FLASH ADRIEN PARIS - Lycée Pierre Adrien Pâris

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FLASH ADRIEN PARIS - Lycée Pierre Adrien Pâris
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P i e r re - Adrien Pâris.
L’Escalier (Scala Regia) du palais Farnèse à Capra r o l a ,
17 73 - 17 74,
contre-épreuve de sang uine, 41,4 x 32,5 cm. bmb ( c at. 11)
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Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition présentée
au musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon
du 14 novembre 2008 au 23 février 2009, organisée en collaboration
avec la bibliothèque municipale de Besançon.
Je a n -Louis Fousseret maire de Besançon, président du Grand Besançon
Yves- M i chel Dahoui adjoint délégué à la Culture et au Patrimoine
Je a n -Pierre Govignaux conseiller municipal délégué aux musées
Carine Michel conseillère municipale déléguée aux bibliothèques
E XPO SI T IO N
remerciements
Musée des Beaux-Arts et d’A rch é o l o g i e
Co m m i s s a i res
Directeur : Emmanuel Guigon
Emmanuel Guigon, directeur du musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon
Que soient remerciées toutes les personnes qui, par leur soutien
Secrétaire générale : Françoise March a n d i a u x
Henry Fe r r e i r a -Lopes, directeur de la bibliothèque et des archives municipales de Besançon
ou leur aide matérielle, ont permis la réalisation de l’exposition :
Conseillers scientifiques
Bibliothèque nationale de France :
Ivan Andrey, Gérard Antoni,
Christian Baulez, Mechthild Baumeister,
Conservateur en chef : Françoise Soulier-François
Conservateurs : Agathe Legros, Sophie Bernard
Camille Abbiateci, Glenn M. Andres,
Attachés de conservation : Dominique Boley, Agnès He n r y, Nicole Baladou
Marc-Henri Jordan, historien de l’art
Bruno Racine, président
Coordination des expositions : Émeline Bourdin
Pierre Pinon, professeur à l’École d’architecture de Belleville,
Antoine Coron, directeur du département de la Réserve des Imprimés
Administration : Suzanne Pasteur assistée d’Agnès Petithuguemin et de Maryvonne Contoz
conseiller à l’Institut national de l’histoire de l’art
Secrétariat : Noëlle Bourdenet, Séverine Adde, Valérie Lamy
Communication : Françoise Frontczak
Les auteurs
Service des publics : Céline Meyrieux assistée d’Agnès Ro u q u e t t e
Nathalie Balcar, chimiste, ingénieur d’étude au C2RMF
Professeurs détachés par l’Action culturelle du Rectorat : Anne Fourneret, Rémi Legros
Brigitte Bourgeois, conservateur en chef du patrimoine, C2R M F
M i chèle Bimbenet, lieutenant-colonel Gilbert Bodinier,
Olivia Bourrat, Geneviève Bresc-B a u t i e r,
Musée Carnavalet :
Pascal Brunet, Emmanuel Buselin,
Je a n -Marc Léri, directeur
Antoine et Dominique Carrier, Thiérry Crépin-Leblond,
École nationale supérieure des Beaux-Arts :
Georges Cu e r, Vincent Droguet,
Clément Crevoisier, Deanna Cross,
Guides : Silène Audibert, Julie Ch e v a i l l i e r, Caroline Dreux
Axelle Davadie, conservateur en chef du patrimoine, C2R M F
Henry- Claude Cousseau, directeur
Emmie Donadio, Raul Fernandez,
Documentation : Jacques-Marie Dubois, Ghislaine Co u r t e t
Marie-Lou Fabrega Dubert, enseignante à l’École du Louvre
Bruno Girveau, conservateur en chef du patrimoine
Je a n - Claude Fontaine, Peter Fu h r i n g ,
Emmanuelle Brugerolles, conservateur en chef du Cabinet des Dessins
Je a n -Pierre Gavignet, Alessandra Gariazzo,
Chargée d’étude : Isabelle Sombardier
Henry Ferreira-Lopes, conservateur, directeur de la bibliothèque municipale de Besançon
Photographie : Jean-Louis Do u s s o n
Emmanuel Guigon, directeur du musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon
Boutique : Sylvie Martzloff, Isabelle Gusch i n g
Marc-Henri Jordan, historien de l’art
Musée national du château de Fontainebleau :
Équipe technique : André Capel, Christophe Qu e r r y, Michel Massias,
Christian Michel, professeur d’histoire de l’art, université de Lausanne
Bernard Notari, directeur
Je a n -Baptiste Pyon, Allan Zobenbuller, Claude Jalliot
Pierre Pinon, professeur à l’École d’architecture de Belleville, conseiller à l’INHA
Atelier de moulage : Éric Groslambert, Alexandre Rioton, Muriel Do v i l l a i r e -De n u e
Françoise Soulier-François, conservateur en chef du patrimoine,
Accueil : Gilles Vincent et l’équipe d’accueil-surveillance
musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon
Yannick Vandenberghe, chimiste, technicien de recherche au C2RMF
Bertrand Gautier, Maurice Gresset,
Alain Gruber, John Harris,
M i chel Hitter, Angèle Jeannin,
Chantal Kiener, Jackie Killian,
Et tous les prêteurs qui ont souhaité conserver l’anonymat.
Daniëlle Kisluk-Grosheide, Pierre Labarre,
Benoît Yvert, directeur du Livre et de la Lecture
Ulrich Leben, Alexia Lebeurre,
François Lassus, Aloys Lauper,
Fabien Plazannet, chef du Département des politiques documentaires et patrimoniales,
Aline Lemonnier-Me r c i e r, Muriel de L’Épine,
Direction du Livre et de la Lecture
Christophe Leribault, Élisabeth Maisonnier,
Pierre-Emmanuel Guilleray, conservateur à la bibliothèque municipale de Besançon
Georges Poull, directeur régional des Affaires culturelles de Fr a n c h e - C o m t é
Daniela Mondini, Dominique Morelon,
Recherches iconographiques : Françoise Laurent
Nicole Baladou, attachée de conservation au musée des Beaux-Arts
Annie Co r d e l i e r, conseiller pour les musées à la DRAC Fr a n c h e - C o m t é
Lisa Mucciarelli, Emmanuel Pénicault,
Numérisation : Sylvette Anselin
et d’Archéologie de Besançon
Bibliothèque municipale – Étude et conservation
Directeur : Henry Ferreira-Lopes
Assistants de l’exposition
Conservateurs : Pierre-Emmanuel Guilleray, Marie-Claire Waille
Marie- Claire Waille, conservateur à la bibliothèque municipale de Besançon
Administration : Véronique Alliot
Catherine Marion, Floramae McCarron-Cates,
Je a n -Paul Pernin, Pierre-Yves Perrin,
Claude Jeannerot, président du Conseil général du Doubs
Équipe technique : Hakim Benechet, Benoît Guillaume, Didier Po u r ch e t
Scénographie
Père Pobelle, Laurence Pomaret,
Guilhem Scherf, Jacques Sch ÿ l e r -Schröder,
Anne Kaplan
Le Centre de recherche et de restauration des musées de France, C2RMF
Fabrication : Claire Ho s t a l i e r, Valérie Cha, Agnès De l a v e a u
Graphisme de la communication
Les restaurateurs :
Suivi éditorial : Soline Massot,
Je a n -M i chel Mo u r e y, Noir-sur-Blanc
Luc Espouy, Aubert Gérard, Anne Gérard-Bendelé, Gilles Mantoux,
L’ensemble du personnel des archives départementales du Doubs,
Christine Merlin, Frédérique Orvas, Je a n -François Salles, Hélène Santgerma,
Les habitants de Vauclusotte.
Catalogue
Conception et réalisation graphique : studio Martial Damblant, Metz
Éric Thiou, Manuel Trameaux,
Nathalie Vidal, Marc Wattel,
avec la collaboration de Catherine Berranger
Cette exposition est organisée par la Ville de Besançon ;
Agnès Vallet, Christine Verwaerder
elle bénéficie du soutien financier du ministère de la Culture et de la Communication,
© Éditions Hazan, Paris, 2 0 0 8
de la DRAC de Franche-Comté,
© Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon
du Conseil général du Doubs,
des Mécènes du Musée
Le service de documentation de la DRAC Franche-Co m t é ,
Nous remercions particulièrement l’association
le Club de Mécènes et son président Bernard Sertout,
des Amis des musées et de la bibliothèque de Besançon
Claire Stoullig, directrice du musée des Beaux-Arts de Nancy, instigatrice du projet
ainsi que la direction régionale de la Société Générale de Franche-Comté
et sa présidente Marie-Dominique Jo u b e r t ,
ISBN : 978 2 754 10324 4
et de l’association des Amis des musées et de la bibliothèque de Besançon.
Bernard Falga, directeur général adjoint des services Culture et Développement,
et son directeur, Alexandre Me y m a t ,
Dépôt légal : novembre 2 0 0 8
Elle a bénéficié d’une aide exceptionnelle de BNP Paribas.
Ville de Besançon
pour leur aide précieuse lors de l’acquisition par la bibliothèque en 2008 d’une aquarelle
Imprimé en France
Que soient remerciés Christian Borsoni, directeur du groupe Besançon BN P Paribas,
Lionel Estavoyer, chargé de mission pour le patrimoine auprès du maire de Besançon
de P i e r r e - Adrien Pâris représentant les Loges du Vatican.
ainsi que Christine De Michieli, responsable de la communication.
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François-André Vi n c e n t .
Po r t rait de Pierre-Adrien Pâris,
17 74, huile sur toile, 61,5 x 47,5 cm .
collec t ion pa rt ic ulière. ( c at. 164)
sommaire
La vie de P i e r r e - Adrien Pâris
12 —
pierre pinon
Une œuvre multiforme
30 —
pierre pinon
L’étude de l’ornement et l’art du décor
40 —
m a rc-henri jordan
Les décors des divertissements et des cérémonies de la Cour
58 —
m a rc-henri jordan
L’érudition et l’imagination : les décors de scène
68 —
m a rc-henri jordan
Entre connaissance et délectation : le cabinet de P i e r r e - Adrien Pâris
82 —
christian michel
Pâris jugé sur ses antiques
96 —
axelle davadie
Embellir ou conserver ? À propos de la restauration des vases de la collection Pâris
106 —
brigitte bourgeois, n athalie balcar, ya n n i ck va n d e n b e r g h e
La bibliothèque réunie par P i e r r e - Adrien Pâris
110 —
h e n ry ferreira-lopes
L’archéologie d’un architecte
126 —
pierre pinon
P i e r r e - Adrien Pâris et les « antiques Borghèse »
136 —
marie-lou fabréga-dubert
P i e r r e - Adrien Pâris en Fr a n c h e - C o m t é
148 —
f rançoise soulier- f rançois
160 —
Liste des œuvres exposées
192 —
Repères biographiques
199 —
Bibliographie
206 —
Acronymes & Crédits photos
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L’hommage au talent
et à une générosité
sans égal —
ses quatre cent soixante-dix tableaux que convoitait tant le Louvre :
Étonnante vie que celle de Pierre-Adrien Pâris, presque tout entière
d’expérience, précisément initié ici par Pierre-Adrien Pâris, où la collection
c o n sacrée, une carrière durant, à célébrer la monarchie des Bourbons dans
privée trouve dans la collection publique pérennité et rayonnement.
L’exemple sera contagieux. Jean Gigoux, pour ne citer que lui, ne sera
pas en reste, quatre-vingts ans plus tard, avec ses trois mille dessins et
Goya, Bellini, Titien, Cranach, Ingres, David, Géricault, De l a c r o i x .
D’autres suivront qui font des collections de Besançon celles de
l’exceptionnelle générosité des donateurs ; une sorte de terrain
l ’ e x t r a v a gance et le somptueux des fastes éphémères des derniers instants.
8—
Tout ce talent pour des fêtes, des bals, le solennel des funérailles ou
P i e r r e - Adrien, dont le nom ne cesse de briller, d’impressionner,
l’illusion des scènes des théâtres ; jusqu’au… début d’une fin : avec ce
d’ench a n t e r, de faire rêver depuis ce temps-là, à cause de ce geste-là.
décor de la salle des États-Généraux. Comme un symbole. Et, au bout
du crayon, dans le sillon des encres ou l’aplat des aquarelles, sans doute
une des plus belles mains de dessinateur qui soient.
La notoriété de la collection Pâris était telle qu’on est allé jusqu’à parler
d’un « goût Pâris ». Elle a, en tout cas, attaché le nom de Besançon à
celui d’une incontournable référence, pour quiconque s’intéresse
A r chitecte de papier, bâtisseur oublié, modeste dans le rond des
au xviii e siècle français, à la production de ses architectes, à celle de
c o u r t i sans, solitaire dans une vie de réserve, indéfectible fidèle à
ses peintres, aux heures de la monarchie et à cet incomparable art de
ses souverains ? Pierre-Adrien Pâris, c’est un peu tout cela. Et si le
vivre que saluait Talleyrand. Tout le monde connaît ces célébrissimes
merveilleux fonds de son œuvre dessiné, dont la plus grande partie
feuilles des Grands Cyprès de la villa d’Este, du Lit aux amours ou
est conservée à Besançon, fait aujourd’hui sa réputation dans le cercle
du P o rtrait de jeune fille avec bonnet, si longtemps considéré comme
des spécialistes, la renommée du praticien s’est presque toujours effacée
celui de l’émouvante Rosalie Fragonard.
devant la célébrité de ce qu’il avait rassemblé, plus que collectionné :
ces peintures et ces dessins par centaines, remarquable réunion de ce
Mais, depuis 1 8 19, et je m’en étonne moi-même, aucun hommage ne
que les talents de son temps avaient produit de plus beau dans une
lui avait plus particulièrement été rendu par cette ville qui devait tant
sorte d’album idéal des Lumières où brillent, parmi tant d’autres, les
à ses libéralités. La réputation que cette collection largement présentée
noms d’Hubert Robert, de François Boucher ou du divin « Frago ».
a acquise au travers de quelques chefs-d’œuvre donnait aussi, sans
doute, jusqu’alors, le sentiment rassurant du geste accompli. Ainsi, une
Un album des Lumières ouvert, voilà longtemps, par ce jeune homme
fois encore, Pierre-Adrien le modeste continuait-il de s’effacer derrière
sérieux, tout à l’enthousiaste découverte de l’Italie des ruines, des antiques
la renommée d’une œuvre réunie sa vie durant – qui était celle des
et des cyprès ; patiemment enrichi au cours des ans, composé entre
autres, et rejetait la sienne dans la pénombre d’un regrettable oubli.
admiration et amitiés ; légué enfin, tout entier, à la ville natale où il revenait
pour mourir ; avec un gros lot de livres passionnants et d’objets rares.
L’exposition qui s’ouvre ici et que j’ai le plaisir de vous annoncer est, tout
à la fois, le témoignage de la reconnaissance, de l’admiration et de
Du modeste logement de la rue Neuve où meurt Pierre-Adrien Pâris le
l’affection d’une cité et de ses habitants pour un très grand artiste et pour
1er août 1819 aux réserves de la bibliothèque municipale, les portefeuilles
l’un de ses plus louables donateurs. Pierre-Adrien Pâris, enfin célébré par
remplis de chefs-d’œuvre ont depuis, pour certains, fait le tour du monde ;
les siens, avec tout ce qu’il avait réuni et aimé, lui le solitaire ; mais aussi
les accompagnent parfois les chinoiseries de Boucher, le portrait de Bergeret
avec tout ce qu’il avait dessiné, bâti, jusqu’au familier de ce bureau
par Vincent ou le charmant Paul de Stroganov de Greuze. Des chercheurs,
derrière lequel il s’était si souvent assis et qui, bien sûr, était de sa main.
venus de partout, ne cessent de feuilleter avec émotion les grands cartons
d’études. Privilège rare, presque unique, que celui que vous offre, à cet
Pâris révélé ; au plus grand nombre cette fois. L’œuvre et l’homme le
instant, la contemplation studieuse d’un cabinet d’artiste parvenu jusqu’à
méritent tant, qu’au-delà d’un bonheur, c’est un honneur qui m’éch o i t
nous intact, préservé de toute dispersion et où peut se lire toute l’histoire
de vous les présenter et de vous dire combien ils sont dignes d’attention.
de la constitution d’une incomparable collection formée pour éduquer et
réunir les talents d’un temps – ainsi que l’avait voulu le maître.
Le Maire, Jean-Louis FOUSSERET,
Président du Grand Besançon
Jo s e p h -François Ducq. Po r t rait de Pierre-Adrien Pâris, 1812, huile sur toile, 100 x 80 cm. mb aab ( c at. 246)
—9
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Jean Barbault.
M a s c a rade des quatre parties du monde : projet destiné à servir de modèle
pour une cérémonie offerte par les élèves de l’Académie de France à Rome en l’honneur du marquis de Marigny,
10 —
Le cabinet
de Pierre-Adrien Pâris,
architecte, dessinateur
des Menus-Plaisirs —
1751, huile sur toile marouflée sur bois, 38 x 394 cm. mb aab ( c at. 150)
La vie de Pierre-Adrien Pâris, dans sa première moitié, est typique de
En 17 8 0, il est fait membre de l’Académie royale d’architecture. Il
Ce catalogue accompagnant l’exposition qui se tient au musée des
ces ascensions sociales de l’Ancien Régime, à la fois fruit des
cumule ensuite la charge d’architecte des Économats pour lesquels il
Beaux-Arts a le dessein de replacer l’œuvre de cet architecte dans son
contexte historique, pour en souligner à la fois la portée, l’audace et
circonstances, de la parentèle et des protections que l’on obtient des
participe à l’achèvement des travaux de réfection de la façade gothique
puissants. Né à Besançon en octobre 174 5, le jeune Pierre-Adrien Pâris
des tours de la cathédrale d’Orléans. Grâce à la protection de l’intendant
aussi les limites. Pâris a construit de nombreux édifices mais peu
a cinq ans lorsqu’il quitte sa ville natale pour Porrentruy où son père
Feydeau de Brou, il édifie l’hôpital de Bourg-en-Bresse et la prison de
d’entre eux ont survécu. La destruction du château de Co l m o u l i n s ,
exerce une activité de géomètre au service du prince-évêque de Bâle.
Chalon-sur-Saône. Il est aussi l’architecte de l’hôtel de ville de Neuchâtel.
l’un de ses chefs-d’œuvre, explique en partie cet oubli injuste. Seuls
En 17 6 0, alors jeune homme, il part à Paris chez des cousins, la famille
Ajoutons à cela un nombre considérable de commandes privées, hôtels
subsistent aujourd’hui l’hôtel de ville de Ne u châtel dont il a désavoué
La ville de Besançon abrite au sein de son musée des Beaux-Arts et
de l’entrepreneur Lefaivre. Très rapidement il devient le familier d’un
particuliers parisiens ou demeures de plaisance en province, comme l’hôtel
d’ailleurs la réalisation, la prison de Ch a l o n - s u r -Saône, l’hôpital de
de sa bibliothèque municipale la collection complète des œuvres d’art
architecte en vue, Louis-François Trouard, auquel il devra le lancement
rue de Courcelles du directeur des Postes Arboulin de Richebourg ou le
Bourg-en-Bresse et les hôtels Tassin à Orléans. C’est bien évidemment
et de l’esprit de l’architecte Pierre-Adrien Pâris. Elle forme, pour les
de sa carrière. Il étudie l’architecture à l’Académie et concourt à trois
château de Colmoulins à Montivilliers pour l’armateur havrais Foache.
peu pour apprécier l’œuvre d’un architecte. Pour résumer d’un trait
deux institutions, le noyau de leurs collections du xviiie siècle français
reprises pour le Grand Prix en 17 6 7, 17 68 , 17 6 9. Malgré son échec, il
avec des œuvres prestigieuses. Cet ensemble n’a jamais fait l’objet, si
obtient, par la protection du marquis de Marigny, une pension royale
La Révolution met un terme à cette brillante carrière et lui fait perdre
constructions d’un vocabulaire ornemental emprunté au classicisme
ses qualités de bâtisseur, on pourrait avancer que Pâris use dans ses
on met à part l’exposition réalisée par les soins de Marie-Lucie Cornillot
qui lui permet de gagner Rome en 17 7 1 et d’intégrer l’année suivante
l’ensemble de ses charges et sa clientèle privée. Après avoir conçu la
de son époque, mais il s’agit d’un classicisme mesuré, équilibré, sans
en 19 5 7 à Paris au musée des Arts décoratifs, d’une rétrospective
l’Académie de France comme pensionnaire.
salle des États-Généraux, il quitte Paris en 17 9 2 pour la Franche-Comté,
raideur excessive, aux proportions toujours élégantes.
complète et ambitieuse. De ce fait, seuls les historiens d’art en
Une fois dans la ville éternelle, Pâris se mêle rapidement à la brillante
puis pour la Normandie dans l’entourage de ses amis armateurs havrais
Peut-être est-ce dans ses décors intérieurs et plus encore dans ses
connaissent l’existence. Elle reste méconnue du grand public,
société artistique qui gravite autour du palais Mancini, développant
auprès desquels il passera la plus grande partie de son temps, ayant cessé
décors de théâtre que Pierre-Adrien Pâris a exprimé le meilleur de son
particulièrement du public bisontin pour l’édification duquel Pâris a
des liens d’amitié aussi bien avec Natoire, le directeur, qu’avec ses
toute activité d’architecte et ayant décliné plusieurs propositions insistantes
talent. Pâris, qui fut un des principaux promoteurs du goût arabesque,
fait spécialement ce legs.
camarades pensionnaires comme Berthélemy, Suvée, Hoüel ou Vincent.
d’intégration de la toute nouvelle Académie impériale d’architecture.
a dessiné de précieux et raffinés décors dont les lavis minutieusement
l’ombre et dans l’ignorance du plus grand nombre une collection de
De retour en France en 1774, il devient le protégé du duc d’Aumont pour
En 1 8 0 6, il retourne en Italie et accepte sur place l’intérim de la direction
premier plan, intacte, fruit à la fois des hasards de l’existence de son
lequel il exécute les décors intérieurs de son nouvel hôtel place Louis-XV
de l’Académie de France. Il est chargé à peu près à la même époque par
Nous n’aurions pu mener à son terme cette exposition et ce catalogue
propriétaire, témoignage du goût d’un homme et reflet d’une époque.
(actuel hôtel Crillon). Ce dernier lui fait obtenir en 17 7 8 la place de
Pierre Daru d’organiser le transfert à Paris de la collection Borghèse.
sans bénéficier des conseils avisés et érudits de Pierre Pinon, historien
Il apparaissait urgent de remédier à une situation qui laissait dans
aquarellés sont autant d’émouvants témoignages.
Cette exposition a donc pour objet à la fois d’en révéler les pièces les
dessinateur de la Chambre et du Cabinet du roi, autrement dit des Menus-
Il prolonge ensuite son séjour et participe aux fouilles du Colisée. En 1 8 17,
de l’architecture, auteur d’une thèse sur Pierre-Adrien Pâris, et de
plus marquantes, mais aussi de porter notre regard sur une pratique
Plaisirs, département de la Maison du roi chargé des cérémonies, ainsi que
il retourne à Besançon auprès de sa nièce. Il s’y éteint en août 1819 après
M a r c -Henri Jordan, spécialiste du décor intérieur de la seconde
anthropologique socialement et historiquement déterminée, préexistante
des fêtes et spectacles de la Couronne donnés à Versailles, Fontainebleau
avoir légué à la bibliothèque de sa ville natale la totalité de ses collections.
moitié du x v iii e siècle français, qui prépare une thèse sur les décors
à la création des musées et bien souvent à l’origine de ces derniers :
ou Marly. Dès 1784, il sera aussi le dessinateur des décors de l’Opéra de
la collection privée.
Paris. Il va connaître auprès du nouveau couple royal une faveur croissa n t e
Aujourd’hui, ces dernières sont donc partagées entre le musée des
plus sincère reconnaissa n c e .
de scène de l’architecte. Qu’ils trouvent ici l’expression de notre
qui l’amènera à prendre en charge l’organisation des fêtes de la Co u r
Beaux-Arts et la bibliothèque municipale. Elles comprennent environ
données à Versailles ou à Marly. Marie-Antoinette aime ses décors de
800 livres, 2 400 dessins et gravures de maîtres (comme Fragonard, Boucher,
théâtre et recourt régulièrement à ses services. Il fréquente alors ses amis
Durameau, Robert, Vincent, La Traverse), 1 500 dessins de sa main,
Hubert Robert, dessinateur des jardins royaux, et Durameau, garde de
des objets d’arts, 35 peintures (dont les fameuses chinoiseries de Boucher
Emmanuel GUIGON
la Galerie de peintures du roi. Il devient un intime de l’abbé de Raynal.
achetées à la vente Bergeret de Grancourt en 17 8 6), un cabinet d’antiquités.
Henry FERREIRA-LOPES
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Son importante bibliothèque{7} atteste, indépendamment de la présence
d’ouvrages d’architecture et d’archéologie, la diversité de ses préoccupations,
comme sa collection qui, outre des œuvres d’art modernes, comprend des
antiquités, jusqu’à des fossiles et des échantillons de minéraux ou de
Hortense Haudebourt-Lescot.
Po r t rait de Pierre-Adrien Pâris,
1809, huile sur toile, 70 x 59 cm. mb aab ( c at. 249)
Pierre Pinon —
matériaux. Son savoir est encyclopédique.
Sa renommée doit beaucoup à son talent de dessinateur. Projets,
décors, architectures antiques ou modernes, paysages, objets… Pâris
12 —
a beaucoup dessiné. Son œuvre aux Menus-Plaisirs ou à l’Opéra étant
la vie de
Pierre-Adrien Pâris est,PilIfaut
r, un architecte un
E Rl’av
R Eou-eADRIEN
peu oublié. Il ne compte pas aujourd’hui dans le panthéon
des grands de la fin de l’Ancien Régime, à côté des Soufflot,
L e d o u x , B o u l l é e, De Wa i l l y, B r o n g n i a r t , B é l a n g e r,
Chalgrin ou même Victor Louis. S’il n’a pas été totalement
oublié, c’est sans doute grâce à sa collection riche d’œuvres
de Fragonard ou d’Hubert Robert. Jusqu’à une date récente
n’avait été étudiée systématiquement que son œuvre à la
C o u r. Po u r t a n t , l’œuvre de Pâris ne se résume pas à
ceux d’un décorateur et d’un collectionneur ; il a aussi
été architecte à part entière, construisant des édifices
publics et privés, assumant les tâches ordinaires d’un professionnel du bâtiment (entretien, réparations, aménagements).
D’une certaine manière, sa collection et ses qualités de
dessinateur ont, pour la postérité, caché l’architecte.
PÂRIS
éphémère, et beaucoup de ses constructions architecturales ayant
disparu, il ne reste souvent que des dessins. Fort heureusement, ils sont
nombreux à être conservés{8} et sont de grande qualité (fermeté et légèreté
du trait, raffinement du rendu au lavis ou à l’aquarelle). Ses dessins sont
P i e r r e - Adrien Pâris est, il faut l’avouer, un architecte un peu oublié.
comme une compensation de la fragilité de ses constructions.
Il ne compte pas aujourd’hui dans le panthéon des grands de la fin
Mais, surtout, son œuvre serait moins bien connue – pour qui prend
de l’Ancien Régime, à côté des Soufflot, Ledoux, Boullée, De Wailly,
la peine de s’y plonger – si Pâris n’avait pris le soin, quelquefois
Brongniart, Bélanger, Chalgrin ou même Victor Louis. S’il n’a pas
maniaque, de conserver ses papiers (correspondance, journaux de
été totalement oublié, c’est sans doute grâce à sa collection rich e
voyage et de son premier séjour à Rome, notes professionnelles,
d’œuvres de Fragonard ou d’Hubert Ro b e r t {1}. Jusqu’à une date récente
comptes, manuscrits de ses écrits) et ses dessins, intégralement légués
n’avait été étudiée systématiquement que son œuvre à la Co u r {2}.
à la bibliothèque de Besançon (le Fonds Pâris). Certes, des arch i v e s
Pourtant, l’œuvre de Pâris ne se résume pas à ceux d’un décorateur et
– celles des administrations royales et impériales (aux Arch i v e s
d’un collectionneur ; il a aussi été architecte à part entière, construisant
nationales), celles des villes dans lesquelles il a construit (Bourg-en-
des édifices publics et privés, assumant les tâches ordinaires d’un
Bresse, Ch a l o n - s u r -Saône, Ne u châtel) ou vécu (Archives du Vatican
professionnel du bâtiment (entretien, réparations, aménagements).
et de l’Académie de France à Rome) – apportent des informations
D’une certaine manière, sa collection et ses qualités de dessinateur ont,
complémentaires, mais le seul Fonds Pâris suffirait presque à reconstituer
pour la postérité, caché l’arch i t e c t e .
sa vie et son œuvre. L’essentiel de ses dessins est à Besançon, Pâris n’en
De son temps, sa réputation s’était assise sur son double talent de
ayant jamais fait commerce{9}. Tout au plus en a-t-il donné à des amis.
dessinateur et de constructeur, dont témoignent charges et honneurs :
Ce fonds est exceptionnel ; les papiers des architectes sont rarement
pensionnaire du roi à Rome, dessinateur de la Chambre et du Cabinet
conservés intégralement, ne serait-ce qu’à cause des ventes qui les
du roi, architecte des Menus-Plaisirs, membre de l’Académie royale
ont dispersés {10}.
d’architecture, architecte de l’Académie royale de musique, arch i t e c t e
La possibilité d’étudier Pâris est donc tout aussi exceptionnelle. Et
des Économats. Il a même été anobli par Louis XVI – il est vrai à un
l’importance de ce fonds a peut-être même, paradoxalement, rebuté
moment qui s’est révélé ne pas être le meilleur : début juillet 17 8 9.
les ch e r cheurs qui, jusqu’à une date récente, se sont limités à tel ou
Si l’œuvre architecturale de Pâris reste certes relativement modeste face
tel aspect. Pourtant, la richesse et la diversité de ce fonds permettent
à celle de certains de ses contemporains, celle de dessinateur des
d’articuler l’œuvre dans tous ses aspects (artistiques, tech n i q u e s ,
« décorations » (c’est-à-dire les décors des fêtes et les décors de scène),
professionnels – rapports à la commande, avec les clients), sa vie
sans parler de celle de jardinier-paysagiste {3}, est fondamentale. Mais
publique et privée {1 1 }, ses relations sociales, etc{12}.
bien d’autres particularités font l’intérêt de l’œuvre et de la vie de Pâris.
Dernier fait marquant de la vie de Pâris, non moins important : il a
Pâris a aussi été archéologue, non pas comme « antiquaire » érudit, mais
vécu trois vies successives très différentes. Une première vie, d’architecte
comme grand connaisseur de l’architecture antique{4}. Il a consacré plusieurs
très actif et brillant, qui s’arrête à la fin de l’année 17 9 2, quand il
manuscrits aux monuments antiques de Rome, largement illustrés,
abandonne quasiment sa profession ; une deuxième vie de retraite à
malheureusement restés inédits. Il peut être considéré comme un
la campagne, qui dure presque quatorze ans ; enfin, une troisième vie,
intellectuel, par son rôle à l’Académie d’architecture, par ses fréquentations
inattendue à Rome, densément occupée de rech e r ches arch é o l o g i q u e s
dont celle de l’abbé Raynal{5}, par son intérêt pour la littérature, l’histoire,
et de tâches administratives, qui prend fin en 1 8 17.
la géographie, les voyages, les sciences naturelles – notamment l’agronomie
Né à Besançon en 174 5, décédé dans la même ville en 1 8 19, il n’y aura
à laquelle il a consacré plusieurs traductions de l’anglais{6}.
pratiquement jamais vécu. C’est un autre paradoxe.
— 13
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La formation
et la carrière d’un architecte
de cour
{13}
Joseph Benoît Suvée.
Po r t rait de Louis-Alexandre Tr o u a rd,
17 73 - 17 74, huile sur toile, 62 x 45 cm. mb aab ( c at. 161)
14 —
— 15
Ce dernier sera pour lui comme un second père, lui procurant certaines
de ses premières commandes, faisant sa carrière, lui ouvrant la
fréquentation du milieu intellectuel (l’abbé Raynal notamment).
Le séjour à Rome (17 7 1 - 17 74) est un grand tournant dans la vie de
Pâris : il lui fait découvrir l’Italie et lui ouvre une carrière officielle
presque certaine{17}. Pour un architecte de cette époque, la connaissance
de l’architecture antique est indispensable, et l’approche directe des
monuments encore plus précieuse {18}. Chez Pâris, cela déclench e r a
d’abord un vif intérêt, au-delà du simple nécessaire, puis à la fin
de sa vie une véritable passion arch é o l o g i q u e { 1 9 }. À l’Académie de
France, il se lie aux « pensionnaires » peintres (Jean-Simon Berthélemy,
Je a n -Baptiste Houël, François-Guillaume Ménageot et François-André
Vincent) et, en ville, à d’autres artistes comme Piranèse {20} , qui lui
demandera d’apprendre à dessiner à son fils Francesco. Il faut savoir
que Pâris, bien que resté célibataire, faisait mieux que supporter les
enfants. Il avait accepté, en 17 7 1, d’emmener avec lui Louis-Alexandre
Trouard, fils de son protecteur, âgé de seulement 1 2 ans, ce qui avait
Fils de l’architecte Pierre-François Pâris {14}, intendant des Bâtiments
beaucoup étonné. Il s’en occupera comme feraient un père et une mère
du prince-évêque de Bâle{15}, il passe sa jeunesse à Po r r e n t r u y, où son
à la fois. Dans son journal tenu à Rome {21}, il ira jusqu’à écrire : « Ce t
père lui inculque les rudiments du dessin. À l’âge de 15 ans, il est envoyé
enfant est toujours ch a r m a n t ; qu’il serait agréable d’en avoir comme
à Paris chez son cousin Je a n -Baptiste Lefaivre, « entrepreneur de
cela sans être obligé de se marier. » À Rome, il fréquente la haute
bâtiments », auprès de qui il se forme aux chantiers. Parallèlement, il
société, le bailli de Breteuil, ambassadeur de Malte, ou le cardinal de
rattrape l’absence d’études par la lecture. Grâce à l’appui de l’arch i t e c t e
Bernis, ambassadeur de France. Il mène de joyeuses excursions dans
L o u i s -François Trouard (17 2 9 - 1 8 0 6), une relation de son cousin, il
les collines romaines avec ses compagnons artistes. Il dessine pour
devient élève, en 17 6 4 , de l’Académie royale d’architecture où il suit
De Wailly, de passage à Rome, mais surtout il relève la plupart des
les cours de Je a n - François Blondel. Par le même parrainage, il est
monuments antiques de la ville et des environs, ainsi que certains
17 7 1 - 17 74, sang uine,
recommandé au marquis de Marigny, intendant général des Bâtiments
monuments de la Re n a i s sance (palais, églises, villas). Il va jusqu’à
44,5 x 32,8 cm.
du roi, qui lui accorde, en 17 7 1, une chambre au palais Mancini {16},
effectuer des fouilles dans le cirque de Maxence sur la via Appia. Il
bmb ( c at. 1)
siège de l’Académie de France à Rome, bien qu’il n’ait jamais remporté
dessine beaucoup, notamment dans les villas des environs de Ro m e ,
le Grand Prix d’architecture. Parallèlement, Pâris travaille sur les projets
sur les traces de Fragonard et de Robert. Avant de quitter l’Italie,
et les chantiers de Trouard, chez qui il loge à partir de 17 6 9.
il visite la Campanie durant l’été 17 74 { 2 2 }, pousse jusqu’à Paestum.
P i e r re - Adrien Pâris.
Vue de la Ville Negroni
à Rome,
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François-André Vincent.
Po r t rait de Pierre-Jacques Onésyme Bergeret de Grancourt,
17 74, huile sur toile, 61,5 x 47,5 cm. mb aab ( c at. 165)
16 —
— 17
De retour à Paris en novembre 17 74, il travaille pour son cousin
Lefaivre, dessinant un immeuble et un hôtel particulier, rue du
Faubourg-Saint-Honoré{23} , puis un autre, en 17 8 0, rue de La Boétie
(alors d’Angoulême), futur hôtel Boulogne de Magnanville. Trouard
lui confie, en 17 7 5, l’aménagement intérieur de l’hôtel du duc
d ’Aumont, place Louis-XV. Il s’agit de clients appartenant à son
entourage proche. D’autres commandes viennent de Pierre-Jacques
Onésyme Bergeret de Grancourt, que Pâris avait guidé à Ro m e{24} : dans
ses propriétés parisiennes – celles de Nointel (ouvrages au château et
dans les jardins, jusqu’en 17 8 3), de Nègrepelisse (ouvrages dans le
château, dans le Tarn-et-Garonne) –, puis dans celles de son fils (tour
néogothique et probablement rotondes de la Chartreuse, dans la
folie Beaujon à Paris, en 17 8 6 - 17 8 7). C’est encore par ses relations liées
à son séjour en Italie qu’il intervient dans le château de La Bretèch e
(aménagements intérieurs et jardins, 17 8 0 - 17 8 5), propriété du frère de
l’abbé de Saint-No n .
Hubert Robert.
Le Grand Jet d’eau de la villa Conti à Frascati,
v ers 1761, huile sur toile, 62,5 x 47 cm. mb aab ( c at. 159)
Par l’entremise de Trouard et de Raynal (ils sont amis), il construit
le château de Colmoulins (près du Havre, entre 17 8 2 - 17 8 6) pour
Stanislas Fo a che, armateur, et la maison La Rivière à Cayenne. Pâris
interviendra pour bien d’autres clients, pour lesquels il n’est pas
toujours facile de comprendre comment il les a connus : pour le
comte de Broglie (grand cabinet dans l’hôtel de Revel, rue SaintDominique), pour R.-A.-M. d’Armenonville (pavillon à L’ I s l e - Ad a m ) ,
pour A. de Montendre (château à Ro m i l l y - s u r -Seine), pour la duch e s s e
de Bourbon (aménagement dans l’hôtel de l’Élysée et jardin à l’anglaise,
futur hameau de Ch a n t i l l y, 17 8 7 - 1788).
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18 —
— 19
P i e r re - Adrien Pâris.
P i e r re - Adrien Pâris.
L o u i s -François Tro u a rd.
Château de Colmoulins, façade sur jardin,
Premier projet pour les bains de Bourbonne, plan du rez-de-chaussée, vers 1782-1783,
Façade de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, élévation du modèle
dessin vers 17 9 3 - 1796, d’apres un projet de 17 8 2 - 1786, aqua r elle, 25,2 x 39,7 cm. bmb ( c at. 37 c)
encre noire et aquarelle, 56,1 x 38 cm. bmb, fonds paris, vol. 484, nº 25-26 (superposés)
de J.-A. Gabriel (de 1740), 1767, lav is d’encre noire, 16 x 80 cm. b mb ( c at. 110 a)
Il y a manifestement des filières qui se sont établies. Raynal l’introduit
L’arrivée de Feydeau à la Généralité de Dijon, en 17 8 0, va entraîner
À Chalon, il s’agit de reconstruire l’édifice situé dans le Ch â t e l e t ,
Pâris a pris la peine de garder le dessin du projet réalisé mais, comme
à Ne u châtel où il construira l’hôtel de ville, à la place de Ledoux, grâce
celle de Pâris en Bourgogne. La première intervention de notre
pour lequel un projet avait déjà été demandé à François Rameaux,
pour compenser cette mésaventure, a dessiné « pour sa satisfaction »,
aux intrigues de l’abbé {25}. Raynal lui fait connaître Victor Malouet qui
a r chitecte va concerner le siège de l’intendance qui est à la charge de
architecte local. Pâris dessine, en 17 8 1, un projet modeste mais original,
après 17 8 5, un troisième projet (avec deux variantes) encore plus
lui commandera des ouvrages pour Toulon. Il le charge de concevoir
la Ville, elle-même incapable de financer les réparations à apporter au
qui a la caractéristique, comme à Dijon, de situer les cachots à l’étage.
somptueux que le premier
le monument consacré à la liberté de la Suisse, dédié à Guillaume Tell,
logis abbatial de Sainte-Bénigne. Les États de Bourgogne doivent être
Il sera réalisé (17 8 2 - 17 8 6) par Firmin Chevreux, arch i t e c t e - v o y e r, selon
Parallèlement, Pâris a aussi beaucoup travaillé pour Feydeau de
dans l’île d’Alstadt (lac des Quatre-Cantons, 17 8 1 - 17 8 3) {26}.
sollicités, et les trois parties ont des intérêts différents. Est également
son devis, mais selon les plans de Pâris. La principale œuvre de Pâris
Brou lui-même. Dès 17 7 7, Pâris réaménage le château de Brou (près
Mais le personnage à qui Pâris doit l’essentiel de ses commandes
envisagée l’appropriation des hôtels de Ragny ou de Lantenay, comme
en Bourgogne, et même en France, est l’hôpital de Bourg-en-Bresse,
de Chelles), et reconstruit probablement la façade sur le jardin
publiques est Charles-Henry Feydeau de Brou qui débute sa propre
celle des Jacobines ou de Saint-Étienne. Pâris effectue des expertises,
situé à Brou {29}. Les recteurs de l’hôtel-dieu souhaitent construire un
(travaux jusqu’en 17 8 7). À Paris, il intervient dans une maison
rédige des devis, dessine des projets. Finalement, les élus ach è t e n t
nouvel établissement dans un autre lieu mieux aéré. Cette fois, c’est
de la rue Plumet (17 8 5 - 17 8 8), dans un hôtel rue de l’Université
carrière comme intendant de la Généralité de Bourges en 17 7 6
{27}
. Pâris
( c at. 48) .
l’a probablement connu par Antoine-Mathieu Le Carpentier, son parrain
l’hôtel de Lantenay et choisissent Ch a r l e s -Joseph Le Jolivet, architecte
Pâris qui sollicite Fe y d e a u ; celui-ci accepte. Pâris va proposer, en 17 8 1,
(17 8 7 - 17 8 8), dans l’hôtel Feydeau de Marville rue de Verneuil (17 8 8) ,
officiel quand il était élève à l’Académie, et qui était l’architecte des
des États pour les aménagements à apporter, contre l’avis de Feydeau.
un projet original et ambitieux, qui sera réalisé par l’architecte local
à Bellevue (17 9 1) .
Feydeau. Le jeune architecte et l’encore plus jeune intendant (il a 22 ans
Les plans préparés par Pâris furent plus ou moins suivis. En 17 8 2 - 17 8 3,
Ch a u v e r è che, qui selon Pâris en dénaturera le dessin. En outre, il
La charge de Pâris comme architecte des Économats {30} lui est revenue
{28}
) vont entamer en 17 7 7 au plus tard une
quand le projet de Le Jolivet pour la porte de Condé (à Dijon) est
éprouvera la plus grande difficulté à percevoir ses honoraires. L’ouvrage
en 17 8 7, lorsque Feydeau en est devenu le receveur général. Trouard
longue collaboration et une tout aussi longue amitié, attestée jusqu’en
critiqué, Feydeau se fait un plaisir de demander un contre-projet à Pâris.
sera livré en 17 9 0.
avait occupé ce poste d’architecte de 17 6 5 à 17 74 , et avait travaillé sur
17 9 1. La première commande est celle de l’appropriation du couvent des
Dès 17 8 0 - 17 8 1, Feydeau avait demandé à Pâris de corriger le projet de
C’est par les liens familiaux de Feydeau que Pâris a construit les bains
l’achèvement de la cathédrale Sainte- Croix d’Orléans commencé par
Minimes de Bourges en dépôt de mendicité.
Pierre-Joseph Antoine, sous-ingénieur de la Province, pour les nouvelles
de Bourbonne-les-Bains pour Albert-Paul de Mesmes, comte d’Avaux
Jacques V. Gabriel {31}. C’est ce chantier que Pâris va reprendre, et qui
prisons de Dijon (la Conciergerie). Les ouvrages seront réalisés selon
(époux de la tante de Feydeau). Notre architecte a dessiné plusieurs
l’occupera largement jusqu’en 17 9 2 {32}. Il concevra le troisième étage
quand il est nommé en Berry
les dessins de Pâris et le devis d’Antoine.
projets, un premier vers 17 8 2 - 17 8 3, un second plus modeste, dont
des deux tours dans une manière néogothique inspirée du gothique
Feydeau a imposé Pâris dans deux autres projets bourguignons :
la réalisation a été en outre « d é n a t u r é e », à cause, semble-t-il, de
flamboyant de Normandie, projet qui sera partiellement réalisé
les prisons royales de Ch a l o n - s u r -Saône et l’hôpital de Brou.
l’intervention de P.-J.-B. de Varaigne, sous-ingénieur de Champagne.
(5 0 0 0 0 0 livres dépensées en 17 8 8 - 17 8 9).
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P i e r re - Adrien Pâris.
Plan des deux hôtels particuliers construits
pour les frères Tassin à Orléans. Élévation et coupe,
1791, aqua r elle, 37, 5 x 22,5 cm. b mb ( c at. 40)
F r a n ç o i s - Nicolas De l a i s t re.
Pâris, en tant qu’architecte des Me n u s -Plaisirs, a été invité par Louis XV I ,
Modèles pour les huit anges qui couronnent les tours
en 17 8 5 sans doute, à participer à une sorte de consultation pour la
de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans ;
« reconstruction de la partie ancienne du Château de Versailles », en
esquisses pour le projet de Pâris,
concurrence avec d’autres architectes (Boullée, De Wailly, Marie-Jo s e p h
v ers 17 8 7 - 1789, terre cuite, h. 22 cm. mb aab ( c at. 170 a-h)
Peyre…). Il a dessiné une sorte de doublement de la façade, au détriment
de la cour de Marbre, par de nouveaux appartements pour le roi et la
reine{41}. La nouvelle façade est traitée par un grand portique qui n’est
20 — Dans le domaine de l’architecture privée, il reste encore à parler de
Au décès de Michel-Ange Challe (en 17 7 8), premier dessinateur du
pas sans rappeler la colonnade du Louvre. Il ne s’agit pas là de la seule
ses plus importants hôtels. Le premier pour l’un de ses amis, Je a n -
Cabinet du roi, il sollicite la succession et obtient l’appui du duc
relation avec le projet de Claude Perrault : c’est un véritable retournement
Baptiste Antoine Hubert d’Arboulin de Richebourg, administrateur
d ’Aumont, un des quatre Premiers Gentilshommes du roi. Après
du château vers la ville qui est opéré. Ce caractère est accentué dans
général des Postes, rue de Courcelles, réalisé entre 17 8 7 et 17 9 0. Ce t
d’âpres luttes, il emporte la charge, qui consiste à « faire tous les
un projet dessiné vers 1 8 0 5, pour le seul plaisir de Pâris, dans lequel
hôtel est accompagné d’un important jardin à l’anglaise comprenant
projets et desseins nécessaires pour les fêtes, spectacles, catafalques » {36}.
le château est précédé, toujours côté ville, d’une place dessinée par
« une vacherie, une laiterie, un jardin fleuriste et une orangerie. Un
Pâris s’y emploiera jusqu’en 17 8 9, réalisant notamment les grandes
deux grands hémicycles formés de casernes, manifestement inspirés
jardin potager , une basse cour, poulailler, pigeonnier, volière,
salles de bal des hivers 17 8 5 - 17 8 6 et 17 8 6 - 17 8 7 {37}. Sa tâche comportant
de la place Saint-Pierre du Bernin, à Ro m e .
glacière, &c, lui donnoient tous les agrémens d’une campagne, tandis
la conception des décors pour les opéras, les pièces de théâtre et les
qu’un moulin à vent d’une décoration pittoresque fournissoit l’eau à
ballets à Ve r sailles (Grand Théâtre, petit théâtre de la Cour des
la rivière du jardin et à tous les bâtimens de cette demeure que malgré
Princes et théâtre de l’Aile neuve), à Fontainebleau et à Marly, c’est
bien des contraintes j’avois soigné comme celle de l’Amitié », écrit
naturellement qu’il est nommé, en 17 8 5, architecte de l’Ac a d é m i e
Pâris {33}. La partie la plus remarquable de l’hôtel réside dans la salle
royale de musique {38}, c’est-à-dire concepteur des décors de l’Opéra de
de l’aile droite, que nous interprétons comme une salle à manger
Paris (alors à la porte Saint-Martin) {39}.
d’été. Il s’agit d’une salle formée d’un rectangle flanqué, sur ses grands
côtés, de deux absides semi-elliptiques séparées de l’espace central
par quatre colonnes ioniques. Cet espace et une des absides sont
éclairés zénithalement. Cette salle est richement décorée de statues et
de peintures murales et constitue un de ses chefs-d’œuvre par son
raffinement.
Le second, en fait deux hôtels, a été réalisé pour les frères Pierre et
Guillaume Tassin, à Orléans (17 9 1 - 17 9 2). « Comme les deux frères
étoient en société de commerce et tendrement unis, que ces maisons
se bâtissant à frais commun devoient être tirées au sort lorsqu’elles
Entre Versailles, Fontainebleau et Paris, notre architecte a dessiné une
seroient terminées, ils désirèrent qu’elles fussent semblables le plus
soixantaine de décors{40} pour des œuvres de Grétry, Piccinni, Sacch i n i ,
possible, autant pour égaliser la dépense que pour éloigner toute idée
Salieri, Gluck, Gossec et Méhul, dont beaucoup de créations. Il a
de préférence. Le jardin devoit rester commun aux deux maisons ;
travaillé avec les librettistes – qui faisaient office de metteur en
et les cabinets d e travail ou comptoirs des deux frères se touch e r, en
scène –, notamment avec Je a n -François Marmontel. Pour ce répertoire
sorte qu’ils puissent se communiquer immédiatement et travailler à
très diversifié, Pâris a dû dessiner des scènes réparties dans le temps
volonté l’un chés l’autre », explique Pâris {34}. La forme irrégulière du
et dans l’espace : décors antiques, médiévaux, incas, arabes, persans,
terrain a offert à Pâris l’occasion d’une composition complexe, d’une
chinois. Il a ainsi mis à profit sa vaste culture.
extraordinaire habileté.
Mais l’essentiel de l’œuvre de Pâris, celle du moins qui est la
P i e r re - Adrien Pâris.
Plan de l’hôtel particulier et du jardin construit
mieux connue et qui a fait sa renommée, c’est son travail aux
pour Arboulin de Richebourg à Paris, rue de Courcelles,
Me n u s -P l a i s i r s { 3 5 }.
17 8 8 - 1790, encre noire et aqua r elle, 57,5 x 47,5 cm. bmb ( c at. 38 a)
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet pour la reconstruction du château de Versailles, plan général,
v ers 1805, encre noire, lav is rouge, rose, vert et gr is, 37 x 23,2 cm.
bmb, fonds pa r is, vol. 484, nº 100
— 21
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En décembre 17 8 0, il avait été élu à l’Académie royale d’arch i t e c t u r e ,
au siège de Boullée, promu en première classe. Il s’y montra très assidu
et participa notamment à toutes les commissions chargées de traiter
des sujets ayant rapport avec l’Antiquité.
L’attitude de Pâris vis-à-vis de la Révolution est complexe. Il fait partie
de ces intellectuels et de ces artistes qui ont adhéré à l’évolution vers
une monarchie constitutionnelle {45}, à l’instar de son ami Raynal. Il
n’est pas croyant et n’aime pas les religieux. Il n’est pas franc-maçon,
mais beaucoup de ses amis et de ses clients le sont. Il semble cependant
22 —
avoir mal accepté l’arrestation et l’emprisonnement du roi en août 17 9 2.
Il ne fut pas le seul, mais en tira une conséquence rare chez un artiste :
celle de ne plus construire {46} et de ne plus jamais vivre à Paris, de se
La retraite
en Fr a n ch e - C o m t é
et en Normandie
{53}
retirer de son monde en quelque sorte. Il partit en Franch e -Comté,
I s i d o re - Stanislas Helman. Ouverture des États-Généraux à Versailles, le 5 mai 1789.
1790, grav ure, eau - forte et bur in, d’après le dessin de ch a r les monnet, 35,7 x 46,1 cm. bmb ( c at. 93)
puis se réfugia en Normandie. Si encore il ne fut pas le seul à se faire
Pâris arrive en Franch e -Comté, fin décembre 17 9 2, et s’installe dans
oublier en province, chose extraordinaire, il persista même après la
sa propriété de Vauclusotte, acquise sans doute en 17 9 1. Il gère sa maison,
fin de la Te r r e u r. Cette attitude devant la Révolution est quasiment
son jardin et ses métairies, et quitte sa région natale en juin 17 9 3,
unique ; la grande majorité des artistes se sont adaptés aux changements
pour aller habiter chez les Fo a che dans leur château de Co l m o u l i n s .
de régime successifs, jusqu’à la Restauration comprise. Lors de la
Sans doute s’est-il senti menacé à Va u c l u s o t t e{54} ? D’ailleurs, alors
formation de la section Architecture à l’Institut de France en 17 9 5, il
qu’il a probablement été dénoncé par ses propres métayers comme
fut naturellement élu, mais refusa la place laissée par la montée de
émigré, le Directoire du district fera apposer des scellés sur sa maison
Boullée en première classe. Ses amis ne comprirent pas ; Boullée,
en novembre 17 9 3. Il devra revenir de Normandie à deux reprises au
Chalgrin, Gondoin, Raymond, Trouard, ou encore Percier qui avait
printemps 17 9 4 pour retrouver ses biens, qu’il revendra, sans doute
travaillé pour lui à l’Opéra insistèrent en vain auprès de lui. Léon
en 1 8 0 3.
Dufourny fut nommé à sa place en 17 9 6, puis à la place de Boullée
Pâris va vivre en Normandie, jusqu’en 1 8 0 6, d’abord à Co l m o u l i n s ,
qui avait été offerte de nouveau à Pâris, après son décès en 17 9 9 {47}.
puis chez un autre ami, Eustach e -François Grégoire de Rumare, dans
Comme il l’explique lui-même, dans un texte écrit en 1 8 0 5, « l a
un hameau voisin, à Escures. Pâris ne construisant plus{55}, de quoi
Pâris a quitté les Menus-Plaisirs en décembre 1792, par la suppression du
par Claude Perrault de la basilique romaine de Vitruve et à travers la
Révolution est venue détruire mes espérances, et faire un devoir à ma
vivra-t-il jusqu’en 1 8 19 ? Sans avoir acquis une fortune considérable,
service, et l’Académie de musique au même moment, mais volontairement.
chambre du Perroquet décorée par Charles-Louis Clérisseau dans le
délicatesse d’abandonner mon état » {48}. La raison la plus profonde est
il a tout de même engrangé beaucoup de revenus entre 17 74 et 17 9 2.
Cependant sa charge des Me n u s -Plaisirs a eu une hérédité paradoxale.
couvent de la Tr i n i t é - d e s -Monts à Ro m e {43}. La multiplicité des
sa fidélité à la personne du roi, qui l’avait honoré de son amitié. Dans
Ses diverses places (Me n u s -Plaisirs, Académie de musique, Économats)
C’est d’abord dans ce cadre qu’il réalisa les salles d’Assemblées des
références n’en fait pas moins un des chefs-d’œuvre de Pâris,
le même texte, il parle du « lien sacré de [ses] serments ».
lui ont rapporté 15 0 0 0 0 livres environ, il a perçu à peu près
Notables (dans l’hôtel des Me n u s -Plaisirs à Versailles) de 17 8 7 et 17 8 8, et
immortalisé par de nombreuses gravures contemporaines (la salle a été
C’est que Pâris était un homme de fidélité. Tout au long de sa vie, il
2 0 0 0 0 0 livres d’honoraires {56}. Il faut aussi savoir qu’il a été logé,
d’abord chez les Trouard, puis dans l’hôtel des Me n u s -Plaisirs rue
surtout un de ses chefs-d’œuvre, la salle des États-Généraux de mai
démontée après octobre 17 8 9, après avoir été transformée – disposition
a été reconnu pour son honnêteté, sa franchise, sa gentillesse. Ce qui
17 8 9 {42}. Entre janvier et avril 17 8 9, Pâris a dessiné et fait réaliser une
en amphithéâtre des gradins – fin juillet 17 8 9). Pâris, nommé architecte
ne l’a pas empêché de développer un grand esprit critique, vif durant
Bergère, c’est-à-dire toujours à peu de frais. Ses principales dépenses
énorme salle, pour 1 200 députés, en réutilisant et agrandissant la salle
de l’Assemblée nationale, aménagea le manège des Feuillants aux
sa jeunesse, plus serein durant sa vieillesse {49}. Ce qui ne l’a jamais
ont été l’achat de livres et d’œuvres d’art{57}. Pâris a donc investi sa
de l’Assemblée des Notables de 17 8 8, toujours sous le grand hangar des
Tuileries pour la dite Assemblée qui s’y réunit à partir de novembre
e m p ê ché d’être persuadé de son talent, quelquefois même avec une
petite fortune, d’abord en achetant des métairies (payées 1 0 0 0 0 0 livres,
peintres construit dans la cour de l’hôtel des Me n u s -Plaisirs de Versailles.
17 8 9. Bien que devenu architecte de l’Assemblée législative, puis de la
certaine morgue. À propos de son projet pour Ne u châtel, il fait
et qui lui ont rapporté 5 0 0 0 0 livres entre 17 9 1 et 1 8 0 3), puis en
Après plusieurs esquisses, a été retenue une salle à plan basilical (le trône
Convention, ce n’est pas lui qui réaménagea la salle des Machines des
savoir qu’il est « un architecte qui a étudié sur les chefs-d’œuvre des
prêtant, avec intérêts, 15 5 0 0 0 livres (fruit probable de la revente de
royal occupant l’abside), dont les colonnes étaient d’ordre dorique grec
Tuileries à partir de l’automne 17 9 2 : il a été mis en concurrence, et
Anciens »{50}. « Je connois les constructions les plus célèbres soit en
ses propriétés) à des amis de Normandie (Stanislas Fo a che, Guillaume-
sans base, couverte d’un plafond à voussures plates à caissons peints, percé
pour diverses raisons s’est retiré.
Italie soit en France »{51} , je suis « chargé d’un département important
Nicolas Grenier d’Ernemont, Je a n -François Bégouen). Ses prêts lui
zénithalement. Les références de Pâris sont de trois ordres : il y a celles
À la veille de la Révolution, Pâris est devenu un personnage important,
[les Me n u s -Plaisirs] dans un pays où les arts fleurissent plus que
ont rapporté environ 1 0 0 0 0 0 livres (entre 1 8 0 4 et 1 8 19), le capital
puisées dans les rares salles d’assemblée antérieures, celles prises dans la
par ses charges, par sa relation étroite avec le pouvoir royal. Louis XV I
partout ailleurs ». Vexé, il rappelle qu’on ne peut assimiler « un membre
ayant été remboursé à ses héritiers après son décès. S’il vivait avec
tradition des Me n u s -Plaisirs, dans les décors éphémères de salles de bal,
l’apprécie {44}.
d’une des premières compagnies d’artistes de l’Europe [l’Ac a d é m i e
3 0 0 0 0 livres par an entre 17 8 5 et 17 9 2, il a survécu avec environ
d’architecture] à un maçon sans étude [Re y m o n d ] »{52}.
6 0 0 0 livres par an en No r m a n d i e .
et enfin celles inspirées de l’architecture antique, à travers la restitution
— 23
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Une nouvelle
vie romaine
et les derniers jours
à Besançon
Je a n - Baptiste Desdéban.
Le 1 3 octobre, alors que Pâris n’est à Naples que depuis quelques jours,
Projet d’une galerie d’architecture pour la villa Médicis,
Crétet, ministre de l’Intérieur, signe dans son bureau parisien un arrêté
1809, crayon, encr es br une et noire à la plume et au lav is,
33,8 x 23 cm. mb aab ( c at. 86 )
qui va se révéler important pour notre architecte car il va engager une année
et demie de sa vie. Il est chargé « de faire déplacer, encaisser, transporter
de Rome à Paris tous les monumens de sculpture, désignés dans la
description de la villa Borghèse {70} », c’est-à-dire les œuvres du prince
Borghèse acquises par Napoléon. Pâris accepta malgré son projet de rentrer
en France après l’hiver car, prétendra-t-il plus tard (en 1 8 17 - 1 8 1 8), il se
sentait menacé en cas de refus{71}. Comme pour la direction de l’Académie,
{63}
il s’acquitta de sa tâche avec son sérieux habituel{72}.
Il s’avère donc que Pâris, qui a tellement tenté de faire croire, à la fin
24 — Comment un homme aussi actif a-t-il occupé sa vie durant les douze
La disparition d’une vieille amie (Catherine Bégouen de Meaux, une
de sa vie, qu’il était impitoyablement opposé à l’Empire, l’a loyalement
années passées en Normandie ? L’architecte de cour qui avait couru
des sœurs de Stanislas Fo a che), une brouille avec Grégoire de Ru m a r e ,
servi. L’homme qui avait juré fidélité à la monarchie est devenu un
durant dix-huit ans entre son cabinet de dessin, ses chantiers, les
et surtout l’envie de revoir une dernière fois l’Italie poussent Pâris à
serviteur presque zélé de l’Empire, en acceptant des charges importantes
séances de l’Académie, diverses mondanités (les salons, l’Opéra) va de
retourner à Rome (il y arrive au plus tard début juillet 1 8 0 6). Pâris, en
qui l’ont ramené à une vie publique très active. Il est vrai qu’une
fait se consacrer presque exclusivement à l’agriculture et à l’agronomie.
1 8 0 6, se considère comme un vieillard (il a 6 1 ans) destiné à s’éteindre
bonne partie de ses déclarations antirévolutionnaires, et même anti-
Il jardine à Colmoulins, dans les propriétés de ses amis ; il excelle dans
tranquillement en Normandie. Il pense à un simple voyage : le destin
impériales, ont été rédigées après 1 8 14, alors qu’il a ch e r ché, et même
l’arboriculture, notamment dans les greffes ; il s’occupe des récoltes
en fera un long séjour.
réussi, à obtenir une rente de Louis XV III{73}.
des terres des Fo a che.
Quelques mois après son arrivée à Rome, alors qu’il s’apprête
Il lit, et il traduit des traités d’agronomie{58}. Il met de l’ordre dans ses
probablement à rentrer en Normandie, il est appelé par Ch a r l e s
Études d’architecture, alors en cinq volumes (monuments d’Italie et
Je a n - Marie Alquier, amba ssadeur de France à Rome, à prendre,
compositions), met au net ses dessins et rédige les commentaires. Ses
provisoirement, la succession de Suvée, directeur de l’Académie
amis de Normandie – les Fo a che, leurs parents et amis – constituent
de France à Rome, décédé le 9 février 1 8 0 7 { 6 4 }. Pâris n’a pas eu à
pour ce célibataire une nouvelle famille après ses parents, puis les
refuser ou à poser des conditions { 6 5 }, puisqu’il s’agit d’un ordre,
Lefaivre et les Trouard
{59}
.
donné par le représentant de l’Empire à Rome, confirmé par
Si Pâris a renoncé à construire, il n’a pas renoncé à dessiner. Ainsi, il
Ch a m p a g n y, ministre de l’Intérieur. Alquier a choisi Pâris en tant
fait des projets (châteaux et jardins) pour Le Sens de Folleville (ch â t e a u
que principal artiste français présent à Rome, ancien pensionnaire,
de Bellêtre à Genetay, 17 9 5), pour Clouet d’Amertot (château de
ancien « f o n c t i o n n a i r e » rôdé aux tâches administratives. Malgré
Freneuse près de Lillebonne, 17 9 7), pour Grenier d’Ernemont (château
des réticences éventuelles (Pâris parle alors de sa mauvaise sa n t é ) ,
de Ne u i l l y - s u r -Eure, 1 8 0 2), pour Lecouteulx de Verclives (château de
il a accepté par patriotisme, pour répondre au souhait des
Canteleu, 1 8 0 3), projets non réalisés ou seulement partiellement comme
pensionnaires, sans exclure qu’il ait été flatté. Alquier, dans une
Enfin, sur l’instance des architectes, Pâris tentera d’aménager une
Canteleu. Pour Je a n -François Bégouen, il réaménage l’abbaye du
de ses lettres à Pâris { 6 6 } , évoque même « l’estime générale que
galerie de moulages de fragments d’architecture dans un portique sous
Valasse (logis abbatial et parc, 1 8 0 6 puis 1 8 0 9). Il travaille aussi pour
vous vous êtes acquise dans votre longue et honorable carrière » ,
la terrasse du Bosco, à la villa Médicis. De ce projet, il ne reste qu’un
les Foache naturellement, et notamment « fait arranger » la maison dite
c’est-à-dire au service du roi. Le détail qui ne manque pas de
beau dessin du « pensionnaire » architecte Je a n -Baptiste De s d e b a n {68}.
de l’Armateur au Havre, pour Martin Fo a che en 1 8 0 4 {60}.
piment est qu’Alquier a été un révolutionnaire actif, régicide, le
Malgré le plaisir que finalement il a pris à diriger la villa Médicis, Pâris
Pâris, pour lui-même, s’est aménagé une habitation curieuse dans
genre d’homme que Pâris aurait dû détester, et réciproquement.
commence à se plaindre du retard de l’arrivée à Rome de Guillon-
le colombier d’Escures, vers 1 8 0 1 - 1 8 0 2 { 6 1 } . La bibliothèque occupe
Quoi qu’il en soit, Pâris a pleinement assumé sa tâche. Il a été un
Lethière, successeur de Suvée, qui n’adviendra que le 19 septembre 1 8 0 7.
l’espace circulaire du pigeonnier, autour duquel sont accroch é s
gestionnaire rigoureux (malgré les insuffisances budgétaires), s’est fait
Même s’il avait prévu de rentrer en Normandie avant l’été, il entreprend
(dans des constructions en colombage) successivement un escalier
le défenseur des intérêts des pensionnaires, a veillé au confort des
un court voyage, durant le mois d’octobre, en Campanie, à Naples,
extérieur d’accès, une antichambre, un dégagement, une ch a m b r e
ateliers, a tenté d’obtenir une aide matérielle pour les sculpteurs
« la plus belle ville de l’Europe » {69}, puis à nouveau à Herculanum et
Pompéi (où il effectue le relevé de quelques maisons, Pouzzoles, Baïa).
de domestique, et sa chambre, octogonale (accompagnée d’un
qui recevaient des commandes de l’État. Ses relations avec les
cabinet de toilette et d’un cabinet de lecture), dans le plafond de
« pensionnaires » architectes, on s’en doute, ont été particulièrement
laquelle est intégrée la Toilette de Vénus, œuvre de Fragonard.
bonnes. Il les a aidés dans leurs entreprises de relevés pour leurs
{67}
, et est resté en contact avec Auguste Guénépin, Simon
L’appartement est petit, mais d’un raffinement élevé, servi par une
« envois »
habile composition { 6 2 }.
Vallot et surtout Je a n -Nicolas Huyot.
P i e r re - Adrien Pâris.
Carrefour circulaire projeté pour la route de Rome à Ostie : plan et élévation,
v ers 1810, encre noire, lav is gr is et vert, 28,6 x 19 cm.
bmb, fonds pa r is, vol. 479, nº 98
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P i e r re - Adrien Pâris.
Plan de la nouvelle place du Peuple à Rome, projetée avec ses jardins
par le gouvernement français et commencée par ses ordres en 1811,
v ers 1812, encre noire, lav is rose, vert et jaune, 46 x 32 cm.
bmb, fonds pa r is, vol. 479, nº 93
26 —
Un événement privé est intervenu durant son séjour romain. Dans
À Rome, il s’occupe d’archéologie, reprend des relevés pour ses É t u d e s
une lettre à Crétet du 2 0 mars 1 8 0 9 {74} , où il demande à être rétribué
d ’ a rc h i t e c t u re,conseille l’administration napoléonienne (jusqu’en 1 8 14)
rapidement pour son travail, nous lisons : « […] l’honneur d’être utile
dont il fréquente la plupart des chefs (excepté le comte de Tournon,
[allusion au transport des « antiquités Borghèse »] me suffiroit si ma
préfet de Rome). Hormis les problèmes archéologiques, il intervient,
position n’avoit changé depuis que je suis ici. Devenu père de famille
en 1 8 1 2, dans le projet de Giuseppe Valadier pour la piazza del Popolo.
sans avoir pu le prévoir, les besoins de ceux qui n’ont d’espoir qu’en
Il fréquente aussi Je a n -Baptiste Séroux d’Agincourt, jusqu’à son
moi, m’obligent à ch e r cher les moyens d’y pourvoir ».
décès en septembre 1 8 14. Il est membre de l’Accademia San Luca,
Probablement, Pâris s’est mis en ménage avec (ou du moins a pris en
où il a été élu en mai 1 8 0 7. Mais, mécontent de la présence du
charge) une certaine Marie-Thérèse Pinchart, veuve, mère d’une petite
peintre Je a n -Baptiste Wi c a r, puis de l’admission de David en 1 8 11, il
fille, et belle-sœur de Je a n -Baptiste Pinchart, ébéniste attitré de la villa
démissionne discrètement {76}.
Médicis, cela à partir de la fin de l’année 1 8 0 7.
Il passe les étés à Albano, à Frascati ou à Palestrina. Il s’ennuie
manifestement, surtout après le départ des Français. Nous ignorons
Pâris a finalement pu quitter Rome en avril 1 8 0 9. Il s’est installé à
pourquoi il attendit 1 8 17 pour rentrer chez lui, c’est-à-dire en
Colmoulins, accueilli par madame Fo a che. Mais, apparemment, il se
F r a n ch e - Co m t é .
sent moins à l’aise en Normandie, sans doute toujours à cause de
l’hostilité de Rumare, et il regrette d’avoir laissé à Rome sa « belle
Le 3 0 avril, il arrive à Besançon où ses relations se limitent à l’architecte
femme », qu’il entreprend d’aller ch e r cher. Mais, de retour à Ro m e ,
De n i s -Philibert Lapret (chez qui il loge d’abord), un de ses anciens
en juillet 1 8 1 0, il la retrouve malade. « Je vous ai parlé dans ma dernière
élèves {77}, et à sa nièce Élisabeth-Caroline, épouse de Jo s e p h -Victor
[lettre] d’une belle femme que j’ai trouvée extrêmement ch a n g é e .
G a u f f r e {78}. Il fera rapidement la connaissance de Charles We i s s ,
Celle que je suis venu ch e r cher ici, quoique séparé d’elle depuis moins
conservateur de la bibliothèque municipale, qui deviendra son ami
de quinze mois, est à peine reconnaissa b l e ! », écrit-il à son ami
et son biographe {79}. Son premier souci est de jouir d’un appartement
B é g o u e n {75} . Il s’installe au premier étage d’un petit palais, place
pour installer son « petit museum » et sa bibliothèque. Il loue un bel
d’Espagne, en dessous de l’appartement des Pinchart, et à partir de 1 8 14
appartement, sur deux étages, au 8, rue Charles-Nodier {80}.
y recueille une petite fille qui devrait être celle de Marie-Th é r è s e ,
Ayant enfin rassemblé tous ses dessins{81}, il peut établir le classement
décédée en 1 8 1 3.
final de ses Études d’architecture en neuf volumes, après avoir mis
au net tous ses dessins. Il complète ses manuscrits. Il fait copier son
travail sur le Co l i s é e {82} par le graveur Lapret, neveu de l’arch i t e c t e ,
afin de donner l’original à la Bibliothèque royale {83}. Il tente de le faire
publier, ainsi que son Examen des édifices antiques de Rome, par
des éditeurs parisiens, avec des planches gravées par Charles Normand.
Ces projets échouèrent à la chute du duc de Rich e l i e u { 8 4 } en 1 8 1 8.
— 27
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{ 1 } . Dont Pâris est personnellement l’ami. Cf. la lettre de Robert à Pâris du 1 1 mars 1806 (BMB, Ms. Pâris 1, f. 295).
{2} . Cf. les travaux d’Alain-Charles Gruber. La première étude d’ensemble date de 1997 (notre thèse : Pinon 1997 I).
Marc-Henri Jordan a soutenu un mémoire inti tulé Le Décor intérieur des demeures dans l’œuvre de P. - A . P â r i s
(Université de Fribourg, 1990), et travaille actuellement à une thèse : Les Décors de scène
de Pierre-Adrien Pâris pour les Menus-Plaisirs et l’Académie royale de musique (Université de Lausanne).
{3} . Concepteur de jardins, mais aussi grand connaisseur de la botanique . Cf. Pinon 2001 I.
{50} . Lettre de Pâris à A.-Ch. Bosset du 25 mai 1784 (archives de la Ville de Neuchâtel, « Correspondance avec Pâris »).
{5 1 } . Lettre de Pâris à A.-Ch. Bosset du 14 novembre 1784 (i b i d .).
Cf. le récit manuscrit inti tulé « Ermenonville » (BMB, Ms. Pâris 8, f. 136 rº-129 rº) et Gazier 1906 II.
et Agriculture-p ratique des différentes parties de l’Angleterre, de W. Marshall (Gide-Levrault, Paris, 1803).
{7} . Cf. l’article de H. Ferreira-Lopes dans ce catalogue, et P. Pinon, « La bibliothèque de Pierre-Adrien Pâris »,
dans Les Bibliothèques d’arch i t e c t e s (O. Medvedkova dir., à paraître).
à la mémoire de Louis XVI,
v ers 1818-1819, encre noire et lav is rose,
28 —
{12} . Les mémoires payés aux entrepreneurs (1773-1788) permettent de s’informer sur le marché
du bâtiment (BMB, Ms. Pâris 7) ; les catalogues de ses livres (BMB, Ms. Pâris 3 et 23),
où les prix d’achat sont notés, permetten t d’étudi er le marché des livres.
Bernard Poyet et Jean-Arnaud Raymond, seuls les deux derniers ont fait une carrière publi que.
{18} . Même si ni Ledoux ni Brongniart, par exemple, ne sont allés à Rome.
Pâris, qui attend sereinement sa fin {86}, est un homme riche. Son capital
tombe très discrète (une simple colonne dorique grecque surmontée
placé s’élève, en 1 8 17, à 1 8 4 9 0 0 francs, et le total de ses rentes annuelles,
d’une urne), en présence d’une assistance peu nombreuse. Ce qui
à 14 895 francs. Tel est l’enjeu des testaments de Pierre-Adrien et des
entraîna cette remarque de Charles We i s s : « On a enterré hier
polémiques de sa succession. Car Pâris a rédigé plusieurs testaments :
M. Lombard de Saint-Laurent, capitaine du génie, homme médiocre
un premier, attesté du 14 mai 1 8 1 8 , qui institue, pour l’essentiel, outre
s’il en fut et qui d’ailleurs avait perdu la tête depuis quinze ans. Tous
le legs de sa bibliothèque et de sa collection à la Ville de Besançon,
les imbéciles à épaulettes et à croix se sont fait un devoir d’assister
un partage entre Pierre-Auguste, Élisabeth-Caroline
{87}
et les enfants
de son frère Pierre-Ambroise (sont donc exclus ce dernier ainsi qu’une
autre nièce de Pierre-Adrien, Anne-Pierrette Victoire Talmet
{88}
) ; un
codicille le 2 7 décembre 1 8 1 8, en faveur de son domestique Raymond
aux obsèques de cette momie ; et il n’y avait personne à l’enterrement
de M. Pâris, l’homme le plus distingué qu’ait produit notre ville {91}. »
{22} . Naples qu’il apprécie beaucoup (et où il retournera en 1783 et 1807), Pompéi et Herculanum, un peu moins.
{64} . Sur le directorat de Pâris à Rome, cf. Pinon 1997 I, vol. I. 2, p. 119-167.
comme tel par le tribunal de première instance de Besançon en 1 8 2 0,
(BMB, Fonds Pâris, Études d’arch i t e c t u r e, vol. 484, « Table »), prétendant avoir posé des conditions,
et notamment refusé « tout traitement pour ne rien tenir d’un Gouvernement qui m’étoit odieux ».
{25} . Pâris reprochera à l’entrepreneur Reymond et au commandita ire délégué, Montmollin, d’avoir transformé
Dans les faits, s’i l n’a pas demandé, en 1807, d’indemnités, il n’a exprimé alors aucun refus éventuel
cf. Courvoisier 1954, Galactéros de Boissier 1992 et Pinon 1997 I, vol. I. 1, p. 275-302.
{26} . P. Pinon, « Pierre-Adrien Pâris et le Monument à Guillaume Tell de l’abbé Raynal »,
à paraître dans les actes du colloque « Raynal et ses réseaux » organisé par G. Bancarel en 2006.
{27} . Pinon 1997 II.
au cas où on lui en proposerait. D’ailleurs, en 1809, Emmanuel Crétet, nouveau ministre de l’Intérieur,
lui accordera 5 200 francs d’indemnités pour son directorat. Cf. Pinon 1997 I, vol. I. 2, p. 126-130.
{66} . Lettre du 1 1 février 1807 (archives de l’Académie de France à Rome,
« Correspondance des directeurs », carton 12).
{67} . Pinon et Amprimoz 1988.
{28} . Il a soutenu sa thèse de phil osophie à 14 ans.
{68} . MBAAB, D.3299.
{29} . Pinon 1991-1992.
{69} . Lettre de Pâris à H.-R.-A. Mondion, épouse de Stanislas Foache, de Naples, le 11 octobre 1807
{30} . Administration royale qui a pour tâche de rassembler les revenus des abbayes sans tit ulaires,
afin de constituer une caisse pour l’entretien des édifices religieux dont les fabriques manquent de fonds.
{3 1 } . Chenesseau 1921, Desmas 1999.
{32} . En août 1792, il fera détruire des armoiries épiscopales du portail, sans doute contre son gré.
{33} . BMB, Fonds Pâris, Études d’arch i t e c t u r e, vol. 484, « Table », et pl. XXXII-XLI pour les dessins.
{34} . BMB, Fonds Pâris, Études d’arch i t e c t u r e, vol. 484, pl. XLVIII.
{35} . Cf. dans ce catalogue l’article de M.-H. Jordan. Notons aussi que Pâris est intervenu sur de nombreux
édifices privés appartenant aux Premiers Gentilshommes du roi gérant les Menus-Plaisirs, le duc d’Aumont
(copie, AN, « Papiers Bégouen-Demeaux », 442 AP, liasse 1. III. 4).
{70} . Il s’agit du catalogue rédigé par E.-Q. Visconti en 1796.
{7 1 } . « M. Alquier me représenta que le Maître ne vouloit pas être refusé, et que immanquablement à mon arrivée,
la perte de ma liberté pourroit me faire, mais trop tard, repentir de mon refus […] j’avoue que je fus effrayé »
(BMB, Ms. Pâris 10, p. 87). Les textes de Pâris datant de 1807 ne laissent rien apparaître de cette frayeur.
{72} . Debenedetti 1991, Pinon 1997 I, p. 190-247, et dans ce catalogue l’article de M.-L. Fabrega-Dubert.
{73} . Envi ron 15 000 livres entre 1814 et 1819, prises sur les appointements de Fr.-J. Bélanger aux Menus-Plaisirs.
{74} . AN, F 21 573.
(et son fils le duc de Villequier) et le duc de Duras. Par cette même filière, Pâris a dessiné le beau parc
{75} . Lettre de Pâris à J.-Fr. Bégouen, du 6 juillet 1810 (AN, 442 AP, liasse 1. III. 3).
à l’anglaise du château de Courteilles et ses fabriques, pour le comte de Rochechouart dont la fille
{76} . Pinon 2007 II.
avait épousé un fils du duc de Villequier. Cf. Pinon 1997 I, vol. I. 1, p. 669-678,
{77} . Vers 1777, à Paris.
et M. Lallemand, Histoire de Courteilles. Village de Normandie, Paris, 1992.
{78} . Son neveu Pierre-Auguste Pâris, militaire, avec lequel Pâris était toujours resté en relation,
{36} . « Brevet de dessinateur de la Chambre et du Cabinet du Roy pour le S r. Paris », AN, O I 826.
n’habit ait pas à Besançon. Notons que Pierre-Auguste, comme son oncle, s’intéressait à l’archéologie.
{37} . Marie 1968, Gruber 1972 et Pinon 1997, vol. I. 1, p. 361-386.
{79} . Weiss 1821 I et II.
{38} . Bachaumont, Mémoires secrets, t. XXVIII, 1785, p. 266. De fait, Pâris avait pris son service plus tôt, dès 1784.
{80} . La distributi on de cet appartement et la disposition des œuvres sont sommairement connues
{39} . En janvier 1789, Pâris fera un projet pour une nouvelle salle d’opéra, place du Petit-C arrousel
(BMB, Fonds Pâris, vol. 483, nº 330-333).
{40} . Pinon 1997 I, vol. V, p. 112-122 et vol. I. 1, p. 568-606. La plupart des dessins sont conservés
dans le vol. VIII des Études d’arch i t e c t u r e (BMB, Fonds Pâris, vol. 483). Cf. plus bas M.-H. Jordan.
{4 1 } . Dans une seconde version, la cour de Marbre est comblée de bâtiments.
universel) ; et enfin un nouveau testament le 2 0 juin 1 8 19, qui augmente
jugement confirmé par la cour royale en 1 8 2 1.
{65} . Contrairement à ce qu’il affirmera tardivement, en 1818-1819
{24} . Pinon 2001 III.
{44} . Il le rencontre assez fréquemment car le roi possède un petit atelier dans l’hôtel des Menus-Plaisirs de Versailles.
frère Jean-Ambroise et sa nièce Talmet, définitivement exclus du
Nous avions saisi les services compétents de l’État, à la fin de l’année 1991, qui ne sont pas intervenus.
{63} . Pinon 1997 I, vol. I. 2, p. 111-404.
Dervès (augmentant aussi le legs à Denis-Philibert Lapret, son légataire
testament, en rédigèrent un faux (en leur faveur évidemment), reconnu
(y compris l’emplacement de la peintur e de Fragonard) ; seul le planche r de la chambre du domestiqu e
{2 1 } . « Journal de mon séjour à Rome » (BMB, Ms. Pâris 6).
{42} . Pinon 1989 III, 1991 et Paris 1989.
à nouveau le legs en faveur de Dervès. Après le décès de Pâris, son
(BMB, Fonds Pâris, vol. 484, pl. XXX-XXXI, nº 45-46, et carton C, nº 199).
et les menuiseries des croisées. La maison était abandonnée, mais tout était conservé jusque vers 2000
était écroulé. Mais, à cette époque, un nouveau propriétaire a presque tout détruit,
son projet en « un monstre informe ». Sur l’histoire de la construction de l’hôtel de ville de Neuchâtel,
. » Décédé le
{6 1} . Habitation connue par plusieurs dessins
{62} . Le gros œuvre existe encore (y compris l’escalier extérieur), ainsi que les rayonnages de la bibl iothèque
bien qu’informé du fait qu’il s’agissait d’un aménagement du début du xix e siècle.
Pâris a été un grand voyageur. Cf. Pinon 2001 IV.
1 e r a o û t 1 8 19, il est enterré au cimetière de Saint- Ferjeux, dans une
{60} . Pinon 1997 I, vol. I. 2, p. 86-88, et Lemonnier-Mercier 2007.
{19} . Cf. dans ce catalogue notre contributio n « L’archéologie d’un architecte ».
{23} . Pinon 1994.
je ne voudrais pas que l’ouvrier me fit attendre
restées manuscrites (BMB, Ms. Pâris 27 à 30). Cf. Pinon 1992.
{20} . Ainsi que les frères Jakob Philipp et Friedrich Wilhelm Hackert, Wilhelm Tischbein, artistes allemands,
ou l’architecte suédois Fredric Adolf Cronstedt.
musées, une bibliothèque publique, etc., et un « Temple consacré à
{58} . Et aussi diverses pub lications anglaises ou italiennes,
{59} . Des éléments de la vie quotidienne de Pâris en Normandie entre 1804 et 1806
se trouvent dans ses comptes (BMB, Ms. Pâris 23) et dans le « Journal de Louise Chaussé »,
{17} . Bien que non assurée, puisque parmi les collègues qu’il retrouve à Rome, Jean-Jacob Guerne,
la Sainte Mémoire du Roi Martyr ».
notes
il a emmené celui d’alors, Victor Fleury, en Italie.
belle-sœur de Stanislas Foache (AN, 442 AP III, carton 30).
Pâris lui dessinera un imposant palais à l’italienne, avec des jardins. Les écuries seront réalisées.
{90}
Pâris a toujours eu un domestiqu e. On sait par exemple qu’en 1806
{14} . Crevoisier 2001 et, dans ce catalogue, l’article de F. Soulier-François.
{15} . En 1776, le prince Frédéric de Wangen lui demandera un projet de reconstruction de son château.
« Informez-vous, mon ami, si le petit monument {89} est achevé, car
payés aux entrepreneurs (BMB, Ms. Pâris 7).
{57} . Élément de train de vie connu : de 1771 à 1819,
{13} . Pinon 1997 I, vol. I. 1, p. 2-709.
{16} . Pâris ne deviendra officiellement « pensionnaire » qu’en juin 1772.
d’architecture : un « Institut national » réunissant les académies, les
il a travaillé. Pour ses honoraires, nous avons util isé sa correspondance
(les honoraires égalent le 1/20 e des travaux)
Cf. Pinon 1997 I, vol. V, « Chronologie », p. 2-69.
Peu après son retour de Luxeuil, Pâris s’enquiert auprès de Lapret :
{55} . Il ne s’est pas fait payer pour les projets qu’il a dessinés en Normandie.
{56} . Nous avons effectué ces calculs par le dépouillement des archives des administrations pour lesquelles
{9} . Une majorité des dessins qui lui sont attribués – par méconnaissance et facilité – dans le marché de l’art
{1 1 } . Pour certains moments de sa vie, ses papiers permettent de reconstitu er jour après jour ses activités.
Malgré sa santé qui décline {85}, il continue à dessiner des projets
{53} . Pinon 1997 I, vol. I. 2, p. 2-110.
{54} . Son ami Hubert Robert, lui aussi au service du roi, sera arrêté en octobre 1793.
(demandes d’honoraires) et estimé ses parts d’honoraires à partir du montant des mémoires
{10} . Pâris ayant donné sa collection, il n’y a pas eu de vente après décès comme pour J.-A. Raymond ou J.-G. Legrand.
bmb, fonds pa r is, vol. 484, nº 117
{52} . Lettre de Pâris aux Quatre Ministraux de Neuchâtel du 15 février 1787 (i b i d .).
{8} . 1495 dessins de Pâris lui-même dans le Fonds Pâris de la bibl iothèque municipale de Besançon.
ne sont pas de lui.
49,5 x 43,5 cm.
{48} . BMB, Fonds Pâris, Études d’arch i t e c t u r e, vol. 482, épilogue à la « Table ».
{49} . Qu’i l a tout de même exercé au détriment des « antiquaires » romains.
{5} . Pâris possédait les éditions des œuvres complètes de Rousseau et de Voltaire.
{6} . Dont deux ont été publ iées : L’Agriculture des A n c i e n s, de A. Dickson (Jansen, Paris, 1802)
Second projet d’un monument consacré
Il convient aussi de préciser que, jusqu’en 1796 au moins, il espéra en fait le retour de la monarchie
et de sa clientèle, et donc le sien dans ses places administratives.
{47} . Encore en 1799, Raymond et Gondoin ont relancé Pâris pour qu’i l succède à Dufourny.
{4} . Pinon 2007 II.
Il a visité Thérèse Levasseur, veuve de Rousseau, à Ermonville, à la fin de l’année 1778.
P i e r re - Adrien Pâris.
{46} . Ce qui ne l’empêcha de dessiner de nombreux projets, rarement réalisés, durant sa retraite en Normandie.
{43} . Pâris avait fréquenté à Rome, en 1771-1774, le père Jacquier, commandita ire de la décoration de cette chambre.
Le premier biographe de Pâris, Charles Weiss (Weiss 1821 I et II), prétend même que c’est Louis XVI
qui l’a incité à apprendre l’anglais.
{45} . Il a d’ailleurs servi le pouvoir révolutionnaire jusqu’en 1792, à Saint e-Croix d’Orléans, à l’Assemblée nationale.
Il a de ssiné des projets pour l’appropriation, en 1792, du couvent de la Visitation d’Orléans
en Haute Cour de justice et, à la même époque, du couvent des Augustins de Moulins en palais de justice.
par l’invent aire après-décès (archives départementales du Doubs). Pâris parle aussi de son appartement
à Alexandro Visconti (lettre du 19 novembre 1818, Bibliothèque apostolique vaticane,
Fondo autografi Ferrajoli-Visconti, nº 5515-5516).
{8 1} . Longtemps dispersés entre Paris, Rome, Vauclusotte, Colmoulin s, Escures, Besançon.
{82} . Cf. dans ce catalogue notre article « L’archéologie d’un architecte ».
{83} . La copie est bien à Besançon (BMB, Fonds Pâris, Études d’arch i t e c t u r e, vol. 562),
mais l’original est finalement parvenu à la British Library à Londres.
{84} . Que Pâris avait connu avant la Révolution comme un des Premiers Gentilshommes du roi.
{85} . Il se plaint de ses rhumatismes, de ses « nerfs », de sa vue, de son estomac.
En mai-juin 1819, il fera une cure à Luxeuil.
{86} . « D’ici à ce que je me couche pour la dernière fois, je veux goûter un calme que je n’ai jamais connu
et que je me suis flatté de trouver ici plutôt qu’à Paris », écrit-il à A. Guénepin le 24 octobre 1817
(Bibliothèque de l’Institut de France, Ms. 1906).
Il a même profité de la supp ression des congrégations religieuses pour acquérir personnellement
{87} . Tous deux enfants de Pierre-François Pâris fils, frère de Pierre-Adrien.
des biens nationaux en Franche-Comté en 1791 (les métairies de la Roche de Plainchamp et de Soyère,
{88} . Fille de la sœur de Pierre-Adrien.
situées sur la commune de Saint-Hi ppolyte).
{89} . Il s’agit évidemment de la sépultu re que Pâris s’est dessinée et qu’il a chargé Lapret de réaliser.
{90} . Weiss 1821 I, p. 33-34.
{9 1} . Weiss 1972, p. 269.
— 29
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Pierre Pinon —
30 —
une œuvre
Surtout connu pour son œuvre de décorateur (de fêtes, de décors
scéniques) en tant que dessinateur de la Chambre et du Cabinet
du roi, architecte des Menus-Plaisirs, architecte de l’Académie
royale de musique, Pâris a aussi finalement construit beaucoup
d’édifices et est intervenu sur de nombreux autres. Il a édifié
dix-neuf édifices neufs, dont huit publics (un hôtel de ville,
deux hôpitaux, deux prisons, un bain public) en comptant
l ’ a chèvement de la cathédrale d’Orléans et le monument à
Guillaume Tell en Suisse, les autres étant des ch â t e a u x
(quatre dont un seulement partiellement réalisé) et surtout
des hôtels particuliers (six). Ses réalisations d’aménagements
d’hôtels ou de châteaux (réparations importantes, extensions,
intérieurs) sont très nombreuses : vingt-six au moins, sans
compter son œuvre pour les édifices relevant des MenusPlaisirs (dont la salle des États-Généraux de Versailles).
— 31
multiforme
Surtout connu pour son œuvre de décorateur (de fêtes, de décors
scéniques) en tant que dessinateur de la Chambre et du Cabinet du roi,
architecte des Me n u s -Plaisirs, architecte de l’Académie royale de musique,
Pâris a aussi finalement construit beaucoup d’édifices et est intervenu
sur de nombreux autres. Il a édifié dix-neuf édifices neufs, dont huit
publics (notamment un hôtel de ville, deux hôpitaux, deux prisons, un
bain public) en comptant l’achèvement de la cathédrale d’Orléans et
le monument à Guillaume Tell en Suisse, les autres étant des ch â t e a u x
(quatre dont un seulement partiellement réalisé) et surtout des hôtels
particuliers (six). Ses réalisations d’aménagements d’hôtels ou de
châteaux (réparations importantes, extensions, intérieurs) sont très
n o m b r e u s e s : vingt-six au moins, sans compter son œuvre pour les
édifices relevant des Me n u s -Plaisirs (dont la salle des États- Généraux
de Ve r sailles). Si l’on ajoute à cela la trentaine de projets non réalisés
( châteaux surtout, hôtels, théâtres, tribunaux, palais d’A s s e m b l é e
nationale, monuments expiatoires), correspondant la plupart du temps
à des commandes, on ne peut plus considérer son œuvre d’architecte
Façade principale de l’hôtel de ville
comme négligeable. Et cela sans compter également ses projets de
de Ne u châtel (Su i s s e )
constructions éphémères (salles de fêtes, catafalques surtout).
cons t r uit entre 1784 et 1790, vue actuelle .
L’impression de modestie que laisse son œuvre architecturale est sans
doute liée au fait qu’il n’a construit aucun édifice public à Paris – source
assurée de notoriété – et que les édifices majeurs conservés sont rares
et se trouvent dans d’autres villes. Son grand hôpital est à Bourg-enBresse, son hôtel de ville à Ne u châtel. Son plus beau château, celui
Façade principale de l’hôpital
de Bo u r g - e n -B resse,
cons t r uit entre 1782 et 1790, vue actuelle .
de Colmoulins, a été détruit en 19 4 4 ; son plus bel hôtel, celui de
Richebourg, l’avait été dès 1 8 8 0. Quant aux constructions éphémères,
il n’en reste que des dessins. Qu’ils soient très beaux n’a pas suffi à
perpétuer sa célébrité au-delà du cercle des connaisseurs.
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P i e r re - Adrien Pâris.
Plan d’ensemble avec le jardin
des deux hôtels particuliers construits
pour les frères Tassin à Orléans.
Élévation et coupe,
1791, encre noire et aqua r elle,
60 x 74 cm. bmb
( c at. 39)
32 —
— 33
L’ a r ch i t e c t u r e
L’architecture de Pâris se caractérise essentiellement par sa simplicité et
« L’abus du caractère [est] un deffaut essentiel en arch i t e c t u r e » {3},
Pour les édifices publics, ses commandes ont porté souvent sur
P i e r re - Adrien Pâris.
son élégance. Il ne s’agit pas là d’une incapacité à exprimer la complexité
écrit-il à propos des temples de Paestum. Ainsi Pâris, un des rares
des constructions utilitaires (hôpitaux, prisons) qui n’appelaient
Hôpital de Bourg-en-Bresse, coupe et élévation,
ou d’une volonté de refuser la vigueur, mais c’est à la fois le reflet d’une
a r chitectes français à s’être rendus sur ce site perdu du sud de la
pas la magnificence. À l’hôtel de ville de Ne u châtel, où il aurait
personnalité et une rech e r che de la satisfaction de sa clientèle.
Campanie, n’a-t-il employé le dorique grec sans base que dans des
pu déployer son savoir-faire, il a même préféré abandonner la
Pâris, pour ses commandes privées, a œuvré pour la vieille aristocratie
occasions exceptionnelles {4}, pour sa rusticité (halle de marché au rez-
paternité de son œuvre, tant elle a été appauvrie. Dans ses édifices
(noblesse de robe, Gentilshommes du roi), qui ne demandait que
d e - chaussée de l’hôtel de ville de Ne u châtel) ou pour son austère
publics (mais privés aussi), Pâris a toujours attaché la plus grande
confort et discrétion {1}. Les rares clients appartenant au monde de la
majesté (salle des États-Généraux de Versailles), et évidemment dans
importance à la distribution, selon la tradition française et les leçons
finance ou des affaires (Bergeret, Stanislas Fo a che, Arboulin de
ses décors scéniques concernés par la Grèce (Les Danaïdes de Salieri,
de Je a n -François Blondel. À la convenance et à la commodité, s’est
R i chebourg, les frères Tassin) ont été les seuls qui lui ont donné
D i d o n de Piccinni, N u m i t o r de Marmontel, Œdipe à Colone d e
ajoutée, à la fin du x v iii e siècle, une plus grande rech e r che du confort
l’occasion d’apporter plus de verve à son œuvre. Pâris n’a pas, comme
S a c chini). Pour Pâris, les architectures antiques ne sont pas toutes
et de la fonctionnalité.
Ledoux, Brongniart ou Bélanger, travaillé pour des « nouveaux riches »
correctes, et aucune ne convient systématiquement à tous les
Tant pour le dépôt de mendicité de Bourges que pour l’hôtel-dieu de
avides de signaler leur ascension sociale par l’originalité de leurs
programmes. Il paraît étonnant que notre architecte, dont les œuvres
Bourg-en-Bresse, il a étudié soigneusement la disposition générale {7},
dessin vers 17 9 3 - 1796, d’après un projet de 1781,
encre noire, lav is gr is et bleu, 32,9 x 47,9 cm. bmb ( c at. 47 c)
demeures. Par ailleurs, bien que grand connaisseur de l’Antiquité
éphémères attestent si brillamment de son habileté, se soit tellement
les dispositifs pratiques (logements, cuisine, infirmerie), jusqu’à dessiner
et de tous les exotismes architecturaux, il n’en a usé que dans des
restreint dans son architecture construite, sauf dans le raffinement de
le détail des lits. Il s’est entretenu avec les médecins et les religieuses
circonstances qu’il jugeait justes. Certes, il admet que « le genre
l’hôtel de Richebourg ou la virtuosité de la composition des hôtels
infirmières pour s’adapter au programme pratique. Il s’est aussi référé
égyptien peut servir aux sépultures, aux prisons, aux casernes et d’autres
Tassin{5}. Telle était pourtant sa rigueur intellectuelle, et aussi, il faut
aux nombreux hôpitaux italiens qu’il avait visités, notamment au
édifices qui demandent un caractère repoussant, le genre grec dans
l’avouer, sa volonté de tenir dans les budgets qui lui étaient o c t r o y é s {6}.
G r a n d -Hôpital de Milan (pour la salle des malades cruciforme de
nos temples, le romain moins grave encore pour nos habitations et le
Sa retenue même a probablement desservi sa postérité. Celle-ci retient
Bourg) et à l’Albergo dei Poveri de Naples (Francesco Fu ga, milieu
chinois pour les lieux de plaisir dans les jardins &c. » {2}. Mais encore
plus volontiers les extravagances architecturales que les arch i t e c t u r e s
x v iii e siècle). D’une manière inattendue, une certaine modernité
dessin vers 17 9 3 - 1796, d’après les projets de 17 8 3 - 1784,
convient-il de ne pas abuser de ces références.
qui se contentent de satisfaire leurs commanditaires.
fonctionnelle est donc venue d’Italie.
encre noire, lav is gr is et bleu, 39,2 x 57,9 cm. bmb ( c at. 49 a)
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Hôtel de ville de Neuchâtel. Élévation de la façade sur la place,
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P i e r re - Adrien Pâris.
Premier projet de plan pour la transformation du couvent des Minimes de Bourges en dépôt de mendicité,
v ers 1778, encre noire, lav is rose et vert, 37 x 52,7 cm. bmb ( c at. 43)
Il en va de même pour les prisons (Chalon-sur-Saône, Dijon, projets pour
Ce type de plan a une grande clarté pour la composition (la symétrie)
Le style architectural de Pâris est dépouillé. Il recourt rarement aux
Moulins et pour Orléans), où son modèle se trouve dans les Carceri
et pour la distribution (la travée centrale accueillant les espaces
péristyles, encore moins aux ordres monumentaux ; d’ailleurs il n’abuse
e
Nuove de la via Giulia à Rome (xvii siècle), qui ont la caractéristique de
principaux). C’est la fin de la domination d’un escalier central.
pas des ordres, ni des colonnes, même s’il les considère comme parfois
placer les cachots au dernier étage et non plus dans le sous-sol. À la même
Pâris a aussi progressivement abandonné les enfilades « à la française » :
utiles{15}. Mais il aime les soubassements rustiques, les arcs clavés (il
époque, Boullée lui aussi supprimait les cachots souterrains de la Grande
ses enfilades sont dans l’axe des pièces, à la manière italienne { 1 1 } .
admire beaucoup Michele Sanmicheli). Pour les élévations, il pratique
Force, à Paris. À propos d’une description des C a rceri Nuove qu’il
Mais cette conception permet aussi de donner plus d’intimité aux
l’appareil à bandes horizontales. Si son architecture se modère dans
donne{8}, Pâris exprime clairement sa conception philanthropique de
appartements (chambre à coucher, cabinet de travail, garde-robe, cabinet
les modénatures, il affectionne les frises avec bas-reliefs, les nich e s
l’architecture carcérale : « [j’ai] éclairé les architectes sur les moyens
de toilette, « a n g l a i s e », boudoir). Pâris, comme ses contemporains,
ornées de bustes. Bien que discrète, l’influence de la Re n a i s sa n c e
italienne est évidente.
d’adoucir le sort de ceux mêmes qui après avoir outragé l’humanité sont
s’est beaucoup soucié du confort et de l’intimité, y compris dans la
encore des êtres souffrans et dignes de pitié ! hélas n’oublions jamais que
distribution des chambres des domestiques.
la vertu la plus pure a ses tems d’iniquité ». Les circonstances de la
Il a aussi souvent pratiqué le plan « m a s s é » (trois épaisseurs de
P i e r re - Adrien Pâris.
Plan du château de Colmoulins,
dessi n vers 17 9 3 - 1796, d’apres u n projet de 17 8 2 - 17 8 6 ,
a q ua r elle, 29 x 38,7 cm.
bmb ( c at. 37 b)
En fait, ses réflexions proviennent de l’observation des architectures
Si Pâris ne prétend pas être un théoricien, ses écrits, qui sont surtout
antiques et modernes. Sans être partisan d’une imitation aveugle, il
en tire des leçons. Ainsi, cette réflexion inattendue que l’on peut
commande ont amené Pâris à être très attentif aux équipements et aux
pièces), qui exige un éclairage zénithal pour la pièce centrale non
des descriptions de monuments antiques ou modernes, abondent
programmes « modernes » de la fin du x v iii e siècle{9}.
éclairée latéralement { 1 2 } .
d’observations et de réflexions. Il en ressort que les fondements de
s’inspirer de l’action du temps. À propos de son projet de jardin pour
Si l’on confond édifices réalisés ou non, hôtels particuliers et châteaux
Pâris se situe ainsi dans la modernité qui s’impose à la veille de la
l ’ a r chitecture sont l’harmonie (rapport « des parties avec le tout » {16} )
l’hôtel de la rue d’Angoulême, il écrit{18} : « On vouloit traiter ce jardin
sont nombreux dans l’œuvre de Pâris. Ils se caractérisent par la présence
Révolution. Il va même plus loin dans le château de Co l m o u l i n s ,
et le jugement (rapport entre le style et le programme). Pour lui,
d’après l’idée que fournissent les jardins de Rome qui, plantés
d’un grand salon circulaire (ou ovale) côté jardin, à demi engagé dans
avec une composition très originale : les ailes (ou travées latérales)
la beauté de l’architecture tient à sa masse et à ses proportions, et
originairement dans un style régulier, et abandonnés depuis à eux-
le corps principal, et par une composition en trois travées longitudinales
sont désaxées par rapport à la travée centrale, ce qui dessine un
la convenance à sa distribution.
mêmes, sont devenus des mélanges de nature et d’art. » De même, à
(c’est-à-dire perpendiculaires à la façade). Le salon circulaire {10} est
plan en « V » articulé sur le salon ovale { 1 3 }, qui magnifie le site
Dans l’architecture doivent régner la symétrie, mais aussi la variété
propos de la ville de Naples : « De vastes édifices de tous les siècles
tout à fait caractéristique de la fin du x v iii e siècle, mais le plan à trois
d’éperon du château. Cette situation pittoresque est nouvelle
(le rapport des « p l e i n s » et des « v i d e s », l’alternance des « r e p o s »
qui contrastent entre eux par le caractère de leur architecture » font
travées n’a guère été pratiqué que par Ledoux.
pour l’époque {14}.
et des « r i ch e s s e s »), la « fi n e s s e » et enfin la qualité de l’exécution {17}.
le pittoresque de la ville {19}.
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P i e r re - Adrien Pâris.
Aqueduc antique à Bourgas
près de Constantinople :
élévations et plans,
v ers 1790,
encre noire,
lav is de rose et de gr is,
a q ua r elle ,
46 x 37,8 cm.
bmb, fonds pa r is, vol. 482, nº 137
36 —
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P i e r re - Adrien Pâris.
Vue de la Grande Galerie de la villa Albani, à Rome,
17 7 2 - 17 74, pierre gr ise, 34,5 x 18 cm. bmb ( c at. 18 a)
P i e r re - Adrien Pâris.
Masques antiques de la villa Albani,
17 7 2 - 17 74, pierre gr ise, 34,5 x 10 cm.
bmb ( c at. 18 b)
Le dessin
Il ne convient pas d’oublier que la première charge de Pâris a été
La masse la plus imposante est celle des dessins de relevé : des milliers.
celle de premier dessinateur du Cabinet du roi. Pâris a excellé dans
Il y a d’abord les croquis au crayon ou à l’encre présents dans ses
tous les genres du dessin : la vue pittoresque, le relevé, la restitution,
c a r n e t s { 2 2 } , ceux dans les marges de ses journaux de voyage { 2 3 } ,
le projet.
éventuellement ceux dessinés dans les marges des livres de sa bibliothèque.
De 17 7 1 à 17 74, mais apparemment jamais après, Pâris a beaucoup
Mais il y a surtout ceux des Études d’arc hi t e c t ure{24} : dessins simplement
dessiné de vues pittoresques à la sanguine (arc de Constantin, villa
au trait, ombrés, lavés à l’aquarelle{25}. Ces dessins, plans, coupes et
d’Hadrien, villa de Caprarola, villa Negroni) ou au crayon (villa Albani).
élévations, sont presque toujours cotés. Pâris a redessiné une étroite
Sa lointaine inspiration est celle de Fragonard et de Robert mais, plus
sélection de ces dessins (vingt-six planches), à une échelle réduite, pour
directement, il a dessiné aux côtés de Berthélemy, de Vincent et de
la maquette, destinée au graveur de son Examen des édifices antiques
Joseph-Barthélemy Le Bouteux (en 1772). Si la construction architecturale
de Rome sous le rapport de l’art (1 8 1 3){26}, pour être édité.
de ses dessins est sans reproche, il est évidemment à la fois plus laborieux
Les dessins de Pâris publiés sont finalement très rares, relativement à sa
et plus mièvre, moins vigoureux, que ses amis peintres.
production. Pour le Voyage pittoresque de Naples de l’abbé de Saint-
Le fonds de la bibliothèque de Besançon permet de suivre ses projets
Non, Pâris n’a donné qu’une vingtaine de dessins d’architecture{27}, après
d ’ a r chitecture, depuis les esquisses et les études, les mises au net,
avoir été recruté par Jean-Benjamin de Laborde, initiateur du projet de
jusqu’aux projets d’exécution {20}, sans parler des versions redessinées
publication. Pour l’H i s t o i re de l’art par les monuments (Paris, 1823) de
et lavées très postérieurement (17 9 3 - 1 8 0 6, et surtout 1 8 17 - 1 8 1 8){21}.
Séroux d’Agincourt, il n’a donné que trois ou quatre dessins{28}.
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P i e r re - Adrien Pâris.
École napolitaine,
Vue générale des ruines
Vue du Vésuve en éruption la nuit,
du palais des rois
1804, go ua che, 24,8 x 30 cm. mb aa b
de Perse à Persépolis,
( c at. 117)
v ers 1810,
a q ua r elle,
16,8 x 33 cm.
bmb ( c at. 15 a)
notes
38 —
{1} . Pinon 1999.
{20} . Ces dessins (généralement au trait) sont présents dans le Fonds Pâris, cartons C à S.
{2} . BMB, Ms. Pâris 2, f. 117-118. Il s’agit d’une réflexion qui ramène les origines de l’éclectisme
{2 1 } . C’est le vol. IX de ses Études d’arch i t e c t u r e (Fonds Pâris, vol. 484)
(pouvant se définir ainsi : à chaque programme doit correspondre une référence architecturale spécifique)
S’il a réellement beaucoup dessiné, Pâris a finalement pas mal écrit
non plus. Dès son premier séjour à Rome, il rédige un journal qui prend
de voyages à Rome ou à Naples. En 17 7 2 - 17 73, il a écrit une description
{22} . BMB, Ms. Pâris 3, 4, 5 et 12.
{23} . Voyage de Rome à Naples de 1774 (BMB, Ms. Pâris 12, f. 94-140),
P i e r re - Adrien Pâris.
En fin de compte, ce qui caractérise cet aspect de l’œuvre de Pâris,
Plan de l’église de Saint-Nicolas in Carcere à Rome
et des trois temples antiques sur les débris desquels
elle a été élevée,
v ers 1810, encre noire, lav is de jaune et de rouge,
24,2 x 38,2 cm. b mb ( c at. 32)
il s’agit de commentaires architecturaux (par exemple ses références
de Bologne à Venise de 1774 (BMB, Ms. Pâris 12, f. 140-160)
qui exclut toute espèce de richesse puisse convenir » (AN, O 1 1933A).
et de Lyon à Rome en 1783 (BMB, Ms. Pâris 4, f. 1-36).
{27} . Volumes I (1781), II (1782), III (1783), IV (1786). Mais il y a aussi une cinqua ntaine de reproductions
il en a résulté le bâtiment extrêmement mesquin »
(BMB, Fonds Pâris, Études d’arch i t e c t u r e, vol. 484, « Table », f. XVII).
{7} . Le plan à deux préaux de Bourges (1778) préfigure le plan théorique recommandé par J.-R. Tenon en 1788
(Mémoires sur les hôpitaux de Pa r i s, Paris, 1788, pl. XV).
{3 1 } . BMB, Ms. Pâris 5, f. 106 rº.
{32} . Lettre de Pâris à H.-R.-A. Mondion, 1807, déjà citée. Pâris a rédigé deux descripti ons du Vésuve, en 1774 et 1807,
à Bourges, Moulins et Orléans.
{10} . Que Pâris a pu connaître à Besançon par l’intendance de Victor Louis (1771).
{1 1 } . Se réfère également à l’Italie l’implantation des services au rez-de-chaussée, le premier étage habité étant surélevé.
autobiographiques. On trouve également des dessins, non seulement
textes : introductions, notices, commentaires de planches. L’écriture
{15} . « Les plus beaux effets en architecture sont produit s par les colonnes, le plus bel ornement qu’elle possède
Colmoulins adopte plutôt le site d’un château fort féodal. Volontairement ?
et appui solide en même temps ; mais il faut qu’elles soient convenablement placées. Si sans être nécessaires
dans ses journaux, mais aussi dans sa correspondance.
et l’orthographe de Pâris sont correctes, contrairement à celles de
elles ne sont que de simple décoration, si elles ne portent rien, surtout si elles sont engagées,
Le plus inattendu est le fait d’écrire sur des dessins anciens, quand il
certains de ses collègues architectes, bien qu’il n’ait pas effectué
(BMB, Ms. Pâris 9, Examen des édifices antiques de Rome, p. 5).
réutilise de vieux carnets, par exemple quand, en 17 9 3, il note ses
d’études classiques. Son style ne manque pas d’élégance (il était grand
{16} . « Observations » à A. Desgodets, bibli othèque de l’Institut de France, Ms. 1906, f. 338 rº-341 vº.
a chats à faire au marché de Maîche (Doubs) sur un beau plan au
lecteur) et surtout d’humour, du simple trait d’esprit à l’esprit critique
{18} . BMB, Fonds Pâris, Études d’arch i t e c t u r e, vol. 484, f. XLVI.
cra yon de la villa Torlonia pris vers 17 7 2 - 17 73 {31} . Le mélange est
quelquefois féroce. Il arrive aussi qu’apparaisse sous sa plume des
savoureux. Mais son chef-d’œuvre du genre réside dans ses Études
expressions poétiques. Ainsi, à propos du Vésuve, il écrit : « Il est
la robe tissue de fleurs d’une jeune épouse. { 3 2 } »
{30} . BMB, Ms. Pâris 9 et 10, respectivement 125 folios et 86 pages.
{8} . BMB, Ms. Pâris 10, Examen des édifices modernes de Rome, Rome, 1816, p. 56-58.
{13} . Le château est par ailleurs construit en briques et pierres, à la manière n ormande.
palais de la Re n a i s sance en Italie, par le dessin et le texte.
de peintur es et d’objets antique s, de vignettes, de culs-de-lampe. Cf. Lamers 1995, p. 310-332.
{28} . Pinon 2007 I, p. 70-80.
{29} . BMB, Ms. Pâris 12, f. 1-74.
{9} . Notamment par des appropriations de couvents supprimés avant ou pendant la Révolution,
{14} . La plupart des châteaux de l’âge classique sont situés dans des plaines ou dans le fond de vallées.
vrai que souvent l’œil est attristé par le spectacle de ces laves plus
(cf. Tours 2007, notices de P. Pinon, p. 202-211).
Lui ayant des obligations, je ne pus refuser de me prêter à ses vues ;
Les recueils de dessins de Pâris sont donc toujours accompagnés de
ou moins noires. Il semble voir une bouteille d’encre renversée sur
{25} . Parmi ses chefs-d’œuvre, les dessins des décorations du portiqu e des Loges de Raphaël au Vatican.
{26} . BMB, Ms. Pâris 11.
pour des restitutions), mais plus originaux quand il s’agit de récits
Re n a i s sance, de l’Inde, l’Égypte et la Perse anciennes, aux églises et
{24} . Les volumes I à VII (BMB, Fonds Pâris, vol. 476 à 484).
« Je lui [à Mesme de Ravignan] fis le plan [le premier projet] qu’il rejeta par des motifs d’économie.
{12} . Un des inventeurs de l’éclairage zénith al est son ami Raymond, pour l’Hôtel Lebrun.
d ’ a rc h i t e c t u re, sorte d’histoire de l’architecture de l’Antiquité à la
de Rome à Florence de 1774 (BMB, Ms. Pâris 8, f. 1-54),
écrivent à propos de Paestum toujours : « Il est très peu d’occasions où ce genre d’architecture
de décorations nécessaires. À propos des Bains de Bourbonne, il écrit :
de Rome et dans son Examen des édifices modernes de Rome{ 3 0 } .
dessins sont accompagnés de longs textes, qui sont convenus quand
{3} . « Observations » à A. Desgodets, Bibliothèque de l’Institut de France, Ms. 1906, f. 329 rº.
{4} . Dans un rapport de l’Académie d’architecture datant de 1788, Boullée, N.-H. Jardin,
{6} . Qualité que tous ses clients lui reconnaissent, mais dont certains ont abusé en dépouillant son architecture
a été reprise en 1 8 1 3 et 1 8 1 6 dans son Examen des édifices antiques
dessin, le dessin dans l’écriture, l’écriture sur le dessin. Souvent ses
ne se retrouvent pas dans les É t u d e s.
{5} . Qui existent toujours, 1 bis et 3, rue de la Bretonnerie à Orléans.
des monuments antiques et modernes de Ro m e { 2 9 } . Cette esquisse
c’est l’intimité du mélange entre écriture et dessin : l’écriture dans le
et le plus grand nombre a servi à l’amusement de ma vieillesse ». Tous les projets présents dans les cartons
Cf. sur ce thème P. Pinon, Louis-Pierre et Victor Baltard, Monum, Éditions du patrimoine, Paris, 2005, p. 9.
D. Le Roy (qui est pourtant allé en Grèce), Pierre-Louis Moreau et Pâris
la suite de son récit de voyage de Paris à Rome. Suivront d’autres récits
inti tulé « Recueil de quelqu’ une de mes compositions en Architecture dont le petit nombre a été exécuté
à la fin du xviii e siècle.
leur effet est manqué. C’est dans les portique s, dans les péristiles, que rangées en files elles sont admirables ! »
{17} . Pour l’ensemble des conceptions théoriques de Pâris, Pinon, 1997 I, vol. II, p. 135-161.
{19} . Lettre de Pâris à H.-R.-A. Mondion, épouse de Stanislas Foache, de Naples,
le 11 octobre 1807 (copie, AN, « Papiers Bégouen-Demeaux », 442 AP, liasse 1. III. 4).
Notons que Pâris fait partie d’un e génération d’architectes qui commencent à s’intéresser aux villes.
Il s’est intéressé aux plans des villes, mais surtout aux places.
et a traduit en français, en 1816, les Observations sur les volcans des Deux Siciles,
telles qu’elles ont été communiquées à la Société Royale de Londres par le chevalier William Hamilton.
— 39
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Page 40
P i e r re - Adrien Pâris.
Bas-relief du piédestal de la colonne Trajane, à Rome
1772,
encre noire à la plume, lav is br un, vert et gr is,
27,7 x 49,5 cm. bmb
Marc-Henri Jordan —
40 —
( c at. 30 b)
l’étude
Pierre-Adrien Pâris s’est révélé un dessinateur exceptionnel,
de
qualité l’ornement
qui caractérise ses travaux d’élève de l’Académie
A RT
r o yale d’architecture et de pensionnaire du palais Mancini
Fin dessinateur, Pâris dessine vite de nombreux monuments,
décors et objets à Rome, dans ses environs, et en Campanie.
Il n’a
Dde
Ucesse de visiter monuments antiques, palais, villas
et collections, et ses choix illustrent sa vaste curiosité. Au
travers de ses études, il se montre constamment attentif au
décor de l’architecture et particulièrement aux « rapports
harmoniques » qui doivent, selon lui, exister entre les parties
et l’ensemble auquel elles doivent se subordonner, e n t r e
sculpture et architecture en l’occurrence. Cette préoccupation
est constante. Elle guide et nuance son appréciation des
m o n u m e n t s , des décors et des objets qu’il juge bon de
relever, de critiquer et, bien souvent, de réinterpréter.
et l’
décor
— 41
P i e r r e - Adrien Pâris s’est révélé un dessinateur exceptionnel, qualité
Parmi les nombreux édifices antiques, qui donnent lieu à des plans et
qui caractérise ses travaux d’élève de l’Académie royale d’arch i t e c t u r e
à des élévations, plusieurs exemples emblématiques de l’arch i t e c t u r e
et de pensionnaire du palais Mancini {1} . Fin dessinateur, Pâris dessine
et du décor de l’époque romaine ont livré à l’architecte des
vite de nombreux monuments, décors et objets à Rome, dans ses
compositions et des motifs dignes d’un examen plus approfondi. Le
environs et en Campanie. Il n’a de cesse de visiter monuments
fond antique dans lequel il puise est commun non seulement aux
antiques, palais, villas et collections, et ses choix illustrent sa vaste
architectes de sa génération mais a également constitué le répertoire
curiosité. Au travers de ses études, il se montre constamment attentif
des architectes et des sculpteurs des x v i e et xviie siècles, enrichi par la
au décor de l’architecture et particulièrement aux « r a p p o r t s
redécouverte ou le dégagement d’éléments architecturaux et décoratifs.
h a r m o n i q u e s » qui doivent, selon lui, exister entre les parties et
Les bas-reliefs du piédestal de la colonne Trajane, précisément relevés
l’ensemble auquel elles doivent se subordonner, entre sculpture et
par Pâris, sont un bel exemple de cette continuité d’intérêt pour le
a r chitecture en l’occurrence {2} . Cette préoccupation est constante.
répertoire antique. S’agissant du profil des entablements et du décor
Elle guide et nuance son appréciation des monuments, des décors
des frises, l’architecte vérifie les observations faites par A. De s g o d e t s
et des objets qu’il juge bon de relever, de critiquer et, bien souvent,
et considère dans un esprit critique, « sous le rapport de l’art », les
de réinterpréter.
choix proposés par sa publication.
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Page 42
42 —
P i e r re - Adrien Pâris.
P i e r re - Adrien Pâris.
Roses du temple de Jupiter Stator et de l’arc de Titus, à Rome,
A rabesques des Loges de Raphaël
17 7 1 - 1772, plume et lav is d’aqua r elle,
au Vatican, à Rome,
49,7 x 33,8 cm. bmb
17 73, aqua r elle, 50,5 x 30,2 cm. bmb
( c at. 26)
( c at. 52 a)
Ce goût ne se comprend pas néanmoins sans la publication, en 17 6 3,
des exemples des Griffoni de l’abbé de Saint-Non et en particulier,
là aussi, sans les dessins d’Hubert Robert, ami proche de Pâris. Pe u t être ces derniers ont-ils d’ailleurs travaillé de façon complémentaire ;
en tous les cas, ces sujets leur sont communs. Pâris possédait d’ailleurs,
en 1 8 0 6 encore, un trépied « dans le style égyptien » en plâtre peint,
à l’imitation du porphyre et du bronze, réalisé par André Pardieu de
Mézières d’après les dessins d’Hubert Ro b e r t {5}.
L’étude
des grotesques
italiennes
Parmi les études d’ornements de l’époque moderne, celles des
grotesques ont une importance particulière dans le fonds de Besançon.
Ses commentaires les plus enthousiastes vont au « temple de Ju p i t e r
Comme presque tous ses contemporains, l’architecte les appelle
S t a t o r » (temple de Castor et Pollux), tandis qu’il reproche à l’arc
« a r a b e s q u e s », terme impropre, très tôt imposé par l’usage, qui ne
de Septime Sévère sa richesse excessive malgré des parties dans
devrait désigner que des ornements sans figures humaines ou animales.
lesquelles règnent des proportions et une répartition harmonieuse
Il s’agit en fait de compositions imaginaires de motifs variés et de
des ornements {3}. En revanche, de l’arc de Titus, moins bien conservé,
figures hybrides, redécouvertes à Rome vers 14 8 0, dans ce que
il ne juge bonnes que les rosettes dont il fait un relevé mis en
l’on croyait être les « s o u t e r r a i n s » des thermes de Titus (la Domus
parallèle avec celles d’un édifice du x v i e siècle, le palais Massimo alle
Aurea en réalité), d’où le terme initial de « grotesques ». Pâris rappelle
Colonne de B. Pe r u z z i{4}. À ce répertoire d’ornements arch i t e c t u r a u x
que cette découverte est à l’origine d’une grande réalisation de la
empruntés à l’antique, ou puisés dans les édifices de la Re n a i s sa n c e ,
Re n a i s sance, désormais modèle à son tour : le décor des Loges du
vient s’ajouter une collection d’objets et d’éléments de mobilier,
Vatican, sous la direction de Raphaël et de Giovanni da Udine. Pâris
constituée dans un esprit plus systématique que cela n’avait été fait
est l’auteur de superbes études aquarellées de ces décors, à coup sûr
jusque-là. Les exemples de trépieds, bases de candélabres, autels,
ses plus beaux dessins. En décembre 17 7 1, une visite rapide lui permet
trônes et sièges divers témoignent le plus souvent, outre de la visite
de réaliser d’abord quelques croquis des pilastres et des portes
des églises romaines, de la fréquentation des collections, en particulier
richement sculptées {6}, tandis qu’en avril 17 73 {7} il s’attache à constituer
celles des villas Albani, Negroni, Doria Pamphili, Corsini, ou du
un choix des meilleurs motifs dont il exécute des relevés détaillés,
palais Mattei di Giove, sans oublier les collections papales.
soigneusement aquarellés devant l’original {8}.
— 43
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Il a dû préalablement en obtenir la permission auprès de l’abbé Ercole
Bonajuti, promoteur présumé de l’édition des Loggie di Rafaele nel
Va t i c a n o de G. Savorelli, P. Camporesi, G. Ottaviano, rejoints par
G. Volpato, première publication systématique de ces décors. L’influent
abbé vénitien {9} aurait exercé un contrôle sur les artistes désireux de
colorier leurs relevés afin de garantir un caractère exclusif aux exemplaires
L’étude
des décors
français
Les dessins pour l’hôtel de la place Louis-XV sont à situer en 17 7 5.
Parmi les exécutants des projets de l’architecte figurent le menuisier
Antoine Maréchal, les sculpteurs Daniel Aubert, Augustin Bocciardi
et André Pardieu de Mézières, le serrurier Pierre-Antoine De u m i e r, les
doreurs François Guintrange et Je a n - Charles Presle, ainsi que le
menuisier en meubles Je a n -Baptiste Boulard {28}.
luxueusement rehaussés du recueil et afin de limiter une concurrence
44 —
à une entreprise éditoriale à ses débuts. Pâris affirme que les exemplaires
Quelques exemples mettent en évidence un intérêt pour le répertoire
coloriés des Loges le sont en général peu fidèlement {10}. Peut-être leurs
décoratif du règne de Louis XIV cette fois-ci. D’abord, plusieurs
couleurs étaient-elles adaptées au goût des amateurs, gage de succès de
feuillets d’un carnet sont consacrés aux trophées en bronze des
l’entreprise. En tout état de cause, Pâris opère lui aussi des choix semble-
pavillons du bosquet des Dômes à Ve r sailles, ornements répétés,
t-il, en introduisant des variations et alternances absentes des recueils
d’après les mêmes moules, dans le salon de la Paix {21}. Un autre carnet
rehaussés. Au vu du soin extrême apporté à ses dessins, Pâris n’a pu en
contenant des études faites au palais des Tuileries avant le départ
exécuter qu’un nombre très restreint, à son propre usage ou pour
pour l’Italie est attesté {22} , tandis que la bibliothèque de l’arch i t e c t e
quelques amateurs privilégiés tel Pierre-Jacques Onésyme Bergeret de
conserve un exemplaire des O rnemens de peinture et de sculpture
Grancourt qu’il guida dans les Loges en décembre 17 73{11} et auquel une
qui sont dans la galerie d’Apollon au […] Louvre et dans le grand
feuille, récemment apparue sur le marché et acquise par la bibliothèque
appartement du roi au palais des Tuileries{23}. Enfin, Pâris a intégré dans
de Besançon, a vraisemblablement appartenu
( c at. 52 c)
{12}
.
— 45
sa documentation de nombreuses planches de l’œuvre de Jean Le pautre{24}.
À Rome toujours, à Santa Maria della Pace, Pâris s’attarde sur les
grotesques de la chapelle Cesi, sculptées dans le marbre en 15 2 5
p a r Simone Mosca et qui passaient alors pour être de Michel-Ange{13},
{14}
et sur d’autres exemples encore
. Dans le grand escalier du palais des
Conservateurs, des années 15 6 0, de fines grotesques rythmées par
d ’ é l é gantes figures couvrent les coupoles surbaissées du palier. Le
dessinateur est sensible à la qualité de ces compositions, mais reproche
Les décors de l’hôtel
du duc d’Aumont,
place Louis-XV
aux ornements trop de légèreté eu égard aux proportions et au caractère
de l’architecture de l’escalier {15}. À Rome, Pâris a pu aussi examiner
Peu après son retour en France, Pâris fournit des projets pour
des grotesques au château Saint-Ange et à la villa Madame, ainsi qu’à
l’aménagement de l’hôtel de Louis-Marie Augustin, duc d’Aumont
Caprarola au château Farnèse, où celles-ci, réalisées par les Zuccharo, sont
(17 0 9 - 17 8 2), premier gentilhomme de la Chambre du roi, place Louis-XV
jugées avec plus de sévérité. À San Gennaro de Naples, il remplit un petit
(actuellement de la Concorde). Cet hôtel construit à l’arrière de la
P i e r re - Adrien Pâris.
carnet de grotesques de la chapelle Carafa. Pâris découvre en effet cette
colonnade de Gabriel, l’actuel hôtel Crillon, est propriété de Louis-
Relevé d’un vase de porcelaine chinoise monté en bronze doré par Pierre Gouthière,
chapelle lors de son premier séjour{16}. Signalée notamment par le guide
François Trouard qui le loue au duc. Pâris participe à sa décoration mais
{17}
de C.-N. Co chin
, cette chapelle est rarement accessible, aux dires de
aussi à sa construction aux côtés de ce dernier
{25}
. Il soumet de nombreux
Pâris. Le riche décor de marbre sculpté des murs et du plafond, et celui
projets pour la demeure de cet exigeant commanditaire dont les goûts
d’une porte de bronze offrent des modèles de grotesques ordonnées
sont illustrés par sa célèbre collection d’objets en marbres et pierres
a yant appartenu au duc d’Aumont ; version coloriée d’un dessin au trait, fourni
pour la planche (non retenue) devant illustrer ce précieux vase dans le catalogue
de vente de la collection (Paris, 1782, in-8º), objet décrit sous le nº 163,
1782, plume et aqua r elle. bnf ( c at. 149)
autour d’un candélabre, ainsi que de rinceaux {18}. Pâris puise dans ce
dures, ramenés en partie d’Italie et taillés par A. Bocciardi, montés en
carnet les motifs des bordures des tableaux de médailles publiés en 17 8 3
bronze doré par Pierre Gouthière, d’après les projets de François-Jo s e p h
et se poursuivait par les pièces donnant sur la place : le grand salon,
P i e r re - Adrien Pâris.
dans le Voyage pittoresque ou description des royaumes de Naples et
Bélanger. Cette fameuse collection, dont le musée du Louvre possède
la salle à manger et une pièce prévue comme « chambre à couch e r
A rabesques des Loges de Raphaël au Vatican, à Rome,
de Sicile de l’abbé de Saint-Non{19}. Dans les exemples rencontrés, Pâris
plusieurs pièces, a donné lieu à un exceptionnel catalogue de vente
d’honneur » et devenue « second salon ». Pièce d’angle du pavillon,
est frappé par l’habitude d’utiliser les grotesques à profusion, sans
illustré de gravures, destinées à promouvoir la vente et à rendre hommage
cette dernière communiquait avec le petit appartement de l’aile
considération ni de convenance ni de sens de la hiérarchie des pièces.
au collectionneur. La riche bibliothèque que possédait le duc d’Aumont{26}
donnant sur l’actuelle rue Boissy-d’Anglas, lequel se composait d’un
Le premier séjour italien fut aussi l’occasion pour Pâris de travailler,
révèle aussi une partie de sa culture artistique, formée au fil des ans par
boudoir, d’une petite salle à manger et de la « chambre à couch e r
17 73, aqua r elle,
50,5 x 28,8 cm. bmb
( c at. 52 b)
Au premier étage, le grand appartement débutait par deux antich a m b r e s
en 17 7 2, sous la direction de Charles De Wailly, aux dessins du projet
le contact avec les artistes des Me n u s -Plaisirs. Au début des années 17 7 0,
ordinaire » suivie d’un cabinet et de lieux à l’anglaise. En 19 0 6, la
d’un grand salon du palais Spinola à Gênes {20} . Pâris y collabore avec
Bélanger fournit pour ce département de la Maison du roi des dessins
demeure, alors propriété de la famille Polignac, fut transformée en hôtel
Antoine-François Callet auquel sont confiées les figures.
marqués par un goût pour les ornements à l’antique {27}.
pour voyageurs et les boiseries furent vendues {29}.
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Boiseries du grand salon
46 —
de l’hôtel d’Aumont avant démontage,
v ers 1906, photogra p hie .
pa r is, an, 536 ap 11, nº 618.
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet pour le grand salon de l’hôtel d’Aumont, à Pa r i s ,
1775, p lume, encre noire, lav is beige et br un, 29,4 x 44,1 cm.
Seuls quelques dessins du fonds de Besançon se rapportent au grand
ensba ( c at. 59)
salon, notamment le projet du plafond probablement inspiré d’un
modèle gravé de « plafond à la romaine » de Jean Lepautre {30} ; une
proposition pour le côté ouvrant sur la galerie de la colonnade {31}
inclut la citation d’un relief romain dessiné par l’architecte à la villa
Albani {32}. Trois dessins de l’École des beaux-arts, attribués jusqu’ici
à C.-A. Co l o m b o t{33} mais en fait de la main de Pâris, constituent
aussi des projets pour le grand salon. Deux d’entre eux proposent, avec
la cheminée placée sur un petit côté, un riche décor dont le côté face
aux fenêtres est ordonné autour d’un grand tableau. Pâris prévoit des
sièges meublants dont la disposition et les formes sont parfaitement
intégrées au lambris. Le caractère monumental du décor réalisé n’est
pas exprimé par un ordre de pilastres mais par les po rtes surmontées
d’un fronton incurvé, avec d’élégantes figures allégoriques sculptées
représentant les arts et les sciences. La formule est empruntée à
Boiseries de la salle à manger du grand appartement
de l’hôtel d’Aumont avant démontage,
A. Palladio chez qui, à l’exception notable de la villa Maser, le motif
v ers 1906, photogra p hie,
est presque toujours en façade. Aujourd’hui, le plafond, seul élément
pa r is, musée ca r nava let, in v. topo pc 128 g
P i e r re - Adrien Pâris.
conservé in situ, et les boiseries remontées à l’hôtel de la To u r
Projet du plafond du grand salon de l’hôtel d’Aumont,
d ’Auvergne sont partiellement dorés. À l’origine, le décor était
1775, plume, encre br une et crayon. bmb, fonds pâris, vol. 453, nº 401
entièrement blanc sauf le cadre de la glace de la ch e m i n é e .
— 47
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Boiseries de la salle à manger du grand appartement
P i e r re - Adrien Pâris.
de l’hôtel d’Aumont avant démontage,
Projet de chambre à coucher
v ers 1906, photogra p hie .
pour le grand appartement
an, 536 ap 11, nº 614
de l’hôtel d’Aumont,
1775, encre et lav is br un ,
20,1 x 25,1 cm .
bmb ( c at. 56 d)
48 —
— 49
Deux dessins d’élévation présentent le projet de la salle à manger. Cette
Élément de boiserie de la salle à manger de l’hôtel d’Aumont,
Au moment de la vente d’usufruit de l’hôtel au duc d’Aumont, la
pièce est rythmée de niches abritant des sculptures et surmontées
remonté à l’hôtel de la Tour d’Auvergne, 2 avenue de La Motte-Picquet, à Paris,
pièce d’angle du pavillon est prévue comme « chambre à couch e r
de reliefs, et elle est dotée de glaces face aux croisées, tandis que les
17 7 6 - 1777, bois sc ulpté et marbre (ajout de 1907),
pa r is, amb a ss a de du chili
d’honneur » mais utilisée comme « second salon » {40}. Le côté du lit,
portes réelles ou feintes des petits côtés sont surmontées de frises
doté d’un seul bas de lambris, communique avec le boudoir du petit
et de reliefs représentant les saisons par des jeux d’enfants. Les
appartement par une petite porte. Pâris a d’abord proposé pour cette
photographies prises avant démontage attestent l’adaptation du projet
le motif réalisé, avec ses dauphins entrelacés autour d’un trident,
pièce de parade un superbe et riche décor dominé par des draperies,
initial. Le côté du poêle était prévu avec un soffite et, suivant la
semble dériver quant à lui du décor d’une fontaine romaine de la
du côté de la cheminée également ; elles y dévoilent des dessus-de-
variante de la retombe, accueillait au bas des panneaux latéraux deux
villa Albani { 3 6 } . En revanche, les frontons brisés, abritant un vase
porte cintrés, ornés en bas-relief. Des consoles d’angle, portant des
rafraîchissoirs en forme de sarcophages ; reportée du côté de l’entrée,
et des guirlandes, n’ont rien d’antique, dans leur forme générale,
girandoles, sont assorties à la cheminée. Ce séduisant projet n’a pas
cette disposition conserve ces derniers comme simples éléments
et rappellent ceux de l’appartement de Louis XIV aux Tu i l e r i e s ,
été réalisé, en dépit de l’indication ajoutée par Pâris sur le dessin.
décoratifs du lambris, en légère saillie et surmontés d’un panneau
reproduits d’ailleurs par des gravures que possède Pâris{37}. L’attribution
Un projet privilégiant la sculpture est préféré {41} . Les dessus-de-porte,
sculpté différent {34}. En outre, les sculptures masculines des nich e s
des différentes parties du décor sculpté reste problématique. Au g u s t i n
en stuc, représentant des femmes terminées en rinceaux, autour
cèdent la place à de gracieuses nymphes porte-lumières, comparables
Bocciardi pourrait être l’auteur des figures porte-lumières, réalisées
d’un bouclier {42}, introduisent ici un thème annonçant les décors
à celles de la salle à manger du pavillon de madame du Barry, construit
en stuc {38}. André Pardieu de Mézières est payé pour les bas-reliefs en
en arabesques du petit appartement. Ces figures s’apparentent à celles
. Du thème de Bacchus caractérisant le projet subsistent
bois des saisons, mais on ne sait s’il est l’auteur ou le simple fournisseur
de la frise du portrait du Cavaliere Marini, gravée d’après le dessin
par Ledoux
{35}
les pampres de vigne entourant les vases, surmontant les nich e s ,
de ce qui apparaît être des éléments de série. Le remontage de la
de Pâris dans le Voyage pittoresque ou description des ro y a u m e s
décorés de têtes de béliers à l’instar de certains vases de la collection
boiserie à l’hôtel de la Tour d’Auvergne en 19 0 7, sous la direction de
de Naples et de Sicile de Saint-No n {43}. Dans leur exécution, elles sont
Boiseries du second salon du grand appartement
de l’hôtel du duc d’Aumont, avant démontage,
du commanditaire. La face des sarcophages fait référence à des antiques
René Sergent, a bouleversé la disposition d’origine et introduit des
p r o ches stylistiquement des porte-lumières de la salle à manger.
v ers 1906, photogra p hie,
vus à Ro m e : le projet montre deux hommes pressant du raisin, scène
pilastres qui enrichissent le décor conçu par Pâris. Aujourd’hui restauré,
Les guirlandes, en bois sculpté, sont l’œuvre d’André Pardieu
pa r is, musée ca r nava let, in v. topo pc 128 g
d’un relief bien connu de la villa Negroni, que Pâris avait relevé ;
le décor semble avoir retrouvé sa « peinture en marbre » d’origine {39}.
de Mézières{44}.
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Boudoir du petit appartement de l’hôtel d’Aumont,
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet d’une salle à manger pour le petit
17 7 6 - 1778, bois polychr omé et doré.
appartement de l’hôtel d’Aumont,
new york, the met r opoli tan muse um of art ,
1775, plume, encre, aqua r elle ,
gift of susan dwight bliss, 1944. (44.128) image
29,5 x 29,5 cm.
bmb ( c at. 58 b)
50 —
— 51
Les boiseries et sculptures des deux pièces précédentes ont aussi été
remontées en 19 0 7 à l’hôtel de la Tour d’Auvergne (actuelle ambassade
du Chili), 2 avenue de La Mo t t e -Picquet, sous la direction de
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet de chambre à coucher pour le petit appartement
de l’hôtel d’Aumont,
R . S e r g e n t { 4 5 } . Les deux pièces suivantes, jadis contiguës, ont été
achetées en 19 0 6 par G. Bliss et remontées dans sa maison de New York ;
1775, plume, encre et lav is br un, 18 x 24,5 cm.
S. Dwight Bliss donna en 1944 le boudoir au Metropolitan Museum
bmb ( c at. 56 a)
et en 19 5 9 la salle à manger à l’université de Middlebury (Vermont).
Intégré aux Wrightsman Galleries du Metropolitan Museum, « Th e
La pièce appelée par Pâris « petite salle à manger » était située à la suite
Le projet semble renoncer à des éléments dorés si ce n’est sur le
Crillon Room » est le boudoir situé au début du petit appartement.
de la précédente et accessible du grand appartement par la seconde
panneau des portes.
En face de la croisée, une niche pour un lit de repos était pourvue
antichambre. Deux élévations détaillent le projet du riche décor en
Par sa tonalité générale, cette pièce se démarque de la précédente,
d’une glace sans tain éclairant l’escalier qui relie la pièce à l’appartement
trompe-l’œil et camaïeu. La boiserie a été remontée à deux reprises, avec
illustrant la variété préconisée par Pâris dans la conception des décors
des bains. Les pans coupés de la pièce répètent à l’infini le décor
ajout de plusieurs panneaux {48}. Les thèmes décoratifs sont appropriés
de plusieurs pièces en arabesques d’un même appartement. Le petit
d’arabesques et de rinceaux, dont plusieurs détails s’inspirent des
à une salle à manger : amphores, coupes, grappes de raisin, épis de blé,
appartement comprenait une « chambre à coucher ordinaire » {50} dont
relevés des Loges du Va t i c a n : les rinceaux habités des panneaux
cornes d’abondance, rhytons. Aux éléments bachiques s’ajoutent des
le projet est connu par deux élévations. L’alcôve à colonnes et pilastres
inférieurs ; le coloris nuancé des feuillages des rinceaux des pilastres ;
références aux peintures antiques d’Herculanum, en particulier aux
d’ordre corinthien abrite un lit dit « à la turque ». Son riche couronnement,
le visage sur fond bleu, entouré de fines branches, de la frise surmontant
figures dansantes dessinées par l’architecte pour illustrer le tome II du
noté dans l’inventaire du duc, a été esquissé par Germain de Saint-Aubin
les portes. Divers éléments des légères compositions des panneaux
Voyage pittore s q u e de l’abbé de Saint-Non, paru en 17 8 2 {49}. On peut
dans son exemplaire du catalogue de la fameuse vente après-décès{51}.
latéraux de la niche en dérivent. Un rinceau de liserons, habité de
r a t t a cher la composition des panneaux de grotesques aux études
Les éléments de ce décor démantelé ne sont pas localisés{52}.
papillons et d’une libellule, s’enroule au pourtour de la glace, encadré
italiennes par l’importance donnée au motif du trépied, traversé par
d’une bande de culots de feuilles sur fond sombre, autre rappel des
des cornes d’abondance, et à la sphinge. Le beau panneau des dessus-
On ignore quels artistes ont réalisé les décors de ces deux dernières
bordures relevées au Vatican. Plusieurs motifs de cette pièce se retrouvent
de-porte est comparable à l’une des compositions « imitées de l’antique »
pièces. Signalons ici encore que de beaux dessins de Pâris, conservés
sur d’autres dessins de l’architecte {46}, suggérant qu’il est bien l’auteur
d’un ensemble d’études romaines, le masque dérivant visiblement de
à Waddesdon Manor (Aylesbury, Grande-Bretagne), ont été considérés
des projets que le peintre (non identifié) a interprété. Restauré en 19 5 4
ceux relevés parmi une nombreuse série conservée à la villa Albani.
comme d’éventuels projets pour l’hôtel d’Au m o n t { 5 3 } , mais sa n s
et 19 7 7, ce décor peint à la détrempe, d’une grande finesse, ne présente
L’imitation des matières caractérise ce décor : celle de motifs en relief,
toutefois que l’on puisse tous les situer dans la distribution des pièces
pas dans son état actuel une gamme de coloris fidèle à celle d’origine {47}.
traité en pierre grise et beige, et celle de figures en bronze à patine verte.
du premier étage, telle qu’elle fut conçue du moins.
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Le salon
du comte de Broglie
52 —
Les travaux divers
de l’architecte
Pâris a donné le projet d’un cabinet ou salon pour l’hôtel dans lequel
Depuis la fin des années 17 7 0, Pâris intervient dans le décor intérieur
La salle à manger constitue la plus brillante réalisation de toute l’œuvre
réside Ch a r l e s -François, comte de Broglie, rue Saint- Do m i n i q u e .
de plusieurs hôtels particuliers parisiens, pour de multiples travaux
de décorateur de Pâris. Aboutissement de l’enfilade sur la cour, elle
L’estimation de l’hôtel au décès de ce dernier, en 17 8 2 {54} permet de
d’importance inégale {59}, et en particulier, dans l’entourage immédiat
est immédiatement précédée d’une pièce que le décor en trompe-l’œil
préciser ce qui fut réalisé. La demeure fut démolie en 1870 au profit
du duc d’Aumont, chez la duchesse de Villeroy, rue de l’Université {60},
transforme en bosquet. Le choix d’orienter perpendiculairement à
de l’aménagement du boulevard Saint- G e r m a i n { 5 5 } . À une date
et chez Louis-Alexandre- Céleste d’Aumont, duc de Vi l l e q u i e r, rue
l’enfilade la pièce rectangulaire qui suit et d’imposer le franch i s s e m e n t ,
indéterminée, plusieurs éléments de la boiserie furent acquis par
Neuve-des-Capucines / rue Ne u v e - d u -Luxembourg {61}, aménagements
à partir de l’exèdre d’entrée, d’un voire de deux rangs de colonnes de
Edmond de Ro t h s child ou par son fils Maurice et se trouvaient encore
ou hôtels qui n’ont pas survécu. Subsiste en revanche un témoin des
l’architecture centrale procède peut-être encore d’un cadrage piranésien
en 19 4 1 dans leur hôtel, rue du Faubourg-Saint-Ho n o r é {56}. Le décor
travaux effectués en 17 8 7 - 17 9 0 pour Bathilde d’Orléans, duchesse de
mais se rattache en tous les cas à une disposition élaborée par Pâris
de ces boiseries est déterminé par le choix de l’ordre dorique exprimé
Bourbon, dans l’ancien hôtel d’Évreux (l’actuel palais de l’Élysée).
dans les salles des bals de la reine à Versailles. À l’éclairage zénithal
par la corniche, laquelle fut réalisée (mais est absente du remontage).
Il s’agit de la porte d’entrée d’un boudoir alors transformé en
central s’ajoute un second, réservé à l’exèdre de la fontaine, grâce à
Le décor des panneaux, avec leurs boucliers ornés d’armes en sa u t o i r,
bibliothèque par Pâris {62}, réemployé lors du réaménagement, pour
un pan de verrière invisible de l’entrée. L’illusion rech e r chée est celle
développe sur le mur le répertoire décoratif de l’ordre dorique ; absente
Caroline Murat, de cette pièce, dite « salon d’argent ».
d’une cour de jardin, clos par un mur au-dessus duquel se poursuit le
paysage (au-delà des limites de la parcelle de l’hôtel). Un autre procédé
du même remontage, cette partie du décor semble avoir été exécutée
à peu près comme le montre le dessin. Pour la console en demi-lune
illusionniste appliqué ici l’avait été précédemment dans le décor des
et son pendant, l’architecte recourt à des faisceaux de licteurs terminés
salles de bal de la Cour, celui du trompe-l’œil des groupes des trois
en tête de bélier, alternant avec des draperies. Les dessus-de-porte,
faisant la part belle à la sculpture, représentent des têtes rayonnantes
de Mercure et d’Apollon, accompagnés de cornes d’abondance, de
caducées et d’autres attributs. Des couronnes comtales et des attributs
militaires apparaissent dans la partie cintrée, une allusion de plus à la
carrière du commanditaire. Ce type de décor à motifs guerriers vient
Les raffinements
d’un intérieur au début
de la Révolution
grâces, les figures étant peintes sur glace et surmontées d’une demicouronne de lumières {64}. Huit sculptures, réelles, occupent les exèdres ;
elles ont été confiées à Jacques-Philippe Lesueur et François-Nicolas
Delaistre. Quant au plan, il tient d’un pseudo-atrium de villa romaine,
auquel se greffent des exèdres qui, ainsi séparées par un rang de colonnes,
semblent être une réminiscence d’un motif tel qu’en montrent l e s
s’ajouter à une série d’exemples comme la chambre à coucher du
thermes romains, objets de l’attention d’architectes comme Tr o u a r d ,
comte d’Artois à Bagatelle (17 7 7), d’après les dessins de François-
De Wailly et Pâris. Cette réalisation est une synthèse aboutie d’idées
Joseph Bélanger, ou la commode aux faisceaux de Guillaume Beneman,
Le projet de l’hôtel réalisé entre 17 8 8 et 17 9 1 pour Jean-Baptiste Antoine
présentes dans le pavillon de mademoiselle Guimard construit par
destinée au château de Saint- Cloud (17 8 6) { 5 7 } . Ce décor relève de
d’Arboulin de Richebourg, secrétaire de la Chambre et du Cabinet du
Cl a u d e -Nicolas Ledoux (17 7 0 - 17 7 2), dans l’hôtel du marchand Lebrun
P i e r re - Adrien Pâris.
l’attirance néoclassique pour les boucliers et les faisceaux d’armes en
roi, et administrateur des Postes de France, comprend plusieurs
par J.-A. Raymond (17 8 5 - 17 8 6) et dans divers décors en trompe-l’œil
Projet de boiseries d’un cabinet pour Charles-Fra n ç o i s ,
même temps qu’il inclut des allusions au commanditaire. Ajoutons
superbes dessins aquarellés pour le décor d’une salle à manger, d’une
comme celui de la Folie Beaujon, sous la direction de Nicolas-Cl a u d e
comte de Broglie, rue Saint-Dominique, à Pa r i s ,
que les boucliers du lambris proposés par l’architecte sont presque
bibliothèque et d’un billard. Vers 17 9 1, les troubles de la Révolution
Girardin{65} . Ajoutons que l’aspect de la pièce du temps où l’hôtel est
1778, plume, encre et lav is br un et beige,
52 x 36,2 cm. bmb
( c at. 60 )
identiques à ceux réalisés deux ans auparavant dans le vestibule
obligent Pâris à modifier notamment le programme de ces deux
occupé par la princesse Mathilde, cousine de Napoléon III, e s t
de l’hôtel d’Aumont. Parmi les exécutants du cabinet se trouvent
dernières pièces {63}.
documenté par un tableau bien connu de Charles Giraud.
probablement le sculpteur Antoine-Sébastien (?) Alavoine, le marbrier
Leprince et le peintre Pierre-François Wattebled {58}.
— 53
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P i e r re - Adrien Pâris.
Projet d’une bibliothèque pour l’hôtel d’Arboulin de Richebourg,
avec éclairage zénithal et poêle dissimulé dans le socle d’une sculpture,
v ers 17 8 8 - 1790, plume, encre et aqua r elle,
34,9 x 21,3 cm, bmb ( c at. 38 i)
L’architecte
et le mobilier
54 —
Plusieurs des projets évoqués montrent l’architecte concevant du
mobilier accordé à la boiserie {68}. Le mobilier reste un aspect de l’œuvre
du dessinateur à étudier. On peut lui attribuer déjà plusieurs projets,
non datés, inspirés de l’antique, parmi lesquels un guéridon dont le
pied central repose sur des pattes de lions {69} et une table circulaire
avec piètement à sphinges canéphores, enchaînées à un vase (SaintPétersbourg, musée de l’Ermitage) {70}. Apparenté à la table du billard
de l’hôtel de Richebourg, le bureau que Pâris a fait réaliser pour son
propre usage, conservé à la bibliothèque de Besançon, est peut-être
un meuble singulier mais sans conteste le parfait reflet du répertoire
décoratif de l’arch i t e c t e .
Menuisier et sculpteur non identifiés,
d’après le projet de Pierre-Adrien Pâris.
Bureau personnel de l’architecte, avec tabouret d’origine,
v ers 17 8 8 - 1792 prob a blement, ch ê ne sc ulpté,
t einté et peint en faux br onze, cuir tein t é ,
76 x 119,5 x 70 cm. bmb ( c at. 18 3 )
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet de la salle à manger d’été de
l’hôtel d’Arboulin de Richebourg,
rue de Courcelles à Paris
(élévation de l’exèdre de la fontaine,
La bibliothèque, offrant un autre exemple d’éclairage zénithal, est
avec paysage en trompe-l’œil,
couverte d’une coupole décorée d’un motif antique de vélum, inspiré
plans du sol dallé et du plafond),
de décors muraux romains et dont le premier essai de Pâris dans ce genre
v ers 17 8 8 - 1790,
remonte à son premier séjour italien{66}. Ce décor peut être comparé à des
p lume, encre et aqua r e lle,
34,8 x 22,8 cm. bmb
aménagements contemporains ainsi qu’à des projets de François-Joseph
( c at. 38 g)
Bélanger{67}. Enfin, le billard montre plusieurs éléments caractéristiques
des intérieurs de Pâris, en particulier les sièges drapés. Outre l’éclairage,
repris d’un billard des bals de la reine, c’est le projet de la table du billard
qui se distingue par ses sphinges, ses pieds fuselés terminés en chapiteau,
et par son imitation de bronze patiné.
— 55
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Décor
en province
notes
56 —
Des projets de décors intérieurs ont été exécutés en province, qui ont
L’art du décor intérieur, objet certes d’un soin tout particulier ch e z
{ 1 } . Montaiglon, Guiffrey 1887-1912, t. XII, p. 396.
{2} . BMB, Fonds Pâris, vol. 482, pl. XCI, nº 129
(commentaire sur le palais Massimo alle Colonne de B. Peruzzi et les architectes du xvi e siècle).
{40} . AN, MC, VII, 420, vente d’usufruit, Trouard au duc d’Aumont, 24 avril 1776 ; Pons 1995, p. 352.
{4 1 } . BMB, Ms. Pâris 7, f. 31 vº, vol. 453, nº 433 ; Pons 1995, p. 352 (repr.).
{42} . Vacquier 1930, pl. 42.
été partiellement conservés, notamment ceux des hôtels des frères
Pâris, n’en reste pas moins représenté dans son œuvre par un nombre
Tassin à Orléans (17 9 1 - 17 9 2) et d’une maison au Havre, dite « d e
restreint de grandes commandes, lequel s’explique par l’activité du
{4} . BMB, Fonds Pâris, vol. 482, pl. XC, nº 128.
{5} . BMB, Ms. Pâris 3, p. 56, nº 68.
{45} . Pons 1995, p. 342-355.
l’Armateur », pour Martin-Pierre Fo a che (vers 1 8 0 4). Dans les premiers,
dessinateur au service des Me n u s -Plaisirs et à l’Académie royale de
{6} . BMB, Fonds Pâris, vol. 453, n os 428 et 429.
{46} . BMB, Fonds Pâris, vol. 453, nº 417 ; carton M, III, nº 21.
{7} . BMB, Ms. Pâris 7, f. 2 rº (1 er avril 1773) ; Tours 2007, p. 203.
{47} . Rens. de Daniëlle Kisluk-Grosheide et Mechthil d Baumeister ; rapport d’analyse de Susan L. Buck,
{3} . Pinon 2007 I, p. 94-95. I b i d., chap. 3, p. 91-325, pour l’étude des monuments romains.
{4 3} . Lamers 1995, p. 310-311, nº 325-325a.
{44} . BMB, Fonds Pâris, Ms. Pâris 7, f. 31 vº.
on notera que des compositions de vases dans des rinceaux, ainsi que
musique, ainsi que celle de l’architecte sollicité également pour
des médaillons à personnages à l’antique, sont comparables à celles
des édifices publics. L’examen de l’architecture des hôtels particuliers
fournies pour le duc d’Au m o n t ; les compositions en arabesques
et des châteaux, dont il a fourni les décors {74}, montre que décor et
{10} . BMB, Fonds Pâris, vol. 482, Table, pl. XCV-XCVI, nº 133-134.
{50} . AN, MC, VII, 420 (cf. note 40).
comportent, en revanche, des motifs et des coloris d’une sobriété
distribution sont indissociables et que l’un et l’autre retiennent tout
{1 1 } . L’Isle-Adam 2001, p. 138 (11 décembre 1773).
{5 1 } . INHA, Fonds Doucet, 8º F 1287.
{12} . Une autre feuille aquarellée (49 x 33 cm) est apparue en 2001.
{52} . BnF, Est. Va 281b, t. 2, Seine, Paris, VIII e arr., H 64721-64722. MAD, Bibliothèque, album Maciet 236/27, f. 32.
accrue. Plusieurs points communs relient le décor des hôtels Tassin
autant son attention. De fait, Pâris soumet la conception du décor à
{13} . Jérôme de La Lande, Vo yage d’un françois en Italie, fait dans les années 1765 & 1766,
et celui d’une salle à manger circulaire, réalisée vraisemblablement
la convenance dictée par la nature des appartements et la hiérarch i e
{8} . BMB, Fonds Pâris, Ms. 6, p. 286 (feuillets insérés) ; Tours 2007, p. 202-207.
{9} . Giorgio Marini (dir.), G i ovanni Volpato 1735-1803, Bassano del Grappa,
Museo civico / Rome, Istituto nazionale per la grafica, 1988, p. 14 ; Corinna Höper,
« Bassano-Venedig-Rom : “Il dolce intaglio di Volpato” », Z e i t e n b l i ck e 2, 2003, nº 3, p. 9.
Paris, Hôtel Drouot, Étude Ader, 21 mars 2001, nº 93 (repr.).
Paris, Desaint , 1769, IV, p. 82.
{14} . BMB, Fonds Pâris, Ms 12, f. 55vº, et vol. 482, pl. LXXXVI, nº 124 (f. marqués 2 et 3).
{15} . BMB, Ms. Pâris 12, f. 70 rº.
Wrightsman Galleries Paint Research Project, The Crillon Room, juillet 2007.
{48} . La boiserie, qui a subi une intervention de conservation en 1997 suite à des dégâts d’eau,
n’est plus visible actuellement. Rens. de Glenn Andres et Emmie Donadio.
{49} . Lamers 1995, p. 315-317.
{53} . Waddesdon 2006, I, p. 376-381, 389, cat. nº 269a-270. Notices de Martin Meade.
{54} . AN, Z IJ 1089I , visite et estimation du 4 juillet 1782 (chap. 2).
Variante du projet : BMB, Fonds Pâris, carton C, nº 151.
{55} . Le Faubo urg Saint-Germain, La rue Saint-Dominique, cat. expo., Paris, Musée Rodin, p. 181-185 ;
Jordan 1990, I, p. 87-88 et 146 (Ann. IV) ; Pinon 1997 I, vol. I.1, p. 156-160 ; Lebeurre 2006, IV, p. 265-266, fig. 54.1-3.
d’après les idées de Pâris, dans la maison de l’Armateur : on retrouve
des pièces. Marqués au fil des années par une sobriété accrue, sous
{16} . BMB, Fonds Pâris, vol. 482, pl. LXXXVI, nº 124 (9 f. rº vº), et Ms. Pâris 12, f. 99 vº-100 rº.
{56} . Malibu , The Getty Research Institute , Carlhian Records, carton 118, n os 12603-12606 ; Rens. de Alexia Lebeurre.
notamment les médaillons mentionnés, aux figures très proches cette
l’influence de l’évolution du goût ou davantage pour se plier à la
{17} . Christian Michel (éd.), Le Vo yage d’Italie de Charles Nicolas Cochin (1758),
{57} . Sur ce type de décors : Christophe Leribault, « Faisceaux et canons : les ornements milit aires
nature des commandes, les intérieurs de l’architecte offrent alors un
{18} . Sur ce décor, voir surtout Roberto Pane, Il Rinascimento nell’I talia meridionale,
fois-ci
{71}
, tandis que de grandes figures féminines sont traitées en
blanc sur fond bleu dit « camée anglois » {72}, comme dans un projet
contraste d’autant plus frappant avec l’imagination et la fantaisie que
pour le château de Ne u i l l y - s u r -Eure{73}.
lui autorisent à la scène les sujets des spectacles.
Collection de l’École française de Rome, 145, Rome, 1991, p. 149.
Milan, 1977, t. II, p. 103-116, fig. 78-94.
dans les arts décoratifs de la fin de l’Ancien Régime », Histoires d’ornement,
actes du colloque de l’Académie de France à Rome, 27-28 juin 1996, Paris/Rome 2000, p. 225-240.
{58} . BMB, Ms. Pâris 7, f. 35 rº (relatif à une partie des travaux seulement ?).
{19} . Tome III, Paris, 1783, p. 22 et 146 notamment. Voir aussi Waddesdon 2006 I, p. 220, cat. nº 161.
{59} . BMB, Ms. Pâris 7, f. 30 vº et ss. ; Pinon 1997 I.1, vol. I, p. 108-165.
{20} . BMB, Ms. Pâris 6, p. 133 ss. ; Paris 1979, p. 82-83, 88-91, cat. nº 291-293 (repr.).
{60} . AN, T 129 1-2 , mémoire du menuisier Antoine Maréchal, modéré le 10 septembre 1781,
De Wailly fit graver les dessins par Desprez en 1776-1777.
{21} . BMB, Fonds Pâris, vol. 453, nos 440-442, 445-447, 452-454. La Galerie des Glaces,
Charles Lebrun maître-d’œuvre, cat. expo., Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon,
Paris, 2007, p. 156-157, nº 75-77.
et du sculpte ur Adam, le 15 janvier 1780.
{61} . BMB, Fonds Pâris, vol. 453, nº 391 (poêle de la bibl iothèque).
Jordan 1990, I, p. 189 ; Pinon 1997 I.1, vol. I, p. 667-669.
{62} . Coural 1994, p. 45-46 ; Coural et Gastinel Coural 1995, p. 57 (repr.).
{22} . BMB, Ms. Pâris 6, p. 156 (détails des Tuileries et de la Porte Saint-Denis).
{63} . BMB, Fonds Pâris, vol. 484, pl. XXXIII-XLI, n os 47-57. Rarick 1987, 148-171 ; Pinon 1997 I.1, vol. I, p. 694-699.
{2 3 } . Weiss 1821 I, nº 155.
{64} . BMB, Fonds Pâris, vol. 453, nº 90.
{24} . Voir plus bas Chr. Michel, p. 85.
{65} . Luc-Vincent Thiéry, Guide des amateurs et étrangers voyageurs à Pa r i s, Paris, 1787, t. I, p. 58.
{25} . BMB, Ms. Pâris 2, f. 27.
{66} . BMB, Fonds Pâris, vol. 482, pl. XCI, nº 129.
{26} . BMB, cote 262932.
{67} . Peter Fuhring, Fr a n ç o i s - Joseph Bélanger (1744-1818),
{27} . AN, O 1 30441, nº 362 (dessins fournis de 1772 à 1774).
{28} . BMB, Ms. Pâris 7, f. 30 vº-31 vº (mémoires réglés entre le 15 juin 1776 et le 19 décembre 1779). AN, Y 15393,
procès-verbal d’apposition des scellés, du 12 décembre 1782 au 28 avril 1783.
{29} . Sur cet hôtel : Jordan 1990, vol. I, p. 34-65, 145-146, et vol. II, fig. 9-109 ; Pons 1995, p. 338-362 ;
Paris 1998-1999, p. 33-42 ; Pinon 1997 I, vol. I.1, p. 113-118.
Paris, Galerie Didier Aaron / Galerie de Bayser, 2006, p. 37-46, nº 11-20.
{68} . Voir aussi Waddesdon 2006, I, p. 380, nº 270.
{69} . BMB, Fonds Pâris, vol. 453, pl. LVI, nº 159-160.
{70} . A. N. Voronikhina , Dessins d’architectes français dans les collectio ns russes, X V I I I e - X I Xe s i è c l e s (en russe),
Leningrad, 1971, p. 20, nº 27 (repr.), attr. à J.-D. Dugourc.
{30} . BMB, Fonds Pâris, vol. 456, f. 10 rº, nº 47.
{7 1 } . Lemonnier-Mercier 2007.
{3 1 } . BMB, Fonds Pâris, vol. 453, nº 455.
{72} . Anonyme, « La Maison de l’Armateur, musée d’histoire et d’arts décoratifs »,
{32} . Bol 1989 p. 370-379, cat. nº 123, pl. 215-216.
{33} . ENSBA, EBA 1932, 1938 et 1940.
L’Objet d’art, nº 432, février 2008, p. 50-51 (repr.) ; BMB, Fonds Pâris, carton M III, nº 1 ;
Rarick 1987, p. 313-314, Ann. IV.
{34} . Motifs comparables : BMB, Fonds Pâris, vol. 453, nº 417.
{73} . BMB, Fonds Pâris, vol. 484, pl. LVIII, nº 88.
{35} . Svend Eriksen, Early Neo classicism in Fr a n c e, Londres, 1974, pl. B.
{74} . Rarick 1987.
{36} . Bol (cf. note 32), III, Berlin, 1992, p. 196-200, cat. nº 320, pl. 126-127.
{37} . Cf. note 23.
{38} . BMB, Ms. Pâris 7, f. 30 vº (cornes d’abondance).
{39} . Restauration en 1998 par l’atelier Mériguet-Carrère à Paris.
— 57
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P i e r re - Adrien Pâris.
Projet d’un billard avec vestibule ou « sallon de charmille »
(élévations et plafonds), pour les bals de la reine
58 —
les décors
des divertissements
Successeur de Michel-Ange Challe (1718-1778), peintre et
et
des
cérémonies
professeur
de perspective,
Pierre-Adrien Pâris, a r chitecte et
DEinventif
L A et précis, possède plus
dessinateur à la fois
complètement que celui-ci les aptitudes requises pour remplir
les tâches très diverses de dessinateur de la Chambre et du
Cabinet du roi, poste qui contrôle les créations éphémères
de l’art de cour : essentiellement les décors des fêtes, des
bals et des cérémonies, les décors des opéras, des ballets et
des pièces de théâtre, ainsi que les pompes funèbres. Si nous
nous devons de regrouper l’évocation des décors de scène de
la Cour et de l’Opéra de Paris dans un autre chapitre, qui
suit, rappelons ici que les théâtres fixes de la Cour sont alors
les trois théâtres de Versailles (petit théâtre de la cour des
Princes, grand théâtre, lequel est rarement utilisé, et théâtre
de l’Aile neuve dès 1786, en remplacement du premier).
Marc-Henri Jo r d a n —
au château de Versailles, dans les « maisons de bois »
dressées sur le parterre du Midi,
projet portant la date de 1785, mais conçu et réalisé en 1787,
p lume, encre et crayon, 35,5 x 72,5 cm. bmb, fonds pa r is, vol. 453, nº 121
— 59
COUR
Successeur de Michel-Ange Challe (17 1 8 - 17 7 8), peintre et professeur
(sous la conduite de Pierre Sageret et de Mazière, et sous la surveillance
de perspective, Pierre-Adrien Pâris, architecte et dessinateur à la fois
de Louis-René Boquet), ainsi que les tapissiers (sous la direction de
inventif et précis, possède plus complètement que celui-ci les aptitudes
J a c q u e s -François Isidore Dècle). Abandonné s au décès de Marie
requises pour remplir les tâches très diverses de dessinateur de la
L e c z i n s ka, ces bals reprennent dès 17 7 5, sous la responsabilité
Chambre et du Cabinet du roi, poste qui contrôle les créations
de Marie-Antoinette qui intervient personnellement dans leur
éphémères de l’art de cour : essentiellement les décors des fêtes,
organisation. Ces bals sont ceux du Carnaval et ont lieu entre janvier
des bals et des cérémonies, les décors des opéras, des ballets et des
et février quand ils ne débutent pas fin décembre{1}. On en donne aussi
pièces de théâtre, ainsi que les pompes funèbres.
en l’honneur de visites à Ve r sailles de souverains étrangers, tels Joseph II
Si nous nous devons de regrouper l’évocation des décors de scène de
en juillet 17 8 1 (reçu sous le nom du comte de Falkenstein), de Paul Ier
la Cour et de l’Opéra de Paris dans un autre chapitre, qui suit, rappelons
de Russie en juin 17 8 2 (voyageant sous le nom du comte du No r d ) ,
ici que les théâtres fixes de la Cour sont alors les trois théâtres de
et de Gustave III en juin-juillet 17 8 4 (le comte de Haga). Selon
Versailles (petit théâtre de la cour des Princes, grand théâtre, lequel est
l’importance de ces bals, différents lieux sont temporairement
rarement utilisé, et théâtre de l’Aile neuve dès 17 8 6, en remplacement du
réaménagés et transformés, à l’intérieur comme à l’extérieur du château
premier), ainsi que celui du château de Fontainebleau, celui éphémère
de Versailles : appartement de la reine, appartements de Madame et
du bosquet de Bacchus à Marly (jusqu’en 17 8 1) et plus rarement celui
de la princesse de Lamballe, salon d’He r c u l e { 2 } , petit théâtre de la
de Choisy.
cour des Princes, pièces de la Vieille Aile, puis également dans des
Les décors et salles démontables servant aux bals de la reine occupent
« maisons de bois » empiétant sur la cour royale et déployées enfin
le dessinateur dès sa nomination en 17 7 8, ainsi que ceux réalisant ses
sur la terrasse de l’aile du Midi ; d’autres bals et fêtes sont organisés
projets, les menuisiers (Je a n -Baptiste Francastel à leur tête), les peintres
à Trianon ou à Saint-Cl o u d .
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P i e r re - Adrien Pâris.
Disposition des salles des bals de la reine
au château de Versailles, aménagées dans
les « maisons de bois » dressées sur la cour
R o yale (la salle à manger,
la « salle des Buffets » et la « salle de Je u »),
dans les pièces de la Vieille Aile
et dans l’ancienne salle de comédie
de la cour des Princes (la « salle du Bal » ) ,
projet complétant la disposition de 1785,
60 —
1786,
p lume, encre et aqua r elle,
60,8 x 70,4 cm. bmb
( c at. 64)
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet d’une salle à manger (élévation du petit côté) pour les bals de la reine au château de Versailles, dans une « maison de bois »
La disposition de ces pièces complétées l’année suivante, avec modification
dressée sur la cour Royale, projet réalisé en 1785, a q ua r elle et go ua che sur traits de plume, 15,3 x 37,3 cm. bmb
de la salle à manger et création d’une nouvelle salle de jeu à panneaux
( c at. 63 b)
d’arabesques{10}, est connue par un plan montrant l’accroissement des
Ces salles démontables, dont la structure est en bois et le décor en
Dès 17 8 3, alors que la salle de bal est aménagée dans le petit théâtre
« maisons de bois » sur la cour Royale{11}. En 17 8 7, un essaim de pièces
habilement articulées, occupant le volume de plusieurs maisons de bois
grande partie peint sur des châssis, métamorphosent et mettent au goût
de la cour des Princes, une « maison de bois » abritant la salle à
du jour des pièces telles que, dans le grand appartement de la reine,
manger est dressée contre la façade de la Vieille Aile, sur la cour
dressées désormais sur le parterre du Midi, fait naître en quelque sorte
la salle du grand cabinet (salle des No b l e s ) {3} ou celle de l’antich a m b r e
Royale. En 17 8 5, plusieurs pièces importantes sont désormais logées
un nouveau palais {12}. Le raffinement a atteint son apogée, car les bals
du Grand Couvert{4}. Pâris donne en décembre 17 7 9 le dessin d’une
dans des « maisons de bois » accolées à la façade sur ladite cour {8} ,
de la reine n’auront plus lieu après la réunion de l’assemblée des
salle de bal pour cette dernière, dont il supervise le montage pour les
dédoublant ainsi le corps de logis et rendant plus commode la
Notables (2 2 février 17 8 7). Dans cette nouvelle configuration, Pâris
bals de janvier 17 8 0 {5}. Cette salle est d’ordre ionique et composée de
circulation entre les différentes pièces des bals (buffet, salle à manger,
a dessiné plusieurs pièces nouvelles dont les projets sont conservés :
seize arcades (dont six garnies de glaces). Les pilastres et la frise sont
salle de jeu, foyer, etc.), ce que ne permettent pas les grandes pièces
le foyer formant un bosquet, orné de glaces peintes {13}, prolongé en
peints couleur de lapis-lazuli, les corps d’architecture de jaune antique
rectangulaires en enfilade dans le reste du château. Trois dessins
« cabinet de verdure » ouvrant sur le billard ; la salle du Bal, rythmée
et toutes les moulures rehaussées d’or ; le plafond, ouvrant sur un ciel,
de la nouvelle salle à manger viennent illustrer cette fois-ci la
de colonnes et ouverte sur une galerie au pourtour (bordée de loges
possède une riche voussure ornée de trépieds, de cassolettes, de
contribution de Pâris { 9 }. Cette pièce se caractérise par son ordre
sur deux côtés {14}), qui est au centre d’une enfilade débutant avec la
médaillons, ainsi que de bas-reliefs peints en manière de camée à fond
ionique de colonnes cannelées ; le décor est peint en couleur
salle de jeu du roi et aboutissant à la salle du Buffet{15} . La salle de
{6}
bleu, représentant des danses de bacch a n t e s . En 17 8 2, on réalise des
améthyste, bleu turquin, blanc veiné, avec des ornements blancs.
Jeu, à fond lilas et ornements blancs, semble être celle de 17 8 6, avec
décors pour les bals de Carnaval, montés dans la salle du petit théâtre
Rappelant celui de la petite salle à manger de l’hôtel d’Aumont, le
des modifications de détails et des glaces peintes de vases de fleurs {16}.
du château (salle de bal) et, dans la Vieille Aile de la cour Royale, dans
décor d’arabesques des portes, sur fond de bois satiné, mêle des
celles des Ambassadeurs et du Conseil. La même année, pour la visite
figures, des branches de laurier et des couronnes en imitation de
du comte du Nord, Pâris apporte des changements à la salle de bal
dorure. Les dessus-de-porte sont décorés de cornes d’abondance et
du grand théâtre (celle du mariage du dauphin en 17 7 0) {7}.
de têtes de muses en imitation de bronze.
P i e r re - Adrien Pâris.
Disposition des salles de bals de la reine au château de Versailles, dans les « maisons de bois » du parterre du Midi, variante réalisée avec quelques modifications,
comprenant la « salle du Bal », le billard et son foyer (p. 59), d’autres salles de jeu particulières, et la salle à manger dans l’ancienne salle de comédie, détail,
1787, plume, encre et aqua r elle, 91,5 x 62,5 cm. bmb ( c at. 65)
— 61
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62 —
— 63
P i e r re - Adrien Pâris.
Vue générale du corps du feu d’artifice érigé vis-à-vis de la salle de bal de Marly à l’autre bout de la grande pièce d’eau,
1781, crayon, plume, encre br une et aqua r e lle, 25,5 x 51,5 cm. bmb ( c at. 62)
Les raffinements de ces aménagements sont évoqués par le comte
Pâris a classé, parmi les dessins composant le IXe volume de ses É t u d e s
d’Hézecques, ancien page de la reine : « On entrait d’abord dans un
d ’ a rc h i t e c t u re, les dessins d’un projet réalisé, écrit-il, pour une fête
bosquet de verdure garni de statues et de buissons de roses, et terminé
organisée à Marly en l’honneur de la naissance du Dauphin en 17 8 1
par un temple ouvert où était le billard. La verdure un peu sombre
ou 17 8 2. La salle de banquet et de bal est aménagée dans un grand
du bosquet rendait plus éclatante l’illumination du billard. À droite,
pavillon en forme de bosquet taillé, dont l’intérieur dissimule sous
P i e r re - Adrien Pâris.
de petites allées conduisaient dans la salle de danse et dans celle de
un décor de treillages, destiné à la fête de jour, une arch i t e c t u r e
Projet d’une salle de banquet
jeu ; et pour conserver aux joueurs le tableau de la danse sans laisser
néoclassique avec une colonnade autour de l’espace central, des
et de bal pour une fête, réalisée
évaporer la chaleur de ce beau salon, on avait clos une des portes par
panneaux de grotesques et des fonds de draperie, qui sert de cadre au
une énorme glace sans tain, transparente au point qu’il fallait y placer
bal. La salle est complétée de « salles de rafraîch i s s e m e n t ». Ce pavillon
selon le dessinateur, en l’honneur
de la naissance du dauphin
L o u i s - Joseph Xavier François
un suisse en sentinelle pour empêcher quelques maladroits de vouloir
d’une construction légère fait face, à l’autre extrémité du miroir
(1781-1789), fils de Louis XVI
passer à travers. {17} » Par ailleurs, ce sont ces décors (une « salle avec
d’eau, à un corps d’architecture en hémicycle adapté à la forme du
et de Marie-Antoinette, dans le parc
une superbe colonnade », un « bosquet de fleurs » et une « ch a m b r e
bassin, qui est la « décoration » du feu d’artifice{19}. D’ordre dorique,
du château de Marly, comprenant
de pierre ») qui font l’objet, avec leur mobilier, d’une annonce de
l ’ a r chitecture est traitée en bossage et ornée de congélations. Les
en trompe-l’œil, le plan de l’intérieur
vente dans le Journal de Paris, les 1 6 et 1 8 août 1 8 0 0, avec la précision
frontons maniéristes et l’obélisque de la fontaine reflètent les études
de la salle tra n s f o r m a b l e
qu’ils sont en parfait état, « n’ayant servi qu’une seule fois » {18}.
l’élévation de l’extérieur du bosquet
italiennes du dessinateur. Fort curieusement, aucun document ne
et les élévations de son décor
mentionne cette superbe fête à Marly, de telle sorte que l’on peut
pour la fête de jour et la fête de nuit,
douter du témoignage du dessinateur, visiblement fier de son projet {20}.
1781, plume, encre noire et aqua r e lle,
37,3 x 35,7 cm et 19,7 x 35,7 cm. bmb
Caractérisé par son décor de faux bosquet et de treillages, le projet
( c at. 61 a-b)
répond à un programme de fête imaginé en 17 7 5 déjà, donc
antérieurement à l’entrée en fonction de Pâris. Il se situe aussi dans
la lignée du théâtre du bosquet de Bacchus de 17 7 8 - 17 7 9, dont le
projet devrait logiquement être de Pâris{21}.
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La Cour renonçant au séjour de Marly après 17 8 1, la salle du bosquet
Prenant l’apparence d’un bosquet, la salle est dotée d’un ingénieux
n’est plus utilisée et se trouve dans un état dégradé en 17 8 5 de telle
plafond suspendu de hauteur variable pouvant masquer au besoin
sorte que l’on procède à sa démolition au début de l’année suivante.
les troisièmes loges. Aménagé dans une grande maison de bois ou
Ceci explique sans doute qu’en 17 8 5 , parallèlement à l’aménagement
la réunion de plusieurs, ce théâtre possède une scène équipée de huit
du théâtre de l’Aile neuve en collaboration avec les Bâtiments du roi
plans de châssis mais en revanche d’un seul niveau de dessous,
mais d’après le projet de Pâris (la salle est inaugurée en janvier 17 8 6) {22},
n’étant que posé sur le sol { 2 6 }. C’est un projet un peu différent,
les ateliers des Me n u s -Plaisirs réalisent un théâtre démontable
{23}
.
Cette construction est remarquée par les M é m o i res secrets : « Le sieur
i n t r o d u i sant une structure plus architecturale dans le décor de
verdure, qui est finalement réalisé {27}.
Francastel, qui a un talent singulier pour les salles des petits spectacles
64 — & l’auteur de presque toutes celles des boulevards, a été chargé d’en
— 65
construire une portative pour la Re i n e : elle se monte & se démonte
avec la plus grande facilité & suivra sa Majesté dans ses différents
voyages. {24} » Plusieurs plans de Pâris, correspondant à deux projets dont
le dessinateur et le menuisier partagent la paternité, ont trait à un
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet de théâtre démontable pour Marie-Antoinette,
« théâtre ambulant », en particulier une superbe coupe aquarellée qui
1785, plume, lav is et aqua r elle, 61,9 x 84 cm. bmb
en résume l’esprit {25}.
( c at. 80 )
P i e r re - Adrien Pâris.
P i e r re - Adrien Pâris.
Catafalque de la pompe funèbre de l’impéra t r i c e
Catafalque de l’impératrice Marie-Thérèse
Marie-Thérèse à Notre-Dame de Paris, face antérieure,
à Notre-Dame de Paris, face latéra l e ,
1781, plume, encre et aqua r e lle, 27 x 17 cm. bmb
1781, plume, encre et aqua r e lle, 27,3 x 18,2 cm. bmb
( c at. 66 a)
( c at. 66 b)
Durant son activité aux Me n u s -Plaisirs, Pâris a conçu les catafalques
Pâris et Durameau ont soumis deux variantes, dont celle retenue est
de plusieurs pompes funèbres {28}, parmi lesquels ceux de l’impératrice
conservée à Besa n ç o n { 3 1 } . Le catafalque, jugé d’un genre nouveau,
M a r i e -Thérèse d’Au t r i che (17 17 - 17 8 0) { 2 9 } et de Charles I I I, roi
accorde un rôle éminent à la sculpture, d’après les projets de
d’Espagne (17 1 6 - 17 8 8). Celui de Marie-Thérèse, le plus remarquable,
Du r a m e a u {32}, exécutés par Augustin Bocciardi, sauf les bas-reliefs
illustre l’étroite et fructueuse collaboration du dessinateur et du
historiés latéraux réalisés en trompe-l’œil par le peintre. Dressé dans
peintre de la Chambre et du Cabinet du roi. Il nous est connu en
le chœur de l’église, le catafalque montre sur sa face antérieure le
premier lieu par des dessins et des esquisses à l’huile, mais aussi
groupe de la France présentant à l’Europe affligée la descendance de
par des gravures de Je a n -M i chel Moreau, graveur du cabinet, qui
Marie-Thérèse, tandis que celui de la face postérieure représente la Mo r t
accompagnent la description du mausolée et de la pompe funèbre,
enlevant à la Terre éperdue le portrait de l’impératrice. Les reliefs
publiée à l’occasion de la cérémonie qui a lieu à No t r e -Dame de
latéraux illustrent des grandes actions du règne de la souveraine, tandis
Paris le 31 mai 17 8 1 { 3 0 }.
que des vertus entourent le sarcophage posé sur le grand socle central.
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notes
66 —
Aux angles du soubassement, les grands candélabres à l’antique
supportent des cassolettes. Contrastant avec les imitations de marbres
du monument, ces éléments sont dorés, comme les divers ornements,
{ 1 } . Marie 1968 (repr.) ; Gruber 1972, p. 204-205, fig. 94-96 ; Gruber 1973 II, p. 218 et 221, fig. 2-6 ;
Verlet 1985, p. 592, 620-625 ; Pinon 1997 I, I.1, p. 369-375, et VI, fig. 121-126 ;
Versailles 2007, p. 108-110 ; Paris 2008, p. 271.
{2} . AN, O 1 312914, nº 163 (bal du 25 février 1778).
{3} . AN, O 1 30668, nº 530 (bal de février 1784).
{4} . Verlet 1985, p. 592.
tandis que les sculptures et les reliefs imitent le marbre blanc. Le
{5} . BMB, Fonds Pâris, carton R II, nº 6, rº vº (dessin de l’atelier des Menus-Plaisirs, 19 décembre 1779) ;
sarcophage est inspiré d’un célèbre sarcophage antique de Rome,
{6} . AN, O 1 30557, nº 142.
jadis devant le Panthéon et réemployé pour le monument funéraire
I b i d., Ms. Pâris 23, f. 4 rº, 16-22 décembre 1779.
{7} . AN, O 1 30624, nº 629 et 636.
{8} . AN, O 1 306913, nº 383.
{9} . Non reproduit : BMB, Fonds Pâris, vol. 484, pl. VII, nº 12 ; Gruber 1972, fig. 96 ; Versailles 2008, p. 271, nº 193.
du pape Clément XII à la basilique Saint-Jean du Latran. Pâris a
{10} . BMB, Fonds Pâris, carton R II, nº 1 ; AN, O 1 306913, nº 386 ; Marie 1968, p. 72, 2e et 4 e ill.
effectué des relevés détaillés{33} de ce sarcophage dont il possède aussi
{1 1 } . AN, O 1 306913, nº 386.
un modèle en bois peint.
(le plafond est à motif de velum).
{12} . Changements exécutés : BMB, Fonds Pâris, carton R II, nº 15.
{13} . BMB, Fonds Pâris, vol. 453, nº 90 et 93 ; Gruber 1973 II, p. 221, fig. 2-3.
{14} . Loges avec figures féminines portant une corne d’abondance soutenant une girandole :
Gruber 1973 II, p. 221, fig. 6.
Le catafalque de Charles III, non réalisé au terme des six mois du deuil
(juin 17 8 9), en raison des événements, est connu par des projets { 3 4 }
et une fragile maquette de bois et de cire, exceptionnellement
Atelier des Me n u s -P l a i s i r s .
Maquette du catafalque de la pompe funèbre de Charles III
(1716-1788), roi d’Espagne, à Notre-Dame de Pa r i s
1789,
bois peint et doré, mé tal, cire peinte et dor é e ,
{17} . Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI par Félix, comte de France d’Hézecques, Paris, 1873, p. 225.
{1 8} . Journal de Pa r i s, 8 fructidor an VIII, p. 1678 ter, et 10 fructidor an VIII, p. 1696 bis.
Rens. de Christian Baulez, que je remercie.
{19} . Gruber 1972, p. 128-132, 202-203 et fig. 83-87.
c o n s e r v é e {35}. La maquette montre que le soubassement avec ses
{20} . Castelluccio 1996, p. 27-29, fig. 3-6 ; Paris 2008, p. 268-270, nº 190-192 (considérés comme réalisés).
candélabres et le sarcophage sont repris du catafalque de l’impératrice.
{22} . Sur cet aménagement, cf. Claude Michel 1975.
En revanche, le monument, plus dépouillé, est dominé par deux
{24} . Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des lettres en Fr a n c e,
colonnes de porphyre ayant en leur sommet des victoires tenant une
{25} . Plans en rapport avec la coupe aquarellée : BMB, Fonds Pâris, notamment vol. 483, nº 315,
couronne, comme l’a été en 17 74 le catafalque de Michel-Ange Challe
pour Louis XV, avec sa colonne rostrale historiée.
42 x 16,5 x 21,4 cm.
mb aab ( c at. 179)
{15} . BMB, Fonds Pâris, carton R II, nº 15-16.
{16} . AN, O 1 30781, nº 379.
{2 1 } . Sur ce théâtre, cf. Castelluccio 1992.
{23} . Verlet 1985, p. 624.
t. XXX, Londres, 1786, p. 117, 19 décembre 1785.
et carton R I, nº 19-31. Plans de l’autre projet : vol. 483, nº 322 et carton R I, nº 42.
{26} . Le calque d’un dessin non localisé de Pâris montre le cadre de scène : L’Épine 2001, p. 109, fig. 133 (coll. part.).
{27} . AN, O 1 306911, nº 292-295, 297, 306 et 309.
{28} . Outre le catafalque de l’impératrice Marie-Thérèse, Pâris écrit avoir aussi
« composé celui de Madame Sophie de France tante du Roy ; de Mgr le Duc d’Orléans Ier.
Prince de sang et du Roi d’Espagne Charles III » (BMB, Fonds Pâris, vol. 484, « Table », pl. VIII).
Pour clore cette évocation des activités du dessinateur du roi,
rappelons peut-être que Pâris, par sa fonction plus que par ch o i x ,
fut aussi amené à construire à Versailles, à l’hôtel des Me n u s -Plaisirs,
des salles provisoires installées là par commodité et imposées par les
circonstances : celle de l’Assemblée des Notables, ouverte en février
17 8 7, et celle de l’Assemblée des États- Généraux, en avril 17 8 9 { 3 6 } .
On ne connaît pas de dessin des deux premiers, de 1782 et 1786 (Gruber 1972, p. 179) ;
l’idée d’un catafalque est abandonnée pour respecter le vœu de la défunte (AN, O 1 842, f. 72 rº).
{29} . Gruber 1972, p. 112-113, fig. 66-67.
{30} . Description du mausolée et de la pompe funèbre de très-haute, très-p uissante et très-excellente princesse,
M a r i e - Th é r è s e - Walpurge-Amélie-Christine d’Au t r i ch e, i m p é r a t r i c e, reine de Hongrie et de Bohême,
Paris, P.R.C. Ballard, 1781, in-4º, 20 p. et 3 pl. gr. Pâris a conservé les dessins préparatoires de Moreau le Jeune
(Leclair 2001, repr. p. 260 et 262). On réalise 1 600 tirages de chacune des gravures
(AN, O 1 3060 3, 3e chapitre, mémoire du 1 er juin 1781).
{31} . Dessins aquarellés du premier projet : musée du Louvre, département des Arts graphiq ues, RF 40468
(face postérieure et plan), et ENSBA, O. 822 (élévation latérale) ;
Acquisitions 1984-1989, cat. expo., cabinet des Dessins, musée du Louvre, Paris, 1990, nº 162, repr.
{32} . Leclair 2001, p. 168-172, nº p. 73-p. 78, et p. 260-264, nº d.112 a-d.112 Q.
{33} . BMB, Fonds Pâris, vol. 476, pl. XXXV-XXXVI, nº 62-63.
{34} . Gruber 1973 I, p. 46, repr.
{35} . Sculptures en cire de l’ancienne Égypte à l’art abstrait (Notes et documents des musées de Fr a n c e, 18),
Paris, 1987, p. 120-121, nº 20, repr.
{36} . Sur ces réalisations : Versailles 1989 ; Pinon 1997 I, vol. I.1, p. 386-431 ; Washington 1978, nº 78.
— 67
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l’érudition
et l’imagination :
68 —
décors
scène
Dessinateur des « décorations » pour les théâtres de la Cour
dès 1778, puis aussi de l’Académie royale de musique dès 1784
LES
(charge officialisée dès l’année suivante), Pierre-Adrien Pâris
est de fait le premierDE
créateur de décors scéniques à la
fin de l’Ancien Régime. À l’Académie royale de musique,
sa nomination en 1785 concrétise la volonté d’attach e r
à l’institution un dessinateur pour les décors. Cette situation
n’est pas celle des années 1770 et du début des années 1780,
période pendant laquelle on s’est adressé à divers artistes.
Ainsi, Pierre-Antoine Demachy, peintre d’architecture formé
par Servandoni, est-il sollicité en 1776 pour au moins l’un des
décors de la création de l’Alceste de Gluck. En 1778, des peintres
décorateurs italiens renommés, Bernardino et Fabrizio Galliari,
amenés par Nov e r r e, projettent et réalisent dix nouveaux
décors pour l’Opéra ; la même année, on recourt aux dessins.
À l’Académie royale de musique, Pâris est membre du comité ; il
participe aux réunions hebdomadaires de celui-ci, donne ses projets
Marc-Henri Jo r d a n —
et assiste au moins aux deux dernières répétitions de chaque spectacle{9}.
Pour les ouvrages nouveaux, le dessinateur est amené à collaborer
étroitement avec les librettistes ; on possède néanmoins peu de
renseignements sur la mise au point des programmes de décorations,
exception faite des lettres envoyées par Marmontel concernant la mise
en scène de Pénélope à Fontainebleau en 17 8 5 {10}. La conception des
décors est tributaire de l’équipement des scènes des différents théâtres
de la Cour et de l’Opéra ; elle implique la collaboration constante de
celui qui les maîtrise parfaitement, le machiniste Pierre Boullet
( ? -1804) {11}. Les parts du dessinateur et du machiniste dans le succès
Dessinateur des « décorations » pour les théâtres de la Cour dès 17 7 8,
d’un décor sont complémentaires, à tel point que le public et la presse
puis aussi de l’Académie royale de musique dès 17 8 4 (charge officialisée
louent tour à tour le dessinateur et le machiniste, quand ils n’attribuent
dès l’année suivante), Pierre-Adrien Pâris est de fait le premier créateur
pas la paternité du décor au seul machiniste. Une équipe de peintres
de décors scéniques à la fin de l’Ancien Régime.
spécialisés, travaillant pour la Cour et la Ville, réalisent les projets du
À l’Académie royale de musique, sa nomination en 17 8 5 concrétise la
dessinateur. Parmi ceux-ci, Jean-Baptiste Sarrazin (Sarrazin l’Aîné) et
volonté d’attacher à l’institution un dessinateur pour les décors. Ce t t e
Sarrazin le Cadet, peintres d’architecture et peintres traceurs, Pierre-Edme
situation n’est pas celle des années 17 7 0 et du début des années 17 8 0,
Baudon (17 17 - 17 8 7) puis son fils Auguste, peintres de paysage, Protain,
période pend ant laquelle on s’est adressé à divers artistes. Ainsi,
peintre d’architecture, Toussain Guibert, peintre de fleurs, et Jean-Baptiste
Pierre-Antoine Demachy, peintre d’architecture formé par Jean-Nicolas
Crosnier (Le Crosnier), peintre d’architecture (décédé en 17 9 1).
Servandoni, est-il sollicité en 17 7 6 pour au moins l’un des décors de
Les théâtres de la Cour pour lesquels Pâris doit donner des dessins de
la création de l’Alceste de Gluck {1}. En 17 7 8, des peintres décorateurs
décors sont, à Versailles, le grand théâtre (utilisé dans les très grandes
italiens renommés, Bernardino et Fabrizio Galliari, amenés par
occasions uniquement), et surtout, jusqu’en 17 8 5, le petit théâtre de
Jean- Georges No v e r r e {2}, projettent et réalisent dix nouveaux décors
la Cour des princes puis, dès 17 8 6, le théâtre alors aménagé dans l’Aile
pour l’Opéra{3} ; la même année, on recourt aux dessins de Pierre-Louis
neuve pour les représentations régulières. À Fontainebleau, le théâtre
Moreau, l ’ a r chitecte de l’Opéra construit en 17 7 0 {4}. Puis, en 17 8 3,
de la Belle-Cheminée, aménagé en 17 2 4 - 17 2 5, dont la scène est refaite
Jean-Démosthène Dugourc ajoute à la responsabilité des costumes
en 17 5 4, accueille durant la période de Pâris aux Me n u s -Plaisirs les
celle des décors (on connaît de lui un projet pour Alexandre aux
spectacles des séjours de la Cour de 17 8 3, 17 8 5 et 17 8 6. Pâris a dessiné
Indes) {5}. La circonstance du retour de l’Opéra sous la tutelle du roi
également les décors de spectacles donnés à Marly et à Choisy.
en 17 8 0 a favorisé le choix du dessinateur de la Chambre et du Cabinet
Un ensemble d’environ 3 0 0 dessins illustre encore l’activité du
du roi, qui avait par ailleurs fait ses preuves, au détriment de Du g o u r c .
dessinateur de décors, en majorité regroupés dans le tome V de ses
Si le titre de Pâris à l’Académie royale de musique est celui
Études d’architecture, complétés par de nombreux relevés de théâtre
d’« a r ch i t e c t e - d e s s i n a t e u r », on constate que le dessinateur est mis à
réalisés en Italie par Pierre Patte puis par Potain (entre 174 5 et 174 9),
contribution plus que l’architecte. L’essentiel de son travail est en
en vue de la construction du grand théâtre de Ve r sa i l l e s { 1 2 } . Si les
effet la création des décors ainsi que l’adaptation et le complément
dessins annotés ou identifiés jusqu’ici sont datables entre 17 8 1 e t
des nombreux décors disponibles dans les magasins. En 17 8 6 {6} e t
17 9 2 {13}, le travail de Pâris a débuté dès sa nomination en 17 7 8 aux
17 8 8 {7}, l’ajout de loges au théâtre de la Porte Saint-Martin (salle de
Me n u s -Plaisirs. Le fonds de Besançon contient les dessins qu’il a pu
l’Opéra de 17 8 1 à 17 9 4) est encore confié à Samson-Nicolas Lenoir,
récupérer irrégulièrement auprès des peintres et qui, selon lui, ne sont
l’architecte qui l’a édifié. Dans cette salle, Pâris réalise surtout « une
pas les projets les plus intéressants. Au cours de son activité à la fois
décoration d’un nouveau genre & beaucoup plus considérable que
pour les Me n u s -Plaisirs et pour l’Opéra, Pâris aura dessiné des décors,
l’ancienne », transformant le parterre du théâtre en salle pour les bals,
des éléments ou des accessoires de décors pour de nombreux opéras,
dispositif démontable achevé pour ceux de janvier 17 8 9 {8}.
ballets et pièces de théâtres, presque quatre-vingt au total {14}.
— 69
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P i e r re - Adrien Pâris.
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet d’un rideau de fond pour les comédies
Projet non identifié d’un décor représentant une prison de style
au théâtre de Fontainebleau,
p i ranésien (avec indication des châssis et du rideau de fond)
1783, plume, encre et gra p hite, 28,5 x 34,6 cm. bmb
v ers 17 8 5 - 1790, plume, gra p hite, encre et lav is, 15,2 x 16,6 cm. bmb
( c at. 70 a)
( c at. 74 a)
Les comptes rendus des spectacles de l’Académie royale de musique,
régulièrement publiés dans le M e rc u re de France, le J o u rnal de
Paris ainsi que les Affiches, annonces et avis divers (Journal général
de France), commentent aussi les décors réalisés d’après les projets
de Pâris et se font l’écho du succès souvent rencontré par ceux-ci
70 — auprès du public. Ces « décorations » sont qualifiées de « superbes »,
— 71
de « somptueuses », de « brillantes », et répondent à la « pompe » que
requiert le sujet des opéras ou des ballets en question, distinguant en
cela l’Académie royale de musique des autres spectacles parisiens.
Pendant la période d’activité de Pâris à l’Opéra, entre 17 8 4 et 17 9 2,
P i e r re - Adrien Pâris.
S o u t e r rain où sont enfermés Oreste et Pylade dans Iphigénie en Tauride
ce sont les décors de quelque vingt-cinq spectacles qui recueillent les
louanges du public et de la presse
{15}
de Gluck, à l’acte II, réalisé pour une reprise à l’Opéra de Paris en 1790,
. Leur liste permet d’énumérer la
plupart des créations importantes de Pâris dans ce domaine, exception
p r ojet de 1789, plume, encre ca r minée et crayon, 16,2 x 19,9 cm. bmb ( c at. 77 a)
En 17 8 7, c’est l’exotique et somptueuse mise en scène de Ta r a re, opéra
faite néanmoins des spectacles donnés à la Co u r, lesquels, à cette
de Beaumarchais et Salieri, puis les décors de la création d’Alcindor,
Outre l’ensemble des dessins de Besançon, il subsiste cette fois-ci parmi
époque, n’ont plus l’écho dans la presse parisienne qu’ils avaient dans
opéra-féerie de Ro chon de Chabannes et Dezède, de la reprise de
les rarissimes éléments de décors de scène français du xviii e siècle,
la seconde partie du règne de Louis XV. Du temps de Pâris, on notera
Pénélope, créée peu auparavant à la Co u r, et de celle d’Armide qui
d’exceptionnels éléments redécouverts il y a quelques années seulement
l’exception de la représentation d’A rm i d e, de Quinault et Gluck ,
occupent les rédacteurs de la rubrique des spectacles. De la même
au château de Fo n t a i n e b l e a u {18} : une douzaine de châssis et terrains
Si l’importance accordée au Panthéon semble relever aussi de
sur la scène du grand théâtre de Ve r sailles en l’honneur de la visite
manière, en 17 8 8, les décors réalisés pour Le Désert e u r, ballet d’action
c o m p o sant le tableau de l’arrestation dans le ballet du D é s e rt e u r, de
l’influence des gravures de Piranèse, dont Pâris en possède de
de Gustave III de Suède, en juin 17 8 4 {16} . L’abondance des sujets qui
de Gardel et de Müller, dit Miller, calqués sur la mise en scène du séjour
Gardel, correspondant à la mise en scène bellifontaine de 17 8 6, laquelle
nombreuses, un projet de prison s’inscrit nettement dans la veine
occupent les feuillets de ces gazettes explique aussi qu’elles se
bellifontain de la Co u r, ainsi qu’Arvire et Evelina, tragédie lyrique
fut reprise à l’Opéra en 17 8 8. Le décor de la production parisienne
piranésienne. En fait, il ne peut se comprendre sans évoquer un illustre
consacrent avant tout aux trois principaux spectacles de la capitale.
de Guillard et Sacchini (et Rey), rencontrent la faveur du public,
est connu par une gouache de Moreau, dit Moreau l’Aîné, et une
précédent, celui du décor de prison que De m a chy réalise en 17 6 0,
La saison de l’Opéra débutant après la pause de Pâques 17 8 4 voit le
tandis que, l’année suivante, Aspasie, opéra de Morel de Chédeville
gravure qui montre le décor transporté, d’une façon imaginaire, sur
d’après la prison de la Prima parte di architettura e pro s p e t t i v e de
succès des décors de Pâris pour Diane et Endymion, opéra du chevalier
et de Grétry, et Nephté, tragédie lyrique de Hoffman (d’après Thomas
la scène du théâtre de la République {19}. Ajoutons que se trouve encore
Piranèse, pour l’opéra de Dardanus de Rameau, à l’occasion de la
de Liroux et Piccinni, marquant, semble-t-il, les débuts du dessinateur
Corneille) et Lemoyne, avec ses décorations égyptiennes, séduisent
au château une partie des châssis du souterrain de N u m i t o r, tragédie
reprise de l’ouvrage à l’Académie royale de musique. Ce décor, ou
à l’Opéra, puis des décors des D a n a ï d e s, de Le Blanc du Roullet et
les spectateurs. En 17 9 0, Louis IX en Égypte, opéra de Guillard et
de Marmontel, décor pratiquement achevé au moment où l’on décide
plus exactement la partie commune à la planche de Piranèse,
Salieri, occasion qui vaut au dessinateur d’être cité nommément, e t
Andrieux, et de Lemoyne, ainsi que Télémaque dans l’île de
finalement de ne pas représenter la pièce.
modèle que De m a chy avait su faire précéder de châssis assortis, de sa
enfin ceux de la reprise de l’Armide de Gluck. En 17 8 5, les décorations
C a l y p s o, ballet héroïque de Gardel et Miller, et surtout P s y c h é,
Les souvenirs des séjours romains de l’architecte se trouvent réunis dans
composition{22}, est connue par une copie de la gravure, éditée par
chinoises de P a n u rge dans l’île des Lantern e s, comédie lyrique de
ballet-pantomime de Gardel et Miller, ne font que confirmer la
un projet d’une « place publique des comédies », destinée au théâtre
Daumont{23}, et popularisée par une gravure d’optique. Non seulement
Morel de Chédeville et de Grétry, dont la dernière fut « généralement
réputation du dessinateur. Enfin, en 17 9 1, Cora, opéra de Valadier et
de Fontainebleau. Probablement élaboré en 17 8 3, ce projet ne fut
Pâris a-t-il certainement vu cette remarquable décoration sur scène, à
applaudie », seront suivies par celles, incas et péruviennes, de P i z a rre
Méhul, Castor et Pollux, opéra de Bernard et Candeille, la reprise de
utilisé qu’en 17 8 9 et réalisé pour le théâtre de l’Aile neuve à Versailles
l’occasion de l’une des cent représentations que compta l’extraordinaire
ou la Conquête du Péro u, tragédie lyrique de Dupessis et Candeille,
Diane et Endymion, et le ballet de Bacchus et Ariane, ballet
comme décor de place publique {20}. On aperçoit sur cette place
reprise de Dardanus entre 17 6 0 et 17 7 2, mais il eut en plus à la réajuster
qui « font le plus grand honneur à M. Paris », ainsi que par celles
héroïque de Gallet et Ro chefort, sont encore synonymes de succès
dominée par le Panthéon, des palais et des groupes sculptés apparentés
pour la création du D a rd a n u s de Sacchini en novembre 17 8 4 {24}. Parmi
du P remier Navigateur, ballet pantomime de Gardel et Grétry, et
s’agissant des décors.
à ceux du Capitole, et l’obélisque surmonté de l’éléphant du
les influents cadrages piranésiens, celui de la vue par-dessous le pont
celles de P é n é l o p e, tragédie lyrique de Marmontel et Piccinni. En
La dernière année de l’activité de Pâris au service de l’Opéra ne lui
Bernin, de la place de Santa Maria sopra Minerva. La recomposition
(le Ponte Magnifico de la Prima Parte), qu’Hubert Robert a utilisé
17 8 6, la reprise de D a rd a n u s, tragédie de Guillard (d’après La Bruère)
offre guère l’occasion de déployer son imagination ou son savoir-
imaginaire est analogue à celle des vues du port de Ripetta peintes
d’ailleurs plus d’une fois, a inspiré la vue dans l’intérieur d’un
et Sacchini, et surtout la création de T h é m i s t o c l e, tragédie de Mo r e l
faire, car les ouvrages représentés ne sont pratiquement que des reprises
par Hubert Robert (par exemple celle de 17 6 6, conservée à l’École
sanctuaire, prise de biais, que propose un superbe dessin de Pâris { 2 5 } ;
de Chédeville et Danican Philidor, comportent des décorations
pour lesquelles on ne fait pas de nouvelles décorations. La présence
nationale supérieure des Beaux-Arts), œuvres que connaît sans doute
le sanctuaire est celui qui abrite le tombeau d’Agamemnon dans
remarquées, la dernière de cet ouvrage ayant « excité les plus vifs
au service de l’Opéra de Charles Pe r c i e r, recommandé par Pâris pour
P â r i s ; il possédait de surcroît la gravure de l’abbé de Saint- Non, en
C l y t e m n e s t re, tragédie lyrique de Piccinni, entrée en répétition en 17 8 9
a p p l a u d i s s e m e n t s ».
lui succéder, est attestée à partir de décembre 17 9 2 {17}.
manière de lavis, d’après un dessin préparatoire au tableau {21}.
mais non représentée.
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P i e r re - Adrien Pâris.
Projet non identifié d’un trône
de Thésée, avec un siège à l’antique
P i e r re - Adrien Pâris.
dont les figures tenant des boucliers
Trône pour la création, à l’Opéra de Paris, de P h è d re,
au bout de perches soutiennent
t ragédie lyrique de F.-B. Hoffman et J.-B. Lemoyne,
le dais,
présentée peu auparavant devant la Cour, à Fontainebleau,
a nné es 1780,
1786, plume, encre et crayon, 19,8 x 31 cm.
p lume, encre ca r minée et crayon ,
bmb, fonds pâris, vol. 483, nº 75
22,3 x 11,7 cm.
72 —
— 73
bmb ( c at. 77 b)
De nombreux sujets classiques, de l’histoire ou de la mythologie grécoromaine, permettaient au dessinateur de concevoir des places de ville,
des palais et des temples, des intérieurs, mobilier compris, dans un
style à l’antique. Tel est le cas des décors conçus, par exemple, pour
les reprises d’opéras de Gluck tel le souterrain de l’acte II de l’Iphigénie
en Ta u r i d e, dans lequel sont enfermés Oreste et Pylade. Pâris y utilise
un ordre toscan sans base qui a un peu le caractère trapu de l’ordre
dorique sans base de Paestum (sans en reprendre la courbure du fût
observée in situ par l’architecte). À l’aspect rustique des éléments
P i e r re - Adrien Pâris.
traités en bossage, s’ajoute le caractère carcéral exprimé encore par
Collection de trônes et autres sièges, et d’instruments
les lourds linteaux des portes à la manière de la « Carcere oscura »
de musique, antiques pour la plupart, d’après
les dessins faits à Rome et à Naples en 1772-1774 et 1783,
de Piranèse. Des décors antiques, comprenant un temple de Vénus
P i e r re - Adrien Pâris.
d’ordre dorique, furent composés pour la représentation de P h è d re
Projet d’une lampe égyptienne pour Ne p h t é,
de Lemoyne créée à Fontainebleau en 17 8 6 {26}. Dans les intérieurs des
t ragédie lyrique de F.-B. Hoffman et J.-B. Lemoyne,
v ers 1783, plume, encre et aqua r e lle, 42 x 31,4 cm. bmb
( c at. 25)
palais et des temples, Pâris imagine un mobilier composé de trônes,
créée à l’Opéra de Paris en 1789 ; cette lampe éclaire
Dans le grand format qui est celui du décor de scène, Pâris développe
de tables, de trépieds, de cassolettes, de candélabres, lesquels s’inspirent
l’intérieur du temple d’Osiris (temple du Soleil),
à son tour les visions de la ville antique que d’autres artistes ont
des nombreuses études de mobilier et d’objets antiques effectuées
décor servant aussi de temple de Brama
exprimées sur le papier uniquement. Elles se fondent sur sa
dans Ta r a re de Beaumarchais et Salieri,
durant ses premiers séjours à Rome et en Campanie. Notons que
1789, plume, encre ca r minée et crayon, 35,3 x 22,8 cm.
certains de ces meubles étaient peints en trompe-l’œil sur des ch â s s i s ,
bmb ( c at. 77 d)
mais d’autres étaient réels tels ceux réalisés par Francastel,
c o n n a i s sance de l’architecture antique et sur son analyse des sites
étudiés à Rome, mais en laissant l’imagination maîtresse de ses
compositions. Les souvenirs romains, dont elles sont peuplées et que
menuisier des Me n u s -Plaisirs, en 17 8 4 pour le théâtre de Versailles {27} ;
Ce répertoire de sièges et de tables à l’antique, visibles sur scène
reconnaît le spectateur, l’aident à se transporter dans les lieux et dans
des trépieds antiques, à têtes de béliers, avec des chimères, et des
durant les années 17 8 0, se développe parallèlement à ceux que
l’époque de l’action qui se déroule sur scène. Au centre d’une place
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet non identifié d’une place de ville antique,
avec un temple et une forteresse sur le devant,
pieds de biches, étaient modelés et moulés en papier mâché et
représentent les peintres, Jacques-Louis David en premier lieu, puisant
se dresse souvent un obélisque, rappelant aussitôt ceux des places de
partiellement doré { 2 8 } . Plusieurs remarquables dessins de trônes
lui aussi dans ses carnets de dessins romains – à moins que les accessoires
Rome. Les obélisques occupent d’ailleurs une place particulière dans
14,5 x 18,8 cm.
bmb ( c at. 72 b)
montrent des piètements en patte de lions, des accotoirs supportés
de scène n’aient joué un véritable rôle dans cette évolution vers les styles
les études romaines de l’architecte et ses connaissances en la matière
par des sphinges, des chimères ou des lions.
Directoire et Empire.
incitent le père Dumont à consulter cet expert à son retour d’Italie {29}.
v ers 17 8 5 - 1790, plume, crayon, encre et aqua r e lle,
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P i e r re - Adrien Pâris.
Autel des parfums dans le temple de Salomon pour la création à Fontainebleau
de A t h a l i e de Racine, avec intermèdes en musique de Fr.-J. Gossec,
P i e r re - Adrien Pâris.
Salon du palais du calife Haroun à Bagdad, premier décor de l’acte II du D o rmeur éveillé,
o p é ra-comique de J.-F. Marmontel et N. Piccinni, créé en 1783 à Fontainebleau,
1785, plume, encre et aqua r elle, 12,7 x 14,6 cm.
1783, plume et encre, 18,5 x 12 cm.
bmb, fonds pa r is, vol. 483, nº 261
bmb ( c at. 68 a)
P i e r re - Adrien Pâris.
74 —
Table placée dans le salon du fruit et des liqueurs,
décor de l’acte II du D o rmeur éveillé, opéra-comique
de J.-F. Marmontel et N. Piccinni, créé en 1783 à Fontainebleau,
1783, plume, encre et aqua r e lle, 14,1 x 14,5 cm.
bmb ( c at. 72 r)
Outre l’Antiquité gréco-romaine, l’Égypte est présente de façon
Parmi les décors exotiques, se placent peut-être d’abord les sa l o n s
remarquable avec la mise en scène de Nephté de Lemoyne à l’Opéra
arabes, richement ornés et meublés, conçus pour le D o rmeur éveillé,
en 17 8 9. Les édifices et leurs décors doivent beaucoup au Vo y a g e
opéra-comique de Marmontel et Piccinni, lors du séjour de la Co u r
d’Égypte de Norden, ouvrage très illustré, traduit du danois en 17 5 5,
à Fontainebleau en 17 8 3 ; l’ouvrage est redonné en juin 17 8 4 sur
même si Pâris relit les descriptions d’Hérodote et de Di o d o r e ,
le théâtre de Trianon en l’honneur de la visite de Gustave III. Ils
auxquelles se réfère le librettiste, Hoffman, qui écrit avoir fourni u n
inaugurent en quelque sorte la série des décors exotiques dont les
programme très imparfait au dessinateur {30}. De fait, les décors de
plus importants à citer sont ceux de P a n u rg e en janvier 17 8 5, de
N e p h t é constituent le premier essai important dans ce genre en
P i z a rre ou la Conquête du Péro u en mai 17 8 5, de Ta r a re en 17 8 7
F r a n c e { 3 1 } . Auparavant Sébastien-Antoine et Paul-Ambroise Slodtz
et, pour partie, ceux de C o r i s a n d re en 17 9 1. L’un des projets du
avaient imaginé une a r chitecture égyptienne pour La Naissance
D o rmeur éveillé, analogue au décor réalisé, illustre le répertoire
d’Osiris, à Fontainebleau en 17 5 4, n’ayant guère à leur disposition que
d’éléments composites dont se sert le dessinateur dans l’élaboration
le voyage, peu illustré, de Paul Lucas {32}. Pâris s’est amusé à composer
de ses décors exotiques. D’une grande richesse, ce salon « a s i a t i q u e »
pour N e p h t é une lampe égyptienne réunissant des motifs dans l’esprit
ou « a r a b e » se caractérise par un ordre de colonnettes portant un
des planches des Diverse Maniere d’adorn a re i cammini de Piranèse.
entablement « orné d’arceaux d’où pendent des œufs d’autruch e s »
Plusieurs meubles du temple de Salomon pour la représentation
(relevant d’un gothique hybride, d’exotisme), par l’emploi de motifs
d ’A t h a l i e à Fontainebleau en 17 8 5 sont caractéristiques de la
géométriques (lambrequins triangulaires, étoiles et écailles) et par
d é m a r che de Pâris ; il s’agit en particulier de l’autel des parfums
le recours à des surfaces ajourées, enfin par l’abondance du décor
et de la table des pains de proposition. Le dessinateur s’est appuyé
textile avec ses sofas et ses draperies formant des niches entre les
sur les indications du texte biblique et de ses commentaires, mais a
colonnettes, s’inscrivant quant à lui dans le « goût turc » alors à la
consulté les illustrations d’ouvrages comme celui de l’H i s t o i re du
mode. Le projet d’un vestibule et d’une galerie asiatiques montre
Vieux et Nouveau Testament, publié par Pierre Mortier à Amsterdam
une synthèse plus avancée d’arcades dessinées en tiers-point et de
en 1700 (ouvrage qui se trouve dans sa bibliothèque) et probablement
colonnes, dont le fût est à cannelures torses et les ch a p i t e a u x
l ’H i s t o i re du peuple de Dieu de Berruyer, plusieurs fois rééditée.
inspirés des planches du Voyage d’Égypte de Norden que possède
Suivant les indications de ces sources textuelles et iconographiques,
Pâris et qu’il a recopiées dans ses albums. Les rosettes à l’intersection
Pâris conçoit un mobilier de surcroît influencé par les modèles antiques,
des plates-bandes du soffite sont analogues, écrit Pâris, aux
surtout pour l’autel des parfums, lequel rappelle des bases de
c u l s - d e - l a m p e des voûtes des églises gothiques. Tous les délices des
candélabres ou des autels romains, par exemple ceux de la sa l l e
intérieurs du D o rmeur éveillé, dont le sujet est tiré des Mille et
d’Apollon et Daphné de la villa Borghèse, qu’il sera chargé, des années
Une Nuits, sont en quelque sorte résumés par le dessin d’une table
plus tard, de transporter au Louvre.
du salon des fruits et des liqueurs.
— 75
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P i e r re - Adrien Pâris.
La mise en scène de Ta r a re, de Beaumarchais et Salieri, a été plus
Plusieurs spectacles ont fourni au dessinateur des sujets mettant à profit
luxueuse encore. Le spectacle a offert aux spectateurs la succession
cette fois-ci de véritables connaissances de l’architecture gothique, acquises
t ragédie lyrique créée en 1785 à l’Opéra de Pa r i s ,
de sept décorations, dont cinq pour lesquelles les projets ont été
très tôt aux côtés de Louis-François Trouard chargé de l’achèvement de la
1785, plume, encre et cr ayon, 20 x 24,4 cm.
identifiés, en particulier celles de la place d’Ormuz avec le palais
cathédrale d’Orléans. Il s’agit d’Aucassin et Nicolette, de Richard Cœur
bmb, fonds pâris, vol. 483, nº 11
d ’Atar et le temple de Brama (acte II ) {39}, de l’intérieur du temple
de Lion et de Corisandre. L’apparition de ces sujets médiévaux à la scène
Palais des Incas dans le fond d’une place publique, décor de l’acte III
de P i z a r re ou La Conquête du Péro u de Ch.-P. Duplessis et P.-J. Candeille,
76 —
de Brama (acte II, scène 7), du jardin du sérail (acte III ) {40} et de
est consécutive à la publication par Le Grand d’Aussy, dès les années 17 6 0,
la cour intérieure du palais d’A t a r {41}. L’intérieur du temple de Brama
des Fabliaux ou Contes des XIIe et XIIIe siècles (rassemblés en trois volumes
nous est connu par un dessin de Je a n -Baptiste Maréch a l{42}, reconnu
en 1779). Les projets scéniques du dessinateur se démarquent des essais
pour ses clairs-obscurs, qui traduit sans doute précisément l’effet
antérieurs dans ce genre (d’Algieri par exemple). L’exigence de représenter
produit par cette décoration. Il s’agit en fait de la seconde version
un événement dans un cadre conforme à l’époque et au lieu, adressée aux
de cet intérieur, celle conçue par Pâris suite à la destruction du décor
peintres dans les années 1780{43}, caractérise aussi les dessins de Jean-Michel
dans l’incendie des magasins de l’Opéra en 17 8 8 ; si les colonnes
Moreau, dessinateur-graveur des Me n u s -Plaisirs, pour les F i g u res de
du sanctuaire supportent toujours des linteaux brisés, au lieu d’arcs,
l ’ h i s t o i re de France {44} ou pour les Œ u v res complètes de Voltaire{45}.
Le cas de Panurge dans l’île des Lantern e s illustre les interactions entre
Le travail du dessinateur à ces sujets exotiques explique qu’il ch e r ch e
et si leurs chapiteaux sont ornés d’une tête d’éléphant, les piliers
Moreau, qui ambitionne en 17 8 1 le poste de dessinateur des habits de
érudition et fantaisie de mise pour ce sujet exotique, mais aussi
à acquérir en 17 8 6 les fameux tableaux chinois de François Boucher à
de la nef sont désormais des colonnes, avec des hiéroglyphes, tandis
l’Opéra, soutient l’importance d’une pareille exigence pour le costume{46}.
réemploi de décors. Le succès de l’ouvrage (8 3 représentations à l’Opéra
la vente de Bergeret de Grandcourt
et, en 17 9 0, un « trépied
que des figures égyptiennes reposent sur l’entablement. L’intrusion
Lorsqu’il s’agit de donner un cadre à un événement du Moyen Âge,
entre 17 8 5 et 17 9 2) assure la notoriété de la mise en scène et des décors,
ch i n o i s » en bronze à la vente du duc de Chaulnes, en l’occurrence
d’éléments égyptiens dans le projet s’explique par la volonté d’utiliser
Moreau représente une architecture gothique indifféremment du siècle
dont on trouve un écho assez précis dans les scènes d’une indienne
le fils du fameux collectionneur
Réalisé par un bronzier
aussi l’intérieur du temple de Brama dans N e p h t é. On notera plusieurs
concerné. Il en est de même de la cour de forteresse du xiie siècle proposée
européen, semble-t-il, l’objet copie un modèle du recueil de Ch a m b e r s ,
éléments décoratifs typiques de ce genre d’architecture, par exemple
par Pâris pour une représentation à Versailles, le 30 décembre 17 7 9,
dont Pâris s’est inspiré pour le temple de Lignobie.
les colonnes à cannelures torses dans la partie inférieure, les motifs
d’Aucassin et Nicolette, ou les Mœurs du bon vieux temps, comédie
imprimée à Nantes par la manufacture Petitpierre Frères & Ci e
{33}
.
Le somptueux spectacle voyait se succéder cinq décorations, dont
( c at. 1 51)
( c at. 18 2) .
plusieurs nouvelles ainsi qu’une décoration déjà ancienne, la « chambre
Tout aussi somptueuse et originale fut la mise en scène d’un autre
géométriques et garnis d’étoiles. Dans le décor de l’acte II, la façade
de Sedaine et Grétry : il s’agit d’une « avant-cour de château gothique »,
asiatique », à laquelle Pâris fait quelques ajouts et qui avait été réalisée
ouvrage représenté à l’Opéra en 17 8 5, P i z a rre ou la Conquête du
du temple sur la place est encadrée de pyramides à ressauts, tandis
à laquelle sont assorties différentes tours (le dessin n’est pas conservé){47},
en 17 6 6 d’après le projet de François Boucher pour Aline, reine de
Péro u, qui ne connut en revanche que neuf représentations{35}. Il a
que celle du palais d’Atar possède des frises de petites arcatures d’un
comme est gothique le moulin du xie siècle proposé en 17 8 4 par François-
donné lieu à des décors particulièrement originaux, pour lesquels
gothique d’exotisme.
Joseph Bélanger pour le jardin de Méréville{48}.
G o l c o n d e (de Sedaine et Mo n s i g n y )
{34}
; cette décoration s’inspire
e
des planches du recueil de William Chambers, Designs of Chinese
Pâris a consulté les historiens du x v i siècle (Garcilaso de La Ve ga
Buildings, Furniture, Dresses, Machines, and Utensils, paru en 17 5 7.
et Bartolomé de Las Casa s { 3 6 } ) et les récits de Ch a r l e s - Marie de La
À son tour, Pâris conçoit la façade du temple de la déesse Lignobie
Co n d a m i n e { 3 7 } , auteur par ailleurs d’un M é m o i re sur quelques
comme la synthèse, d’une part, d’une structure arch i t e c t u r a l e
monuments du Pérou, du temps des Incas (174 8){38}. Les références aux
P i e r re - Adrien Pâris.
néoclassique (un édifice à péristyle, surmonté d’une coupole) et,
fêtes du soleil par exemple, dont on aperçoit la colonne dominant le
Décor de l’acte I de Ne p h t é, tra g é d i e
d’autre part, d’un entablement d’« ordre asiatique », le tout enrich i
palais des Incas à l’acte III, proviennent des ouvrages de Garcilaso
lyrique de F.-B. Hoffman
et J.-B. Lemoyne, créée à l’Opéra
d’éléments décoratifs et mobiliers inspirés de la publication de
de La Vega ; ces indications sont aussi reprises par Marmontel dans
Chambers. Pour une autre décoration, Pâris conçoit une place envahie
Les Incas ou la destruction de l’empire du Péro u, roman dont la
de lanternes, qualifiée par la presse « d’un genre absolument nouveau »
parution en 1777 a incité le librettiste à proposer un sujet analogue
des rois d’Égypte
(et remarquée par plusieurs mémorialistes), pour laquelle le librettiste
pour la scène. Le langage néoclassique dans lequel travaille Pâris modifie
(au premier plan celui de Séthos),
et le dessinateur se sont inspirés de la fête des Lanternes décrite
les indications sur l’architecture du Pérou fournies par les auteurs
en 1789 ;
à droite, les grottes des tombeaux
et au fond le portique du grand temple
d’Osiris (temple du Soleil),
par Du Halde dans sa Description géographique, historique […] de
consultés ; en outre, les conventions du décor exotique expliquent la
1789, plume, encre et crayon ,
l ’ E m p i re et la Ta rtarie chinoise, parue en 173 5. La vive polych r o m i e
présence de dragons chinois dans le projet du palais des Incas, lequel
25,6 x 55,8 cm.
de ce décor s’inspire aussi de ces descriptions.
était sur scène précédé de châssis d’un décor chinois.
bmb ( c at. 78 a)
— 77
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P i e r re - Adrien Pâris.
Projet d’un château gothique (avec plan de l’édifice imaginé), décor réalisé de l’acte II
de Co r i s a n d re ou les Fous par ench a n t e m e n t, opéra-comique de A.-F. Le Bailly et
H . - F. Langlé, créé en mars 1791 à l’Opéra de Paris ; châssis dans le fond de la scène,
1791, plume, encre et crayon, 18,1 x 24,9 cm. bmb ( c at. 76 a)
78 —
— 79
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet d’une gentilhommière gothique
(avec plantation des châssis), réalisé pour l’acte I
de R i c h a rd Cœur de Lion, comédie mêlée d’ariettes,
de M.-J. Sedaine et A.-E.-M. Grétry, donnée en janvier
1786 au théâtre de l’Aile neuve à Ve r s a i l l e s ,
1786,
p lume, encre et crayon, 12 x 15,4 cm.
bmb, fonds pâris, vol. 483, nº 317
Plusieurs dessins sont conservés en revanche pour un grand succès de
Grétry, R i c h a rd Cœur de Lion, en particulier pour les représentations
de Fontainebleau et de Ve r sailles de 17 8 5 et 17 8 6 {49} ; parmi ces décors
se distingue une élégante « gentilhommière gothique », qui est la
P i e r re - Adrien Pâris. Les Jardins de Cythère, second décor de l’acte II de Diane et Endymion, opéra de Marmontel et Piccinni, 1784, aqua r elle, 32 x 40,8 cm. mb aab ( c at. 71)
demeure de William à l’acte I. Dans un opéra-comique moins connu,
C o r i s a n d re, représenté à l’Opéra en 17 9 1 et qui comprenait des
Les projets de paysages et de jardins sont relativement nombreux à être
Finement dessiné au crayon, le jardin de l’Amant sylphe (Fontainebleau,
décors médiévaux et exotiques, la première décoration représente,
conservés, allant d’une nature idyllique ou alors sauvage, au jardin
17 8 3) est très évocateur de l’atmosphère rech e r chée et par ailleurs des
dans une configuration générale rappelant le site de Vincennes, une
pittoresque, rappelant l’Italie, ou celui dans lequel se dresse un pavillon
expériences italiennes de l’architecte et du dessinateur. Dans leur
grande tour et une chapelle gothique, que le dessinateur imagine
à la mode. Dans ce domaine, le Fonds Pâris ne conserve que deux
conception, les séduisants jardins de l’Amant sylphe sont aussi ceux
d’un architecte dessinateur de jardins ; s’il appréhende l’espace de plusieurs
reliées par une galerie à arcades de même style, dont les piliers sont
projets aquarellés, auquel vient s’ajouter un projet de grotte au musée
en partie ensevelis{50}. Parmi d’autres projets gothiques, non identifiés
des Beaux-Arts de Nantes{52}. Le plus évocateur d’entre eux est un dessin
points de vue, le parcours proposé dans le jardin est surtout rendu
cette fois-ci, on remarque un décor dont les voûtes sur croisées
considéré jusqu’ici comme un décor pour Cythère assiégée de Gluck ,
compréhensible par un plan de celui-ci, dessiné en marge. Qu a n t
d’ogives reposent sur de lourds piliers et dont le caractère est celui
mais qui représente en réalité les jardins de Cythère avec le palais de
aux motifs de ce projet, on reconnaît sur le rideau de fond un groupe de
d’une crypte d’église {51}.
l’Amour proposé en 17 8 4 pour Diane et Endymion de Piccinni à l’Opéra.
cyprès et des escaliers comparables aux vues de la villa d’Este par Fragonard
Dans la plupart des projets dont il a été question, on notera que le
dessinateur travaille en architecte, accompagnant la présentation en
P i e r re - Adrien Pâris.
P rojet d’un château gothique (avec plan de l’édifice imaginé), châssis antérieurs
du décor du même opéra ; pro g ressivement éclairés et dégagés des nuages d’un
Le palais apparaît au milieu d’une végétation abondante, tandis qu’une
notamment, dont Pâris possède plusieurs sanguines parmi lesquelles celle
grotte et des fontaines évoquent la fraîcheur de ces lieux enchanteurs.
de l’escalier de la Gerbe{54}. On retrouve surtout dans la cascade à gauche
perspective du décor, non seulement d’une plantation sur scène mais
orage, le château et son pont-levis apparaissaient au milieu d’une forêt re p r é s e n t é e
Aux dires du M e rc u re de France, les peintres ne surent pas traduire le
le motif d’une étude de Pâris faite à la villa Doria Pamphili, au cours
du plan qu’aurait l’édifice ou la place s’ils étaient réels.
sur les premiers châssis, 1791, plume, encre et crayon, 30 x 25,5 cm. bmb ( c at. 76 b)
ton général et les nuances prévus par le dessinateur {53}.
de son premier séjour, au moment où il s’essaie à la vue pittoresque.
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80 —
notes
P i e r re - Adrien Pâris.
Projet de la grotte des Enfers, décor réalisé
de la dernière scène des D a n a ï d e s, tragédie lyrique
de F.-L. Lebland du Roullet et A. Salieri,
créée en 1784 à l’Opéra de Pa r i s ,
{ 1 } . A l c e s t e, t r a g é d i e - o p é r a , en trois actes, représentée pour la première fois, par l’Académie royale de musique
le mardi 16 avril 1776 et remise au théâtre le vendredi 22 octobre 1779, Paris, P. de Lormel, 1779, p. 2.
{2} . Mercedes Viale Ferrero, La Scenografia del ’700 e i fratelli Galliari, Turin, 1963, p. 74.
{3} . AN, AJ 13 38, I, ch. 17, Compte de Mrs Galliary Peintres Décorateurs.
1784, plume et aqua r elle, 22,1 x 24,8 cm.
{4} . AN, AJ 38, I, ch. 17, nº 30, compte de Canot.
bmb ( c at. 73 h)
{5} . Alexandre aux Indes, de E. Morel de Chédevill e et N.-J. Le Froid de Méreaux ;
13
Mercure de Fr a n c e, 6 septembre 1783, p. 30 et 39. Nous avons identifié un projet de temple de Bacchus
dans la clairière d’une forêt exotique , exposé cette année par la galerie Ch. Kiener (Paris) au Salon du dessin.
{6} . AN, Mc, CXVII, 925, convention entre le comité de l’Opéra et S.-N. Lenoir, 25 mars 1786 ;
document signalé, comme le suivant, par Christian Baulez que je tiens à remercier.
{7} . AN, Mc, XVII, 937, conventi on entre les mêmes, 12 mars 1788 ; BMO, Rés. 1025(1),
L.-J. Francœur, Académie royale de musique, Sommaire général, 1785 à 1788, p. 53-54, 3 et 26 mars 1788 ;
Journal de Pa r i s, 26 mars 1788, p. 376.
{8} . Journal de Pa r i s, 5 janvier 1789, p. 28.
{9} . AN, O 1 622, nº 506.
{10} . Renwick 1974, II, p. 59-64, lettres nº 317, 318 et 320 ; Fontainebleau 2005-2006, p. 174-176, nº 134-137.
créé en 1783 à Fontainebleau,
(Fontainebleau, 17 8 6 et Paris, 17 8 8), inclut un pont de rocher et une
1783, crayon, plume et encre, 28,7 x 37 cm.
perspective dans un paysage vu au-dessous de cette arche naturelle,
bmb ( c at. 69 b)
qui renvoient peut-être à des peintures d’Hubert Ro b e r t : par exemple
à une vue de la campagne romaine, cadrée par un pont imposant une
En 1 8 0 3, se plaignant du peintre décorateur Ignace-Étienne De g o t t i ,
diagonale au premier plan (peinture du musée de Strasbourg), ou à
Étienne Morel de Chédeville, directeur de l’Opéra et librettiste de plusieurs
une composition avec le temple de la Sibylle à Tivoli (peinture d’une
spectacles dont Pâris avait donné les dessins durant les années 17 8 0,
collection particulière)
{55}
.
exprime les regrets causés par l’absence de ce dernier : « Cet artiste
Entre nature et architecture, la grotte des Danaïdes de Salieri{56}, en
célèbre avait une profonde érudition. Le lendemain de la lecture d’un
17 8 4, fait partie des grottes menaçantes, marquant même un apogée
poëme, à laquelle il avait été appellé, il livrait un dessin, ou l’on voiait
dans ce genre, au service d’une mise en scène forte représentant Danäus
réunies aux idées des auteurs toutes les convenances des temps, des
sur un roch e r, dévoré par un aigle. Mal accueillie, la mise en scène
lieux, des mœurs et des personnages. Les peintres y lisaient facilement
fut revue après la première représentation. La grotte est oppressante
et les coloris à employer, et la perspective, qui les fait valoir. Sous sa
et les fûts des massives colonnes portant la voûte sont ornés de pointe
direction l’exécution était prompte. Quelque s décorations échappées
de diamants annonçant un supplice. La scène est envahie par une
à l’incendie des Menus [Me n u s -Plaisirs] sont des preuves de son
pantomime de Maximilien Gardel, « du genre le plus terrible » ,
talent.{58} » Plusieurs décors de Pâris avaient en effet survécu à son départ
montrant les Danaïdes tourmentées par des démons, dévorées par des
de l’Opéra, et se trouvaient encore en état de paraître sur scène au
serpents, tandis qu’une pluie de feu tombe sur scène {57}.
début du xix e siècle {59}.
XIXe
s i è c l e s, cat. expo., musée de l’Impression sur étoffes,
{34} . Mercure de Fr a n c e, mai 1766, p. 187-188 ; Mark Ledbury, « Boucher and Theater »,
Rethinking Bouch e r (Melissa Hyde et Mark Ledbur y dir.), Los Angeles, 2006, p. 149-150, fig. 8 ;
AN, AJ13 40, I, ch. 33, mém. de Protain, 25 janvier 1785 ;
BMB, Fonds Pâris, carton R I, nº 15, et Ms. 24, f. 23 rº, nº 23.
{35} . Journal de Pa r i s, 4 mai 1785, p. 504-505.
{36} . Garcilasso de La Vega, Histoire des Incas, rois du Pérou (traduit par J. Baudoin),
Amsterdam, J. Desbordes, 1715 ; Bartolomé de Las Casas, La Découverte des Indes orientales
par les Espagnols (traduit par J.-B. Morvan de Bellegarde), Paris, A. Pralard, 1697.
{37} . Relation abrégée du voyage fait au Pérou par Messieurs de l’Académie royale des Sciences,
pour mesurer les degrés du méridien aux environs de l’Équateur…, Paris, C.-A. Jombert, 1749.
{38} . Paru dans l’Histoire de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres, Année 1746,
Berlin, A. Haude, 1748, p. 345-356.
{39} . BMB, Fonds Pâris, vol. 483, nº 99.
pour La Matinée et la veillée villageoises, opéra-comique de Piis et Barré,
La fameuse décoration de l’arrestation du ballet du D é s e rt e u r
et
{40} . BMB, Fonds Pâris, vol. 483, nº 104 ; Gruber 1975, fig. 105 (sup.).
créé au théâtre de Marly le 27 avril 1781. BMB, Fonds Pâris, vol. 483, nº 210,
Projet d’un jardin avec une cascade, décor réalisé de l’acte III
X V I I Ie
Mulhouse, 1977, p. 64-65, nº 35, repr.
{1 1 } . Fontainebleau 2005-2006, p. 146-147, nº 98.
{13} . Le plus ancien dessin identifié est pour lors le projet d’une place de village enneigée
de l’Amant sylphe, opéra-comique de F.-A. Quétant et J.-P. Martini,
{33} . Toiles de Nantes des
{12} . Pâris avait acquis en 1782 à la vente après-décès du duc d’Aumont, premier gentilhomme de la Chambre du roi,
cette précieuse collection qu’il a enrichie de plans de théâtres gravés. BMB, Ms. Pâris 3, p. 14.
P i e r re - Adrien Pâris.
{3 1 } . Nicole Wild in Paris/Ottawa/Vienne 1994-1995, p. 392-393, fig. 1-2.
{32} . Fontainebleau 2005-2006, p. 134, nº 77.
et Ms. Pâris 3, p. 16 ; AN, O 1 3059 9, nº 294 (mémoire de P. Sageret) ; Castelluccio 1992, p. 100.
{14} . À propos des décors de scène de Pâris, cf. Ganay 1924 ; Gruber 1973 I et II ; Gruber 1975 ;
Pinon 1997 I, 1, p. 558-606 (avec listes de décors identifiés) ; Bari 2000 et Fontainebleau 2005-2006.
{4 1 } . BMB, Fonds Pâris, vol. 483, nº 103 ; Gruber 1975, fig. 105 (inf.).
{42} . Le dessin est attribué à tort par H. Otto meyer à Charles Percier (Ottomeyer 1981, p. 158 et 380, nº 264) ;
cette vue est complétée d’un relevé de détails ainsi que d’une plantation signée Maréchal
et datée de l’an II (BMO, Esq. anc. V, n os 22 et 23).
{43} . Journal de Pa r i s, 26 septembre 1787, p. 1163-1164, et 8 oct. 1787, p. 1215.
{44} . Publi cation de l’abbé Garnier, rééditée par Moreau le Jeune en 1785,
édition pour laquelle il avait dessiné en 1778 le Partage des trésors de Dagobert
Notre thèse de doctorat, inti tulée Les Décors de scène de Pierre-Adrien Pâris pour les Menus-Plaisirs
et en 1782 la Pénitence du comte de To u l o u s e (BnF, Est., Ef 56 Rés. fol., f. 41 et 69).
et l’Académie royale de musique, à l’unive rsité de Lausanne (dir. Ph. Junod), est en cours.
Emmanuel Bocher, Je a n - M i chel Moreau le Je u n e, Paris, 1882, nº 579 et 689.
{15} . Mercure de Fr a n c e, 26 juin 1784, p. 174.
{45} . BnF., Est., Ef 54 Rés. fol., f. 39 : Le Duc de Fo i x, acte IV, sc. 5 ; Bocher 1882 (cf. note 44), nº 1625.
{16} . Nous avons réalisé un dépouillement complet de la presse dans le cadre de notre thèse.
{46} . AN, O 1 628, nº 43.
{17} . Percier voit approuver le 13 décembre 1792 un projet représentant les jardins de Cythère
{47} . AN O1 30555 , nº 46, et O 1 30557, nº 138 (mémoire de P. Sageret) ; Gierich 1968, p. 149.
pour Le Jugement de Pâris, ballet pantomime de Gardel, créé le 6 mars suiv ant.
{48} . Günthe r Herzog, Hubert Robert und das Bild im Garten, Worms, 1989, p. 101, fig. 68.
Cf. Eine hochbedeutende europäische Privatsammlung, Zurich, Galerie Kohler, 2 novembre 1995,
{49} . Fontainebleau 2005-2006, p. 177-180, p. ex. nº 139, 141 et 144.
p. 116-117, nº 4210A, repr. ; AN, AJ 13 58, Inv. an VI, nº 91.
{50} . BMB, Fonds Pâris, vol. 483, nº 336-337, et Ms. Pâris 23, f. 13 rº-14 rº ; AN, AJ 13 58, Inv. An VI, nº 67.
{18} . Fontainebleau 2005-2006, p. 182-188 ; Jordan 2007, p. 145-146, fig. 146-149.
{5 1 } . BMB, Fonds Pâris, vol. 483, nº 155.
{19} . Barry Daniels et Jacqueline Razgonnikoff, Patriotes en scène, Le Théâtre de la République (1790-1799),
{52} . Dessin identifié par Daniel Rabreau, i n Bordeaux 1980, p. 162-163, nº 160.
cat. expo., musée de la Révolution française, Vizille, 2007, p. 25, fig. 5, et p. 138, cat. nº 4.
{20} . Fontainebleau 2005-2006, p. 76, fig. 17.
{53} . Mercure de Fr a n c e, 2 octobre 1784, p. 41-42.
{54} . Besançon 2006, p. 68-70, cat. nº 21-22.
{2 1 } . BMB, Fonds Pâris, vol. 457, nº 484.
{55} . Herzog 1989 (cf. note 48), p. 172, fig. 115 et p. 85, fig. 55.
{22} . Mercure de Fr a n c e, juin 1760, p. 203-205.
{56} . AN, AJ13 58, Inv. de l’an VI, nº 11 (décor refait à l’identique après l’incendie de 1788).
{23} . Helmuth Christian Wolff, O p e r, Szene und Da rstellung 1600-1900, Leipzig, 1979, p. 118-119, fig. 103.
Le projet était considéré jusqu’ici comme le décor d’un opéra inti tulé P r o m é t h é e.
{24} . AN, O 1 621, nº 125 ; Mercure de Fr a n c e, 25 décembre 1784, p. 187.
{57} . A f fi ch e s , annonces et avis divers, 27 avril 1784, p. 1098 (d’après la didascalie du livret).
{25} . Johannes Langner, « La vue par dessous le pont, Fonctions d’un motif piranésien dans l’art français
{58} . BMO, Op. Arch. 19 (56), rapport de Morel de Chédeville, 3 floréal an XI (23 avril 1803).
de la seconde moitié du xviii e siècle », Piranèse et les Fr a n ç a i s, actes du colloque,
Cité partiellement par Nicole Wild in The New Grove Dictionary of Opera, Londres, 1992, t. III, p. 884,
Rome, vill a Médicis 12-14 mai 1976, Rome, 1978, p. 296, fig. XIV/4 ;
et Wild 1996, p. 188. L’incendie des magasins des Menus-Plaisirs et de l’Opéra est celui de 1788.
Versailles 1989, p. 59, cat. nº 12, repr. ; Rabreau 2001, p. 139, repr. (indi qué comme décor de N u m i t o r).
{26} . BMB, Fonds Pâris, vol. 483, nº 65 ; AN, O 1 3075 1, nº 732.
1
4
{27} . AN, O 3066 , nº 285 (quartier de janvier 1784).
{28} . AN, O 1 3074 1, nº 418 (pour Versailles en 1786).
{29} . Pinon 2007 I, p. 333-334.
{30} . N e p h t é, Paris, Prault, 1790, p. 11.
{59} . AN, AJ13 58, Inventaire Général des Décorations du Théâtre de la République et des A r t s ,
fait en Ventose de L’An 6 [février-mars 1798], annoté jusqu’en thermidor an X (juillet-août 1802).
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entre connaissance
et délectation :
le
cabinet
de
Qu’est-ce qui a poussé Pierre-Adrien Pâris à constituer le
P I E R R E - ADRIEN
cabinet dont une partie est actuellement exposée à Besançon ?
La typologie des collectionneurs, mot anachronique, est ainsi
dressée en 1788 dans l’Encyclopédie méthodique, à l’article
CURIEUX : « Un curieux est homme qui amasse des dessins,
des tableaux, des marbres, des bronzes, des médailles, des
vases etc. Ce goût s’appelle curiosité.Tous ceux qui s’en occupent
ne sont pas connaisseurs ; et c’est ce qui les rend souvent
ridicules, comme le seront toujours ceux qui parlent de ce qu’ils
n’entendent pas. Cependant la curiosité, cette envie de posséder,
qui n’a presque jamais de bornes, dérange presque toujours
la fortune et c’est en cela qu’elle est dangereuse. On est
connaisseur par étude, amateur par goût, et curieux par
vanité. » Cette distinction entre les trois statuts de l’amateur,
du connaisseur et du curieux varie selon les auteurs.
PÂRIS
Christian Mich e l —
Qu’est-ce qui a poussé Pierre-Adrien Pâris à constituer le cabinet dont
une partie est actuellement exposée à Besançon ? La typologie des
collectionneurs, mot anachronique, est ainsi dressée en 17 8 8 d a n s
l’Encyclopédie méthodique, à l’article « Curieux » : « Un curieux est
homme qui amasse des dessins, des tableaux, des marbres, des bronzes,
des médailles, des vases etc. Ce goût s’appelle curiosité. Tous ceux qui
s’en occupent ne sont pas connaisseurs ; et c’est ce qui les rend souvent
ridicules, comme le seront toujours ceux qui parlent de ce qu’ils
n’entendent pas. Cependant la curiosité, cette envie de posséder, qui
n’a presque jamais de bornes, dérange presque toujours la fortune et
c’est en cela qu’elle est dangereuse. On est connaisseur par étude,
amateur par goût, et curieux par vanité. {1} » Cette distinction entre
les trois statuts de l’amateur, du connaisseur et du curieux varie
selon les auteurs { 2 } , mais permet de distinguer les collectionneurs
par mode, les collectionneurs par goût et les collectionneurs par
étude. Assurément, Pâris fait partie de la troisième catégorie pour
une bonne partie des objets qu’il a réunis, mais certaines nuances
peuvent toutefois être apportées.
Si l’on se fie à l’inventaire qu’il a dressé en 1 8 0 6 de ses collections,
on peut voir, jusque dans le titre – Catalogue de mes livres ainsi que
des autres objets qui composent mon Cabinet, tels que les marbre s ,
b ronzes antiques, vases, terres cuites, bronzes modernes, plâtre s
moulés sur l’antique, médailles, tableaux et dessins en bord u re ,
h i s t o i re naturelle et instru m e n t s {3} –, la place prédominante que
tiennent les livres. Il a acquis, sans doute parfois avec difficultés, la
plupart des recueils importants parus au xviii e siècle et même dans
les deux siècles antérieurs. Jusqu’à sa mort, il achète des livres, intercale
dans son inventaire les titres et les prix de ses acquisitions et continue
à souscrire aux publications les plus récentes.
— 83
FLASH ADRIEN PARIS
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Page 84
Je a n - Be r n a rd Du v i v i e r.
Scène du déluge,
v ers 1810, huile sur toile, 126 x 174 cm.
mb aab ( c at. 153)
84 —
— 85
Hors les livres d’architecture et d’antiquité, le reste ne constituait
Aussi remarquables que puissent nous sembler aujourd’hui certains de
guère ce que l’on considérait alors comme recueil de premier ordre.
ses dessins de Fragonard, la plupart d’entre eux, conservés dans des
Le volume des dessins anciens ne contient que des œuvres qui eussent
albums, semblent n’avoir guère coûté et aucun des plus importants –
été qualifiées par Jabach de dessins de rebut. Il possède trois recueils
ceux des vues de Tivoli – n’est évalué plus de 15 francs dans son
de gravures (totalisant environ 1 7 5 0 gravures), dont un seul, bien
inventaire après décès. Son cabinet de peinture ne comprenait guère
relié, comprend des tirages de bonne qualité, voire des états
que des esquisses, sinon le Déluge de Duvivier et les deux vues du
exceptionnels, les deux autres ne sont que des outils de travail, où sont
lac d’Albano. Ses antiques, dont l’intérêt aujourd’hui n’est pas
collées en vrac dans d’anciens livres de compte de nombreuses gravures
négligeable comme le montre Axelle Davadie, correspondent à ce que
d’architecture et d’ornement, exécutées entre le x v ie siècle et le début
le comte de Caylus appelait les « balayures de la place Navone », ce
du xix e, dont de nombreuses planches de l’œuvre de Jean Lepautre,
qui explique que Pâris n’indique pas la provenance de beaucoup
des gravures topographiques d’Israël Silvestre et d’Antoine Pérelle,
d’entre elles. Plutôt que des statues ou des objets artistiques de valeur,
souvent dans des tirages tardifs {4}. S’il possède de nombreux dessins
sont mentionnés un clou de la porte du Panthéon – témoignage des
d ’ Hubert Robert, beaucoup sont des contre-épreuves, ainsi les deux
ornements romains –, des lampes à huile, des fragments d’acrotère…
volumes contenant chacun cinquante-deux contre-épreuves sont
Ses chinoiseries sont très loin des porcelaines coûteuses que l’on
estimés à 6 0 0 livres dans son inventaire de 1 8 0 6.
collectionnait depuis le xvii e siècle. Son médailler est complet pour
Je a n - Honoré Fragonard.
les médailles de bronze – voire trop, car il possède ce que ch a c u n
Les Grands Cyprès de la villa d’Este,
rech e r chait, un Othon de bronze, alors qu’aucune pièce de ce genre
1760, sang uine et pierre noire, 47,8 x 35,4 cm. mb aab ( c at. 90)
n’a existé {5} –, mais contient peu de pièces d’or ou d’argent.
FLASH ADRIEN PARIS
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Page 86
Martin Verstappen.
Clair de lune sur le lac d’Albano,
v ers 1810-1815, huile sur toile, 17 x 23 cm.
mb aab ( c at. 162)
En ce qui concerne les œuvres encadrées à son mur, le mot « beau »
est employé assez rarement : pour la plupart des dessins de Fragonard,
pour un seul de ses dessins d’Hubert Ro b e r t {12}, pour le grand dessin
de Charles De Wailly, dont il indique qu’il l’a payé cher à la vente
Trouard, pour la tête de vieillard de Vincent{13}, ainsi que pour un dessin
de Lethière et le présent que lui a fait Ingres « beau dessin d’une
simplicité touchante ». Le mot n’est guère moins rare pour ses antiques :
un vase étrusque{14}, la tête de mule en bronze{15}. Seules deux terres
86 —
— 87
cuites sont qualifiées de « j o l i e s » : celles qu’a exécutées Marin { 1 6 } .
Il emploie presque plus souvent ce terme pour parler des objets
qu’il possédait ; il a acheté une belle coupe de jaune antique{17}, deux
belles colonnes ioniques{18} , deux beaux vases de serpentine antique,
un joli vase de Faenza {19}, un beau baromètre, un beau graphomètre,
deux paires de jolis bras de cheminée {20}.
Lorsqu’il annonce qu’il veut faire don à sa ville natale de l’ensemble
Jo s e p h - Charles Marin.
de son cabinet, Millin lui reproche de priver le monde érudit et
La Charité romaine,
Relevé du plafond de la nef
a nné es 17 8 0 - 1790,
de l’église du Gesù à Rome,
esq uisse en terre cuite,
17 5 4 - 17 5 5 ,
la capitale, non pas de ce qu’il a pu réunir, mais de ses relevés des
Charles De Wa i l l y.
monuments antiques et des volumes constituant son propre travail {6}.
16 x 9,5 x 11 cm. mb aa b
encre noire à la plume et au lav is,
Ces remarques visent à replacer la collection de Pâris dans le système
( c at. 174 )
144 x 94,5 cm.
de valeur des contemporains de l’arch i t e c t e ; elles n’empêchent pas
que le fonds soit aujourd’hui exceptionnel, d’abord pour avoir été
conservé et aussi pour tout ce qu’il peut nous apprendre ; il ne s’agit
pas de dénigrer ce qui constitue des trésors du Musée et de la
bibliothèque de Besançon. Pâris s’était constitué un cabinet de taille
modeste, composé d’objets acquis à faible coût, qui fonctionnait
surtout comme une réunion de ce que Krzysztof Pomian a appelé des
« sémiophores » {7}, des objets réunis plus pour ce qu’ils représentaient
plus que pour ce qu’ils étaient. On dispose de peu de commentaires
personnels de Pâris sur son cabinet ; l’inventaire qu’il en a dressé en
1 8 0 6 et qu’il a continué à tenir à jour jusqu’à sa mort est d’autant plus
intéressant. Parmi ses livres, seuls deux ont le droit à des qualificatifs :
la Roma vetus ac re c e n s d’A. Donato (Amsterdam, 1 6 9 5) {8} est qualifié
de « rare » et la première édition des Vestigi de Du Perac est, d’après
lui, un « ouvrage ancien et rare »{9} ; il possède aussi un « manuscrit
gothique sans date et sans titre avec des miniatures, je le crois
précieux » {10}. Seul le premier a fait partie de son legs{11}.
mb aab ( c at. 116)
FLASH ADRIEN PARIS
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Page 88
Francesco et Luigi Righetti.
Copie réduite du groupe du Laocoon, sculpture romaine
de la cour du Belvédère au Vatican, à Rome,
début du xix e siè cle ,
br onze, h. 14,5 cm.
mb aab ( c at. 178)
88 —
— 89
Hubert Robert.
Jeu de l’escarpolette,
On voit que Pâris s’entourait d’objets qui ne renvoyaient pas forcément
Sa bibliothèque, ici analysée par Henry Fe r r e i r a - Lopes, est un bon
à la délectation esthétique. La plupart d’entre eux étaient des signes d’autre
témoignage de ce qu’il réunissait. La prééminence est donnée aux
François Bo u ch e r.
L’Audience de l’empereur de Chine,
v ers 1742, huile sur toile, 40 x 65 cm. mb aab ( c at. 51 a)
chose, ou des porteurs de signes – des sémiophores, encore une fois. Assez
grands recueils illustrés modernes, certes coûteux, mais tous en lien
révélateur est son commentaire sur un fragment de corniche « d’un travail
avec ses fonctions d’architecte d’abord et avec ses intérêts
Il continue à accorder à Boucher, né en 17 0 3, une place importante,
qui annonce le beau temps de la sculpture »{21}, ou celui qu’il porte sur
d ’ « a r chéologue malgré lui », ou du moins d’homme de lettres, après
malgré le discrédit qui est censé toucher le peintre à partir des années
un de ses bronzes, « Mercure volant en bronze copié sur le beau bronze
17 9 2. La prééminence est donnée indiscutablement à l’arch i t e c t u r e
17 8 0. La place d’Hubert Robert, ami et condisciple à Rome de son maître
de Jean de Bologne de la Villa Médicis »{22} ; ce n’est pas l’objet lui-même
(15 9 titres) et à l’Antiquité (14 9 titres) qui, en terme de prix et de
Trouard, est très importante. C’est en effet par les œuvres de cet artiste
qui est beau, mais la statue, aujourd’hui aux Offices, à laquelle il fait
nombre de volumes, constituent plus de la moitié de l’ensemble. La
qu’il a appris à connaître Rome et la campagne romaine ; il écrit dans
référence. On trouverait de nombreux exemples de ce type de choix dans
distinction entre ces deux catégories est d’ailleurs loin d’être évidente.
son journal le 27 octobre 17 7 1, dès son arrivée à Ro m e : « Je fus avec mes
l’ensemble de la collection. Il a recueilli des objets de céramique car ils
C’est là qu’il est prêt à se rapprocher de l’exhaustivité, à acquérir des
amis voir le Capitole et le Campo Vacino. Ce moment est un des plus
« sont assez rares… On y trouve un beau caractère, des pensées aimables,
éditions anciennes. Toutefois, il n’a pas jugé bon d’acheter les cours
agréables que j’aye eu dans ma vie ; je connaissois tous les monuments
des ornements agréables etc. »{23} ; la recherche d’objets qui témoignent
d’architecture de Jacques-François Blondel, dont il avait été l’élève,
que je voyois pour la première fois ; Robert en a fait tant de vues
d’autre chose que de qualités intrinsèques se retrouve aussi dans certains
ni leur continuation par Pierre Patte. Du premier, il possède un recueil
charmantes »{28} ; c’est l’exemple qu’il a été amené à suivre dans les vues
{26}
v ers 1775, contre-épreuve de sang u ine,
de ses échantillons minéralogiques : il conserve deux écailles de l’obélisque
de planches commentées, l’A rc h i t e c t u re françoise
et, du second,
qu’il s’est décidé à exécuter, non sans difficulté, lors de son premier
36,1 x 28,4 cm.
de Montecitorio{24}, deux clous du Panthéon, un crochet du Co l i s é e ,
les Monuments érigés en France à la gloire de Louis XV {27} , ainsi que
séjour à Rome. Il signale, dans son journal, sa première tentative de ce
bmb ( c at. 108 )
quatre poignées de porte des Tuileries… ; il a fait tailler deux obélisques
des planches commentées.
genre, le Ier mars 17 7 2 : « Après dîner je suis allé avec le Bouteux au temple
et un disque de basalte dans les « restes du sciage qui a été fait au plus
En ce qui concerne ses dessins, la distinction est nette entre ceux qui
de Minerva Medica dans l’intention de dessiner une vue. Je n’en avois
grand sphinx de la Villa Borghèse lorsqu’il a fallu réparer sa plinthe »{25}.
sont dans des bordures, encadrés à son mur, et ceux qui sont en vrac
jamais fait et je craignois d’en faire cependant, on m’a encouragé en
Ces vestiges toutefois ont donné lieu, du moins dans sa dernière installation
dans des albums. On peut être frappé du fait qu’en dehors de cadeaux
m’assurant que celle-là n’étoit pas bien mal. Ménageot m’en a demandé
bisontine, à de savants remontages pour leur donner un aspect décoratif,
de ses amis, il possède surtout des œuvres de la génération précédente,
la contrépreuve. Je la lui ai donné quoique j’aye pris cette demande
sur lesquels je reviendrai.
ou du moins de gens âgés d’une quinzaine d’années de plus que lui.
pour une plaisanterie, cela ne valoit pas la peine d’être refusé. »
FLASH ADRIEN PARIS
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Page 90
P i e r re - Adrien Pâris.
Je a n - Honoré Fragonard.
Études d’arbres, d’après Hubert Robert,
Fillette assise par terre sur ses talons,
17 7 2 - 17 74 ?, sang u ine, 37,2 x 29,2 cm. bmb ( c at. 13)
17 73 - 17 74, sang u ine, 38,4 x 29 cm. mb aab, d.2939 ( c at. 92)
Je a n -Honoré Fragonard.
Le Triomphe de Vénus,
v ers 17 6 5 - 1770, huile sur bois. d. 75 cm.
mb aab ( c at. 154)
90 —
— 91
Le lendemain, « Vincent m’a proposé d’aller avec lui au Co l l i s e e
Il semble que Pâris ait été fasciné par la façon dont Fragonard voyait
Il semble en effet avoir peu profité de la grande braderie qui se déroula
Sur sa face est renfoncée une niche orbiculaire dans laquelle est fixé
[ Colisée] pour y dessiner une vue. J’y suis allé et j’en ai fait une qui
la nature ; toujours dans le même journal, on trouve cette remarque
pendant la Révolution, sinon peut-être pour acheter en 17 9 1 le domaine
un Priape de bronze… Il représente un nain au piloris {35}. » Une autre
m’a paru moins mal que la première. {29} » À la manière de Salomon
le 15 octobre 17 7 2 : « J’ai fini ce que j’avais à faire à [la] Villa Belvedere
de Vauclusotte qui lui assura des rentes jusqu’à sa mort, d’abord par
Isis de brèche à fond vert {36} était d’abord insérée dans un monument
{30}
, il a vite compris que le meilleur moyen de maîtriser les
[villa Aldobrandini à Frascati]. Je suis monté dans la loge qui est
le revenu de ses métairies, puis par les placements faits après la
composé d’un socle où alternaient un premier disque « d’une pierre
t e chniques d’une vue d’après nature était de commencer par copier
au haut du Palais. Il était de bonne heure, un léger brouillard
vente du domaine. Pâris, en revanche, ne semble pas avoir pris les
rare connue parmi les marbriers de Rome sous le nom de pierre
Gessner
des œuvres convaincantes, et ses recueils contiennent plusieurs de ses
couvrait la partie haute de la cascade. C’était tout juste un tableau
risques que, selon l’Encyclopédie méthodique courent les curieux :
Bergerat, un dé carré de porphyre rare, puis un autre de granit blanc
copies d’après Hubert Robert. Le 2 3 mai 17 7 2, il tente de faire des dessins
de Fragonard. De l’autre côté la vue est la plus belle qu’on puisse
« Cependant la curiosité, cette envie de posséder, qui n’a presque
et noire d’une espèce fort rare. De chaque côté de l’Isis est une colonne
de la pierre Bergerat qui porte un Anubis de bronze… Sur l’angle de
à la villa d’Este en ayant en tête les dessins de Fragonard qu’il ach è t e r a
v o i r : on voit en face Rome et toute sa campagne et en deçà tout le
jamais de bornes, dérange presque toujours la fortune et c’est en cela
ultérieurement : « Après midi nous allâmes dans la ville d’Este, lieu
bas de Frascati, à droite les Apennins couverts d’habitation dans
qu’elle est dangereuse. » Cette prudence peut aussi être liée au
devant du dé de porphyre est placé un petit loup égyptien d’argent…
charmant dont Fragonard a fait plusieurs vues bien intéressantes. Je
cette partie, et à ga u che la mer. {32} » Le grand nombre de dessins de
fait qu’il n’a guère eu d’installation fixe avant son retour à Besançon.
plus bas une petite momie égyptienne ». Une modification eut lieu
tentai une vue de la cascade mais je n’étois pas en train. Je la jettai.
Fragonard que Pâris a réunis atteste de cette admiration, mais on peut
Ce que son Inventaire révèle de la présentation de ses collections peut
ultérieurement : « ce morceau n’est plus sur ce socle. Il est sur un
Ouel [Houël] n’a pas laissé de la prendre disant qu’il en tireroit parti,
être frappé par le nombre relativement faible de tableaux du peintre
sans doute permettre de connaître certains aspects de sa façon de vivre
autre pied de bleu turquin semblable à celui qui porte le buste nº 10 {37},
chose difficile. Il en a faitte une charmante. Berthelemi [Berthélemy]
qu’il a acquis, très inférieur à ceux d’architectes comme Jacques-Germain
avec elles. Il s’agit, dans bien des cas, de transformer ces vestiges en
aussi avec un clou du Panthéon en bronze »{38} . Un aspect ludique peut
{33}
en a fait une du grouppe de ciprès qui est au milieu du jardin et qui
Soufflot, François Trouard ou Charles De Wa i l l y
: un plafond
monuments décoratifs. Étaient donc associés différents objets antiques
parfois entrer en jeu, ainsi la tête romaine de vieille femme assez
est charmante, il m’en a donné la contrépreuve pour […] toutes les
qu’il installa comme ciel de lit dans son pigeonnier d’Escures en 17 9 7,
et échantillons d’histoire naturelle, qui ont été séparés après leur entrée
austère en bronze – aussi probablement une œuvre de la Renaissance
vues que je ferois là, je ne perds pas au change. {31} »
et deux petits tableaux.
au musée. Ainsi, l’Isis antique – probablement un faux de la Renaissance {34}
– se fait ajouter « à son col une chaîne de cuivre à laquelle sont
– est « élevée sur un dé oblong de granit rose […].
suspendus une bulle en bronze et deux priapes » {39}.
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Alors que sa chambre dans son pigeonnier d’Escures {40}, « décorée en
Johan Martin Weis.
Char de fête, gravu re à l’eau-forte dans : Représentations des fêtes données
tente de vraie Perse, le plafond renforcé en plan incliné renfermant
par la ville de Strasbourg pour la convalescence du roi [Louis XV], Paris,
dans son centre un tableau de Fragonard », devait plutôt respirer la
1745, in - folio. bmb ( c at. 143)
volupté, à Besançon, il semble ch e r cher à dresser un mémorial de sa
vie. Dans l’antichambre, « infixés dans une sorte de large ch a m b r a n l e
et dessus-de-porte, sont les objets suivants », écrit-il avant de dresser
une liste de trente-tr ois terres cuites et inscriptions{41}. Insérer ainsi les
inscriptions ou des fragments antiques dans des parois correspondait
à des pratiques muséographiques romaines récentes telles que dans les
salles du Museo capitolono aménagé à partir de 173 4 dans le Palazzo
nuovo du Capitole et la galleria lapidaria aménagée au Vatican sous
92 —
— 93
Pie VI et Pie VII. Les antiques, comme les dessins, sont souvent réunis
à plusieurs dans la même bordure ; y sont mêlés les figures antiques,
les modèles en bois ou en plâtre, les moulages, les bronzes et les
objets modernes. C’est une réunion de ce que Pâris a connu ou aimé.
On trouve, dans sa bibliothèque, ce même portrait intellectuel. Il est
frappant qu’il ait conservé des dessins de tous ses projets et qu’il ait jugé
bon de les monter en recueil en les annotant et les commentant avec
de nombreux renseignements biographiques. C’est un travail qu’il a
commencé dès son premier séjour romain ; il écrit dans son journal
à la date du 30 novembre 17 7 2 : « Le temps affreux qu’il faisait hier a
continué et j’ai continué à coller des desseins ce qui m’ennuie fort.{42} »
Il avait commencé dès le 3 juillet à faire ce travail, tant pour son ami
Vincent que pour ses propres dessins {43}. Même si ce travail l’ennuyait,
il n’a jamais renoncé, non seulement à coller, mais à ajouter des
commentaires et des notes. Si son travail sur le Colisée ou son
complément à Desgodets reposaient sur l’intention de les publier, ce
n’est pas le cas ni de ses décors de théâtre, ni de ses différents projets
d’architecture, ni même probablement de ses différents volumes d’études.
On peut penser, en consultant son inventaire, au catalogue que Nicodème
Ses recueils de gravures sont tout autant liés à ses préoccupations.
Le long travail de préparation des volumes, comprenant la mise au net
Tessin le jeune avait dressé de sa propre bibliothèque, plus rich e
Il se procure, probablement avec difficultés et à prix élevé, les huit
des dessins, les annotations nombreuses qu’il y ajoute, les explications
assurément que celle de Pâris, et qu’il fit publier en 1712 {45} ; celui-ci
volumes des Antichità d’Ercolano esposte, qui n’étaient distribués
qu’il en donne ont probablement comme destinataire la postérité. Ce
avait introduit ce catalogue par un « Avis au Lecteur » : « Ce catalogue
que comme des présents du roi de Naples, et qu’on ne trouvait
n’est pas pour lui-même qu’il a besoin d’expliquer que ses dessins pour
a été imprimé, tant pour faire plaisir aux Curieux, que pour faire voir
pas chez les libraires (le huitième volume figure sur la liste
l’hôtel de ville de Ne u châtel ont été trahis par les entrepreneurs locaux.
l’étude, l’application, la recherche et l’amas que la connaissance des
complémentaire de ses achats à Rome lors de son quatrième
beaux-arts demande. Il faut bien du génie, de la vigilance, de la fatigue
v o y a g e ){ 4 6 } ; en revanche, il ne ch e r che pas à acquérir les volumes
complets des Antichità ro m a n e de Piranèse. Content de donner
Piranèse.
Il a constitué ses recueils avec l’idée d’une destination publique qui
et de la dépense pour en venir à bout. Aussi il ne faut pas s’étonner
L’Arc de Marc-Aurèle, gravure à l’eau-forte dans
transparaît aussi dans son Inventaire, où les précisions qu’il donne
si les habiles architectes en ce temps-ci vont toujours en diminuant. »
des cours d’architecture au fils du graveur, « p e n sant tirer parti du
sur ses objets peuvent aider à leur catalogage. On peut donc repérer
En ce qui concerne l’architecture et les antiquités, Pâris ne pourrait
père de mon côté » { 4 7 }, il échange le recueil des vases qu’on lui
Il Campo Marzio dell’antica Roma,
Rome,
1762, in - folio, pla nch e xxxvi, eau - forte.
dans ses acquisitions de livres ce qui est tourné vers la postérité. Il
que souscrire à cette affirmation. Il est clair qu’il ne pouvait accepter la
avait donné contre quarante-huit planches des vues de Rome. Il
bmb ( c at. 127)
est douteux qu’il ait utilisé ses sept éditions de Vitruve, dont les deux
suggestion de Millin de réserver ses livres rares et ses études à la capitale
réunit dans quatre recueils qui contiennent de nombreuses
dernières ont été acquises après 1 8 0 6 : la traduction de Barbaro parue
et de ne laisser que le reste à Besançon. Le portrait intellectuel qui se
estampes de Piranèse – dont les C a rc e r i – bien des planch e s
à Venise en 15 5 6 et l’édition d’Henry Wotton de 1 6 4 9 qui collationne
d é gage de ses collections en aurait été amoindri. Bon nombre des ouvrages
d’autres graveurs et des cartes de toutes les villes d’Italie { 4 8 } . Les
{44}
. La plupart
de sa bibliothèque ont été enrichis par lui. C’est naturellement le cas de
volumes deviennent plutôt un ensemble d’images évoquant l’Italie,
des architectes français se contentaient de la traduction de Claude
son Desgodets, mais de plusieurs autres livres auxquels il a ajouté des
r é u n i s sant Piranèse, Panini, Canaletto…, que la collection de
Perrault, dont Pâris possède les deux premières éditions de 1 6 73 et 1 68 4.
gravures et des notes, se les appropriant ainsi complètement.
l’œuvre d’un artiste.
les commentaires de Barbaro, Philander et Salmasio
FLASH ADRIEN PARIS
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Si la plupart de ses gravures de Piranèse sont de beaux états, il n’en
est pas de même pour bon nombre d’estampes de sa collection ; il
achète le plus souvent les retirages tardifs des grands recueils anciens,
notes
94 — sans ch e r cher à se procurer les éditions anciennes avec des premiers
tirages des planches. On peut aussi être frappé du nombre relativement
restreint des volumes de fêtes que possédait cet ancien dessinateur des
Me n u s -Plaisirs, surtout si on compare s a bibliothèque à celle de Tessin,
comme lui chargé de l’architecture éphémère de fêtes. Certes il s’agissait
de livres onéreux, le plus souvent destinés à être offerts par le souverain
et non disponibles sur le marché, et Pâris a disposé, durant son activité,
de la Bibliothèque du roi et de celle des Me n u s -Plaisirs, mais c’est un
Ces quelques commentaires visent à s’interroger sur la nature de la
type d’ouvrages que d’autres ont ch e r ché à collectionner. S’il relève,
collection rassemblée par Pâris. Il s’agit d’une collection d’étude, sans
à la manière de son ami Séroux d’Agincourt, des monuments du
doute, mais celle d’un homme qui a renoncé à son métier d’arch i t e c t e
Moyen Âge italien, il ne le fait pas pour ceux du Moyen Âge français,
vingt-sept ans avant sa mort et qui aurait pris la résolution de ne plus
qui suscitent pourtant un intérêt croissant chez ses contemporains. Bien
travailler pour qui que ce soit après l’arrestation et la condamnation
que Charles Weiss ne manque pas de signaler qu’il est mort consolé
de Louis XVI. L’ a r chitecture est devenue l’objet d’un intérêt intellectuel,
par la religion, sa bibliothèque est particulièrement pauvre en
d’une réflexion qui vise à mieux connaître l’antique, à étudier les
ouvrages religieux et le monument funéraire qu’il s’est dessiné, pas plus
modèles du passé, afin de voir ce qui peut être utile et ce qui doit être
que son épitaphe, ne renvoient au christianisme. Comme le signale
négligé. Les vestiges qu’il a réunis sont liés à des études sur l’Antiquité ;
Henry Fe r r e i r a - Lopes dans son introduction, il n’a guère ach e t é
mais si le comte de Caylus pouvait avoir de d’intérêt pour le même
{ 1 } . Claude-Henri Watelet et Pierre-Charles Lévesque, Encyclopédie méthodique. B e a u x - A r t s, t. I, 1788, p. 171.
Sauf la dernière phrase de Lévesque, la notice est tirée de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
{2} . Voir Ch. Guichard, Figures de l’amateur. Les pratiques du goût à Paris
dans la seconde moitié du
{2 1 } . I n v e n t a i r e, nº 181.
{22} . I n v e n t a i r e, p. 54, nº 55 ; Weiss 1821 I, nº 464.
{23} . I n v e n t a i r e, première page non paginée.
Les italiqu es sont de moi.
X V I II e
s i è c l e, Seyssel, Champ Vallon, 2008.
{24} . Weiss 1821 I, p. 155, nº 33
{25} . I n v e n t a i r e, p. 69 nº 289 et 290.
{3} . BMB, Ms. Pâris 3 ; désormais abrégé en I n v e n t a i r e.
{26} . Weiss 1821 I, nº 266.
{4} . Ces deux volumes (Weiss 1821 I, nº 166, t. I et II) sont d’ailleurs rangés dans son inv entaire
{27} . Weiss 1821 I, nº 270.
avec les livres d’architecture (I n v e n t a i r e, p. 5) alors que le premier (Weiss 1821 I, nº 166, t. III)
{28} . BMB, Ms. Pâris 6, p. 67.
l’est avec les œuvres de peintre (I n v e n t a i r e, p. 32).
{29} . BMB, Ms. Pâris 6, f. 145-146.
{5} . Sur les Othon de bronze, voir Antoine Schnapper, Le Géant, la licorne, la tulipe, Paris, 1988, p. 152-156.
{6} . Lettre publié e par Weiss 1821 I, p. 52-53. Dans une autre lettre publi ée par Estignard 1902, p. 126,
Millin lui suggère de léguer à la capitale ses dessins et ses livres de prix, mais met surtout l’accent
sur ses neuf volumes d’études dont la place serait à la bibliothèque de l’Institut.
{7} . Krzysztof Pomian, « Entre le visible et l’invisible : la collection », C o l l e c t i o n n e u r s , amateurs et curieux.
Pa r i s , Ve n i s e,
X VI e- X V I II e
{30} . Salomon Gessner, « Lettre de Mr. Gessner à Mr. Fuslin, auteur de l’histoire des peintres suisses,
sur le paysage », traduite par C.-H. Watelet et éditée notamment dans Contes moraux et Nouvelles Idylles
de Denis Diderot et Salomon Gessner, Zurich, 1773.
{3 1 } . BMB, Ms. Pâris 6, p. 187.
{32} . I d e m, p. 256.
s i è c l e, Paris, 1987, p. 15-59 et i d. « À propos des vases Médicis »,
{33} . Sur les collections d’architectes, voir Patrick Michel, « Entre uti lité et plaisir : les collections d’architectes
e
en France au xviiie siècle », Victor Louis et son temps, actes du colloque, Paris, Archives nationales,
Des saintes reliques à l’art moderne, Venise-Chicago
X I II - XX
{8} . I n v e n t a i r e, p. 25.
e
s i è c l e, Paris, 2003.
14-16 décembre 2000, Bordeaux, 2004 (Les Cahiers du centre F. - G . Pa r i s e t), p. 239-277.
{9} . I n v e n t a i r e, p. 18.
{34} . MBAAB, D.863.3.217.
{10} . I n v e n t a i r e, p. 38.
{35} . I n v e n t a i r e, p. 50, nº 1.
{1 1 } . Weiss 1821 I, nº 684 (BMB, cote 60965).
{36} . MBAAB, D.863.3.217bis.
d’éditions propres aux bibliophiles de son temps. La littérature
type d’objets, il ne croyait pas nécessaire de les conserver après les avoir
française est surtout représentée par les éditions stéréotypes de Didot,
fait graver {50} ; Pâris, lui, quand il installe « le plus agréablement
{12} . I n v e n t a i r e, nº 147 ; Weiss 1821 I, nº 426.
{13} . I n v e n t a i r e, nº 98.
{38} . I n v e n t a i r e, p. 50-51, nº 2.
récentes et relativement bon marché. Le classement de sa bibliothèque
possible ma bibliothèque qui est assez considérable et mon petit
{14} . I n v e n t a i r e, nº 198. MBAAB, DA.863.3.44.
{39} . I n v e n t a i r e, p. 53, nº 24.
{15} . I n v e n t a i r e, nº 23. MBAAB, D.863.3.104.
{40} . BMB, Fonds Pâris, vol. 484, pl. XXXIV , nº 45.
dans son Inventaire n’est pas toujours repris par Weiss ; à bon escient,
Mu s e u m » {51} dans une ville où il n’a guère de connaissances, ch e r ch e
{16} . I n v e n t a i r e, nº 276 et 277.
{41} . I n v e n t a i r e, p. 65-67.
{17} . I n v e n t a i r e, p. 68, nº 284 ; Weiss 1821 I, nº 250.
{42} . BMB, Ms. Pâris 6, p. 277.
celui-ci ne range pas dans les volumes d’architecture des volumes
à dresser un mémorial de sa vie, avec les portraits de ses anciens amis
{18} . I n v e n t a i r e, p. 57, n os 83 et 85 ; Weiss 1821 I, nos 241 et 496.
{43} . I d e m, p. 206.
{19} . I n v e n t a i r e, p. 69, no 288 et 85 ; Weiss 1821 I, no 104.
{44} . Les notices sont intercalées dans son I n v e n t a i r e, p. 1 et 17.
comme les gravures d’après les peintures de Le Brun à la Galerie de
et protecteurs, les plans de Rome, la ville qu’il a aimée entre toutes,
{20} . Pour ces trois objets, I n v e n t a i r e, p. 76.
{45} . Nicodemus Tessin the Yo u n g e r: Sources, Wo r k s , C o l l e c t i o n s. Catalogue des livres,
Versailles ou dans la galerie d’Apollon du Louvre
{49}
.
les œuvres d’artistes avec lesquels il a été lié – amis, collaborateurs ou
élèves –, les souvenirs de ses différentes activités. Tout dans son
cabinet et sa bibliothèque fonctionne comme sémiophore, renvoie
à ce qu’il a connu et, au-delà, à lui-même. C’est une forme de portrait
intellectuel et sentimental, ce qui explique cette volonté de ga r d e r
réunis à Besançon ce qu’il a possédé, non tant pour la formation des
générations futures, que pour dresser un mémorial que cette exposition
tente d’évoquer.
{37} . Tête d’éphèbe, MBAAB, D.863.3.103.
estampes & dessein s du cabinet des beaux arts, & des sciences appartenant au Baron Te s s i n,
Stockholm 1712 ; éd. commentée par Per Bjurström and Mårten Snickare, Stockholm, 2000.
{46} . I n v e n t a i r e, page suppl émentaire.
{47} . BMB, Ms. Pâris 6, p. 170, 19 avril 1772.
{48} . I n v e n t a i r e, p. 6 ; BMB, Fonds Pâris, vol. 555-558.
{49} . Weiss 1821 I, nº 155 et 156.
{50} . Voir notamment C a y l u s , mécène du roi - Collectionner les antiquités au
X V I II e
s i è c l e,
cat. exp., sous la direction d’Irène Aghion, Institut national d’Hi stoire de l’art, Paris, 2002.
{51} . Lettre citée i n Pinon 2007 I, p. 30, note 135.
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Axelle Dav a d i e —
96 —
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PÂRIS
Pierre-Adrien Pâris, architecte et dessinateur du Cabinet du roi,
donna sa collection d’antiques à sa ville natale, par testament.
La donation à la Vi l l e, qui constitue le premier article du
testament de 1818 (« 1º à la ville de Besançon sa bibliothèque,
ses tableaux et gravures, ses marbres, bronzes, médailles, enfin
toute sa collection de curiosités »), ne mentionne pas explicitement
la collection de vases antiques ou certaines pièces remarquables,
tels la ciste en bronze ou le crâne offert par Canova à la suite
d’une campagne de fouilles. La délibération municipale du 16
août 1819 (« [lègue] à la bibliothèque publique de la ville […] ses
bustes en marbre, bas-reliefs, antiquités, terres cuites anciennes
et modernes, ouvrages modernes en divers marbres, bronzes,
médailles, modèles en bois, et généralement tout ce qui compose
sa collection de curiosités ») est plus précise et met en relief la
juxtaposition de pièces originales et de copies modernes.
jugé sur ses antiques
Ciste à trois pieds décorés,
é t r usq ue, bois et alli a ge cui v r e ux,
h. 38 x d. 35 cm.
mb aab ( c at. 198)
P i e r r e - Adrien Pâris, architecte et dessinateur du Cabinet du roi, donna
sa collection d’antiques à sa ville natale, par testament. La donation
à la Ville, qui constitue le premier article du testament de 1 8 1 8 (« Iº à
la ville de Besançon sa bibliothèque, ses tableaux et gravures, ses
marbres, bronzes, médailles, enfin toute sa collection de curiosités »
ne mentionne pas explicitement la collection de vases antiques ou
certaines pièces remarquables, telle la ciste en bronze ou le crâne
offert par Canova à la suite d’une campagne de fouilles.
La délibération municipale du 1 6 août 1 8 19 (« [lègue] à la bibliothèque
publique de la ville […] ses bustes en marbre, bas-reliefs, antiquités,
terres cuites anciennes et modernes, ouvrages modernes en divers
marbres, bronzes, médailles, modèles en bois, et généralement tout
ce qui compose sa collection de curiosités ») est plus précise et met
en relief la juxtaposition de pièces originales et de copies modernes.
Ce trait souligné par Charles Weiss, qui inventoria la donation pour
le compte de la Ville, nous plonge dans la réalité des collections de
cette période : en cette fin du x v iii e siècle et ce début du xix e , le
marché de l’art en Italie et en France propose des œuvres antiques issues
Tête humaine momifiée, trouvée
« dans la tombeau de la famille Servilia, près du cirq u e
de fouilles, qui ne sont pas à la portée de tous les amateurs. Ainsi,
certains d’entre eux sollicitent des artistes contemporains pour
de Caracalla à Rome » (Weiss I, p. 153)
copier « dans divers marbres » les œuvres uniques et fort coûteuses
é poq ue rom a ine ? 20 x 19 x 17 cm. bmb ( c at. 219)
qui leur ont éch a p p é .
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Stèle funéraire de Marcus Caecilius,
Partie gauche d’une épitaphe en grec,
au nom d’Asclépios.
avec buste,
Réutilisation (reste d’inscription latine au verso).
é poq ue rom a ine, marbre bla nc,
ii - iii e siè cle, marbre bla nc, 28,5 x 23,5 x 2,8 cm.
41,5 x 27 x 10 cm.
mb aab ( c at. 215)
mb aab ( c at. 218 )
Rituels
de la mort
98 —
La découverte de l’Italie antique et de l’archéologie est liée aux études
Les vestiges d’époque romaine sont un peu mieux identifiés dans sa
La collection d’antiques de Pâris renseigne sur les rituels de la
de Pâris, qui l’ont conduit à faire le voyage vers Rome. Ces différents
collection, qu’il les ait personnellement trouvés, comme les vases répertoriés
mort dans les quatre civilisations. Certaines pièces témoignent de
voyages en cette période – 17 7 1 - 1 8 17 – furent l’occasion d’approch e r
par Weiss sous les numéros 233 (« un vase, terre cuite, à large panse,
la pratique de l’inscription pour conserver la mémoire du disparu
les fouilles, les objets, les marchands. Ainsi a pu être constituée une
trouvé en 1809 dans les fouilles du Co l i s é e ») ou 234 (« un autre petit
dans l’Antiquité aussi bien grecque et romaine qu’égyptienne. Ce s
collection qui regroupe des objets des quatre civilisations – égyptienne,
vase, terre cuite, trouvé en 1 8 1 2 dans les thermes de Titus »), ou non {1} .
inscriptions sont riches d’enseignements concernant la vie des
grecque, étrusque et romaine –, perçues comme le berceau de la
Les pièces égyptiennes témoignent d’une curiosité aiguisée par les
sociétés antiques, notamment la société romaine, du i e r siècle avant
civilisation occidentale.
découvertes de la campagne d’Égypte de Bonaparte et par les ventes
J . - C. au ii e siècle après J.- C .
Cette diversité reflète à la fois les centres d’intérêts de Pâris, mais aussi les
de collections, mais peut-être peu conseillée.
Les inscriptions latines sont composées de mots et d’abréviations,
telles « D.M. » pour diis manibus (aux dieux mânes, esprits des morts)
curiosités d’une époque qui voit fleurir l’archéologie grecque, romaine et
égyptienne – ces deux dernières s’étant fortement développées sous
Pour les quatre civilisations antiques, la collection comptait donc : seize
ou « B.M » pour bene merito. Sur treize inscriptions, les lettres sont
Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon Ier. L’engouement des princes et
peintures égyptiennes, huit statuettes, deux socles inscrits et deux
rehaussées de rouge ; cinq sont inscrites dans un encadrement et,
des élites pour les antiquités suscite des vocations d’archéologues et de
empreintes en plâtre d’inscriptions hiéroglyphiques ; vingt-cinq
pour l’une, le texte en dépasse les limites ; deux ont une feuille de
marchands. Ces amateurs ont, par leurs achats, créé un marché de l’art
inscriptions, dont huit sur briques romaines ; dix-sept inscriptions
lierre entre le D et le M ; enfin, une seule présente un portrait du
antique dans un contexte d’approvisionnement assez restreint, qui explique
funéraires parmi lesquelles quinze sont rédigées en latin et deux en
disparu, jeune homme par l’âge et adolescent par les traits reproduits.
Un bon nombre d’entre elles sont données comme issues de
le caractère parfois moderne de certaines pièces, que Weiss catalogua
grec ; cinquante et une lampes à huile romaines, dont certaines sont
cependant comme antiques. La collection de lord Hamilton était déjà
décorées ; quarante-cinq statuettes romaines ; quarante-trois fragments
c o l o m b a r i a, tombes collectives, ainsi dénommées parce qu’elles
célèbre, grâce à la somptueuse publication par d’Hancarville, dont Pâris
de reliefs romains ; dix antéfixes romaines ; vingt et un vases grecs
présentent des rangées de niches évoquant un pigeonnier, et furent
possédait un exemplaire. Pâris participe à ce mouvement et côtoie lors
ou italiotes ; seize vases antiques, le plus souvent en bronze. Il faut
très utilisées aux i er et iie siècles.
de ses séjours à Rome des artistes italiens et étrangers férus d’antiquités.
y inclure les copies modernes, dix-neuf objets d’aspect antique montés
La plupart des inscriptions témoignent de liens familiaux : une fois,
Seule compte la valeur marchande réelle ou supposée des objets. Il
sur des socles modernes en marbre ainsi que des réductions de
un père érige un monument à sa fille { 2 } ; trois fois, un époux à sa
n’est donc pas surprenant que la provenance soit rarement mentionnée,
monuments et des échantillons au nombre de trente-six – parmi ceux-
femme{3}, une fois, un fils pour sa mère {4} et, une fois, un frère envers
puisque la perspective des « archéologues », marchands et amateurs,
ci trois clous, provenant du Panthéon pour l’un et du temple de la
son frère. Lorsque l’inscription ne donne qu’un nom, on peut supposer
n’était pas historique mais esthétique et mercantile.
Paix pour les deux autres.
que le défunt a pris soin lui-même de son monument. Ainsi en est-il
Les fouilles que Pâris a pu effectuer à Rome (Colisée, sondage au
Cette énumération d’apparence hétéroclite révèle le caractère de
pour Eros Cinnamus valet de chambre, pour P. Fulvius Epaphra et,
cirque Maxence) n’ont logiquement pas nourri sa collection de vases
P â r i s : archéologue mais non antiquaire, il a récolté ou acheté des
surtout, pour Philargyre, pictor (le peintre) {5}.
grecs. Deux d’entre eux sont, en revanche, des cadeaux attestés : le
objets communs qui devaient signifier à ses yeux le génie civil des
lécythe à figures rouges lui a été offert par Dodwell, peintre britannique
a r chitectes antiques et renvoyer une image de la société et de la vie
de retour de Grèce et de passage à Rome, et le lécythe à figures noires
des Anciens. Mais il a aussi dû penser que ces monuments serviraient
par son neveu en garnison à Corfou, qui en fut l’inventeur lors de
à l’édification des générations futures et, pour certains, de répertoires
travaux de terrassement pour son bataillon.
de formes.
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É p i g ramme funéraire en grec au nom
de Popilia, en distiques élégiaques,
é poq ue rom a ine, marbre bla nc, 24,5 x 43 x 3,5 cm .
mb aab ( c at. 214)
Dédicace funéraire de Calpurnia Haedia,
é poq ue rom a ine, marbre bla nc,
La société romaine
{i e r siècle avant J.-C.
iie siècle après J.-C.}
100 —
19,5 x 45,5 x 2 cm. mb aab, da . 8 6 3 . 3 . 4
— 101
Ces objets, fort communs aux yeux des collectionneurs et des amateurs
L’inscription funéraire de Calpurnia Hedia et des siens révèle cette
d’art, témoignent à la fois de la maîtrise technique des Romains et de
pratique, puisque tous sont, comme elle, des affranchis d’un
Le texte de l’inscription est réduit à sa plus simple expression ; seule
La collection comporte aussi dix estampilles sur brique différentes par la
la vitalité de leur économie. En effet, la brique semble remplacer le
Calpurnius, portant le nom de leur ancien maître comme prénom. Leur
exception, une inscription pour Popilia, en grec, donne plus
forme – cinq rectangulaires et cinq circulaires –, toutes d’origine romaine.
moellon à partir du début de l’Empire, ce que montrent les Castra
statut est aussi précisé par la mention « C.L. », qui signifie Caii Libert a
d’informations : la défunte s’adresse à son époux et en fait l’éloge,
Les briques sont le plus souvent de forme carrée {7}. Elles sont appelées
P r a e t o r i a sous Tibère en 2 1 - 2 3 après J.- C. Cet usage devient plus
ou L i b e rt u s selon le cas : ce Calpurnius était prénommé Caius, prénom
situation inverse de celles habituellement présentées dans les textes
« bessales » lorsque leur longueur est égale aux deux tiers du pied romain
perceptible tout au long du i er siècle, d’autant que les incendies dans
fort répandu dans la société romaine.
funéraires. Aux vertus éminentes du mari, dédicant du tombeau,
(19 , 7 cm), « sesquipedales » lorsqu’elles correspondent à un pied et demi
Rome et les destructions dues au Vésuve en Campanie imposent de
La marque de l’affranchissement peut aussi être rendue par une autre
s’ajoute l’expression de sa tristesse, symbolisée par les larmes, épandues
(4 4 , 4 cm) et « bipedales » quand elles mesurent deux pieds (5 9 , 2 cm).
reconstruire rapidement aussi bien des demeures privées que des
formule que nous lisons sur l’inscription de Cantaber {11} : « L. » ou
en torrent. La mort est perçue comme l’endormissement ultime de l’être
Celles de la collection sont des fragments : elles sont toutes inférieures
bâtiments publics. Leur fabrication quasi industrielle est plus rapide
« LIB. » après son nom, suivi par celui de son ancien maître (« AUG »
aimé, et non comme une rupture brutale. Le caractère précieux des
aux briques bessales et leur épaisseur n’atteint pas le pouce, sauf pour
et plus aisée à mettre en œuvre que les techniques anciennes de
pour Au g u s t e ) .
propos trahit peut-être une relation nouvelle à la mort.
D.863.3.21 ; D.863.3.24 est épaisse de 3,9 cm et 8 6 3 . 3 . 17 de 4,3 cm.
remplissage avec des moellons. De plus leur régularité formelle et leur
Enfin, l’ascension sociale est indiquée pour le seul Caius Calpurnius
Les fragments de cartonnage acquis par Pâris témoignent de la
L’inscription court sur une à trois lignes selon l’exemplaire et le mode
plus grande surface portante constituent des atouts précieux.
Rufus, qui est membre de la tribu Collina. En une génération, cette
momification à basse époque pour les défunts peu aisés. Parmi ceux-
de titulature. Lorsque la forme de l’estampille est circulaire, les lignes
Les vestiges ont révélé leur présence à tous les niveaux de construction{10} :
famille d’affranchis entre dans la plèbe romaine, l’inscription dans une
ci, les deux colliers ousekh sont les pièces les plus intéressantes : posés
sont séparées par un tore. Le texte est composé principalement
murs, encadrements de portes et fenêtres, arcs et plates-bandes décoratives,
tribu conférant la citoyenneté. Le statut transitoire de l’affranchi est
sur la poitrine du défunt, ils portent outre un décor floral en éventail,
d’abréviations et les lettres ne sont pas séparées les unes des autres par
voûtes et sols, ainsi qu’installations de chauffage des thermes ou des
donc bien mis en évidence entre l’état précédent d’esclave et celui
une effigie de Ptah-Sokar-Osiris, dieu de la Mort et de la Résurrection,
une ponctuation.
bains privés : ce sont les « pilettes d’hypocauste ».
espéré de citoyen libre, inscrit dans une tribu et participant à la vie
civique, politique et religieuse de sa cité et de l’Empire.
juge lors de la pesée de l’âme.
Sur quatre d’entre elles, les lettres de l’inscription sont rehaussées
Enfin, la couleur de la brique dépend à la fois de la couleur de l’argile
Les deux fragments de sarcophage éclairent la religion romaine ; l’un
de rouge. Le plus souvent le texte est inscrit en relief. Enfin, sur deux
et du degré de cuisson : ces différences chromatiques ont été mises à
Les métiers représentés sont celui d’esclave vivant dans l’entourage
représente le jeune Bacchus sur le dos d’une lionne accompagné par
exemplaires d’aspect circulaire, une pastille anépigraphe délimite une
profit dans la construction de la tombe dite « d’Annia Re g i l l a », où
immédiat du maître – le valet de chambre – ou de peintre, sans qu’on
un Satyre et Pan. Le fragment de lènos enfantine appartient à la série
forme de croissant lunaire, dans lequel le texte est écrit. Cette pastille
alternent des briques couleur jaune sable et jaune plus soutenu pour
puisse déterminer s’il s’agit d’un peintre au sens propre ou d’un architecte
de Prométhée. La provenance exacte faisant défaut, se pose alors la
a été expliquée comme la marque laissée par la pince qui permettait
les pilastres, l’entablement et l’encadrement des fenêtres…
puisque leur formation incluait la pratique des différents arts {12}.
question de l’origine de ces vestiges : sont-ils des panneaux de cuve
à l’artisan de déposer la brique dans le four.
Le ii e siècle, celui de la Pax ro m a n a, a vu l’apogée de cette production
ou des fragments de couvercle ? R. Turcan choisit l’hypothèse du
Trois estampilles circulaires portent un symbole appelé « signum »,
et la concentration des exploitations entre les mains de l’Empereur,
sarcophage d’enfant en se fiant aux mesures du panneau, qui
qui devait permettre une identification plus rapide et, dans un cas, le
dans la région de Ro m e .
révéleraient une cuve pour enfant, et à la thématique{6} des fragments,
nom d’un esclave est associé de manière explicite : par exemple, « de
Les inscriptions funéraires de la collection Pâris montrent la part
qui met en scène des enfants pour représenter les jeunes années de
Successus esclave » {8}.
des affranchis dans la société romaine impériale : nous constatons
Dionysos. Le rendu des personnages par la technique du pointillé et
Une estampille{9} présente un relief animalier ; de gauche à droite, une
que les hommes portent le plus souvent comme prénom et nom ceux
par l’opposition de saillies et de zones aplanies confère aux œuvres
oie, un canard sur un autel, une cigogne et une chouette identifiés par
de leur patron, et conservent leur prénom d’esclave comme surnom ;
une vivacité qui permet de les dater de la seconde moitié du iiie siècle
Charles Weiss.
les femmes prennent le nom de leur patron au féminin.
après J.-C. et d’y déceler une veine populaire. En fait, nous avons ici
une adaptation du thiase dionysiaque (cortège), image pour adulte, à
un enfant par miniaturisation des personnages : c’est ainsi que les
putti ou bacchoi participent au cortège, à la bacch a n a l e .
Inscription funéraire d’Eros Cinnamus,
é poq ue rom a ine,
m a r bre bla nc, 11 x 22,5 x 2,5 cm. mb a ab, da . 8 6 3 . 3 . 2