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8
ÉTUDE
Le commerce : principal
Le ralentissement chinois : canal de transmission du
preuve d’un modèle
ralentissement chinois sur
essoufflé et à réinventer ? l’Asie
11
15
La fin du modèle chinois
« à bas coûts » : un déterminant clé pour les
investisseurs étrangers
Quels risques de contagion
financière ?
SEPTEMBRE 2015
PANORAMA
L’Asie à l’épreuve
du ralentissement chinois
LES PUBLICATIONS ÉCONOMIQUES DE COFACE
L’
économie chinoise est sous
le feu des projecteurs depuis
plusieurs mois : dévaluation
du yuan, effondrement
boursier, baisse des prix de
l’immobilier, craintes d’un
ralentissement économique excessif,
doutes sur la fiabilité des données publiées
et plus généralement incertitudes quant
au processus de rééquilibrage engagé par
les autorités. Dans ce contexte anxiogène,
les autres pays d’Asie apparaissent
comme les premières victimes potentielles
en cas d’atterrissage brutal de l’économie
chinoise. S’ils ont bénéficié de leur proximité géographique et de leurs spécialisations sectorielles pour commercer
massivement et croître dans le sillage de
la Chine depuis le début des années 2000,
leur intégration semble être aujourd’hui
un facteur de risque, alors que la Chine a
Par les économistes du Groupe Coface
contribué pour près de 32% à la croissance
mondiale et 72% à la croissance de l’Asie
émergente depuis 2000. Après avoir
dressé un état des lieux du ralentissement
chinois, nous identifions dans ce panorama de quelle manière les pays asiatiques
sont affectés par les pertes de compétitivité qui ont accompagné ce moindre dynamisme de l’activité, puis nous repérons les
pays les plus vulnérables à cette évolution,
en nous focalisant principalement sur trois
canaux de transmission : le commerce, les
prix des matières premières et les financements.
Les enseignements de cette étude sont
multiples. D’abord, les deux places financières et plates-formes commerciales que
sont Hong Kong et Singapour sont particulièrement vulnérables au ralentissement
chinois, à travers le canal commercial mais
RETROUVEZ TOUS LES AUTRES PANORAMAS DU GROUPE
http://www.coface.fr/Actualites-Publications/Publications
aussi financier. D’autres pays, dont au premier rang la Mongolie, devraient aussi être
pénalisés par la baisse des prix des
matières premières ainsi que de moindres
investissements chinois dans les secteurs
qui y sont liés. A l’autre bout de l’échelle,
deux pays de la région semblent aujourd’hui plus immunisés que les autres: l’Inde
et les Philippines. Entre ces deux groupes,
la Thaïlande, la Malaisie ou encore l’Indonésie sont dans une position intermédiaire : si leur exposition au ralentissement
chinois à travers les flux commerciaux et
financiers est significative, elle n’est pas
suffisante pour faire dérailler leur croissance si l’atterrissage de l’économie se fait
en douceur, ce qui reste le scénario central
de Coface (croissance chinoise anticipée
à 6,7% en 2015 et 6,2% en 2016).
PANORAMA
GROUPE
2
RISQUE PAYS
ETUDE
Septembre 2015
L’ASIE À L’ÉPREUVE
DU RALENTISSEMENT CHINOIS
PAROLES D’ÉCONOMISTES
Marie ALBERT
Charlie CARRE
Paul RASO
Julien MARCILLY
Economiste,
responsable
risque pays
Economiste
Economiste junior
Economiste en chef
1
LE RALENTISSEMENT CHINOIS :
PREUVE D’UN MODÈLE ESSOUFFLÉ ET À RÉINVENTER ?
Le ralentissement s’explique en
partie par l’affaiblissement de sa
croissance potentielle
Le rythme de la croissance chinoise a régulièrement diminué ces dix dernières années. Après
avoir atteint un pic à 14,2% en 2007, il a perdu
environ quatre points de PIB entre 2008 et 2011,
avant de descendre sous les 8% à partir de 2012
(graphique n°1). En 2014, le taux de croissance a
été de « seulement » 7,3%, un plancher historique depuis un quart de siècle.
Graphique n° 2
Déclin progressif de la croissance potentielle (%)
Graphique n° 1
Chine : contributions à la croissance du PIB (%)
Exportations nettes
Investissements
Consommation
Croissance
15
Cette diminution traduit, au-delà des facteurs
conjoncturels, l’affaiblissement de la croissance
potentielle chinoise. Cette dernière n’a cessé de
diminuer depuis 2005, passant de 10,2% à 6,6% en
2013 selon le FMI (graphique n°2). Cela résulte
notamment de l'essoufflement du processus de
rattrapage technologique et capitalistique dont a
bénéficié la Chine par le passé (1). D’une part, la
productivité des facteurs de production s’est
affaiblie en raison de l’allocation sous-optimale
des investissements (qui a pu générer bulle immobilière et surcapacités) et les bénéfices liés à la
Travail
Capital
Productivité
Total
12
13
10
11
8
9
7
6
5
4
3
2
1
-5
Source : FMI
Source : FMI
(1) Anand R, K Cheng, S Rehman and L Zhang (2014), « Potential Growth in Emerging Asia », IMF Working Paper.
2013
2012
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2013
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2012
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2003
2004
2001
2002
-3
2000
0
-1
PANORAMA
GROUPE
3
RISQUE PAYS
réallocation de la main-d’œuvre du secteur agricole au secteur manufacturier s’épuisent. D’autre
part, avec une population en âge de travailler en
diminution depuis 2010, un ratio de dépendance (2)
en hausse et une croissance de la population en
baisse, la démographie est défavorablement orientée en Chine. Par ailleurs, la hausse rapide
du coût salarial unitaire nuit à la compétitivitécoût de la Chine, requérant une montée en
gamme du pays. Par conséquent, la mise en place
des réformes structurelles par le gouvernement
sera cruciale afin d’assurer une trajectoire soutenable de la croissance et le maintien d’une croissance potentielle élevée.
Ce rééquilibrage de la croissance serait susceptible
de peser à court terme sur l’activité si la consommation ne prend pas le relais de l’investissement
assez rapidement. Coface prévoit d’ailleurs une
poursuite du ralentissement chinois, avec un taux
de croissance de l’économie chinoise de 6,7% en
2015 (5) et 6,2% l’année suivante. Néanmoins ce
rééquilibrage s’avèrerait bénéfique à moyen terme
si les autorités parviennent à mettre en place les
réformes structurelles nécessaires pour éviter une
baisse trop forte de la croissance potentielle du
pays (6). Cela est d’autant plus nécessaire que selon
certaines études (7), le niveau de la croissance
potentielle pourrait atteindre 4% à l’horizon 2030
et ce, dans l’hypothèse d’un rééquilibrage marqué
Ce ralentissement structurel s’est accompagné avec un ratio investissement/PIB à 34% en 2030
d’un rôle accru de la consommation. Le rééquili- (contre 46% en 2014).
brage apparaît donc indispensable afin d’installer
la croissance sur un sentier soutenable : principal L’investissement n’est plus
moteur de l’activité pendant des décennies, la con- un moteur aussi puissant
tribution de l’investissement à la croissance est
devenue moins importante, dépassée par celle de L’investissement, fortement encouragé par les
la consommation à partir de 2011, tendance qui autorités notamment depuis 2008, semble avoir
devrait se poursuivre progressivement au cours atteint ses limites (graphique n°3), comme en
des prochaines années. En effet, les autorités chi- témoigne le ralentissement progressif de la croisnoises ont entamé une stratégie de rééquilibrage sance des investissements en capital fixe (+11,2% au
graduel de la croissance au profit de la consomma- premier trimestre 2015, soit la moitié de la croistion et souhaitent s’orienter vers une économie sance d’il y a trois ans), des profits des entreprises
plus efficiente donnant un rôle accru au marché. Ce et de la production industrielle (+6,3% en moyenne
rééquilibrage est souhaitable afin de résorber les mensuelle entre le début d’année et juillet 2015,
déséquilibres passés, notamment en lien avec la contre +8,3% en 2014). En effet, l’investissement
croissance excessive du crédit qui a servi au pâtit des surcapacités présentes dans de nomfinancement de l’investissement, la création de sur- breux secteurs tels que la métallurgie, la construccapacités, le développement du shadow banking (3) tion et l’immobilier ainsi que d’une baisse de la
rentabilité de l’investissement. A ce titre, la baisse
et l’endettement des gouvernements locaux.
des prix à la production est symptomatique de l’imLa volonté d’assainir le régime de croissance s’in- portance des surcapacités (graphique n° 4, page 4).
carne dans une série de réformes fondamentales,
dont la libéralisation du système financier, la refonte Graphique n° 3
des entreprises publiques et une réduction des sur- Ralentissement de la croissance en capital fixe (variation annuelle, %)
capacités. Néanmoins, l’effet de ces réformes n’est
Investissement en capital fixe
pas neutre sur la croissance et l’enjeu pour les
Production industrielle
autorités chinoises est d’arbitrer entre le court et le
Profit des entreprises, ED
40
moyen terme. Même si Pékin est prêt à assumer un
certain ralentissement de l’activité pour assurer une
35
transition vers la « nouvelle normalité », les autorités
se tiennent prêtes à intervenir si la décélération
30
de l’activité s’avérait trop brutale. Même si un plan
25
de relance aussi massif que celui de 2008/2009
est peu probable, la mise en place d’un policy-mix,
20
c’est à-dire d’une politique budgétaire et monétaire, plus souple, vient d’ores et déjà soutenir la
15
croissance (4).
150
125
100
75
50
25
0
10
01-2015
01-2014
07-2014
07-2013
01-2013
07-2012
01-2012
01-2011
07-2011
07-2010
01-2010
01-2009
-50
07-2009
0
07-2008
-25
01-2008
5
Source : NBS
(2) Le ratio de dépendance correspond au rapport entre l’effectif de la population âgée de plus de 64 ans par rapport à la population en âge de travailler
(15-64 ans).
(3) Le shadow banking est un mode de financement alternatif pour le secteur privé, plus opaque et non régulé par la Banque centrale. Il se compose de sociétés
de gage et de petites sociétés de crédit qui pratiquent des taux usuraires (de 20% avec collatéral à 70% sans collatéral). Il s’est développé en réponse aux
difficultés d’accès au crédit des petites et moyennes entreprises (PME), mais aussi pour apporter une rémunération plus importante aux dépôts bancaires.
(4) Baisses successives des taux d’intérêt de référence (moins 25 points de base le 25 août 2015) ainsi que des ratios de réserves obligatoires (réduction de
50 points de base à cette même date) par la Banque centrale chinoise.
(5) Au premier et deuxième trimestre 2015, la croissance s’est établie à 7,0% en g.a.
(6) FMI “Regional Economic Outlook Asia and Pacific”, Avril 2015.
(7) M. Albert, C. Jude, C. Rebillard, “The Long Landing Scenario: Rebalancing from Overinvestment and Excessive Credit Growth, and Implications for Potential
Growth in China”, Février 2015.
PANORAMA
GROUPE
4
RISQUE PAYS
Graphique n° 4
Baisse des prix à la production (variation annuelle, %)
En parallèle, les incitations à investir ont contribué
à l’accroissement de la dette chinoise totale qui
atteint des niveaux inquiétants (8) (passant de 158%
du PIB en 2007 à 282% au deuxième trimestre
2014 (9)). Celle-ci est notamment le fait du secteur
privé (207% du PIB début 2014 selon le FMI) et est
lié au mode de financement assez opaque du
shadow banking (estimé à 30% du financement
total). Cette augmentation de la dette risque de
peser in fine sur la croissance future puisque, d’une
part, elle pourrait contraindre le financement de
nouveaux projets d’investissement. D’autre part,
elle pourrait menacer la stabilité financière de l’économie car la diminution de l’efficacité des investissements (révélée par l’existence de surcapacités)
fait courir un risque de crédit sur les entreprises.
10
8
6
4
2
0
-2
-4
-6
-8
2015
2014
2013
2012
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2010
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2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
-10
Si la consommation peine à prendre
le relais de l’investissement,
elle bénéficie de facteurs structurels
solides
Source : NBS
En outre, l’investissement immobilier est pénalisé
par l’importance des stocks de logements et la
baisse des prix dans le secteur. Une baisse prolongée des prix immobiliers pourrait affecter à la
fois les secteurs liés à la construction (acier, ciment,
etc.), qui représentent 15% du PIB, et les banques
exposées au marché immobilier. Mais un effondrement du marché est peu probable car les
autorités ont la capacité d’intervenir en cas de choc
de grande ampleur et les prix immobiliers semblent
avoir atteint un point bas. En effet, alors que les prix
de l’immobilier résidentiel neuf ont continuellement
baissé à partir d’octobre 2014 dans les principales
villes (en variation annuelle), ils repartent à la
hausse depuis quelques mois (depuis avril 2015 à
Shenzhen, juin à Shanghai et juillet à Pékin).
Graphique n° 5
Revenu disponible et ventes au détail (%)
Évolution des ventes au détails (ajustée de l’inflation)
Croissance du revenu disponible par habitant
(ménages urbains, ajusté de l’inflation)
25
20
15
La part de la consommation dans le PIB reste
faible (10), ce qui laisse à penser que le rééquilibrage du modèle de croissance est toujours un
enjeu considérable à moyen terme. Depuis
plusieurs années, la consommation des ménages
a bénéficié de la bonne tenue du marché de l’emploi et de la progression importante du revenu
disponible (graphique 5). En effet, la croissance
des revenus et la poursuite du processus d’urbanisation ont soutenu la progression du revenu
disponible des ménages. En revanche, bien qu’elle
reste porteuse pour la consommation, la progression du revenu disponible a tendance à ralentir
depuis 2013. Elle était de seulement 5% en glissement annuel au premier et deuxième trimestre
2015 alors qu’elle représentait le double en
moyenne en 2014. En parallèle, la progression des
ventes au détail marque également le pas, passant
d’une moyenne trimestrielle de 13,8% en 2014 à
10,2% au deuxième trimestre 2015 (soit de 11,8% à
8,8% lorsqu’on l’ajuste de l’inflation, qui a diminué
sur la période). De nombreux facteurs devraient
cependant soutenir la consommation à moyen
terme : l’économie chinoise a entrepris une transition de l’industrie vers le secteur des services, qui
devrait être profitable à la consommation puisque
le secteur des services est plus intensif en travail.
De même, le processus d’urbanisation, le faible
endettement des ménages et la légère tendance à
la baisse de l’épargne ces deux dernières années
constituent des éléments positifs de soutien.
10
5
2015
2014
2013
2012
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
0
Sources : NBS, Coface
Derniers points : T2 2015
(8) Comprenant à la fois la dette publique (y compris au niveau local), la dette des ménages et celle du secteur privé (entreprises non financières et
financières).
(9) Source : Mc Kinsey Global Institute.
(10) La consommation privée représentait environ 38% du PIB et celle de la consommation finale 52% en 2014 (privée et publique).
PANORAMA
GROUPE
5
RISQUE PAYS
Un surplus courant en forte
réduction depuis la crise,
qui ne devrait pas retrouver ses
niveaux antérieurs
Et si les produits agro-alimentaires constituaient
la première catégorie de biens importés au début
des années 2000, aujourd’hui les automobiles
représentent près de la moitié du total des importations en biens de consommation.
Depuis un pic à 10% du PIB en 2007, l’excédent
courant s’est dégradé jusqu’à retrouver des
niveaux comparables à ceux du début des années
2000, proche de 2% en 2014 (graphique 6). Cette
baisse considérable ne s’explique pas uniquement
par la crise mais par les changements structurels
de l’économie et elle remet en question le concept
de la Chine comme simple « atelier du monde ».
D’une part, la hausse du pouvoir d’achat des
ménages s’est traduite par une progression significative et durable des importations. Celles-ci sont
caractérisées par la part prépondérante des produits primaires (hydrocarbures, minerais, denrées
agricoles) mais aussi par la progression des biens
de consommations qui reflète à la fois une augmentation en volume mais également en valeur
via une montée en gamme (graphique 7). Alors
que la part des importations de produits de haute
gamme est restée relativement constante depuis
le début des années 2000 (30% environ), la part
des produits de moyenne gamme a crû de 20%
entre 2000 et 2013, au détriment des produits de
bas de gamme. En 2012, 70% des biens de consommation importés par la Chine se situaient
dans le haut de gamme contre 40% en 2006.
D’autre part, le changement de structure des
industries exportatrices a fait évoluer les échanges
commerciaux. Ces dernières se répartissent en
deux sous-groupes : d’un côté, les industries intégrées dans le processing trade gérant l’assemblage d’équipements électroniques et mécaniques, traditionnellement excédentaires. De l’autre,
les activités de commerce classique (textile, fonte,
fer, acier, meubles, produits métallurgiques),
chroniquement déficitaires en Chine en raison du
poids des importations de matières premières.
Depuis 2007, la baisse tendancielle de la part du
processing trade dans les échanges de la Chine
(42% des exportations en 2014 contre 53% en
2007) a largement contribué à la dégradation du
solde commercial chinois (11). Ces activités (qui ont
jusqu’ici permis au pays d’afficher un excédent
commercial important) pâtissent de la baisse de
la demande des pays avancés, de la faible
rentabilité des entreprises impliquées dans le processing trade et de l’augmentation des coûts
salariaux. A long terme, l’apparition d’un déficit
commercial structurel est donc envisageable.
Graphique n° 7
Montée en gamme progressive (%)
Graphique n° 6
Réduction significative de l’excédent courant
Balance courante (% du PIB)
Exportations des biens et service, ED (variation annuelle)
Importations des biens et service, ED (variation annuelle)
12
30
80%
25
70%
Moyenne - Exportations
Bas - Exportations
Haut - Exportations
Haut - Importations
Moyenne - Importations
Bas - Importations
10
20
8
60%
15
50%
10
6
40%
5
30%
4
0
-5
20%
Source : FMI
2013
2012
2011
2010
2009
2008
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0%
2003
-15
2002
10%
2001
2014
2013
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2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2001
2002
2000
0
-10
2000
2
Source : CEPII
(11) Alors que le commerce d’assemblage était le principal contributeur de la hausse du surplus commercial (les 2/3 entre 2004 et 2007), cette relation s’est
inversée ensuite avec une réduction du surplus lié au commerce d’assemblage en faveur du commerce ordinaire, ce qui a aussi modifié la structure des
échanges avec l’Asie.
PANORAMA
GROUPE
6
RISQUE PAYS
Ces mutations structurelles se sont accompagnées d’une dégradation de la compétitivité prix
(cf. détails partie 3 page11), ainsi que d’une amélioration des termes de l’échange depuis 2012 et
notamment depuis un an. Les prix à l’importation
poursuivent d’ailleurs leur baisse en juillet (11,3%
sur un an, en lien avec la baisse des prix à la production), tandis que ceux à l’export diminuent très
légèrement depuis le début de l’année et s’établissent à 0,7% en juillet sur un an, graphique 8).
Graphique n° 8
Les termes de l’échange chinois
Termes de l’échange
Prix à l’export, moyenne mobile 3 mois (MM3M)
Prix à l’import (MM3M)
Prix à la production (g.a., ED)
20
10
10
5
0
0
-10
-5
-20
-20
Janvier 2011
Janvier 2012
Janvier 2013
Janvier 2014
Janvier 2015
Sources : NBC, calculs Coface
Derniers points : juillet 2015
A court terme, les échanges commerciaux
devraient être favorisés par une croissance
américaine toujours soutenue, et une reprise en
douceur de la croissance européenne, ce qui
profiterait aux secteurs exportateurs chinois. La
dévaluation du yuan le 11 août (qui s’est dépréciée de 3% face au dollar les trois jours suivants),
réalisée dans un contexte d’inquiétudes fortes
de la part des investisseurs sur le dynamisme de
l’économie chinoise, ne devrait avoir qu’un
impact limité sur les exportations asiatiques.
Cela s’explique non seulement par la faiblesse de
l’ampleur du mouvement, mais également par le
fait que cette dévaluation ne compense pas l’appréciation du yuan face aux autres devises : le taux
de change effectif réel de la Chine (TCER) s’est
apprécié de 36% entre janvier 2010 et mai 2015
et de 14% sur un an selon le FMI. Néanmoins l’élasticité des importations chinoises au taux de
change est modérée : selon Thorbecke et Smith
(2012) (12), une appréciation de 10% du renminbi
augmenterait les importations de 3 à 4%. Dans
l’hypothèse où les effets d’appréciation et de
dépréciation seraient symétriques, on peut
supposer qu’en cas de nouvelle dévaluation du
yuan pour favoriser la croissance, l’effet ne serait
visible sur les économies asiatiques qu’en cas
de mouvement de grande ampleur. A ce stade,
les économies asiatiques sont plus susceptibles
de souffrir d’un ralentissement de la demande
intérieure chinoise que d’une dévaluation du
yuan.
A moyen et long terme, les bénéfices de la
libéralisation financière (avec notamment l’internationalisation du yuan) pourraient dépasser
les coûts de perte de compétitivité-prix en
favorisant à la fois la consommation (un yuan
plus fort est favorable au pouvoir d’achat des
consommateurs) et une montée en gamme du
pays. Le FMI prévoit d’ailleurs une dégradation
progressive de l’excédent courant (3% du PIB en
2015, 2,2% en 2017 et 1,2% en 2019).
(12) Thorbecke et Smith (2012), “Are Chinese Imports Sensitive to Exchange Rate Changes?”, RIETI.
PANORAMA
GROUPE
7
RISQUE PAYS
Encadré
Les statistiques chinoises en question
Chine parvient à publier ses chiffres bien
plus rapidement que la plupart des
autres pays (15), ce qui donne davantage
de crédit aux soupçons d’invraisemblance des chiffres.
De la même manière que pour l’indice
Keqiang, nous avons construit un indicateur composite pour mesurer l’activité
économique. Pour cela, nous avons
utilisé neuf variables capturant le
dynamisme des secteurs secondaire et
tertiaire (16) (comptant respectivement
pour 44% et 48% du PIB en 2014). Le
secteur agricole a été exclu en raison de
sa forte volatilité. Quand l’indice Keqiang
apparaît plus volatile et montrer un franc
ralentissement depuis le début d’année
2015, l’indicateur Coface semble plus
modéré. Cela s’explique par le fait que
l’indice Keqiang repose sur la dynamique de l’industrie, moins bonne que
celle des services, alors que l’indicateur
Coface prend en compte à la fois le
secteur secondaire et tertiaire. En
revanche, les deux mesures soulignent
une baisse certaine et plus marquée de
l’activité que les chiffres officiels.
Graphique n° 9
Indicateurs d’activité (variation annuelle, %)
16
8,5
Indicateur Coface
Indicateur Keqiang
Croissance du PIB, ED
07-2015
04-2015
01-2015
6,0
10-2014
-4
07-2014
6,5
6,5
04-2014
0
0
01-2014
7,0
10-2013
4
07-2013
7,5
04-2013
8
01-2013
8,0
10-2012
12
07-2012
Alors que les chiffres officiels pourraient
volontairement sous-estimer l’ampleur
du ralentissement de l’activité économique du pays, il convient aussi de
souligner les difficultés objectives de
mesure des performances économiques (14). D’une part, la complexité de la
mesure réside dans la taille même de
l’économie, nécessitant l’agrégation
d’une grande quantité d’enquêtes et
d’informations venant des autorités
locales. D’autre part, la croissance rapide
Par ailleurs, ménages, entreprises et
dirigeants locaux pourraient succomber
à l’aléa moral qu’impliquent certaines
méthodes de reporting. Par exemple,
puisque les dirigeants locaux sont évalués en fonction des performances
économiques de la région qu’ils administrent, ils pourraient être tentés d’en
surestimer l’activité. De même, les
ménages et les entreprises pourraient
minimiser la déclaration de leurs revenus
et de leurs dépenses puisqu’une partie
peut venir d’activités informelles (voire
illégales) ou dans l’optique de payer
moins d’impôts. Malgré la complexité de
fournir des statistiques de qualité, la
04-2012
Le débat a été amorcé par la révélation,
dans Wikileaks en 2010, d’une discussion remontant à 2007 entre un ambassadeur américain et l’actuel Premier
ministre chinois Li Keqiang (à l’époque,
secrétaire du parti communiste de la
province Liaoning). En effet, ce dernier
indiquait que les chiffres officiels (en
particuliers ceux sur le PIB) étaient consultables « à titre informatif seulement »
car « faits maison » (man-made) et par
conséquent peu fiables. Pour sa part, il
indique qu’il préférait utiliser une série
de trois indicateurs, plus précis, pour
estimer la croissance économique de sa
province (la consommation électrique,
le volume de fret ferroviaire et le montant des prêts décaissés). Cette méthode porte désormais le nom d’indice
Keqiang.
de l’économie, tout comme l’évolution
de sa structure (transition d’une économie centralement planifiée à un
modèle économique fondé sur les
exportations et l’investissement, se
rééquilibrant désormais vers davantage
de consommation ; appréciation graduelle de la devise ; transition technologique) constituent un véritable défi
pour les statisticiens qui doivent constamment adapter leur méthodologie.
01-2012
En tant que matière première de l’économiste, les statistiques sont essentielles
à l’élaboration d’un diagnostic économique. Dans le cas de la Chine, la multiplication des écarts entre les chiffres
officiels et les estimations des économistes est telle que la fiabilité des statistiques chinoises est à nouveau remise en
question, nourrissant ainsi un débat sur
la véritable ampleur du ralentissement
chinois. En ce qui concerne les données
de PIB, lorsque les autorités ont publié
les chiffres de la croissance pour le
deuxième trimestre 2015 (7% sur un an),
certains observateurs l’estimaient plutôt
proche de 5% à 6% et d’autres sont
même descendus jusqu’à 2%. De même,
alors que le ratio consommation sur PIB
était officiellement évalué à 48% en
2014, certaines études estiment qu’il
pourrait être supérieur d’au moins dix
points de pourcentage (13).
Sources : Coface, National Energy Administration, NBS, PBoC, Thomson Reuters
(13) Capital Economics, “Is consumption being undercounted?”, China Economics Focus, avril 2014.
(14) Goldman Sachs, « Asia Economics Analyst », N° 15/20, juin 2015.
(15) Les données de croissance sont généralement publiées deux à trois semaines après la fin du trimestre en Chine, contre un à deux mois ailleurs. Aussi, les
révisions apportées à ces données sont souvent très faibles, sauf en cas de recensement par exemple.
(16) L’indicateur Coface utilise cinq variables pour mesurer le dynamisme du secteur secondaire (production électrique, niveau de fret ferroviaire, crédit au
secteur privé, production industrielle et formation brute de capital fixe du secteur secondaire) et quatre variables pour celui du secteur tertiaire (ventes au
détail, revenu disponible, confiance des ménages et formation brute de capital fixe du secteur tertiaire). Au sein des secteurs, la pondération de chaque
variable est identique. Aussi, les deux secteurs sont pondérés en fonction de leur poids respectif dans le PIB (hors secteur agricole).
PANORAMA
GROUPE
8
2
RISQUE PAYS
LE COMMERCE (17) : PRINCIPAL CANAL DE TRANSMISSION
DU RALENTISSEMENT CHINOIS SUR L’ASIE
Le mouvement de ralentissement
des exportations vers la Chine
déjà entamé pourrait se poursuivre
et affecter les exportations de
nombreux pays asiatiques
A noter que l’Inde est peu dépendante de la
demande extérieure (y compris de celle de la
Chine) et apparaît donc comme moins vulnérable.
Son économie peut néanmoins être affectée
par des effets négatifs de second tour en cas de
ralentissement des pays asiatiques et du Golfe
Les exportations de biens en valeur des principaux touchés par le moindre dynamisme de l’économie
pays asiatiques vers la Chine ont été multipliées par chinoise.
5,4 entre 2000 et 2014, et ont représenté 27% des
exportations totales en 2014. Le processus de Certains pays seraient d’autant plus
régionalisation s’est considérablement accentué touchés qu’ils sont exposés à des
durant cette période, et s’est traduit par une forte secteurs déjà en difficulté
croissance des échanges intra-asiatiques. Néanmoins, l’affaiblissement du commerce mondial ces Les importations chinoises ont été multipliées par
dernières années a également été visible en Asie, neuf entre 2000 et 2014, celles du secteur priet une baisse des exportations provenant d’Asie maire par 13 (avec une hausse particulièrement
vers la Chine a même été observée en 2014 (-4% marquée dans le secteur des métaux et des compar rapport à 2013) pour la première fois depuis bustibles) et celles du secteur manufacturier par
2009 (-8%). Le rythme de croissance annuel sept (surtout dans les équipements). Aujourd’hui
moyen des exportations a ainsi considérablement les principaux secteurs d’importations en Chine
diminué pour la plupart des pays asiatiques ces sont donc ceux correspondant aux machines et
dernières années comparé à la période pré-crise (18). matériels (37% du total), aux articles manufacturés divers (16%), aux combustibles (16%), aux
Dans le cas d’un fort ralentissement de l’activité minerais et métaux (11%) ainsi qu’aux produits
en Chine, qui provoquerait une baisse des impor- chimiques. Ces secteurs sont donc les plus
tations du pays, le commerce asiatique devrait exposés au ralentissement chinois, alors que la
être affecté de manière significative, notamment situation s’est déjà nettement dégradée dans les
dans les pays où le poids des exportations chi- secteurs liés aux infrastructures et à la construcnoises dans le PIB est élevé, à l’image de Hong tion. Le Bangladesh, le Cambodge, Hong Kong,
Kong et de la Mongolie notamment, mais aussi Taïwan, la Corée et le Sri Lanka sont ainsi les plus
de Singapour, de Taïwan, du Vietnam, de la susceptibles d’être pénalisés par l’affaiblissement
Corée, de la Malaisie et de la Thaïlande dans une de la demande chinoise en produits manufacmoindre mesure, où cette part a plus que doublé turés. Concernant les matières premières, la Mondans le PIB entre 2000 et 2014 (graphique 10). golie et l’Inde souffriraient le plus d’une baisse de
Graphique n° 10
Exportations vers la Chine (% du PIB)
110%
2000
2014
90%
70%
50%
30%
10%
0%
Bangladesh Cambodge
Chine
(RAS de
Hong Kong)
Inde
Indonésie
Malaisie
Mongolie
Philippines
Singapour
Sri Lanka
Thaïlande
Vietnam
Province
chinoise de
Taïwan
Corée
du Sud
Source : CNUCED
(17) Le champ considéré ici est celui des biens en valeur (données CNUCED).
(18) En outre, l’affaiblissement du commerce s’explique, au-delà de la crise, par des facteurs plus structurels et notamment les changements dans la chaîne de
valeur de la Chine: alors que le commerce d’assemblage était le principal contributeur de la hausse du surplus commercial (les 2/3 entre 2004 et 2007),
cette relation s’est inversée ensuite avec une réduction du surplus liée au commerce d’assemblage en faveur du commerce ordinaire, ce qui a aussi modifié
la structure des échanges avec l’Asie.
PANORAMA
GROUPE
9
RISQUE PAYS
Graphique n° 11
Exportations « à risque » en % du PIB (2014)
la demande en volume de minerais et métaux, et
l’Indonésie et la Mongolie de celle de combustibles (tableau 1).
Sources : CNUCED, FMI
80
Au final, le poids dans l’activité des exportations
« à risque » (graphiques 11 et 12) vers la Chine
(les exportations de minerais, métaux, combustibles, produits chimiques et machines et
matériel de transport) fait apparaître Hong Kong
(74%), la Mongolie (43%) et Singapour (15%)
comme les pays les plus vulnérables au ralentissement chinois. Le groupe de pays Taïwan,
Corée, Thaïlande, Vietnam, Malaisie y est également sensible mais dans une moindre ampleur
(entre 4 et 10% du PIB). Cela apparaît pertinent
au vu du degré d’ouverture important de ces
économies et de leur forte intégration dans les
chaînes de valeur régionales et mondiales.
70
60
50
40
30
20
10
0
Chine
Singapour
Mongolie
(RAS de Hong Kong)
Graphique n° 12
Exportations « à risque » en % du PIB (2014)
Province
chinoise
de Taïwan
Corée
du Sud
Bangladesh
Sri Lanka
7
6
5
4
3
2
1
Cambodge
Taïwan
Corée
58%
81%
29%
99%
37%
17%
48%
36%
51%
5%
11%
10%
11%
1%
4%
20%
13%
1%
6%
2%
18%
13%
21%
1%
1%
17%
6%
0%
38%
1%
0%
1%
1%
0%
12%
28%
12%
12%
16%
34%
3%
4%
8%
4%
64%
31%
1%
26%
3%
0%
1%
14%
22%
4%
1%
17%
1%
5%
13%
1%
15%
1%
3%
1%
1%
2%
7%
0%
0%
16%
1%
0%
0%
0%
0%
0%
2%
0%
0%
0%
0%
67%
50%
81%
42%
19%
71%
1%
63%
83%
52%
64%
49%
95%
89%
8%
2%
5%
13%
9%
9%
0%
5%
17%
3%
27%
9%
22%
18%
2%
6%
65%
10%
3%
52%
0%
53%
57%
3%
23%
22%
45%
47%
57%
42%
11%
19%
7%
10%
0%
5%
8%
45%
14%
18%
28%
23%
(% des exportations totales vers la Chine)
16%
8%
71%
63%
61%
74%
95%
88%
89%
12%
56%
48%
71%
75%
Exportations à risque (% PIB)
0%
0%
74%
0%
1%
6%
43%
2%
15%
0%
4%
5%
10%
8%
Produits alimentaires,
boissons et tabacs
Matières premières d'origine agricole
Minerais et métaux
Combustibles
Perles, pierres gemmes et similaires
et or à usage non monétaire
Articles manufacturés
Produits chimiques
Machines et matériel
de transport
Articles manufacturés divers
Exportations à risque
Sources : CNUCED, calculs Coface
Sri Lanka
19%
Mongolie
50%
Malaisie
33%
Produits de base, pierres précieuses
et or à usage non monétaire
Inde
Viet Nam
Singapour
Inde
Philippines
Indonésie
Indonésie
Philippines
Hong Kong
Tableau n° 1
Les exportations vers la Chine par secteur
Thaïlande
Cambodge
Vietnam
Bangladesh
Malaisie
Sources : CNUCED, FMI
Thaïlande
0
PANORAMA
GROUPE
10
RISQUE PAYS
Par conséquent une baisse des exportations de 10%
de ces pays vers la Chine entraînerait en moyenne
une perte de croissance de l’ordre de 0,7 point de
PIB sur ces économies. A l’inverse, l’Inde, le Cambodge, le Bangladesh, le Sri Lanka, l’Indonésie et les
Philippines semblent moins affectés, l’Inde ayant
moins de relations commerciales avec la Chine, et
est susceptible de davantage profiter de la baisse
du prix des matières premières. Ces résultats concordent avec ceux de Gauvin et Rebillard (2015) (19),
qui considèrent que l’impact global sur l’activité en
Asie d’un scénario chinois de hard landing (20) comparé à un scénario de soft landing (21) serait non négligeable. L’Asie du Sud-Est figurerait parmi la zone
la plus touchée avec une perte cumulée de croissance d’environ 9,4% sur 5 ans pour l’ASEAN (22).
L’hypothèse retenue d’un hard landing est cependant très forte (la croissance chinoise diminuerait
fortement à partir du premier trimestre 2015 sur une
période de deux ans et se stabiliserait à 3% par an
avec un investissement quasi stable). Le scénario de
référence soft landing correspond à une croissance
de 7,4% en 2014 qui diminuerait à 6,4% d’ici fin 2019,
accompagné d’un léger rééquilibrage en faveur de
la consommation.
Le ralentissement chinois pousse
à la baisse le prix des matières
premières
Depuis plus de 15 ans, la croissance chinoise a
été fortement intensive en matières premières,
en lien avec le dynamisme de l’investissement et
l’urbanisation croissante. En 2013, la Chine a ainsi
consommé plus de la moitié de la demande
mondiale de métaux, contre seulement 5% il y a
20 ans. Elle représentait ainsi 47% de la
demande mondiale de cuivre et 65% des importations totales de minerai de fer, et demeure
également le premier importateur mondial de
soja au monde. Le pays a également fortement
contribué au dynamisme de la demande
pétrolière, en lien avec le développement du
secteur automobile, mais son rôle dans la
demande mondiale est moindre que dans le
domaine des métaux (11% du total).
Or le cycle du boom des matières premières
semble avoir touché à sa fin (graphique 13), les
déterminants ayant favorisé les prix (hausse de
la demande mondiale accompagnée de contraintes d’offre) s’inversant peu à peu. L’excédent d’offre est l’un des principaux facteurs
explicatifs de la baisse des prix des matières
premières constatée depuis quelques années
(surproduction pétrolière, surcapacités, bonnes
récoltes…). Néanmoins, les inquiétudes sont fortes
concernant le manque de vigueur de la reprise
de l’économie mondiale et en particulier du
ralentissement structurel de la Chine au vu du
rôle que l’économie représente en termes de
demande de matières premières. En effet, le
rééquilibrage vers la demande intérieure tarde à
se matérialiser, et un affaiblissement futur de la
consommation et de l’investissement du pays
pourrait ainsi exercer des pressions baissières
sur les prix des matières premières.
Cet été, les prix de nombreuses matières premières ont d’ailleurs atteint des points bas, notamment ceux du pétrole (le WTI a atteint 42 USD le
13 août, le prix le plus bas depuis mars 2009) mais
également du cuivre, du minerai de fer etc.,
notamment suite à la dévaluation du yuan et aux
turbulences des places boursières mondiales
résultant de la chute de la bourse chinoise (l’indice
composite Shangai Shenzen s’est effondré de 37%
entre le 8 juin et le 2 septembre). Ces mouvements traduisent l’inquiétude des investisseurs sur
la bonne santé de l’économie chinoise, auxquels
s’ajoutent notamment des effets spéculatifs.
Graphique n° 13
Prix des matières premières et croissance du PIB chinois
600
16%
Prix du Brent spot (T1, 2000 = 100)
Prix du cuivre (T1, 2000 = 100)
Prix du soja (T1, 2000 = 100)
Croissance du PIB chinois volume (%)
500
14%
400
12%
300
10%
200
8%
100
6%
4%
0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Sources : LME, EIA, department of agriculture, NBS
Derniers points : T2 2015
(19) Gauvin et Rebillard (2015), Document de travail Banque de France, « Towards recoupling ? Assessing the global impact of a Chinese hard landing through
trade and commodity price chanels ».
(20) Atterrissage brutal de l’économie chinoise.
(21) Atterrissage en douceur.
(22) ASEAN : Association des nations de l’Asie du Sud-Est.
PANORAMA
GROUPE
RISQUE PAYS
Comme expliqué précédemment, l’activité de
certains pays asiatiques, à l’image de la Mongolie
ou l’Indonésie, serait ainsi très affectée par l’importance des volumes de matières premières
exportés vers la Chine, et serait donc doublement pénalisés avec un effet prix défavorable. Néanmoins, cette dégradation pourrait
être limitée partiellement par l’effet bénéfique de
la baisse des prix des matières premières sur
l’économie chinoise. En particulier, les entreprises
en amont du processus de production et en
surcapacités (mines, sidérurgie) peuvent bénéficier de la réduction du coût de leurs intrants
via la baisse des prix des matières premières,
ce qui peut les aider à restaurer leurs marges.
S&P GSCI -indice synthétique reflétant l’évolution
des prix de matières premières, avec quelques
mois de retard (graphique 14).
Cet effet est particulièrement visible si l’on
observe l’étroite corrélation entre les prix à la
production (IPP) et l’évolution du prix de l’indice
11
Au final, le pays le plus pénalisé par la baisse du
prix des matières premières est la Mongolie.
En effet, même si les pays tels que la Malaisie,
l’Inde ou l’Indonésie exportent beaucoup de
matières premières, leurs exportations vers la
Chine restent modérées comparés à leur activité.
A noter que l’étude de Gauvin et Rebillard (2013)
modélise également la chute des prix des
matières premières dans le cas du hard landing
et conclue que les prix des métaux seraient
davantage affectés que les prix du pétrole par
le ralentissement chinois : ils diminueraient de
66% après 5 ans dans ce scénario (contre 12%
dans un scénario de soft landing) et de 41% pour
le prix du pétrole (contre +13%).
Graphique n° 14
Prix des matières premières et prix à la production en Chine
100
12
S&G GSCI +3mois (g.a.)
Prix à la production (g.a.), ED
75
9
50
6
25
3
0
0
-25
-3
-50
-6
-75
-9
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Sources : NBS et GavekalDragonomics
Derniers points : juillet 2015
3
LA FIN DU MODÈLE CHINOIS « À BAS COÛTS » :
UN DÉTERMINANT CLÉ POUR LES INVESTISSEURS ÉTRANGERS
La dégradation de la compétitivité
prix de la Chine favorable à ses
voisins asiatiques
La perte de compétitivité prix s’explique par
deux principaux facteurs. Le premier est l’évolution des salaires : au cours des dix dernières
années, le salaire moyen a été multiplié par six
dans les zones urbaines tandis que sur la même
période, le coût unitaire du travail (23) a été multiplié par deux. Autrement dit, la productivité des
employés chinois progresse moins rapidement
que les salaires, induisant de moindres gains de
compétitivité. Le second facteur est la conséquence de la politique de libéralisation progressive du taux de change amorcée à partir de
2005, la compétitivité-prix de la Chine a en effet
également été pénalisée par l’appréciation de la
devise chinoise : le taux de change effectif réel
(24)
du yuan s’est apprécié de plus de 53% entre
juillet 2005 et juin 2015, soit une appréciation
largement supérieure à celle enre-gistrée par ses
voisins asiatiques.
(23) Il s’agit du coût salarial par unité de valeur ajoutée produite.
(24) Le TCER mesure la variation des taux de changes nominaux d’une économie avec ses partenaires commerciaux ajustée de la variation des prix.
PANORAMA
GROUPE
12
RISQUE PAYS
Graphique n° 15
Dégradation de la compétitivité coût de la Chine (2000 = base 100)
Certains voisins de la Chine bénéficient ainsi de la
perte de compétitivité prix de l’Empire du Milieu.
Ils profitent d’avantages comparatifs grâce à des
coûts salariaux plus faibles. Le Bangladesh affiche
par exemple un salaire minimum 3,5 fois inférieur
à celui observé en Chine et le salaire minimum au
Vietnam est deux fois moins élevé que celui de la
Chine, ce qui est attractif pour les investisseurs.
En effet, face à la hausse des coûts de production
chinois, les entreprises disposent de plusieurs
options :
1) délocaliser leurs activités vers des pays à plus
bas coûts en Asie ou dans le reste du monde ;
2) déplacer les unités de production à l’ouest du
pays où le coût du travail reste encore modéré
(26)
mais les infrastructures insuffisantes ;
3) rester dans l’est de la Chine où les infrastructures, la qualité de la chaîne logistiques et la
proximité des côtes demeurent un avantage
comparatif.
150
640
Coût unitaire du travail
Salaire moyen en zone urbaine
Taux de change effectif réel (éch. droite)
560
140
480
130
100
120
320
110
240
100
160
90
80
80
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
Mais d’autres facteurs affectent
la compétitivité : qualité des
infrastructures logistiques, niveau
de qualification de sa population
et gouvernance
Sources : BNS, OCDE, BRI
Graphique n° 16
Evolution du taux de change effectif réel des principales économies asiatiques (25)
Chine
Philippines
Sri Lanka
190
Indonésie
Thaïlande
Mongolie
Pour que les pays bénéficiant d’avantages comparatifs en termes de coûts augmentent leur
attractivité, il est nécessaire qu’ils investissent
dans leurs infrastructures et notamment en
améliorant la qualité de leur supply-chain (27). La
Chine présente un avantage comparatif indéniable s’agissant de la qualité des infrastructures. On
observe une certaine corrélation entre le niveau
de salaire et le positionnement du pays en matière
d’infrastructures logistiques. Néanmoins, certains
pays affichant un coût du travail modéré sont bien
positionnés en termes de qualité des infrastructures : le Vietnam, l’Inde et l’Indonésie. A contrario,
le Bangladesh, la Mongolie et le Sri Lanka offrent
un coût du travail particulièrement bas mais leurs
carences en infrastructures logistiques sont susceptibles de les pénaliser.
Inde
Malaisie
170
150
130
110
90
70
Graphique n° 17
Coût mensuel minimum du travail (28) et qualité des infrastructures logistiques
50
2003
2005
2007
2009
2011
2013
2015
350
(25) Ce graphique exclut le Bangladesh et le Vietnam, le TCER de ces pays
n’étant pas disponible, la compétitivité de ces pays en termes de taux de
change a été évaluée par une pondération des devises de ces pays face à
l’euro, au dollar et à la livre sterling.
(26) A titre d’exemple, le salaire minimum serait deux fois plus élevé dans la
province de Pékin que dans la province de Henan selon WageIndicator.org
(27) La chaîne d'approvisionnement (ou supply chain) regroupe tous les professionnels (producteur, distributeur, grossiste, transporteur, transformateur)
impliqués dans la mise à disposition du produit au consommateur.
(28) Cette comparaison n’intègre pas la Corée et Taïwan, ces deux pays affichant
un coût du travail nettement supérieur aux autres pays de la région. Le
salaire minimum y est respectivement de 1100 USD et 890 USD par mois.
Salaire mensuel minimum (en dollar) - déc 2014
Sources : BRI, banques centrales nationales
300
Chine
250
Philippines
200
Malaisie
Indonésie
Thaïlande
Inde
150
Vietnam
100
Mongolie
Sri Lanka
50
Bangladesh
0
2
2,5
3
3,5
Indice de qualité des infrastructures logistiques
Sources : Données nationales, Banque mondiale
4
PANORAMA
GROUPE
RISQUE PAYS
Par ailleurs, le capital humain peut également
influer dans les choix opérés par les investisseurs.
L’indicateur de capital humain réalisé par le
World Economic Forum quantifie l’utilisation
et le développement du capital humain. Il tient
compte de l’éducation, de l’emploi, de la population active et inactive ainsi que des qualifications
des personnes entrant sur le marché du travail.
paiement dans le pays en question et que son évaluation du risque macroéconomique et financier.
Evaluer l'environnement des affaires consiste à
mesurer la qualité de la gouvernance privée d’un
pays, c’est-à-dire la transparence financière des
entreprises et l’efficacité des tribunaux en matière
de règlement de dettes. A Coface, cette évaluation
de l’environnement des affaires est élaborée sur la
base de travaux internes associant l’ensemble de
ses entités dans le monde ainsi que des évaluations
du climat des affaires élaborées par les organisations internationales. Coface s’appuie sur son
appréciation des risques et sur son expérience
microéconomique afin de déterminer :
• si les comptes des entreprises reflètent bien la
réalité de leur situation financière ;
• si, en cas d’impayé, le système juridique local
permettra un règlement équitable et efficace.
De plus, la qualité de la gouvernance affecte
l’attractivité d’un pays. Coface produit sa propre
évaluation de l’environnement des affaires depuis
2008 de manière à appréhender les risques spécifiques aux entreprises. Il tient compte de la qualité
de la gouvernance dans son évaluation de l’environnement des affaires de 160 pays. Celle-ci est
une composante essentielle de son évaluation
risque pays, au même titre que son expérience de
Graphique n° 18
Niveau de capital humain et qualité de la gouvernance (29)
Pour ce faire, il réalise une fois par an une enquête
auprès de ses entités dans le monde entier. Cette
évaluation se fonde donc sur son réseau mondial
et l’expertise que lui apporte son expérience en
matière de souscription des risques, d’informations
sur les entreprises et de gestion de créances.
Comme les évaluations pays, les évaluations de
l'environnement des affaires se situent sur une
échelle de 7 niveaux, A1, A2, A3, A4, B, C, D, dans
l’ordre croissant du risque.
6
Malaisie
Indice de l’environnement des affaires
5
13
Thaïlande
4
Chine
3
Inde
Philippines
Sri Lanka
Indonésie
2
Ainsi, la confiance d’une entreprise dans la qualité
et la stabilité du cadre réglementaire d’un pays est
susceptible d’influer sur sa décision d’investir, que
cet investisseur soit résident ou non-résident.
Mongolie
Vietnam
1
Ainsi, la Thaïlande et la Malaisie bénéficient à la fois
d’un indice de capital humain élevé ainsi qu’un
environnement des affaires de qualité.
Bangladesh
0
55
60
65
70
75
Au total, si la perte de compétitivité-prix de la
Chine est indéniable, le pays reste donc très bien
positionné en termes de compétitivité hors coût.
Indice de capital humain
Sources : World Economic Forum, Coface
Tableau n°2
Evaluation de la compétitivité prix et hors prix des pays asiatiques
Coût salarial
Taux de change Infrastructures
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
Bangladesh
Chine
Inde
Indonésie
Malaisie
Mongolie
Philippines
Sri Lanka
Thaïlande
Vietnam
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
(29) Note Coface envronnement des affaires
Conversion utilisée pour cette étude
Salaire minimum mensuel (en USD)
Variation du TCER entre janvier 2003 et avril 2015
Indice Banque Mondiale de qualité des infrastructures logistiques
Environnement des affaires Coface
Indice du World Economic Forum
A1
7
A2
6
A3 A4
5
4
B
3
C
2
Capital humain
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
●
Indicateur utilisé
Coût salarial
Taux de change
Infrastructures
Gouvernance
Capital humain
Gouvernance
D
1
Bon
Moyen
●
●
Mauvais
●
< 225
< 30%
>3
> B
> 65
≥ 225 / < 270
≥ 30% / < 50%
≤ 3 / > 2,6
≤B/>C
≤ 65 / > 60
≥ 270
≥ 50%
≤ 2,6
≤C
≤ 60
PANORAMA
GROUPE
14
RISQUE PAYS
Les investisseurs étrangers
semblent davantage privilégier
la compétitivité-prix
Bien que la Chine bénéficie d’atouts en termes
de qualité des infrastructures et de capital
humain, l’arbitrage des investisseurs semble de
plus en plus influencé par la compétitivité-prix.
Si les investissements directs étrangers (IDE) à
destination de la Chine restent très importants, on
observe un tassement des entrées d’IDE dans le
pays et un développement des IDE à destination
de ses voisins affichant des coûts plus modérés.
Il est difficile d’apprécier précisément l’impact
de la dégradation de la compétitivité de la Chine
sur l’évolution des flux d’IDE. Certains paramètres
influant sur l’attractivité d’un pays ont également
été modifiés entre la période 2004-2007 et la
période 2008-2013, au premier rang desquels la
réglementation relative aux IDE telle que la loi
adoptée en Indonésie en 2007, permettant un
traitement équitable entre les investisseurs domestiques et étrangers ainsi que la levée de la limitation à 30 ans des autorisations relatives aux IDE.
Néanmoins, les pays affichant des indicateurs de
coûts (salaire et via le taux de change) attractifs
et bénéficiant également d’un positionnement
favorable sur certains aspects de compétitivité
hors-coûts enregistrent une progression des flux
d’IDE entrants. Il s’agit de l’Indonésie, de l’Inde
et du Vietnam. Ainsi, la dégradation de la compétitivité-prix de la Chine permet actuellement
à ses voisins d’attirer de nouveaux investissements étrangers. Ce processus devrait permettre
aux pays asiatiques d’enregistrer une accélération de leur activité grâce à une augmentation
de la production industrielle et des exportations.
Bénéficiant d’un positionnement favorable en
termes de coûts, de qualité des infrastructures
et de capital humain, le Vietnam attire de nombreux IDE notamment en provenance du Japon,
de Taiwan, de Singapour et de la Corée du Sud.
S’agissant du Vietnam, on observe une montée
en gamme dans la chaîne de valeur ajoutée, les
investissements reçus étant de plus en plus orientés vers l’industrie électronique. Ainsi, le pays
tend à devenir un hub pour la construction de
smartphones.
En cas de ralentissement marqué de l'économie
chinoise, la progression des salaires est susceptible de ralentir très fortement. Une telle situation pourrait pénaliser ses voisins ayant profité
de la dégradation de sa compétitivité.
Les pays les plus fragiles face à ce scénario sont
ceux dont le différentiel de salaire avec la Chine
est le plus faible : Malaisie, Thaïlande, Philippines.
A l’inverse, les pays affichant des salaires minimums très faibles devraient être épargnés par
cet impact et continueront à pro-fiter d’abondants flux d’IDE : Bangladesh, Sri Lanka. Trois
pays sont dans une situation intermédiaire :
l’Inde, l’Indonésie et le Vietnam. Ils affichent un
coût du travail plus faible que celui de la Chine
mais dont le niveau ne leur garantit pas d’être
épargné par le redressement de la compétitivitéprix de la Chine. Enfin, les pays asia-tiques bénéficiant d’importants flux d’IDE en provenance
de Chine : Mongolie, Myanmar et Cambodge (30)
pourraient souffrir d’une diminution des investissements en provenance de Chine en cas d’atterrissage brutal de l’économie chinoise.
Graphique n° 19
IDE reçus en proportion du PIB et évolution entre les périodes 2004-2007 et 2008-2013 (31)
IDE entrants / PIB (%, moyenne 2008-2013)
Progression des IDE entre la période 2004-2007 et la période 2008-2013
(en points de PIB, échelle droite)
1,8
8
6
2
1
0,6
0,2
-0,1
-0,1
4
0
-0,5
-0,6
-1,0
2
-1
-1,7
0
-2
Bangladesh Philippines
Sri Lanka
Chine
Indonésie
Inde
Thaïlande
Malaisie
Vietnam
Sources : CNUCED, Coface
(30) Le FMI identifie ces trois pays comme étant les trois principaux récipiendaires des IDE chinois en Asie en 2012 – IMF Multilateral policy issues report, 2014
spillover report.
(31) Ce graphique exclut la Mongolie, le pays enregistrant des IDE entrants / PIB très largement supérieurs aux autres pays de la zone en raison de la taille
réduite de son économie et des ressources minières dont le pays dispose.
.
PANORAMA
GROUPE
4
15
RISQUE PAYS
QUELS RISQUES DE CONTAGION FINANCIÈRE ?
Outre les investissements directs étrangers,
d’autres types de flux financiers sont susceptibles
de propager le ralentissement chinois aux autres
économies asiatiques. Ces canaux de transmission
sont principalement de deux natures : les prêts
bancaires transfrontaliers et les effets de contagion résultant des investissements de portefeuille
en actions ou en obligations et/ou de la corrélation des marchés financiers asiatiques.
part des crédits transfrontaliers à destination de
la Chine accordés par des banques qui ne sont
pas localisées aux Etats-Unis, au Royaume-Uni,
au Japon ou en zone euro a atteint 51% fin 2013.
Des banques basées à Hong Kong ont délivré
environ 80% de ces prêts, le reste émanent dans
une large mesure de banques de Singapour (33).
Ces deux places financières pourraient donc
souffrir d’une détérioration marquée de la solvabilité d’entreprises chinoises déjà très endetLes effets de contagion via les
tées si l’activité y ralentissait plus rapidement
banques apparaissent limités,
que prévu. La détérioration induite des comptes
hormis pour Hong Kong et
finan-ciers des banques exposées irait alors de
Singapour
pair avec un durcissement des conditions de
Les prêts bancaires transfrontaliers (32) sont un crédit dans les deux villes.
canal de transmission possible de l’économie
chinoise vers ses voisines, d’autant plus que ces Mais le marché d’actions chinois est
dernières ont rebondi rapidement après leur de plus en plus corrélé aux autres
chute consécutive à la crise de 2008-2009. places asiatiques
L’Asie fait d’ailleurs figure d’exception en la
matière, les crédits transfrontaliers ayant nette- Les effets de contagion relatifs aux marchés
ment moins augmenté entre 2009 et 2013 en d’actions et d’obligations constituent un autre
Amérique latine ou encore en Europe émergente canal de transmission du ralentissement chinois
d’après les données de la Banque des Règle- vers les pays asiatiques. Les événements récents
ments Internationaux (BRI). Dans le détail, cette semblent d’ailleurs aller dans le sens d’une forte
dynamique positive depuis la crise a surtout corrélation entre eux : la chute de l’indice de la
profité à la Chine. Par ailleurs, ces nouveaux bourse de Shanghai le 24 août dernier a correscrédits à des emprunteurs chinois sont de plus pondu à une tendance similaire sur les autres
en plus octroyés par des banques asiatiques : la places asiatiques.
Graphique n° 20
Cours boursiers, Asie et Etats-Unis (Mai 2005 = 100)
700
Chine
Corée du Sud
Taïwan
Inde
Malaisie
Thaïlande
Indonésie
Philippines
Etats-Unis
Singapour
Hong-Kong
600
500
400
300
200
100
0
01/05/2005
01/05/2007
01/05/2009
01/05/2011
01/05/2013
01/05/2015
Sources : Reuters, sources nationales
(32) Ils consistent en des prêts transfrontaliers de banques étrangères, principalement en devise étrangère, ou en des crédits, en devise locale ou étrangère, de
filiales de banques étrangères dans le pays local.
(33) Shatil B. (2014) : « A tale of two cities : Emerging Asia’s shifting creditor base », JPMorgan Chase Bank , 15 août.
PANORAMA
GROUPE
16
RISQUE PAYS
Les tendances de plus long terme confirment ces
liens ténus entre places financières asiatiques. Par
exemple, si une étude de la Réserve fédérale de
San Francisco (34) conclut à une corrélation faible
entre les marchés obligataires de la région, elle
met aussi en exergue l’interdépendance croissante
des marchés d’actions de la région : au cours de la
période post-Lehman, la corrélation de l’indice du
marché d’actions chinois avec ceux des autres
marchés asiatiques a augmenté par rapport à la
période 2005-2008 (35).
confirme l’existence de tels effets de richesse dans
le cas des pays asiatiques, notamment en ce qui
concerne le patrimoine financier. D’après une
étude de Peltonen et al. (2009) (36) réalisée en utilisant des données de six économies asiatiques de
2000 à 2008 (37), une hausse (ou une baisse) de
10% des prix des marchés d’actions correspond à
une augmentation (ou une diminution) de la consommation des ménages de 0,49% à Singapour,
0,37% en Corée, 0,3% à Hong Kong, 0,2% en Thaïlande, 0,16% à Taïwan et 0,12% en Chine. Les effets
de transmission varient donc de 1,2% (en Chine) à
4,9% (à Singapour). Sans surprise, les effets de
richesse semblent donc les plus élevés dans les
pays bénéficiant de marchés d’action liquides et
d’un niveau de vie élevé (hormis Taïwan). Dans ce
contexte, même s’il n’est pas possible de le vérifier
avec exactitude puisqu’ils n’ont pas été pris en
compte dans l’étude, les effets de richesse relatifs
à la variation de la valeur des actifs financiers
des ménages indiens, indonésiens et philippins
devraient être proches ou inférieurs à ceux de la
Chine. Le niveau de ceux de la Malaisie pourrait se
situer entre Hong Kong et la Thaïlande.
Mais si cette tendance est commune à tous les
pays asiatiques, le niveau de cette corrélation
est différent d’un pays à l’autre. Les marchés
d’actions indien et philippin restent ainsi relativement peu corrélés avec le marché chinois (coefficient de corrélation inférieur à 0,3 au cours de la
période post-Lehman). A l’autre bout de l’échelle,
ce coefficient est supérieur à 0,4 à Singapour et
Taïwan. L’Indonésie, la Corée, la Thaïlande et la
Malaisie sont dans une position intermédiaire
(entre 0,3 et 0,4). Hong Kong n’est pas étudié,
mais le coefficient de corrélation entre l’indice
de son marché boursier et celui de Shanghai
indique sans surprise une forte connexion entre Les deux places financières de la région, Hong
les deux places financières, quelle que soit la Kong et Singapour, ressortent donc sans surprise
comme les deux zones les plus à risque : leurs
période choisie.
banques sont les plus exposées de la région à une
Toutefois, les effets secondaires négatifs sur les montée du risque de crédit en Chine, la corrélaautres économies asiatiques d’une baisse du tion de leur marché d’actions avec la place de
marché d’actions chinois à travers sa corrélation Shanghai est relativement forte (supérieure à 0,4)
avec ses homologues de la région dépendent de et les effets de richesse y sont élevés (effet de
l’existence d’effets de richesse, qui renvoient à transmission supérieur ou égal à 3%). A l’inverse,
l’augmentation (baisse) de la propension à con- l’Inde ou encore les Philippines semblent immusommer au fur et à mesure que la valeur du patri- nisés contre ce type de risque. Les autres pays de
moine augmente (diminue). La littérature existante la région sont dans une position intermédiaire.
Graphique n°21
Corrélations des rendements d'actions des marchés asiatiques avec la Chine
Période pré-crise (juin2005-juin 2008)
Période de crise (juillet 2008-mai 2010)
Période post crise (juillet 2010-octobre 2012)
0,45
0,40
0,35
0,30
0,25
0,25
0,15
0,10
0,05
0,00
Taïwan
Singapour
Indonésie
Corée du Sud
Thaïlande
Malaisie
Inde
Philippines
Source : FRBSF
(34) Glick R. et Hutchinson M. (2013) : «China’s financial linkages with Asia and the global financial crisis” , Federal Reserve Bank of San Francisco, document de
travail, mai.
(35) A l’inverse, la corrélation entre les indices des différents marchés d’actions asiatiques et celui du marché boursier américain s’est réduite au cours de la
même période.
(36) Peltonen T., Sousa R. et Vansteenkiste I. (2009) : « Wealth Effects in Emerging Market Economies », document de travail de la Banque centrale européenne
n° 1000, janvier.
(37) Chine, Hong Kong, Corée, Indonésie, Malaisie, Singapour, Taïwan et Thaïlande.
PANORAMA
GROUPE
17
RISQUE PAYS
CONCLUSION
En entamant une stratégie de rééquilibrage, la
Chine essaie de retrouver le chemin d’une croissance plus saine et plus durable, et ce malgré les
effets négatifs à court terme (bien qu’en intervenant de manière régulière, les autorités sont
particulièrement attentives à éviter un ralentissement trop brutal de l’activité). Par ailleurs, l’affaiblissement de la croissance potentielle témoigne
des défis structurels auxquels les autorités chinoises doivent faire face.
Face à ces perspectives, les pays d’Asie n’apparaissent pas tous égaux. Singapour et Hong Kong,
de par leurs liens commerciaux et financiers
étroits avec la Chine, sont les principaux perdants
du ralentissement chinois. Néanmoins, ces pays
jouissent de fondamentaux macroéconomiques
solides (faible dette publique, réserves de change
abondantes et larges excédents courants) leur
permettant de faire face à un choc de grande
ampleur. En revanche, la Mongolie qui figure elle
aussi dans ce groupe, tant sa dépendance à l’égard
de la demande chinoise de matières premières est
grande et se fait ressentir à travers les flux de
commerce et d’investissements, ne bénéficie pas
du même matelas de sécurité. Le pays souffre
d’une dette publique élevée et d’un déséquilibre
marqué de ses comptes extérieurs. A l’autre bout
de l’échelle, l’Inde et les Philippines semblent
presque immunisés contre le ralentissement chinois.
Seul un ralentissement brutal remettant en cause
l’augmentation récente du coût du travail en
Chine pourrait avoir un effet notoire sur les
investissements directs étrangers à destination
des Philippines. Enfin, l’Indonésie, la Malaisie ou
encore la Thaïlande sont dans une position intermédiaire : si leur exposition à la Chine est significative, notamment à cause de leurs liens commerciaux, elle n’est pas de nature à faire dérailler
leur croissance si l’atterrissage de la croissance
chinoise se fait en douceur.
Mongolie
Corée
du Sud
Myanmar
Inde
Taïwan
●
Hong Kong
Bangladesh
Philippines
Thaïlande
Sri Lanka
Vietnam
Cambodge
Malaisie
●
Singapour
Économies peu vulnérables
Economies dans une situatioin intermédiaire
Économies vulnérables
Indonésie
RESERVE
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