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2 8 ÉTUDE Le commerce : principal Le ralentissement chinois : canal de transmission du preuve d’un modèle ralentissement chinois sur essoufflé et à réinventer ? l’Asie 11 15 La fin du modèle chinois « à bas coûts » : un déterminant clé pour les investisseurs étrangers Quels risques de contagion financière ? SEPTEMBRE 2015 PANORAMA L’Asie à l’épreuve du ralentissement chinois LES PUBLICATIONS ÉCONOMIQUES DE COFACE L’ économie chinoise est sous le feu des projecteurs depuis plusieurs mois : dévaluation du yuan, effondrement boursier, baisse des prix de l’immobilier, craintes d’un ralentissement économique excessif, doutes sur la fiabilité des données publiées et plus généralement incertitudes quant au processus de rééquilibrage engagé par les autorités. Dans ce contexte anxiogène, les autres pays d’Asie apparaissent comme les premières victimes potentielles en cas d’atterrissage brutal de l’économie chinoise. S’ils ont bénéficié de leur proximité géographique et de leurs spécialisations sectorielles pour commercer massivement et croître dans le sillage de la Chine depuis le début des années 2000, leur intégration semble être aujourd’hui un facteur de risque, alors que la Chine a Par les économistes du Groupe Coface contribué pour près de 32% à la croissance mondiale et 72% à la croissance de l’Asie émergente depuis 2000. Après avoir dressé un état des lieux du ralentissement chinois, nous identifions dans ce panorama de quelle manière les pays asiatiques sont affectés par les pertes de compétitivité qui ont accompagné ce moindre dynamisme de l’activité, puis nous repérons les pays les plus vulnérables à cette évolution, en nous focalisant principalement sur trois canaux de transmission : le commerce, les prix des matières premières et les financements. Les enseignements de cette étude sont multiples. D’abord, les deux places financières et plates-formes commerciales que sont Hong Kong et Singapour sont particulièrement vulnérables au ralentissement chinois, à travers le canal commercial mais RETROUVEZ TOUS LES AUTRES PANORAMAS DU GROUPE http://www.coface.fr/Actualites-Publications/Publications aussi financier. D’autres pays, dont au premier rang la Mongolie, devraient aussi être pénalisés par la baisse des prix des matières premières ainsi que de moindres investissements chinois dans les secteurs qui y sont liés. A l’autre bout de l’échelle, deux pays de la région semblent aujourd’hui plus immunisés que les autres: l’Inde et les Philippines. Entre ces deux groupes, la Thaïlande, la Malaisie ou encore l’Indonésie sont dans une position intermédiaire : si leur exposition au ralentissement chinois à travers les flux commerciaux et financiers est significative, elle n’est pas suffisante pour faire dérailler leur croissance si l’atterrissage de l’économie se fait en douceur, ce qui reste le scénario central de Coface (croissance chinoise anticipée à 6,7% en 2015 et 6,2% en 2016). PANORAMA GROUPE 2 RISQUE PAYS ETUDE Septembre 2015 L’ASIE À L’ÉPREUVE DU RALENTISSEMENT CHINOIS PAROLES D’ÉCONOMISTES Marie ALBERT Charlie CARRE Paul RASO Julien MARCILLY Economiste, responsable risque pays Economiste Economiste junior Economiste en chef 1 LE RALENTISSEMENT CHINOIS : PREUVE D’UN MODÈLE ESSOUFFLÉ ET À RÉINVENTER ? Le ralentissement s’explique en partie par l’affaiblissement de sa croissance potentielle Le rythme de la croissance chinoise a régulièrement diminué ces dix dernières années. Après avoir atteint un pic à 14,2% en 2007, il a perdu environ quatre points de PIB entre 2008 et 2011, avant de descendre sous les 8% à partir de 2012 (graphique n°1). En 2014, le taux de croissance a été de « seulement » 7,3%, un plancher historique depuis un quart de siècle. Graphique n° 2 Déclin progressif de la croissance potentielle (%) Graphique n° 1 Chine : contributions à la croissance du PIB (%) Exportations nettes Investissements Consommation Croissance 15 Cette diminution traduit, au-delà des facteurs conjoncturels, l’affaiblissement de la croissance potentielle chinoise. Cette dernière n’a cessé de diminuer depuis 2005, passant de 10,2% à 6,6% en 2013 selon le FMI (graphique n°2). Cela résulte notamment de l'essoufflement du processus de rattrapage technologique et capitalistique dont a bénéficié la Chine par le passé (1). D’une part, la productivité des facteurs de production s’est affaiblie en raison de l’allocation sous-optimale des investissements (qui a pu générer bulle immobilière et surcapacités) et les bénéfices liés à la Travail Capital Productivité Total 12 13 10 11 8 9 7 6 5 4 3 2 1 -5 Source : FMI Source : FMI (1) Anand R, K Cheng, S Rehman and L Zhang (2014), « Potential Growth in Emerging Asia », IMF Working Paper. 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2013 2014 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2003 2004 2001 2002 -3 2000 0 -1 PANORAMA GROUPE 3 RISQUE PAYS réallocation de la main-d’œuvre du secteur agricole au secteur manufacturier s’épuisent. D’autre part, avec une population en âge de travailler en diminution depuis 2010, un ratio de dépendance (2) en hausse et une croissance de la population en baisse, la démographie est défavorablement orientée en Chine. Par ailleurs, la hausse rapide du coût salarial unitaire nuit à la compétitivitécoût de la Chine, requérant une montée en gamme du pays. Par conséquent, la mise en place des réformes structurelles par le gouvernement sera cruciale afin d’assurer une trajectoire soutenable de la croissance et le maintien d’une croissance potentielle élevée. Ce rééquilibrage de la croissance serait susceptible de peser à court terme sur l’activité si la consommation ne prend pas le relais de l’investissement assez rapidement. Coface prévoit d’ailleurs une poursuite du ralentissement chinois, avec un taux de croissance de l’économie chinoise de 6,7% en 2015 (5) et 6,2% l’année suivante. Néanmoins ce rééquilibrage s’avèrerait bénéfique à moyen terme si les autorités parviennent à mettre en place les réformes structurelles nécessaires pour éviter une baisse trop forte de la croissance potentielle du pays (6). Cela est d’autant plus nécessaire que selon certaines études (7), le niveau de la croissance potentielle pourrait atteindre 4% à l’horizon 2030 et ce, dans l’hypothèse d’un rééquilibrage marqué Ce ralentissement structurel s’est accompagné avec un ratio investissement/PIB à 34% en 2030 d’un rôle accru de la consommation. Le rééquili- (contre 46% en 2014). brage apparaît donc indispensable afin d’installer la croissance sur un sentier soutenable : principal L’investissement n’est plus moteur de l’activité pendant des décennies, la con- un moteur aussi puissant tribution de l’investissement à la croissance est devenue moins importante, dépassée par celle de L’investissement, fortement encouragé par les la consommation à partir de 2011, tendance qui autorités notamment depuis 2008, semble avoir devrait se poursuivre progressivement au cours atteint ses limites (graphique n°3), comme en des prochaines années. En effet, les autorités chi- témoigne le ralentissement progressif de la croisnoises ont entamé une stratégie de rééquilibrage sance des investissements en capital fixe (+11,2% au graduel de la croissance au profit de la consomma- premier trimestre 2015, soit la moitié de la croistion et souhaitent s’orienter vers une économie sance d’il y a trois ans), des profits des entreprises plus efficiente donnant un rôle accru au marché. Ce et de la production industrielle (+6,3% en moyenne rééquilibrage est souhaitable afin de résorber les mensuelle entre le début d’année et juillet 2015, déséquilibres passés, notamment en lien avec la contre +8,3% en 2014). En effet, l’investissement croissance excessive du crédit qui a servi au pâtit des surcapacités présentes dans de nomfinancement de l’investissement, la création de sur- breux secteurs tels que la métallurgie, la construccapacités, le développement du shadow banking (3) tion et l’immobilier ainsi que d’une baisse de la rentabilité de l’investissement. A ce titre, la baisse et l’endettement des gouvernements locaux. des prix à la production est symptomatique de l’imLa volonté d’assainir le régime de croissance s’in- portance des surcapacités (graphique n° 4, page 4). carne dans une série de réformes fondamentales, dont la libéralisation du système financier, la refonte Graphique n° 3 des entreprises publiques et une réduction des sur- Ralentissement de la croissance en capital fixe (variation annuelle, %) capacités. Néanmoins, l’effet de ces réformes n’est Investissement en capital fixe pas neutre sur la croissance et l’enjeu pour les Production industrielle autorités chinoises est d’arbitrer entre le court et le Profit des entreprises, ED 40 moyen terme. Même si Pékin est prêt à assumer un certain ralentissement de l’activité pour assurer une 35 transition vers la « nouvelle normalité », les autorités se tiennent prêtes à intervenir si la décélération 30 de l’activité s’avérait trop brutale. Même si un plan 25 de relance aussi massif que celui de 2008/2009 est peu probable, la mise en place d’un policy-mix, 20 c’est à-dire d’une politique budgétaire et monétaire, plus souple, vient d’ores et déjà soutenir la 15 croissance (4). 150 125 100 75 50 25 0 10 01-2015 01-2014 07-2014 07-2013 01-2013 07-2012 01-2012 01-2011 07-2011 07-2010 01-2010 01-2009 -50 07-2009 0 07-2008 -25 01-2008 5 Source : NBS (2) Le ratio de dépendance correspond au rapport entre l’effectif de la population âgée de plus de 64 ans par rapport à la population en âge de travailler (15-64 ans). (3) Le shadow banking est un mode de financement alternatif pour le secteur privé, plus opaque et non régulé par la Banque centrale. Il se compose de sociétés de gage et de petites sociétés de crédit qui pratiquent des taux usuraires (de 20% avec collatéral à 70% sans collatéral). Il s’est développé en réponse aux difficultés d’accès au crédit des petites et moyennes entreprises (PME), mais aussi pour apporter une rémunération plus importante aux dépôts bancaires. (4) Baisses successives des taux d’intérêt de référence (moins 25 points de base le 25 août 2015) ainsi que des ratios de réserves obligatoires (réduction de 50 points de base à cette même date) par la Banque centrale chinoise. (5) Au premier et deuxième trimestre 2015, la croissance s’est établie à 7,0% en g.a. (6) FMI “Regional Economic Outlook Asia and Pacific”, Avril 2015. (7) M. Albert, C. Jude, C. Rebillard, “The Long Landing Scenario: Rebalancing from Overinvestment and Excessive Credit Growth, and Implications for Potential Growth in China”, Février 2015. PANORAMA GROUPE 4 RISQUE PAYS Graphique n° 4 Baisse des prix à la production (variation annuelle, %) En parallèle, les incitations à investir ont contribué à l’accroissement de la dette chinoise totale qui atteint des niveaux inquiétants (8) (passant de 158% du PIB en 2007 à 282% au deuxième trimestre 2014 (9)). Celle-ci est notamment le fait du secteur privé (207% du PIB début 2014 selon le FMI) et est lié au mode de financement assez opaque du shadow banking (estimé à 30% du financement total). Cette augmentation de la dette risque de peser in fine sur la croissance future puisque, d’une part, elle pourrait contraindre le financement de nouveaux projets d’investissement. D’autre part, elle pourrait menacer la stabilité financière de l’économie car la diminution de l’efficacité des investissements (révélée par l’existence de surcapacités) fait courir un risque de crédit sur les entreprises. 10 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 -8 2015 2014 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 -10 Si la consommation peine à prendre le relais de l’investissement, elle bénéficie de facteurs structurels solides Source : NBS En outre, l’investissement immobilier est pénalisé par l’importance des stocks de logements et la baisse des prix dans le secteur. Une baisse prolongée des prix immobiliers pourrait affecter à la fois les secteurs liés à la construction (acier, ciment, etc.), qui représentent 15% du PIB, et les banques exposées au marché immobilier. Mais un effondrement du marché est peu probable car les autorités ont la capacité d’intervenir en cas de choc de grande ampleur et les prix immobiliers semblent avoir atteint un point bas. En effet, alors que les prix de l’immobilier résidentiel neuf ont continuellement baissé à partir d’octobre 2014 dans les principales villes (en variation annuelle), ils repartent à la hausse depuis quelques mois (depuis avril 2015 à Shenzhen, juin à Shanghai et juillet à Pékin). Graphique n° 5 Revenu disponible et ventes au détail (%) Évolution des ventes au détails (ajustée de l’inflation) Croissance du revenu disponible par habitant (ménages urbains, ajusté de l’inflation) 25 20 15 La part de la consommation dans le PIB reste faible (10), ce qui laisse à penser que le rééquilibrage du modèle de croissance est toujours un enjeu considérable à moyen terme. Depuis plusieurs années, la consommation des ménages a bénéficié de la bonne tenue du marché de l’emploi et de la progression importante du revenu disponible (graphique 5). En effet, la croissance des revenus et la poursuite du processus d’urbanisation ont soutenu la progression du revenu disponible des ménages. En revanche, bien qu’elle reste porteuse pour la consommation, la progression du revenu disponible a tendance à ralentir depuis 2013. Elle était de seulement 5% en glissement annuel au premier et deuxième trimestre 2015 alors qu’elle représentait le double en moyenne en 2014. En parallèle, la progression des ventes au détail marque également le pas, passant d’une moyenne trimestrielle de 13,8% en 2014 à 10,2% au deuxième trimestre 2015 (soit de 11,8% à 8,8% lorsqu’on l’ajuste de l’inflation, qui a diminué sur la période). De nombreux facteurs devraient cependant soutenir la consommation à moyen terme : l’économie chinoise a entrepris une transition de l’industrie vers le secteur des services, qui devrait être profitable à la consommation puisque le secteur des services est plus intensif en travail. De même, le processus d’urbanisation, le faible endettement des ménages et la légère tendance à la baisse de l’épargne ces deux dernières années constituent des éléments positifs de soutien. 10 5 2015 2014 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 0 Sources : NBS, Coface Derniers points : T2 2015 (8) Comprenant à la fois la dette publique (y compris au niveau local), la dette des ménages et celle du secteur privé (entreprises non financières et financières). (9) Source : Mc Kinsey Global Institute. (10) La consommation privée représentait environ 38% du PIB et celle de la consommation finale 52% en 2014 (privée et publique). PANORAMA GROUPE 5 RISQUE PAYS Un surplus courant en forte réduction depuis la crise, qui ne devrait pas retrouver ses niveaux antérieurs Et si les produits agro-alimentaires constituaient la première catégorie de biens importés au début des années 2000, aujourd’hui les automobiles représentent près de la moitié du total des importations en biens de consommation. Depuis un pic à 10% du PIB en 2007, l’excédent courant s’est dégradé jusqu’à retrouver des niveaux comparables à ceux du début des années 2000, proche de 2% en 2014 (graphique 6). Cette baisse considérable ne s’explique pas uniquement par la crise mais par les changements structurels de l’économie et elle remet en question le concept de la Chine comme simple « atelier du monde ». D’une part, la hausse du pouvoir d’achat des ménages s’est traduite par une progression significative et durable des importations. Celles-ci sont caractérisées par la part prépondérante des produits primaires (hydrocarbures, minerais, denrées agricoles) mais aussi par la progression des biens de consommations qui reflète à la fois une augmentation en volume mais également en valeur via une montée en gamme (graphique 7). Alors que la part des importations de produits de haute gamme est restée relativement constante depuis le début des années 2000 (30% environ), la part des produits de moyenne gamme a crû de 20% entre 2000 et 2013, au détriment des produits de bas de gamme. En 2012, 70% des biens de consommation importés par la Chine se situaient dans le haut de gamme contre 40% en 2006. D’autre part, le changement de structure des industries exportatrices a fait évoluer les échanges commerciaux. Ces dernières se répartissent en deux sous-groupes : d’un côté, les industries intégrées dans le processing trade gérant l’assemblage d’équipements électroniques et mécaniques, traditionnellement excédentaires. De l’autre, les activités de commerce classique (textile, fonte, fer, acier, meubles, produits métallurgiques), chroniquement déficitaires en Chine en raison du poids des importations de matières premières. Depuis 2007, la baisse tendancielle de la part du processing trade dans les échanges de la Chine (42% des exportations en 2014 contre 53% en 2007) a largement contribué à la dégradation du solde commercial chinois (11). Ces activités (qui ont jusqu’ici permis au pays d’afficher un excédent commercial important) pâtissent de la baisse de la demande des pays avancés, de la faible rentabilité des entreprises impliquées dans le processing trade et de l’augmentation des coûts salariaux. A long terme, l’apparition d’un déficit commercial structurel est donc envisageable. Graphique n° 7 Montée en gamme progressive (%) Graphique n° 6 Réduction significative de l’excédent courant Balance courante (% du PIB) Exportations des biens et service, ED (variation annuelle) Importations des biens et service, ED (variation annuelle) 12 30 80% 25 70% Moyenne - Exportations Bas - Exportations Haut - Exportations Haut - Importations Moyenne - Importations Bas - Importations 10 20 8 60% 15 50% 10 6 40% 5 30% 4 0 -5 20% Source : FMI 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 0% 2003 -15 2002 10% 2001 2014 2013 2011 2012 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2001 2002 2000 0 -10 2000 2 Source : CEPII (11) Alors que le commerce d’assemblage était le principal contributeur de la hausse du surplus commercial (les 2/3 entre 2004 et 2007), cette relation s’est inversée ensuite avec une réduction du surplus lié au commerce d’assemblage en faveur du commerce ordinaire, ce qui a aussi modifié la structure des échanges avec l’Asie. PANORAMA GROUPE 6 RISQUE PAYS Ces mutations structurelles se sont accompagnées d’une dégradation de la compétitivité prix (cf. détails partie 3 page11), ainsi que d’une amélioration des termes de l’échange depuis 2012 et notamment depuis un an. Les prix à l’importation poursuivent d’ailleurs leur baisse en juillet (11,3% sur un an, en lien avec la baisse des prix à la production), tandis que ceux à l’export diminuent très légèrement depuis le début de l’année et s’établissent à 0,7% en juillet sur un an, graphique 8). Graphique n° 8 Les termes de l’échange chinois Termes de l’échange Prix à l’export, moyenne mobile 3 mois (MM3M) Prix à l’import (MM3M) Prix à la production (g.a., ED) 20 10 10 5 0 0 -10 -5 -20 -20 Janvier 2011 Janvier 2012 Janvier 2013 Janvier 2014 Janvier 2015 Sources : NBC, calculs Coface Derniers points : juillet 2015 A court terme, les échanges commerciaux devraient être favorisés par une croissance américaine toujours soutenue, et une reprise en douceur de la croissance européenne, ce qui profiterait aux secteurs exportateurs chinois. La dévaluation du yuan le 11 août (qui s’est dépréciée de 3% face au dollar les trois jours suivants), réalisée dans un contexte d’inquiétudes fortes de la part des investisseurs sur le dynamisme de l’économie chinoise, ne devrait avoir qu’un impact limité sur les exportations asiatiques. Cela s’explique non seulement par la faiblesse de l’ampleur du mouvement, mais également par le fait que cette dévaluation ne compense pas l’appréciation du yuan face aux autres devises : le taux de change effectif réel de la Chine (TCER) s’est apprécié de 36% entre janvier 2010 et mai 2015 et de 14% sur un an selon le FMI. Néanmoins l’élasticité des importations chinoises au taux de change est modérée : selon Thorbecke et Smith (2012) (12), une appréciation de 10% du renminbi augmenterait les importations de 3 à 4%. Dans l’hypothèse où les effets d’appréciation et de dépréciation seraient symétriques, on peut supposer qu’en cas de nouvelle dévaluation du yuan pour favoriser la croissance, l’effet ne serait visible sur les économies asiatiques qu’en cas de mouvement de grande ampleur. A ce stade, les économies asiatiques sont plus susceptibles de souffrir d’un ralentissement de la demande intérieure chinoise que d’une dévaluation du yuan. A moyen et long terme, les bénéfices de la libéralisation financière (avec notamment l’internationalisation du yuan) pourraient dépasser les coûts de perte de compétitivité-prix en favorisant à la fois la consommation (un yuan plus fort est favorable au pouvoir d’achat des consommateurs) et une montée en gamme du pays. Le FMI prévoit d’ailleurs une dégradation progressive de l’excédent courant (3% du PIB en 2015, 2,2% en 2017 et 1,2% en 2019). (12) Thorbecke et Smith (2012), “Are Chinese Imports Sensitive to Exchange Rate Changes?”, RIETI. PANORAMA GROUPE 7 RISQUE PAYS Encadré Les statistiques chinoises en question Chine parvient à publier ses chiffres bien plus rapidement que la plupart des autres pays (15), ce qui donne davantage de crédit aux soupçons d’invraisemblance des chiffres. De la même manière que pour l’indice Keqiang, nous avons construit un indicateur composite pour mesurer l’activité économique. Pour cela, nous avons utilisé neuf variables capturant le dynamisme des secteurs secondaire et tertiaire (16) (comptant respectivement pour 44% et 48% du PIB en 2014). Le secteur agricole a été exclu en raison de sa forte volatilité. Quand l’indice Keqiang apparaît plus volatile et montrer un franc ralentissement depuis le début d’année 2015, l’indicateur Coface semble plus modéré. Cela s’explique par le fait que l’indice Keqiang repose sur la dynamique de l’industrie, moins bonne que celle des services, alors que l’indicateur Coface prend en compte à la fois le secteur secondaire et tertiaire. En revanche, les deux mesures soulignent une baisse certaine et plus marquée de l’activité que les chiffres officiels. Graphique n° 9 Indicateurs d’activité (variation annuelle, %) 16 8,5 Indicateur Coface Indicateur Keqiang Croissance du PIB, ED 07-2015 04-2015 01-2015 6,0 10-2014 -4 07-2014 6,5 6,5 04-2014 0 0 01-2014 7,0 10-2013 4 07-2013 7,5 04-2013 8 01-2013 8,0 10-2012 12 07-2012 Alors que les chiffres officiels pourraient volontairement sous-estimer l’ampleur du ralentissement de l’activité économique du pays, il convient aussi de souligner les difficultés objectives de mesure des performances économiques (14). D’une part, la complexité de la mesure réside dans la taille même de l’économie, nécessitant l’agrégation d’une grande quantité d’enquêtes et d’informations venant des autorités locales. D’autre part, la croissance rapide Par ailleurs, ménages, entreprises et dirigeants locaux pourraient succomber à l’aléa moral qu’impliquent certaines méthodes de reporting. Par exemple, puisque les dirigeants locaux sont évalués en fonction des performances économiques de la région qu’ils administrent, ils pourraient être tentés d’en surestimer l’activité. De même, les ménages et les entreprises pourraient minimiser la déclaration de leurs revenus et de leurs dépenses puisqu’une partie peut venir d’activités informelles (voire illégales) ou dans l’optique de payer moins d’impôts. Malgré la complexité de fournir des statistiques de qualité, la 04-2012 Le débat a été amorcé par la révélation, dans Wikileaks en 2010, d’une discussion remontant à 2007 entre un ambassadeur américain et l’actuel Premier ministre chinois Li Keqiang (à l’époque, secrétaire du parti communiste de la province Liaoning). En effet, ce dernier indiquait que les chiffres officiels (en particuliers ceux sur le PIB) étaient consultables « à titre informatif seulement » car « faits maison » (man-made) et par conséquent peu fiables. Pour sa part, il indique qu’il préférait utiliser une série de trois indicateurs, plus précis, pour estimer la croissance économique de sa province (la consommation électrique, le volume de fret ferroviaire et le montant des prêts décaissés). Cette méthode porte désormais le nom d’indice Keqiang. de l’économie, tout comme l’évolution de sa structure (transition d’une économie centralement planifiée à un modèle économique fondé sur les exportations et l’investissement, se rééquilibrant désormais vers davantage de consommation ; appréciation graduelle de la devise ; transition technologique) constituent un véritable défi pour les statisticiens qui doivent constamment adapter leur méthodologie. 01-2012 En tant que matière première de l’économiste, les statistiques sont essentielles à l’élaboration d’un diagnostic économique. Dans le cas de la Chine, la multiplication des écarts entre les chiffres officiels et les estimations des économistes est telle que la fiabilité des statistiques chinoises est à nouveau remise en question, nourrissant ainsi un débat sur la véritable ampleur du ralentissement chinois. En ce qui concerne les données de PIB, lorsque les autorités ont publié les chiffres de la croissance pour le deuxième trimestre 2015 (7% sur un an), certains observateurs l’estimaient plutôt proche de 5% à 6% et d’autres sont même descendus jusqu’à 2%. De même, alors que le ratio consommation sur PIB était officiellement évalué à 48% en 2014, certaines études estiment qu’il pourrait être supérieur d’au moins dix points de pourcentage (13). Sources : Coface, National Energy Administration, NBS, PBoC, Thomson Reuters (13) Capital Economics, “Is consumption being undercounted?”, China Economics Focus, avril 2014. (14) Goldman Sachs, « Asia Economics Analyst », N° 15/20, juin 2015. (15) Les données de croissance sont généralement publiées deux à trois semaines après la fin du trimestre en Chine, contre un à deux mois ailleurs. Aussi, les révisions apportées à ces données sont souvent très faibles, sauf en cas de recensement par exemple. (16) L’indicateur Coface utilise cinq variables pour mesurer le dynamisme du secteur secondaire (production électrique, niveau de fret ferroviaire, crédit au secteur privé, production industrielle et formation brute de capital fixe du secteur secondaire) et quatre variables pour celui du secteur tertiaire (ventes au détail, revenu disponible, confiance des ménages et formation brute de capital fixe du secteur tertiaire). Au sein des secteurs, la pondération de chaque variable est identique. Aussi, les deux secteurs sont pondérés en fonction de leur poids respectif dans le PIB (hors secteur agricole). PANORAMA GROUPE 8 2 RISQUE PAYS LE COMMERCE (17) : PRINCIPAL CANAL DE TRANSMISSION DU RALENTISSEMENT CHINOIS SUR L’ASIE Le mouvement de ralentissement des exportations vers la Chine déjà entamé pourrait se poursuivre et affecter les exportations de nombreux pays asiatiques A noter que l’Inde est peu dépendante de la demande extérieure (y compris de celle de la Chine) et apparaît donc comme moins vulnérable. Son économie peut néanmoins être affectée par des effets négatifs de second tour en cas de ralentissement des pays asiatiques et du Golfe Les exportations de biens en valeur des principaux touchés par le moindre dynamisme de l’économie pays asiatiques vers la Chine ont été multipliées par chinoise. 5,4 entre 2000 et 2014, et ont représenté 27% des exportations totales en 2014. Le processus de Certains pays seraient d’autant plus régionalisation s’est considérablement accentué touchés qu’ils sont exposés à des durant cette période, et s’est traduit par une forte secteurs déjà en difficulté croissance des échanges intra-asiatiques. Néanmoins, l’affaiblissement du commerce mondial ces Les importations chinoises ont été multipliées par dernières années a également été visible en Asie, neuf entre 2000 et 2014, celles du secteur priet une baisse des exportations provenant d’Asie maire par 13 (avec une hausse particulièrement vers la Chine a même été observée en 2014 (-4% marquée dans le secteur des métaux et des compar rapport à 2013) pour la première fois depuis bustibles) et celles du secteur manufacturier par 2009 (-8%). Le rythme de croissance annuel sept (surtout dans les équipements). Aujourd’hui moyen des exportations a ainsi considérablement les principaux secteurs d’importations en Chine diminué pour la plupart des pays asiatiques ces sont donc ceux correspondant aux machines et dernières années comparé à la période pré-crise (18). matériels (37% du total), aux articles manufacturés divers (16%), aux combustibles (16%), aux Dans le cas d’un fort ralentissement de l’activité minerais et métaux (11%) ainsi qu’aux produits en Chine, qui provoquerait une baisse des impor- chimiques. Ces secteurs sont donc les plus tations du pays, le commerce asiatique devrait exposés au ralentissement chinois, alors que la être affecté de manière significative, notamment situation s’est déjà nettement dégradée dans les dans les pays où le poids des exportations chi- secteurs liés aux infrastructures et à la construcnoises dans le PIB est élevé, à l’image de Hong tion. Le Bangladesh, le Cambodge, Hong Kong, Kong et de la Mongolie notamment, mais aussi Taïwan, la Corée et le Sri Lanka sont ainsi les plus de Singapour, de Taïwan, du Vietnam, de la susceptibles d’être pénalisés par l’affaiblissement Corée, de la Malaisie et de la Thaïlande dans une de la demande chinoise en produits manufacmoindre mesure, où cette part a plus que doublé turés. Concernant les matières premières, la Mondans le PIB entre 2000 et 2014 (graphique 10). golie et l’Inde souffriraient le plus d’une baisse de Graphique n° 10 Exportations vers la Chine (% du PIB) 110% 2000 2014 90% 70% 50% 30% 10% 0% Bangladesh Cambodge Chine (RAS de Hong Kong) Inde Indonésie Malaisie Mongolie Philippines Singapour Sri Lanka Thaïlande Vietnam Province chinoise de Taïwan Corée du Sud Source : CNUCED (17) Le champ considéré ici est celui des biens en valeur (données CNUCED). (18) En outre, l’affaiblissement du commerce s’explique, au-delà de la crise, par des facteurs plus structurels et notamment les changements dans la chaîne de valeur de la Chine: alors que le commerce d’assemblage était le principal contributeur de la hausse du surplus commercial (les 2/3 entre 2004 et 2007), cette relation s’est inversée ensuite avec une réduction du surplus liée au commerce d’assemblage en faveur du commerce ordinaire, ce qui a aussi modifié la structure des échanges avec l’Asie. PANORAMA GROUPE 9 RISQUE PAYS Graphique n° 11 Exportations « à risque » en % du PIB (2014) la demande en volume de minerais et métaux, et l’Indonésie et la Mongolie de celle de combustibles (tableau 1). Sources : CNUCED, FMI 80 Au final, le poids dans l’activité des exportations « à risque » (graphiques 11 et 12) vers la Chine (les exportations de minerais, métaux, combustibles, produits chimiques et machines et matériel de transport) fait apparaître Hong Kong (74%), la Mongolie (43%) et Singapour (15%) comme les pays les plus vulnérables au ralentissement chinois. Le groupe de pays Taïwan, Corée, Thaïlande, Vietnam, Malaisie y est également sensible mais dans une moindre ampleur (entre 4 et 10% du PIB). Cela apparaît pertinent au vu du degré d’ouverture important de ces économies et de leur forte intégration dans les chaînes de valeur régionales et mondiales. 70 60 50 40 30 20 10 0 Chine Singapour Mongolie (RAS de Hong Kong) Graphique n° 12 Exportations « à risque » en % du PIB (2014) Province chinoise de Taïwan Corée du Sud Bangladesh Sri Lanka 7 6 5 4 3 2 1 Cambodge Taïwan Corée 58% 81% 29% 99% 37% 17% 48% 36% 51% 5% 11% 10% 11% 1% 4% 20% 13% 1% 6% 2% 18% 13% 21% 1% 1% 17% 6% 0% 38% 1% 0% 1% 1% 0% 12% 28% 12% 12% 16% 34% 3% 4% 8% 4% 64% 31% 1% 26% 3% 0% 1% 14% 22% 4% 1% 17% 1% 5% 13% 1% 15% 1% 3% 1% 1% 2% 7% 0% 0% 16% 1% 0% 0% 0% 0% 0% 2% 0% 0% 0% 0% 67% 50% 81% 42% 19% 71% 1% 63% 83% 52% 64% 49% 95% 89% 8% 2% 5% 13% 9% 9% 0% 5% 17% 3% 27% 9% 22% 18% 2% 6% 65% 10% 3% 52% 0% 53% 57% 3% 23% 22% 45% 47% 57% 42% 11% 19% 7% 10% 0% 5% 8% 45% 14% 18% 28% 23% (% des exportations totales vers la Chine) 16% 8% 71% 63% 61% 74% 95% 88% 89% 12% 56% 48% 71% 75% Exportations à risque (% PIB) 0% 0% 74% 0% 1% 6% 43% 2% 15% 0% 4% 5% 10% 8% Produits alimentaires, boissons et tabacs Matières premières d'origine agricole Minerais et métaux Combustibles Perles, pierres gemmes et similaires et or à usage non monétaire Articles manufacturés Produits chimiques Machines et matériel de transport Articles manufacturés divers Exportations à risque Sources : CNUCED, calculs Coface Sri Lanka 19% Mongolie 50% Malaisie 33% Produits de base, pierres précieuses et or à usage non monétaire Inde Viet Nam Singapour Inde Philippines Indonésie Indonésie Philippines Hong Kong Tableau n° 1 Les exportations vers la Chine par secteur Thaïlande Cambodge Vietnam Bangladesh Malaisie Sources : CNUCED, FMI Thaïlande 0 PANORAMA GROUPE 10 RISQUE PAYS Par conséquent une baisse des exportations de 10% de ces pays vers la Chine entraînerait en moyenne une perte de croissance de l’ordre de 0,7 point de PIB sur ces économies. A l’inverse, l’Inde, le Cambodge, le Bangladesh, le Sri Lanka, l’Indonésie et les Philippines semblent moins affectés, l’Inde ayant moins de relations commerciales avec la Chine, et est susceptible de davantage profiter de la baisse du prix des matières premières. Ces résultats concordent avec ceux de Gauvin et Rebillard (2015) (19), qui considèrent que l’impact global sur l’activité en Asie d’un scénario chinois de hard landing (20) comparé à un scénario de soft landing (21) serait non négligeable. L’Asie du Sud-Est figurerait parmi la zone la plus touchée avec une perte cumulée de croissance d’environ 9,4% sur 5 ans pour l’ASEAN (22). L’hypothèse retenue d’un hard landing est cependant très forte (la croissance chinoise diminuerait fortement à partir du premier trimestre 2015 sur une période de deux ans et se stabiliserait à 3% par an avec un investissement quasi stable). Le scénario de référence soft landing correspond à une croissance de 7,4% en 2014 qui diminuerait à 6,4% d’ici fin 2019, accompagné d’un léger rééquilibrage en faveur de la consommation. Le ralentissement chinois pousse à la baisse le prix des matières premières Depuis plus de 15 ans, la croissance chinoise a été fortement intensive en matières premières, en lien avec le dynamisme de l’investissement et l’urbanisation croissante. En 2013, la Chine a ainsi consommé plus de la moitié de la demande mondiale de métaux, contre seulement 5% il y a 20 ans. Elle représentait ainsi 47% de la demande mondiale de cuivre et 65% des importations totales de minerai de fer, et demeure également le premier importateur mondial de soja au monde. Le pays a également fortement contribué au dynamisme de la demande pétrolière, en lien avec le développement du secteur automobile, mais son rôle dans la demande mondiale est moindre que dans le domaine des métaux (11% du total). Or le cycle du boom des matières premières semble avoir touché à sa fin (graphique 13), les déterminants ayant favorisé les prix (hausse de la demande mondiale accompagnée de contraintes d’offre) s’inversant peu à peu. L’excédent d’offre est l’un des principaux facteurs explicatifs de la baisse des prix des matières premières constatée depuis quelques années (surproduction pétrolière, surcapacités, bonnes récoltes…). Néanmoins, les inquiétudes sont fortes concernant le manque de vigueur de la reprise de l’économie mondiale et en particulier du ralentissement structurel de la Chine au vu du rôle que l’économie représente en termes de demande de matières premières. En effet, le rééquilibrage vers la demande intérieure tarde à se matérialiser, et un affaiblissement futur de la consommation et de l’investissement du pays pourrait ainsi exercer des pressions baissières sur les prix des matières premières. Cet été, les prix de nombreuses matières premières ont d’ailleurs atteint des points bas, notamment ceux du pétrole (le WTI a atteint 42 USD le 13 août, le prix le plus bas depuis mars 2009) mais également du cuivre, du minerai de fer etc., notamment suite à la dévaluation du yuan et aux turbulences des places boursières mondiales résultant de la chute de la bourse chinoise (l’indice composite Shangai Shenzen s’est effondré de 37% entre le 8 juin et le 2 septembre). Ces mouvements traduisent l’inquiétude des investisseurs sur la bonne santé de l’économie chinoise, auxquels s’ajoutent notamment des effets spéculatifs. Graphique n° 13 Prix des matières premières et croissance du PIB chinois 600 16% Prix du Brent spot (T1, 2000 = 100) Prix du cuivre (T1, 2000 = 100) Prix du soja (T1, 2000 = 100) Croissance du PIB chinois volume (%) 500 14% 400 12% 300 10% 200 8% 100 6% 4% 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Sources : LME, EIA, department of agriculture, NBS Derniers points : T2 2015 (19) Gauvin et Rebillard (2015), Document de travail Banque de France, « Towards recoupling ? Assessing the global impact of a Chinese hard landing through trade and commodity price chanels ». (20) Atterrissage brutal de l’économie chinoise. (21) Atterrissage en douceur. (22) ASEAN : Association des nations de l’Asie du Sud-Est. PANORAMA GROUPE RISQUE PAYS Comme expliqué précédemment, l’activité de certains pays asiatiques, à l’image de la Mongolie ou l’Indonésie, serait ainsi très affectée par l’importance des volumes de matières premières exportés vers la Chine, et serait donc doublement pénalisés avec un effet prix défavorable. Néanmoins, cette dégradation pourrait être limitée partiellement par l’effet bénéfique de la baisse des prix des matières premières sur l’économie chinoise. En particulier, les entreprises en amont du processus de production et en surcapacités (mines, sidérurgie) peuvent bénéficier de la réduction du coût de leurs intrants via la baisse des prix des matières premières, ce qui peut les aider à restaurer leurs marges. S&P GSCI -indice synthétique reflétant l’évolution des prix de matières premières, avec quelques mois de retard (graphique 14). Cet effet est particulièrement visible si l’on observe l’étroite corrélation entre les prix à la production (IPP) et l’évolution du prix de l’indice 11 Au final, le pays le plus pénalisé par la baisse du prix des matières premières est la Mongolie. En effet, même si les pays tels que la Malaisie, l’Inde ou l’Indonésie exportent beaucoup de matières premières, leurs exportations vers la Chine restent modérées comparés à leur activité. A noter que l’étude de Gauvin et Rebillard (2013) modélise également la chute des prix des matières premières dans le cas du hard landing et conclue que les prix des métaux seraient davantage affectés que les prix du pétrole par le ralentissement chinois : ils diminueraient de 66% après 5 ans dans ce scénario (contre 12% dans un scénario de soft landing) et de 41% pour le prix du pétrole (contre +13%). Graphique n° 14 Prix des matières premières et prix à la production en Chine 100 12 S&G GSCI +3mois (g.a.) Prix à la production (g.a.), ED 75 9 50 6 25 3 0 0 -25 -3 -50 -6 -75 -9 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Sources : NBS et GavekalDragonomics Derniers points : juillet 2015 3 LA FIN DU MODÈLE CHINOIS « À BAS COÛTS » : UN DÉTERMINANT CLÉ POUR LES INVESTISSEURS ÉTRANGERS La dégradation de la compétitivité prix de la Chine favorable à ses voisins asiatiques La perte de compétitivité prix s’explique par deux principaux facteurs. Le premier est l’évolution des salaires : au cours des dix dernières années, le salaire moyen a été multiplié par six dans les zones urbaines tandis que sur la même période, le coût unitaire du travail (23) a été multiplié par deux. Autrement dit, la productivité des employés chinois progresse moins rapidement que les salaires, induisant de moindres gains de compétitivité. Le second facteur est la conséquence de la politique de libéralisation progressive du taux de change amorcée à partir de 2005, la compétitivité-prix de la Chine a en effet également été pénalisée par l’appréciation de la devise chinoise : le taux de change effectif réel (24) du yuan s’est apprécié de plus de 53% entre juillet 2005 et juin 2015, soit une appréciation largement supérieure à celle enre-gistrée par ses voisins asiatiques. (23) Il s’agit du coût salarial par unité de valeur ajoutée produite. (24) Le TCER mesure la variation des taux de changes nominaux d’une économie avec ses partenaires commerciaux ajustée de la variation des prix. PANORAMA GROUPE 12 RISQUE PAYS Graphique n° 15 Dégradation de la compétitivité coût de la Chine (2000 = base 100) Certains voisins de la Chine bénéficient ainsi de la perte de compétitivité prix de l’Empire du Milieu. Ils profitent d’avantages comparatifs grâce à des coûts salariaux plus faibles. Le Bangladesh affiche par exemple un salaire minimum 3,5 fois inférieur à celui observé en Chine et le salaire minimum au Vietnam est deux fois moins élevé que celui de la Chine, ce qui est attractif pour les investisseurs. En effet, face à la hausse des coûts de production chinois, les entreprises disposent de plusieurs options : 1) délocaliser leurs activités vers des pays à plus bas coûts en Asie ou dans le reste du monde ; 2) déplacer les unités de production à l’ouest du pays où le coût du travail reste encore modéré (26) mais les infrastructures insuffisantes ; 3) rester dans l’est de la Chine où les infrastructures, la qualité de la chaîne logistiques et la proximité des côtes demeurent un avantage comparatif. 150 640 Coût unitaire du travail Salaire moyen en zone urbaine Taux de change effectif réel (éch. droite) 560 140 480 130 100 120 320 110 240 100 160 90 80 80 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 Mais d’autres facteurs affectent la compétitivité : qualité des infrastructures logistiques, niveau de qualification de sa population et gouvernance Sources : BNS, OCDE, BRI Graphique n° 16 Evolution du taux de change effectif réel des principales économies asiatiques (25) Chine Philippines Sri Lanka 190 Indonésie Thaïlande Mongolie Pour que les pays bénéficiant d’avantages comparatifs en termes de coûts augmentent leur attractivité, il est nécessaire qu’ils investissent dans leurs infrastructures et notamment en améliorant la qualité de leur supply-chain (27). La Chine présente un avantage comparatif indéniable s’agissant de la qualité des infrastructures. On observe une certaine corrélation entre le niveau de salaire et le positionnement du pays en matière d’infrastructures logistiques. Néanmoins, certains pays affichant un coût du travail modéré sont bien positionnés en termes de qualité des infrastructures : le Vietnam, l’Inde et l’Indonésie. A contrario, le Bangladesh, la Mongolie et le Sri Lanka offrent un coût du travail particulièrement bas mais leurs carences en infrastructures logistiques sont susceptibles de les pénaliser. Inde Malaisie 170 150 130 110 90 70 Graphique n° 17 Coût mensuel minimum du travail (28) et qualité des infrastructures logistiques 50 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 350 (25) Ce graphique exclut le Bangladesh et le Vietnam, le TCER de ces pays n’étant pas disponible, la compétitivité de ces pays en termes de taux de change a été évaluée par une pondération des devises de ces pays face à l’euro, au dollar et à la livre sterling. (26) A titre d’exemple, le salaire minimum serait deux fois plus élevé dans la province de Pékin que dans la province de Henan selon WageIndicator.org (27) La chaîne d'approvisionnement (ou supply chain) regroupe tous les professionnels (producteur, distributeur, grossiste, transporteur, transformateur) impliqués dans la mise à disposition du produit au consommateur. (28) Cette comparaison n’intègre pas la Corée et Taïwan, ces deux pays affichant un coût du travail nettement supérieur aux autres pays de la région. Le salaire minimum y est respectivement de 1100 USD et 890 USD par mois. Salaire mensuel minimum (en dollar) - déc 2014 Sources : BRI, banques centrales nationales 300 Chine 250 Philippines 200 Malaisie Indonésie Thaïlande Inde 150 Vietnam 100 Mongolie Sri Lanka 50 Bangladesh 0 2 2,5 3 3,5 Indice de qualité des infrastructures logistiques Sources : Données nationales, Banque mondiale 4 PANORAMA GROUPE RISQUE PAYS Par ailleurs, le capital humain peut également influer dans les choix opérés par les investisseurs. L’indicateur de capital humain réalisé par le World Economic Forum quantifie l’utilisation et le développement du capital humain. Il tient compte de l’éducation, de l’emploi, de la population active et inactive ainsi que des qualifications des personnes entrant sur le marché du travail. paiement dans le pays en question et que son évaluation du risque macroéconomique et financier. Evaluer l'environnement des affaires consiste à mesurer la qualité de la gouvernance privée d’un pays, c’est-à-dire la transparence financière des entreprises et l’efficacité des tribunaux en matière de règlement de dettes. A Coface, cette évaluation de l’environnement des affaires est élaborée sur la base de travaux internes associant l’ensemble de ses entités dans le monde ainsi que des évaluations du climat des affaires élaborées par les organisations internationales. Coface s’appuie sur son appréciation des risques et sur son expérience microéconomique afin de déterminer : • si les comptes des entreprises reflètent bien la réalité de leur situation financière ; • si, en cas d’impayé, le système juridique local permettra un règlement équitable et efficace. De plus, la qualité de la gouvernance affecte l’attractivité d’un pays. Coface produit sa propre évaluation de l’environnement des affaires depuis 2008 de manière à appréhender les risques spécifiques aux entreprises. Il tient compte de la qualité de la gouvernance dans son évaluation de l’environnement des affaires de 160 pays. Celle-ci est une composante essentielle de son évaluation risque pays, au même titre que son expérience de Graphique n° 18 Niveau de capital humain et qualité de la gouvernance (29) Pour ce faire, il réalise une fois par an une enquête auprès de ses entités dans le monde entier. Cette évaluation se fonde donc sur son réseau mondial et l’expertise que lui apporte son expérience en matière de souscription des risques, d’informations sur les entreprises et de gestion de créances. Comme les évaluations pays, les évaluations de l'environnement des affaires se situent sur une échelle de 7 niveaux, A1, A2, A3, A4, B, C, D, dans l’ordre croissant du risque. 6 Malaisie Indice de l’environnement des affaires 5 13 Thaïlande 4 Chine 3 Inde Philippines Sri Lanka Indonésie 2 Ainsi, la confiance d’une entreprise dans la qualité et la stabilité du cadre réglementaire d’un pays est susceptible d’influer sur sa décision d’investir, que cet investisseur soit résident ou non-résident. Mongolie Vietnam 1 Ainsi, la Thaïlande et la Malaisie bénéficient à la fois d’un indice de capital humain élevé ainsi qu’un environnement des affaires de qualité. Bangladesh 0 55 60 65 70 75 Au total, si la perte de compétitivité-prix de la Chine est indéniable, le pays reste donc très bien positionné en termes de compétitivité hors coût. Indice de capital humain Sources : World Economic Forum, Coface Tableau n°2 Evaluation de la compétitivité prix et hors prix des pays asiatiques Coût salarial Taux de change Infrastructures ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● Bangladesh Chine Inde Indonésie Malaisie Mongolie Philippines Sri Lanka Thaïlande Vietnam ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● (29) Note Coface envronnement des affaires Conversion utilisée pour cette étude Salaire minimum mensuel (en USD) Variation du TCER entre janvier 2003 et avril 2015 Indice Banque Mondiale de qualité des infrastructures logistiques Environnement des affaires Coface Indice du World Economic Forum A1 7 A2 6 A3 A4 5 4 B 3 C 2 Capital humain ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● Indicateur utilisé Coût salarial Taux de change Infrastructures Gouvernance Capital humain Gouvernance D 1 Bon Moyen ● ● Mauvais ● < 225 < 30% >3 > B > 65 ≥ 225 / < 270 ≥ 30% / < 50% ≤ 3 / > 2,6 ≤B/>C ≤ 65 / > 60 ≥ 270 ≥ 50% ≤ 2,6 ≤C ≤ 60 PANORAMA GROUPE 14 RISQUE PAYS Les investisseurs étrangers semblent davantage privilégier la compétitivité-prix Bien que la Chine bénéficie d’atouts en termes de qualité des infrastructures et de capital humain, l’arbitrage des investisseurs semble de plus en plus influencé par la compétitivité-prix. Si les investissements directs étrangers (IDE) à destination de la Chine restent très importants, on observe un tassement des entrées d’IDE dans le pays et un développement des IDE à destination de ses voisins affichant des coûts plus modérés. Il est difficile d’apprécier précisément l’impact de la dégradation de la compétitivité de la Chine sur l’évolution des flux d’IDE. Certains paramètres influant sur l’attractivité d’un pays ont également été modifiés entre la période 2004-2007 et la période 2008-2013, au premier rang desquels la réglementation relative aux IDE telle que la loi adoptée en Indonésie en 2007, permettant un traitement équitable entre les investisseurs domestiques et étrangers ainsi que la levée de la limitation à 30 ans des autorisations relatives aux IDE. Néanmoins, les pays affichant des indicateurs de coûts (salaire et via le taux de change) attractifs et bénéficiant également d’un positionnement favorable sur certains aspects de compétitivité hors-coûts enregistrent une progression des flux d’IDE entrants. Il s’agit de l’Indonésie, de l’Inde et du Vietnam. Ainsi, la dégradation de la compétitivité-prix de la Chine permet actuellement à ses voisins d’attirer de nouveaux investissements étrangers. Ce processus devrait permettre aux pays asiatiques d’enregistrer une accélération de leur activité grâce à une augmentation de la production industrielle et des exportations. Bénéficiant d’un positionnement favorable en termes de coûts, de qualité des infrastructures et de capital humain, le Vietnam attire de nombreux IDE notamment en provenance du Japon, de Taiwan, de Singapour et de la Corée du Sud. S’agissant du Vietnam, on observe une montée en gamme dans la chaîne de valeur ajoutée, les investissements reçus étant de plus en plus orientés vers l’industrie électronique. Ainsi, le pays tend à devenir un hub pour la construction de smartphones. En cas de ralentissement marqué de l'économie chinoise, la progression des salaires est susceptible de ralentir très fortement. Une telle situation pourrait pénaliser ses voisins ayant profité de la dégradation de sa compétitivité. Les pays les plus fragiles face à ce scénario sont ceux dont le différentiel de salaire avec la Chine est le plus faible : Malaisie, Thaïlande, Philippines. A l’inverse, les pays affichant des salaires minimums très faibles devraient être épargnés par cet impact et continueront à pro-fiter d’abondants flux d’IDE : Bangladesh, Sri Lanka. Trois pays sont dans une situation intermédiaire : l’Inde, l’Indonésie et le Vietnam. Ils affichent un coût du travail plus faible que celui de la Chine mais dont le niveau ne leur garantit pas d’être épargné par le redressement de la compétitivitéprix de la Chine. Enfin, les pays asia-tiques bénéficiant d’importants flux d’IDE en provenance de Chine : Mongolie, Myanmar et Cambodge (30) pourraient souffrir d’une diminution des investissements en provenance de Chine en cas d’atterrissage brutal de l’économie chinoise. Graphique n° 19 IDE reçus en proportion du PIB et évolution entre les périodes 2004-2007 et 2008-2013 (31) IDE entrants / PIB (%, moyenne 2008-2013) Progression des IDE entre la période 2004-2007 et la période 2008-2013 (en points de PIB, échelle droite) 1,8 8 6 2 1 0,6 0,2 -0,1 -0,1 4 0 -0,5 -0,6 -1,0 2 -1 -1,7 0 -2 Bangladesh Philippines Sri Lanka Chine Indonésie Inde Thaïlande Malaisie Vietnam Sources : CNUCED, Coface (30) Le FMI identifie ces trois pays comme étant les trois principaux récipiendaires des IDE chinois en Asie en 2012 – IMF Multilateral policy issues report, 2014 spillover report. (31) Ce graphique exclut la Mongolie, le pays enregistrant des IDE entrants / PIB très largement supérieurs aux autres pays de la zone en raison de la taille réduite de son économie et des ressources minières dont le pays dispose. . PANORAMA GROUPE 4 15 RISQUE PAYS QUELS RISQUES DE CONTAGION FINANCIÈRE ? Outre les investissements directs étrangers, d’autres types de flux financiers sont susceptibles de propager le ralentissement chinois aux autres économies asiatiques. Ces canaux de transmission sont principalement de deux natures : les prêts bancaires transfrontaliers et les effets de contagion résultant des investissements de portefeuille en actions ou en obligations et/ou de la corrélation des marchés financiers asiatiques. part des crédits transfrontaliers à destination de la Chine accordés par des banques qui ne sont pas localisées aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Japon ou en zone euro a atteint 51% fin 2013. Des banques basées à Hong Kong ont délivré environ 80% de ces prêts, le reste émanent dans une large mesure de banques de Singapour (33). Ces deux places financières pourraient donc souffrir d’une détérioration marquée de la solvabilité d’entreprises chinoises déjà très endetLes effets de contagion via les tées si l’activité y ralentissait plus rapidement banques apparaissent limités, que prévu. La détérioration induite des comptes hormis pour Hong Kong et finan-ciers des banques exposées irait alors de Singapour pair avec un durcissement des conditions de Les prêts bancaires transfrontaliers (32) sont un crédit dans les deux villes. canal de transmission possible de l’économie chinoise vers ses voisines, d’autant plus que ces Mais le marché d’actions chinois est dernières ont rebondi rapidement après leur de plus en plus corrélé aux autres chute consécutive à la crise de 2008-2009. places asiatiques L’Asie fait d’ailleurs figure d’exception en la matière, les crédits transfrontaliers ayant nette- Les effets de contagion relatifs aux marchés ment moins augmenté entre 2009 et 2013 en d’actions et d’obligations constituent un autre Amérique latine ou encore en Europe émergente canal de transmission du ralentissement chinois d’après les données de la Banque des Règle- vers les pays asiatiques. Les événements récents ments Internationaux (BRI). Dans le détail, cette semblent d’ailleurs aller dans le sens d’une forte dynamique positive depuis la crise a surtout corrélation entre eux : la chute de l’indice de la profité à la Chine. Par ailleurs, ces nouveaux bourse de Shanghai le 24 août dernier a correscrédits à des emprunteurs chinois sont de plus pondu à une tendance similaire sur les autres en plus octroyés par des banques asiatiques : la places asiatiques. Graphique n° 20 Cours boursiers, Asie et Etats-Unis (Mai 2005 = 100) 700 Chine Corée du Sud Taïwan Inde Malaisie Thaïlande Indonésie Philippines Etats-Unis Singapour Hong-Kong 600 500 400 300 200 100 0 01/05/2005 01/05/2007 01/05/2009 01/05/2011 01/05/2013 01/05/2015 Sources : Reuters, sources nationales (32) Ils consistent en des prêts transfrontaliers de banques étrangères, principalement en devise étrangère, ou en des crédits, en devise locale ou étrangère, de filiales de banques étrangères dans le pays local. (33) Shatil B. (2014) : « A tale of two cities : Emerging Asia’s shifting creditor base », JPMorgan Chase Bank , 15 août. PANORAMA GROUPE 16 RISQUE PAYS Les tendances de plus long terme confirment ces liens ténus entre places financières asiatiques. Par exemple, si une étude de la Réserve fédérale de San Francisco (34) conclut à une corrélation faible entre les marchés obligataires de la région, elle met aussi en exergue l’interdépendance croissante des marchés d’actions de la région : au cours de la période post-Lehman, la corrélation de l’indice du marché d’actions chinois avec ceux des autres marchés asiatiques a augmenté par rapport à la période 2005-2008 (35). confirme l’existence de tels effets de richesse dans le cas des pays asiatiques, notamment en ce qui concerne le patrimoine financier. D’après une étude de Peltonen et al. (2009) (36) réalisée en utilisant des données de six économies asiatiques de 2000 à 2008 (37), une hausse (ou une baisse) de 10% des prix des marchés d’actions correspond à une augmentation (ou une diminution) de la consommation des ménages de 0,49% à Singapour, 0,37% en Corée, 0,3% à Hong Kong, 0,2% en Thaïlande, 0,16% à Taïwan et 0,12% en Chine. Les effets de transmission varient donc de 1,2% (en Chine) à 4,9% (à Singapour). Sans surprise, les effets de richesse semblent donc les plus élevés dans les pays bénéficiant de marchés d’action liquides et d’un niveau de vie élevé (hormis Taïwan). Dans ce contexte, même s’il n’est pas possible de le vérifier avec exactitude puisqu’ils n’ont pas été pris en compte dans l’étude, les effets de richesse relatifs à la variation de la valeur des actifs financiers des ménages indiens, indonésiens et philippins devraient être proches ou inférieurs à ceux de la Chine. Le niveau de ceux de la Malaisie pourrait se situer entre Hong Kong et la Thaïlande. Mais si cette tendance est commune à tous les pays asiatiques, le niveau de cette corrélation est différent d’un pays à l’autre. Les marchés d’actions indien et philippin restent ainsi relativement peu corrélés avec le marché chinois (coefficient de corrélation inférieur à 0,3 au cours de la période post-Lehman). A l’autre bout de l’échelle, ce coefficient est supérieur à 0,4 à Singapour et Taïwan. L’Indonésie, la Corée, la Thaïlande et la Malaisie sont dans une position intermédiaire (entre 0,3 et 0,4). Hong Kong n’est pas étudié, mais le coefficient de corrélation entre l’indice de son marché boursier et celui de Shanghai indique sans surprise une forte connexion entre Les deux places financières de la région, Hong les deux places financières, quelle que soit la Kong et Singapour, ressortent donc sans surprise comme les deux zones les plus à risque : leurs période choisie. banques sont les plus exposées de la région à une Toutefois, les effets secondaires négatifs sur les montée du risque de crédit en Chine, la corrélaautres économies asiatiques d’une baisse du tion de leur marché d’actions avec la place de marché d’actions chinois à travers sa corrélation Shanghai est relativement forte (supérieure à 0,4) avec ses homologues de la région dépendent de et les effets de richesse y sont élevés (effet de l’existence d’effets de richesse, qui renvoient à transmission supérieur ou égal à 3%). A l’inverse, l’augmentation (baisse) de la propension à con- l’Inde ou encore les Philippines semblent immusommer au fur et à mesure que la valeur du patri- nisés contre ce type de risque. Les autres pays de moine augmente (diminue). La littérature existante la région sont dans une position intermédiaire. Graphique n°21 Corrélations des rendements d'actions des marchés asiatiques avec la Chine Période pré-crise (juin2005-juin 2008) Période de crise (juillet 2008-mai 2010) Période post crise (juillet 2010-octobre 2012) 0,45 0,40 0,35 0,30 0,25 0,25 0,15 0,10 0,05 0,00 Taïwan Singapour Indonésie Corée du Sud Thaïlande Malaisie Inde Philippines Source : FRBSF (34) Glick R. et Hutchinson M. (2013) : «China’s financial linkages with Asia and the global financial crisis” , Federal Reserve Bank of San Francisco, document de travail, mai. (35) A l’inverse, la corrélation entre les indices des différents marchés d’actions asiatiques et celui du marché boursier américain s’est réduite au cours de la même période. (36) Peltonen T., Sousa R. et Vansteenkiste I. (2009) : « Wealth Effects in Emerging Market Economies », document de travail de la Banque centrale européenne n° 1000, janvier. (37) Chine, Hong Kong, Corée, Indonésie, Malaisie, Singapour, Taïwan et Thaïlande. PANORAMA GROUPE 17 RISQUE PAYS CONCLUSION En entamant une stratégie de rééquilibrage, la Chine essaie de retrouver le chemin d’une croissance plus saine et plus durable, et ce malgré les effets négatifs à court terme (bien qu’en intervenant de manière régulière, les autorités sont particulièrement attentives à éviter un ralentissement trop brutal de l’activité). Par ailleurs, l’affaiblissement de la croissance potentielle témoigne des défis structurels auxquels les autorités chinoises doivent faire face. Face à ces perspectives, les pays d’Asie n’apparaissent pas tous égaux. Singapour et Hong Kong, de par leurs liens commerciaux et financiers étroits avec la Chine, sont les principaux perdants du ralentissement chinois. Néanmoins, ces pays jouissent de fondamentaux macroéconomiques solides (faible dette publique, réserves de change abondantes et larges excédents courants) leur permettant de faire face à un choc de grande ampleur. En revanche, la Mongolie qui figure elle aussi dans ce groupe, tant sa dépendance à l’égard de la demande chinoise de matières premières est grande et se fait ressentir à travers les flux de commerce et d’investissements, ne bénéficie pas du même matelas de sécurité. Le pays souffre d’une dette publique élevée et d’un déséquilibre marqué de ses comptes extérieurs. A l’autre bout de l’échelle, l’Inde et les Philippines semblent presque immunisés contre le ralentissement chinois. Seul un ralentissement brutal remettant en cause l’augmentation récente du coût du travail en Chine pourrait avoir un effet notoire sur les investissements directs étrangers à destination des Philippines. Enfin, l’Indonésie, la Malaisie ou encore la Thaïlande sont dans une position intermédiaire : si leur exposition à la Chine est significative, notamment à cause de leurs liens commerciaux, elle n’est pas de nature à faire dérailler leur croissance si l’atterrissage de la croissance chinoise se fait en douceur. Mongolie Corée du Sud Myanmar Inde Taïwan ● Hong Kong Bangladesh Philippines Thaïlande Sri Lanka Vietnam Cambodge Malaisie ● Singapour Économies peu vulnérables Economies dans une situatioin intermédiaire Économies vulnérables Indonésie RESERVE Le présent document reflète l’opinion de la direction de la recherche économique de Coface, à la date de sa rédaction et en fonction des informations disponibles ; il pourra être modifié à tout moment. 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