺨﺬ اﳌﺮﺛﻴﺔ ﻛﻤﺎ ﻳﺒﺪو ﻣﻦ ﺗﻘﻄﻴﻌﻬﺎ ﺷﻜﻼ ﻫﺮﻣﻴﺎ ،ﻋﻠﻰ ﺧﻼف اﻷﺷﻌﺎر اﻷﺧﺮى ،إذ ﺗﺒﺪأ اﻟﻘﺼﻴﺪة ﺑﻨﺪاء اﻟﻔﻘﻴﺪ ﺣﺴﺐ ﻗﺮاﺑﺘﻪ وﻳﻠﻲ ذﻟﻚ إﻋﻼن اﳊﺪث واﻷﺛﺮ اﻟﺬي ﺧﻠﻔﻪ وﻛﻞ ذﻟﻚ ﰲ أﺑﻴﺎت ﻗﺪ ﺗﻨﻴﻒ ﻋﻠﻰ ﻋﺸﺮة ﻣﻘﺎﻃﻊ ﰲ اﻟﺒﺪاﻳﺔ ﻟﺘﺘﺴﻊ ﺗﺪرﳚﻴﺎ وﺗﺼﻞ ﰲ اﻟﻘﺎﻋﺪة إﱃ ﲦﺎﻧﻴﺔ ﻋﺸﺮ ﻣﻘﻄﻌﺎ ﰲ اﻟﺒﻴﺖ اﻟﻮاﺣﺪ .وﻟﻌﻞ ﻫﺬا اﻟﺸﻜﻞ اﳍﺮﻣﻲ ﻳﺬﻛﺮﻧﺎ ﲟﺪاﻓﻦ اﻟﻌﻬﻮد اﻟﻮﺛﻨﻴﺔ ﺗﻴﻜﺮﻛﺎرﻳﻦ اﻟﺸﺒﻴﻬﺔ ﺑﺄﻫﺮاﻣﺎت ﻣﺼﺮ اﻟﻘﺪﳝﺔ .وﻓﻴﻤﺎ ﻳﻠﻲ ﳕﻮذج ﰲ رﺛﺎء اﻷم. A yemma, a yemma ; d arra nnem 9 A yemma, a yemma ; d uÃaËay nnem 11 A yemm, a yemma ; d rrkizet nuÃaËay nnem 13 14 A yemma, a yemma ; wila njmeo tirkft ennem 16 A yemma, a yemma ; wikk ala nkemml aseymi wkk arra nnem ﻗﺪ ﺗﺘﻨﻮع أﳕﺎط اﻷﺷﻌﺎر ﺣﺴﺐ ﻣﻮاﺿﻴﻌﻬﺎ أو ﻣﻨﺎﺳﺒﺘﻬﺎ ﻛﺄﺷﻌﺎر اﻻﺳﺘﺴﻘﺎء واﻷﺷﻌﺎر اﻟﱵ ﺗﻘﺎل ﻋﻠﻰ ﻟﺴﺎن اﻷﻃﻔﺎل واﻟﻄﻴﻮر وﻏﲑﻫﺎ ﳑﺎ ﻻ ﻳﺪﺧﻞ ﲢﺖ ﻣﺴﻤﻴﺎت واﺿﺤﺔ ،إﻻ أن ﺷﻌﺮ اﳍﺠﺎء أو اﻟﻨﻘﺎﺋﺾ ﻗﺪ ﺣﻀﻲ ﲟﺼﻄﻠﺢ ﺧﺎص ﻳﺪﻋﻰ أﻣﻨﺎﻛﺎ اﻟﺬي ﻳﻘﺎﺑﻠﻪ إﱃ ﺣﺪ ﻣﺎ أﻧﻌﻴﺒﺎر ﰲ ﺗﺎﺷﻠﺤﻴﺖ وﺗﻴﻤﻨﺎﺿﻴﻦ ﰲ وﺳﻂ اﳌﻐﺮب وأﻣﺰﻋﺒﺮ ﻋﻨﺪ اﻟﻘﺒﺎﻳﻞ 1وإزران ن َرﺑﻮﻳﺰ ﰲ اﻟﺮﻳﻒ .وإن اﺧﺘﻠﻔﺖ اﻟﺘﺴﻤﻴﺔ وﻣﻨﺎﺳﺒﺎت ووﺿﻌﻴﺎت اﻷداء ﺑﲔ ﻫﺬﻩ اﳉﻬﺎت ،ﳑﺎ ﲤﻠﻴﻪ اﻟﻈﺮوف اﳋﺎﺻﺔ ﺑﻜﻞ ﻣﻨﻄﻘﺔ ،ﻓﺈن ﻫﺬا اﻟﻨﻤﻂ ﻻ ﻳﺰال ﺣﺎﺿﺮا ﳑﺎ ﻳﺪل ﻋﻠﻰ ﲡﺪرﻩ ﰲ ﻫﺬﻩ اﻟﺘﺠﻤﻌﺎت .وﻫﺬا اﻟﺼﻨﻒ ﻣﻦ اﻟﺸﻌﺮ اﳌﻮروث ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ أﺑﻴﺎت ﻻ ﺗﺰال ﺗﺘﻨﺎﻗﻠﻬﺎ اﻟﻨﺴﺎء وﺗُﻌﺪن إﻧﺘﺎﺟﻪ ﰲ ﲡﻤﻌﺎﻦ ،واﻟﻐﺮض ﻣﻨﻪ 1أﻧﻈﺮ ﳏﻤﺪ ﺟﻼوي .2009 ][310 ﺷﺤﺬ اﻟﻘﺮﳛﺔ وﺗﺼﻴﺪ اﳌﻌﺎﱐ واﻷوﺻﺎف ﻻﻧﺘﻘﺎد اﻟﻐﺮﱘ ،واﳊﺚ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻤﻞ ﻛﺬﻟﻚ. وﺗﺘﻢ ﻫﺬﻩ اﻟﻨﻘﺎﺋﺾ ﻋﻨﺪ اﻟﻨﺴﺎء ﺑﺸﻜﻞ ﺛﻨﺎﺋﻲ ﺑﲔ ﻓﺮدﻳﻦ أو ﺑﲔ ﳎﻤﻮﻋﺘﲔ ،ﰲ اﻟﺘﺠﻤﻌﺎت اﻟﱵ ﻳﻌﻘﺪﺎ ﻟﻠﻌﻤﻞ ﻛﺎﻟﻨﺴﺞ أو ﰲ أورار .أﻣﺎ ﻋﻨﺪ اﻟﺮﺟﺎل ﻓﻠﻢ ﻳﺼﻠﻨﺎ ﺳﻮى اﻟﻘﻠﻴﻞ ﻣﻨﻪ ﳑﺎ ﻳﺪل ﻋﻠﻰ اﻧﻘﺮاﺿﻪ ﻛﻤﻤﺎرﺳﺔ ﺣﻠﺖ ﳏﻠﻬﺎ ﻣﺎ ﻳﺪﻋﻰ ﺗﻮﻣﺰﻳﺎ اﻟﱵ اﲣﺬت ﳍﺎ اﻟﻨﺜﺮ ﺳﺒﻴﻼ واﺗﺴﻌﺖ ﻟﺘﺨﺮج ﻣﻦ ﳎﺎل اﳍﺠﺎء إﱃ ﺗﺼﻴﺪ اﳌﻔﺎرﻗﺎت واﻟﺘﻌﺒﲑ ﻋﻨﻬﺎ ﰲ أﺣﻠﻰ اﻟﺼﻮر .وﻣﻦ أﺷﻌﺎر أﻣﻨﺎﻛﺎ ﺑﲔ ﳎﻤﻮﻋﺘﲔ ﻣﻦ اﻟﻨﺴﺎء ﻫﺬا اﳌﺜﺎل:1 utšu nnex iÇiä utšu nšemt aËaћ a siwt wawiË tasirt nnex teäËeћ tasirt nšemt aËaћ a siwt wawiË وﻋﻠﻰ ﻫﺬا اﳌﻨﻮال وﻏﲑﻩ ﳒﺪ ﻣﻦ اﻷﺻﻮات اﻟﺮﺟﺎﻟﻴﺔ ﻗﺼﻴﺪة ﻃﻮﻳﻠﺔ ﲡﻤﻊ ﺑﲔ ﻫﺠﺎء اﻟﺒﻌﺾ وﻣﺪح اﻟﺒﻌﺾ اﻵﺧﺮ وﻫﻲ ﻣﻨﺴﻮﺑﺔ ﻟﻠﺸﺎﻋﺮ اﻟﻌﺮﰊ أوﺣﺎﺟﺎ 2واﻷرﺟﺢ أن اﻟﺸﺎﻋﺮ ﳝﺘﺢ ﻓﻴﻤﺎ ﻳﻨﺴﺐ إﻟﻴﻪ ﻣﻦ اﳌﻮروث اﳉﻤﻌﻲ ﻟﻠﻮاﺣﺔ ،وﻧﺬﻛﺮ ﻣﻦ ﻫﺬﻩ اﻷﺷﻌﺎر ﻣﺎ ﻳﻠﻲ:3 a brahim u lebbuz a tmart n uojluz aš lebda yili yelluÇ aš loqab niwdan a nanna tageddat a yibliwn n tγrdayt a yakkay n tudayt, a loqab n tzednan a yayniw n txabiyt a lxyar i tsellamin a isbћ it ššnbir am tnqlt n ujdir ittËaoan i lγdir واﻟﻘﺼﺎﺋﺪ اﻟﺮﺟﺎﻟﻴﺔ رﻏﻢ ﻗﻠﺘﻬﺎ ﻣﻘﺎرﻧﺔ ﻣﻊ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻨﺴﺎﺋﻲ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﻐﲎ ﰲ إﻳﻘﺴﻴﺮن ،ﻣﺮﻓﻮﻗﺔ ﺑﺎﻵﻻت اﳌﻮﺳﻴﻘﻴﺔ ﺣﻔﻼﻢ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺎﻟﻌﺮس اﻟﺘﻘﺴﺎﻳﺮ أو أﲰﺎرﻫﻢ َ 1أﻧﻈﺮ ﺣﺴﻦ ﺑﻦ ﻋﻤﺎرة ،2013 ،ص 516و .517 2ﺷﺎﻋﺮ ﻋﺎش ﰲ أواﺧﺮ اﻟﻘﺮن اﻟﻌﺸﺮﻳﻦ ،ﻋﺮف ﺑﺄﺷﻌﺎرﻩ اﳍﺰﻟﻴﺔ واﻟﻨﻘﺪﻳﺔ اﻟﺴﺎﺧﺮة. 3واﻓﺎﱐ ﺬﻩ اﻷﺑﻴﺎت اﻷﺳﺘﺎذ ﻋﺒﺪ اﳉﺒﺎر ﺣﺎﺟﺎ اﻟﺬي أﺷﻜﺮﻩ ﺬﻩ اﳌﻨﺎﺳﺒﺔ. ][311 اﻟﻮﺗﺮﻳﺔ واﻟﻨﻘﺮﻳﺔ .وﳜﺼﺺ ﰲ ﺣﻔﻼت اﻟﺰواج ﺑﻮﺟﻪ ﺧﺎص ﺣﻴﺰ ﻟﻠﺮﻗﺺ ﻋﻠﻰ إﻳﻘﺎع اﳌﻮﺳﻴﻘﻰ دون اﻟﻜﻠﻤﺎت ﳑﺎ ﻳﺪﻋﻰ اﻟﻤﺎﻳﺖ ،أو ﻟﺮﻗﺼﺔ اﻟﻌﻼوي اﻟﱵ ﺗﺘﻢ ﻋﻠﻰ إﻳﻘﺎع اﻟﺪف واﻟﻐﺎﻳﻄﺔ .ﻛﻤﺎ ﳜﺼﺺ ﻓﻴﻬﺎ أﻳﻀﺎ ﺣﻴﺰ ﻟﻼﺳﱰاﺣﺔ ﻳﻨﱪي ﻓﻴﻬﺎ ﺟﻬﺎﺑﺬة ﺗﻮﻣﺰﻳﺎ ﻹﺳﻌﺎد اﶈﻴﻄﲔ ﻢ ﺑﺘﺸﺒﻴﻬﺎت واﺳﺘﻌﺎرات ﺑﻠﻴﻐﺔ وﺳﺎﺧﺮة ،ﻳﺴﺘﻘﻮﺎ ﻣﻦ ﳏﻴﻄﻬﻢ وﺧﺎﺻﺔ ﻣﻦ ﺳﻠﻮك اﻷﺷﺨﺎص اﳊﺎﺿﺮﻳﻦ وﺧﻠﻘﺘﻬﻢ وﺗﺼﺮﻓﺎﻢ .ﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﻧﻼﺣﻆ وﻓﺮة ﺷﻌﺮ اﳌﺒﺎرزة ﰲ ﻣﻨﺎﻃﻖ أﺧﺮى وﺑﺮوز ﺷﻌﺮاء ﰲ ﻫﺬا اﻟﺼﻨﻒ ،ﻳﻘﺎﺑﻠﻪ اﻫﺘﻤﺎم ﺑﺎﻟﻎ ﰲ ﻓﮕﻴﮓ ﺑﺎﻟﺘﺸﺒﻴﻬﺎت اﻟﻨﺜﺮﻳﺔ اﳌﻮﺟﺰة ﻛﻤﺎ ذﻛﺮﻧﺎ ﻋﻦ ﺗﻮﻣﮋﻳﺎ. وﻣﻦ أﺷﻬﺮ اﻷﺑﻴﺎت اﻟﺮﺟﺎﻟﻴﺔ اﳌﻐﻨﺎة ﻗﺼﻴﺪة ﻣﺎﻣﺎ َﻳﺰا اﳊﻜﺎﺋﻴﺔ إذ ﺗﺴﺘﺤﻀﺮ ﻫﺠﺮة اﻷب وﻗﺼﺔ ﺳﻴﺪﻧﺎ ﻳﻮﺳﻒ ،وﻗﺼﻴﺪة وﺗﻴﺦ ﺗﺎزﻛﻮرت "اﺳﺘﻬﺪﻓﺖ ﺣﺠﻠﺔ" ،وﻫﻲ ﻗﺼﻴﺪة ﻏﺰﻟﻴﺔ ﺗﺄﻧﻒ اﻟﻨﺴﺎء ﻋﻦ ﲰﺎﻋﻬﺎ ،وﻣﻄﻠﻌﻬﻤﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﺘﻮاﱄ: A mamma yezza, uš ax dd aziza ; llah llah Ad ss nawy i baba, baba w da yelli ; llah llah Utix tazekkurt ukk urtu n beËËa, llah llah Ifay ul tufiy, ifaddn ul llin ; llah llah ﺧﺘﺎﻣﺎ ﳝﻜﻦ اﻟﻘﻮل ،إن ﻣﺎ ﲢﻔﻈﻪ اﻟﺬاﻛﺮة اﳉﻤﻌﻴﺔ ﻣﻦ اﻷﺷﻌﺎر اﶈﻠﻴﺔ ﻻ ﻳﺰال ﰲ ﺣﺎﺟﺔ إﱃ اﳉﻤﻊ واﻟﺪراﺳﺔ ﻗﺒﻞ ﻓﻮات اﻷوان ﺣﱴ ﺗﻜﺘﻤﻞ اﻟﺼﻮرة ﻋﻦ ﻫﺬا اﳌﻮروث اﻟﺬي ﻳﺘﻘﺎﺳﻢ اﻟﻜﺜﲑ ﻣﻦ اﳌﻼﻣﺢ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﻷداء واﻟﺸﻜﻞ واﳌﻀﻤﻮن ﻣﻊ ﺑﺎﻗﻲ اﳌﻨﺎﻃﻖ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ،وﺣﱴ ﻳﺘﺴﲎ ﻟﻠﺒﺎﺣﺜﲔ اﻟﻌﻤﻞ ﻋﻠﻰ ﻋﻘﺪ اﳌﻘﺎرﻧﺎت اﳍﺎدﻓﺔ ،وﺗﻮﺣﻴﺪ اﻟﺘﺼﻨﻴﻒ ،وﺗﺼﺮﻳﻒ اﻟﺘﺴﻤﻴﺎت اﳌﺘﻌﺪدة إﱃ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎت وﻣﻔﺎﻫﻴﻢ ﺗﺴﺘﺠﻴﺐ ﳌﺘﻄﻠﺒﺎت اﻟﻮﺻﻒ اﻟﺘﻘﲏ اﳌﺄﻣﻮل. ][312 ﺑﻴﺒﻠﻴﻮﻏﺮاﻓﻴﺎ ﻣﻄﺒﻌﺔ اﳌﻌﺎرف، أﻧﻄﻮﻟﻮﺟﻴﺎ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ،2011 ،إدرﻳﺲ أزﺿﻮض . اﻟﺮﺑﺎط،اﳉﺪﻳﺪة اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻘﺒﺎﺋﻠﻲ اﻟﺘﻘﻠﻴﺪي )أﺟﻨﺎس وأﺷﻜﺎل،2009 ،ﳏﻤﺪ ﺟﻼوي ﻣﻄﺒﻌﺔ اﳌﻌﺎرف،" ﻣﻨﺸﻮر ﺿﻤﻦ "اﻷﳕﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﻟﺘﻘﻠﻴﺪﻳﺔ،(وﻣﻮﺿﻮﻋﺎت . اﻟﺮﺑﺎط،اﳉﺪﻳﺪة ، ﻣﺸﺎﻫﲑ ﺷﻌﺮاء أﺣﻮاش ﰲ اﻟﻘﺮن اﻟﻌﺸﺮﻳﻦ، إﻣﺎرﻳﺮن،2011 ،أﲪﺪ ﻋﺼﻴﺪ .ﻣﻄﺒﻌﺔ اﳌﻌﺎرف اﳉﺪﻳﺪة –اﻟﺮﺑﺎط • Benamara, H., 2013, Dictionnaire amazighe – français, parler de figuig et ses régions, El Maarif Al Jadida – Rabat. • Benamara, H, Anthologie de la poésie amzighe de figuig, (à paraitre dans Berber Studies) • Saa, F., 2008, Notes sur la poésie de figuig. 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[313] @@ČðŠÈČ’Ûa@ä¦a@bîÏaŠÌu @…òČîÌí‹bßþaë@òČîiŠÈÛa@´i@ŠÈČ’Ûa@āaŠËc@Ñîä–nÛ@òã‰bÔß@òa‰ ---------------------- د .ﻓﺮﺣـ ـ ـ ـﺎت ﺑﻠـ ـ ـ ـ ـﻮﻟﻲ. ﺟﺎﻣﻌﺔ أﻛﻠﻲ ﻣﺤﻨﺪ أوﻟﺤﺎج – اﻟﺒﻮﻳﺮة : ,* , اﻟﺸﻌﺮ أﻗﺪم اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴّﺔ ﰲ أﻏﻠﺐ اﻟﻠّﻐﺎت ،وﻫﻮ ﻣﻦ اﻷﺟﻨﺎس ﻳُﻌﺪ ّ اﻟﺸﻌﺮ أن ﻳُﺆدى أﻣﺎم اﳌﻸ، ﻔﻮي ﻟﻠّﻐﺔ؛ ﻷ ّن اﻷﺻﻞ ﰲ ّ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ أّﳝﺎ ارﺗﺒﺎط ﺑﺎﻟﻄّﺎﺑﻊ ّ اﻟﺸ ّ وﻧﻈﺮا ِﻟﻘﺪﻣﻪ ،ﻓﻘﺪ اﺳﺘﻘﺮت اﻟﻜﺜﲑ ﻣﻦ اﻟﻠّﻐﺎت ﻋﻠﻰ وﰲ ﺑﻌﺾ اﻷﺣﻮال ﻳﺮﲡﻞ ارﲡﺎﻻً ، ﻟﻜﻦ اﳌﻼﺣﻆ أ ّن ﺗﻠﻚ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت ﻟﻴﺴﺖ إﻻ ﲢﺪﻳﺪات آﻧﻴّﺔ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت ﻷﻏﺮاﺿﻪ؛ ّ ﺑﺘﻐﲑ اﻷوﺿﺎع واﻷﺻﻘﺎع واﻷوﻗﺎت ،وﻳـَﺘﺒﻊ ﻓﻴﻬﺎ اﳌﺼﻨﻔﻮن ﻣﻌﺎﻳﲑ ﻛﺜﲑة ﺗﺘﻐﲑ ورﺧﻮة؛ ُ وﻣﺘﻌﺪدة ،وﻟﻴﺴﺖ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ وﻻ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﺳﺘﺜﻨﺎءً ﰲ ذﻟﻚ ،ﻓﻠﺪﻳﻬﻤﺎ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت ﺗُﻨﻌﺖ ﻋﻠﻰ ّأﺎ ﻗﺪﳝﺔ ﻣﺜﻞ :اﻟﻐﺰل واﻟﻔﺨﺮ واﻟﺮﺛﺎء ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ اﻟﻘﺪﳝﺔ ،ﻛﻤﺎ ﳒﺪ ﰲ ﻟﻠﺸﻌﺮ اﻟﻘﺪﱘ ﻣﺜﻞ) :أﺷﻮﻳﻖ (Acewwiq-و)ﺛﻴﺒﻮﻏﺎرﻳﻦ- ﻳﻐﻲ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت ّ اﻟﻨّﻘﺪ اﻷﻣﺎز ّ اﻟﺸﻌﺮ ﲢﺮﻛﺖ ﺣﺪودﻫﺎ ﰲ ﻋﺼﺮﻧﺎ ،ورّﲟﺎ ﻣﻨﻬﺎ ...(Tibugharinوﻫﻲ ﻛﻠّﻬﺎ أﺻﻨﺎف ﻣﻦ ّ اﻟﺸﻌﺮ؛ إن ﻗﻠﻴﻼ أو ﻛﺜﲑا ،وﰲ ﻫﺬا اﻻﲡﺎﻩ، ﻣﺎ ﱂ ﻳﻌﺪ ﻣﻮﺟﻮدا ، ﻓﺘﻐﲑت ﺟﻐﺮاﻓﻴﺎ ﺟﻨﺲ ّ اﻟﺖ ّ◌ﻗﺎﻃﻊ ﺑﲔ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻠّﻐﺘﲔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﺳﻨﺤﺎول ﰲ ﻋﻤﻠﻨﺎ ﻫﺬا اﻟﺒﺤﺚ ﻋﻦ أﻣﺎﻛﻦ ّ اﻟﺖ ّ◌ﺷﺎﺑﻪ ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ؟ وﻣﺎ ﻫﻲ أوﺟﻪ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ﻟﻠﺠﻨﺲ ّ ﻌﺮي؛ ﻓﻤﺎ ﻫﻲ أوﺟﻪ ّ اﻟﺸ ّ اﻻﺧﺘﻼف؟ وﻣﺎذا ﻳُﻔﺴﺮ ﻛﻼ اﳊﺎﻟﺘﲔ؟ ][314 @ @@ZH|Üİ–½a@¿@ñõaŠÓI@Čïi…c@äv×@ŠÈČ’Ûa M@ 1 اﻷدﰊ ﳎﻤﻮﻋﺔ ﻛﺒﲑة ﻣﻦ اﻟﻨّﺼﻮص اﻟﱵ ﲡﻤﻌﻬﺎ ﺻﻼت ﻳُﺸﻜﻞ اﻟﻔﻀﺎء ّ ﻟﻜﻦ ﻋﻲ واﻟ ّﺬاﰐّ اﻟﺬي ﳝﻴّﺰﻫﺎ ﻋﻦ ﻏﲑﻫﺎ ﻣﻦ اﻟﻨّﺼﻮصّ ، ﻃﻔﻴﻔﺔ ﻣﺘﻤﺜﻠﺔ ﰲ اﳊﺲ اﻹﺑﺪا ّ اﻟﺸﻌﺮ... ﻫﺬا اﻟﻔﻀﺎء ﻗﺎﺑﻞ ﻟﻠﺘّﺼﻨﻴﻒ إﱃ ﳎﻤﻮﻋﺎت أﺻﻐﺮ ﺣﺠﻤﺎ ﻛﺎﻟﻘﺼﺔ واﳌﺴﺮﺣﻴّﺔ و ّ وﻫﺬا ﻣﺎ ﻧﺴﻤﻴﻪ ﻋﺎدة ﺑﺎﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴّﺔ ،ﻓﻤﺎذا ﻧﻌﲏ ﺎ؟ وﻣﺎ ﻫﻲ ﳏﺘﻮﻳﺎت اﳉﻨﺲ ﺑﺎﻟﻀﺒﻂ -ﺑﺎﻋﺘﺒﺎرﻩ ﻣﻮﺿﻮع ﻫﺬا اﻟﻌﻤﻞ-؟ ّ ﻌﺮي ّ اﻟﺸ ّ اﻷدﺑﻲ :ﳝﺜﻞ اﳉﻨﺲ :1.1اﻟﺠﻨﺲ اﻷدﰊ ﰲ ﻣﺎﻫﻴﺘﻪ ﻋﻤﻼ ﺗﺼﻨﻴﻔﻴّﺎ 1ﻤﻮﻋﺔ ﻣﻦ ّ ّ اﻟﻨّﺼﻮص ،وﻗﺪ ﻋﺮﻓﺖ أﻏﻠﺐ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت ﻣﺜﻞ ﻫﺬﻩ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت ،وﻣﺎ ﳝﻜﻦ ﻣﻼﺣﻈﺘﻪ ﺑﺸﻜﻞ ﻋﺎم ﻫﻮ: ﻗِﺪم ﺗﻔﻄﻦ اﻹﻧﺴﺎن إﱃ وﺟﻮد ﻫﺬﻩ اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴّﺔ ﺣﻴﺚ ﻋﺮﻓﻬﺎ اﻟﻌﺮب ﻣﻨﺬ اﳉﺎﻫﻠﻴّﺔ ،ﻛﻤﺎ ﻋﺮﻓﻬﺎ اﻟﻐﺮب ﻣﻨﺬ اﳊﻀﺎرة اﻹﻏﺮﻳﻘﻴّﺔ واﻟﻴﻮﻧﺎﻧﻴّﺔ... ﻋﺪم وﺿﻮح اﻻﻋﺘﺒﺎرات اﻟﱵ ﺗﻘﻮم ﻋﻠﻴﻬﺎ ﺗﻠﻚ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت.2وﻗﺪ ذﻛﺮ )ﻣﻌﺠﻢ ﲢﻠﻴﻞ اﳋﻄﺎب 3(Dictionnaire d'analyse-ﰲ ﻣﻌﺮض ﺣﺪﻳﺜﻪ ﻋﻦ أﺟﻨﺎس اﳋﻄﺎب∗ أ ّن ﻣﻌﺎﻳﲑ ﺗﺼﻨﻴﻒ اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴّﺔ ،ﻋﻠﻰ اﻷﻗﻞ ﻋﻨﺪ اﻟﻐﺮﺑﻴﲔ، ﳐﺘﻠﻔﺔ ﻣﻦ ﻣﻨﻈﻮر إﱃ آﺧﺮ ،وﻗﺪ ذﻛﺮ ﺛﻼﺛﺔ ﻣﻌﺎﻳﲑ ﻫﻲ: اﻷﺴﺎﺴﻴﺔ ﻓﻲ ﺘﺤﻠﻴل اﻝﺨطﺎب ،ﺴﻠﺴﻠﺔ ﻤﻘﺎرﺒﺎت آداب وﻝﻐﺎت ،ط .02اﻝﺠزاﺌر: ﻤوﺴﺎوي ﻓرﻴدة ،اﻝﻤﻔﺎﻫﻴمّ 2010م ،ﻋﺎﻝم اﻝﻜﺘب ،ص .44 2 - Patrick Charaudeau, Dominique Maingueneau, Dictionnaire d'analyse, du discours, Paris: 2002, Ed. le Seuil, Genre de discours. -3ﻨﻔﺴﻪ. ﺼﻨﻴﻔﻴﺔ –داﺌﻤﺎ -ﻝﻠﺨطﺎب ،ﺒﺸﻜل ﻋﺎم؛ اﻷدﺒﻴﺔ؛ ﻝﻜن ﻴﻨﺒﻨﻲ ﻋﻠﻰ ∗ -وﻫو ﻤﻔﻬوم أﺸﻤل ﻤن اﻷﺠﻨﺎس اﻝﻌﻤﻠﻴﺔ اﻝﺘّ ّ ّ ّ اﻷدﺒﻲ. اﻝﻌﻠﻤﻲ ...ﺒﻤﺎ ﻓﻴﻪ اﻝﺨطﺎب ﺤﺎﻓﻲ و ﻜﺎﻝﺨطﺎب ّ ّ ّ اﻝﺼ ّ 1 ][315 اﻟﺸﻌﺮ واﳌﺴﺮح .. ﻣﻨﻄﻠﻘﺎت اﻟ ّ ﺸﻜﻞ واﻟﻤﺤﺘﻮى واﻟﻨّﻈﻢ :ﳝﻴﺰون ﺑﲔ ّ ﻣﻨﻄﻠﻘﺎت ﺗﺼﻮر اﻟﻮاﻗﻊ واﻟﻌﺎﻟﻢ :ﻗُﺴﻤﺖ اﻟﻨّﺼﻮص ،وﻓﻘﺎ ﳍﺬا اﳌﻨﻄﻠﻖ ،إﱃ ﻧﺼﻮص واﻗﻌﻴّﺔ وﻧﺼﻮص ﺳﺮﻳﺎﻟﻴّﺔ... ﻣﻨﻄﻠﻘﺎت اﻟﺘّﻨﻈﻴﻢ اﻟﺘّﻠﻔﻈﻲ :ﻫﻨﺎك ،وﻓﻘﺎ ﳍﺬا اﳌﻨﻄﻠﻖ ،أﻧﻮاع ﻟﻠﻨّﺼﻮص اﻷدﺑﻴّﺔ اﻟﺴﲑة اﻟ ّﺬاﺗﻴّﺔ... ﻣﺜﻞ ّ : اﻟﺮواﻳّﺔ اﻟﺘّﺎرﳜﻴّﺔّ ، وﻟﻌﻞ ﻣﻨﺘﻬﻰ وأﺷﻬﺮ ﻫﺬﻩ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻘﺪﳝﺔ ﻟﻸدب ﻫﻮ اﻟﺘّﻤﻴﻴﺰ ﺑﲔ اﻟﺸﻌﺮ واﻟﻨّﺜﺮ ،وﻫﻮ اﳌﻨﻄﻠﻖ اﻟﺬي ﻧﺘﺨﺬﻩ ﰲ ﻫﺬﻩ ﻃﺎﺋﻔﺘﲔ ﻛﺒﲑﺗﲔ ﻣﻦ اﻷﺟﻨﺎس؛ وﳘﺎ ّ اﻟﺸﻌﺮ دون اﻟﻨّﺜﺮ ،ﻓﻤﺎ اﻟ ّﺪراﺳﺔ ﺣﻴﺚ ﺳﻨﺪرس ﺟﺎﻧﺒﺎ واﺣﺪا ﻣﻦ اﻷدب ،وﻫﻮ ﺟﻨﺲ ّ اﻟﺸﻌﺮ؟ أو ﺑﺎﻷﺣﺮى ﻣﺎ اﳌﻘﺼﻮد ﺑﻪ؟ ﻫﻮ ّ اﻟﺸﻌﺮ ﻣﻨﺬ ﻣﺮاﺣﻠﻬﺎ اﻷوﱃ ،وﻟﻜﻦ :2.1ﻣﺎﻫﻴّﺔ اﻟ ّ ﻛﻞ اﻷﺟﻨﺎس اﻟﺒّﺸﺮﻳّﺔ ّ ﺸﻌﺮ :ﻋﺮﻓﺖ ّ ﻣﺮاﺣﻞ اﻟﺘّﻨﻈﲑ ﻟﻪ ﱂ ﺗﻜﻦ إﻻ ﰲ ﻣﺮاﺣﻞ ﺑﻌﺪﻳّﺔ؛ وﻫﺬا ﻣﻦ ﻃﺒﻴﻌﺔ اﻷﺷﻴﺎء ،وﳝﻜﻦ اﻟﻘﻮل ﻐﻮي ،وﻳﺘﻤﻴّﺰ إ ّن ّ اﻟﺸﻌﺮ ﺟﻨﺲ ﻣﻦ اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴّﺔ ﻳﻌﺘﻤﺪ ﰲ ﺟﻮﻫﺮﻩ ﻋﻠﻰ اﻹﺑﺪاع اﻟﻠّ ّ ﻛﻞ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت ﻧﺎﻗﺸﺖ ﻣﺎﻫﻴﺘﻪ اﻟﺼﻮﺗﻴّﺔ اﻟﱵ ﻳﻠﺘﺰﻣﻬﺎ ّ ﺑﺎﻹﻳﻘﺎﻋﺎت ّ اﻟﺸﺎﻋﺮ ،وﻳﺒﺪو ﻟﻨﺎ أ ّن ّ ﺎﺋﻲ ﻋﻦ ﺗﻌﺮﻳﻔﻪ. دون أن ﺗﺼﻞ إﱃ اﺗﻔﺎق ّ اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ﺣﺪﻳﺚ اﻟﻌﻬﺪ؛ ﻻ ﻳﺘﻌﺪى اﻟﻘﺮن ﻳُﻌﺪ اﻟﺘّﻨﻈﲑ ﳌﺎﻫﻴﺔ ّ اﳌﺎﺿﻲ ،وﻗﺪ اﺧﺘﻠﻒ اﻟ ّﺪارﺳﻮن ﰲ ﺗﺴﻤﻴﺔ اﳉﻨﺲ ﰲ ﺣﺪ ذاﺗﻪ ،ﻓﺮﺻﺪ اﻟﺒﺎﺣﺚ ﳏﻤﺪ ّ ﺟﻼوي اﻟﻌﺪﻳﺪ ﻣﻦ اﻟﺘّﺴﻤﻴﺎت ﻣﻨﻬﺎ):آﺳﻔﺮو (Asefru-و)أﺣﻴﺤﺎ (Aḥiḥa-و)أﻗﻮﱄ- (Aquliو)ﺛﺎﻓﺼﻴﺤﺚ (Tafsiḥt-و)ﺛﺎﻣﺬﻳﺎزث ...1(Tamedyazt-وﻳﺼﻌﺐ ،ﺗﺒﻌﺎ ﳍﺬا ﻌﺮي ﰲ ﺣﺪ ذاﺗﻪ ،وﻗﺪ اﻻﺧﺘﻼف ﰲ اﻟﺘّﺴﻤﻴّﺔ ،إﳚﺎد ﻣﻨﻄﻠﻖ ﻟﺘﻌﺮﻳﻒ اﳉﻨﺲ ّ اﻟﺸ ّ درﺟﺖ اﻷﲝﺎث اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ﻋﻠﻰ ﺗﺴﻤﻴﺔ ﻫﺬا اﳉﻨﺲ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ ﲟﺴﻤﻰ ﻘﻠﻴدي، ﺠﻼوي ﻤﺤﻤد ،ﺘطور اﻝ ّﺸﻌراﻝﻘﺒﺎﺌﻠﻲ وﺨﺼﺎﺌﺼﻪ )ﺒﻴن اﻝﺘّﻘﻠﻴد واﻝﺤداﺜﺔ( ،اﻝﺠزء اﻷول :اﻝ ّﺸﻌر اﻝﺘّ ّ ّ ﻴﻐﻴﺔ ،اﻝﺠزاﺌر2009 ،م ،ص .380 ﺎﻤﻴﺔ ﻝﻸﻤﺎز ّ اﻝﺴ ّ اﻝﻤﺤﺎﻓظﺔ ّ 1 ][316 اﻟﺸﻲء اﻟﻜﺜﲑ ﺣﻴﺚ )ﺛﺎﻣﺬﻳﺎزت (Tamedyazt-ﻟﻜﻦ ﺑﺎﻟﻌﻮدة إﱃ ﻣﻌﻨﺎﻩ ،ﻓﻼ ﳒﺪ ّ ﻳُﻌﺮف ﻫﺬا اﳌﺼﻄﻠﺢ ﻋﻠﻰ أﻧّﻪ » ﻗﺼﻴﺪة ﻃﻮﻳﻠﺔ ﻣﻐﻨﺎة« 1وﻫﻨﺎ ﻧﻼﺣﻆ أ ّن اﻟﺘّﻌﺮﻳﻒ اﻟﺸﻌﺮ ﻣﺮﺗﺒﻄﺎ ﺑﺎﻟﻐﻨﺎء ﻓﻘﻂ ،ﻟﻜﻦ )اﳌﻮﺳﻮﻋﺔ اﻟﱪﺑﺮﻳّﺔ- ﻳﺘﻀﻤﻦ ﻛﻠﻤﺔ "ﻣﻐﻨﺎة"؛ ﳑﺎ ﳚﻌﻞ ّ (Encyclopédie berbèreﺗﻠﻐﻲ ﻫﺬﻩ اﻟﻜﻠﻤﺔ ،وﺗﻀﻴﻒ أﺷﻴﺎء أﺧﺮى؛ ﻓﺠﺎء ﺗﻌﺮﻳﻔﻬﺎ ﺎﱄ »:ﰲ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ) ...ﺛﺎﻣﺬﻳﺎزت- ﳌﺼﻄﻠﺢ )ﺛﺎﻣﺬﻳﺎزت (Tamedyazt-ﻛﺎﻟﺘّ ّ ﻛﻞ أﻧﻮاع اﳌﻮاﺿﻴﻊ اﻧﻄﻼﻗﺎ ﻣﻦ اﻟﻨّﻘﺪ (Tamedyaztﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﻗﺼﻴﺪة ﻃﻮﻳﻠﺔ ...ﺗﺘﻀﻤﻦ ّ اﻟﺴﻴﺎﺳﺔ ﻣﺮورا ﺑﺎﻷﺧﻼق واﻟﺘّﺤﻠﻴﻠﻴّﺔ ،وﻳُﻨﺘﺠﻬﺎ ﺷﺎﻋﺮ ﳏﱰف 2«...ﻓﻼ ﺎﻋﻲ إﱃ ّ اﻻﺟﺘﻤ ّ ﺑﺪ ﻣﻦ اﳌﻼﺣﻈﺔ –ﻫﺎﻫﻨﺎ -أ ّن اﳌﻮﺳﻮﻋﺔ ﺗﺮﺑﻂ ﻫﺬا اﳌﻔﻬﻮم ﲟﻌﻨﺎﻩ ﰲ اﻟﻠّﻬﺠﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﳌﻮﺟﻮدة ﰲ اﳌﻐﺮب دون اﻟﻠّﻬﺠﺎت اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﻷﺧﺮى ،ﻟﻜﻦ ﻳﺒﺪو ﻟﻨﺎ أ ّن ﻫﺬا اﻟﺘّﻌﺮﻳﻒ ﻫﻮ اﻷﻗﺮب ﳌﺎ ﻫﻮ ﻣﺘﻌﺎرف ﻋﻠﻴﻪ ﰲ اﻟﻠّﻐﺎت اﻷﺧﺮى. اﻟﺸﻌﺮ دﻳﻮاﻢ و»ﻋﻠﻢ ﻗﻮم ﱂ ﻳﻜﻦ ﳍﻢ ﻋﻠﻢ أﺻﺢ ﻣﻨﻪ«، وﻗﺪ اﻋﺘﱪ اﻟﻌﺮب ّ اﻟﺸﻌﺮ ﻣﻴﺰان اﻟﻘﻮم« 3وﻫﺬا ﻣﺎ ﻳﺜﺒﺖ اﳌﻜﺎﻧﺔ ﻛﻤﺎ ﻗﺎل اﻹﻣﺎم ﻋﻠﻲ )ﻛﺮم اﷲ وﺟﻬﻪ( » ّ اﻟﺸﻌﺮ، اﳌﺮﻣﻮﻗﺔ اﻟﱵ اﺣﺘﻠﻬﺎ ﰲ ﻓﻜﺮﻫﻢ ،وﻗﺪ اﺧﺘﻠﻒ اﻟ ّﺪارﺳﻮن ﰲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﰲ ﺗﻌﺮﻳﻒ ّ ﻟﻜﻦ أﺷﻬﺮ اﻟﺘّﻌﺎرﻳﻒ اﻟﱵ ﺗﺘﺪاوﳍﺎ اﻷدﺑﻴﺎت ﻫﻮ ﺗﻌﺮﻳﻒ ﻗﺪاﻣﺔ ﺑﻦ ﺟﻌﻔﺮ )ت 337ﻫـ( 4 اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﻣﺜﻠﺚ ﳝﻜﻦ اﻟﺘّﻤﺜﻴﻞ اﻟﺸﻌﺮ ﻛﻼم ﻟﻪ ﻣﻌﲎ ،ﻣﻮزون وﻣﻘﻔﻰ« ﻓﻜﺄن ّ » ّ ﺎﱄ: ﻟﻪ ّ ﺑﺎﻟﺸﻜﻞ اﻟﺘّ ّ @ ُ -1 - Berkai A., Lexique de linguistique berbère, Poétique. :H+ - http://ahmed.omari.ifrance.com 2 - http://encyclopedieberbere.revues.org/355 ) ا اق )درا -D ) Iى اB ،( 0 -I, ر 5 L ،ا ّ 2ا ّ 0ا -3س دة ا Nة >D ،ا ّ ا ، ّ 0ا اق2008 ،م ،ص .11 ا > 0 ، B *uوت /ن ،دار ا v-ا ّ ،د.ت ،ص .64 -4ا 5( ، * B 0ا ّ: L ، 2 ][317 اﻝﻤﻌﻨﻰ اﻝوزن اﻝﻘﺎﻓﻴﺔ ﻟﻠﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﻟﻴﺲ ﻋﻠﻰ ﻳﺘﺒﲔ أ ّن اﻟﺘّﻨﻈﲑ ّ وﻣﻦ ﺧﻼل ذﻟﻚ ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻌﺮﰊ ﻳﺘﻔﻖ ﻣﻊ ّ اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ؛ ّ اﻟﻨّﻈﺮة ﻧﻔﺴﻬﺎ ،ﻟﻜﻦ إذا ﻧﻈﺮﻧﺎ إﱃ اﳌﻤﺎرﺳﺔ ّ ﻓﺎﻟﺸﻌﺮ ّ ﻳﻐﻲ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ ﻛﻮﻧﻪ ﻛﻼم ذو ﻣﻌﲎ وﻗﺎﻓﻴّﺔ ،أﻣﺎ ﻗﻀﻴﺔ اﻟﻮزن ،ﻓﻬﻲ ﻣﺘﻔﻖ ﻋﻠﻴﻬﺎ اﻷﻣﺎز ّ ﻋﻠﻰ اﳌﺴﺘﻮى اﻟﻌﺎم ﻣﻦ ﺣﻴﺚ إ ّن ﺷﻌﺮ اﻟﻠّﻐﺘﲔ ﻟﻪ أوزان ،ﻟﻜﻦ ﻃﺒﻴﻌﺔ ﺗﻠﻚ اﻷوزان ودراﺳﺘﻬﺎ ُﳐﺘﻠَﻒ ﻓﻴﻬﺎ ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ ﺣﻴﺚ ﺗﻌﺘﻤﺪ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﻋﻠﻰ ﻣﺎ ﻳﺴﻤﻰ ﺑﺎﻟﺒﺤﻮر ﰒ اﻟﺘّﻔﻌﻴﻠﺔ اﻟﺸﻌﺮ اﳊﺪﻳﺚ ...أﻣﺎ ﰲ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ،ﻓﻴﻤﻴﻞ أﻏﻠﺐ اﻟ ّﺪارﺳﲔ ﻟﻠﻘﻮل إﻧّﻪ ﻧﻈﺎم ﰲ ّ اﳌﻘﺎﻃﻊ. اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ –ﻋﺎدة -ﰲ أﺷﻜﺎل ﳐﺘﻠﻔﺔ :3.1أﻏﺮاض اﻟ ّ اﻟﺸﻌﺮاء ﻣﻮادﻫﻢ ّ ﺐ ّ ﺸﻌﺮ :ﻳَ ُ ﺼُ اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ وﺑﺎﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ )،(Tiwsatin n tmedyazt درﺟﺖ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﻋﻠﻰ ﺗﺴﻤﻴﺘﻬﺎ اﻷﻏﺮاض ّ وﳝﻜﻦ ﺗﻌﺮﻳﻒ ﻫﺬﻩ اﻷﻏﺮاض ﻋﻠﻰ أ ّﺎ ...»:اﻟﻘﻮاﻟﺐ اﻟﻌﺎﻣﺔ اﻟﱵ اﺳﺘﻘﺮ اﻟﺸﻌﺮ ﻋﻠﻴﻬﺎ ﻣﻨﺬ ﻧﺸﺄﺗﻪ ،أو ﺑﻌﺒﺎرة أﺧﺮى ﻫﻲ اﻷﺷﻜﺎل اﻷدﺑﻴﺔ اﻟﱵ ﻳﻌﱪ ﻓﻴﻬﺎ اﻟﺸﻌﺮاء ﻋﻦ 1 اﻟﺸﻌﺮ ،ﰲ ﺣﺪ ذاﺗﻪ ،إﱃ أﺻﻨﺎف ﺑﺎﻟﺘ ﻴﻤﻜﻦ ﻓ ﻣﺸﺎﻋﺮﻫﻢ وأﻓﻜﺎرﻫﻢ«... ﺎﱄ ﺗﺼﻨﻴﻒ ّ ّ ّ اﻟﺮﺛﺎء أو )اﻷﺷﻮﻳﻖ( و)أزوزن( ...وﻫﻲ ﻛﻠّﻬﺎ ﻃُﺮق أﻗﻞ ﻋﻤﻮﻣﻴّﺔ ﻣﻨﻪ؛ ﻣﺜﻞ اﻟﻐﺰل واﳌﺪح و ّ 1 - http://mawdoo3.com/ ][318 اﻟﺸﻌﺮ -ﻛﻤﺎ ﺣﺪدﻧﺎﻩ ﰲ اﻟﺸﻌﺮ؛ ﻟﻜﻨّﻬﺎ ﻻ ﲣﺮج ﻋﻦ ﻣﺎﻫﻴﺔ ﺟﻨﺲ ّ ﻓﺮﻳﺪة ﻟﻘﺮض ّ اﻟﺴﺎﺑﻖ.- ّ اﻟﺸﻌﺮ ﻛﻞ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت ﻋﻠﻰ ﲤﻴﻴﺰ أﻧﻮاع ّ وﻟﻌﻞ ﻣﻔﻬﻮم اﻷﻏﺮاض ّ اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ ﻳﺴﺎﻋﺪ ّ ﻟﻠﺸﻌﺮ؛ ﻳﺴﺘﻌﻤﻠﻪ اﻟ ّﺪارس واﻟﻘﺎرئ ﰲ ﺛﻘﺎﻓﺔ ﺑﻌﻴﻨﻬﺎ ،ﻓﻬﺬﻩ اﻷﻏﺮاض ﻣﺒﺪأ ﺗﺼﻨﻴﻔﻲ ّ ّ ﻟﻜﻦ اﳌﻼﺣﻆ أ ّن ﺗﺼﻨﻴﻔﻬﺎ ُﳐﺘﻠﻒ ﻓﻴﻪ داﺧﻞ اﻟﺴﺎﻣﻊ ﻟﺘﻤﻴﻴﺰ أﻟﻮان ّ اﻟﺸﻌﺮ ﻋﻦ ﺑﻌﻀﻬﺎّ ، و ّ ﻛﻞ ﺛﻘﺎﻓﺔ ﰲ ﺣﺪ ذاﺎ ،وﺑﲔ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت أﻳﻀﺎ ،ﻏﲑ أ ّن ﻫﺬا ﻻ ﻳﻌﲏ ﻋﺪم وﺟﻮد ﻧﻘﺎط ّ ﻛﻞ اﻟﺘّﺤﺎﻟﻴﻞ؛ وﰲ ﻫﺬا اﻻﲡﺎﻩ ،ﺳﻴﻬﺘﻢ ﻋﻤﻠﻨﺎ ﻫﺬا ﺑﺎﳊﺪﻳﺚ ﻋﻦ ﻣﻨﻈﻮر ﻟﻠﺘّﻘﺎﻃﻊ ﺑﲔ ّ أدﰊ∗؛ ﻓﻤﺎ ﻫﻲ ﺣﺪود اﻟﺜّﻘﺎﻓﺔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻟﺜّﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ّ ﻟﻠﺸﻌﺮ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ ﻫﻮ ﺟﻨﺲ ّ اﻷﻏﺮاض ﰲ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺘﲔ؟ وﻣﺎ ﻫﻲ أوﺟﻪ اﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ واﻻﺧﺘﻼف ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ؟ وﻗﺒﻞ اﻹﺟﺎﺑﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺘﲔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ اﻟﺴﺆاﻟﲔ ﻻ ﺑﺪ ﻣﻦ اﻹﺷﺎرة إﱃ أ ّن ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت ّ ﻫﺬﻳﻦ ّ ﺗﺘﻐﲑ ﻣﻦ ﺣﻘﺒﺔ إﱃ أﺧﺮى ،وﺳﻨﻤﻴّﺰ ﰲ ﻫﺬا اﻟﻌﻤﻞ ﻛﻞ اﻟﺜﻘﺎﻓﺎت ّ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ،ورﲟﺎ ﰲ ّ ﺑﲔ ﻓﱰﺗﲔ ﻋﻠﻰ اﻷﻗﻞ؛ ﳘﺎ اﻟﻔﱰة اﻟﻘﺪﳝﺔ واﻟﻔﱰة اﳌﻌﺎﺻﺮة؛ وﻋﻠﻰ ﻫﺬا اﻟﻨّﺤﻮ ﺳﻴﺴﲑ ﲝﺜﻨﺎ. Zb¹†Ó@ČðŠÈČ’Ûa@ävÜÛ@HòČîÌí‹bßþaë@òČîiŠÈÛaI@´nÌNÜÛa@Ñîä–m@´i@òã‰bÔß@M@ 2 اﻟﺸﻌﺮ ﻣﻨﺬ زﻣﻦ ﺑﻌﻴﺪ ،وﻳﻌﻮد أﻗﺪم ﺷﻌﺮ ،وﺻﻠﻨﺎ أﺛﺮﻩ ،ﻷﻛﺜﺮ ﻣﻦ ﻣﺎﺋﺔ ﻋﺮﻓﺖ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ّ ﲬﺴﲔ ) (150ﺳﻨﺔ ﻗﺒﻞ اﳍﺠﺮة اﻟﻨّﺒﻮﻳّﺔ؛ أي ﺣﻮاﱄ 400ﻟﻠﻤﻴﻼد ،أﻣﺎ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ،ﻓﻘﺪ اﻧﺪﺛﺮ ﺷﻌﺮﻫﺎ اﻟﻘﺪﱘ ،وﱂ ﻳﺼﻠﻨﺎ ﻣﻨﻪ اﻟﻜﺜﲑ إﻻ ﻣﺎ ﻳﻌﻮد إﱃ ﻣﺎ ﻳﻘﺎرب ﺛﻼﺛﺔ ) (03ﻗﺮون؛ أي ﻣﻨﺬ ﺣﻮاﱄ 1700م ♣ ﺗﻘﺮﻳﺒﺎ ،وﻗﺪ اﻗﱰﺣﺖ اﳌﻤﺎرﺳﺎت اﻟﻨّﻘﺪﻳّﺔ اﻷدﺑﻴّﺔ اﻟﱵ ﺗﺒﻨﻴﻨﺎﻫﺎ ∗ اﻝدارﺴﻴن ﻓﻲ ﻜ ّل ﻝﻐﺔ ﻋﻠﻰ ﺤدة ،ﻓﻬذا ﻝﻴس ﻨﺸﻴر –ﻫﺎﻫﻨﺎ -إﻝﻰ ّأﻨﻨﺎ ﻝن ﻨدﺨل ﻓﻲ ﺘﻔﺎﺼﻴل اﻻﺨﺘﻼﻓﺎت ﺒﻴن ّﺎﻝﻲ ﺴﻨﻜﺘﻔﻲ ﻓﻲ ﺘﺼﻨﻴف ﻫدف د ارﺴﺘﻨﺎ؛ ﺒل ﻨرﻤﻲ إﻝﻰ ﻤﻌرﻓﺔ ﺤدود اﻷﻏراض ﺒﻴن اﻷﻤﺎز ّ ﻴﻐﻴﺔ واﻝﻌر ّﺒﻴﺔ؛ وﺒﺎﻝﺘّ ّ ﻴﻐﻴﺔ ﻴﻐﻴﺔ واﻝﻌر ّﺒﻴﺔ ﻋﻠﻰ ﻨﻤوذج واﺤد ﻋﻠﻰ ّأﻨﻪ ﻨظرّﻴﺎ ﻴﻤﺜل اﻝﺜّﻘﺎﻓﺔ ﻜﻜل ،وﺴﻨﻌﺘﻤد ﻓﻲ اﻷﻤﺎز ّ اﻷﻏراض ﻓﻲ اﻷﻤﺎز ّ اﻝﻘﺒﺎﺌﻠﻲ وﺨﺼﺎﺌﺼﻪ )ﺒﻴن ﻌر ﺸ اﻝ ور ﺘط ) ﺴﺎﺒﻘﺎ اﻝﻤذﻜور ﻜﺘﺎﺒﻪ ﺨﻼل ﻤن ﺠﻼوي ﻤﺤﻤد ﻋﻠﻰ ﺘﺼﻨﻴف اﻝﺒﺎﺤث ّ ّ ﺒﻲ ،ط ،24اﻝﻘﺎﻫرة2003 ،م ،دار اﻝﻤﻌﺎرف(. ر اﻝﻌ اﻷدب ﻴﺦ ر ﺘﺎ ) ﻀﻴف ﺸوﻗﻲ وﻜﺘﺎب اﻝﺘّﻘﻠﻴد واﻝﺤداﺜﺔ(( ّ اﻝﺴﺎﺒق. اﻝﻬﺎﻤش ♣ -اﻝﻤذﻜورة ﻓﻲ ّ ][319 ﻛﻞ ﺛﻘﺎﻓﺔ ﺑﻄﺮﻳﻘﺔ ﻣﺘﻔﺮدة ،وﺳﻨﺤﺎول ﻓﻴﻤﺎ ﻳﻠﻲ ﺗﺼﻨﻴﻒ ذﻟﻚ ّ اﻟﺸﻌﺮ ﺣﺴﺐ ﻣﻨﻈﻮر ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻘﺪﱘ ﺑﲔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ واﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ. ﻋﺮض أوﺟﻪ اﻻﺧﺘﻼف واﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ ﰲ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت ّ ﺸﻌﺮ :ﻻﺣﻈﻨﺎ أﺛﻨﺎء ﻓﺤﺺ اﳌﺼﺪرﻳﻦ :1.2أوﺟﻪ اﻻﺧﺘﻼف ﻓﻲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ اﻟﻘﺪﻳﻢ ﻟﻠ ّ اﳌﺬﻛﻮرﻳﻦ أ ّن ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻌﺮب واﻷﻣﺎزﻳﻎ ﻟﺸﻌﺮﻫﻢ ﲣﺘﻠﻒ ﰲ ﻣﻮاﻗﻊ ﻛﺜﲑة ،وﻫﻮ ﻣﺎ ﺳﻨﻌﺮض ﻟﺒﻌﺾ ﺣﻴﺜﻴﺎﺗﻪ ﻓﻴﻤﺎ ﻳﻠﻲ. ﻳﻐﻲ اﻟﻘﺪﻳﻢ :ﻳﻘﺪم ﻟﻨﺎ اﻟﻨّﺎﻗﺪ ﳏﻤﺪ ﺟﻼوي ﳎﻤﻮﻋﺔ :1.1.2ﺗﺼﻨﻴﻒ اﻟ ّ ﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ ﻳﻐﻲ اﻟﱵ ﻻ ﳒﺪ ﳍﺎ ﳑﺎﺛﻼ ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت ﻣﻦ اﻷﻏﺮاض اﻟﻘﺪﳝﺔ ﰲ ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ اﻟﻌﺮﺑﻴﺔ؛ ﻣﻨﻬﺎ ﻣﺎ ﻳﻠﻲ: اﳍﺪﻫﺪةAZUZEN- ﺷﻌﺮ ﺗﻘﻮﻟﻪ اﻷم ﳌﺴﺎﻋﺪة اﻟﻄّﻔﻞ ﻋﻠﻰ اﻟﻨّﻮم... اﳌﺪاﻋﺒﺔASERQES - ﺷﻌﺮ ﺗﻘﻮﻟﻪ اﻷم أﺛﻨﺎء اﻟﻠّﻌﺐ ﺑﺎﻟﻄّﻔﻞ ﻛﺘﻮاﺟﺪﻩ ﺑﲔ ﻳﺪي اﻷم ،وﻫﻲ ﺗﺮﻓﻌﻪ إﱃ اﻷﻋﻠﻰ... أﺷﻮﻳﻖACEWWIQ - اﻟﺸﻐﻞ. ﺷﻌﺮ ﻳﺆدى ﰲ ﻋﺎﱂ ّ أورارURAR - ﺷﻌﺮ ﻣﺮﺗﺒﻂ ﺑﻌﺎﱂ اﻷﻋﺮاس؛ ﻳﻜﻮن ﰲ ﺣﻠﻘﺔ رﻗﺺ، وﺗﻜﻮن ﻫﻨﺎك آﻻت... ﺛﻴﺒﻮﻏﺎرﻳﻦ- ﺑﻴﻊ TIBUҐARIN اﳊﻨﺎءAZENZI - LHENNI ﻧﺴﺎﺋﻲ ﻣﻠﺤﻦ ﻳﺆدى دون آﻻت ﰲ ﻣﻨﺎﺳﺒﺎت ﺷﻌﺮ ّ ﻋﺪة ﻛﻔﺮز اﳊﺒﻮب ،وﻓﱰات ﻣﻦ اﻷﻋﺮاس... ﺷﻌﺮ ﻳﺆدى دون أﳊﺎن أﻳﺎم ﺧﻀﺐ اﳊﻨﺎء ﻟﻠﻌﺮﺳﺎن أو ﻟﻠﺨﺘﺎن... ][320 اﻟﺸﻌﺮ وﻟﻌﻞ ﺗﺮﲨﺔ ﺗﺴﻤﻴﺎت ﻫﺬﻩ اﻷﻏﺮاض اﻟﱵ ﳍﺎ ﺗﻮاﺟﺪ راﺳﺦ ﰲ ّ ﻳﻐﻲ ﲢﻴﻞ إﱃ ﻋﺪم ﻣﻌﺮﻓﺔ اﻟﻌﺮب ﳌﺜﻞ ﻫﺬﻩ اﻷﻏﺮاض )ﻣﻦ ﺣﻴﺚ ﻫﻲ ﺗﺼﻨﻴﻒ ﰲ اﻷﻣﺎز ّ اﻟﻌﺮﰊ ،ﻓﻠﻢ ﻳﻔﻜﺮ اﻟﻠّﻐﺔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ( ،ﻓﻐﺮض ك"ﺑﻴﻊ اﳊﻨﺎء" ﻟﻴﺲ ﻟﻪ أي ﻣﻌﲎ ﰲ ّ اﻟﱰاث ّ ﻟﻠﺸﻌﺮ ﺻﻨﻔﺎ ﻣﺎ ﻳﺆدى أﺛﻨﺎء ﺧﻀﺐ اﳊﻨﺎء ...ﻟﻜﻦ اﻟﻌﺮب اﻟﻌﺮﰊ ﻗﺪﳝﺎ أن ﳚﻌﻞ ّ اﻟﻨّﺎﻗﺪ ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻘﺪﱘ؛ ﻗﺪ ﻻ ﳒﺪ ﳍﺎ -أﻳﻀﺎ -ﻣﻘﺎﺑﻼ ﰲ ﻓﻜﺮوا ﰲ ﻃُﺮق أﺧﺮى ﻟﺘﺼﻨﻴﻒ ّ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ. ﺑﻲ اﻟﻘﺪﻳﻢ )أﻏﺮاﺿﻪ( :ﻳﺬﻛﺮ )ﺷﻮﻗﻲ ﺿﻴﻒ( اﻟﻜﺜﲑ ﻣﻦ :2.1.2ﺗﺼﻨﻴﻒ اﻟ ّ ﺸﻌﺮ اﻟﻌﺮ ّ اﳉﺎﻫﻠﻲ وﺣﺪﻩ؛ واﻟﱵ ﻻ ﳒﺪ ﳍﺎ أﺛﺮا ﰲ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت اﻷﻣﺎزﻳﻎ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻏﺮاض اﳌﻮﺟﻮدة ﰲ ّ ّ ﻟﺸﻌﺮﻫﻢ اﻟﻘﺪﱘ؛ وﻣﻦ ﻫﺬﻩ اﻷﻏﺮاض: اﻟﻔﺨﺮ واﳊﻤﺎﺳﺔ اﻟﺼﺪق واﻟﻌﻔﺎف. ﺷﻌﺮ ﻳﺘﻐﲎ ﺑ ّ ﺎﻟﺸﺠﺎﻋﺔ واﻟﻜﺮم و ّ اﻟﻮﺻﻒ ﺷﻌﺮ ﻳﻬﺘﻢ ﺑﻨﻘﻞ ﺣﻴﺜﻴﺎت اﳊﻴﺎة ،وﺧﺎﺻﺔ اﳋﻴﻤﺔ وﻣﺎ ﳛﻴﻂ ﺎ؛ ﻳﺘﻤﻴّﺰ ﺑﺎﳊﺴﻴّﺔ. اﳌﺪح اﻟﺸﻌﺮاء اﻟﺬﻳﻦ ﺧﺎﻟﻄﻮا اﻟﻘﺼﻮر ﺷﻌﺮ اﻟﺘّﻐﲏ ﺑﻔﻀﺎﺋﻞ اﻟﻐﲑ؛ وﻫﻮ ﲰﺔ ّ واﳌﻠﻮك. وﻧﻼﺣﻆ ،ﻣﻦ ﺧﻼل ﻫﺬا اﳉﺪول ،أ ّن اﻟﻌﺮب ﻗﺪ ﺻﻨﻔﻮا أﺷﻌﺎرﻫﻢ ﺑﻄﺮق ﳐﺘﻠﻔﺔ ﺑﺸﻜﻞ ﻛﺒﲑ ﻋﻦ اﻷﻣﺎزﻳﻎ؛ ﻓﻐﺮض ﻛﺎﻟﻮﺻﻒ ﱂ ﻳﺄت ذﻛﺮﻩ ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻘﺪﳝﺔ ﻟﻸﻣﺎزﻳﻎ ،وﻛﺬﻟﻚ اﻷﻣﺮ ﻣﻊ اﳌﺪح... ][321 :3.1.2أﺳﺒﺎب اﻻﺧﺘﻼف اﻟﺜﻘﺎﻓﺘﻴﻦ ﻓﻲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ اﻟﻘﺪﻳﻢ :ﻳﻌﻮد أﻣﺮ اﺧﺘﻼف ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻌﺮب واﻷﻣﺎزﻳﻎ ﻟﺸﻌﺮﻫﻢ اﻟﻘﺪﱘ إﱃ اﺧﺘﻼف اﳌﻌﺎﻳﲑ اﳌﻌﺘﻤﺪة ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﲔ، ﺎﱄ: وﳝﻜﻦ ﺗﻔﺴﲑ ذﻟﻚ ﻛﺎﻟﺘّ ّ اﻟﺸﻌﺮ ﻋﻠﻰ اﳌﻌﺎﻳﲑ اﻟﺘّﺎﻟﻴّﺔ: ﻓﻲ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ :ﻳﻌﺘﻤﺪ اﻟﻨّﻘﺎد اﻷﻣﺎزﻳﻎ ﰲ ﺗﺼﻨﻴﻒ أﻏﺮاض ّاﻷﺷﻌﺎر ،أدوار اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت ،اﻟﻮﺳﺎﺋﻞ اﻷداﺋﻴّﺔ ،اﳉﻨﺲ اﳌﻤﺎرس ﻟﻪ ،ﻣﻀﻤﻮن ووﻇﺎﺋﻒ ﺗﻠﻚ اﻷﺷﻌﺎر. ﻓﻲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ :ﻳﺮﺗﻜﺰ اﻟ ّﺪارﺳﻮن ﰲ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎﻢ ﻋﻠﻰ ﻣﻌﺎﻳﲑ ﻛﺜﲑة ﻛﺎﳌﻀﺎﻣﲔ وأﻫﺪافاﻷﺷﻌﺎر... وﻳﺒﺪو ﻟﻨﺎ ،ﻣﻦ ﺧﻼل ﻣﺎ ﻋﺮﺿﻨﺎﻩ ،أ ّن اﺧﺘﻼف اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ ﺑﲔ اﻟﺜﻘﺎﻓﺘﲔ ﻣﺮدﻩ ﻳﻐﻲ؛ ﻫﻮ ﻣﻌﺎﻳﲑ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ؛ وﻫﺬا ﻻ ﻳﻌﲏ ﻋﺪم ورود "اﻟﻮﺻﻒ" ﻣﺜﻼ ﰲ ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ ﻓﻠﻴﺲ ﻣﺴﺘﺒﻌﺪا أن ﺗﻜﻮن ﺑﻌﺾ اﻟﻘﺼﺎﺋﺪ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﻟﻘﺪﳝﺔ "وﺻﻔﺎ"؛ ﻟﻜﻦ ﱂ ﺗﺼﻨﻒ اﻧﻄﻼﻗﺎ ﻣﻦ ﻫﺬا اﳌﻨﻈﻮر؛ ﺑﻞ أُدرﺟﺖ رﲟﺎ ﰲ )اﳍﺪﻫﺪة( أو ﰲ أي ﻏﺮض آﺧﺮ، واﻟﻌﻜﺲ ﺻﺤﻴﺢ -أﻳﻀﺎ -ﺑﺎﻟﻨّﺴﺒﺔ ﻟﻠﻌﺮﺑﻴّﺔ اﻟﱵ ﲣﺘﻠﻒ ﻓﻴﻬﺎ اﻟﻘﺼﻴﺪة ﻋﻦ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ﻛﻞ اﻷﻏﺮاض ﺑﱰﺗﻴﺐ ﻟﻜﻞ اﻷﻏﺮاض ،ﻓﺎﳌﻌﻠﻘﺎت ﻳﻘﺪم ﻓﻴﻬﺎ ّ اﻟﺸﻌﺮاء ّ ﺑﻜﻮﺎ ﻣﺘﻀﻤﻨﺔ ّ ﻣﻌﲔ 1ﻋﻜﺲ اﻟﻘﺼﻴﺪة اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﻟﱵ ﺗﺘﻤﻴّﺰ –ﻋﺎدة -ﺑﻮﺣﺪة اﳌﻮﺿﻮع. ّ ﺑﻲ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ: :2.2أوﺟﻪ اﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ ﻓﻲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ اﻟﻘﺪﻳﻢ ﻟﻠ ّ ﺸﻌﺮ ﻓﻲ اﻟﻨّﻘﺪ اﻟﻌﺮ ّ ﻳﻐﻲ وﻗﻔﻨﺎ ﰲ اﻟﻨّﻘﻄﺔ ّ اﻟﺴﺎﺑﻘﺔ ﻋﻠﻰ ﲨﻠﺔ اﻻﺧﺘﻼﻓﺎت اﳌﻮﺟﻮدة ﺑﲔ اﳌﻨﻈﻮر ّ اﻟﻌﺮﰊ واﻷﻣﺎز ّ اﻟﺸﻌﺮ ،وﻟﻜﻦ ﻫﺬا ﻻ ﻳﻌﺪم وﺟﻮد ﺑﻌﺾ ﻧﻘﺎط اﻟﺘّﻘﺎﻃﻊ ﺑﲔ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﲔ ﻷﻏﺮاض ّ ﺎﱄ: اﻟﻘﺪﳝﲔ ﻟﺘﻠﻚ اﻷﻏﺮاض ﰲ اﻟﻠّﻐﺘﲔ ،وﳝﻜﻦ ﻣﻼﺣﻈﺔ ذﻟﻚ ﻣﻦ ﺧﻼل اﳉﺪول اﻟﺘّ ّ 1 ﺒﻲ ،ج ،01ص .212 -ﺸوﻗﻲ ﻀﻴف ،ﺘﺎرﻴﺦ اﻷدب اﻝﻌر ّ ][322 ﻳﻐﻲ اﻟﻘﺪﱘ ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ ﺷﻌﺮ اﻟﻨّﻘﺎﺋﺾ AMΣEZBER اﻟﻌﺮﰊ اﻟﻘﺪﱘ ّ اﻟﺸﻌﺮ ّ ﺗﺒﺎري ﺑﲔ ﺑﺎﻟﺸﻌﺮ ّ اﻟﺸﻌﺮاء ،وﻟﻪ أﺻﻨﺎف ّ ﻛﺜﲑة اﻻﻳﻘﺎف، ﻣﺜﻞ اﻟﻨّﻘﺎﺋﺾ، اﳍﺠﺎء أورار دون ﺗﻮﻳﺰة، اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﻷﺧﺮى، ﻗﺪ ﻳﻜﻮن ﺟﺰء ﻣﻨﻪ. اﻟﺸﻌﺮاء... ّ ﻳﲏ اﻟ ّﺬﻛﺮ اﻟ ّﺪ ّ اﻟﺸﻌﺮاء ﻫﻮ ﺗﺒﺎري ّ اﻷﺷﻬﺮ ﻋﻨﺪ اﻟﻌﺮب اﻟﺘﺼﻨﻴﻔﺎت ﻣﺮﺗﺒﻂ ﺑﺎﳉﻨﺎﺋﺰ –أﺳﺎﺳﺎ- ADEKKER واﳊﺞ وزﻳﺎرة اﻷﺿﺮﺣﺔ... اﻟﺮﺛﺎء ّ اﻟﺮﺛﺎء ﺟﺰء ﻣﻦ اﻟ ّﺬﻛﺮ ّ ﻳﲏ. اﻟ ّﺪ ّ ﻳﲏ اﻟ ّﺪ ّ أﺷﻌﺎر ﺗﻘﺎل ﰲ اﻟﻮﺳﻂ ﻳﲏ ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻟ ّﺪ ّ اﻟﺘّﻌﺮﻳﻒ ﻧﻔﺴﻪ. اﻟﻘﺼﺺ TIQSIDIN N DDIN واﻷﺳﻮاق... اﻟﻌﺎﺋﻠﻲ ّ ﻟﻜﻨّﻬﺎ ﳏﺪودة اﻻﻧﺘﺸﺎر ﻟﻄﻮﳍﺎ... ﻮﰲ ّ اﻟﺸﻌﺮ ّ اﻟﺼ ّ TASUFIT ﺗﺄﻣﻠﻲ ﻳﺆدﻳﻪ اﻟﻨّﺨﺒﺔ ﺷﻌﺮ ّ وﻳﻌﺮض ﻋﻠﻰ اﻟﻨّﺨﺒﺔ اﻟﺼﻮﻓﻴّﺔ... ّ ﻮﰲ ّ اﻟﺼ ّ ﻳﲏ اﳌﺪﻳﺢ اﻟ ّﺪ ّ ﺷﻌﺮ ﻳﺆدى ﰲ اﻷﻋﻴﺎد اﳌﺪاﺋﺢ اﻟ ّﺪﻳﻨﻴّﺔ واﻟﻌﺎﺷﻮراء... اﻟ ّﺪﻳﻨﻴّﺔ TAMEDYAZT LMADH ADIYANI ][323 اﻟﺸﻌﺮ ّ اﻟﺘّﻌﺮﻳﻒ ﻧﻔﺴﻪ. اﻟﺘّﻌﺮﻳﻒ ﻧﻔﺴﻪ. ﻳﻐﻲ ﻳﺘﻘﻄﻌﺎن ﺑﻄﺮق ﳐﺘﻠﻔﺔ ﺣﻴﺚ ﳒﺪ ﻧﻼﺣﻆ أ ّن اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﲔ ّ اﻟﻌﺮﰊ واﻷﻣﺎز ّ ﻟﻠﺸﻌﺮ ،ﻓﻐﺮض اﻟﺸﻌﺮ ﻳﻐﻲ ّ ﺑﻌﺾ أﺻﻨﺎف ّ ّ اﻟﻌﺮﰊ ﻛﺄﺟﺰاء ﻣﻦ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻨّﻘﺪ اﻷﻣﺎز ّ ﻳﻐﻲ ،وﻳﺒﺪو ﻟﻨﺎ أ ّن ّ ﻛﺎﻟﺮﺛﺎء ﻣﺎ ﻫﻮ ﰲ اﳊﻘﻴﻘﺔ إﻻ ﺟﺰء ﻣﻦ ﻏﺮض ) (ADEKKERاﻷﻣﺎز ّ اﻟﻌﺮﰊ ﻻرﺗﺒﺎط اﻟﻐﺮض اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﺑﺄوﺿﺎع ﻳﻐﻲ أوﺳﻊ ﺑﻘﻠﻴﻞ ﻣﻦ اﻟﻐﺮض ّ اﻟﻐﺮض اﻷﻣﺎز ّ ﻛﺜﲑة∗ ﻛﺎﳉﻨﺎﺋﺰ واﳊﺞ ...ﰲ ﺣﲔ أ ّن اﻟﺮﺛﺎء ﻋﻨﺪ اﻟﻌﺮب ﻣﺮﺗﺒﻂ ﺑﺎﻟﻮﻓﻴﺎت ﻓﻘﻂ. وﳝﻜﻦ اﻟﻮﻗﻮف ﻋﻠﻰ ﻧﻮع آﺧﺮ ﻣﻦ اﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ؛ وﻫﻮ ﻣﺎ ﳝﻜﻦ اﻋﺘﺒﺎرﻩ اﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ اﳌﻄﻠﻖ ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ ،ﺣﻴﺚ ﺗﻮﺟﺪ أﻏﺮاض ﻣﺘﻔﻖ ﻋﻠﻴﻬﺎ ﺣﺪا واﻣﺘﺪادا؛ ﻣﺜﻞ اﳌﺪاﺋﺢ اﻟ ّﺪﻳﻨﻴّﺔ ،ورﲟﺎ ﻫﺬﻩ اﻷﻏﺮاض اﳌﺸﱰﻛﺔ ﻫﻲ ﳑﺎ ﻇﻬﺮ ﰲ ﻓﱰات ﻣﺘﺄﺧﺮة ﻣﻦ ﺣﻴﺎة اﻟﺜﻘﺎﻓﺘﲔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ،وﻫﻲ ﻓﱰات ﺣﺼﻞ ﻓﻴﻬﺎ اﻻﺣﺘﻜﺎك ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ ﺑﻔﻌﻞ اﻟﻔﺘﻮﺣﺎت اﻹﺳﻼﻣﻴّﺔ .وﳝﻜﻦ رد ﻫﺬا اﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ إﱃ اﺷﱰاك اﻟﺜّﻘﺎﻓﺘﲔ ﰲ اﳌﻤﺎرﺳﺎت اﻟﱵ ﲤﺜﻠﻬﺎ ﺗﻠﻚ اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ ،ﻟﻸﺳﺒﺎب اﻟﺘّﺎﻟﻴّﺔ: اﻷﻏﺮاض ّ أ -اﻟﻄّﺒﻴﻌﺔ اﻟﻘﺒﻠﻴّﺔ ﻟﻠﻤﺠﺘﻤﻌﺎت اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﻟﻘﺪﳝﺔ. اﻹﺳﻼﻣﻲ ﰲ اﻟﺒﻴﺌﺘﲔ. ب -اﻧﺘﺸﺎر اﻟ ّﺪﻳﻦ ّ اﻟﺴﻴﺎﺳﻴّﺔ واﻻﻗﺘﺼﺎدﻳّﺔ ِﻣﻌﻮل ﺗﻮﺣﻴﺪ ﻟﺘﺼﻨﻴﻒ ﻓﻜﺎﻧﺖ ﻫﺬﻩ اﳋﻠﻔﻴﺎت اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴّﺔ و ّ اﻟﺸﻌﺮ ،وﻋﻨﺼﺮ ﺗﺮﺟﻴﺢ ﳌﻴﻼد أﻏﺮاض ﻣﺸﱰﻛﺔ ﺑﲔ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺘﲔ. أﻏﺮاض ّ Zbrí†y@ČðŠÈČ’Ûa@ävÜÛ@HòČîÌí‹bßþaë@òČîiŠÈÛaI@´nÌNÜÛa@Ñîä–m@´i@òã‰bÔß@M@ 3 اﻟﺸﻌﺮاء واﻟﻨّﻘﺎد وﺗﻐﲑ ﻣﻌﻪ ﻣﻨﻈﻮر ّ ﺗﻄﻮر ّ اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ ﻣﻜﺎﻧﺔ وﻣﺴﺘﻮىّ ، ﻟﺘﺼﻨﻴﻔﺎﺗﻪ وﻣﻮﺿﻮﻋﺎﺗﻪ؛ وذﻟﻚ ﺣﺴﺐ اﻟﺘّﻄﻮر اﳌﺬﻫﻞ اﻟﺬي ﻋﺮﻓﺘﻪ اﻹﻧﺴﺎﻧﻴّﺔ ﺣﻴﺚ ﱂ ﺗﻌﺪ اﳊﻴﺎة ﻋﻠﻰ ﺑﺴﺎﻃﺘﻬﺎ اﻷوﱃ؛ ﰲ اﻟﺒﺎدﻳّﺔ ﺑﺎﻟﻨّﺴﺒﺔ ﻟﻠﻌﺮب ،وﻻ ﰲ اﳉﺒﺎل ﺑﺎﻟﻨّﺴﺒﺔ ﻌﺮي؛ ﻓﻠﻢ ﻧﻌﺪ ﻧﺘﺤﺪث ﻋﻦ ﻟﻸﻣﺎزﻳﻎ ،وﻫﺬا ﻣﺎ ﻟﻪ أﺛﺮ واﺿﺢ ﰲ ﺗﻘﺴﻴﻤﺎت اﳉﻨﺲ ّ اﻟﺸ ّ ∗ -ﻋﻠﻰ اﻷﻗل ﺤﺴب ﺘﻌرﻴف ﻤﺤﻤد ﺠﻼوي ﻓﻲ ﻜﺘﺎﺒﻪ اﻝذي ذﻜرﻨﺎﻩ ﺴﺎﺒﻘﺎ. ][324 اﳌﺪح ﻟﻸﺷﺨﺎص إﻻ ﻧﺎدرا؛ ﺑﻞ ﻟﻸﻣﻢ واﻟ ّﺪول ﻣﺜﻼ ...ﻛﻤﺎ ﱂ ﻳﺒﻖ أي ﺣﺪﻳﺚ ﻟﻸﻣﺎزﻳﻎ ﻋﻦ اﻷﺷﻮﻳﻖ؛ وﻧﻼﺣﻆ ،إﺿﺎﻓﺔ إﱃ ذﻟﻚ ،اﻧﺪﺛﺎر ﺑﻌﺾ اﳊﺮف اﳌﺼﺎﺣﺒﺔ ﻳﻐﻲ ﻟﺘﻠﻚ اﻷﻏﺮاض اﻟﻘﺪﳝﺔ ﻛﺎﳌﺪاح اﻟﺬي ﻛﺎن ﻟﻪ دور ﺧﻄﲑ ﰲ ﺗﺮﺳﻴﺦ ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ ﻔﻮي ،ﺑﻞ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﻛﻠﻐﺔ ،ﻓﻠﻢ ﻧﻌﺪ ﻧﺴﻤﻊ اﻵن ﺆﻻء اﻷﺷﺨﺎص إﻻ ﻧﺎدرا، ّ اﻟﺸ ّ ﻳﻐﻲ ،ﰲ اﻟﻮﻗﺖ وﳝﻜﻦ إﻋﻄﺎء ﻧﻈﺮة ﻋﺎﻣﺔ ﻋﻦ اﻷﻏﺮاض اﳌﻌﺮوﻓﺔ ﰲ ّ اﻟﺸﻌﺮ ّ اﻟﻌﺮﰊ واﻷﻣﺎز ّ ﺎﱄ: اﳊﺎﱄ ،ﻣﻦ ﺧﻼل اﳉﺪول اﻟﺘّ ّ ّ ﻳﻐﻲ ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻲ اﻟﺸﻌﺮ ّ ّ اﻟﻌﺮﰊ ّ اﻟﺸﻌﺮ ّ ﻗﻀﺎﻳﺎ اﺟﺘﻤﺎﻋﻴّﺔ :اﻟﻐﺮﺑﺔ، اﻟﺸﻌﺮ ّ ﻗﻀﺎﻳﺎ اﻹﻧﺴﺎن ﻋﻠﻰ ﲢﺮر اﳌﺮأة.. اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻲ ّ ﺗﻌﺪدﻫﺎ. اﻟﻌﺎﻃﻔﻲ اﻟﺸﻌﺮ ّ ّ اﻟﻌﺎﻃﻔﻲ ﻟﻠﺸﻌﺮ ﺗﻄﻮر ّ ّ اﻟﻘﺪﱘ )إزﱄ(... اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻐﺰل ) ّ اﻟﻌﺎﻃﻔﻲ( ّ ﻏﻨﺎﺋﻲ دﺧﻠﺘﻪ ﻧﺰﻋﺔ ﺷﻌﺮ ّ اﻟﻠّﺠﻮء إﱃ اﻟﻄّﺒﻴﻌﺔ... ﻮري ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﺜّ ّ اﳌﺘﻌﻠﻖ ﺑﺎﻟﺜّﻮرة اﻟﺘّﺤﺮﻳﺮﻳّﺔ . ﻮري ّ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﺜّ ّ اﻟﺸﻌﻮب ﻣﺘﻌﻠﻖ ﺑﺘﺤﺮر ّ ﺤﺮري اﻟﺘّ ّ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﻛﺸﻌﺮ ﻣﻔﺪي زﻛﺮﻳﺎ ﻋﻦ اﻟﺜّﻮرة اﳉﺰاﺋﺮﻳّﺔ. ﻴﺎﺳﻲ ّ اﻟﺸﻌﺮ ّ اﻟﺴ ّ اﻟﻘﻀﻴّﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ... ][325 اﻟﺸﻌﺮ ّ ﻗﻀﺎﻳﺎ اﻻﺳﺘﺒﺪاد ﻴﺎﺳﻲ ّ اﻟﺴ ّ وﺿﺮورة اﻟﺘّﺤﺮر. اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ ،ﺳﻮاء ﰲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ أو اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ، وﻏﲏ ﻋﻦ اﻟﺒﻴﺎن أ ّن أﻏﺮاض ّ ﻣﺘﺸﺎﺔ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﳊﺪود واﻻﻣﺘﺪاد ،وﻳﻌﻮد ذﻟﻚ -ﰲ رأﻳﻨﺎ -إﱃ: -1ﺗﺄﺛﲑ اﻟﻌﻮﳌﺔ ﻋﻠﻰ ﺗﺼﻨﻴﻒ اﻷﻏﺮاض ﰲ ﻛﻼ اﻟﻠّﻐﺘﲔ ،ﻓﺪﺧﻠﺖ أﻧﻮاع ﺷﻌﺮﻳّﺔ ذات ﻣﻌﺎ؛ ﻣﺜﻞ اﳌﺴﺮﺣﻴﺎت ﳌﻠﺤﻤﻲ و ﻛﺎﻟﺸﻌﺮ ا أﺻﻮل ﻏﺮﺑﻴّﺔ ّ اﳌﺴﺮﺣﻲ إﱃ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ً ّ ّ اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ ﻷﲪﺪ ﺷﻮﻗﻲ ﰲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ أو ﻣﻠﺤﻤﺔ )اﳉﺒﺎل اﳌﺰرﻛﺸﺔ "ﺻﻮﻓﻮﻧﻴﺴﺐ"Idurar - ّ ) (iṛeqmanen (Sofonisbeﻟﻠﺤﺴﲔ ﻋﺮﺑﺎوي ﰲ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ... ﺎﻟﺸﺎﻋﺮ -2ارﺗﻘﺎء ﻣﺴﺘﻮى اﻹﻧﺴﺎن ﻳﻐﻲ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ ،ﻓ ّ ّ اﻟﻌﺮﰊ واﻷﻣﺎز ّ واﻟﻨّﺎﻗﺪ اﻟﻌﺮﺑﻴﲔ ،ﰲ اﻟﻘﺪﱘ ،ﻛﺎﻧﺎ ﻣﻨﻜﻔﺌﲔ ﻋﻠﻰ ﻧﻔﺴﻬﻤﺎ ﰲ اﳉﺎﻫﻠﻴّﺔ أو ﻣﺘﻔﺘﺤﲔ ﻧﻮﻋﺎ ﻛﻞ ﻣﺎ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﻟﻌﺒﺎﺳﻲ ،ﻟﻜﻦ دون ﻳﺼﻞ ﻣﺴﺘﻮاﳘﺎ إﱃ ﻣﺎ وﺻﻠﻪ ﺷﻌﺮاء اﻟﻴﻮم؛ ﻟﺘﻮﻓﺮ ّ ّ ﻳﻐﻲ ،ﻓﻨﻈﻦ أ ّن ﻧﻘﻠﺘﻪ أﻛﱪ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﳌﺪى؛ ﻗﻲ ،أﻣﺎ ﺣﺎل ّ وﺳﺎﺋﻞ ّ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﻷﻣﺎز ّ اﻟﺮ ّ اﻟﻌﺮﰊ، ﻷﻧّﻪ اﻧﺘﻘﻞ ﻣﻦ ﻟﻐﺔ ﺷﻔﻮﻳّﺔ إﱃ ﻟﻐﺔ ﻣﻜﺘﻮﺑﺔ ،ﰒ اﺳﺘﻔﺎد ﳑﺎ اﺳﺘﻔﺎد ﻣﻨﻪ ّ اﻟﺸﺎﻋﺮ ّ ﻏﲑ ﰲ ﻃﺒﻴﻌﺔ اﻷﻏﺮاض ﰲ اﻟﻠّﻐﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ. وﻫﺬا ﻣﺎ ﻟﻠﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻠّﻐﺘﲔ وﳝﻜﻦ ﺣﺼﺮ أوﺟﻪ اﻻﺧﺘﻼف ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت اﳊﺪﻳﺜﺔ ّ ﻋﻠﻰ ﻣﺴﺘﻮى اﳌﻮﺿﻮﻋﺎت ﻓﻘﻂ ،وﻫﻲ أﻣﻮر ﳐﺘﻠﻔﺔ ﻣﻦ ﳎﺘﻤﻊ إﱃ آﺧﺮ ،وﻫﺬا ﻳﻌﻮد إﱃ ﻛﻞ ﻟﻐﺔ ،ﻓﻄﻤﻮح اﻷﻣﺎزﻳﻎ ﻫﻮ اﻻﻋﱰاف ﻣﺜﻼ ﻛﻞ ﺛﻘﺎﻓﺔ و ّ ﻃﺒﻴﻌﺔ اﻟﺘّﺤﺪﻳﺎت اﻟﱵ ﺗﻮاﺟﻬﻬﺎ ّ ﻴﺎﺳﻲ ﺑﺎﻟﻠّﻐﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ،ﻓﺄﺻﺒﺢ ﺷﻌﺮ اﻟﻘﻀﻴّﺔ ﻛﺜﲑا ﰲ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ و ّ اﻟﺸﻌﺮ ّ اﻟﺴ ّ ﺑﺸﻜﻞ ﺧﺎص ،أﻣﺎ ﻃﻤﻮح ﺷﻌﺮاء اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ،ﻓﻠﻢ ﻳﻜﻦ اﻻﻋﱰاف ﺑﻠﻐﺘﻬﻢ ﻣﺜﻼ؛ ﻷ ّن دول اﻻﺳﺘﻘﻼل اﻋﱰﻓﺖ ﺎ ،ﻟﻜﻦ أﻣﻠﻬﻢ ﻛﺎن ﻣﺘﺠﻬﺎ ﳓﻮ ﳏﺎرﺑﺔ ﻗﻴﻮد اﻻﺳﺘﺒﺪاد ﰲ ﺑﻌﺾ اﻟ ّﺪول... ][326 : +وﻗﻔﻨﺎ ﰲ اﻟﺒﺤﺚ اﻟﺬي ﻗﺪﻣﻨﺎﻩ ﻋﻠﻰ دراﺳﺔ اﳊﺪود اﳌﻮﺟﻮدة ﺑﲔ اﻷﻏﺮاض ﻛﻞ ﺛﻘﺎﻓﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ ﰲ اﻟﻠّﻐﺔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻟﻠّﻐﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ،ﻓﺤﺎوﻟﻨﺎ ﲢﺪﻳﺪ ﺟﻐﺮاﻓﻴﺎ ّ ّ اﻟﺸﻌﺮ ﰲ ّ أﺳﺎﺳﻲ -ﺑﺎﳌﻘﺎرﻧﺔ ﺑﲔ ﺗﺼﻨﻴﻔﻲ اﻟﻠّﻐﺘﲔ ،وﻗﺪ ﺧﻠﺼﻨﺎ ﻋﻠﻰ ﺣﺪة ﻣﻊ اﻻﻫﺘﻤﺎم -ﺑﺸﻜﻞ ّ إﱃ ﻧﺘﻴﺠﺘﲔ أﺳﺎﺳﻴﺘﲔ ﳘﺎ: اﻟﺸﻌﺮ ﺑﲔ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ واﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت -1اﺧﺘﻼف ﺟﻐﺮاﻓﻴﺎ ﺗﺼﻨﻴﻒ ّ اﻟﻘﺪﳝﺔ ،وﻫﺬا ﻳﻌﻮد إﱃ ﻋﺪة أﺳﺒﺎب؛ ﻗﺪ ﻧﺬﻛﺮ ﻣﻨﻬﺎ: اﻧﻐﻼق اﺘﻤﻌﺎت واﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت ﻗﺪﳝﺎ. اﻻﻧﻄﻼق ﻣﻦ ﻣﻌﺎﻳﲑ ﺗﺼﻨﻴﻒ ﳐﺘﻠﻔﺔ ﺑﲔ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺘﲔ.اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ ،وﻫﺬا ﻳﻌﻮد –أﺳﺎﺳﺎ -إﱃ -2ﺗﻨﻤﻴﻂ ﺗﺼﻨﻴﻒ أﻏﺮاض ّ ﺳﺒﺒﲔ –أﻳﻀﺎ -ﳘﺎ: ﻛﻞ اﻟﻠّﻐﺎت واﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت ﰲ اﻟﻌﺎﱂ. ﺗﺄﺛﲑ اﻟﻌﻮﳌﺔ واﻟﺘّﺜﺎﻗﻒ ﺑﲔ ّ ارﺗﻘﺎء اﳌﺴﺘﻮﻳﺎت اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴّﺔ واﻻﻗﺘﺼﺎدﻳّﺔ ...ﻟﻺﻧﺴﺎن ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ.وﻧﺄﻣﻞ ،ﰲ اﻷﺧﲑ ،أﻧّﻨﺎ ﻗﺪ ﻗﺪﻣﻨﺎ ﻗﺮاءة أوﻟﻴّﺔ ﻟﻠﻤﻮﺿﻮع ﻋﻠﻰ أ ّن ﻫﺬﻩ اﻟ ّﺪراﺳﺎت اﳌﻘﺎرﻧﺔ ﻣﺘﻐﲑات ﲢﺘﺎج إﱃ ﺟﻬﻮد أﻛﱪ ﻟﻔﻬﻢ أﻋﻤﺎق اﻻﺧﺘﻼﻓﺎت واﻻﺗﻔﺎﻗﺎت؛ ﳌﺎ ﺗﺘﻮﻓﺮﻩ ﻣﻦ ّ ﻗﺪ ﻻ ﳝﻜﻦ ﻟﻌﻤﻞ واﺣﺪ أن ﳛﺼﺮﻫﺎ. ][327 @ @@Áìn½a@Üþbi@òîÌí‹bßþa@òíŠÈ’Ûa@Âb¸þa HlŠÌ½a@ÁëI ---------------------- ﻣـﺤ ـﻨـ ــﺪ اﻟﺮ ـ ﻛﻠﻴـ ــﺔ اﻵداب واﻟﻌﻠـ ــﻮم اﻹﻧﺴﺎﻧﻴــﺔ ﺳﺎﻳـ ــﺲ -ﻓـ ـ ــﺎس – اﻟﻤﻐﺮب : ', '''# ',* ', -0 ﳛﺘﺎج اﻟﺒﺤﺚ اﻷﻛﺎدﳝﻲ ﰲ اﻷدب اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ،ﺑﻮﺻﻔﻪ ﳎﺎﻻ ﺑﻜﺮا ،إﱃ ﺑﺪل ﳎﻬﻮدات ﻛﺒﲑة ﳉﻤﻊ اﳌﱳ وﺗﺪوﻳﻨﻪ وﺗﺼﻨﻴﻔﻪ ودراﺳﺘﻪ ،وﺑﺎﻟﺘﺎﱄ ،ﲢﺪﻳﺪ أﺟﻨﺎﺳﻪ وأﻏﺮاﺿﻪ ،ﰒ إﺑﺮاز ﺗﻴﻤﺎﺗﻪ وﻣﻘﻮﻣﺎﺗﻪ اﻹﻳﻘﺎﻋﻴﺔ واﻟﻔﻨﻴﺔ واﳉﻤﺎﻟﻴﺔ .إن اﻟﻘﻴﺎم ﺬا اﻟﻌﻤﻞ اﻟﻄﻤﻮح ﻳﻘﺘﻀﻲ ﻣﻦ اﻟﺒﺎﺣﺚ اﻟﺘﻨﻘﻞ ﻋﱪ اﳉﺒﺎل واﻷودﻳﺔ واﻟﻮاﺣﺎت ﻟﻴﺘﻠﻘﻒ اﳌﺘﻮن ﻣﻦ أﻓﻮاﻩ "إﻣﺪﻳﺎزن" اﻟﺬﻳﻦ دأﺑﻮا ﻋﻠﻰ ﻗﺮض اﻟﺸﻌﺮ ﺑﺎﻟﻔﻄﺮة واﻟﺴﻠﻴﻘﺔ دوﳕﺎ ﺗﻜﻠﻒ أو ﺗﺼﻨﻊ ﻛﻤﺎ ﻋﻮدﻧﺎ ﺑﻪ ﺑﻌﺾ أﺷﺒﺎﻩ "اﻟﺸﻌﺮاء" .وﻻ ﺷﻚ أن إﳒﺎز ﻣﺜﻞ ﻫﺬا اﻟﺒﺤﺚ اﳉﺎد ﻳﺘﻄﻠﺐ إﻣﻜﺎﻧﺎت ﻣﺎدﻳﺔ وﻣﻌﻨﻮﻳﺔ .رﻏﻢ اﻬﻮدات اﻟﱵ ﻳﻘﻮم ﺎ إﻳﺮﻛﺎم ،اﻟﺬي أوﻛﻠﺖ إﻟﻴﻪ-رﲰﻴﺎ -ﻣﻬﻤﺔ اﻟﻨﻬﻮض ﺑﺎﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ،ﻓﺈﻧﻨﺎ ﻻزﻟﻨﺎ ﰲ ﺣﺎﺟﺔ ﻣﺎﺳﺔ إﱃ ﺑﺎﺣﺜﲔ ﻣﺘﺨﺼﺼﲔ ﻛﺜﺮ؛ ﻷن إﳒﺎز ﻣﺜﻞ ﻫﺬﻩ اﳌﺸﺎرﻳﻊ اﻟﻌﻠﻤﻴﺔ اﻟﻀﺨﻤﺔ وﺗﺪوﻳﻦ ﺛﻘﺎﻓﺔ ﻋﺮﻳﻘﺔ ﻋﺎﻧﺖ ﻣﻦ اﻟﺘﻬﻤﻴﺶ ﻗﺮوﻧﺎ ﳛﺘﺎج إﱃ ﺗﻀﺎﻓﺮ ﺟﻬﻮد ﲨﻴﻊ اﳉﻬﺎت .إن إﻧﺼﺎف ﻫﺬﻩ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻟﺮاﺋﻌﺔ-ﺑﺘﻌﺒﲑ اﻟﺒﺎﺣﺚ اﻟﺴﻮﺳﻴﻮﻟﻮﺟﻲ ﺑﻮل ﺑﺎﺳﻜﻮن-وإﻋﺎدة اﻻﻋﺘﺒﺎر إﻟﻴﻬﺎ أﺻﺒﺢ ﺿﺮورة ﺣﻀﺎرﻳﺔ ﻣﻠﺤﺔ وﻣﺴﺆوﻟﻴﺔ ﻋﻠﻤﻴﺔ وﺛﻘﺎﻓﻴﺔ ﻣﻠﻘﺎة ﻋﻠﻰ ﻋﺎﺗﻖ اﻟﺒﺎﺣﺚ اﳌﻐﺮﰊ ﺳﻮاء ﻛﺎن ﻧﺎﻃﻘﺎ ﺑﺎﻟﻌﺮﺑﻴﺔ أو ﺑﺎﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ .ﻛﻤﺎ أن اﻟﻨﻬﻮض ﺬا اﳌﻜﻮن اﻟﺬي ﻳﺸﻜﻞ اﻟﻌﻤﻮد اﻟﻔﻘﺮي ﰲ اﻟﻨﺴﻴﺞ اﻟﺜﻘﺎﰲ اﳌﻐﺮﰊ ﻣﺴﺆوﻟﻴﺔ وﻃﻨﻴﺔ :ذﻟﻚ أن اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﻟﻐﺔ وﺛﻘﺎﻓﺔ وﻫﻮﻳﺔ ﻫﻲ ﻣﻠﻚ ﳉﻤﻴﻊ اﳌﻐﺎرﺑﺔ وإرث رﻣﺰي ﻧﺘﻘﺎﲰﻪ ﲨﻴﻌﺎ ،وﻫﻲ ﺟﺰء ﻣﻦ اﳌﺨﻴﺎل اﳉﻤﺎﻋﻲ اﳌﻐﺮﰊ.ﻓﺎﻟﺸﺨﺼﻴﺔ اﳌﻐﺮﺑﻴﺔ اﻟﺴﻮﻳﺔ واﻟﺴﻠﻴﻤﺔ ﺗﺘﺠﻠﻰ أﺳﺎﺳﺎ ،ﰲ ﻫﺬا اﳌﻐﺮب اﳌﺘﻌﺪد واﳌﺨﺘﻠﻒ واﳌﻨﺼﻬﺮ ﰲ ﺑﻮﺗﻘﺔ اﻟﻮﺣﺪة اﻟﻮﻃﻨﻴﺔ. ][328 0$ %1 -1 6, :. / )5 34 2 : رﻏﻢ اﻟﻄﺎﺑﻊ اﻟﺸﻔﺎﻫﻲ ﻟﻸدب اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﺑﺼﻔﺔ ﻋﺎﻣﺔ وﻟﺸﻌﺮ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﺑﺼﻔﺔ ﺧﺎﺻﺔ،ﻓﺈن اﻟﺒﺎﺣﺚ اﻟﺬي ﻳﺮوم إﳒﺎز دراﺳﺔ ﻋﻠﻤﻴﺔ ﰲ ﻫﺬا اﳌﻮﺿﻮع ﺳﻴﻜﺘﺸﻒ أﺟﻨﺎﺳﺎ ﺷﻌﺮﻳﺔ ﺗﻜﺎد اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﺗﻨﻔﺮد ﺎ؛ ﻛﻤﺎ أن اﳌﺘﺄﻣﻞ ﰲ اﳊﻀﺎرة اﳌﺘﻮﺳﻄﻴﺔ ﺳﻴﻼﺣﻆ اﳊﻀﻮر اﻟﻘﻮي ﳌﻔﻜﺮﻳﻦ أﻣﺎزﻳﻎ ﻛﺘﺒﻮا ﺑﻠﻐﺎت اﻟﻐﲑ وﱂ ﻳﻜﺘﺒﻮا ﺑﻠﻐﺘﻬﻢ اﻷﺻﻠﻴﺔ .اﻧﺴﺠﺎﻣﺎ ﻣﻊ ﻫﺬا اﻟﺘﺼﻮر ﺗﺴﻌﻰ ﻫﺬﻩ اﻟﻮرﻗﺔ إﱃ إﺑﺮاز ﳎﻤﻮﻋﺔ ﻣﻦ اﻷﳕﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﱵ ﻳﺰﺧﺮ ﺎ ﺷﻌﺮ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ.ﻟﻘﺪ ﻛﺎن ﻣﻦ اﻟﻄﺒﻴﻌﻲ أن ﳛﺘﻮي ﻋﻠﻰ ﻫﺬﻩ اﻷﺻﻨﺎف-اﻟﱵ ﺳﻨﺄﰐ ﻋﻞ ذﻛﺮﻫﺎ-ﻟﻜﻮن اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ ﻫﻮ اﳉﻨﺲ اﻟﺬي ﺷﻐﻞ اﳊﻴﺰ اﻷﻛﱪ ﰲ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﻟﻀﺎرﺑﺔ ﻋﻤﻘﻬﺎ ﰲ ﺗﺎرﻳﺦ ﴰﺎل إﻓﺮﻳﻘﻴﺎ وﺣﻮض اﻟﺒﺤﺮ اﻷﺑﻴﺾ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﺣﻴﺚ ﺗﺘﻘﺎﺳﻢ ﻣﻊ ﺛﻘﺎﻓﺎت ﻣﺘﻮﺳﻄﻴﺔ ﺧﺼﺎﺋﺺ ﻋﺪﻳﺪة.وﻗﺪ ﻟﻔﺖ اﻧﺘﺒﺎﻩ اﻟﻌﺪﻳﺪ ﻣﻦ اﻟﺪارﺳﲔ اﳌﺴﺘﻤﺰﻏﲔ اﻟﻐﺮﺑﻴﲔ )ﻓﺮاﻧﺼﻮا رﻳﻨﻴﻲ، وأرﺳﲔ روو ،وإﻣﻴﻞ ﻻووﺳﺖ( إﱃ ﺧﺎﺻﻴﺔ "اﻟﻐﻨﺎﺋﻴﺔ " اﻟﱵ ﻳﺸﱰك ﻓﻴﻬﺎ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﻣﻊ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻴﻮﻧﺎﱐ اﻟﻘﺪﱘ. ﻟﻘﺪ ﺳﺎﳘﺖ اﳊﻀﺎرة اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ،ﻣﻨﺬ أﻗﺪم اﻟﻌﺼﻮر،ﰲ ﺑﻨﺎء اﳊﻀﺎرات اﳌﺘﻮﺳﻄﻴﺔ ،وﺗﺒﺎدل اﻷﻣﺎزﻳﻎ اﻟﺘﺄﺛﲑ واﻟﺘﺄﺛﺮ ﻣﻊ اﻷﻣﻢ اﻟﻘﺪﳝﺔ اﺎورة )اﻟﻔﺮﻋﻮﻧﻴﺔ، اﻟﻜﻮﺷﻴﺔ ،اﻹﻏﺮﻳﻘﻴﺔ،اﻟﻔﻨﻴﻘﻴﺔ ،اﻟﺮوﻣﺎﻧﻴﺔ(...؛ وﺑﺮزﻣﻔﻜﺮون وﻣﺒﺪﻋﻮن ﰲ ﳐﺘﻠﻒ ﳎﺎﻻت ﺣﻘﻮل اﳌﻌﺮﻓﺔ اﻟﺒﺸﺮﻳﺔ ﻧﺬﻛﺮ ﻣﻨﻬﻢ ﻋﻠﻰ ﺳﺒﻴﻞ اﳌﺜﺎل ﻻ اﳊﺼﺮ :اﻟﻘﺪﻳﺲ أوﻛﺴﺘﲔ )augustin (Saintاﻟﺬي أرﺳﻰ دﻋﺎﺋﻢ اﻟﻔﻜﺮ اﳌﺴﻴﺤﻲ ﻣﻦ ﺧﻼل ﻛﺘﺎﺑﻪ اﻟﺸﻬﲑ"ﻣﺪﻳﻨﺔ اﷲ" ،ﰒ اﻟﻘﺎص اﳌﻌﺮوف أﺑﻮﻟﻴﻮس )أﻓﻮﻻي( ﺻﺎﺣﺐ اﻟﺮواﻳﺔ اﳌﺸﻬﻮرة "اﳊﻤﺎر اﻟﺬﻫﱯ")أﺳﻨﻮس ن ورغ( اﻟﺬي ﻗﺎل ﻣﻌﺘﺰا ﺑﻮﻃﻨﻪ ﻣﺘﺤﺪﻳﺎ اﻟﻐﻄﺮﺳﺔ اﻟﺮوﻣﺎﻧﻴﺔ "ﻻ ﻳﺘﻤﻠﻜﻨﻲ ﻓﻲ ﻳﻮم ﻣﻦ اﻷﻳﺎم أي ﻧﻮع ﻣﻦ اﻟﺸﻌﻮر واﻟﺨﺠﻞ ﻣﻦ ﻫﻮﻳﺘﻲ ووﻃﻨﻲ" وﻏﲑﻫﻢ ﻣﻦ اﳌﻔﻜﺮﻳﻦ واﻟﻔﻼﺳﻔﺔ واﳌﺒﺪﻋﲔ اﻟﺬﻳﻦ ﺳﺎﳘﻮا ﰲ إﻏﻨﺎء اﻟﻔﻜﺮ اﻹﻧﺴﺎﱐ وﺑﻨﺎء اﳊﻀﺎرات اﳌﺘﻮﺳﻄﻴﺔ ﻗﺪﳝﺎ وﺣﺪﻳﺜﺎ )أوﻛﺴﺘﲔ ،أﺑﻮﻟﻴﻮس ﳏﻤﺪﺧﲑاﻟﺪﻳﻦ ،ﳏﻤﺪ ][329 أرﻛﻮن (...ﺣﻴﻨﻤﺎ ﻧﻘﺮأ ﻟﻜﻞ أوﻟﺌﻚ اﳌﻔﻜﺮﻳﻦ ﳒﺪ أﻧﻔﺴﻨﺎ أﻣﺎم ذﻫﻨﻴﺔ وﻋﻘﻼﻧﻴﺔ ﳍﺎ ﺧﺼﻮﺻﻴﺎت ﴰﺎل إﻓﺮﻳﻘﻴﺔ وﻣﺘﺨﻴﻞ أﻣﺎزﻳﻐﻲ ﺻﺮف .اﺳﺘﻨﺎدا إﱃ ﺗﻠﻚ اﳌﻌﻄﻴﺎت اﻟﺘﺎرﳜﻴﺔ واﻟﺴﻮﺳﻴﻮﺛﻘﺎﻓﻴﺔ ﻣﻦ اﻟﻌﺒﺚ أن ﳔﺘﺰل اﳊﻀﺎرة اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﰲ ﻫﺬا اﳌﻮروث اﻟﺸﻔﺎﻫﻲ اﻟﺬي ﺑﲔ أﻳﺪﻧﺎ اﻟﻴﻮم .إن ﻋﺼﺎرة اﻟﻔﻜﺮ واﻹﺑﺪاع اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﲔ ﻛﺘﺒﻪ ﻣﻔﻜﺮون وﻓﻼﺳﻔﺔ أﻣﺎزﻳﻎ ﺑﻠﻐﺎت اﻟﻐﲑ .وﳎﻤﻞ اﻟﻘﻮل إن اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﱂ ﺗﻮﻟﺪ ﻣﻦ اﻟﻔﺮاغ وﱂ ﺗﺒﺘﺪئ ﻣﻊ ﻗﺪوم إدرﻳﺲ اﻷول اﻟﺬي اﺣﺘﻤﻰ ﻢ ﻫﺮﺑﺎ ﻣﻦ ﺑﻄﺶ اﻟﻌﺒﺎﺳﻴﲔ ،ﺑﻞ إن اﳊﻀﺎرة اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﺗﻌﻮد إﱃ ﻣﺎﻗﺒﻞ اﻟﺘﺎرﻳﺦ ،ﺣﻴﺚ ﻋﺎش اﻷﻣﺎزﻳﻎ ﻋﻬﺪ اﻟﱪوﻧﺰ؛ إذ ﺗﺪل اﻟﻨﻘﻮش واﻷﲝﺎث اﻷرﻛﻴﻮﻟﻮﺟﻴﺔ ﻋﻠﻰ اﻻﻣﺘﺪاد اﳊﻀﺎري اﻟﻌﻤﻴﻖ ﳍﺬا اﻹﻧﺴﺎن اﻻﻣﺎزﻳﻐﻲ اﻟﺬي ﻳﻌﺘﱪ أول ﻣﻦ اﺳﺘﻌﻤﻞ اﻟﻌﺮﺑﺔ وأﺳﺲ اﳌﺪرﺟﺎت اﻟﺰراﻋﻴﺔ واﺑﺘﻜﺮ اﻟﻨﻈﺎم اﻷﲜﺪي "ﺗﻴﻔﻴﻨﺎغ "اﻟﱵ ﺗﻌﲏ" :اﺧﱰاﻋﻨﺎ" ﻣﻨﺬ وﻗﺖ ﻣﺒﻜﺮ ﻻﺗﺰال ﻓﻴﻪ أﻏﻠﺐ اﻷﻣﻢ واﻟﺸﻌﻮب ﱂ ﺗﻌﺮف اﻟﻜﺘﺎﺑﺔ و اﻟﺘﺪوﻳﻦ ﺑﻌﺪ. إذا ﻛﺎن اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﲟﻨﻄﻘﺔ ﺳﻮس ﻗﺪ ﲣﻠﺺ ﻧﺴﺒﻴﺎ ﻣﻦ اﻟﺸﻔﻮﻳﺔ ،وأﺻﺒﺢ ﻳﺘﺠﻪ ﻣﻨﺬ ﻣﻨﺘﺼﻒ اﻟﺴﺒﻌﻴﻨﺎت ﳓﻮ اﻟﺘﺪوﻳﻦ ،1ﻓﺈن ﻧﻈﲑﻩ ﰲ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ،ورﻏﻢ اﻧﺘﺸﺎرﻩ اﻟﻮاﺳﻊ وﲡﺎوزﻩ ﺣﺪود ﳎﺎﻟﻪ اﳉﻐﺮاﰲ ،ﻣﺎزال ﻳﺸﻖ ﻃﺮﻳﻘﻪ ﳓﻮ اﻟﻜﺘﺎﺑﺔ؛ وﻣﺎزال ﻣﻌﻈﻤﻪ ﺣﺒﻴﺲ ذاﻛﺮة اﻟﺸﻌﺮاء ﺑﺎﺳﺘﺜﻨﺎء ﺑﻌﺾ اﻷﻋﻤﺎل اﻷﻛﺎدﳝﻴﺔ اﻟﻘﻠﻴﻠﺔ اﻟﱵ ﺳﻌﺖ إﱃ ﺗﺪوﻳﻨﻪ ودراﺳﺘﻪ .2وﻟﻦ ﻧﺒﺎﻟﻎ إذا ﻗﻠﻨﺎ إن اﻟﺴﺮ ﰲ اﺳﺘﻤﺮارﻳﺔ ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ ﰲ ﻫﺬﻩ اﳌﻨﻄﻘﺔ اﻟﱵ ﻋﺎﻧﺖ ﻣﻦ اﻟﺘﻬﻤﻴﺶ واﻟﺘﻌﺘﻴﻢ اﻹﻋﻼﻣﻲ ،ﻳﻌﻮد إﱃ ﻗﻮة ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ ﻧﻔﺴﻪ اﻟﺬي اﺳﺘﻄﺎع أن ﻳﻨﻔﺬ ﺣﱴ إﱃ اﳌﻨﺎﻃﻖ اﻟﻨﺎﻃﻘﺔ ﺑﺎﻟﻌﺮﺑﻴﺔ؛ ﺣﻴﺚ ﺗﻌﺘﱪ ﻗﺒﺎﺋﻞ" :زﻳﺎن" وﻳﺮا " و"ﻛﺮوان" و"آﻳﺖ ﻳﻮﺳﻲ" و" آﻳﺖ و"آﻳﺖ ﻣﻜﻴﻞ" و"إﻳﺸﻘﺮن" و"آﻳﺖ ّ ﻋﻴﺎش " ﻣﻦ أﻛﺜﺮ اﳌﻨﺎﻃﻖ اﳌﻐﺮﺑﻴﺔ إﳒﺎﺑﺎ ﻟﻠﺸﻌﺮاء .دون أن ﻧﻨﺴﻰ أن ﺑﻌﺾ ﻣﺪن أ uى 2 ) @ -1ھwا ا Nد د ان " %ء Dاف ) (1976ودواو أزا ) - Lر( ،و D8إد 4 I L) >I 5أو( ار(. * } ،وأط و 8ر 2ـ @ ) ھwا ا G2ن أ ل 0 { 2ون ) (93و) (2005و) (2006و , 5ت % ت ا Hu 42 ( -ل ا Dات ا u:ة ) ~ 0ا ) ~ 0 H#) ،(2003ا {Q Iا أ ا . 0 ][330 وا zرخ ا 8م اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ )ﺧﻨﻴﻔﺮة ،أزرو ،ﻋﲔ اﻟﻠﻮح اﻟﻘﺒﺎب ـ إدزر( ﺗﻌﺘﱪ اﳋﺰان اﻟﺸﻌﺮي وﻣﻠﺘﻘﻰ اﻟﻌﺪﻳﺪ ﻣﻦ اﻟﻔﻨﺎﻧﲔ واﳌﻐﻨﻴﲔ اﳌﻮﻫﻮﺑﲔ )ﲪﻮ اﻟﻴﺰﻳﺪ ،ﳏﻤﺪ ﻣﻐﲏ ،ﻳﺎﻣﻨﺔ ن ﻋﻘﺎ، روﻳﺸﺔ ،ﺣﺎدة أوﻋﻜﻲ ،ﻣﻮﺣﻰ أوﻣﻮزون ،أزﳌﺎض ،ﺷﺮﻳﻔﺔ ،(...ﻛﻤﺎ أن اﻟﺬاﻛﺮة اﳉﻤﺎﻋﻴﺔ ﻻزاﻟﺖ ﲢﻔﻆ ﻋﻦ ﻇﻬﺮ ﻗﻠﺐ أﺷﻌﺎرا ﻟﺸﻌﺮاء ﻣﻐﻤﻮرﻳﻦ إذ ﻏﺎﻟﺒﺎ ،ﻣﺎ ﻳﻨﺴﺐ ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ اﳋﺎﻟﺪ إﱃ اﻷﻧﺎ اﳉﻤﺎﻋﻴﺔ ﺣﻴﺚ ﻻ ﻳﻌﺮف ﻻ اﺳﻢ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﳊﻘﻴﻘﻲ و ﻻ اﻟﻘﺒﻴﻠﺔ اﻟﱵ ﻳﻨﺘﻤﻲ إﻟﻴﻬﺎ. ﻳﻌﺘﱪ اﻟﺸﻌﺮ ﻣﻦ أﻗﺪم اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴﺔ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺎﻹﻧﺴﺎن ،وﻫﻮ اﻟﻐﺬاء اﻟﻮﺟﺪاﱐ واﻟﻌﺎﻃﻔﻲ واﻟﺮوﺣﻲ ﻟﻠﻔﺮد واﳉﻤﺎﻋﺔ ﻻﺳﻴﻤﺎ ﰲ ﻣﻨﻄﻘﺔ ذات ﻃﺒﻴﻌﺔ ﺧﻼﺑﺔ ﻣﺜﻞ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ.ﻟﻘﺪ ﻇﻞ ﻫﺬا اﻟﺸﻜﻞ اﻟﺘﻌﺒﲑي ﻣﻼزﻣﺎ ﻟﻺﻧﺴﺎن اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﺣﻴﺚ ﻋﱪ ﻣﻦ ﺧﻼﻟﻪ ﻋﻦ ﳘﻮﻣﻪ وﻣﺸﺎﻋﺮﻩ وأﺣﺎﺳﻴﺴﻪ ،واﻟﺸﻌﺮ ﻣﻦ أﻫﻢ اﻷﺟﻨﺎس اﻟﱵ رﺻﺪت وﻣﺎزاﻟﺖ ﺗﺮﺻﺪ ﳕﻂ ﻋﻴﺶ اﻹﻧﺴﺎن وﺗﻨﻘﻞ ﲡﺎرﺑﻪ وأﻓﺮاﺣﻪ وﻛﺒﻮاﺗﻪ وآﻻﻣﻪ ،وﺑﻌﺒﺎرة أﺧﺮى اﻟﺸﻌﺮ ﻫﻮ ذﻟﻚ اﳌﺮﺟﻊ اﻟﺘﺎرﳜﻲ واﳊﻀﺎري واﻟﺴﻮﺳﻴﻮﻟﻮﺟﻲ واﻟﺴﻴﻜﻮﻟﻮﺟﻲ ﻟﻠﻔﺮد واﳉﻤﺎﻋﺔ .وﻟﻌﻞ ﻗﺼﺎﺋﺪ ﻓﺤﻮل ﺷﻌﺮاء اﻷﻃﻠﺲ اﳌﻮﺳﻂ ﺧﲑ ﻣﺜﺎل ﻋﻠﻰ ذﻟﻚ،ﻓﻬﻲ ﲟﺜﺎﺑﺔ اﻟﻮﺛﻴﻘﺔ اﻟﺘﺎرﳜﻴﺔ واﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ وﺳﺠﻞ ﳌﺎ ﻋﺎﺷﺘﻪ اﳌﻨﻄﻘﺔ ﻣﻦ أﺣﺪاث وﻗﻼﻗﻞ .إن اﳌﺘﺄﻣﻞ ﰲ "ﺗﻴﻔﺎر"-ﲨﻊ ﺗﺎﻳﻔﺎرت) -ﻗﺼﺎﺋﺪ( اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﺳﻴﺪرك أن اﻟﺸﻌﺮ- وﻋﻠﻰ ﻏﺮار ﳎﺘﻤﻊ ﺷﺒﻪ اﳉﺰﻳﺮة اﻟﻌﺮﺑﻴﺔ ﻛﺎن دﻳﻮان اﻷﻣﺎزﻳﻎ وإﻟﻴﻪ ﻳﺮﺟﻌﻮن ﰲ ﺗﺪوﻳﻦ ﻛﻞ اﻷﺣﺪاث اﻟﱵ ﻋﺮﻓﺘﻬﺎ ﻫﺬﻩ اﳌﻨﻄﻘﺔ اﳋﺼﺒﺔ واﻟﻐﻨﻴﺔ .ﻣﻦ ﻫﺬا اﳌﻨﻄﻠﻖ ﳛﻖ ﻟﻨﺎ أن ﻧﻘﻮل إن اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ ﻫﻮ اﻟﻮﺛﻴﻘﺔ اﻟﺘﺎرﳜﻴﺔ اﻷﺳﺎﺳﻴﺔ اﻟﺬي ﻳﻨﺒﻐﻲ اﻻﺳﺘﻨﺎد إﻟﻴﻪ ﻹﻋﺎدة ﻛﺘﺎﺑﺔ ﺗﺎرﻳﺦ اﳌﻨﻄﻘﺔ ﺑﺸﻜﻞ ﻋﻠﻤﻲ وﺻﺤﻴﺢ ﺑﻌﻴﺪا ﻋﻦ أي ﺗﺰوﻳﺮ وﲢﺮﻳﻒ وﲢﺎﻣﻞ" .إذا ﻛﺎن اﻟﺘﺎرﻳﺦ ﺳﺠﻼ ﻟﻨﺸﺎﻃﺎت اﻹﻧﺴﺎن ﻋﻠﻰ ﻣﺪى اﻟﺰﻣﻦ ،ورﺻﺪا ﻟﻤﻈﺎﻫﺮ ﺗﺴﻠﺴﻬﺎ وﺗﻄﻮرﻫﺎ ،وﻣﺎ ﻳﻄﺮأ ﻋﻠﻴﻬﺎ ﻣﻦ ﺗﻐﻴﺮات،ﻓﺈن اﻷدب ﻳﻤﺘﺢ ﻣﻦ ﻫﺬﻩ اﻟﺴﻤﺔ،ﺑﺸﻜﻞ ﻣﻦ اﻷﺷﻜﺎل ،وﻓﻖ ﻣﺎ ﺗﺘﻴﺤﻪ ﻟﻪ إﻣﻜﺎﻧﺎﺗﻪ ،ووﺳﺎﺋﻞ إﻧﺘﺎﺟﻪ ،ﻏﻴﺮ أن اﻟﺘﻘﺎﻃﻊ اﻟﻤﺤﺘﻤﻞ ،ﻻ ﻳﻌﻨﻲ أن اﻟﺒﻮاﻋﺚ اﻟﺘﻲ ﺗﺤﺮك أو ﺗﻮﺟﻪ أﻳﺎ ﻣﻨﻬﻤﺎ واﺣﺪة ،ﻷن اﻷدب ﻋﻠﻰ ﻣﺴﺘﻮى آﺧﺮ ﻫﻮ ﺗﺎرﻳﺦ ﻣﻀﺎف إﻟﻴﻪ أﺣﺎﺳﻴﺲ وﻣﺸﺎﻋﺮ ،وﻗﺪرات ][331 إﺑﺪاﻋﻴﺔ ﻣﺨﺘﻠﻔﺔ ،ﻣﻦ اﻟﻤﻔﺘﺮض أن ﺗﻌﻜﺲ ﺑﺼﻴﻐﺔ أو أﺧﺮى ﻛﻞ أﺷﻜﺎل اﻟﺘﺠﺮﺑﺔ 1 اﻹﻧﺴﺎﻧﻴﺔ". إن اﻟﺒﺪء ﰲ ﺗﺪوﻳﻦ اﻟﺸﻌﺮ ﺬﻩ اﳌﻨﻄﻘﺔ اﻟﺬي ﺑﺪأ ﻳﺘﺤﻘﻖ ﻋﻠﻰ ﻳﺪ أﺑﻨﺎﺋﻪ ﺧﻼل اﻟﻌﻘﻮد اﻷﺧﲑة-ﺑﻌﺪ أن ﻛﺎﻧﺖ ﻫﺬﻩ اﳌﻬﻤﺔ ﳏﺘﻜﺮة ﻣﻦ ﻗﺒﻞ اﻟﺒﺎﺣﺜﲔ اﻟﻐﺮﺑﻴﲔ اﳌﺴﺘﻤﺰﻏﲔ-ﺳﻴﻌﺰز ﻣﻦ ﻣﻜﺎﻧﺘﻪ وﻳﻀﻤﻦ اﺳﺘﻤﺮارﻳﺘﻪ.ﻛﻤﺎ أن اﻟﻄﺎﺑﻊ اﻟﺸﻔﺎﻫﻲ ﻟﻠﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ،ﺑﻮﺻﻔﻪ ﺗﻌﺒﲑا ﻋﻦ اﻟﺘﻠﻘﺎﺋﻴﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ واﻟﻌﻔﻮﻳﺔ اﻟﻔﻄﺮﻳﺔ،ﻫﻮ ﻧﻘﻄﺔ ﻗﻮة ﻳﻨﺒﻐﻲ اﺳﺘﺜﻤﺎرﻫﺎ ﰲ اﲡﺎﻩ اﻟﺘﺪوﻳﻦ ،ﻷن اﳌﻮﻫﺒﺔ اﻟﺸﻔﺎﻫﻴﺔ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺎﻟﺸﻌﺮ اﻟﻌﻔﻮي اﻟﻔﻄﺮي اﻟﺒﻌﻴﺪة ﻋﻦ اﻟﺘﻜﻠﻒ ﻣﻦ ﺷﺄﺎ أن ﺗﺸﻜﻞ ﻣﺼﺪر إﳍﺎم اﻟﺸﺎﻋﺮ .وﻣﻦ ﺟﻬﺔ أﺧﺮى، ﳝﻜﻦ ﳊﺮﻛﺔ اﻟﺘﺪوﻳﻦ ،ﺑﻮﺻﻔﻬﺎ "اﻟﺮﻳﺒﺮﺗﻮار" اﻟﺬي ﳛﻤﻲ اﻟﺬاﻛﺮة اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ ﻣﻦ اﻟﻀﻴﺎع واﻟﻨﺴﻴﺎن ،أن ﺗﻀﻄﻠﻊ ﺑﺎﻟﺪور اﳌﺆﺳﺴﺎﰐ اﻟﺬي ﻳﻌﻴﺪ اﻻﻋﺘﺒﺎر ﻟﻠﺸﺎﻋﺮ وﻳﺸﺠﻌﻪ وﻳﻀﻤﻦ ﻟﻪ ﺣﻘﻮﻗﻪ .أﺿﻒ إﱃ ذﻟﻚ أن ﺗﺪوﻳﻦ ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ وﻧﻘﻠﻪ ﻣﻦ اﻟﻐﻨﺎﺋﻴﺔ اﻟﺸﻔﺎﻫﻴﺔ اﻟﺘﻠﻘﺎﺋﻴﺔ إﱃ اﻟﻜﺘﺎﺑﺔ واﳌﺆﺳﺴﺎت اﳉﺎﻣﻌﻴﺔ ﺳﻴﺠﻌﻞ ﻣﻨﻪ ﻣﺎدة ﻗﺎﺑﻠﺔ ﻟﻠﺪراﺳﺔ واﻟﺒﺤﺚ اﻷﻛﺎدﳝﻲ؛ ﻛﻤﺎ أن ﲢﻮﻳﻠﻬﺎ إﱃ ﻧﺺ ﻣﻜﺘﻮب ﺳﻴﺴﻬﻞ ﻣﻦ ﻣﺄﻣﻮرﻳﺔ اﻟﺪارس اﻟﺬي ﻳﺮوم دراﺳﺔ ﻗﻴﻤﻪ اﳉﻤﺎﻟﻴﺔ وﺧﺼﺎﺋﺼﻪ اﻷﺳﻠﻮﺑﻴﺔ وﺻﻮرﻩ اﻟﺒﻼﻏﻴﺔ واﺎزﻳﺔ وﻣﺴﺘﻮاﻩ اﻹﻳﻘﺎﻋﻲ. ﳑﺎ ﻻ ﺷﻚ ﻓﻴﻪ أن اﻟﺘﺠﺮﺑﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﳌﻜﺘﻮﺑﺔ ﺳﺘﺠﻌﻞ ﻣﻦ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﺣﺎﻣﻼ ﻟﺼﻔﺔ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﻟﺘﻠﻘﺎﺋﻲ اﻟﺸﻌﱯ اﳌﺮﲡﻞ واﳌﻌﱪ ﻋﻦ أﺻﺎﻟﺔ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﰲ ﺻﻮرﺗﻪ اﻟﺘﻘﻠﻴﺪﻳﺔ اﻟﻔﻄﺮﻳﺔ اﻟﻌﻔﻮﻳﺔ اﻟﱵ ﻻ ﲣﻠﻮ ﻣﻦ ﻗﻴﻢ وﻣﺒﺎدئ إﻧﺴﺎﻧﻴﺔ ﺣﻴﺚ ﲣﺘﻔﻲ اﻷﻧﺎ اﻟﻔﺮدﻳﺔ وﻴﻤﻦ اﻷﻧﺎ اﳉﻤﺎﻋﻴﺔ،أي أﻧﻪ ﺷﻌﺮ ﻣﻌﱪ ﻋﻦ اﳌﺘﺨﻴﻞ اﳉﻤﺎﻋﻲ وﻋﻦ ﳘﻮم اﻟﻘﺒﻴﻠﺔ-اﻷﻣﺔ وﺣﺎﻣﻞ أﻳﻀﺎ ﻟﺼﻔﺔ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﳊﺪاﺛﻲ ،اﻟﺬي ﻳﻮﻓﺮ اﳌﺎدة إﱃ اﻟﻨﻘﺎد ﻗﺼﺪ اﻟﺪراﺳﺔ واﻟﺘﺤﻠﻴﻞ ،ﻫﺬﻩ اﳌﺎدة اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﱵ ﺳﺘﺴﺘﻔﻴﺪ ،ﺑﺪروﻫﺎ، ﻣﻦ ﻣﻔﺎﻫﻴﻢ ﻧﻈﺮﻳﺔ اﻷدب وﻣﻨﺎﻫﺞ اﳊﺮﻛﺔ اﻟﻨﻘﺪﻳﺔ اﻟﻌﺎﳌﻴﺔ. دي )5 "(2006 1ـ Iي ا ) 5+ا :ز 2رات ا = ا (@ ,ص72: -ر • ا:دب ا :ز ][332 " DI اQ -D ة ر >،1 8/(), 9/: -2 # 7 : ; ,$ إن اﳊﺪﻳﺚ ﻋﻦ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﻳﻘﻮدﻧﺎ ﺑﺎﻟﻀﺮورة إﱃ اﳊﺪﻳﺚ ﻋﻦ ﻣﻔﻬﻮم اﻟﺸﺎﻋﺮ ﰲ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﺑﺎﻋﺘﺒﺎرﻩ ﻃﺮف رﺋﻴﺴﻴﺎ ﰲ اﻟﻌﻤﻠﻴﺔ اﻹﺑﺪاﻋﻴﺔ .أول ﻣﺎ ﻳﺼﺎدﻓﻨﺎ،وﳓﻦ ﻧﺘﻮﺧﻰ ﲢﺪﻳﺪ ﻣﺎﻫﻴﺔ اﻟﺸﺎﻋﺮ ووﻇﻴﻔﺘﻪ ،ﻫﻮ ﺗﻌﺪد اﻟﺘﺴﻤﻴﺎت اﻟﱵ أﻋﻄﻴﺖ ﻟﻪ .ﺣﻴﺚ ﻳﺴﻤﻴﻪ اﳌﺴﺘﻤﺰغ 1 " "Michael Peyronﺑـ"barde اﻟﻤﻐﻨﻲ اﻟﺬي ﻳﻨﻀﻢ ﺷﻌﺮا ﺑﻄﻮﻟﻴﺎ ﻣﻠﺤﻤﻴﺎ .أﻣﺎ " "اﻟﺸﺎﻋﺮ اﻟﻤﻨﺸﺪ"berbère "Leأي اﻟﺸﺎﻋﺮ Arsène Roux ،aèdeﰲ ﺣﲔ أﻃﻠﻖ ﻋﻠﻴﻪ 3 " 2ﻓﻘﺪ أﲰﺎﻩ ﺑـ "Laouste "Emile ﺗﺴﻤﻴﺔ " "le trouvèreأي "اﻟﺸﺎﻋﺮ اﻟﻤﻐﻨﻲ اﻟﺠﻮال" ﲟﻌﲎ "اﻟﺘﺮوﺑﺎدور" ﺑﺎﳌﻔﻬﻮم اﳌﺘﺪاول ﺧﻼل اﻟﻘﺮﻧﲔ اﻟﺜﺎﱐ واﻟﺜﺎﻟﺚ ﻋﺸﺮ ﰲ ﺟﻨﻮب ﻓﺮﺳﻨﺎ وإﺳﺒﺎﻧﻴﺎ وﻳﻘﺎﺑﻠﻪ "أﻣﺪﻳﺎز" ﰲ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﳌﻌﺮوف ﺑﺎﻟﱰﺣﺎل واﻻﻧﺘﻘﺎل ﻣﻦ ﻗﺒﻴﻠﺔ إﱃ أﺧﺮى ،ﺑﻞ أن ﻣﺎ ﻳﺴﻤﻰ"ﺑﻮﻏﺎﻧﻴﻢ" ﺗﻨﻄﺒﻖ ﻋﻠﻴﻪ أوﺻﺎف "إﻣﻴﻞ ﻻووﺳﺖ" اﻟﺬي ﺗﻨﻔﺮد ﺑﻪ ﻣﻨﻄﻘﺔ آﻳﺖ ﺑﻮﻛﻤﺎز وإﻧﺘﻴﻔﻦ )اﻧﺘﻴﻔﺔ( وﻣﻨﻄﻘﺔ ﺗﻮﻧﻔﻴﺖ .رﻏﻢ ﺷﻴﻮع اﺳﻢ "أﻣﺪﻳﺎز" ﰲ ﺟﻞ ﻣﻨﺎﻃﻖ اﻷﻃﻠﺲ اﻟﻜﺒﲑ واﳌﺘﻮﺳﻂ ﻓﻘﺪ ﻇﻬﺮت ﰲ اﻟﻌﻘﻮد اﻷﺧﲑة ﺗﺴﻤﻴﺎت ﺟﺪﻳﺪة ﻣﻦ ﻗﺒﻴﻞ: أﻧﺸﺎد ،أﻣﻬﻠﻞ ...وﻣﻬﻤﺎﺗﻌﺪدت اﻟﺘﺴﻤﻴﺎت ،ﻳﺒﻘﻰ "أﻣﺪﻳﺎز" اﻷﻛﺜﺮ اﻧﺘﺸﺎرا ﰲ ﻣﻨﻄﻘﺔ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ واﻷﻃﻠﺲ اﻟﻜﺒﲑ .ﻳﻀﻄﻠﻊ ﲟﻬﺎم ﻋﺪﻳﺪة ﻣﻦ ﺑﻴﻨﻬﺎ اﻟﺪﻓﺎع ﻋﻦ اﻟﻘﺒﻴﻠﺔ. ﻓﻬﻮ ﻟﺴﺎﺎ واﳌﻌﱪ ﻋﻦ ﳘﻮﻣﻬﺎ اﻻﻗﺘﺼﺎدﻳﺔ واﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ واﻟﺴﻴﺎﺳﻴﺔ ،ﻓﻀﻼ ﻋﻦ ﻛﻮﻧﻪ اﻟﺼﺤﻔﻲ اﻟﻨﺎﻗﻞ ﻷﺧﺒﺎر اﻟﻘﺒﺎﺋﻞ واﻟﻀﻤﲑ اﳉﻤﻌﻲ ﻟﻌﺸﲑﺗﻪ ،وﻫﻮ اﶈﺮك واﶈﺮض واﻟﺜﺎﺋﺮ واﳌﻬﺪئ واﳊﻜﻴﻢ. ـ 1 )Michael Peyron » (93 » « Isaffen ghbanin » «rivières profondes wallada,casablanca,et voir aussi Peyron(2005) « Procédés de la poésie amazigh de la culture marocaine, actes du colloque nationale organisé au palais des congrès à Fès les10-11-et 12-2005. A,Roux « poésie berbère de l’équipe héroïque dans l’atlas central »1912-1935ـ2 E, Laouste (1928)« chants berbères contre l’occupation française »Paris.ـ3 ][333 إن ﻗﻮة "أﻣﺪﻳﺎز" وﻧﻔﻮذﻩ ﰲ اﻟﻘﺒﻴﻠﺔ ﻗﺪ ﺗﺘﺠﺎوز ،أﺣﻴﺎﻧﺎ ،ﺳﻠﻄﺔ أﻣﻐﺎر اﻟﻘﺒﻴﻠﺔ وأﻋﻴﺎﺎ.ﻟﻘﺪ اﺳﺘﻄﺎﻋﺖ اﻟﺸﺎﻋﺮة اﻟﺜﺎﺋﺮة واﳌﻘﺎوﻣﺔ "ﺗﺎورﻛﺮات وﻟﺖ ﻋﻴﺴﻰ" اﺳﺘﻨﻔﺎر أﻣﺎزﻳﻎ آﻳﺖ ﺳﺨﻤﺎن وآﻳﺖ ﳛﲕ وﺷﺤﺬ ﳘﻤﻬﻢ وإﻳﻘﺎظ ﻋﺰﻣﻬﻢ ﺑﺸﻌﺮﻫﺎ اﳌﻠﺤﻤﻲ اﳌﻨﺎﻫﺾ ﻟﻼﺳﺘﻌﻤﺎر اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ ،ﺣﻴﺚ ﻋﻤﻠﺖ ﻋﻠﻰ ﺗﻌﻄﻴﻞ اﻵﻟﺔ اﻻﺳﺘﻌﻤﺎرﻳﺔ ﻟﺴﻨﻮات ﻃﻮﻳﻠﺔ ،وﱂ ﻳﺘﻤﻜﻦ ﻣﻦ اﺣﺘﻼل ﻫﺬﻩ اﳌﻨﺎﻃﻖ إﻻ ﺑﻌﺪ ﻣﻌﺮﻛﺔ "ﺗﺎزﻛﺰاوت" اﻟﺸﻬﲑة ﺳﻨﺔ 1933اﻟﱵ اﺳﺘﺸﻬﺪت ﻓﻴﻬﺎ ﺷﺎﻋﺮﺗﻨﺎ اﳌﻘﺎوﻣﺔ .إن اﻟﺴﺮ ﰲ اﺳﺘﻤﺮار ﻫﺬﻩ اﳌﻘﺎوﻣﺔ اﻟﺸﺮﺳﺔ ﻷﻛﱪ ﻗﻮة إﻣﱪﻳﺎﻟﻴﺔ ﻳﻌﻮد أﺳﺎﺳﺎ ،إﱃ ﻗﻮة "ﺗﻤﺎوﻳﺖ" اﻟﱵ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﻄﻠﻘﻬﺎ اﻟﺸﺎﻋﺮة اﻟﻔﺬة "ﺗﺎوﻛﺮات أوﻟﺖ ﻋﻴﺴﻰ" ﰲ ﺳﺎﺣﺔ اﻟﻮﻏﻰ ﻣﺪوﻳﺔ ﰲ وﺟﻪ اﳌﻘﺎوﻣﲔ اﻷﻣﺎزﻳﻎ اﻷﺷﺎوش اﻟﺬﻳﻦ ﻻ ﳝﻜﻠﻮن إﻻ أﺳﻠﺤﺔ ﺑﺴﻴﻄﺔ ﻣﻘﺎرﻧﺔ ﻣﻊ اﻟﻘﻮات اﻟﻔﺮﻧﺴﻴﺔ اﳌﺪﺟﺠﺔ ﺑﺄﺣﺪث اﻷﺳﻠﺤﺔ اﳌﺘﻄﻮرة،إﱃ درﺟﺔ أن "ﻓﺮاﻧﺼﻮا رﻳﻨﻴﻲ" ﻛﺎن ﻳﺸﻌﺮ اﲡﺎﻩ ﺷﺎﻋﺮﺗﻨﺎ اﻟﻀﺮﻳﺮة ﺑﺈﺣﺴﺎس ﻣﺰدوج ﳑﺰوج ﺑﺎﳊﻘﺪ واﻹﻋﺠﺎب ﰲ آن واﺣﺪ. ﻟﻨﺴﺘﻤﻊ إﻟﻴﻪ وﻫﻮ ﻳﺘﺤﺪث ﻋﻦ ﻫﺬﻩ اﻟﺸﺎﻋﺮة/اﻷﺳﻄﻮرة : "ﻟﻘﺪ ﻛﺎﻧﺖ ﻋﺪوﺗﻨﺎ "ﺗﺎوﻛﺮات" 1ﻏﻴﺮ ﻣﺎ ﻣﺮة،ﻫﻲ اﻟﺘﻲ أﺣﻴﺖ اﻟﺤﻤﺎس واﻟﺸﺠﺎﻋﺔ ﻓﻲ ﻧﻔﻮس ﺳﻜﺎن أﻏﺒﺎﻻ ...وﺑﻤﺠﺮد ﻣﺎ دﺧﻞ اﻟﻔﺮﻧﺴﻴﻮن "أﻏﺒﺎﻻ" ﻏﺎدرﺗﻪ "ﺗﺎوﻛﺮات" واﻟﺘﺠﺄت إﻟﻰ"ﺗﻮﻧﻔﻴﺖ" ﻋﻠﻰ اﻟﻌﺪوة اﻷﺧﺮى ﻟﻨﻬﺮ "ﺋﻮرﻳﻦ"... ﻟﻘﺪ ﻇﻞ ﻧﻔﻮذﻫﺎ ﻛﺒﻴﺮا ﻫﻨﺎك ،ﺣﻴﺚ ﻛﺎن اﻟﻨﺎس ﻳﻘﺪﻣﻮن ﻟﻬﺎ اﻟﻬﺪاﻳﺎ ...إﻧﻬﺎ ﺷﺎﻋﺮة ﻣﻦ ﻃﺒﻘﺔ اﻟﺸﻌﺮاء اﻟﻴﻮﻧﺎﻧﻴﻴﻦ اﻷواﺋﻞ اﻟﺬﻳﻦ اﺗﺨﺬﻫﻢ"ﻫﻮﻣﻴﺮوس" ﻧﻤﻮذﺟﺎ ﻟﻪ... ﺷﻌﺮﻫﺎ ﻣﻠﺤﻤﻲ ﺗﺎرة ،وﻛﺄﻧﻪ ﺗﻌﺎزﻳﻢ ،وﻏﻨﺎﺋﻲ ﺗﺎرة ،ﻓﻴﻪ رﻗﺔ وﺣﻨﺎن وﻃﺮب ...وﻫﻮ ﻓﻲ ﺑﻌﺾ اﻷﺣﻴﺎن ﺷﺒﻴﻪ ﺑﺄﻗﺎﺻﻴﺼﻨﺎ اﻷﺳﻄﻮرﻳﺔ اﻟﻘﺪﻳﻤﺔ ،ﻟﻤﺎ ﻳﺘﺴﻢ ﺑﻪ ﻣﻦ ﺑﺪاﻫﺔ وﻣﺎ ﻳﺘﻀﻤﻨﻪ ﻣﻦ ﺗﻬﻜﻢ وﺳﺨﺮﻳﺔ… ﻛﻠﻪ ﺷﺘﻢ ﻣﻘﺬع ﻟﻠﻨﺼﺎرى وﻷﺗﺒﺎﻋﻬﻢ 1ـ ھ Lو? ات أو OD 4ن آ ‚I 4ن (G2ت ، - ر Nت أ 8وس ،اw‚Lت ھ =-ز = و) „=- N‚ 4 ? Lز اوت .1933 I ا * ( Dإ Oأن ا =2-Iت ) ][334 ء -L > ،وج؛ ) = 4) -8ا 2(Eد ) Oأ ر =0و ، =0 ƒ %و 4ا -D ﻣﻦ"ﻣﺨﺎزﻧﻴﺔ" و"ﻛﻮم" و"ﻣﺠﻨﺪي اﻟﺤـﺮﻛﺔ" وﻟﻘﺪ اﻣﺘﻨﻊ ﻣﺨﺒﺮﻧﺎ اﻷول ﻋﻦ ]ﻋﻦ وﺟﻮد ﺷﻌﺮﻫﺎ[ رواﻳﺔ ﻫﺠﻮﻫﺎ ﻟﻨﺎ ،ﻟﻜﻦ ﻣﺨﺒﺮا أﺧﺮ ﻛﺎن أﻛﺜﺮ ﺻﺮاﺣﺔ وأﺟﺪر أن ﻳﻮﺛﻖ ﺑﻪ ،أﻃﻠﻌﻨﺎ ﻋﻠﻰ ﻣﺤﺘﻮى ذﻟﻚ اﻟﺸﻌﺮ .وﻛﺮد ﻓﻌﻞ ﻋﻠﻰ ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻘﻮي اﻟﺬي رﻓﻊ ﻣﻦ ﳘﻢ اﻷﻣﺎزﻳﻎ اﻷﺷﻮاش ،وﺳﺨﺮ ﻣﻦ اﻻﺳﺘﻌﻤﺎر اﻟﻐﺎﺷﻢ واﺻﻔﺎ إﻳﺎﻫﻢ ﺑﺄﻗﺒﺢ اﻟﻨﻌﻮت ،أﻃﻠﻖ رﻳﻨﻴﻲ) (Reyniersاﻟﻌﻨﺎن ﻟﺤﻘﺪﻩ ﻋﻠﻰ اﻷﻣﺎزﻳﻎ وأﺧﺬ ﻳﻨﻌﺘﻬﻢ ﺑﻜﻞ ﻧﻌﺖ ﺷﺎﺋﻦ .ﺛﻢ ﻳﻀﻴﻒ وﻛﺄﻧﻪ أﺣﺲ ﺑﻮﺧﺰة ﺿﻤﻴﺮ" :وﻟﻜﻦ ﻣﺎذا ﻳﺎﺗﺮى ﻧﺆاﺧﺬ ﺑﻪ ﻫﺆﻻء "اﻟﺒﺮﺑﺮ" ؟ ﻓﻠﻨﺴﺘﻤﻊ إﻟﻴﻬﻢ ،"...وﻳﺘﻜﺮم ﺑﻌﺪ ذﻟﻚ ﻋﻠﻰ اﻷﻣﺎزﻳﻎ" ﺑﺬﻛﺮ ﻣﺎ ﻛﺎن ﻳﺮاﻩ ﻓﻴﻬﻢ ﻣﻦ اﻟﺨﺼﺎل اﻟﺤﻤﻴﺪة اﻟﺘﻲ ﻳﻮد ﻟﻮ أن اﻹﻧﺴﺎن اﻷوروﺑﻲ ﻇﻞ ﻳﺤﺎﻓﻆ ﻋﻠﻰ ﻣﺜﻠﻬﺎ". 1 $ -3 = % < 0$ :. / إن أول ﻣﺎ ﻳﻮﺟﻬﻪ اﻟﺒﺎﺣﺚ ﰲ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ،ﻻﺳﻴﻤﺎ ﰲ ﻣﻨﻄﻘﺔ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ،ﻫﻮ ﺻﻌﻮﺑﺔ ﲢﺪﻳﺪ أﺻﻨﺎﻓﻪ ﲢﺪﻳﺪا ﻓﻨﻴﺎ دﻗﻴﻘﺎ ﻧﻈﺮا ﻟﺘﺪاﺧﻠﻬﺎ وﺗﺸﺎﻬﺎ ﺷﻜﻼ وﻣﻀﻤﻮﻧﺎ .أﺿﻒ ذﻟﻚ إﱃ ﺻﻌﻮﺑﺔ ﺣﺼﺮ اﺎل اﳉﻐﺮاﰲ ﻟﻜﻞ ﺻﻨﻒ ﻋﻠﻰ ﺣﺪة. ذﻟﻚ أن ﻣﻨﻄﻘﺔ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ اﳌﱰاﻣﻴﺔ اﻷﻃﺮاف اﻟﱵ ﺗﺒﺘﺪئ ﻣﻦ ﺗﺎزة إﱃ أزﻳﻼل .و ﻳﺰﻳﺪ ﻣﻦ ﺗﻌﻘﻴﺪ ﻫﺬﻩ اﳌﺸﻜﻠﺔ اﳌﺼﻄﻠﺤﻴﺔ .اﻷﻣﺮ اﻟﺬي ﺟﻌﻠﻨﺎ ﻧﺼﺎدف أﻛﺜﺮ ﻣﻦ ﻣﺼﻄﻠﺢ ﻟﻠﺼﻨﻒ اﻟﺸﻌﺮي ﻟﻮاﺣﺪ .وإذا ﻛﺎن ﻣﻦ ﺷﺮوط اﻟﺒﺤﺚ اﻟﻌﻠﻤﻲ ﲢﺪﻳﺪ اﳌﻔﺎﻫﻴﻢ ﲢﺪﻳﺪا ﻋﻠﻤﻴﺎ-إﳝﺎﻧﺎ ﻣﻨﺎ أن ﺿﺒﻄﻬﺎ ﻫﻮ ﻧﺼﻒ اﻟﻌﻠﻢ إن ﱂ ﻧﻘﻞ ﻛﻠﻪ -ﻓﺈﻧﻨﺎ ﻧﺴﻌﻰ ﰲ اﻟﻮرﻗﺔ إﱃ اﻟﺘﺪﻗﻴﻖ ﰲ أﻫﻢ اﻷﺻﻨﺎف اﻟﱵ ﺗﺘﺸﻜﻞ ﻣﻨﻬﺎ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﻣﻨﻄﻠﻘﲔ ﻣﻦ اﻟﺪراﺳﺔ اﻟﻮﺻﻔﻴﺔ واﳌﻌﺎﻳﻨﺔ اﳌﻴﺪاﻧﻴﺔ ،وﻣﺴﺘﻔﻴﺪﻳﻦ ﻣﻦ ﺑﺎﺣﺜﲔ ﺟﺎدﻳﻦ ﻗﺪﻣﻮا أﲝﺎﺛﺎ-رﻏﻢ أﻧﻪ ﻣﻌﺪودة ﻋﻠﻰ رؤوس اﻷﺻﺎﺑﻊ-رﺻﻴﻨﺔ ﰲ ﻫﺬا اﳌﻴﺪان. 1ـ (H5 % * })"(2000 أ{B رب ][335 ر: 0 0و "ص110: 1.3 IZLI : ïÛŒö " ﺋـ ـﺰﻟــﻲ" ،أو "ﺋـﺰري "ﺑﺘﺎرﻳﻔﻴﺖ"-اﻟﻼم ﺗﺘﺤﻮل راء ﰲ ﺗﺎرﻳﻔﻴﺖ "-ﲨﻌﻪ ﺋﺰﻻن ،ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﻣﻘﻄﻊ ﻏﻨﺎﺋﻲ ذي إﻳﻘﺎع ﻣﻮزون ﻣﺘﻜﻮن ﻣﻦ ﺑﻴﺘﲔ إﺛﻨﲔ وﻻزﻣﺔ ) (refrainﺗﺮاﻓﻖ ﻫﺬا اﳌﻘﻄﻊ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ )ﺋﺰﱄ( اﻟﺬي ﻳﻨﻘﺴﻢ إﱃ ﺷﻄﺮﻳﻦ ) (hémistichesﻣﻜﺮرﻳﻦ ﻣﺮات ﻋﺪﻳﺪة ﺑﲔ ﳎﻤﻮﻋﺘﲔ ﻏﻨﺎﺋﻴﺘﲔ .ﻳﻀﻢ اﻟﺸﻖ اﻷول ﻓﻜﺮة ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﺳﺆال ،أﻣﺎ اﻟﺸﻖ اﻟﺜﺎﱐ ﻓﻬﻮ ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﺟﻮاب ورد ﻋﻦ اﻟﺴﺆال اﳌﻄﺮوح .ﻳﻘﱰح " ) "Bu lleghaاﻟﺸﺎﻋﺮ اﳌﻐﲏ( ﻻزﻣﺔ ﻣﻨﺴﺠﻤﺔ وﻣﻼﺋﻤﺔ ﻣﻊ اﻹﻳﻘﺎع؛ وﻳﺸﻤﻞ ﻫﺬا اﻷداء "ﺋﺰﻻن ن أﺣﻴﺪوس"ﺑﺮﻣﺘﻬﺎ .وﺗﺰاﻣﻨﺎ ﻣﻊ ذﻟﻚ وﻳﺮدد اﻟﻌﺎزﻓﻮن ﻋﻠﻰ"أﻟﻮن" ﻫﺬﻩ اﻟﻼزﻣﺔ؛ وﺑﲔ اﻟﻔﻴﻨﺔ واﻷﺧﺮى ﻳﺘﺪﺧﻞ اﻟﺸﺎﻋﺮ-اﳌﻐﲏ ﻟﺘﺼﺮﻳﻒ "ﺋﺰﻻن" وﲤﺮﻳﺮﻫﺎ ،ﺣﻴﺚ ﺗﺘﺨﺬ ﰲ ﻏﺎﻟﺐ اﻷﺣﻴﺎن ﻃﺎﺑﻌﺎ ﺣﻮارﻳﺎ ﻳﺘﻤﺤﻮر ﺣﻮل ﻓﻜﺮة أو ﻗﻀﻴﺔ ﻳﺘﻨﺎﻇﺮ ﻓﻴﻬﺎ اﻟﻄﺮﻓﺎن ﻛﻞ ﻣﻦ ﻣﻮﻗﻌﻪ اﳋﺎص 1.ﺑﻌﺪ أداء اﻛﱪ ﻋﺪد ﻣﻦ "ﺋﺰﻻن" اﳌﺒﺘﺪﺋﺔ واﳌﻨﺘﻬﻴﺔ ﺑﻼزﻣﺔ ﺗﻌﺎد ﻣﺮات ﻋﺪﻳﺪة ﻃﻮال ﻣﺴﺎر اﳌﻘﻄﻮﻋﺔ اﻟﻐﻨﺎﺋﻴﺔ ،ﻳﻐﲑ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﳌﻐﲏ )اﳌﻐﲏ اﻟﺮﺋﻴﺴﻲ( اﻹﻳﻘﺎع ﻟﻴﻠﺞ ﺗﻴﻤﺔ ﺟﺪﻳﺪة .ﻳﺘﻤﻴﺰ "ﺋﺰﻻن ن ﺗﻤﻨﺎﺿﻴﻦ"ﻋﻦ "ﺋﺰﻟﻲ ن أﺣﻴﺪوس" ﰲ ﻛﻮن اﻷول ﻳﻜﻮن ،داﺋﻤﺎ ،ﻃﻮﻳﻼ وذا ﻃﺎﺑﻊ ﺛﻨﺎﺋﻲ وﺣﻮاري،ﻋﻼوة ﻋﻠﻰ ﺗﻮاﻓﺮﻩ ﻋﻠﻰ ﺑﻴﺖ ﻣﺴﺘﻘﻞ ﻳﺼﻄﻠﺢ ﻋﻠﻴﻪ "أﻓﺮادي" .ﻋﻠﻰ اﳌﺴﺘﻮى اﻹﻳﻘﺎﻋﻲ ﺗﻔﺮض اﻟﻄﺒﻴﻌﺔ اﳊﻮارﻳﺔ ﳍﺬا اﳉﻨﺲ اﻟﺸﻌﺮي إﻳﻘﺎﻋﺎت ﺗﺘﺄرﺟﺢ ﺑﲔ اﻟﺴﺮﻋﺔ و اﻟﺒﻂء .أﺛﻨﺎء وﻟﻮﺟﻪ اﳊﻮار اﻟﺸﻌﺮي ﻳﻀﻄﺮ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﳌﻐﲏ إﱃ اﻻﻧﻀﺒﺎط إﱃ اﻹﻳﻘﺎع اﻟﺬي ﻳﻔﺮﺿﻪ ﻣﻨﺎﻓﺴﻪ ،إذ ﳝﻜﻦ ﳍﺬا اﻹﻳﻘﺎع أن ﻳﻜﻮن ﻃﻮﻳﻼ أو ﻗﺼﲑا .ﻟﻜﻲ ﻳﺘﺄﺗﻰ ﳍﻤﺎ اﳊﻔﺎظ ﻋﻠﻰ إﻳﻘﺎع ﻣﻨﺴﺠﻢ وﻣﻮزون ﻳﻨﺒﻐﻲ ﻋﻠﻰ ﻛﻞ واﺣﺪ ﻣﻨﻬﻤﺎ أن ﻳﺮد ﻋﻠﻰ 2 ﺧﺼﻤﺔ ﺑﺸﻜﻞ ﺳﺮﻳﻊ ﻳﺘﻤﺎﺷﻰ ﻣﻊ إﻳﻘﺎﻋﻪ. 1- Faiza jamali (97)«tyimnadin ou poésie dialogique chez les ichqirn au moyen atlas»pp:21-22 2- Faiza jamali (97) ibid,pp:22-23 ][336 ﻳﺪﻋﻢ اﻷﺳﺘﺎذ ﻣﺤﻤﺪ ﺷﻔﻴﻖ ﻫﺬا اﻟﺮأي ،ﺣﻴﺚ ﻳﺮى " أن "ﺋﺰﻟﻲ" ﻫﻮ اﻟﺼﻨﻒ اﻟﺬي ﻳﺘﺒﺎرى ﻓﻴﻪ اﻟﺸﻌﺮاء ﻋﺎدة وﻳﺠﺮﺑﻮن ﺣﻈﻮﻇﻬﻢ ﻓﻲ اﻟﻘﺪرة ﻋﻠﻰ اﻻرﺗﺠﺎل وﻋﻠﻰ اﻟﺮد اﻟﺴﺮﻳﻊ ،ﺣﻴﺚ ﺗﻘﻮم ﻓﻴﻪ اﻟﻼزﻣﺔ ﺑﺪور اﻟﺬاﻛﺮة اﻟﺠﻤﺎﻋﻴﺔ اﻟﻤﻮﻛﻮل إﻟﻴﻬﺎ ﺑﻤﻬﻤﺔ ﺗﺴﺠﻴﻞ اﻹﺣﺪاث اﻟﺘﻲ ﺗﻤﺮ ﺑﺎﻷﻣﺔ واﻟﻘﺒﻴﻠﺔ ،ﺗﻈﻞ اﻟﻼزﻣﺔ ﻣﻌﺘﻤﺪة ﻟﻤﺪة ﺗﻄﻮل وﺗﻘﺼﺮ ﺣﺴﺐ اﻟﻈﺮوف وﺣﺴﺐ أﻫﻤﻴﺔ اﻟﺤﺪث اﻟﺬي" ﺗﺆرخ" ﻟﻪ ،وﻛﺎن اﻟﻨﺎس ﻳﻌﺘﻘﺪون أن ﻟﻮازم "ﺋﺰﻻن" ﻣﻦ ﻗﻮل ﺟﻨﻲ ﻳﺴﻜﻦ إﺣﺪى ﻣﻐﺎرات اﻷﻃﻠﺲ اﻟﻜﺒﻴﺮ ﻋﻠﻰ ﻣﻘﺮﺑﺔ ﻣﻦ زاوﻳﺔ"ﺳﻴﺪي أوﻋﻴﺎش" ،ﻳﻌﺘﺒﺮ "ﺋﺰﻟﻲ" أﻛﺜﺮ اﻷﺻﻨﺎف اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻧﺘﺸﺎرا ،ﺗﻠﻴﻪ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ،وﺗﻠﻴﻬﺎ "ﺗﺎﻳﻔﺎرت"". 1 أﻣﺎ Henri Bassetﻓﻴﻌﺘﱪ "ﺋﺰﻟﻲ" ﳕﻄﺎ ﺷﻌﺮﻳﺎ ﺷﺎﻣﻼ ﻣﺘﺪاوﻻ وﻣﺸﱰﻛﺎ ﻟﺪى ﺟﻞ إﳝﺎزﻳﻐﻦ .وﻳﻌﺮﻓﻪ ﺑﻮﺻﻔﻪ ﻣﻘﻄﻮﻋﺔ ﺷﻌﺮﻳﺔ ﻗﺼﲑة ﻣﺘﻌﺪدة اﳌﻮﺿﻮﻋﺎت .وﻣﻦ ﳑﻴﺰات ﻫﺬا اﻟﻨﻤﻂ اﻟﺸﻌﺮي أﻧﻪ ﻗﺪ ﻳﻠﻘﻰ أو ﻳﻐﲎ .ﻣﻦ ﺟﻬﺘﻪ ،ﺣﺪدﻩ اﻟﻌﻼﻣﺔ ﻣﻮﻟﻮد ﻣﻌﻤﺮي "ﺋﺰﻻن" ﺑﻜﻮﺎ :أﺷﻌﺎرا ﻗﺼﲑة ﺗﺆدى ﻣﺼﺤﻮﺑﺔ ﺑﺎﻟﻐﻨﺎء". 2.3 Tamawat : oíëbßbm "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" أو "ﳌﺎﻳﺖ" ﲨﻌﻬﺎ "ﺗﻴﻤﺎواوﻳﻦ" ﻣﺸﺘﻘﺔ ﻣﻦ ﻓﻌﻞ "أوي ""AWI أي :راﻓﻖ واﺻﻄﺤﺐ ،وﻣﻌﻨﺎﻫﺎ ،ﻟﻐﻮﻳﺎ" ،اﻟﺮﻓﻴﻘﺔ" أو "اﳌﺮاﻓﻘﺔ" اﻟﱵ ﺗﺮاﻓﻖ اﳌﺴﺎﻓﺮ ﰲ ﺳﻔﺮﻩ اﻟﺸﺎق ﻋﱪ اﳉﺒﺎل واﻟﻮﻫﺎد ،وﻗﺪ ﻳﺮادﺎ "اﳊﺎﻣﻠﺔ" و"اﻟﻨﺎﻗﻠﺔ" ﳋﱪ أو ﻟﺸﻲء. ﻳﺮاد ﺎ اﺻﻄﻼﺣﻴﺎ "ﺗﻠﻚ اﻟﻤﻘﻄﻮﻋﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﻤﻐﻨﺎة اﻟﻘﺼﻴﺮة اﻟﺤﺰﻳﻨﺔ اﻟﻤﺘﺒﺎدﻟﺔ ،ﻓﻲ ﻏﺎﻟﺐ اﻷﺣﻴﺎن ،ﺑﻴﻦ ﻋﺎﺷﻘﻴﻦ" ﻳﺘﻢ ﺗﺒﺎدﳍﺎ ﻋﺎدة ﺑﲔ اﻟﻄﺮﻓﲔ أﺛﻨﺎء ﻗﻴﺎﻣﻬﻤﺎ ﺑﻌﻤﻠﻬﻤﺎ اﻟﺸﺎق ﰲ اﳊﻘﻞ أو أﺛﻨﺎء ﺷﻘﻬﻤﺎ ﻃﺮﻳﻘﻬﻤﺎ ﻋﺎﺋﺪﻳﻦ إﱃ ﻗﺮﻳﺘﻬﻤﺎ.وﻟﻌﻞ اﻟﺘﻴﻤﺔ اﻷﻛﺜﺮ إﻃﺮادا واﺳﺘﻌﻤﺎﻻ ﰲ ﻫﺬا اﳉﻨﺲ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ ﻫﻮ ﺗﻴﻤﺎت :اﻟﺘﻮﺳﻞ واﻻﺳﺘﻌﻄﺎف واﳌﻨﺎﺟﺎة ﺑﲔ ﻋﺎﺷﻘﲔ ﺳﺎءت اﻷﺣﻮال ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ أو ﺗﻔﺼﻠﻬﻤﺎ ﻣﺴﺎﻓﺔ 1ـ % * } )"(2000ا SBا "}0 D *99-98: -% ][337 ﻣﻜﺎﻧﻴﺔ وزﻣﺎﻧﻴﺔ ،أو ﺑﺴﺒﺐ وﺟﻮد ﺣﻮاﺟﺰ اﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ أو أﺳﺮﻳﺔ أو ﺛﻘﺎﻓﻴﺔ ﲢﻮل ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ. ﻧﻈﺮا ﻻرﺗﺒﺎﻃﻬﺎ ﺑﺘﻴﻤﺎت اﳊﺐ واﻟﻌﺸﻖ واﻟﺸﻮق ﻓﻘﺪ ﲰﻴﺖ ﺑـ "ﺗﺎﻫﻮاوﻳﺖ" ﻟﺪى ﻗﺒﺎﺋﻞ آﻳﺖ ﺣﺪﻳﺪو .وﺣﺴﺐ ﺗﻘﺪﻳﺮي ﻓـ "أﺷﻮﻳﻖ" أو "ﺗﺸﻮﻳﻘﺖ" اﳌﻌﺮوﻓﺔ ﰲ ﻣﻨﻄﻘﺔ اﻟﻘﺒﺎﺋﻞ ﺗﺮادف "ﲤﺎوﻳﺖ" .وﻻ ﺷﻚ أن ﲢﺪﻳﺪ ﳏﻤﺪ ﺟﻼوي 1ﳍﺬا اﳉﻨﺲ اﻟﺬي ﻳﺸﱰك ﻣﻊ اﻟﺘﻌﺎرﻳﻒ اﻟﺴﺎﺑﻘﺔ ﻟـ "ﺗﻤﺎوﻳﺖ" ﻳﺪﻓﻌﲏ إﱃ اﻋﺘﺒﺎر "أﺷﻮﻳﻖ" ﺷﺒﻴﻬﺎ وﻧﻈﲑا ﻟـ "ﲤﺎوﻳﺖ" ﺗﺘﻤﻴﺰ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﲞﺼﺎﺋﺺ ﻓﻨﻴﺔ ﻻ ﻳﺘﺴﻊ اﺎل ﻟﺬﻛﺮﻫﺎ ﰲ ﻫﺬا اﳌﻘﺎم,ﻟﻘﺪﻗﺎﻣﺖ اﻟﺒﺎﺣﺜﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﻴﺔ اﳌﺴﺘﻤﺰﻏﺔ ""Jeanine Drouin ﺑﺪراﺳﺔ ﻫﺬا اﻟﺼﻨﻒ اﻟﺸﻌﺮي وﲢﺪﺛﺖ ﺑﺘﻔﺼﻴﻞ ﻋﻦ اﳌﻘﻮﻣﺎت اﻟﻔﻨﻴﺔ اﻟﱵ ﲤﻴﺰ ﻫﺬا اﻟﻔﻦ ﻟﺪى ﻗﺒﻴﻠﺔ "إﻳﺸﻘﺮن" )اﻟﻘﺒﺎب( .إن أﻫﻢ ﻣﺎ ﻳﻠﻔﺖ اﻧﺘﺒﺎﻩ اﻟﺒﺎﺣﺚ ﰲ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﻫﻮ اﻋﺘﻤﺎدﻫﺎ ﻋﻠﻰ اﳊﻮارﻳﺔ اﻟﺜﻨﺎﺋﻴﺔ ﺑﲔ ﻋﺎﺷﻘﲔ ﳚﻤﻌﻬﺎ ،ﰲ ﻏﺎﻟﺐ اﻷﺣﻴﺎن ،ﺣﺐ ﻋﺬري ﺟﻨﻮﱐ ﻳﺸﺒﻪ ﻋﺸﻖ ﲨﻴﻞ-ﺑﺜﻴﻨﺔ وﻋﺸﻖ روﻣﻴﻮ-ﺟﻮﻟﻴﻴﺖ .ﻟﻘﺪ وﺟﺪت ﻣﻐﻨﻴﺎت وﻣﻐﻨﻮ ﲤﺎواﻳﺖ ﰲ اﻟﻄﺒﻴﻌﺔ اﳋﻼﺑﺔ ﻟﻸﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﺗﺮﺑﺔ ﺧﺼﺒﺔ وﻓﻀﺎء ﲨﻴﻼ ﻹﻃﻼق اﻟﻌﻨﺎن ﻟﻠﺤﻨﺠﺮة اﻟﱵ ﻳﺰﻳﺪﻫﺎ ﺋﺪات وأﺻﺪاء اﳉﺒﺎل روﻧﻘﺎ وﲨﺎﻻ ،ﺣﻴﺚ ﻳﺴﺘﻤﺘﻊ اﳌﻐﲏ واﳌﻐﻨﻴﺔ ﺑﺼﻮﻤﺎ اﻟﺬي ﺗﺴﻤﻊ أﺻﺪاؤﻩ ﰲ اﻟﻀﻔﺔ اﻷﺧﺮى ﻟﻠﺠﺒﻞ .ﻷن "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﺗﻄﻠﻖ ،ﻋﺎدة ،ﻣﻦ " أدرار" )اﳉﺒﻞ( أو ﻣﻦ " أورﰐ )اﻟﺒﺴﺘﺎن( أو "إﻛﺮ" )اﳊﻘﻞ( ،او ﻣﻦ "أﻛﻤﺎض" اﻟﻀﻔﺔ اﻷﺧﺮى ﻟﻠﺴﺎﻗﻴﺔ أو اﻟﻮاد أو اﳉﺒﻞ .ﺗﺘﻤﻴﺰ "ﺗﻤﺎوﻳﺖ" ﺑﻘﻮة اﻟﺼﻮت وﻋﺬوﺑﺘﻪ،وﻃﻮل اﻟﻨﻔﺲ .ﻳﻨﻔﺮد اﻟﺸﻜﻞ اﻟﻨﻐﻤﻲ واﻹﻳﻘﺎﻋﻲ ﻟـ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﺑﻄﻮل اﳌﻘﺎﻃﻊ ﻣﻊ اﺳﺘﻬﻼل ﻣﻄﻠﻌﻬﺎ ﺑـ ./aya/،/ata/ ،/awa/:وإﻟﻴﻜﻢ ﳕﻮذﺟﺎ ﻣﻦ "ﺗﻤﺎوﻳﺖ" ﺑﲔ ﻋﺎﺷﻘﲔ: اﻟﺤﺒﻴﺐ: إس ؤﻛﺪ ْخ أ ْد ْﻣﺘ ـ ـ ْﺦ ﻏﻴﻔ ـ ـ ـ ـ ـ ْـﻢ ﺑﻌﻴﺖ أﺗﺎِ ؤر ْﻳﺒﻌ ْﺪ ؤزﻏﺎر ؤرﻳﺪ أﺑﺮﻳ ْﺪ أﻳﻤﻲ ﻧِﻮي ْ ﻏﺎس ْ ْ اﻟﺤﺒﻴﺒﺔ: % -1 † ز HBوي ) !L" (2009ر ا 2 ،ص.144 -145 اQ 5 و0) …NQ Nu ][338 ا 5- وا %ا ( Kا @) %ا D ﺎﻣﺲ إي وﻟْﻴﻨ ــﻮ ؤدﻓﻞ أ ّد ْ أوا أزﻧﺎﺧ ْﺪ ﺷﺎ ْن ْ اي ﺗﻨّ ْ اﻟﺘﻌﺮﻳﺐ: أ ْد ْﺧﺴﻴ ْﻦ إﻣﻮراي ؤﺳﻤﻮﻧﻴـﻨ ـ ـ ـﻮ اﻟﺤﺒﻴﺐ: ﻻ اﻟﻔﻴﺎﻓﻲ وﻻ اﻟﻄﺮﻳﻖ اﻟﻄﻮﻳﻞ ﻳﺒﻌﺪاﻧﻲ ﻋﻨـﻚ ﻓﻘﻂ أﺧﺸﻰ أن اﻗﻀﻲ ﻧﺤﺒﻲ ﻟﻮﻋﺔ أنٍ رأﻳﺘﻚ اﻟﺤﺒﻴﺒﺔ : ﻫﻼ ﺑﻌﺚ ﻟﻲ ﻗﻄﻌﺔ ﺛﻠﺞ ﻷﺿﻌﻬﺎ ﻓﻮق ﻗﻠﺒـ ــﻲ ﻋﺴﺎﻫﺎ ﺗﻄﻔﺊ ﻧـ ـ ـ ـ ــﺎر ﻋﺸـﻖ اﻟﺤﺒﻴــﺐ ﺗﺆدى"ﺗﻤﺎوﻳﺖ"ﺑﺼﻮت ﺷﺠﻲ ﻳﺜﲑ اﻹﺣﺴﺎس واﻟﺸﻔﻘﺔ وﻳﺴﺘﻬﻮي اﳌﺘﻠﻘﻲ- اﳌﺴﺘﻤﻊ وﳚﻌﻠﻪ ﺗﺎﺋﻬﺎ ﻣﻊ ذﻟﻚ اﻟﺼﻮت اﳉﻤﻴﻞ اﳌﻨﺒﻌﺚ ﻣﻦ ﺗﻠﻚ اﳊﻨﺠﺮة اﻟﺬﻫﺒﻴﺔ ﻃﻴﻠﺔ ﻓﱰة اﳌﻮال.ﻳﻌﺘﱪ اﻟﺼﻮت اﻟﻨﺴﻮي اﻷﻛﺜﺮ إﺛﺎرة وﺟﺎذﺑﻴﺔ وﺗﻮﻏﻼ ﰲ ﻧﻔﺲ اﳌﺴﺘﻤﻊ.وﻗﺪ اﺳﺘﻄﺎﻋﺖ ﻣﻐﻨﻴﺎت ﻣﻮﻫﺒﺎت أن ﻳﺒﺪﻋﻦ ﰲ ﻫﺬا اﳉﻨﺲ اﻟﺸﻌﺮي ﺻﻮﺗﺎ وأداء أﻣﺜﺎل: ﺗﻤﻬﺎوﺷﺖ ،ﺷﺮﻳﻔﺔ ﺗﺎﻛﺮﺳﻴﺖ ،ﻓﺎﺿﻤﺔ أوﻟﺖ ﺣﺪﻳﺪو ،وﻗﺒﻠﻬﻦ ﻳﺎﻣﻨﺔ ن ﻋﺰﻳﺰ… وﻫﺬا ﻻ ﻳﻌﲏ أن ﻓﻦ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﻛﺎن ﻣﻘﺘﺼﺮا ﻋﻠﻰ اﻟﻨﺴﺎء ﻓﻘﻂ،ﻓﻠﻠﺮﺟﺎل ،أﻳﻀﺎ،ﻧﺼﻴﺐ أوﻓﺮ ﺧﺎﺻﺔ ﻣﻦ ﻗﺒﻞ ﺑﻌﺾ اﻟﻔﺮﺳﺎن؛ ﺣﻴﺚ ﻳﻀﻄﻠﻊ "أﻣﻨﺎي" اﻟﻔﺎرس ﲟﻬﻤﺔ ﺗﻨﻈﻴﻢ اﻟﺴﺒﺎق وﺿﺒﻄﻪ ﲟﻘﺎﻃﻊ ﻣﻦ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" .ﻳﺘﺤﺪث ﻓﻴﻬﺎ ﻋﻦ اﻟﺸﻬﺎﻣﺔ واﻟﺸﺠﺎﻋﺔ واﻻﻓﺘﺨﺎر ﺑﻘﺒﻴﻠﺘﻪ وﺷﻬﺮﺎ ﰲ ﳎﺎل اﻟﻔﺮوﺳﻴﺔ واﻟﻜﺮم .وﻣﺎ ﻳﻀﻔﻲ ﻋﻠﻰ ﻫﺬا اﻟﻔﻦ اﻟﺸﻌﺮي اﳉﻤﻴﻞ ﲨﺎﻻ وروﻣﺎﻧﺴﻴﺔ ﻛﻮﺎ ﺗﻐﲎ ﰲ ﳍﻮاء اﻟﻄﻠﻖ ﺑﺼﻮت ﻣﺮﺗﻔﻊ ورﺧﻴﻢ.ﻳﺸﱰط ﰲ اﳌﻐﲏ أو اﳌﻐﻨﻴﺔ أن ﻳﻜﻮن ذا ﻧﻔﺲ ﻃﻮﻳﻞ وﺻﻮت ﻋﺬب وﲨﻴﻞ. واﳌﻼﺣﻆ أن ﺟﻞ اﻟﺬﻳﻦ أﺑﺪﻋﻮا وأﻇﻬﺮوا ﻋﻦ ﻣﺆﻫﻼت ﺧﻼﻗﺔ ﻫﻢ ﻓﻨﺎﻧﻮن ﻋﺼﺎﻣﻴﻮن وﻣﻮﻫﻮﺑﻮن أدووا ﻫﺬا اﻟﻔﻦ ﺑﺘﻠﻘﺎﺋﻴﺔ وﻋﻔﻮﻳﺔ ﺑﻌﻴﺪا ﻋﻦ اﻟﺘﺼﻨﻊ واﻟﺘﻜﻠﻒ .وﻣﻬﻤﺎ ﻛﺎﻧﺖ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻮاﺻﻔﺔ اﻟﱵ ﳓﻠﻞ ﺎ،ﻫﻨﺎ ،ﻟﺘﻘﺮﻳﺐ ﻫﺬا اﻟﺼﻨﻒ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﺮاﺋﻊ إﱃ اﳌﻠﺘﻘﻲ ،ﻓﺈن ﲨﺎﻟﻴﺔ "ﺗﻤﺎوﻳﺎت" وﻣﺎ ﺗﺘﻤﻴﺰ ﺑﻪ ﻣﻦ ﻋﺒﻘﺮﻳﺔ ﻓﻨﻴﺔ أﺛﻨﺎء أداﺋﻬﺎ ﻧﻌﺠﺰ ﻋﻦ إﻋﻄﺎء وﺻﻒ ﺷﺎﻣﻞ وﺟﺎﻣﻊ ﳍﺎ .إن ﲰﺎع ﻫﺬﻩ اﳌﻘﻄﻮﻋﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﻘﺼﲑة ﰲ ﻗﺎﻟﺒﻬﺎ اﻟﻔﲏ اﻟﻄﺒﻴﻌﻲ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ ﻫﻮ اﳌﻌﻴﺎر اﻟﻮﺣﻴﺪ اﻟﺬي ﻳﻌﺘﺪ ﺑﻪ ﻟﻮﺻﻒ ﻫﺬا اﻟﻔﻦ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ اﻟﺮاﺋﻊ.ﻓﻬﻲ ﻏﲑ ﻗﺎﺑﻠﺔ ][339 ﻟﺘﺤﻮﻳﻠﻬﺎ إﱃ ﻧﺺ ﻣﻜﺘﻮب ﻛﻤﺎ ﻫﻮ اﳊﺎل ﰲ "ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت"اﻟﱵ ﺗﺘﻮﻓﺮ ﻓﻴﻬﺎ ﺷﺮوط اﻟﻘﺼﻴﺪة اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ ﻟﻜﻮﺎ ذات ﻧﻔﺲ ﻃﻮﻳﻞ ﻋﻜﺲ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" و"ﺋﺰﻟﻲ". 3.3 :p‹bí†ßbm - ﺗﻌﺘﱪ "ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت" ﻣﻦ أﻫﻢ اﻷﺻﻨﺎف اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ .ﺗﺴﺘﻤﺪ ﻋﻠﻰ ﻏﺮار اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻌﺎﳌﻲ واﻹﻧﺴﺎﱐ ،ﺗﻴﻤﺎﺎ ﻣﻦ ﺗﻘﻠﺒﺎت اﻟﺰﻣﻦ واﻟﺘﺤﻮﻻت اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ واﻻﻗﺘﺼﺎدﻳﺔ واﻟﺴﻴﺎﺳﻴﺔ واﻟﺸﺮوط اﻟﺬاﺗﻴﺔ واﳊﻴﺎة اﻟﻴﻮﻣﻴﺔ ﻟـ"أﻣﺪﻳﺎز" اﻟﺸﺎﻋﺮ اﳉﻮال اﻟﺸﺒﻴﻪ ﺑﺎﳊﻜﻴﻢ واﻟﻔﻴﻠﺴﻮف اﻟﺬي ﻳﺸﺪ اﻟﺮﺣﺎل ﻣﻦ ﻣﻨﻄﻘﺔ إﱃ أﺧﺮى ﳏﺮﺿﺎ وواﻋﺪا وﻧﺎﺻﺤﺎ،ﻛﻞ ﺣﻞ وارﲢﻞ ﻳﻠﺘﻒ اﻟﻨﺎس ﺣﻮﻟﻪ ﻟﻴﺘﻠﻘﻔﻮا اﳊﻜﻢ واﻟﻨﺼﺎﺋﺢ ﰲ ﻗﺎﻟﺐ ﻓﲏ ﺷﻌﺮي راﺋﻊ ﻋﻠﻰ إﻳﻘﺎع"أﻟﻮن" .ﺗﻌﺘﱪ"ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت" اﻟﻔﻦ اﻷﻛﺜﺮ ﺗﻌﺒﲑا ﻋﻦ ﳘﻮم اﻟﻨﺎس؛ﺣﻴﺚ ﲤﺘﻠﻚ ﻣﺆﻫﻼت ﻓﻨﻴﺔ وﲨﺎﻟﻴﺔ ﲡﻌﻠﻬﺎ أرﻗﻰ ﺻﻨﻒ ﰲ اﳌﻮروث اﻟﺸﻌﺮي اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﻟﻴﺲ ﰲ ﻣﻨﻄﻘﺔ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﻓﺤﺴﺐ ﺑﻞ ﰲ رﺑﻮع اﳌﻨﺎﻃﻖ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ. ﲤﺘﺎز"ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت" ﻋﻦ"ﺋﺰﻟﻲ "و"ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﺑﻄﻮل اﻟﻨﻔﺲ وﺑﺘﻨﺎوﳍﺎ ﳌﻮاﺿﻴﻊ ﻣﺘﻌﺪدة.وﳎﻤﻞ اﻟﻘﻮل إن" ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت" ﺻﻨﻒ ﺷﻌﺮي ﻳﻌﺎﰿ ﻗﻀﺎﻳﺎ ﻓﻜﺮﻳﺔ ودﻳﻨﻴﺔ واﻗﺘﺼﺎدﻳﺔ.ﻋﻜﺲ "ﺋـ ـﺰﻟﻲ"اﻟﺬي ﻳﺘﺴﻢ،ﰲ واﻟﱰﻓﻴﻪ؛أو"ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ"اﻟﱵ ﻴﻤﻦ ﻓﻴﻬﺎﺗﻴﻤﺔ ﻏﺎﻟﺐ اﻷﺣﻴﺎن،ﺑﺎﳍﺰل اﳊﺐ واﳍﻴﺎم واﳌﻨﺎﺟﺎة واﻟﺘﻮﺳﻞ،أو "ﺗﻴﻤﻨﺎﺿﻴﻦ"اﻟﱵ ﺗﻘﺘﺼﺮ ﻋﻠﻰ اﳍﺠﺎءو اﻷﻟﻐﺎز واﻟﺴﺨﺮﻳﺔ .ﻓﻀﻼ ﻋﻦ ﻛﻮن "أﻣﺪﻳﺎز" ﳜﺘﻠﻒ ﻋﻦ ﻧﺎﻇﻢ"ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" و"ﺋﺰﻟﻲ"ﰲ ﺛﻘﺎﻓﺘﻪ اﳌﻮﺳﻮﻋﻴﺔ وﺣﻜﻤﺘﻪ اﻟﱵ اﻛﺘﺴﺒﻬﺎ ﻣﻦ ﺗﺮﺣﺎﻟﻪ وﺳﻔﺮﻩ اﻟﺪاﺋﻢ. ﻋﻠﻰ اﳌﺴﺘﻮى اﻟﺸﻜﻠﻲ ﺗﺘﺄﻟﻒ"ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت"ﻣﻦ ﻋﺸﺮات اﻷﺑﻴﺎت ﻗﺪ ﺗﻔﻮق اﳌﺎﺋﺔ.وﺗﺒﻌﺎ ﻟﺬﻟﻚ،ﻓﻬﻲ ﻣﺮادﻓﺔ"ﻟﻠﻘﺼﻴﺪة" " poèmeﰲ اﻟﺘﺪاوﻟﻴﲔ اﻟﻌﺮﰊ واﻟﻔﺮﻧﺴﻲ.اﻷﻣﺮ اﻟﺬي ﳚﻌﻠﻨﺎ ﻧﺘﺴﺎءل ﻋﻦ ﺣﺪود اﻻﻟﺘﻘﺎء واﻻﺧﺘﻼف ﺑﲔ"ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت"و"ﺗﺎﻳﻔﺎرت" ﻫﻞ اﻟﻔﺮق ﺑﲔ ﻫﺬﻳﻦ اﳌﻔﻬﻮﻣﲔ ﻳﻜﻤﻦ ﰲ اﻻﺳﺘﻌﻤﺎل ][340 اﻟﻠﻐﻮي اﻟﺬي ﳜﺘﻠﻒ ﺑﺎﺧﺘﻼف اﳌﻨﺎﻃﻖ اﳉﻐﺮاﻓﻴﺔ،أم أن اﻻﺧﺘﻼف ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ ﻫﻮ اﺧﺘﻼف ﰲ اﳉﻮﻫﺮ واﳌﻀﻤﻮن؟إن اﻹﺟﺎﺑﺔ ﻋﻦ ﻫﺬا اﻟﺴﺆال ﺗﻘﺘﻀﻲ ﻣﻨﺎ اﻟﺘﻄﺮق إﱃ ﻣﻔﻬﻮم "ﺗﻴﻔﺎرت". Tayffart: žp‰bNÐîm – 4.3 ﺎرت "ﻣﻦ اﳉﺬر اﻟﺜﻼﺛﻲ""TFRﲟﻌﲎ: -اﻟﺪﻻﻟﺔ اﻟﻠﻐﻮﻳﺔ :اﺷﺘﻘﺖ ﻛﻠﻤﺔ"ﺗ ْﻴـ ّﻔ ْ ﻔﺎرت":"Tamatfarteأي اﳌﺘﺘﺎﺑﻌﺔ واﳌﺘﺘﺎﻟﻴﺔ، ﺗﺒﻊ"وﺗﻼ.وﻗﻊ ﻓﻴﻬﺎ ﻷن أﺻﻠﻬﺎ ﻫﻮ "ﺗﻤﺎﺗْ ْ وﻣﺎ ﳚﻌﻠﻨﺎ ﻧﺮﺟﺢ ﺻﺤﺔ ﻫﺬﻩ اﻟﺘﺴﻤﻴﺔ ﻫﻮ أﺎ ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﺳﻠﺴﻠﺔ ﻣﻦ اﻷﺑﻴﺎت اﳌﻨﻀﻤﺔ ﺑﺸﻜﻞ ﻣﺘﺴﻠﺴﻞ ﳐﺘﻠﻔﺔ ﻋﻦ"أﻓﺮادي" أﻗﺮب اﻷﺻﻨﺎف اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﺼﻐﺮى إﻟﻴﻬﺎ 1 ﺎرت" ﻋﻠﻰ -اﻟﺪﻻﻟﺔ اﻻﺻﻄﻼﺣﻴﺔ:ﻳﻔﻬﻢ ﻣﻦ ﺧﻼل اﻻﺷﺘﻘﺎق اﻟﻠﻐﻮي ل" ْﺗﻴﻔ ْ أﺎ ﻣﺘﺘﺎﻟﻴﺔ ﻣﻦ اﻷﺑﻴﺎت اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ ﰲ ﻗﺎﻟﺐ ﻓﲏ ﻳﻔﻬﻢ ﻣﻦ ذﻟﻚ أن"ﺗﻴﻔﺎرت" أو"ﺗﻤﺎﺗﻔﺎرت" ﺗﻘﺎﺑﻠﻬﺎ "اﻟﻘﺼﻴﺪة" ﰲ اﻻﺻﻄﻼﺣﲔ اﻟﻌﺮﰊ واﻟﻔﺮﻧﺴﻲ ﻋﻠﻰ اﻟﻤﺴﺘﻮى اﻟﺒﻨﺎﺋﻲ :ﺗﺘﺄﻟﻒ ﻣﻦ ﻋﺸﺮات اﻷﺑﻴﺎت ،وﻗﺪ ﺗﺘﺠﺎوز اﳌﺎﺋﺔ،ﺗﺘﻤﻴﺰ ﺑﻮﺣﺪة اﳌﻮﺿﻮع ،وﺑﺈﻳﻘﺎع داﺧﻠﻲ،وﻗﺎﻓﻴﺔﺧﺎﺻﺔ.ﺗﻨﻘﺴﻢ،ﻣﻦ اﻟﻨﺎﺣﻴﺔ اﻟﺘﻴﻤﺎﺗﻴﺔ،إﱃ ﺛﻼﺛﺔ أﻗﺴﺎم: -1اﻟﻤﻘﺪﻣﺔ اﻟﺪﻳﻨﻴﺔ :ﲞﻼف اﻟﻘﺼﻴﺪة اﻟﻌﺮﺑﻴﺔ اﻟﻘﺪﳝﺔ اﻟﱵ ﺗﺴﺘﻬﻞ ﺑﺎﳌﻘﺪﻣﺔ اﻟﻄﻠﻠﻴﺔ أو اﻟﻐﺰﻟﻴﺔ ﺗﻨﻔﺮد " ْﺗﻴﻔﺎرت" ﲟﻘﺪﻣﺔ دﻳﻨﻴﺔ ﻳﺒﺪأﻫﺎ اﻟﺸﺎﻋﺮ ﺑﺎﺳﺘﻬﻼل دﻳﲏ ،ﻳﺬﻛﺮ ﻓﻴﻪ اﺳﻢ اﷲ وﻳﱰﺟﺎﻩ وﻳﻄﻠﺐ ﻣﻨﻪ اﻟﺼﻔﺢ واﳌﻐﻔﺮة .ﻳﺘﺨﺬ ﻣﻄﻠﻊ "ﺗﻴﻔﺎرت ﻃﺎﺑﻌﺎ دﻳﻨﻴﺎ ﻣﺘﻀﺮﻋﺎ ﻓﻴﻪ إﱃ اﷲ ﻟﻴﺸﻤﻠﻪ ﺑﻌﻔﻮﻩ وﳛﻔﻈﻪ ﻣﻦ ﻛﻞ ﻣﻜﺮوﻩ وﻳﻠﻬﻤﻪ اﻟﺼﻮاب وﻳﻬﺪﻳﻪ إﱃ اﻟﻄﺮﻳﻖ اﳌﺴﺘﻘﻴﻢ وﳚﻨﺒﻪ اﻟﺴﻬﻮ واﳋﻄﺄ؛ ذاﻛﺮا ﻓﻀﺎﺋﻞ اﷲ وﻧﻌﻤﻪ اﻟﱵ أﺳﺒﻐﻬﺎ ﻋﻠﻰ ﻋﺒﺎدﻩ. : 0ط ‡ ا :ƒI -ا: 1ـ ) أو ! " اءة ) ا 2ا :ز ز2005ا ا) > 5- {5ا :ز Bة "ا > ا :ز " ،د62: ][341 و (@ ف ا2 15: %* ،2955 : ا !-ر"„ -2اﻟﻤﻮﺿﻮع اﻟﺮﺋﻴﺴﻲ :ﻳﺘﻨﺎول ﻓﻴﻪ "أﻣﺪﻳﺎز" اﻟﻘﻀﻴﺔ اﻟﱵ ﺗﺸﻐﻞ ﺑﺎﻟﻪ وﺑﺎل اﺘﻤﻊ وﻏﺎﻟﺒﺎ ﻣﺎ ﻳﺘﻄﺮق إﱃ ﻣﻮاﺿﻴﻊ اﻟﺴﺎﻋﺔ ﻣﻊ إﻣﻜﺎﻧﻴﺔ إﺛﺎرة ﻣﻮاﺿﻴﻊ ﻓﺮﻋﻴﺔ ذات ارﺗﺒﺎط ﻣﺒﺎﺷﺮ أو ﻏﲑ ﻣﺒﺎﺷﺮ ﺑﺎﻟﻘﻀﻴﺔ اﻷﺳﺎﺳﻴﺔ. 3ـ اﻟﺨﺎﺗﻤﺔ :ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ اﺳﺘﻨﺘﺎج وﺧﻼﺻﺔ ﻟﻠﻤﻮﺿﻊ اﻟﺮﺋﻴﺴﻲ اﻟﺬي ﺗﻨﺎوﻟﻪ اﻟﺸﺎﻋﺮ ﰲ ﻗﺼﻴﺪﺗﻪ .ﺗﺘﺨﺬ ﻫﺬﻩ اﳋﺎﲤﺔ ،ﰲ ﻏﺎﻟﺐ اﻷﺣﻴﺎن،ﺷﻜﻞ ﻧﺼﻴﺤﺔ أو دﻋﻮة أو ﺗﻘﺪﱘ ﺣﻞ ﻟﻠﻘﻀﻴﺔ اﳌﻄﺮوﺣﺔ ﰲ "ﺗﻴﻔﺎرت" .وﻗﺪ ﺗﺄﰐ ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﺧﻼﺻﺔ ﻳﻔﺮغ ﻓﻴﻬﺎ اﻟﺸﺎﻋﺮ ﲡﺮﺑﺘﻪ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ. ﻳﺘﻀﺢ ﻣﻦ ﺧﻼل ﻋﺮﺿﻨﺎ ﳌﻔﻬﻮﻣﻲ "ﺗﻤﺪﻳﺎزت" و"ﺗﻴﻔﺎرت" أن اﻟﻔﺮق ﺑﲔ ﻫﺬﻳﻦ اﻟﺼﻨﻔﲔ اﻟﺸﻌﺮﻳﲔ ﻻ ﻳﻌﺪو أن ﻳﻜﻮن ﳎﺮد اﺧﺘﻼف اﺷﺘﻘﺎﻗﻲ وﻟﻐﻮي .ذﻟﻚ أن اﳌﻔﻬﻮﻣﲔ ﻳﺪﻻن ﻋﻠﻰ اﻟﻘﺼﻴﺪة ﺑﺎﳌﻔﻬﻮم اﳌﻌﺮوف .ﻳﻌﻮد ﺳﺒﺐ اﻻﺧﺘﻼف ﰲ ﺗﻘﺪﻳﺮﻧﺎ إﱃ ﻛﻮن " ْﺗﻴﻔﺎرت" ﺗﺴﺘﻌﻤﻞ ﰲ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ اﻷوﺳﻂ اﻟﺸﺮﻗﻲ واﻷﻃﻠﺲ اﻟﻜﺒﲑ اﻟﺸﺮﻗﻲ ،ﺑﻴﻨﻤﺎ ﻳﺴﺘﻌﻤﻞ اﳌﻔﻬﻮﻣﺎن "ﺗﻤﺪﻳﺎزت" و"ﺗﻴﻔﺎرت" ﻣﻌﺎ ﰲ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ اﻷوﺳﻂ )زﻳﺎن ،إﻳﺸﻘﺮن ،أﻳﺘﻤﻜﻴﻞ ،زاوﻳﺔ اﻟﺸﻴﺦ ،اﻟﻘﺼﻴﺒﺔ (...واﻟﻮاﺣﺎت )آﻳﺖ ﻣﺮﻏﺎد ،آﻳﺖ ﻋﻄﺎ( .ﻏﲑ أن ﻣﻔﻬﻮم "ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت" ﻳﺒﻘﻰ اﳌﻔﻬﻮم اﻷﻛﺜﺮ اﻧﺘﺸﺎرا ﰲ ﲨﻴﻊ اﳌﻨﺎﻃﻖ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﲟﺎ ﰲ ذﻟﻚ اﻟﺮﻳﻒ وﺳﻮس وﻣﻨﻄﻘﺔ اﻟﻘﺒﺎﺋﻞ اﳉﺰاﺋﺮﻳﺔ. Timnadin : ´™bäàîm -5.3 ﲨﻊ ﻣﻔﺮد "ﺗﻤﻨﺎط" ،وﻳﺮاد ﺎ" :اﳉﻬﺔ"اﳌﻜﺎن" ،وﻗﺪ ﺗﺪل ﻋﻠﻰ "اﻟﻀﻔﺔ". ﻳﻘﺼﺪ ﺑـ "ﺗﻤﻨﺎﺿﻴﻦ" ،اﺻﻄﻼﺣﺎ ،ذﻟﻚ اﻟﺼﻨﻒ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﺬي ﻳﻌﺘﻤﺪ اﳌﻮاﺟﻬﺔ ﺧﺼﻤﲔ .ﺗﻨﺪرج "ﲤﻨﺎﺿﲔ" ،أﺷﻜﺎل ﺷﻌﺮﻳﺔ ﳑﺎﺛﻠﺔ ﻟـ واﳌﻨﺎﻗﻀﺔ واﻟﺘﺒﺎري ﺑﲔ ﺷﺎﻋﺮﻳﻦ ْ "أﺳﺎﻳﺲ"" ،ﺗﺎﻛﻮري"" ،إﻣﻌﻴﺎر" أو"إﻧﻌﻴﺒﺎر" ،و"إﻣﺰﻳﻮار" ،و"ﺋﻤﻨﻐﻲ" و"إﳝﻮات" ﺿﻤﻦ ﻣﺎ ﻳﺴﻤﻰ ﰲ اﻻﺻﻄﻼح اﻟﻌﺮﰊ اﻟﻘﺪﱘ ﺑـ"اﻟﻨﻘﺎﺋﺾ" اﻟﱵ ﻇﻬﺮت إﺑﺎن اﻟﻌﺼﺮ اﻷﻣﻮي وارﺗﺒﻄﺖ ﺑﺎﻟﺜﻼﺛﻲ:اﻷﺧﻄﻞ،ﺟﺮﻳﺮ،اﻟﻔﺮزدق.ﺗﻌﺘﻤﺪ "ﲤﻨﺎﺿﲔ" ﻋﻠﻰ اﳊﻮارﻳﺔ واﳌﻨﺎﻇﺮة ][342 واﳌﻮاﺟﻬﺔ اﳊﺎﻣﻴﺔ ﺑﲔ ﺷﺎﻋﺮﻳﻦ،ﻣﺘﺨﺬة ﺷﻜﻞ ﻣﻌﺮﻛﺔ ﺷﻌﺮﻳﺔ ﻳﺴﺘﻌﻤﻞ ﻓﻴﻬﺎ اﻟﺸﺎﻋﺮان ﻛﻞ أﺳﺎﻟﻴﺐ اﻟﺴﺨﺮﻳﺔ واﻟﺘﻬﻜﻢ واﳍﺠﺎء،ﳛﺎول ﻛﻞ واﺣﺪ ﻣﻨﻬﻤﺎ اﻟﻨﻴﻞ ﻣﻦ اﻵﺧﺮ. Tighouniouin : æì[ îãìÌčm - 6.3 ﻫﻲ أﻟﻐﺎز وأﺣﺠﻴﺔ " "énigmesﺗﺆدى ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﻗﺎﻟﺐ ﺷﻌﺮي ﻣﻮزون ﻣﻘﻔﻰ ﺗﻐﲎ ﰲ "أﺣﻴﺪوس" ،وﻫﻲ ﲟﺜﺎﺑﺔ ﻟﻌﺒﺔ أورﻫﺎن ﺑﲔ ﺷﺎﻋﺮﻳﻦ ﻳﻔﻀﻲ إﱃ ﺗﻔﻮق اﻟﺬﻛﻲ -ﻓﻜﺮﻳﺎ -واﳌﻮﻫﻮب –ﺷﻌﺮﻳﺎ ،-ﻷن ﺗﻘﺪﱘ ﺣﻠﻮل ﻟﻸﻟﻐﺎز اﳌﻄﺮوﺣﺔ ﻳﻘﺘﻀﻲ اﳌﻮﻫﺒﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ واﳊﻜﻤﺔ واﳊﺬق.وﻋﻤﻮﻣﺎ ف"ﺗﻐﻮﻧﻴ ِﻮﻳﻦ"،ﻣﻦ اﻟﻨﺎﺣﻴﺔ اﻟﺸﻜﻠﻴﺔ ،ﺗﻜﺎد ﺗﻜﻮن ﻋﻠﻰ ﺷﺎﻛﻠﺔ "ﺋﺰﻻن ن وﺣﻴﺪوس" ،ﺣﻴﺚ ﺗﺘﺸﻜﻞ ﻣﻦ ﺑﻴﺘﲔ ﰲ ﺻﻴﻐﺔ: ﺳﺆال/ﺟﻮاب 1.ﺣﻴﻨﻤﺎ ﻧﻜﻮن إزاء "ﺗﻐﻮﻧﻴ ِﻮﻳﻦ" داﺧﻞ رﻗﺼﺔ "أﺣﻴﺪوس" ﺗﺆدى اﻟﻼزﻣﺔ ﻣﺮات ﻋﺪﻳﺪة ،ﺧﻼل ﺗﺮدﻳﺪ ﻫﺬﻩ اﻟﻼزﻣﺔ ﻳﻐﺘﻨﻢ اﻟﺸﺎﻋﺮ/اﳌﻐﲏ اﻟﻔﺮﺻﺔ ﻟﻠﺘﻔﻜﲑ ﰲ إﳚﺎد ﺣﻞ ﻟﻸﻟﻐﺎز اﻟﱵ ﺗﻄﺮح ﻋﻠﻴﻪ؛وﻳﺸﱰط أن ﻻ ﺗﺘﺠﺎوز ﻫﺬﻩ اﳌﺪة اﻟﺰﻣﻨﻴﺔ ﺛﻼث دﻗﺎﺋﻖ. ِ ﻳﻦ" ﻫﻲ ﻋﻘﺪة أو ﻋﻘﺒﺔ أو ﻃﻠﺴﻢ ﻳﻨﺒﻐﻲ ﺑﺎﺧﺘﺼﺎر ﺷﺪﻳﺪ ،ﻓـ"ﺗﻐُﻮﻧﻴ ِﻮ ْ ﺣﻠﻪ)ﻫﺎ( ،ﻳﻨﺒﻐﻲ ﻋﻠﻰ اﻟﺸﺎﻋﺮ أن ﻳﻘﺪم ﳍﺎ ﺣﻼ ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﻣﻘﻄﻊ ﺷﻌﺮي ﻣﻮزون وﻣﻐﲎ . ﻳﺴﺘﻬﻞ اﳌﺮﲡﻠﻮن أﻟﻐﺎزﻫﻢ ﺑﺎﳉﻤﻠﺔ اﻵﺗﻴﺔ" :ﻗﻨﻐﺎﺷﺘﻦ أﺑﻮﻟّﻐﻰ" )أﺑﻮ اﻟﻠﺤﻦ("، ﻳﺖ أﺑﻮ ﰒ ﻳﻄﺮح ﻟﻐﺰﻩ .أﻣﺎ اﳉﻮاب ﻓﻴﺒﺪأ ﺑـ :أدرزﻣﺦ إﻳﻮاوال ﻧﺶ ،إواﻫﺎن أﻳْﻨﺎ ﺗﺮ ْ اﻟﻤﻌﺎﻧﻲ" ،ﰒ ﻳﺮدف ﻫﺬﻩ اﳌﻘﺪﻣﺔ ﺑﺘﻘﺪﱘ ﺟﻮاب ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﻣﻘﻄﻊ ﺷﻌﺮي ﻣﻐﲎ. واﳉﺪﻳﺮ ﺑﺎﻟﺬﻛﺮ أن ﻫﺬﻩ اﻟﻠﻌﺒﺔ اﻟﺬﻫﻨﻴﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﺑﺘﻜﺮت ،أﺳﺎﺳﺎ ،ﳋﻠﻖ ﻣﻨﺎﻓﺴﺔ وﻣﻨﺎﻇﺮة ﺑﲔ اﻟﺸﻌﺮاء وﺗﺸﺠﻴﻊ ﻗﺮض اﻟﺸﻌﺮ ﻻﻧﺘﻘﺎء أﺟﻮدﻫﻢ وأﻛﺜﺮﻫﻢ ﻗﺪرة ﻋﻠﻰ اﳉﻤﻊ ﺑﲔ اﻹﺑﺪاع اﻟﺸﻌﺮي واﻟﺬﻛﺎء اﻟﻔﻜﺮي.اﻧﺴﺠﺎﻣﺎ ﻣﻊ ﻣﻨﻄﻖ ﻫﺬﻩ اﻟﻠﻌﺒﺔ ،ﻳﻨﻈﺮ إﱃ ﻓﻦ "ﺗﻐﻮﻧﻴ ِﻮﻳﻦ" ﺑﻮﺻﻔﻬﺎ اﻣﺘﺤﺎﻧﺎ ﻳﻔﻮز ﻓﻴﻬﺎ اﳌﺘﻔﻮق واﳌﻮﻫﻮب وﳜﺴﺮ ﻓﻴﻬﺎ اﻷﻗﻞ ﻣﻮﻫﺒﺔ 1ـ ) Qة " (2005) Bا 2ا Q د N-0) B L ،62:ف( %ا ? V ى إ 52ن ،ا 5بL، ][343 ( ذB " B ةا > ا :ز ، وذﻛﺎء ،ﻓﻴﺼﺒﺢ ﻓﺸﻞ ﻫﺬا اﻷﺧﲑ ﺧﱪا ﺷﺎﺋﻌﺎ ﻋﻠﻰ أﻟﺴﻨﺔ اﻟﻨﺎس وﻳﻀﺤﻰ ﺑﺎﻟﺘﺎﱄ ﻋﺮﺿﺔ ﻟﺴﺨﺮﻳﺘﻬﻢ. اﳌﻼﺣﻆ أن اﻟﺸﻜﻞ اﳍﻨﺪﺳﻲ اﻟﺬي ﻳﺆدى ﻓﻴﻪ ﻓﻦ "ﺗﻐﻮﻧﻴ ِﻮﻳﻦ" داﺋﺮي وﺷﺒﻪ ﻣﻨﻐﻠﻖ ﺷﺄﻧﻪ ﰲ ذﻟﻚ ﺷﺄن رﻗﺼﺔ أﺣﻴﺪوس اﻟﱵ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﺘﺨﺬ اﻟﺸﻜﻞ اﻟﺪاﺋﺮي ﺷﺒﻪ اﳌﺴﺪود .وﻧﺸﲑ إﱃ أن اﻟﺪاﺋﺮﻳﺔ ﺷﺒﻪ اﳌﻨﻐﻠﻘﺔ ﺧﺎﺻﻴﺔ أﻧﻄﺮوﺑﻮﻟﻮﺟﻴﺔ وﺳﻮﺳﻴﻮﻟﻮﺟﻴﺔ ﻣﻴﺰت اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ واﻟﻌﻤﺎرة اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺘﲔ .وﻇﲏ أن ﻫﺬﻩ اﳋﺎﺻﻴﺔ ﻣﺮﺗﺒﻄﺔ أﺳﺎﺳﺎ ﺑﺎﻟﺬﻫﻨﻴﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﻟﱵ ﺗﺮﻓﺾ اﻟﺬوﺑﺎن ﰲ اﻵﺧﺮ ،وﺗﺘﻮق داﺋﻤﺎ إﱃ اﻻﺳﺘﻘﻼل واﳊﺮﻳﺔ .وﻓﻴﻤﺎ ﻳﺘﻌﻠﻖ ﺑﺎﻟﺸﻜﻞ اﳋﻄﻲ اﳌﻤﺘﺪ ﻷﺣﻴﺪوس اﻟﺬي ﻳﻘﺪم ﰲ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﺮﲰﻴﺔ واﳌﻬﺮﺟﺎﻧﺎت اﻟﺴﻴﺎﺣﻴﺔ ﻓﻘﺪ أﻣﻠﺘﻪ ﺷﺮوط اﻟﻔﺮﺟﺔ واﳉﻤﻬﻮر. : ''' '''> - -4 إذا ﻛﺎن ﻻﺑﺪ ﻣﻦ ﺧﺎﲤﺔ ﳍﺬﻩ اﻟﻮرﻗﺔ -اﻟﱵ ﱂ ﺗﻘﻢ ﺑﺴﻮى ﺗﻘﺪﱘ ﻋﺮض ﻣﻘﺘﻀﺐ ﻟﻸﺟﻨﺎس اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﺴﺘﺔ اﻟﺴﺎﻟﻔﺔ اﻟﺬﻛﺮ اﻟﱵ ﺗﺴﺘﺤﻖ ﺑﺎﻟﻨﻈﺮ إﱃ أﳘﻴﺘﻬﺎ أن ﺗﻜﻮن ﻣﻮﺿﻮع ﻛﺘﺎب ﺧﺎص -ﻓﺈن أﻫﻢ ﻣﺎ ﳝﻜﻦ أن ﳔﺘﻢ ﺑﻪ ﻫﻮ أن اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﻳﺒﻘﻰ اﳌﻌﲔ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﺬي ﻻ ﻳﻨﻀﺐ؛ ﻷن ﻗﺮض اﻟﺸﻌﺮ ﰲ ﻫﺬﻩ اﳌﻨﻄﻘﺔ اﳉﻤﻴﻠﺔ ﻣﻮﻫﺒﺔ ﻓﺮدﻳﺔ وﺗﻘﻠﻴﺪ ﲨﺎﻋﻲ وﻇﺎﻫﺮة ﺛﻘﺎﻓﻴﺔ ﻻزﻣﺖ أﻣﺎزﻳﻎ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﻣﻨﺬ ﻗﺮون ﺧﻠﺖ؛ وﻻ أدل ﻋﻠﻰ ذﻟﻚ ﻛﻮن اﳌﻨﻄﻘﺔ ﺗﻌﺞ ﲟﺌﺎت اﻟﺸﻌﺮاء واﺣﺘﻔﺎﻇﻬﺎ ﻋﻠﻰ ﺗﻌﺎﺑﲑ ﲨﺎﻋﻴﺔ ﺿﺎرﺑﺔ ﺟﺬورﻫﺎ ﰲ ﻋﻤﻖ اﻟﺘﺎرﻳﺦ )رﻗﺼﺔ أﺣﻴﺪوس ،ﲤﺎوﻳﺖ ،ﺗﻴﻐﻮﻧﻮﻳﻦ ،ﺑﻮﻏﺎﻧﻴﻢ أو اﻟﱰوﺑﺎدور اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ (...دون أن ﻧﻨﺴﻰ أن اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﻣﻦ أﻛﺜﺮ اﳌﻨﺎﻃﻖ إﳒﺎﺑﺎ ﻟﺸﻌﺮاء ﻛﺒﺎر ﻣﻦ أﻣﺜﺎل اﳌﺮﺣﻮم ﳊﺴﻦ واﻋﺮاب وﻓﻨﺎﻧﲔ-ﻣﻮﺳﻴﻘﻴﲔ رواد ﰲ ﺣﺠﻢ ﲪﻮ اﻟﻴﺰﻳﺪ ،ﻣﻮﺣﻰ أوﻣﻮزون ،ﺑﻨﺎﺻﺮ اوﺧﻮﻳﺎ ،ﳏﻤﺪ روﻳﺸﺔ ،ﳏﻤﺪ ﻣﻐﲏ ،ﻋﺒﺪ اﻟﻮاﺣﺪ ﺣﺠﺎوي... ][344