Concurrences - Microeconomix
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Concurrences Revue des droits de la concurrence Competition Law Journal Concurrence et distribution : Le droit de la concurrence permet-il d’appréhender les comportements de la grande distribution ? Droit & Economie l Concurrences N° 2-2012 www.concurrences.com Anne Perrot [email protected] l Professeur, Université Paris I, Panthéon-Sorbonne l Vice-Présidente, Autorité de la concurrence Gildas de Muizon [email protected] l Économiste, directeur associé de Microeconomix Joseph Vogel [email protected] l Avocat, Vogel & Vogel Anne Perrot [email protected] Professeur, Université Paris I, Panthéon-Sorbonne Vice-Présidente, Autorité de la concurrence Gildas de Muizon [email protected] Économiste, directeur associé de Microeconomix Joseph Vogel Concurrence et distribution : Le droit de la concurrence permet-il d’appréhender les comportements de la grande distribution ? [email protected] Avocat, Vogel & Vogel Introduction Anne Perrot Professeur, Université Paris I, Panthéon-Sorbonne Vice-Présidente, Autorité de la concurrence T Abstract his set of three papers is derived from the training session organized by the Concurrences Review that was held on 29th March 2012 in Paris. For Gildas de Muizon, Economist and author of the second contribution, the market power of supermarkets must be assessed locally. For this it is necessary to conduct a geographic delineation of relevant markets in order to be able to calculate local market shares. It is then possible, by mobilizing the right tools, to study potential links between the price level and the degree of concentration. For Joseph Vogel, author of the last contribution, lawyers are forced to conclude that it is very difficult to find the tools within the competition rules to deal with the position of strength held by the major retailers and the behaviors that result from that position. Competition law is only of any real effectiveness in that regard in limited cases or under conditions that themselves give rise to difficulties. C e dossier réunit trois contributions sur le sujet : « Concurrence et distribution : Le droit de la concurrence permet-il d’appréhender les comportements de la grande distribution ? » présentées le 29 mars 2012 à Paris, et issues du cycle de formation Economie et droit de la concurrence organisé par la revue Concurrences. Pour Gildas de Muizon, auteur de la deuxième contribution, le pouvoir de marché de la grande distribution doit être apprécié au niveau local. Pour cela, il est nécessaire de procéder à une délimitation géographique des marchés pertinents, afin d’être en mesure de calculer des parts de marché locales. Il est ensuite possible, en mobilisant les outils adaptés, d’étudier les liens éventuels entre le niveau des prix et le degré de concentration. Enfin pour Joseph Vogel, auteur de la dernière contribution, il est très difficile de trouver, en droit de la concurrence, des outils qui permettent d’appréhender la position de force de la grande distribution et les comportements qui en résultent. Le droit de la concurrence n’est réellement efficace à cet égard que dans des cas limités ou dans des conditions qui posent elles‑mêmes difficulté. 1. Le contrôle de la montée en puissance de la grande distribution est un problème permanent pour les autorités de concurrence depuis l’émergence et le renforcement de la grande distribution. En effet, d’une part ce format de distribution des produits permet la réalisation d’économies de coûts : les consommateurs trouvent dans un hyper- ou un supermarché la plupart des produits dont ils ont besoin, à des prix en général inférieurs à ceux du commerce de proximité. La puissance d’achat dont disposent les grands distributeurs auprès des fournisseurs et l’économie de coûts logistiques sont la source de gains d’efficience qui sont partagés avec les consommateurs. En ce sens, la grande distribution participe à l’amélioration des mécanismes concurrentiels en permettant aux différentes dimensions de la concurrence (prix, mais aussi variété des produits, qualité, etc.) de se manifester. 2. Mais, d’autre part, les transferts de surplus entre acteurs économiques (fournisseurs, petits commerçants, consommateurs) que la grande distribution a provoqués ont aussi suscité des vagues successives de politiques publiques changeantes, poursuivant au fil du temps des objectifs contradictoires. Ces interventions de nature régulatoire plus que concurrentielle contraignent, elles aussi, le champ d’action de la politique de concurrence. 3. Ces deux facteurs ont rendu étroite la voie par laquelle les autorités de concurrence peuvent intervenir dans ce secteur. I. Les politiques publiques vis-à-vis de la grande distribution 4. En prenant le risque d’être un peu schématique, on peut dire que les politiques publiques à l’égard de la grande distribution ont tour à tour oscillé entre deux volontés : celle de protéger le petit commerce et celle de protéger les fournisseurs contre la montée en puissance de la grande distribution. Manquant de compréhension des mécanismes économiques à l’œuvre, elles ont le plus souvent abouti aux résultats contraires de ceux attendus, engendrant ainsi des allers-retours entre des régulations dont chacune tente de corriger les effets pervers de la précédente. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 1 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. @ Droit &économie au contrôle des autorités de concurrence. La croissance externe, quant à elle, est soumise à un examen qui fait la part entre les gains d’efficience promis par la fusion et ses effets anticoncurrentiels potentiels. Dans la plupart des cas, chaque opération de concentration particulière examinée par les autorités a fait apparaître des gains l’emportant sur la réduction de concurrence minime engendrée par l’opération. Au final d’ailleurs, comme le rappelle l’article de G. de Muizon ci-après, la concentration qui prévaut sur le marché français n’est pas très importante, aucun groupe ne dépassant 30 % de part de marché. Aurait-il fallu abaisser plus tôt le seuil de notification des concentrations dans le secteur, comme le fait tardivement la loi 2008 ? Nul ne peut le dire. L’application de ce seuil abaissé aujourd’hui est plus une source d’encombrement bureaucratique qu’un filet de sécurité à l’égard de concentrations dommageables pour la concurrence. 9. Les leviers de la politique de la concurrence qui s’appuient sur le contrôle ex post des comportements ne sont pas tellement plus utiles en la matière : on l’a vu, les positions nationales dominantes ne caractérisent pas la situation française. Bien sûr, les positions locales dominantes sont légion (certaines zones de chalandise ne comportant qu’un ou deux offreurs), mais leur abus ne peut que rarement être caractérisé. Se traduirait-il par des prix “excessifs” qu’on se trouverait là dans l’une des zones d’ombre du droit de la concurrence, peu enclin à définir des “prix optimaux”. La voie de l’abus de domination est donc assez fermée, tout comme celle de l’abus de dépendance économique : les preuves que le fournisseur se trouve – sans que cela résulte d’un choix délibéré de sa part –, dans une situation de dépendance dont le distributeur abuserait, sont tellement difficiles à rapporter que cette voie est en pratique inexistante pour un fournisseur qui aimerait, par exemple, dénoncer les déréférencements dont il fait l’objet. J. Vogel revient en détail sur cette question. Les cas d’ententes entre enseignes sont rares : outre son caractère spatial, la concurrence entre distributeurs est fondamentalement une concurrence multiproduit, contexte dans lequel un accord sur les prix est difficile à conclure. Quant aux centrales d’achat, leur formation et leurs comportements ont été par le passé examinés par les autorités de concurrence, mais sans que celles-ci y trouvent à redire : encore une fois, la fédération des acheteurs, source d’un pouvoir de négociation accru face aux producteurs (qui ne sont pas tous “petits”) a plutôt été favorable à l’intensité concurrentielle. Qui plus est, la manière dont est partagé le surplus entre les différents acteurs d’une filière verticale n’est pas un problème de concurrence. 6. La présence de l’une ou l’autre de ces régulations a empêché les mécanismes concurrentiels de jouer pleinement et a interdit la pleine mise en œuvre des mécanismes du droit de la concurrence dans le secteur. II. L’impuissance relative de la politique de la concurrence 7. La régulation changeante s’appliquant au secteur de la grande distribution a rendu malaisées les interventions du droit de la concurrence. Mais d’autres caractéristiques plus naturelles du secteur ont également concouru à cette relative impuissance. III. Un secteur qui pose pourtant problème 8. Le contrôle des concentrations, tout d’abord, n’a pu empêcher ex ante que se constituent de grands groupes de distribution : une partie de la croissance de ces groupes est venue d’une forte croissance interne, échappant donc 1 Pour des analyses économiques des différents effets de ces lois, v. Ph. Askenazy et K. Weidenfeld, Les soldes de la loi Raffarin, Presses de l’ENS, Paris, 2007, et M.-L. Allain, C. Chambolle et Th. Vergé, La Loi Galland sur les relations commerciales : jusqu’où les réformer ? Presses de l’ENS, Paris, 2008. 2 V. ainsi l’avis no 07-A-12 du 11 octobre 2007 relatif à la législation relative à l’équipement commercial. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 10.Cette relative impuissance à contenir les excès éventuels de la grande distribution ne doit pas masquer pour autant les questions de concurrence soulevées par le secteur. 2 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. 5. En 1974, la première de ces régulations, la loi Royer, tente d’enrayer l’expansion de la grande distribution, qui se fait, pense-t-on, au détriment du petit commerce de centre‑ville. La loi limite donc les possibilités d’implantation des grandes surfaces en contraignant considérablement les autorisations d’ouverture et en mettant l’autorisation administrative d’ouverture entre les mains de commissions dépourvues de neutralité et soumises à la pression des lobbies. En freinant ainsi l’arrivée de nouveaux entrants, cette loi favorise évidemment les entreprises en place et leur donne un pouvoir de négociation important, dont on juge bientôt qu’elles abusent lors de leurs négociations avec les fournisseurs. En 1996, une nouvelle salve est tirée : la loi Galland pense redonner du pouvoir aux fournisseurs en contraignant la négociation commerciale, en particulier par de nouvelles conditions sur les possibilités de vente à perte. La loi Raffarin qui l’accompagne vient dans le même temps renforcer les effets de la loi Royer, en revisitant les conditions d’ouverture des grandes surfaces devenues envahissantes en périphérie des villes. Tout cet arsenal de régulations crée de telles tensions1 et échoue à ce point à atteindre ses objectifs qu’en 2005 la loi Dutreil revient en arrière en annihilant les principes de la loi Galland et assouplit à nouveau les conditions de la négociation commerciale, dans un sens qui s’avère rapidement favorable aux consommateurs. Finalement, la loi LME revient en 2008 sur l’urbanisme commercial, sans aller toutefois jusqu’au bout de cette idée : si le seuil de l’autorisation administrative pour l’implantation d’une grande surface est relevé de 300 à 1 000 m2 et si les commissions qui examinent les demandes ne comprennent plus de concurrents des demandeurs, la loi ne va pas jusqu’à limiter l’examen de la demande à des questions d’urbanisme (en excluant ainsi les questions économiques, que seul le marché devrait trancher), comme le Conseil et l’Autorité de la concurrence l’ont à maintes reprises recommandé2. 14.Des questions factuelles ensuite : établir un lien cohérent et fiable entre parts de marché et niveaux de prix n’est pas aisé dans un secteur multiproduit où interviennent de nombreux éléments de différenciation entre enseignes (format, existence des MDD qui rendent souvent difficilement comparables les prix des “paniers de biens”). 15.Finalement, une question essentielle découle de ces considérations pour la politique publique : comment les autorités de concurrence peuvent-elles intervenir dans ce secteur complexe sans entrer excessivement dans le champ de la régulation des comportements ? Si le pouvoir d’injonction structurelle semble aujourd’hui presque impossible à mettre en œuvre (puisqu’il faut, pour pouvoir l’actionner, la manifestation répétée d’un abus de position dominante), il paraît constituer le seul levier d’action des autorités dans un secteur où l’entrée est contrainte tout comme la mobilité des affiliés entre les enseignes. Pour autant, il faut manier avec prudence un outil qui pourrait aussi, utilisé à mauvais escient, décourager l’investissement et briser les incitations à prendre des risques pour les opérateurs. n 12.Ces comportements semblent, en France, n’exister qu’à l’état de risques, mais de tels cas se sont réellement produits aux États-Unis : en 2003, la société US Tobacco s’est vu infliger une amende de plus d’un milliard de dollars par les tribunaux américains pour avoir, en tant que capitaine de catégorie en position dominante sur le marché du tabac à chiquer, porté atteinte à la visibilité et à la présence en magasin des produits concurrents de l’entreprise Conwood par ses interventions en magasin, d’une part, et par des présentations dénigrantes des performances des produits concurrents, d’autre part. Il était donc normal que l’Autorité de la concurrence s’en soucie dans un avis préventif. 13.Au total, l’intervention du droit de la concurrence dans le secteur de la distribution soulève une série de questions qui seront analysées en détail dans les articles suivants – par G. de Muizon du point de vue économique et par J. Vogel pour l’analyse juridique. Des questions méthodologiques 3Pour des études académiques sur ce sujet, v. par ex. M. Asplund et R. Friberg (1999), Retail price levels and concentration of wholesalers, retailers and hypermarkets, Stockholm School of Economics, Working paper series in economics and finance, no 318, S. H. Lustgarten (1975), The impact of buyer concentration in manufacturing industries, Review of Economics and Statistics, vol. 57 : 2, p. 125-132, ou encore B. Marion (1998), Competition in grocery retailing : the impact of a new strategic group on BLS price increases, Review of Industrial Organisation, vol. 13, p. 381-399. D’autres analyses plus orientées vers la pratique sont fournies par l’UFC-Que choisir : Concurrence locale sur les zones de chalandise et prix : quelle relation ?, document téléchargeable sur http://www.quechoisir.org ; ou encore K. Berger : Quel est l’impact de la concurrence des surfaces de type discount sur les prix des hypermarchés à dominante alimentaire ? Revue de la CCRF 11/04. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 4V. A. Chapsal et L. Eymard, Remarks on the calculation of local market shares, Concurrences no 1-2011, p. 37-41 3 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. tout d’abord : comment définir avec finesse les zones de chalandise, les parts de marché et le pouvoir de marché des opérateurs dans ces secteurs ? Différentes méthodes, plus ou moins raffinées et plus ou moins gourmandes en temps et en données, sont disponibles4. 11.Tout d’abord, de nombreuses études3 ou avis attestent de l’existence de pouvoirs de marché locaux et de leur incidence néfaste sur le niveau des prix. Ce lien est encore souligné dans l’avis no 12-A-01 sur la grande distribution à Paris. De ce fait, s’il existe des zones de chalandise dans lesquelles une ou deux enseignes au plus sont présentes, la mobilité des affiliés entre enseignes pourrait être un moyen d’introduire plus de concurrence, en l’absence de possibilité d’implanter de nouvelles surfaces de vente. Mais on se heurte ici à de nombreuses rigidités dues aux clauses présentes dans les contrats d’affiliation des magasins à leur enseigne : s’il est normal que ces clauses empêchent les mécanismes de free‑riding et d’expropriation des investissements (hold up), il est en revanche excessif que le jeu cumulé de ces clauses interdise définitivement à un affilié de changer d’enseigne. Ces points ont été examinés par l’avis no 10‑A‑26. Enfin, certains comportements soulignent le danger, qui n’est aujourd’hui que potentiel, de la mise en œuvre de certains comportements comme le management catégoriel : cette pratique, dont les contours sont extrêmement opaques et variables d’une enseigne à l’autre, consiste à confier à un fournisseur une partie plus ou moins importante de la gestion d’un rayon dans un magasin. En théorie, il pourrait en découler des risques de contrôle vertical, par ce fournisseur, de l’ensemble du positionnement relatif des produits les uns par rapport aux autres en termes d’agencement dans les rayons, de choix de l’assortiment, et même de positionnement tarifaire. Le fournisseur choisi comme capitaine de catégorie pourrait avoir un accès privilégié à certaines informations sur ses concurrents qui lui permettraient de distordre la concurrence à son profit. Sa position lui permettrait aussi d’organiser une concertation horizontale entre les principaux concurrents du secteur. Concurrence et niveau des prix dans la grande distribution Gildas de Muizon Économiste, directeur associé de Microeconomix 1. Cette intervention s’articule autour de deux questions principales : d’une part, les outils économiques permettant d’apprécier le pouvoir de marché des enseignes de la grande distribution ; d’autre part, les moyens d’action sur le niveau des prix. 4. Une fois la zone de chalandise définie, le calcul de la part de marché du supermarché étudié est très simple : il suffit d’identifier tous les autres supermarchés présents dans la zone de chalandise et de rapporter le chiffre d’affaires du supermarché étudié au chiffre d’affaires total des supermarchés de la zone de chalandise. I. Marché pertinent et calcul des parts de marché locales 5. Le problème de cette approche est qu’elle repose sur l’hypothèse – intenable – selon laquelle les frontières de la zone de chalandise définie seraient infranchissables. Cela conduit à un raisonnement binaire : les concurrents situés dans la zone de chalandise sont supposés exercer une pression concurrentielle parfaite sur le supermarché étudié, tandis que ceux qui se trouvent en dehors de la zone de chalandise sont supposés n’en exercer aucune. Or, certains consommateurs de la zone de chalandise peuvent très bien mettre en concurrence une enseigne située en dehors de la zone de chalandise du supermarché étudié (figure 2). 2. Pour calculer des parts de marché, il est nécessaire de définir au préalable le marché pertinent. Or, la concurrence entre grandes et moyennes surfaces se joue à un niveau local. Les parts de marché nationales des grandes enseignes ne permettent pas d’apprécier la diversité des conditions locales de concurrence, car les points de vente sont des biens différenciés dans l’espace géographique et les enseignes présentent des degrés divers d’implantation selon les régions. Figure 2. Chevauchement des zones de chalandise 3. Il convient donc de délimiter des marchés pertinents locaux afin d’estimer des parts de marché locales. Le premier réflexe est de définir la zone de chalandise. Il s’agit grosso modo de tracer un cercle dont le centre est le supermarché étudié et dont le rayon correspond à un temps de trajet jugé compatible avec les habitudes effectives des consommateurs (figure 1). La zone de chalandise dépend ainsi des caractéristiques précises du point de vente considéré. Par exemple, l’Autorité de la concurrence5 a retenu un temps de trajet en voiture de 30 minutes pour les hypermarchés et de 15 minutes pour les supermarchés. À Paris, où les consommateurs font généralement leurs courses à pied, la zone de chalandise retenue correspond à un temps de trajet de 5 à 10 minutes à pied. Figure 1. Zone de chalandise 6. Comment tenir compte de la pression concurrentielle exercée par les enseignes situées autour de la zone de chalandise retenue ? Cette problématique s’est par exemple récemment posée dans l’analyse du marché parisien menée par l’Autorité de la concurrence6. Deux solutions peuvent être mises en œuvre pour mieux apprécier la situation concurrentielle locale. 7. La première possibilité consiste à généraliser l’approche par les zones de chalandise en intégrant dans le calcul des parts de marché tous les supermarchés dont la zone de chalandise chevauche la zone de chalandise du supermarché étudié. On pondère ensuite les supermarchés identifiés en fonction de la taille de la surface de chevauchement : 6V. l’avis no 12-A-01 du 11 janvier 2012 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris. 5V. par ex. l’avis no 00-A-06 du 3 mai 2000 relatif à l’acquisition par la société Carrefour de la société Promodès. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 4 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. Concurrence et distribution : Le droit de la concurrence permet-il d’appréhender les comportements de la grande distribution ? concurrence en chaîne8. Dans ces conditions, le marché pertinent peut s’étendre bien au‑delà de la zone locale. Le concept de concurrence en chaîne a notamment été mobilisé lors de l’examen d’une fusion entre casinos9 et entre stations‑services10. Étonnamment, il ne semble pas avoir été discuté dans le cadre de l’avis sur la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris, alors qu’il l’avait été dans l’enquête menée par l’autorité anglaise en 200811. Figure 3. Pondération par la taille du chevauchement des zones de chalandise II. Lien entre le niveau des prix et le degré de concurrence 10.Une fois que les parts de marché locales ont été correctement estimées, on cherche à étudier le lien éventuel entre la concentration du marché et le niveau des prix. Ce lien n’a rien d’évident. Le niveau des prix est en effet lié au pouvoir de marché12 des entreprises et ce pouvoir de marché ne se reflète pas forcément dans la part de marché détenue. Ce n’est le cas que pour certains modèles de concurrence (par ex., modèle de concurrence en quantité avec bien homogène). Dès que les biens sont différenciés, le lien entre pouvoir de marché et part de marché ne tient plus. Or, les enseignes de la grande distribution sont précisément différenciées par la localisation géographique de leurs supermarchés. 8. La seconde possibilité consiste à renverser la logique de la zone de chalandise. Au lieu de partir du supermarché et de définir sa zone de chalandise, on part du consommateur et on identifie les magasins qui lui sont accessibles (figure 4). Par exemple, un consommateur situé dans un quartier où il existerait deux magasins à moins de 500 mètres sera supposé partager ses achats entre les deux. On fait ensuite la somme des “parts de marché” calculées au niveau de chaque consommateur pour obtenir la part de marché locale d’un supermarché donné. 11.La littérature économique a élaboré plusieurs modèles de concurrence spatiale. Le plus connu est celui du cercle de Salop (1979)13. Il modélise une situation imaginaire dans laquelle des magasins et des consommateurs sont répartis sur un cercle. Chaque consommateur supporte un coût de transport pour se rendre dans un magasin. Le prix d’équilibre concurrentiel s’établit à un niveau supérieur au coût marginal (prix de concurrence parfaite). Plus précisément, il est égal au coût marginal augmenté d’un mark-up d’autant plus élevé que le coût de transport des consommateurs est élevé ou que les magasins sont éloignés les uns des autres. Autrement dit, le modèle met en évidence que la différenciation spatiale des magasins leur confère un certain pouvoir de marché d’autant plus élevé que les consommateurs sont peu enclins à se déplacer. Figure 4. Pondération par les alternatives offertes aux consommateurs 12.Pour limiter le pouvoir de marché des magasins existants, il faudrait agir sur les déterminants du mark-up. A priori, on ne peut pas agir significativement sur les coûts de transport 9. En pratique, on pourra se contenter de la première approche, à condition que la densité de population de la zone étudiée soit suffisamment homogène. La seconde méthode exige de connaître la répartition effective des consommateurs sur le territoire. On peut par exemple utiliser les données de l’INSEE sur la densité de population, à condition que les données disponibles soient fines – sinon, la seconde méthode rejoint en fait la première. Il est également envisageable d’appliquer la méthode sur une répartition hypothétique des consommateurs, à l’instar de l’Autorité de la concurrence sur le marché parisien7.Soulignons enfin que l’on pourrait envisager des délimitations de marché plus larges que le niveau local, notamment lorsque les zones de chalandise se chevauchent significativement et créent une 8V. par ex. N. Daley (2010), Zones de chalandise et concurrence en chaîne, quelles conséquences sur la délimitation géographique des marchés ?, Economic Focus. 9Lettre du ministre de l’Économie en date du 28 juillet 2004, aux conseils des sociétés Accor et Colony et de la famille Barrière-Desseigne, relative à une concentration dans le secteur des casinos (C 2004-117). Microeconomix est intervenu pour les parties notifiantes. 10Comm. CE, déc. du 9 février 2000, TotalFina/Elf, COMP/M.1628. 11Competition Commission (2008), “The supply of groceries in the UK market investigation”, v. not. p. 74 : “Tesco also submitted that if markets were, contrary to its view, local, there were chains of substitution between local geographic markets that widened these markets to at least 30 minutes. […] Morrisons also argued that there were likely to be chains of substitution between local markets. These were most likely to occur in heavily built-up areas of the UK in which there are no discontinuities in catchment areas”. 12 Le pouvoir de marché est défini comme la capacité d’une entreprise à élever ses prix au-delà de ses coûts marginaux. Il est mesuré par l’indice de Lerner. 7 13 S.C. Salop (1979), Monopolistic competition with outside goods, The Bell Journal of Economics, vol. 10, p. 141-156. V. l’avis no 12-A-01, § 122. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 5 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. deux supermarchés très proches ont des zones de chalandise qui se chevauchent beaucoup, tandis que deux supermarchés assez éloignés n’auront en commun qu’une faible intersection de leurs zones de chalandise respectives (figure 3). 16.Il faut être particulièrement soigneux dans le traitement des données et dans l’identification des variables pertinentes à documenter et à inclure. Imaginons par exemple que l’on cherche à estimer l’impact de la distance du concurrent le plus proche sur le niveau des prix. On fait tourner le modèle économétrique et on obtient un résultat significatif, mais qui indique que le niveau des prix diminue lorsque les concurrents sont plus éloignés. Le résultat est contre-intuitif et semble peu réaliste. On intègre maintenant également des données sur la densité de population. Le résultat obtenu est modifié : on trouve maintenant un impact significatif et positif de la distance du concurrent le plus proche sur le niveau des prix. Comment expliquer cette divergence de résultats ? En fait, la première estimation était biaisée par une variable non prise en compte et affectant à la fois le niveau des prix et la densité d’implantation des magasins. On peut imaginer par exemple que, dans les zones denses, la demande est plus forte, ce qui incite les enseignes à ouvrir davantage de magasins. La distance entre deux magasins est donc généralement plus faible dans les zones denses. On peut en outre imaginer que les consommateurs des zones denses sont globalement plus riches que les consommateurs des zones peu peuplées. Le lien apparent mis en évidence dans le premier modèle provenait en fait de la variable cachée “densité de population”. 13.Puisque l’importance de la part de marché locale n’est pas forcément une bonne approximation du pouvoir de marché des magasins, on peut chercher à apprécier directement le lien éventuel entre la part de marché et le niveau des prix. Dans le cadre de l’instruction menée par l’Autorité de la concurrence sur le marché parisien, le groupe Casino a produit une étude qui mettait en évidence l’absence de corrélation entre le niveau des prix et la part de marché détenue par l’enseigne dans un arrondissement. L’Autorité de la concurrence a estimé que cette étude était biaisée, car elle s’appuyait sur des parts de marché estimées au niveau des arrondissements. En modifiant cette hypothèse et en retenant des parts de marché mesurées au niveau de chaque quartier, la corrélation devenait significative, même si l’Autorité a reconnu que l’effet mis en évidence était de faible ampleur. Ce résultat n’est pas très étonnant, car le choix des consommateurs est davantage guidé par la minimisation de leurs coûts de transport. III. Comment agir sur le niveau des prix ? 14.En outre, la comparaison des prix est un exercice compliqué. Il faut d’abord définir un panier de biens suffisamment homogènes, disponibles dans l’ensemble des magasins et représentatifs du panier moyen des consommateurs. Or les produits distribués couvrent des gammes très larges, avec de multiples facteurs de différenciation entre enseignes (diversité des produits disponibles, formats, etc.). En outre, les MDD représentent des volumes significatifs et ne sont par définition disponibles que dans une enseigne donnée, même s’il est possible d’identifier des produits sensiblement similaires. Une fois le panier de produits défini, il faut relever les prix, ce qui n’est pas évident, car ils peuvent varier significativement dans le temps, au gré des opérations promotionnelles. 17.Considérons maintenant avoir mis en évidence des situations locales de forte concentration et avoir démontré qu’elles étaient à l’origine de prix élevés. Comment agir si ces prix sont jugés excessifs ? Le droit de la concurrence permet en théorie de sanctionner la pratique d’un prix excessif en tant qu’abus d’une position dominante. Cependant, les cas sont rares en pratique, probablement parce qu’on ne dispose pas de test économique permettant de caractériser ce que serait un prix excessif14. 18.En outre, l’économiste est très réticent à intervenir directement sur le niveau des prix. Le prix n’est en effet qu’un signal résultant du fonctionnement concurrentiel du marché. Agir sur le signal ne sert à rien et il est plus pertinent de chercher à comprendre l’origine du prix qu’on juge excessif. S’il résulte d’une pratique anticoncurrentielle, alors c’est cette pratique qu’il faut sanctionner. S’il résulte d’une innovation, il ne faut surtout pas intervenir. Si c’est un monopole qui pratique des prix trop élevés, alors il faut le réguler, mais sans passer par le droit de la concurrence. Les conditions qui justifieraient que le droit de la concurrence soit mobilisé sont en fait très restrictives : (i) l’existence de barrières à l’entrée très élevées et durables ; (ii) l’acquisition d’une position dominante ne résultant pas d’une concurrence par les mérites ; et (iii) l’absence de régulateur (M. Motta et A. de Streel, 2007). 15.La seconde étape consiste à identifier l’impact spécifique du degré de concurrence sur les prix. Or, les prix d’un magasin peuvent être influencés par de multiples facteurs autres que le degré de concurrence : par exemple, les coûts supportés par l’enseigne, le niveau de la demande, la sensibilité des consommateurs au prix, les services offerts par l’enseigne, etc. Il convient donc de mobiliser l’économétrie, qui utilise les mathématiques et les statistiques pour analyser de grandes quantités de données afin de mettre en évidence des liens de causalité. En pratique, on cherche à expliquer le niveau des prix observé en intégrant dans le modèle économétrique toutes les variables observables susceptibles d’influencer les prix, afin d’estimer l’impact spécifique du degré de concurrence sur les prix, toutes choses égales par ailleurs. Cette analyse nécessite l’exploitation des données sur les prix, mais également sur les coûts, la demande locale, Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 14V. par ex. H. Calvet et G. de Muizon (2011), Prix excessif, faut-il intervenir ou laisser faire ?, RLC no 29, p. 92-93. 6 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. etc. Une fois que les données sont collectées, l’estimation du modèle économétrique permet d’identifier les variables ayant un impact significatif sur le prix et de quantifier l’effet qui leur est spécifiquement attribuable. des consommateurs. En revanche, on peut envisager des mesures favorisant l’entrée de magasins concurrents. Notons que le modèle permet aussi de prédire le nombre de magasins à l’équilibre. Il est d’autant plus élevé que les consommateurs supportent un coût de transport élevé. L’intuition est la suivante : lorsque les consommateurs se déplacent peu, la concurrence entre magasins est moins intense, ce qui incite les enseignes à accroître le nombre de magasins. En outre, le nombre de magasins à l’équilibre diminue avec l’ampleur des coûts fixes supportés pour ouvrir et exploiter un point de vente. Toutes choses égales par ailleurs, on s’attend donc à observer une moindre densité de supermarchés dans les zones où le foncier est cher. à la marque, des coûts associés au changement d’enseigne (négociation d’un nouveau contrat, coût d’adaptation de leurs systèmes informatiques, gestion des stocks, etc.) et du risque encouru (impact potentiel sur les clients, etc.). 20.Par exemple, faciliter l’entrée de nouveaux concurrents est susceptible de conduire à une baisse des prix. Or, bien souvent, il existe des contraintes réglementaires qui empêchent la libre entrée des concurrents potentiels et, ce faisant, protègent les opérateurs en place et leur permettent de pratiquer des prix élevés. Un premier moyen d’agir consiste donc à alléger, voire supprimer, les contraintes réglementaires restreignant l’entrée des concurrents potentiels. C’est dans cette optique que l’Autorité de la concurrence recommande15 la suppression des autorisations administratives d’implantation pour les magasins de plus de 1 000 m2, ainsi qu’un meilleur allotissement des zones d’aménagement commercial. 24.Un moyen d’agir consisterait à modifier directement la structure du marché en forçant l’entité en position dominante à céder des magasins. Si on a mis en évidence une forte concentration locale d’une enseigne et un lien avec le niveau des prix, forcer la cession de certains magasins au profit des concurrents peut se traduire par un effet bénéfique pour les consommateurs. Mais une telle “expropriation” emporte également des risques d’effets négatifs pour les consommateurs : anticipant qu’elle pourra être expropriée, une enseigne sera moins incitée à ouvrir des magasins. 25.Afin d’apprécier correctement l’effet d’une telle décision, il est important de réfléchir au scénario contrefactuel, c’est‑à‑dire de réponse à la question suivante : que se serait-il passé si l’enseigne, anticipant qu’elle était exposée au risque d’être forcée à céder des magasins, n’avait pas ouvert autant de magasins dans la zone locale ? 21. On peut également chercher à agir sur la mobilité inter‑enseignes. Les magasins sont souvent exploités par des franchisés qui signent un contrat avec une enseigne donnée. Or, certaines clauses d’affiliation de magasins indépendants peuvent avoir des effets restrictifs sur la concurrence (exclusivité d’approvisionnement, durée d’engagement, clause de non-réaffiliation, etc.). En agissant sur ces clauses et en limitant leurs effets restrictifs, on améliore la mobilité des franchisés, ce qui, à terme, peut remettre en cause la position détenue par une enseigne donnée dans une zone donnée. L’Autorité de la concurrence recommande16 ainsi l’assouplissement des contrats de franchise avec les magasins franchisés indépendants. 26.L’exemple de Casino à Paris est particulièrement éclairant. L’Autorité de la concurrence reconnaît que la concentration observée est la conséquence (i) des investissements effectués par Casino sur le marché parisien et (ii) du relatif désintérêt longtemps manifesté par les enseignes concurrentes. On peut donc penser que, si Casino n’avait pas ouvert autant de magasins, les enseignes concurrentes ne l’auraient a priori pas fait non plus. Doit-on punir une enseigne qui a choisi d’investir en prenant un risque ? Ce serait potentiellement très dommageable pour les incitations à investir des entreprises. 22.Il convient cependant d’être prudent car, comme de nombreuses restrictions verticales, les clauses contractuelles peuvent également être à l’origine d’effets proconcurrentiels17. Par exemple, un engagement d’approvisionnement exclusif du franchisé auprès de la centrale d’achat de l’enseigne peut être la contrepartie des efforts consentis par l’enseigne pour aider le franchisé à développer la clientèle de son magasin. En l’absence de telles clauses contractuelles, l’enseigne est exposée au risque de free-riding18 de la part d’enseignes concurrentes : une fois que la première enseigne a supporté les coûts de développement du magasin, une enseigne concurrente peut venir proposer un contrat de franchise plus intéressant au franchisé, car elle bénéficie des efforts de la première enseigne sans en avoir supporté les coûts. Anticipant cette forme de parasitisme, la première enseigne n’est guère incitée à aider son franchisé si elle n’est pas en mesure de s’assurer que les fruits de ses efforts ne seront pas accaparés par une enseigne concurrente. 27.L’exemple du Royaume-Uni est souvent avancé pour justifier les injonctions structurelles. Ainsi, les autorités britanniques de la concurrence19 ont forcé l’exploitant d’un certain nombre d’aéroports situés notamment autour de Londres (BAA) à en céder deux. Il est cependant important de souligner que les barrières à l’entrée pour construire un nouvel aéroport sont bien supérieures à celles pour ouvrir une nouvelle supérette. En outre, la position monopolistique de BAA était la conséquence du choix du gouvernement lors de la privatisation en 2000. 28.En ce qui concerne la distribution alimentaire, les autorités britanniques20 ont mené en 2008 une grande enquête mettant en évidence que Tesco occupait une position très dominante, voire monopolistique, dans certaines zones locales. Pourtant, il n’a pas été jugé opportun de forcer Tesco à céder des magasins. Les autorités britanniques ont en revanche proposé un nouveau test visant à interdire à une enseigne d’ouvrir de nouveaux magasins dans les zones locales où elle occupait déjà une position dominante. Mais cette décision a été cassée en appel21. 23.Par ailleurs, même si on imaginait un monde permettant une mobilité sans limites des franchisés en enseigne, il n’est pas du tout évident que les franchisés aient envie de changer d’enseigne, par exemple en raison de leur attachement potentiel 15V. l’avis no 12-A-01, § 171 à 178. 16V. l’avis no 12-A-01, § 179 à 184. 19Competition Commission (2009), “BAA airports market investigation. A report on the supply of airport services by BAA in the UK”. 17V. par ex. V. Selinsky et O. Sautel (2011), Les clauses restrictives dans les contrats d’affiliation de magasins indépendants, RLC no 28, p. 84-85. 20 Competition Commission (2008), “The supply of groceries in the UK market investigation”. 18V. la théorie dite “des services additionnels” développée par L. G. Telser (1960), Why Should Manufacturers Want Fair Trade? Journal of Law and Economics, vol. 3, p. 86-105. 21 Competition Appeal Tribunal, Case No 1104/6/8/08, TESCO PLC vs. Competition Commission. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 7 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. 19.Si l’on ne peut pas agir directement sur le niveau des prix, il est en revanche intéressant d’agir sur les caractéristiques structurelles susceptibles d’expliquer en partie le niveau des prix. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. 29.En conclusion, il convient d’approfondir la réflexion sur les moyens d’agir et d’améliorer les situations concurrentielles locales dans la distribution alimentaire, en prenant garde à ne pas mettre en œuvre de nouveaux outils sans avoir au préalable été en mesure d’évaluer finement leurs potentiels effets bénéfiques et/ou négatifs. n 8 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Analyse de l’efficacité pratique des actions juridiques Joseph Vogel Avocat, Vogel & Vogel 1. Pour un juriste, et tout particulièrement pour un avocat ou un directeur juridique en charge de la stratégie juridique et judiciaire d’une entreprise, l’appréhension des comportements de la grande distribution par le droit de la concurrence se pose de façon très concrète et pragmatique. Il s’agira de chercher à appréhender de la façon la plus large en fonction de la mission qui lui a été confiée tous les comportements des grandes enseignes : comportements vis‑à‑vis de leurs clients, c’est-à-dire des consommateurs, mais aussi comportements vis-à-vis des clients intermédiaires que sont les affiliés dans les réseaux des enseignes et comportements vis-à-vis des fournisseurs. pendant quatorze ans23. Une enquête est en cours concernant les fabricants de yaourts qui se seraient entendus pour avoir coordonné leur politique de prix à l’égard des MDD. Dans l’affaire des endives, l’Autorité a insisté sur la modération des amendes prononcées, qui se limitent effectivement à un montant de 3,6 millions d’euros. L’Autorité indique avoir tenu compte de l’impact limité de l’entente sur les prix en raison du contre-pouvoir de la grande distribution. Mais l’amende représente, pour la plupart des entreprises mises en cause, environ 3,5 % de leur chiffre d’affaires. 5. Les fournisseurs sont avertis : l’Autorité restera ferme en présence de cartels caractérisés même si les pratiques sont liées ou peuvent être liées à une volonté de faire contrepoids face à la puissance d’achat de la grande distribution. Alors le droit de la concurrence peut-il être une arme de défense pour les fournisseurs ? 2. C’est cette dernière catégorie qui pose le plus de problèmes en pratique. Les négociations entre les enseignes et leurs distributeurs sont chaque année plus difficiles dans un contexte de volatilité des prix et de tensions inflationnistes. Les fournisseurs sont mal armés pour lutter contre les demandes des enseignes : encadrement strict des hausses de prix versus baisse automatique en cas de baisse du coût des matières premières, refus de toute coopération commerciale, demandes d’inconditionnalité des CGV ou de garantie de marge, demande d’engagement de défense du contrat et de reconnaissance de son caractère équilibré comme condition préalable au référencement, etc. 6. Le juriste doit faire ce constat : il est très difficile de trouver, en droit de la concurrence, des outils qui permettent d’appréhender la position de force de la grande distribution et les comportements qui en résultent (I.). Le droit de la concurrence n’est efficace que dans des cas paroxystiques ou dans des conditions qui posent elles-mêmes difficulté (II). 3. La raison en est simple : un fournisseur ne peut généralement se passer d’aucun de ses clients grands distributeurs, car chacun d’entre eux peut représenter jusqu’à 10, 15 ou 20 % de ses débouchés. Inversement, chaque fournisseur ne représente généralement qu’un pourcentage marginal ou relativement faible des approvisionnements du distributeur. Le déséquilibre du rapport des forces est manifeste : 36 000 fournisseurs font face à 7 grandes enseignes qui sont à la fois leurs clients et leurs concurrents, via les marques de distributeurs. I. La difficulté d’appliquer le droit de la concurrence pour appréhender les comportements de la grande distribution 7. La difficulté d’appliquer le droit de la concurrence aux comportements de la grande distribution se rencontre pour les trois grandes catégories de comportements qu’il vise : abus de position dominante (1.), entente (2.) et abus de dépendance (3.). 4. Mais, paradoxalement, ce ne sont pas les enseignes qui sont sous le feu de l’actualité du droit de la concurrence, mais leurs fournisseurs. L’Autorité de la concurrence vient de condamner à hauteur de 146,9 millions d’euros d’amende les meuniers français qui avaient créé deux entreprises communes pour vendre leurs produits à la grande et moyenne distribution et au hard-discount22. Elle a sanctionné les producteurs d’endives et plusieurs de leurs organisations professionnelles pour avoir maintenu des prix minima 1. Abus de position dominante 8. Je serai bref en ce qui concerne l’abus de position dominante, car, du point de vue juridique, c’est la qualification pour laquelle les éléments constitutifs sont le moins à même d’être réunis. 22Déc. no 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des farines alimentaires. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 23Déc. no 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives. 9 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. Concurrence et distribution : Le droit de la concurrence permet-il d’appréhender les comportements de la grande distribution ? 14.L’entente suppose un accord de volontés ayant pour objet ou pour effet de fausser la concurrence. Souvent, l’on est en présence de comportements unilatéraux de la grande distribution, aucun accord ne pouvant être caractérisé. Ces comportements peuvent certes déboucher sur un accord, mais celui-ci n’est pas pour autant nécessairement constitutif d’une entente. Dès 199828, la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel qui avait retenu cette qualification pour la demande d’une enseigne de meilleures conditions tarifaires liée à l’augmentation de sa puissance d’achat à la suite d’une opération de concentration – demande acceptée par ses fournisseurs menacés de déréférencement. Cette pratique, dite “de corbeille de la mariée”, n’était pas, selon la Cour de cassation, une entente, “faute pour les producteurs d’y avoir librement consenti en vue de limiter l’accès au marché ou à la libre concurrence”. D’une part, le consentement à l’entente n’est pas établi ; d’autre part, l’atteinte à la concurrence ne l’est pas nécessairement. 10.On peut certes imaginer une position dominante sur des marchés locaux. Relevons cependant que, depuis l’adoption de seuils spécifiques pour le commerce de détail, seules trois décisions de concentration ont été rendues sous condition dans le secteur de la distribution, dont deux concernent les DOM/TOM et la dernière le secteur du bricolage25, alors que, sur la seule période mars 2009-décembre 2010, 101 décisions ont été rendues dans le secteur du commerce de détail26. La plupart des opérations sont autorisées sans réserve et même le plus souvent sous forme de décision simplifiée. 15.Ici se situe sans doute le principal obstacle. Le Conseil de la concurrence l’avait affirmé dès 2004, il “n’est pas compétent pour intervenir dans le partage du surplus entre producteurs et distributeurs, ni pour protéger les intérêts particuliers d’une entreprise qui se trouverait en difficulté dans ses négociations commerciales”29. En effet, pour l’Autorité de la concurrence, la puissance d’achat n’est pas, dans la plupart des cas, une menace pour le fonctionnement concurrentiel des marchés : ses effets sont soit neutres pour le consommateur, soit proconcurrentiels, lorsqu’elle permet de répercuter des baisses de prix sur le consommateur30. 11.À supposer même une position dominante locale établie, les pratiques de la grande distribution seraient-elles jugées abusives ? Si l’on examine les pratiques à l’égard du consommateur, Gildas de Muizon l’a souligné, un prix élevé n’est qu’un signal créé par le marché, résultat d’une situation concurrentielle. Ce n’est pas nécessairement un abus de position dominante. L’Autorité a dû en convenir dans son avis sur la situation de la concurrence à Paris : “La préoccupation de concurrence identifiée au terme de cet avis se fonde donc sur la structure du marché parisien de la distribution à dominante alimentaire, et non sur la mise en œuvre d’éventuels comportements anticoncurrentiels27.” 16.L’entrée en vigueur des règlements restrictions verticales parachève cette évolution puisque les pratiques en cause seront a priori couvertes par l’exemption par catégorie. Pour les cas où elles ne le seraient pas, notamment parce que les fournisseurs dépasseraient le seuil de 30 % de parts de marché, la jurisprudence antérieure continuera à faire obstacle à la sanction. 12.Si l’on examine les pratiques à l’égard des fournisseurs, on se heurte d’emblée à un obstacle : l’Autorité exige pour sanctionner un abus, un lien de causalité entre la position dominante et l’abus. A priori, ce lien fera défaut. 17.À l’égard des clients de la grande distribution que sont les affiliés, la question de l’application du droit des ententes est plus récente. Mais, ici aussi, cet outil se révèle inadéquat. L’Autorité de la concurrence l’a souligné dans son avis sur les contrats d’affiliation des magasins indépendants31, aucun des groupes de distribution, considérés comme fournisseurs de produits via leurs centrales d’achat, ne représente plus de 30 % des ventes réalisées sur le marché. De même, aucun des magasins ne représente plus de 30 % des achats. L’exemption par catégorie s’applique donc aux contrats conclus par la grande distribution avec les magasins indépendants et notamment aux pratiques identifiées par l’avis comme constituant un frein à la mobilité des enseignes (durée des engagements, multiplicité des contrats et des échéances, droit d’entrée à paiement différé, etc.). Ces pratiques sont hors d’atteinte pour le droit 2. L’interdiction des ententes 13.Le droit des ententes offre-t-il un instrument plus efficace ? En ce qui concerne les relations entre grande distribution et fournisseurs, la question s’est posée très rapidement, et très rapidement, une réponse négative a dû y être apportée. 24V. E. Pfister, Concentration et concurrence dans la distribution alimentaire, Concurrences no 4-2011. 25V. déc. no 10-DCC-25 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Louis Delhaize par la société H Distribution (groupe Hoio) ; déc. no 11-DCC-134 du 2 septembre 2001 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Louis Delhaize par la société H Distribution Groupe Bernard Hayot ; déc. no 10-DCC-01 relative à la prise de contrôle exclusif par Mr. Bricolage de la société Passerelle. 29Avis no 04-A-18 du 18 octobre 2004 relatif à une demande d’avis présentée par l’Union Fédérale des Consommateurs (UFC-Que Choisir) relative aux conditions de la concurrence dans le secteur de la grande distribution non spécialisée. 26Rapport annuel 2010 de l’Autorité de la concurrence, “Étude thématique : concurrence et distribution”, p. 87. 30Rapport annuel 2010 de l’Autorité de la concurrence, “Étude thématique : concurrence et distribution”. 27 Avis no 12-A-01 du 11 janvier 2012 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris. 31Avis no 10-A-26 relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants et les modalités d’acquisition du foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 28Déc. no 96-13.735 du 7 avril 1998. 10 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. 9. Peut-on caractériser une position dominante dans le cadre de la grande distribution et quand ? Anne Perrot et Gildas de Muizon l’ont rappelé, le secteur de la grande distribution est peu concentré. Les chiffres français étant dans la moyenne des données européennes. M. Pfister l’a souligné lors d’un colloque récent : “La somme des parts de marché des quatre premiers opérateurs est ainsi de 65 % mais des ratios de concentration similaires ou supérieurs peuvent être constatés au Royaume-Uni (68 %), en Allemagne (67 %), en Autriche (70 %), au Danemark (66 %), et en Islande et en Finlande (90 %)24.” Sur le marché national, et quelle que soit, semble‑t-il, la manière de délimiter le marché, aucun acteur ne dépasse les 30 % de parts de marché. d’un fournisseur, il faut tenir compte de plusieurs critères : l’importance de la part du chiffre d’affaires réalisé par ce fournisseur avec le distributeur, l’importance du distributeur dans la commercialisation des produits concernés, les facteurs ayant conduit à la concentration des ventes du fournisseur auprès du distributeur (choix stratégique ou nécessité technique), l’existence et la diversité éventuelle de solutions alternatives pour le fournisseur33. Même si la loi NRE a supprimé la référence à la notion de “solution équivalente”, les autorités de concurrence françaises continuent à exiger, pour retenir l’existence d’une situation de dépendance, que soit démontré que l’entreprise ne dispose pas “d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées”34. 18.Il est vrai que les règlements d’exemption ne couvrent pas toutes les clauses des contrats, de sorte qu’un champ d’application résiduel demeure pour l’application du droit des ententes. L’article 5, paragraphe 1, point b, du règlement restrictions verticales n’exempte aucune clause de non‑concurrence postcontractuelle. Par exception, l’article 5, paragraphe 2, exempte ces clauses lorsque quatre conditions sont réunies : 1) l’obligation concerne des biens ou des services en concurrence avec les biens ou services contractuels ; 2) elle est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat ; 3) elle est indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur ; 4) elle est limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord. Sans doute pour contourner ces dispositions, et bénéficier de l’exemption sans condition de durée ou sans être soumise aux conditions strictes prévues à l’article 5, paragraphe 2, du règlement, la grande distribution recourt désormais aux clauses de non‑réaffiliation plutôt qu’aux clauses de non-concurrence. Dans un arrêt du 28 septembre 201032, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel qui avait prononcé l’annulation d’une clause de non-réaffiliation en la soumettant aux mêmes conditions de validité qu’une clause de non-concurrence postcontractuelle. La haute juridiction a souligné que la clause de non-concurrence a pour objet de limiter l’exercice, par le franchisé, d’une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu’il quitte, tandis que la clause de non-réaffiliation se borne à restreindre sa liberté d’affiliation à un autre réseau. Elle refuse ainsi que les deux types de clauses soient assimilés. L’Autorité de la concurrence n’est pas de cet avis : soulignant que, dans le secteur de la distribution alimentaire, l’affiliation est un élément indispensable à l’exercice de l’activité, elle considère que les clauses de non-réaffiliation devraient être assimilées à des clauses de non-concurrence. L’analyse de l’Autorité est conforme à l’approche pragmatique qui prévaut en droit de la concurrence. Un revirement de jurisprudence n’est pas à exclure si les juges du fond motivent mieux les éléments qui militent pour cette assimilation. 21.Compte tenu de la concentration modérée en aval, selon l’Autorité de la concurrence, “un distributeur particulier est rarement un débouché indispensable à un fournisseur”. Les enseignes y veillent d’ailleurs en pratique : elles développent des stratégies pour surveiller le taux de dépendance de leurs fournisseurs, passant par une information obligatoire ; si le taux devient trop important, elles les invitent à diversifier leurs ventes ou rompent les relations. De fait, aucun cas de condamnation fondée sur l’abus de dépendance économique n’a concerné la grande distribution. 22.En mars 201035, l’Autorité de la concurrence a ainsi rendu une décision de non-lieu, à la suite d’une saisine du Syndicat de l’épicerie française et de l’alimentation générale d’un certain nombre de pratiques mises en œuvre par Carrefour, dont celles qui ont donné lieu quelques mois après à l’avis relatif aux contrats d’affiliation36. L’Autorité a considéré qu’avec des parts de marché nationales comprises entre 12 et 24 %, l’enseigne ne disposait pas d’une position susceptible d’en faire un partenaire commercial obligé pour tout candidat à l’ouverture d’un magasin de proximité. Elle a rejeté l’existence d’un état de situation de dépendance économique en ce qui concerne les candidats à l’ouverture d’un commerce alimentaire de proximité. Le raisonnement pourrait être transposé à la situation des fournisseurs de la grande distribution. 23.Le recours à d’autres critères permettrait-il de démontrer plus facilement l’existence d’une situation de dépendance ? Dans sa décision Carrefour de 2010, l’Autorité a indiqué que, dans les relations entre tête de réseau et membres du réseau, la mise en évidence d’une situation de dépendance économique pouvait résulter du jeu cumulé de clauses contractuelles. Encore faut-il cependant démontrer que ces clauses ont pour finalité de limiter la possibilité des franchisés de quitter le réseau. Les clauses relatives à la durée des contrats, comportant des obligations de non-concurrence ou de non-réaffiliation, pourraient être concernées. Dans l’affaire Carrefour de 2010, l’hétérogénéité des contrats proposés par l’enseigne n’a cependant pas permis à l’Autorité de conclure. 3. La prohibition de l’abus de dépendance économique 19.L’article L. 420-2, alinéa 2, du code de commerce, qui sanctionne l’exploitation abusive d’un état de dépendance économique, créé ad hoc pour appréhender les pratiques de la grande distribution, offre-t-il une meilleure voie ? A priori, non, car son application se heurte à plusieurs obstacles. 33Cons. conc., déc. no 93-D-21 du 8 juin 1993 relative à des pratiques mises en œuvre lors de l’acquisition de la société européenne des supermarchés (SES) par la société Grands Magasins B (GMB) du groupe Cora. 20.Le premier tient à la difficulté de caractériser l’existence d’une situation de dépendance. On le sait, pour apprécier l’existence d’une situation de dépendance économique 34Cons. conc., déc. no 01-D-49 du 31 août 2001 relative à une saisine et demande de mesures conservatoires présentées par la société Concurrence concernant la société Sony. 35Déc. no 10-D-08 du 3 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur du commerce d’alimentation générale de proximité. 36Avis no 10-A-26, préc.. 32Cass. com., 28 septembre 2010, no 09-13888. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 11 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. de la concurrence, sauf hypothèse du retrait de l’exemption, notamment pour cause d’effet cumulatif. Mais l’hypothèse paraît peu probable, l’avis soulignant la lourdeur, les délais et l’insécurité juridique induits par cette approche à laquelle l’Autorité préfère substituer une intervention législative, qui a le mérite, si ce n’est de la sécurité juridique – tout aussi malmenée –, à tout le moins de la rapidité. savoir si celles-ci ne l’avaient pas volontairement surévalué – par exemple en transformant en coopération commerciale des prestations relevant de l’opération d’achat/vente – considérant que cette opération avait précisément pour objet de permettre le respect des prix minimums. 29.Mais la grille d’analyse utilisée par le Conseil – au moins dans l’affaire des jouets, qui marque sans doute de ce point de vue un fléchissement par rapport aux décisions antérieures – n’en demeure pas moins classique. Les fournisseurs qui recouraient à un SRP jugé surévalué par le Conseil, mais qui ne recouraient pas à une police des prix, ont été mis hors de cause. Au contraire, ceux des fournisseurs et des distributeurs qui y participaient ont été sanctionnés. Dans ce secteur comme dans d’autres, la question du faisceau d’indices utilisé par le Conseil et aujourd’hui par l’Autorité pour démontrer l’entente sur les prix n’est pas sans poser difficulté. 25.En tout état de cause, l’application du texte exige la démonstration d’une atteinte à la concurrence, difficile à établir pour les fournisseurs, au regard des principes exposés. II. L’efficacité résiduelle du droit de la concurrence 30.D’un côté, la Cour de cassation vient non seulement d’affirmer la licéité des relevés de prix effectués par les concurrents, mais, au-delà, de consacrer un véritable droit à effectuer de tels relevés, droit fondé sur les principes du droit de la concurrence. Dans un arrêt du 4 octobre 201140, elle vient d’indiquer que “la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence commande que les concurrents puissent comparer leurs prix et en conséquence en faire pratiquer des relevés par leurs salariés dans leurs magasins respectifs”. Cette affaire avait pour origine un litige privé entre enseignes, l’une d’entre elles voulant refuser l’accès à ses magasins aux employés de son concurrent. 26.Le droit de la concurrence conserve néanmoins un rôle résiduel. En présence de comportements paroxystiques, qui peuvent exister dans la grande distribution, mais aussi dans d’autres secteurs, c’est un instrument efficace (1.). La question de l’extension des instruments est donc posée (2.). 1. Un instrument efficace pour appréhender des pratiques qui ne sont pas propres à la grande distribution 31.De l’autre, le fait de réaliser des relevés de prix chez les concurrents est souvent utilisé, par l’Autorité, comme un indice de participation des distributeurs à la police des prix du fournisseur. Dans l’affaire des jouets, l’Autorité avait mis en cause un distributeur qui, selon elle, surveillait les prix pratiqués par les concurrents avec la participation des consommateurs par le biais d’une opération “différence remboursée” mais qui, semble-t-il, se plaignait aussi ensuite aux fournisseurs des remboursements pratiqués compte tenu des prix appliqués par d’autres. On peut se demander quelle analyse elle retiendrait en l’absence de telles plaintes, et malgré la décision de la Cour de cassation, tant les indices retenus par l’Autorité au titre de la police des prix sont parfois ténus. 27.La grande distribution n’est pas à l’abri de l’application du droit de la concurrence. Les comportements qui y sont classiquement interdits le sont aussi dans ce secteur. La jurisprudence interne et internationale en fournit plusieurs illustrations. 1.1. Premier exemple : Les ententes verticales de prix 28.Les affaires des calculettes scolaires37, des cassettes Disney38 et des jouets39 sont des exemples assez classiques d’ententes verticales de prix imposés. La grille d’analyse utilisée pour ce type de pratique par le Conseil a certes été mise en œuvre dans un contexte législatif particulier. On le sait, cette grille repose sur un triple test : évocation des prix souhaités, application significative des prix et police des prix. À l’époque où ces affaires sont intervenues, la législation sur la revente à perte issue de la loi Galland interdisait la revente à un prix inférieur au prix figurant sur facture, les marges arrière ne venant pas en déduction du SRP. Distributeurs et fournisseurs ont cherché à démontrer que cette législation conduisait à un alignement des prix au niveau du SRP, incompatible avec l’existence de l’entente. Le Conseil ne s’est pas arrêté à l’argument : il a analysé les conditions dans lesquelles le SRP avait été fixé par les parties pour 1.2. Second exemple : Les pratiques horizontales 32.Il n’y a pas en France d’affaires de cartel entre grandes enseignes qui aient donné lieu à sanction. Mais aucun élément intellectuel ou juridique ne ferait obstacle à l’application du droit des ententes si des comportements de ce type devaient être caractérisés. Les exemples étrangers montrent que les grandes enseignes sont confrontées, dans leurs rapports, à des problématiques identiques à celles qui existent dans d’autres secteurs, et notamment celles des échanges d’informations. 37Déc. no 03-D-45 du 29 septembre 2003. 38Déc. no 05-D-70 du 19 décembre 2005. 40 No 10-21.862. Voir M. Malaurie-Vignal, Licéité de la pratique de relevés de prix par un distributeur chez son concurrent, Contrats, conc., consom no 1, janvier 2012, comm. 7. 39Déc. no 07-D-50 du 20 décembre 2007. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 12 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. 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A fortiori, on voit mal comment le raisonnement pourrait être transposé. 37.Sur le fond, la demande de l’Autorité pose une question de principe : peut-on admettre une injonction de déconcentration en l’absence de toute infraction aux règles de concurrence ? L’avis de l’Autorité le souligne, la forte position du groupe Casino à Paris est issue d’une concurrence par les mérites et de l’effort d’investissement et d’innovation du groupe. Cette extension des pouvoirs de l’Autorité se heurte à des objections de trois ordres : elle porte atteinte à la sécurité juridique, en touchant au droit de propriété. On ne peut remettre en cause une situation légalement acquise et détenue sans abus ; elle lèse les intérêts patrimoniaux des entreprises, les cessions ordonnées risquant de se faire dans de mauvaises conditions financières ; elle décourage les acteurs à investir. 38.Le droit de la concurrence n’est pas un instrument très efficace pour appréhender les pratiques de la grande distribution, mais l’augmentation de cette efficacité serait elle-même problématique. Faut-il se résigner ? 39.Dans les négociations, l’argument concurrence, utilisé en parallèle de l’arsenal offert par le droit des pratiques restrictives, peut fonctionner dans certains cas, car les enseignes de la grande distribution témoignent d’une hypersensibilité au risque juridique. Le droit est aussi une arme stratégique qu’il ne faut pas renoncer à utiliser. 2. La question de l’extension des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence 40.En témoigne une décision rendue en décembre 2011 par l’Autorité de la concurrence, où celle-ci a obtenu des engagements de Carrefour relatifs à ses relations contractuelles avec trois distributeurs parisiens qui l’avaient saisie d’une plainte42. Les préoccupations de concurrence exprimées l’ont été sur le fondement de l’abus de dépendance économique. On peut s’interroger sur la solidité de ce fondement en général et dans un dossier concernant Paris en particulier puisque Carrefour n’y est pas dominant, tant s’en faut. Reste que l’Autorité a réussi à obtenir, par le biais de la procédure d’engagements, des modifications allant dans le sens de l’avis sur les contrats d’affiliation rendu quelques mois auparavant. n 34.Si, hormis ces pratiques, le droit de la concurrence est peu efficace et le contrôle des opérations de concentration inapte à remettre en cause des situations acquises par le passé, faut-il étendre le champ d’application du droit de la concurrence et le rôle de l’Autorité de la concurrence ? C’est la solution pour laquelle elle a milité dans son avis sur la situation de la concurrence à Paris, sans d’ailleurs limiter sa demande au marché parisien ou même au secteur de la grande distribution41. 35.L’Autorité de la concurrence dispose d’outils qu’elle pourrait utiliser si elle juge la concurrence trop limitée dans le secteur : l’article L. 752-26 du code de commerce lui permet de procéder à des injonctions de cession à l’égard de groupes exploitant des commerces de détail. Mais l’application de cet article suppose, d’une part, l’existence d’un abus de position dominante ou de dépendance économique et, d’autre part, la persistance de cet abus. 36.C’est pourquoi l’Autorité de la concurrence suggère d’être habilitée, lorsque la situation de la concurrence le rend nécessaire et après débat contradictoire, à enjoindre aux entreprises de revendre des actifs à des concurrents. Elle prend l’exemple du Royaume-Uni et de la Grèce, où de telles procédures existent. Que faut-il en penser ? L’argument de droit comparé ne convainc pas : au Royaume‑Uni, le contrôle des concentrations n’est pas obligatoire ; en France, au contraire, ce contrôle existe et l’avis de l’Autorité rappelle qu’entre 1998 et 2000 le groupe Casino a été autorisé par les autorités de concurrence à racheter les réseaux Franprix et Leader Price, très présents à Paris, et à acquérir le contrôle conjoint de Monoprix. 42Déc. no 11-D-20 du 16 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur de la distribution alimentaire, faisant suite à la décision no 11‑D-04 du 23 février 2011 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur de la distribution alimentaire, où l’Autorité avait rejeté la demande de mesures conservatoires présentée par les distributeurs, mais ordonné le renvoi à l’instruction sur le fond. 41Avis no 12-A-01 du 11 janvier 2012 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris. Concurrences N° 2-2012 I Droit & économie 13 A. Perrot, G. de Muizon, J. Vogel, Concurrence et distribution... Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. 33.Les entreprises considèrent souvent que le fait de passer par un tiers pour collecter des données rend le procédé licite. L’autorité de la concurrence finlandaise a cependant jugé anticoncurrentiel en 2007 un mécanisme de collecte d’informations sur les prix et les volumes vendus, rendu possible par un système informatisé géré par AC Nielsen. Dans son rapport annuel pour l’année 2009, l’Autorité de la concurrence avait souligné qu’il pouvait y avoir échange anticoncurrentiel lorsque : “les informations utilisées pour constituer les bases de données ne sont pas collectées au moyen de relevés réalisés dans les points de vente, mais grâce à des systèmes informatisés – tels que le lecteur de codes-barres) mis en place avec l’accord de l’entreprise”. La conciliation de cette solution avec la règle consacrant le droit de réaliser des relevés de prix, qui s’effectue en pratique avec un lecteur de codes-barres, pourrait ici aussi être problématique, l’enseigne étant de facto contrainte d’accepter les relevés effectués par des concurrents. En définitive, pour les cartels et ententes verticales les plus graves, l’application du droit de la concurrence au secteur de la grande distribution, si elle suscite des problématiques spécifiques, peut se faire avec efficacité. Concurrences Concurrences est une revue trimestrielle couvrant l’ensemble des questions de droits de l’Union européenne et interne de la concurrence. Les analyses de fond sont effectuées sous forme d’articles doctrinaux, de notes de synthèse ou de tableaux jurisprudentiels. L’actualité jurisprudentielle et législative est couverte par onze chroniques thématiques. Editorial Jacques Attali, Elie Cohen, Laurent Cohen‑Tanugi, Claus‑Dieter Ehlermann, Ian Forrester, Thierry Fossier, Eleanor Fox, Laurence Idot, Frédéric Jenny, Jean‑Pierre Jouyet, Hubert Legal, Claude Lucas de Leyssac, Mario Monti, Christine Varney, Bo Vesterdorf, Louis Vogel, Denis Waelbroeck... Interview Sir Christopher Bellamy, Dr. Ulf Böge, Nadia Calvino, Thierry Dahan, John Fingleton, Frédéric Jenny, William Kovacic, Neelie Kroes, Christine Lagarde, Doug Melamed, Mario Monti, Viviane Reding, Robert Saint‑Esteben, Sheridan Scott, Christine Varney... Tendances Jacques Barrot, Jean‑François Bellis, Murielle Chagny, Claire Chambolle, Luc Chatel, John Connor, Dominique de Gramont, Damien Géradin, Christophe Lemaire, Ioannis Lianos, Pierre Moscovici, Jorge Padilla, Emil Paulis, Joëlle Simon, Richard Whish... Doctrines Guy Canivet, Emmanuel Combe, Thierry Dahan, Luc Gyselen, Daniel Fasquelle, Barry Hawk, Laurence Idot, Frédéric Jenny, Bruno Lasserre, Anne Perrot, Nicolas Petit, Catherine Prieto, Patrick Rey, Didier Théophile, Joseph Vogel... Pratiques Tableaux jurisprudentiels : Bilan de la pratique des engagements, Droit pénal et concurrence, Legal privilege, Cartel Profiles in the EU... Horizons Allemagne, Belgique, Canada, Chine, Hong‑Kong, India, Japon, Luxembourg, Suisse, Sweden, USA... Droit et économie Emmanuel Combe, Philippe Choné, Laurent Flochel, Frédéric Jenny, François Lévêque Penelope Papandropoulos, Anne Perrot, Etienne Pfister, Francesco Rosati, David Sevy, David Spector... Chroniques EntEntEs Michel Debroux Nathalie Jalabert‑Doury Cyril Sarrazin PratiquEs unilatéralEs Frédéric Marty Anne‑Lise Sibony Anne Wachsmann PratiquEs rEstrictivEs Et concurrEncE déloyalE Muriel Chagny, Mireille Dany Jean‑Louis Fourgoux, Rodolphe Mesa Marie‑Claude Mitchell, Laurent Roberval distribution Nicolas Ereseo, Dominique Ferré Didier Ferrié concEntrations Dominique Berlin, Jean‑Mathieu Cot, Jacques Gunther David Hull, David Tayar aidEs d’état Jean‑Yves Chérot Jacques Derenne Bruno Stromsky ProcédurEs Pascal Cardonnel Alexandre Lacresse Christophe Lemaire régulations Hubert Delzangles Emmanuel Guillaume Francesco Martucci Jean‑Paul Tran Thiet sEctEur Public Bertrand du Marais Stéphane Rodrigues Jean‑Philippe Kovar JurisPrudEncEs EuroPéEnnEs Et étrangèrEs Jean‑Christophe Roda, Florian Bien Silvia Pietrini PolitiquE intErnationalE Frédérique Daudret John François Souty Stéphanie Yon Revue des revues Christelle Adjémian, Emmanuel Frot Alain Ronzano, Bastien Thomas Bibliographie Institut de recherche en droit international et européen de la Sorbonne (IREDIES) Tarifs 2012 Revue Concurrences l Review Concurrences HT o Abonnement annuel ‑ 4 n° (version papier) 1yearsubscription(4issues)(printversion) o Abonnement annuel ‑ 4 n° (version électronique + e‑archives) 1yearsubscription(4issues)(electronicversion+e-archives) o o TTC Without tax Tax included Abonnement annuel ‑ 4 n° (versions papier & électronique + e‑archives) 1yearsubscription(4issues)(print&electronicversions+e-archives) 1 numéro (version papier) 1issue(printversion) (France only) 425 € 508,30 € 465 € 474,77 € 675 € 807,30 € 140 € 142,94 € Bulletin électronique e-Competitions l e-bulletin e-Competitions o Abonnement annuel + e‑archives 1yearsubscription+e-archives 595 € 711,62 € o Abonnement annuel revue (version électronique + e‑bulletin + e‑archives) 1yearsubscriptiontothereview(onlineversion+e-bulletin+e-archives) 775 € 926,90 € o Abonnement annuel revue (versions papier & électronique + e‑bulletin + e‑archives) 1yearsubscriptiontothereview(print&electronicversions+e-bulletin+e-archives) 875 € 1046,50 € Revue Concurrences + bulletin e-Competitions l Review Concurrences + e-bulletin e-Competitions Renseignements l Subscriber details Nom-Prénom l Name-First name . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . e-mail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Institution l Institution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rue l Street . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ville l City . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal l Zip Code . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pays l Country . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° TVA intracommunautaire l VAT number (EU) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 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