PALEOBIOS , 14 / 2007 [publié en 2008] / Lyon

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PALEOBIOS , 14 / 2007 [publié en 2008] / Lyon
PALEOBIOS , 14 / 2007 [publié en 2008] / Lyon-France ISSN 0294-121 X
Etude préliminaire des individus mis au jour sur le site de la chapelle de Notre Dame de
Bonne Nouvelle ou de l’Annonciation (Les Laurons, Nyons, Drôme, France)1
Ludovic Callens2 et Jean-Claude Mège3
1 Sur ce site daté du Bas-Empire au Haut Moyen-Age, ont été mises au jour 4 sépultures à inhumation. L’étude
complète et détaillée du site et des individus exhumés est en cours. La publication en est prévue dans le cadre de
Paleobios.
2 Responsable de l’étude anthropologique et paléopathologique [mail : [email protected] / courrier : M.
Ludovic Callens, 3 rue des Cytises 62710 Courrières / tél. : 06.89.43.97.46].Ce travail a été réalisé sous la
direction de Raoul Perrot, dans le cadre du L2AP [Laboratoire d’Anthropologie Anatomique et de
Paléopathologie, 8 avenue Rockefeller 69373 Lyon cedex 08 / tél. : 04.78.77.70.00 / http://anthropologie-etpaleopathologie.univ-lyon1.fr]
3 Responsable des fouilles, Conservateur du Musée [mail : [email protected] / courrier : M. Jean-Claude
Mège, Musée d’Archéologie et d’Histoire de Nyons et des Baronnies. 8 rue Pierre Toesca 26110 Nyons / tél.:
06.08.47.11.95].
1 - Présentation du site
Située en Drôme Provençale, sur la rive droite de l’Aygues, affluent du Rhône, la commune
de Nyons jouit d’un environnement archéologique important. Aucun site paléolithique n’y est
connu actuellement, mais l’occupation humaine est attestée dans la région par deux sites
proches, Bas-Guillotte à Buis les Baronnies et Pontaujard à Montbrison sur Lez. C’est au
Néolithique moyen (4000 à 3000 ans av. J-C) qu’appartient le site de Chausan - les Laurons
fouillé en 2002[1]. Un site fortifié de l’Age du Bronze (Bronze Final IIIb)[2] puis une
occupation aux Ages du Fer (Hallstatt – la Tène ; VIe – Ier siècles av. J-C) nous conduisent au
changement d’ère et à l’implantation du vicus gallo-romain de Noiomagus, chef-lieu d’un
pagus de la cité Voconce de Vasio (Vaison la Romaine).
Une voie antique relie Orange, Vaison à la capitale des Voconces de Die en remontant la rive
droite de la rivière.
Cette voie secondaire est matérialisée en amont de Nyons par un pont de pierres (Pont de
Villeperdrix) du Ier siècle de notre ère. En aval, peu avant l’entrée dans Nyons, les terrasses
alluviales s’étagent en pente douce vers le nord et offrent des terrains ensoleillés et propices
aux cultures. C’est ainsi que toute une série de villae va s’installer au 1er siècle de notre ère,
reprenant parfois l’emplacement d’établissements gaulois des 1er – second siècles av. J-C. Le
site de la villa de Chausan est l’un d’eux. A proximité du site Néolithique, sur une large
terrasse de l’Aygues et en bordure de la voie antique, des bâtiments agricoles s’installent,
probablement sur les vestiges d’une ferme gauloise, dès le 1er siècle de notre ère. Des fouilles
commencées en 2007, puis poursuivies en 2008, nous ont livré une partie des bâtiments. Au
IIe siècle un ensemble agricole comprenant un cellier avec des cuves et probablement un
pressoir est attesté. Réorganisée au IIIe siècle, la villa voit l’abandon de la fonction viticole
et/ou oléicole par destruction des structures de production. Un escalier et une ruelle bordée de
pièces s’ouvrant sur un portique à colonnade occupent maintenant la zone du cellier. A la fin
du IVe siècle l’occupation du site est attestée par la découverte de céramiques d’importation
(Afrique du Nord). Mais il semble que cette occupation soit de courte durée car au début du
1
Ve siècle les bâtiments sont ruinés et abandonnés. Aux VIe – VIIIe siècles une nécropole
chrétienne se développe dans les ruines antiques (avec peut-être présence d’un édifice de
culte), puis, à la période romane une chapelle est construite. Elle subsiste encore de nos jours
après des destructions et reconstructions occasionnées par les guerres de religion. Elle reste,
aujourd’hui, un modeste édifice rural d’un grand intérêt archéologique (fig.1, p.6).
2 - Les fouilles de 2007 – 2008
La problématique des recherches était basée sur l’étude de la transition bâtiments galloromains - chapelle médiévale.
Pour cela quatre sondages ont été ouverts ( plan de situation, p.10) :
1.2007 / en façade de la chapelle.
2.2008 / Au nord de la chapelle.
3.2008 / En façade de la chapelle.
4.2008 / Au sud, contre la banquette.
Le sondage 1 nous a livré un mur d’aspect gallo-romain lié au mortier et orienté est/ouest
sans matériel associé. Sur son arase, un autre mur de blocs non liés au mortier pourrait être un
mur de limite de parcelle, médiéval ou moderne (fig.2, p.6).
Le sondage 2 intéresse la zone en façade de la chapelle, sous le chemin et à l’ouest du canal
moderne qui le longe. Immédiatement sous 10 à 20 cm de terre des structures maçonnées sont
apparues (fig.3, p.6).
La première, constituée de murs larges de 1,60 m poursuivant les murs existants de la
chapelle donnait le plan d’une partie détruite. La trace d’une porte, ouverte dans le mur ouest,
confirmait ce plan.
Cet édifice s’inscrit à l’intérieur d’un ensemble de murs d’aspect différent venant en
prolongement des structures gallo-romaines découvertes en 2007. En particulier un mur se
trouve être le prolongement vers l’est d’un mur interprété comme l’un des plus anciens du
site fouillé (courant IIème - début IIIème s. ap. J.C).
Cet état n’étant cependant qu’un état intermédiaire de la « villa » qui semble être en place,
ailleurs, dés le milieu ou la fin du 1er siècle de notre ère. La présence antérieure d’un
établissement « gaulois » est, semble-t-il, attestée par quelques tessons de céramique de la fin
du 2e siècle avant J-C.
Les autres murs, préservés des cultures car enfouis sous le chemin, ferment, vers l’est, les
pièces s’ouvrant sur le portique situé en bordure de la ruelle identifiée en 2007. Quelques sols
sont conservés, le sol associé au mur 10, a livré quelques tessons mais, malheureusement
aucun autre niveau d’occupation riche en matériel datant n’a été découvert pour les phases
les plus récentes.
La nécropole : Outre la sépulture découverte dans le sondage 3, une réduction (plusieurs
squelettes incomplets) a été mise au jour au nord de la chapelle. A l’ouest, par contre deux
sépultures bien identifiables ont été fouillées. L’une d’elles, (sépulture 2) contenait un corps
en décubitus dorsal, les pieds à l’est et les mains jointes sur l’abdomen, placé dans une
simple fosse marquée par quelques fragments de tuiles et de pierres. Cette sépulture reposait
dans un niveau de remblais recouvrant l’arase d’un des murs gallo-romains et elle était
recouverte partiellement par la fondation de la chapelle (le crâne présentait du mortier sur le
frontal). L’autre sépulture (sépulture 4 : fig.4, p.7) , de même type et parallèle à la première,
2
était facilement accessible. Le corps en décubitus dorsal, les pieds à l’est avait l’avant bras
droit sur l’abdomen et le bras gauche ramené sur le thorax avec la main contre la joue droite.
La position des bras, très serrés contre le corps indique la présence d’un linceul. Pas de trace
de coffre en bois ni de clous, seules quelques pierres et fragments de tuiles marquaient les
limites de la fosse. Aucun matériel funéraire dans ces deux dernières sépultures. Ces tombes,
vraisemblablement paléochrétiennes, indiquent-elles la présence d’un édifice du culte vers
les VIe – VIIe siècle ?
Le sondage 3 (fig.5, p.7) ouvert au sud dans un espace relativement vaste pouvait révéler la
présence d’une nécropole médiévale. Les résultats furent négatifs à l’exclusion d’une tombe
remaniée mais importante pour la datation des structures. Cette sépulture semble bien être
celle décrite dans le « livre de raison de m. Duclaux de Chausan » au milieu de XIXe siècle.
« Un tombeau formé de dalles en terre cuites de 60 cm de hauteur sur 50 de large. Ces
dalles appuyées l’une contre l’autre par le haut recouvertes d’une tuile creuse : un squelette
reposait dans l’écartement d’en bas. Il était celui d’un homme jeune encore, vu la mâchoire
intacte, les dents blanches. Plusieurs squelettes d’hommes, de femmes et même d’enfants ont
été trouvés couchés côte à côte dans l’intérieur de la chapelle lorsqu’on avait abaissé le
sol »
Aux pieds, un vase incomplet en sigillée claire B, Luisante ou céramique claire engobée peut
être attribué aux environs du Ve siècle [étude en cours]. Le reste du sondage montre des
traces de fosses de plantation, on sait que ce terrain fut planté en oliviers vers la Révolution.
3 - Les sépultures
On en compte quatre.
La première sépulture.
La première sépulture (sondage 3), consiste en une réduction partielle, mise au jour le 13
juillet 2008 au sud de la chapelle.
Ces ossements, qui appartiendraient à un seul individu adulte, montrent un aspect très gracile
et qui pourrait être l’homme jeune mis au jour au XIXe siècle et dont la mâchoire est
effectivement absente de la réduction.
Afin de déterminer la stature du sujet, nous avons utilisé la méthode d’Olivier (1960) d’après
le fémur droit (40,5 cm.).
- Pour un sujet de sexe masculin : (2,42 x 40,5) + 58,33 soit 157 cm.
- Pour un sujet de sexe féminin : (2,09 x 40,5) + 70,20 soit 155 cm.
L’ensemble des ossements s’avère être très fragmenté.
La seconde sépulture :
La seconde sépulture (sondage 2), mise au jour le lundi 08 septembre 2008, se situait sous un
épais massif de maçonnerie, correspondant aux fondations de la chapelle.
Le sujet, adulte, reposait en décubitus dorsal, les mains probablement posées sur l’abdomen
(carpe, métacarpe ainsi que phalanges découvertes au sein de la cavité abdominale)(fig.6,
p.7).
3
Le crâne (106 pièces, 26 dents), extrêmement fragmenté avec d’importantes lacunes, car ayant
subi un phénomène de compression dû au massif de maçonnerie, était maintenu par l’os
frontal à la face inférieure des fondations.
Un important dépôt de mortier est observable sur l’os frontal ainsi que sur la partie antérieure
du pariétal droit (fig. 7, p.8).
En ce qui concerne la denture du sujet, les dents maxillaires 11/13/15/16 sont en place ainsi
que les dents 21/22/23/24/25/26.
La 14 est absente de son alvéole non résorbé.
La partie du maxillaire accueillant la dent 12 est absente, non retrouvée lors de la fouille.
Cette incisive latérale (12) supérieure droite sera retrouvée, par la suite, au sein de la boite
crânienne.
Une légère apposition de tartre est visible sur les dents 12/15/16.
Apposition moyenne sur la dent 13 ainsi que sur 21/22/23/24/25/26.
Une lésion d’origine carieuse est visible sur la face distale de la 25 (avec atteinte de la
chambre pulpaire) et de la 26 (face mésiale).
Est observable également, sur l’os maxillaire, une cavité (5 mm x 9 mm), très
vraisemblablement due à un kyste (fig. 8 et 9, p.8).
L’ensemble des dents présente une importante abrasion des tables occlusales ainsi qu’un
déchaussement généralisé.
Le mandibule, d’aspect robuste, se présente en 6 fragments.
Les dents mandibulaires 31/32/33/34/35/36/37/38 sont en places ainsi que les dents
42/43/44/45/46/47/48 à l’exception de la 41, absente de son alvéole.
L’ensemble des dents, présente, comme pour le maxillaire, une importante abrasion des tables
occlusales ainsi qu’un déchaussement généralisé.
Une apposition moyenne de tartre peut être constatée sur la totalité des dents mandibulaires.
De multiples lésions débutantes, d’origine carieuse, sont visibles sur la face jugale de 45 (+
face distale), de 46 (+ faces mésiale et linguale), de 47 (+ face distale), et de 48 (+ face
mésiale).
La stature du sujet, estimée selon la méthode d’Olivier (1960) d’après le fémur droit
(42,5cm), nous donne une taille approximative de 161 cm. (2,42 x 42,5 + 58,33) dans le cas
d’un sujet de sexe masculin et de 159 cm. (2,09 x 42,5 + 70,2), dans le cas d’un sujet de sexe
féminin.
La grande majorité des pièces osseuses est en bon état de conservation à l’exception du
squelette crânien et des 2 scapulae.
Les ossements ont, dans leur ensemble, un aspect plutôt robuste.
La troisième sépulture :
Elle fut découverte (sondage 2), début septembre au nord de la chapelle et consiste, tout
comme la première (sépulture 1), en une réduction.
Parmi les restes très fragmentés, l’identification de 3 clavicules atteste la présence d’au moins
2 sujets adultes.
La quatrième sépulture :
La dernière sépulture (sondage 2), fut mise au jour le mardi 08 septembre 2008, est celle d’un
sujet adulte, probablement de sexe masculin (les caractéristiques crâniennes, la morphologie
du bassin ainsi que l’aspect général du squelette post-crânien vont en ce sens), inhumé en
décubitus dorsal, les membres supérieurs croisés sur le thorax (main gauche sur la joue
4
droite).On note l’intégralité du squelette crânien et post-crânien, en excellent état de
conservation à l’exception des 2 scapulae (fig.10 et 11, p.9).
Les dents maxillaires 11/13/14/15/16 ainsi que 21/22/23/24/25/26 sont en place
Les dents 12 et 17 ainsi que 27 sont absentes de leurs alvéoles non résorbés.
Les M3 18 et 28 sont absentes ante mortem.
Les dents mandibulaires sont présentes dans leur ensemble.
Une lésion d’origine carieuse est observable sur la face jugale de 38 et 48.
Les dents 31/32/33 ainsi que 41/42/43 présentent des appositions moyennes de tartre.
La totalité des dents présente également une importante abrasion de leur face occlusale.
La stature, déterminée selon la méthode d’Olivier (1960) d’après la mesure du fémur gauche
(48,00 cm.), nous donne une taille approximative de 174 cm. (2,42 x 48 + 58,33).
Un foramen supratrochléaire a été mis en évidence sur l’humérus gauche lors du nettoyage
des éléments osseux.
D’importantes lésions ont été identifiées sur diverses vertèbres (lombaires notamment : fig.12
et 13, p.9), l’étude paléopathologique de ces pièces est en cours.
L’ensemble des sédiments présents dans la cavité abdominale a été prélevé et tamisé dans
l’objectif d’identifier d’éventuelles calcifications biologiques.
4 – Bibliographie sommaire
[1] Beeching Alain & Treffort Jean-Michel (2000). Nyons – les Laurons (Drôme).Rapport de
fouilles archéologiques (novembre – décembre 2000).
[2] Lagrand (1973). Sondages et prospections sur le site de l’Aiguille à Nyons.
5 – Liste des figures
Figure 1: Vue de la chapelle.
Figure 2 : Sondage 1.
Figure 3 : Sondage 2.
Figure 4: Individu 4 in situ. La position des bras, très serrés contre le corps indique la
présence d’un linceul.
Figure 5: Sondage 3.
Figure 6: L'individu 2 in situ.
Figure 7: Individus 2, vue du crâne après dégagement.
Figure 8: Lésion d’origine carieuse sur 25 et 26
Figure 9: Vue de la cavité (5mm. x 9mm.)
Figure 10: L'individu 4 in situ.
Figure 11: La sépulture 4 en cours de fouille.
Figure 12: Vertèbres avec importante perte de substance osseuse.
Figure 13: Cinquième vertèbre lombaire.
Plan des structures découvertes en 2007 et 2008.
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Figure 1: Vue de la chapelle.
© MUSEE D’ARCHEOLOGIE / JEAN CLAUDE MEGE
Figure 2 : Sondage 1.
© MUSEE D’ARCHEOLOGIE / JEAN-CLAUDE MEGE
Figure 3: Sondage 2.
© MUSEE D’ARCHEOLOGIE / JEAN-CLAUDE MEGE
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Figure 4: Individu 4 in situ. La position des bras, très serrés contre le corps indique
la présence d’un linceul. © MUSEE D’ARCHEOLOGIE / LUDOVIC CALLENS
Figure 5: Sondage 3.
© MUSEE D’ARCHEOLOGIE / JEAN-CLAUDE MEGE
Figure 6: L'individu 2 in situ.
© MUSEE D’ARCHEOLOGIE / JEAN-CLAUDE MEGE
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Figure 7: Individus 2, vue du crâne après dégagement.
© MUSEE D’ARCHEOLOGIE / LUDOVIC CALLENS
Figure 8: Lésion d’origine carieuse sur 25 et 26
© MUSEE D’ARCHEOLOGIE / LUDOVIC CALLENS
Figure 9: Vue de la cavité (5mm. x 9mm.)
© MUSEE D’ARCHEOLOGIE / LUDOVIC CALLENS
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Figure 10: L'individu 4 in situ.
Figure 11: La sépulture 4 en cours de fouille.
Figure 12: Vertèbres avec importante perte de substance
osseuse.
Figure 13: Cinquième vertèbre lombaire
© MUSEE D’ARCHEOLOGIE / JEAN-CLAUDE MEGE
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Fouille de 2007
Fouille de 2008
Sondage 2
Sondage 1
Sépulture 3
Sépulture 2
Sépulture 4
Sépulture 1
Sondage 3
Plan des structures découvertes en 2007 et 2008.
© MUSEE D’ARCHEOLOGIE / JEAN-CLAUDE MEGE
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sur le site de la chapelle de Notre Dame de Bonne Nouvelle ou de l’Annonciation (Les Laurons, Nyons, Drôme,
France)(Ludovic Callens et Jean-Claude Mège)
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