Implications territoriales de l`éruption du Mont Pinatubo pour la

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Implications territoriales de l`éruption du Mont Pinatubo pour la
Implications territoriales de l’éruption du Mont Pinatubo pour la minorité autochtone aeta
Implications territoriales de l’éruption du Mont Pinatubo
pour la minorité autochtone aeta
Cas des bassins-versants des rivières Pasig et Sacobia
(provinces de Pampanga et Tarlac, Philippines)
Jean-Christophe GAILLARD
Université de Savoie, Département de géographie, Campus scientifique, 73 376 Le Bourget du Lac Cédex
Mél : [email protected]
Frédéric LEONE
Université des Antilles et de la Guyane, Département de géographie, 97 275 Schoelcher, Martinique
Mél : [email protected]
Résumé : L’éruption du Mont Pinatubo survenue en juin 1991 sur l’île principale de Luzon (Philippines) est considérée
comme l’une des plus importantes de ce siècle tant pour l’amplitude du phénomène que pour les pertes subies. A ce titre,
la communauté autochtone aeta qui vivait depuis des temps ancestraux sur ses flancs s’est retrouvée subitement privée
des richesses naturelles et du cadre de vie paisible que lui procurait ce volcan, au repos depuis près de six siècles. Cet
article analyse les conséquences de l’éruption pour cette communauté qui, depuis près d’une décennie, est en quête de
nouveaux territoires indispensables à sa survie et à la préservation de son identité. Il apparaît que malgré les échecs
relatifs de la politique officielle de relogement et les conflits apparus au contact du reste de la population, cette communauté a démontré, dans l’ensemble, une grande capacité d’adaptation aux nouveaux espaces concédés ou conquis.
Cette adaptation s’est traduite en particulier par le développement de nouvelles activités économiques et l’adoption de
nouvelles références socio-culturelles davantage occidentales. Ceci témoigne d’un certain refus de la fatalité et d’une
trop forte dépendance vis-à-vis du reste de la population et des autorités philippines.
Mots clés : Aeta, Mt Pinatubo, Philippines, volcan, eruption, population autochtone, territoire, conflits
Abstract : Mt Pinatubo volcano, located on the main island of Luzon (Philippines), erupted in June 1991. This
eruption, which is known as one of the largest of this century, caused huge losses among the surrounding communities.
The Aeta ethnic minority has been living since ancestral time on the flanks of Mt Pinatubo. Subsequently to its
eruption, the indigenous peoples have been deprived of the natural resources provided by their environment. This
paper aims at assessing the consequences of the Mt Pinatubo eruption for this community in search of new territories,
which are essential to its survival and to preserve its identity. It turns out that, despite the relative failure of the
resettlement policy and the conflicts that occurred with the surrounding populations, the Aetas showed a great
capacity of adaptation to the new lands that this community conceded or conquered following the eruption. The new
livelihood strategies and occidental socio-cultural references adopted by the indigenous peoples are the most
representative facts of this flexibility. This community actually refuses to be dependent on the Philippine authorities
or on the rest of the population.
Key words : Aeta, Mt Pinatubo, Philippines, volcano, eruption, indigenous people, territory, conflicts
1. Présentation
Tayag & al., 1998). Contrairement à une idée répandue,
leur existence n’est pas menacée. La population
autochtone (indigenous people) (Schulte-Tenckhoff,
1997), également répartie sur les versants est (provinces
de Pampanga et Tarlac) et ouest (province de Zambales)
du Mt Pinatubo, est en effet passée d’environ 800 familles
(ou 6 000 individus) en 1900, à plus de 13 000 (ou 50 000
individus) en 1999 (NCIP, 1999a ; Orejas, à paraître ; Reed,
1904).
Généralement classés dans la catégorie des tribus de
« chasseurs / cueilleurs », les Aetas du Mt Pinatubo
tirent leurs ressources de la culture de tubercules et
autres légumes, de la chasse et de la pêche, ainsi que de
la cueillette de plantes et fruits sauvages qui abondent
dans leur environnement immédiat.
Leur mode de vie a largement été influencé par la
croyance en de nombreux êtres surnaturels appelés
L’éruption du volcan Pinatubo (figure 1), survenue
en 1991, est considérée comme l’une des plus importantes du 20ème siècle. Le réveil brutal de ce volcan situé à
l’apex des provinces de Zambales, Pampanga et Tarlac
(Central Luzon, Philippines), après plus de 400 ans de
repos, a affecté au total près de 2,5 millions de personnes (Leone & Gaillard, 1999) (figure 2).
La minorité ethnique « Aeta », qui vit depuis des
temps ancestraux sur les flancs du Mt Pinatubo, a été
l’une des communautés les plus durement touchées. Les
Aetas sont considérés comme les descendants directs
des premières populations pygmées ayant occupé les
Philippines. Leur petite taille, leur couleur de peau très
foncée et leurs cheveux crépus les distinguent aisément
des autres Philippins d’origine malaise (Seitz, 1998 ;
53
Jean-Christophe GAILLARD et Frédéric LEONE
Aetas de ce secteur regroupent toutes les caractéristiques socio-économiques présentes sur l’ensemble de la
région du Mt Pinatubo (groupes isolés vivant en autosuffisance, villages occidentalisés, etc.).
Dans un premier temps, on présentera la redistribution géographique des villages autochtones qui a succédé à l’éruption du Mt Pinatubo, avant d’essayer d’en
rechercher les causes. On s’attardera ensuite sur les conflits territoriaux apparus entre Aetas ou « kulots »2 et
non Aetas ou « unats »3. Nous terminerons par une évaluation des implications de cette crise volcanique en terme
d’identité territoriale.
2. Une décennie de migrations
2.1. Le secteur étudié
Les bassins versants des rivières Pasig4 et Sacobia
se situent sur le flanc est du Mt Pinatubo (figure 2). A la
suite de l’éruption, un vaste « éventail » de dépôts
pyroclastiques, baptisé « Sacobia Pyroclastic Flow
Field » (SPFF), s’est formé au niveau du village d’Inararo
(Porac-Pampanga). Le volume des dépôts pyroclastiques
du SPFF est estimé a 1,6 km3. Depuis cet éventail, se sont
écoulés, dès juin 1991, différents lahars canalisés par les
rivières Pasig, Abacan et Sacobia. Ils ont modifié à plusieurs reprises leurs morphologies à tel point que les
sources des rivières Sacobia et Abacan ont aujourd’hui
été capturées par la rivière Pasig (Sincioco & al., 1999).
La zone d’étude représente une superficie d’environ
200 km2 qui s’étend sur les municipalités de Porac, d’Angeles City, de Mabalacat pour ce qui est de la province
de Pampanga et de Bamban pour la province de Tarlac.
Elle est délimitée au nord par la rivière Marimla-Bamban,
affluent de la Sacobia, et au sud par la rivière Porac qui,
si elle s’inscrit dans le bassin versant de la rivière Gumain,
accueille désormais des populations issues des rives de
la rivière Pasig. Le secteur d’étude comprend en outre la
« zone principale » (Main Zone) de l’ex-base militaire
américaine de Clark (Clark Air Base – CAB)5, évacuée
en juin 1991, ainsi qu’une partie de la « sous-zone »
(Sub-Zone)6 de cette même base.
Figure 1 : Situation du volcan Pinatubo
dans l’archipel des Philippines.
«Anitos». Quant à lui, le créateur universel, ou « Apo
Namalyari », habiterait au cœur du volcan Pinatubo
(Barrato & al., 1978 ; Lubos na Alyansa ng mga
Katutubong Ayta ng Sambales, 1991 ; Shimizu, 1989). La
plupart des Aetas attribuent d’ailleurs le réveil de ce
volcan à la colère d’Apo Namalyari, provoquée par des
forages géothermiques de la Philippine National Oil
Corporation (PNOC).
Les premiers signes de réveil du volcan se sont manifestés au début du mois d’avril 1991. Les Aetas furent
les premiers à s’en rendre compte et en avertirent immédiatement le Philippine Institute of Volcanology and
Seismology (PHIVOLCS) (Lubos na Alyansa ng mga
Katutubong Ayta ng Sambales, 1991 ; Tayag & al., 1996).
Le volcan manifesta une activité éruptive croissante jusqu’au mois de juin 1991. Le paroxysme de l’éruption fut
atteint entre les 12 et 15 du même mois. Le volcan éjecta
alors entre 5 et 7 km3 de matériaux pyroclastiques qui
détruisirent de nombreux villages autochtones. Les autres
hameaux furent recouverts par une couche de cendres
atteignant en certains lieux 50 cm. Dès juin 1991, d’importants lahars1 se déclenchèrent sur les flancs du Mt
Pinatubo, affectant de nouveau de nombreux villages
d’Aetas (Pinatubo Volcano Observatory Team, 1991 ;
Wolfe, 1992).
De cette catastrophe ont donc découlé d’importantes conséquences territoriales pour les communautés
aetas. Cet article en dresse une analyse pour les communautés présentes sur les bassins versants des rivières
Pasig et Sacobia (provinces de Pampanga et Tarlac).
Liés par un dialecte commun (l’Ayta Mag-Antsi), les
2
Kulot : appellation que se donnent les Aetas en réference à leurs
cheveux crépus (kulot en Tagalog ou Pilipino).
3
Unat : appellation que donnent les Aetas aux non Aetas en
référence a leurs cheveux raides (unat en Tagalog).
4
En aval de Porac, la rivière Pasig devient la rivière PasigPotrero dont les lahars ont été parmi les plus catastrophiques.
5
Clark Air Base était la plus importante base aérienne de tout le
Pacifique ouest. Elle a notamment joué un rôle stratégique durant la guerre froide (poste avancé, centre d’espionnage et de
communication, centre d’entraînement), les guerres de Corée et
du Vietnam, et plus récemment durant la guerre du Golfe persique (Simbulan, 1983 ; United States Information Service, 1987).
6
En 1979, la Sub-Zone, qui était auparavant partie intégrante
de la base américaine, fut rendu à l’état philippin. L’US Air
Force maintint d’importantes installations dans ce secteur montagneux et forestier qui ne pouvait être légalement exploité à des
fins économiques par le gouvernement de Manille (Simbulan,
1988).
1
Lahar : terme d’origine indonésienne qui désigne un mélange
de débris et d’eau s’écoulant à vitesse rapide sur un volcan et son
piémont.
54
Implications territoriales de l’éruption du Mont Pinatubo pour la minorité autochtone aeta
survie dans la jungle ou bien encore entretien de la base12.
Certains Aetas tiraient également d’importants revenus
de la récupération et de la vente des déchets américains
(Gaabucayan, 1978 ; Simbulan, 1983). D’autres se chargeaient de ramasser, non sans danger, et de revendre les
munitions usagées (balles, obus, bombes) utilisées par
les américains lors de leurs exercices d’entraînement13.
Au contraire des unats, les kulots des villages limitrophes de Clark (Marcos Village, Pulang Lupa, Sitio Babo,
Bliss, Target plus Inararo) bénéficiaient de privilèges au
sein de la base (gratuité des soins médicaux, de l’enseignement...) ainsi que de la générosité des militaires américains qui leurs distribuaient souvent vêtements ou nourriture (Stars & Stripes, 1968). Si ces communautés étaient
largement dépendantes de l’US Air Force, l’agriculture
restait toutefois une ressource majeure et indispensable.
En rive gauche de la rivière Sacobia, au nord de Clark,
les communautés autochtones situées en aval de la limite d’autosuffisance faisaient partie intégrante d’un
projet expérimental de développement rural initié par
Imelda Marcos en 1979. Les villages de Calumpang,
2.2. La situation avant l’éruption
En 1990, soit un an avant l’éruption du Mt Pinatubo,
environ 1 200 à 1 300 familles autochtones (approximativement 7 000 individus) vivaient dans les bassins versants des rivières Pasig et Sacobia (National Statistic
Office, 1990 ; Office of Muslim Affairs and Cultural
Communities, 1985 ; Tadem, 1993)7.
Jusqu’à la date de l’éruption (juin 1991), il était possible de définir une limite d’auto-suffisance découpant la
zone d’étude en deux secteurs distincts (figure 3). En
amont de cette limite, environ 500 familles vivaient exclusivement de la culture de tubercules divers (patates douces ou « kamoteng gapang », manioc ou « kamoteng
kahoy », ignames ou « gabi », « ube », « ubeng basul »,
etc.) et de légumes (fèves, coeurs de bananiers, courges…), de la chasse (cochons sauvages, divers
oiseaux…), de la pêche (« tilapias »8) et de la cueillette
de fruits tropicaux plus ou moins sauvages (bananes,
papayes, ananas, goyaves, mangues….). Une seule exception se présentait avec le village d’Inararo où l’armée
américaine (l’US Air Force) avait installé un camp d’entraînement à la survie dans la jungle. Une vingtaine
d’Aetas servaient alors d’instructeurs pour les militaires
américains (Orejas, à paraître ; Simbulan, 1983 ; Tolosa,
1966).
Ces communautés étaient sédentaires et regroupées
au sein de villages composés de huttes faites de bambous et de « nipa »9. Les principaux hameaux s’appelaient Inararo, Camatsilis (barangay10 Inararo– municipalité de Porac), Pamatayan et Kaging (Santo Nino –
municipalité de Bamban).
En aval de cette limite d’auto-suffisance, les autochtones se rendaient hebdomadairement aux marchés de
Porac, Angeles City ou Mabalacat, afin de vendre ou
échanger les produits de leurs récoltes contre du riz, du
café ou du sucre.
Les plus fortes concentrations de populations
autochtones se trouvaient à proximité de l’ex-base militaire américaine de Clark où les Aetas cohabitaient avec
une importante population unat « kapampangan »11,
notamment à Sitio Babo, Bliss (Sapang Bato – municipalité d’Angeles City), Marcos Village et Pulang Lupa (municipalité de Mabalacat). Une partie des kulots de ces
villages était employée par l’US Air Force pour différentes tâches : surveillance, commerces, instruction à la
Figure 2 : Extension des différents agents destructeurs associés à l’éruption du volcan Pinatubo et situation du secteur
étudié (1 : dépôts des écoulements pyroclastiques de juin 1991
; 2 : dépôts des lahars de juin 1991 à juin 1993 ; 3 : chenaux
de lahars actifs ; 4 : isopaques (en cm) des retombées de
cendres ; 5 : limites provinciales ; 6 : principales agglomérations ; d’après données du PHIVOLCS).
7
Tous les chiffres concernant la population des villages aetas
sont soumis à d’importantes réserves compte tenu des difficultés
d’accès à de nombreux villages autocthones et de la forte mobilité de ces populations.
8
Poisson de rivière très répandu dans la région.
9
Arbre national philippin.
10
Le barangay est la plus petite entité administrative philippine.
Il correspond généralement au village (NSO, 1990).
11
Habitants de la province de Pampanga et des villes de Tarlac
City, Capas, Bamban, Conception (province de Tarlac) et
Dinalupihan (province de Bataan) qui parlent également le dialecte kapampangan.
12
En 1977, 62% des Aetas de Marcos
par l’US Air Force : dont 35% comme
tien de la base (Gaabucayan, 1978).
13
La valeur d’un kilo de métal variait
environ 300 pesos pour une bombe (6
lent à environ 1 FF).
55
Village étaient employés
vigiles et 25% à l’entreentre 5 et 30 pesos, soit
pesos philippins équiva-
Jean-Christophe GAILLARD et Frédéric LEONE
Sacobia, San Martin, Mataba, Santa Ines, Santa Rosa,
Burug et Baguingan bénéficiaient alors de programmes
d’aide gouvernementaux (agriculture, éducation, services...) ainsi que d’emplois au sein de la Sacobia
Development Authority (SDA) chargée de la gestion du
projet (Sacobia Development Authority, 1985 ; Tadem,
1993). Dans ces villages, la dépendance vis-à-vis des
unats était moins marquée que dans le cas précédent
vis-à-vis de la base militaire de Clark.
Plus au sud, des terrains sablonneux, impropres à
l’agriculture, séparaient les villages autochtones de
Sapang Uwak, Villa Maria et Diaz de la base américaine.
Ce troisième ensemble communautaire, exclusivement
aeta et beaucoup moins occidentalisé que les deux précédents, subsistait grâce aux produits de l’agriculture
traditionnelle vendus sur le marché de Porac, et aussi de
la chasse, de la pêche, de la cueillette de plantes sauvages. Parmi les communautés situées les plus en aval,
certains enfants étaient employés à l’entretien de maisons unats de Porac (Mendoza, 1982).
Porac…). Mais devant l’afflux des victimes lors du paroxysme de l’éruption atteint le 15 juin 1991, les autorités
furent amenées à déplacer de nouveau de nombreuses
familles d’Aetas vers des centres d’évacuation parfois
beaucoup plus éloignés (provinces de Bulacan, NuevaEcija...). La plupart des Aetas provenant des villages
situés en amont de la limite d’auto-suffisance prirent pour
la première fois contact avec le monde moderne à l’intérieur d’écoles, de gymnases, d’églises ou de camps de
tentes surpeuplés. Des problèmes de malnutrition et de
nombreuses épidémies (rougeole, pneumonies...) causèrent la mort de nombreux enfants (Magpantay, nd ;
Magpantay & al., 1992). Les Aetas furent aussi confrontés à des difficultés de cohabitation et à des discriminations de la part des unats qui bénéficiaient en premier de
l’attention des autorités (Orejas, à paraître). Pour ces
raisons, de nombreuses familles furent déplacées à de
multiples reprises.
Certains centres d’évacuation ont ensuite été transformés en structures destinées à héberger à moyen terme
les Aetas en attente d’une réelle solution de relogement
(notamment à Planas - Porac). Certaines communautés
(Burug, San Martin) ont aussi bénéficié de programmes
de relogement dans d’autres régions des Philippines,
souvent à proximité d’autres tribus autochtones (provinces de Palawan, Isabela, Quirino). Certaines familles
de Marcos Village, retournées vivre dans leurs maisons
qui furent par la suite détruites par les lahars de la rivière
2.3. Le marathon des évacuations
Dès les premiers signes du réveil du Mt Pinatubo en
avril 1991, l’ensemble des communautés autochtones
aetas fut évacué. Dans un premier temps les sinistrés
furent relogés dans les principales villes de la région
(Tarlac City, Capas, Bamban, Mabalacat, Angeles City,
Tableau 1 : Reconstitution
des schémas d’évacuation de
trois familles aetas suite à
l’éruption du volcan Mt
Pinatubo (d’après des
données d’enquêtes sur le
terrain).
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Implications territoriales de l’éruption du Mont Pinatubo pour la minorité autochtone aeta
Figure 3 : Redistribution spatiale des villages aetas dans les bassins versants des rivières Pasig et Sacobia
suite à l’éruption du Mt Pinatubo
Sacobia, ont été transférées dans des bunkhouses14 situés sur les flancs du Mont Arayat à Magalang
(Pampanga). La plupart des familles sont restées plusieurs mois, voire plusieurs années, dans ces structures
provisoires. Elles y subsistaient principalement grâce à
l’aide d’urgence apportée par le Department of Social
Welfare and Development (DSWD) et de nombreuses
organisations non gouvernementales.
Le tableau 1 montrent à quel point la période qui a
suivi l’éruption du Mt Pinatubo a été tourmentée.
Certaines familles ont fréquenté jusqu’à six centres
d’évacuation différents, aux conditions de vie parfois
très difficiles (épidémies, surpeuplement…) et parfois
situés à plus de 300 km des villages d’origine. Ces séjours
n’ont souvent duré que quelques mois chacun. Les
communautés relogées aux frais d’un bienfaiteur allemand
sur l’île de Palawan, à l’ouest de l’archipel des
Philippines, ont quant à elles été confrontées à un
contexte environnemental et socio-économique
totalement différent de celui de la région du Mt Pinatubo.
Une épidémie de malaria a finalement contraint le
gouvernement philippin à organiser le rapatriement de la
plupart de ces Aetas vers d’autres sites plus favorables.
Outre les difficultés inhérentes aux déménagements et à
la nécessaire réadaptation aux nouveaux milieux, ces
multiples déplacements « démembrèrent » de nombreuses
familles et communautés autochtones.
2.4. Etat actuel du problème du relogement permanent
Déjà dispersées dans divers centres d’évacuation,
les communautés aetas se sont vues une nouvelle fois
décomposées lorsque s’est posée la question de leur
relogement permanent.
En effet, une large partie des autochtones a pu bénéficier du programme de relogement mis en place par les
autorités. Dès le deuxième semestre 1991, la Task Force
Mt Pinatubo, remplacée en 1992 par la Mount Pinatubo
Commission (MPC), structure interministérielle placée
sous l’autorité du Président de la République, a développé onze centres de relogement situés sur des terrains
montagneux, et en premier lieux destinés au relogement
des familles d’Aetas (Task Force Mount Pinatubo, 1991).
Les kulots du bassin versant des rivières Pasig et Sacobia
ont été ainsi dispersés sur quatre sites (Maynang15,
15
Bien que développé sur des terrains et avec un budget négociés
par la MPC, le centre de relogement de Maynang est géré par le
gouvernement provincial de Tarlac et n’est donc pas intégré
dans les listes de la MPC.
14
Les bunkhouses sont des baraquements en bois pouvant accueillir jusqu’à une dizaine de familles réparties dans dix pièces
souvent trop exiguës. Dans la plupart des cas, des sanitaires et un
puits sont communs à deux bunkhouses.
57
Jean-Christophe GAILLARD et Frédéric LEONE
Dueg, Kalangitan et Villa Maria) dont le plus éloigné,
Dueg, se situe à près de 100 km des villages d’origine.
150 m² et un kit de matériel de construction traditionnelle
(bambou, nipa...) ont été alloués à chaque famille. En
1995, cet équipement a été complété par des matériaux de
construction plus résistants (tôles en particulier) (Mount
Pinatubo Commission, 1995 ; Provincial Government of
Tarlac, 1996 ; Tariman, 1999). Les Aetas de Marcos Village, Pulang Lupa et Calumpang, situés à proximité de
Clark, ont, de leur coté, été relogés sur un site de plaine,
Madapdap, en compagnie de 7 000 familles unats victimes des lahars des rivières Pasig-Potrero et Sacobia.
Ceux-ci se sont vus attribuer 94 m2 de terrain et une maison en béton équipée de sanitaires (Mount Pinatubo
Commission, 1995 ; Tariman, 1999). Une partie des Aetas
de Marcos Village a aussi bénéficié d’un programme de
relogement du Rotary Club d’Angeles à l’emplacement
de l’ancien hameau d’Haduan. Certaines familles sont
arrivées par ce biais à cumuler deux logements : l’un à
Madapdap, l’autre à Haduan. Deux centres de relogement (Pinaltakan et Doña Josefa) ont par ailleurs été mis
en place par d’autres ONG à Palayan City (province de
Nueva Ecija) 16 où les Aetas du Pinatubo côtoient
d’autres populations autochtones (Dumagats et Bago)
de la Sierra Madre.
1990
Inararo
154
135
Camatsilis
Env. 100**
Sapang Uwak
53
Villa Maria
Env. 30**
Target
Env. 50**
Sitio Babo
Env. 250**
Marcos Village
Env. 100**
Calapi
Env. 200**
San Martin
Env. 70**
Burug
* Nouveau village, ** Estimations
tallés en dehors des centres de relogement ont été rejoints par un certain nombre de familles, toujours croissant à l’heure actuelle, ayant déserté les sites officiels
faute de moyens de subsistance suffisants (tableau 1).
Enfin, quelques familles résident toujours, 10 ans
après l’éruption, dans les centres d’évacuation prévus
pour ne durer qu’un certain temps. A Planas, les tentes
ont laissé place à des huttes de bambous ou à des structures plus élaborées.
Aujourd’hui, l’ensemble des villages situés en amont
de la limite d’auto-suffisance a disparu (figure 3). Cette
frontière n’existe donc plus. Désormais, les centres de
relogement forment les plus importants villages. L’accroissement naturel explique en grande partie la croissance démographique des villages de Target, Sitio Babo,
Bliss, Calumpang et Sacobia, où pratiquement l’ensemble des familles évacuées a repris place. Seul Sapang
Uwak, qui bénéficie de certains programmes de développement établis par la MPC à Villa Maria, a vu sa population croître avec l’arrivée de familles venues de villages
situés a proximité du cratère du Mt Pinatubo (Inararo,
Camatsilis, Mabulilat...) (tableau 2).
Il est à noter que parmi tous ces villages, seul Marcos Village est toujours menacé par des phénomènes de
lahars (rivière Sacobia).
2000
51*
21*
155
247
98
96
Env. 150**
54*
87*
50*
3. La recherche d’espaces cultivables comme moteur
de mobilité spatiale
Cette redistribution et cette mobilité spatiale consécutive à l’éruption du Mt Pinatubo s’explique en grande
partie par la recherche de nouveaux espaces cultivables.
La terre constitue en effet la seule ressource durable
pour les Aetas qui pratiquent de manière ancestrale une
agriculture itinérante sur brûlis, appelée « kaingin » ou
« gahak » (Gaabucayan, 1978 ; Shimizu, 1989). Les principales espèces cultivées (tubercules, légumes et fruits)
représentent la base de leur alimentation et de leurs transactions commerciales (vente et échange). Certaines
variétés, financièrement très rentables mais dommageables pour des sols qui ne peuvent supporter plusieurs
ensemencements consécutifs, nécessitent de vastes espaces. L’exemple du gabi est à ce titre représentatif. Un
sac17 de ce tubercule18 est vendu en moyenne 2 000 pesos contre 150 pesos19 seulement pour un sac de kamote.
Une seule récolte de gabi n’étant possible que dans un
laps de temps de plusieurs années sur un même terrain,
les Aetas défrichent sans cesse de nouveaux espaces
vierges pour la culture de ce tubercule. Si les terrains
Tableau 2 : Evolution de la population (en nombre d’habitants) des principaux villages aetas des bassins versants des
rivières Pasig et Sacobia entre 1990 et 2000 (d’après données
NSO (1990), NCIP (1999a) et enquêtes de terrain) - Attention,
les chiffres concernant la population des villages aetas varient souvent du simple au triple selon les différents recensements disponibles ; les données recueillies lors des enquêtes
de terrain ont été préférées aux recensements officiels en cas
de forte variation.
Un certain nombre d’autochtones ont, quant à eux,
décidé de retourner vivre à l’emplacement de leurs villages d’origine, pour la plupart recouverts par une épaisse
couche de cendres. Ces derniers ont reçu l’appui de familles provenant de hameaux proches du cratère du Mt
Pinatubo, là où les dépôts pyroclastiques ne permettaient plus le développement de l’agriculture. D’autres
kulots ont tenté de reformer leur village dans des sites
plus favorables (Calapi, San Martin, Burug) ou à proximité des centres de relogement (Inararo). Ces Aetas ins16
17
Un sac correspond à environ 80 kg. Ce chiffre varie cependant
selon les tubercules entre 60 et 100 kg.
18
Selon les Aetas, ce tubercule est surtout destiné à l’industrie
(dentifrice, savon, shampoing, bougie...) ; utilisation cependant
non confirmée par les spécialistes du Department of Agriculture
(DA) et du Department of Environment and Natural Resources
(DENR).
19
Ces valeurs fluctuent fortement selon l’offre et la demande.
Ces centres ont été en partie financés par la MPC.
58
Implications territoriales de l’éruption du Mont Pinatubo pour la minorité autochtone aeta
Tableau 3 : Principales caractéristiques des centres de relogement accueillant des communautés autochtones aetas en provenance
des bassins des rivières Pasig et Sacobia, au 15/3/2000 (d’après données Mount Pinatubo Commission, National Commission on
Indigenous Peoples Region III & Nueva Ecija, National Economic and Development Authority Region III, Provincial Government of
Tarlac).
délaissés sont parfois réutilisés pour d’autres légumes,
ils restent la plupart du temps abandonnés. La culture de
papayes, intéressante financièrement, nécessite elle aussi
de vastes espaces cultivables.
centres de relogement de Villa Maria, considéré comme
un site pilote par la MPC (investissement total de 8 millions de pesos), et Dueg où les Aetas cultivent du gingembre qui, à l’instar du gabi, nécessite des terrains
reposés. Autour de ces sites, les autochtones cultivent
impunément des terrains appartenant à l’Etat 20. Le
Department of Environment and Natural Resources
(DENR) semble fermer les yeux sur ces pratiques. Ce
système est cependant impossible à Kalangitan, situé à
l’intérieur de la Sub-Zone de Clark, ainsi qu’à Maynang
et Palayan City (Doña Josefa et Pinaltakan), entourés
respectivement d’espaces privés appartenant à des unats
et de terrains militaires (Fort Magsaysay). A Palayan
City, les autochtones ont tenté d’adapter leur existence
aux nouveaux contextes dépourvus d’espaces cultivables. Certains Aetas n’hésitèrent d’ailleurs pas à aller
vendre des souvenirs dans les quartiers touristiques de
Manille.
La pénurie d’espaces cultivables a progressivement
conduit de nombreuses familles aetas à retourner vivre
dans leurs villages d’origine afin de cultiver leurs anciennes terres21 (Orejas, à paraître ; Seitz, 1998). A l’ex-
Ni les centres d’évacuation, ni les centres de relogement ne peuvent offrir aux Aetas cet espace de production. En effet, les terrains cultivables situés autour des
centres de relogement restent limités (tableau 3), même
si, en plus des 150 m2 habitables, chaque famille relogée
à Villa Maria, Dueg, Kalangitan et Maynang s’est vu
attribué un hectare de terrain cultivable par la MPC
(Mount Pinatubo Commission, 1995 ; Provincial
Government of Tarlac, 1993). A cela s’ajoutent des terres
communes exploitées en coopérative par l’ensemble des
sinistrés (263 ha à Dueg, 110 ha à Kalangitan) (Provincial
Government of Tarlac, 1996 & 1998). Cet espace s’avère
nettement insuffisant pour cultiver les espèces précédemment citées. Malgré les projets mis en place dès 1992
par le Department of Agriculture (DA) et le Department
Of Science and Technology (DOST) autour des sites
officiels (achat de matériel, fourniture de graines, arbres
fruitiers, bétail...) (Department of Agriculture, 1992 ;
Tariman, 1999), de nombreuses familles restent dépendantes de l’aide d’autres organisations gouvernementales ou non. Citons, à ce titre, les programmes « Cash » et
« Food for work » mis en place par le DSWD. Ceux-ci
consistent en des travaux d’intérêt commun (entretien
du centre de relogement notamment) rémunérés en espèces ou en nature. Seules exceptions à ce constat, les
20
Aux Philippines, les terrains de montagne dont la pente excède
18% sont propriété du Department of Environment and Natural
Resources (DENR).
21
Entre 1995 et 1999, sur l’ensemble des centres de relogement
de la MPC destinés aux Aetas (dans les provinces de Zambales,
Pampanga et Tarlac), 645 familles ont abandonné, définitivement ou temporairement, leur domicile pour retourner vivre dans
leur village d’origine (National Commission on Indigenous People
Region III, 1995 et 1999a).
59
Jean-Christophe GAILLARD et Frédéric LEONE
ception de Villa Maria, la population des autres centres
de relogement, notamment à Maynang et Palayan City, a
fortement régressé depuis 1995 (tableau 3). Ces deux
dernières années, le village de San Martin a été l’un des
principaux bénéficiaires de ce phénomène22.
D’autres autochtones ont conservé leur maison dans
les centres de relogement mais exploitent quotidiennement les terrains situés à proximité de leurs villages d’origine. Ces pratiques connues à Villa Maria, pour les raisons évoquées plus haut, Maynang et Planas, créent
des navettes quotidiennes ou hebdomadaires. La raison
majeure invoquée par les Aetas pour expliquer le maintien du domicile principal au sein des centres de relogement est la scolarisation des enfants23.
sérieux problèmes de nourriture et d’épidémies.
Le manque d’infrastructures adaptées à la vie dans
les centres de relogement est aussi une source de difficultés. A l’exception de Villa Maria et Maynang, les communautés aetas ayant bénéficié des programmes gouvernementaux de relogement en montagne ne disposent
ni de l’électricité, ni de points d’eau potable suffisants.
Les accès aux centres de relogement situés sur les pentes du Mt Pinatubo sont également problématiques puisque seuls Maynang et prochainement Villa Maria bénéficient de routes entièrement asphaltées. Les autres sites souffrent par ailleurs de l’éloignement depuis les villages et communautés d’origine. C’est notamment le cas
de Dueg et Palayan City qui se situent à près de 100
kilomètres des villages d’où proviennent leurs populations (figure 3).
A Madapdap, les Aetas de Marcos Village, pourtant
les plus occidentalisés avant l’éruption, ont dû faire face
à un nouvel environnement, totalement urbain, et cohabiter avec une population unat largement dominante.
Mais au contraire des communautés précédentes, les
familles qui y résident bénéficient d’infrastructures complètes (électricité, eau courante, écoles, hôpital, routes
goudronnées, transports en commun, espaces de loisirs, etc.).
4. L’échec relatif de la politique officielle de relogement
Dès 1991, le gouvernement philippin a défini les services de base (éducation, santé...) comme une priorité
destinée à accompagner la politique de relogement
(Mount Pinatubo Commission, 1994 ; Tariman, 1999). Si
cet objectif a été atteint avec un certain succès, cela l’a
été au détriment de la mise à disposition de nouveaux
espaces cultivables, pourtant prioritaire pour les autochtones. D’ailleurs, la résiliation précoce du bureau spécialement destiné aux Aetas au sein de la MPC24 reflète
bien cette incompréhension. L’état philippin a également
investi de très grosses sommes d’argent dans la construction d’équipements publics, notamment des sanitaires et des robinets d’eau communs, qui n’ont jamais fonctionné du fait de l’absence d’eau courante. Ces installations sont aujourd’hui délabrées.
Si les Aetas admettent généralement que l’accès aux
services publics est nécessaire, notamment pour la jeune
génération, ils blâment sans cesse le gouvernement pour
les conditions de vie parfois très difficiles à l’intérieur
des centres de relogement. Pour la quasi totalité des
kulots interrogés, la qualité de vie était largement
meilleure avant l’éruption du Mt Pinatubo. Du fait de
cette absence de terres cultivables, de nombreuses familles des centres de relogement souffrent aujourd’hui
de pénuries alimentaires, phénomène inconnu avant
1991. La situation s’aggrave lors de la saison des pluies
(de juin à octobre) qui rend l’accès à la plupart des sites
officiels de montagne très difficile. Lors des graves inondations qui ont affecté Central Luzon au mois d’août
1999, de nombreux Aetas ont ainsi dû faire face à de
Malgré les menaces de la MPC, il est à noter que les
Aetas ayant quitté les centres de relogement ont, pour la
plupart, revendu leur maison - obtenue gratuitement - et
les terrains qui ne leur appartenaient pourtant pas25. Ils
s’exposent de ce fait à des poursuites judiciaires puisque la MPC a porté l’affaire devant la justice.
5. L’aggravations des conflits territoriaux entre les
Aetas et le reste de la population
Les conflits territoriaux entre Aetas et non Aetas des
bassins versants des rivières Pasig et Sacobia sont ancrés dans les relations Philippines - Etats-Unis. La présence de l’armée américaine dans la région remonte à
1902 avec l’installation, entre les villages de Dau
(Mabalacat) et Sapang Bato (Angeles City), de Fort
Stotsenburg. En 1918, l’armée américaine décida de transformer ce camp destiné a l’US Cavalry, en base aérienne.
Elle annexa pour cela une première fois des territoires
autochtones situés à l’Est du fort initial. De nombreuses
communautés Aetas furent alors déplacées. Au cours
de l’expansion de Clark Air Base, les conflits territoriaux prirent de l’ampleur. Macapagal Village puis Marcos Village furent crées par les autorités militaires américaines et le gouvernement philippin pour accueillir des
familles aetas de Sapang Bato devenues gênantes pour
l’US Air Force. Les Aetas étaient alors considérés offi-
22
Depuis deux ans, San Martin a vu sa population croître très
rapidement (87 foyers en février 2000 contre une trentaine seulement début 1998) grâce à l’arrivée de victimes provenant des
hameaux situés plus en amont (Mataba, Baguingan…) et aux
retours de familles relogées à Palayan City, Dueg, Kalangitan et
Maynang. Ces familles sont attirées par la relative accessibilité
de San Martin depuis Bamban et Mabalacat.
23
Il est à noter que dans tous les centres de relogement l’éducation est gratuite.
24
Créé en 1994, le Aeta Affairs Unit a été dissout dès 1996. Un
transfert des compétences s’est opéré vers les « managers » des
centres de relogement.
25
La politique gouvernementale de relogement consiste en effet à
« offrir » aux victimes de l’éruption du Mt Pinatubo une maison
dont le paiement doit s’étaler sur 25 ans. Le terrain reste cependant propriété de l’Etat.
60
Implications territoriales de l’éruption du Mont Pinatubo pour la minorité autochtone aeta
ments était estimé à plus de 84 milliards de pesos dans
les cinq ans suivant le lancement du projet. La création
de 46 500 emplois était par ailleurs programmée dans les
mêmes délais (David, 1998). Un pont d’un kilomètre de
long et d’une valeur de plus de 700 millions de pesos,
devenu inutile depuis la proclamation du domaine ancestral, a d’ores et déjà été construit afin de relier le
secteur de Sacobia à la zone principale de Clark. Afin de
reprendre le contrôle de Sacobia, la CDC remet en cause
la taille du domaine ancestral qui, selon elle, est largement supérieure à l’espace réellement utilisé par les Aetas.
Selon Romeo S. David (1998a), ex-président de la corporation, les nouvelles directives sont par ailleurs en inadéquation avec les législations existantes ayant placé le
secteur de Sacobia sous l’autorité de la CDC29. Celle-ci
remet également en cause la manière dont a été effectuée
l’enquête de terrain ayant conduit à la délimitation du
domaine ancestral. La corporation exploite enfin une
erreur du DENR qui a attribué ce domaine ancestral à la
communauté « Abelling »30 et non à la communauté Aeta
de dialecte Mag-Antsi. Profitant de cette faiblesse, la
CDC a tenté de retourner la communauté de dialecte MagAntsi contre le DENR. Convaincus par la CDC, certains
leaders aetas de Sacobia ont par la suite fait connaître
leur intention d’annuler le domaine ancestral (David,
1998b). Face aux réactions virulentes des défenseurs des
autochtones, un groupe d’étude intergouvernemental a
été crée. Celui-ci a confirmé les limites du domaine ancestral et les droits des autochtones. Afin de poursuivre ses projets de développement, la CDC a été incitée à
établir un plan de développement pour le secteur en question. Selon le groupe d’étude, les Aetas doivent être les
premiers décideurs à être impliqués dans ces projets (Joint
Action Team, 1998). Mécontents de cette décision, les
officiels de Clark ont, par la suite, porté l’affaire devant la
présidence de la république qui va désormais trancher
entre les 5 515 hectares revendiqués par les Kulots et les
1 600 hectares désirés par la CDC31 (figure 4).
Quoi qu’il advienne de la décision de Manille, les
nouvelles directives de l’actuel président Estrada concernant le développement de Clark, tendent à privilégier
de nouveaux projets agraires, plutôt que touristiques et
résidentiels, pour lesquels la CDC pourrait louer les terrains aux Aetas qui bénéficieraient de ce fait d’une contrepartie financière. Ces projets nécessiteront cependant
des infrastructures, notamment routières, pour lesquelles la CDC doit obtenir l’approbation préalable des Aetas.
Dans cette optique, la corporation modère quelque peu
sa position et tend actuellement à reconnaître les droits
ciellement comme des « squatteurs », bien qu’ils fussent
sur leurs propres terres26. Dans les années 50, de nombreux unats, privés de terrains agricoles dans les plaines, prirent aussi la direction des montagnes de Sacobia,
poussant une fois de plus de nombreuses familles autochtones à se déplacer (Gaabucayan, 1978 ; Sacobia
Development Authority, 1985 ; Tadem, 1993 ; Yepez, nd).
L’éruption du Mt Pinatubo modifia le contexte
politico-économique. Le non renouvellement de l’accord
américano-philippin sur les bases militaires conduisit l’US
Air Force à se retirer de Clark Air Base le 21 novembre
1991 (Philippine Flyer, 1991). Les autorités philippines
créèrent alors la Clark Development Corporation (CDC)
chargée de la reconversion de l’ensemble de l’ex-base
aérienne rebaptisée Clark Special Economic Zone
(CSEZ). Sous la présidence de Fidel V. Ramos, de nombreux projets de développement furent envisagés dans
la Sub-Zone, sur les territoires aetas (zones résidentielles de luxe, golfs, zoo...). Les premiers conflits territoriaux entre la CDC et les Aetas éclatèrent en 1997 lorsque
la corporation menaça de déplacer par la force 42 familles
autochtones dont le village (Gate 14) se trouvait à l’emplacement d’un futur golf. Face à la polémique déclenchée par cette décision, la CDC modifia finalement ses
plans. A l’heure actuelle, les familles aetas attendent toujours la construction, promise par la société désireuse
d’implanter le golf, de maisons destinées à les reloger en
dehors du secteur touristique.
Parallèlement, en 1997, a été voté au niveau national,
le Republic Act 8371 sur les droits des autochtones27.
Celui-ci prévoit la création de «domaines ancestraux»28
qui ne peuvent être exploités sans l’accord préalable et
unanime de la communauté autochtone (exception faite
des Aetas eux-mêmes) (Department of Environment and
Natural Resources, 1997a). Forte de ce droit nouvellement acquis, la communauté aeta du bassin de la rivière
Sacobia a revendiqué un domaine ancestral de 5 515
hectares qui s’étend des villages de Calumpang et
Baguingan au centre de relogement de Maynang (ce qui
suit approximativement les limites de l’ex Sacobia
Development Authority d’Imelda Marcos). Celui-ci leur
fut accordé par le DENR en décembre 1997 (Department
of Environment and Natural Resources, 1997b). Faisant
partie intégrante de la Sub-Zone de Clark Special
Economic Zone, ce domaine ancestral réduit fortement
la marge d’action de la Clark Development Corporation. Celle-ci projetait en effet d’y créer une «cité du jeu»
pressentie comme l’équivalent asiatique de Las Vegas
(hôtels de plusieurs milliers de chambres, casinos, golfs,
parc d’attraction…). Le montant total des investisse-
29
Notamment la proclamation No 805 (President of the Philippines, 1996a) et l’Executive Order No 344 (President of the Philippines, 1996b).
30
Les Abellings sont une autre minorité ethnique habitant la
province de Tarlac, notamment les municipalités de Capas,
Camiling et Mayantoc. Il est à noter que suite à cette maladresse
du DENR, certaines familles abellings évacuées à Palayan City
ont profité de la situation pour venir s’installer à Calumpang.
31
Il est important de noter que, dans la culture aeta, la résolution
des problèmes territoriaux se traduit généralement par le déplacement d’une des deux parties en conflit (Anloague, 2000).
26
Il est à noter que dans la culture autochtone, le droit d’utilisation du sol est basé sur le principe du «premier arrivé - premier
servi» (Anloague, 2000 ; Jocano, 1998) .
27
Indigenous Peoples Right Act ou IPRA.
28
« Fait référence aux terres et aux ressources naturelles occupées ou exploitées par des communautés culturelles autochtones
(…) en accord avec leurs traditions et coutumes, depuis des
temps immémoriaux » (Anloague, 2000 ; Department of
Environment and Natural Resources, 1997a).
61
Jean-Christophe GAILLARD et Frédéric LEONE
Figure 4 : Enjeux
territoriaux du secteur de
Sacobia suite à l’éruption
du Mt Pinatubo et à la
reconversion de Clark Air
Base (Clark Special
Economic Zone) (d’après
données CDC et DENR).
des autochtones. En effet, elle propose enfin d’intégrer
le problème des Aetas dans le plan de développement
de Clark, à l’image de ce qui a été réalisé pour les communautés autochtones situées à proximité de l’ex-base navale américaine de Subic (province de Zambales) (Subic
Bay Metropolitan Authority, 1999).
La CDC projette par ailleurs de créer une vaste décharge à proximité du centre de relogement de Kalangitan,
sur la municipalité de Capas (province de Tarlac). Celleci est destinée à accueillir les déchets de Clark mais aussi
d’Angeles City, puis dans un avenir plus lointain ceux
de l’ensemble de Central Luzon, voire de la région métropolitaine de Manille. Mais face à l’absence de consensus, la CDC risque de voir son projet avorter. Compte
tenu des enjeux et de l’absence de réelles solutions de
rechange, on peut imaginer que la CDC tente de faire
pression sur les Aetas pour obtenir un accord unilatéral.
Outre les Aetas et la CDC, une troisième communauté,
regroupée sous le nom de Hermogenez Rodriguez Estate,
revendique également des droits sur le secteur de
Sacobia. Elle s’appuie pour cela sur un titre de propriété
remontant à 1891, alors que les Philippines étaient en-
core sous tutelle espagnole32. Ce titre aurait été, selon
Rodriguez Estate, confirmé par un décret du président
Marcos datant de 197733. Ce dossier est actuellement
devant la Cour Suprême, plus haute instance judiciaire
philippine. Une décision en faveur des héritiers de Don
Hermogenes Rodriguez pourrait compliquer une nouvelle fois la situation.
Les conflits territoriaux dans les bassins versants des
rivières Pasig et Sacobia ne se limitent toutefois pas à
une lutte CDC - Aetas. Privés de terres cultivables dans
les plaines, de nombreux kapampangans unats cherchent
aussi à s’approprier les terrains des autochtones. L’éruption du Mt Pinatubo ayant à court terme fortement réduit
32
Titulo de Propriedad de Terrenos - Royal Decree 01-4 Protocol
1891. Grâce à ce titre de propriété, Rodriguez Estate revendique
de vastes terrains situés dans la région métropolitaine de Manille
et à Central Luzon.
33
Des poursuites judiciaires lancées par la MPC suite à des conflits équivalents à l’intérieur du centre de relogement d’O’Donnel
(Capas) ont montré que le décret présidentiel 1143, cité par
Rodriguez Estate, était en fait destiné à standardiser les salaires
des procureurs de la république.
62
Implications territoriales de l’éruption du Mont Pinatubo pour la minorité autochtone aeta
la fertilité des sols, la lutte pour les meilleurs terrains est
encore plus vive depuis 1991. De nombreux unats n’hésitent pas à abuser de la naïveté et du manque d’expérience commerciale des Aetas pour obtenir des terrains à
des prix dérisoires. Citons l’exemple de ce kulot de Porac
auquel un kapampangan aurait acheté 200 manguiers34
pour la modique somme de 6 000 pesos. D’autres préfèrent les voies de l’amour à celles du commerce. En se
mariant à de jeunes autochtones, ils obtiennent le droit
d’exploiter les terrains de leur épouse. D’autres transactions plus obscures (systèmes de bail) (Orejas, à paraître) autorisent aussi certains kapampangans à exploiter
des terrains Aetas.
Sacobia est aujourd’hui adepte d’une religion catholique ou protestante (Roman Catholic, Jehovah’s
Witnesses, Born Again Christians, United Pentecostal
Church, Church of the Christ, United Methodist
Church,...). Rares sont les Aetas pratiquant encore les
«manganitos» ou les rituels religieux destinés à satisfaire Apo Namalyari au moyen d’offrandes diverses. Ce
dernier est dorénavant considéré comme le représentant
de Dieu sur terre ou l’équivalent de Jésus Christ. Les
anitos sont quant à eux assimilés aux Esprits Saints.
Cette superposition des deux cultures (animiste et
unat) se retrouve dans les références sociales des Aetas.
Le chef de village diffère désormais sensiblement de l’ancien chef de clan ou « Apo »35 qui était choisi en fonction
de son âge (Jocano, 1998). De nos jours, si le chef de
clan conserve une influence morale sur la communauté
(notamment à Porac), le captain ou tribal chieftain,
choisi en fonction de sa prestance, incarne la nouvelle
autorité aux yeux de la plupart des Aetas36. Le gouvernement provincial de Tarlac a même institué un système
politique consultatif parallèle. Celui-ci comprend un Tribal Chieftain au niveau du village, un Tribal Mayor au
niveau municipal et un Tribal Governor au niveau provincial. Il est possible que cette évolution soit influencée par la nécessité de traiter de plus en plus souvent
avec les unats, dans tous les domaines de la vie (commerce, politique...). Ces nouvelles références administratives conduisent aujourd’hui les Aetas à revendiquer
leurs propres unités territoriales (barangays), administrées exclusivement par des autochtones.
Le dialecte kapampangan, connu mais peu employé
jusqu’en 1991, est dorénavant parlé quotidiennement par
de nombreux enfants et adolescents appartenant à la
communauté aeta Mag-Antsi. Les jeunes semblent, en
effet, pratiquer le dialecte kapampangan à des fins d’intégration au sein de la communauté unat, notamment
durant leur scolarité.
La culture occidentale, notamment nord-américaine,
a également pénétré les communautés considérées autrefois comme les plus imperméables de par leur éloignement géographique. Il est devenu ainsi très rare de rencontrer un homme portant le string traditionnel (lubay),
délaissé au profit de shorts griffés par les plus grandes
marques internationales. La consommation d’alcool fort
(gin, rhum...) a également atteint beaucoup d’Aetas, notamment à Porac37.
Certaines communautés aetas sont également en conflit entre elles au sujet d’espaces cultivables. La communauté originaire de San Martin actuellement relogée à
Maynang, ne peut ainsi retourner sur ses terres d’origine faute d’entente avec les nouvelles autorités locales.
Si ces conflits territoriaux ne sont pas nés de l’éruption du Mt Pinatubo, la situation semble avoir empiré
depuis 1991. La superposition de juridictions différentes
sur un même secteur (Clark Development Corporation,
domaine ancestral autochtone et titres coloniaux espagnols) complique fortement la situation. Par ailleurs, l’absence d’antécédents juridiques sur ces questions ne
permet pas d’envisager de dénouement simple dans le
cas où la justice serait saisie pour un différent territorial
dans la région.
6. Les implications en terme d’identité territoriale
Si l’éruption du Mt Pinatubo a aggravé les conflits
territoriaux entre Aetas et non Aetas, elle a aussi marqué
une accentuation du retrait de la culture animiste au profit de nouvelles références sociales.
6.1. L’adoption de nouvelles références socio-culturelles
Le démembrement des communautés est la première
des conséquences directes de l’éruption. Il est fréquent
de voir la population d’un même village dispersée sur 4
ou même 5 sites différents. Les trajets entre ceux-ci nécessitent dans certains cas (Dueg, Palayan City) plus
d’une demi-journée de transports en commun dont le
coût peut atteindre 250 pesos.
La disparition de la limite d’auto-suffisance a conduit la plupart des Aetas qui vivaient en autarcie jusqu’en 1991, à des contacts fréquents avec la civilisation
unat. Les kulots sont de ce fait devenus des proies faciles pour les multiples organisations religieuses, parfois
sectaires, présentes aux Philippines. La quasi totalité des
autochtones des bassins versants des rivières Pasig et
35
Etant donné l’absence d’institution politique et de réelle hiérarchie dans la culture aeta, le chef de clan exerçait surtout un
rôle moral sur la communauté (conseils, règlement des conflits...). Aux yeux de son entourage, l’Apo etait nanti de talents
supérieurs et de la connaissance des traditions indigènes (Dale,
1985 ; Jocano, 1998).
36
Celui-ci a un nouveau rôle administratif. Il est en effet le représentant de l’Etat au sein du village, et de ce fait, en contact avec
les différentes autorités locales (maire, gouverneur, député...) et
les principales institutions.
37
Cette pratique représente un réel danger pour les Aetas dont la
tolérance corporelle à l’alcool est souvent très faible.
34
Un kilo de mangues coûte environ 40 pesos philippins, soit 7
FF, sur les marchés de Pampanga.
63
Jean-Christophe GAILLARD et Frédéric LEONE
Figure 5 : Systèmes économiques des villages aetas des bassins versants des rivières Pasig et Sacobia en 1990 (A) et 2000 (B).
64
Implications territoriales de l’éruption du Mont Pinatubo pour la minorité autochtone aeta
l’ex-base militaire. Si les Aetas d’Inararo se sont exclusivement tournés vers l’agriculture du fait de leur relogement éloigné de Clark, les villages situés à proximité de
l’ancienne base aérienne ont décidé d’orienter leurs productions vers celle-ci. Reconvertie par la CDC en vaste
complexe industriel, touristique et commercial, la Clark
Special Economic Zone compte près de 30 Duty Free
Shops fréquentés par une clientèle issue des classes les
plus aisées de Pampanga et de Manille. Cette clientèle
représente un intéressant marché pour les Aetas qui ont
décidé de vendre des fruits (bananes, papayes...), des
légumes (coeurs de bananiers...), des tubercules (gabis,
kamotes...) et surtout des souvenirs à la sortie des Duty
Free Shops. Entre 1998 et 1999, le parc d’attraction de
renommée nationale « Expo Pilipino »38, situé à proximité de Marcos Village, était également une destination
majeure pour les Aetas. Le commerce de souvenirs
autochtones (flûtes, arbalètes, sarbacanes...), déjà présent au temps des américains (Gaabucayan, 1978), s’est
considérablement développé ces dernières années. L’offre est cependant très largement supérieure à la demande
et de nombreux Aetas rentrent chez eux sans avoir vendu
le moindre souvenir mais seulement quelques fruits. Ceci
conduit beaucoup d’autochtones ayant travaillé pour
l’US Air Force à regretter aujourd’hui le départ des américains.
A Sapang Bato (Sitio Babo, Bliss et Target), le tourisme est devenu une activité très lucrative. En effet, de
nombreux touristes39, principalement européens, qui séjournent à Angeles City, mettent la conquête du Mt
Pinatubo à leur programme. De nombreux Aetas servent
alors de guides pour des excursions vers le cratère ou
seulement vers les canyons formés par les lahars de la
rivière Abacan.
L’aire d’influence de Clark s’est largement élargie depuis 1991. Autrefois limitée aux villages limitrophes, celleci s’étend désormais à la quasi totalité du bassin de la
rivière Sacobia et au centre de relogement de Madapdap.
La présence des Duty Free Shops laisse en effet croire,
souvent à tort, à de nombreux Aetas, que les débouchés
commerciaux sont plus importants à Clark qu’au marché
de Mabalacat.
Les Aetas du centre de relogement de Madapdap ne
possèdent pas de terrains à cultiver. Une partie d’entre
eux bénéficie d’emplois à Clark grâce à des programmes
mis en place par la MPC en collaboration avec la CDC. Le
manque de qualification reste cependant un problème
majeur contre lequel la MPC tente de lutter à travers
divers programmes de formation (artisanat, agriculture,
vente...). D’autres Aetas se sont reconvertis dans la fabrication de souvenirs destinés à la grande distribution
de Manille et à l’exportation, notamment vers Hong Kong.
Une coopérative, Aeta Tribal Community Cooperative,
Dans les années qui ont immédiatement suivi l’éruption du Mt Pinatubo, de nombreuses espèces végétales
ont disparu (Madulid, 1992). Parmi les 500 plantes utilisées par les Aetas, la payiyit jouait le rôle de contraceptif naturel (Fox, 1952 ; Orejas, à paraître). Sa disparition
provisoire en 1991 a été, semble-t-il, responsable d’une
légère augmentation de la natalité chez les autochtones
(tableau 4).
L’occidentalisation des communautés a cependant
eu pour effet d’accroître nettement le taux d’alphabétisation (tableau 4). Aujourd’hui, la plupart des jeunes
autochtones sont scolarisés jusqu’en High School. De
plus, des programmes d’alphabétisation pour les plus
anciens sont développés par la National Commission
on Indigenous Peoples (NCIP) et différentes ONG, notamment dans les centres de relogement (National Commission on Indigenous Peoples Region III, 1999b).
Il en est de même sur le plan médical où les traitements modernes remplacent de plus en plus souvent la
médication naturelle. Le rapprochement géographique
des populations autrefois les plus éloignées, rend aussi
les soins accessibles au plus grand nombre, en partie
grâce aux missions médicales menées par les autorités
gouvernementales et certaines ONG (Ignacio & al., 1994 ;
National Commission on Indigenous Peoples Region III,
1999b).
Nombre moyen d'enfants
par femme
Taux d'alphabétisation
1990
4
2000
4à5
5%
30%
Tableau 4 : Evolution de deux indicateurs socio-démographiques pour la communauté autochtone aeta avant et après
l’éruption du Mt Pinatubo (d’après données National Commission on Indigenous Peoples Region III).
6.2. Une nécessaire adaptation des activités économiques
Outre le fait d’avoir accentué le retrait de la culture
animiste, l’éruption du Mt Pinatubo a engendré un nouveau contexte économique. Les Aetas ont dû adapter
leurs moyens de subsistance (figure 5).
La première des conséquences est, comme on l’a précédemment signalé, la disparition de la limite
d’autosuffisance. Sur un plan pratique, de nombreuses
familles autochtones ont, de ce fait, dû apprendre à vendre le produit de leur récolte sur les marchés de la région
sans être abusées par les unats. Des coopératives destinées à écouler les productions ont été crées, notamment
à Target. Celles-ci garantissent un salaire plus ou moins
fixe à de nombreuses familles autochtones. Les villages
aetas les plus accessibles (San Martin, Sta Rosa, Villa
Maria) voient aussi un nombre important de détaillants
et de restaurateurs s’approvisionner directement auprès
des autochtones.
Les communautés qui étaient en partie dépendantes
de la présence américaine à Clark Air Base ont dû faire
face au retrait de l’US Air Force et à la reconversion de
38
Vaste projet de l’ancien président Ramos, Expo Pilipino a été
inauguré en juin 1998 pour la commémoration du centenaire
des Philippines. La faible fréquentation a contraint les autorités
à en fermer les portes dès l’année suivante.
39
Durant le seul mois de janvier 2000 près de 300 touristes ont
ainsi payé un guide aeta au tarif de 500 pesos par jour.
65
Jean-Christophe GAILLARD et Frédéric LEONE
a même été créée afin de supporter ces projets novateurs. Cette coopérative vise également le développement de l’agriculture autour des villages d’origine, notamment à Haduan et Calapi.
Les communautés autochtones de Porac bénéficient
des programmes de soutien et de développement mis en
place par la MPC autour du centre de relogement de Villa
Maria. Ceux-ci sont orientés vers l’agriculture et la production de tubercules, de fruits et légumes vendus sur
les marchés de Porac et Angeles City. Un projet de développement touristique du Mt Pinatubo impliquant la communauté aeta locale est également programmé durant
l’année 2000.
L’agriculture reste aussi la ressource principale des
communautés situées les plus en amont du bassin de la
rivière Sacobia et dans le centre de relogement de
Kalangitan. Les marchés des villes les plus proches
(Bamban et Capas) en sont les principaux débouchés.
L’absence totale de terres libres autour des centres de
relogement de Maynang, Palayan City (Doña Josefa et
Pinaltakan) ainsi qu’à Planas conduit la plupart des Aetas
à se mettre au service « agricole » des unats, propriétaires des principaux terrains du secteur. D’autres continuent de cultiver leurs champs situés à San Martin, à 2
heures de marche de Maynang ou à Inararo, à plusieurs
heures de Planas. A Dueg, outre la culture de gabi et de
kamote, l’exploitation de gingembre, appuyée par le
Department of Agriculture, ouvre d’importants marchés
aux Aetas qui vendent leur production jusqu’à Urdaneta
(province de Pangasinan) et la province de La Union. Ils
bénéficient pour cela de leurs propres moyens de communication.
Face à l’absence de ressources et pour rembourser
de fortes dettes, quelques familles autochtones des bassins des rivières Pasig et Sacobia sont contraintes à la
mendicité, notamment durant la période de fin d’année.
Il est ainsi courant, à Noël, de voir des familles d’Aetas
mendier dans les rues de Porac, d’Angeles City, de San
Fernando mais aussi sur les boulevards de Manille. Les
autorités de la capitale luttent contre ce phénomène et
nombre d’Aetas ont été renvoyés sur les flancs du Mt
Pinatubo à bord de bus spécialement affrétés pour l’occasion. Cette pratique qui n’existait pas avant l’éruption
est une autre conséquence du réveil du Mt Pinatubo
(Orejas, à paraître).
Suite à l’éruption de ce volcan, les activités des Aetas,
ainsi que les débouchés commerciaux se sont donc diversifiés. Mais ceci ne suffit toutefois pas à compenser
le manque de terre qui reste un frein important au développement économique de la communauté autochtone
dans son ensemble.
(Bennagen, 1996) avancent que le gouvernement philippin a profité de la phase de réhabilitation, qui a succedé
à la catastrophe, pour tenter de « civiliser » la communauté aeta, notamment à travers la politique de relogement et les programmes d’accompagnement (éducation,
santé…). Les ONG ont, quant à elles, souvent exploité la
situation de crise et les autochtones afin de se mettre en
valeur (publicité « humanitaire », recherche de financements…) (Ignacio & al., 1994 ; Lubos na Alyansa ng
mga Katutubong Ayta ng Sambales, 1991). Les retours
aux villages d’origine démontrent toutefois un refus flagrant de la fatalité et de la dépendance vis à vis des
unats. Il apparaît clairement que les Aetas tendent à subvenir à leurs propres besoins sans l’aide du gouvernement ou d’ONG (Bennagen, 1996 ; Estacio Jr, 1996 ; Seitz,
1998).
Dans les bassins-versants des rivières Pasig et
Sacobia, le réveil de ce volcan a accéléré le processus
d’occidentalisation qui concerne désormais l’ensemble
des autochtones et non plus seulement ceux présents
en aval de l’ancienne limite d’autosuffisance. Il est toutefois intéressant de noter que ce phénomène ne concerne pas la totalité des secteurs habités par les Aetas
du Mt Pinatubo. Sur le versant ouest du volcan, à Botolan
(province de Zambales) qui jouait jusqu’en 1991 le rôle
de capital politique et économique pour les autochtones, la situation diffère sensiblement. En effet, la plupart
des villages de ce secteur, notamment Poonbato et Villar,
ont totalement disparus suite aux lahars des rivières
Balin-Baquero et Bucao. Ces villages bénéficiaient, en
1991, d’équipements et d’infrastructures (routes asphaltées, équipements publics, système d’irrigation artisanal…) qui différenciaient ces communautés aetas de celles situées sur le flanc est du Mt Pinatubo. Contrairement à ce que nous avons signalé plus haut concernant
les bassins-versants des rivières Pasig et Sacobia, on
observe aujourd’hui à Botolan une dégradation du contexte commercial et économique. Les Aetas de cette localité qualifient eux-mêmes la situation actuelle de « retour à zéro ».
L’éruption du Mt Pinatubo a aussi mis en relief les
facultés d’adaptation de la minorité aeta aux nouveaux
contextes environnementaux et socio-économiques.
Seitz (1998) attribue cette flexibilité socio-économique
au mode de vie originel des Aetas de type chasseur /
cueilleur. Selon lui, la consommation immédiate des ressources alimentaires, caractéristique de ce type de communauté, aurait à court terme aidé les autochtones à sécuriser leur existence.
L’absence de forts liens communautaires au sein de
la société primitive (Barrato, 1978 ; Shimizu, 1989) a, pour
sa part, permis aux Aetas de surmonter le difficile épisode des multiples évacuations. Leur relation à l’espace
a également joué un rôle important dans la mobilité spatiale engendrée par le réveil du Mt Pinatubo. Selon
Gaabucayan (1978), le domicile aeta n’est pas seulement
une maison mais plutôt un espace naturel plus vaste
d’où les Aetas tirent leurs ressources (forêts, champs,
7. Conclusion
L’éruption du Mt Pinatubo a dévoilé au grand jour la
communauté autochtone Aeta, jusque là plus ou moins
délaissée par la société philippine. Certains auteurs
66
Implications territoriales de l’éruption du Mont Pinatubo pour la minorité autochtone aeta
rivières…). Les mouvements à l’intérieur de ce territoire
peuvent être comparés aux déplacements d’une pièce à
une autre dans une maison. Pour beaucoup d’Aetas, et
notamment ceux provenant de villages situés en amont
de la limite d’autosuffisance, ce territoire correspond au
Mt Pinatubo qui joue toujours, dans ce cadre, son rôle
rassembleur et spirituel (Seitz, 1998). Le volcan demeure
en effet la principale référence géographique pour la plupart des autochtones. Auprès du Mt Pinatubo, ceux-ci
recherchent les terres nécessaires à leur subsistance.
Près de 10 ans après l’éruption, la pénurie d’espaces
cultivables revêt de ce fait un enjeu majeur pour la communauté aeta.
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