Femmes migrantes au Maroc

Transcription

Femmes migrantes au Maroc
Projet cofinancé par
l’Union Européenne
Femmes migrantes au Maroc:
une approche médicosociale
©Tdh l Christian Brun
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial
du projet « Tamkine-Migrants » 2011 – 2014
d’appui à la prise en charge de femmes migrantes
enceintes et de leurs enfants
Le contenu de la présente publication relève de la seule responsabilité de son
auteure, mandatée par Terre Des Hommes – Espagne, partenaire du projet
"Tamkine-Migrants", et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant
l’avis de l’Union européenne.
Septembre 2014
Pr Anne-Marie Moulin
Directeur de recherche CNRS UMR
SPHERE 7219/Université de Paris 7
Professeur associée à l’université
Senghor d’Alexandrie
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Sommaire
Remerciements et acronymes
4
Résumé
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I – Introduction
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1 – Le projet Tamkine-Migrants
2 – Rapport de capitalisation sur le Projet Tamkine-Migrants (2011-2014)
3 – Objectifs de la capitalisation
4 – Le contexte politique et social du projet Tamkine-Migrants Maroc
5 – La longue histoire des rapports entre le Maroc et les pays subsahariens
6 – Données sur les migrantes
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II – Mission au Maroc (Rabat et Oujda)
12
1 – Calendrier des missions
2 – Méthodologie
3 – Observations du volet médico-social du projet Tamkine
3.1 – Le contexte du système de santé marocain
3.2 – La question du RAMED
3.3 – Le volet médico-social du projet Tamkine
4 – Analyse des bonnes pratiques
4.1 – Disparités et contradictions dans les pratiques de santé
4.2 – Disparités suivant les établissements
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(tableau : Les coûts généraux de suivi médical des bénéficiaires au
centre « Tamkine-Migrants »)
4.3 – L’ALCS et le modèle de la lutte contre le VIH
4.4 – L’apport juridique du GADEM au projet Tamkine
4.4.1 – L’avis de naissance, un enjeu crucial
4.4.2 – Sensibiliser à l’interculturalité
4.5 – Participation de Tamkine à la plateforme « Protection des
femmes et des enfants migrants »
4.6 – Le point de vue des migrants et de leurs associations sur Tamkine
4.7 – Capitalisation du logiciel et de la banque de données Pillango
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III – Capitalisation
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1 – Transfert des activités de Tamkine à d’autres structures
2 – Vers une amélioration de la santé des migrants et de la société
marocaine dans son ensemble
2.1 – Le programme ministériel
2.2 – Le point de vue de l’Union européenne
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IV – Conclusions et recommandations
33
1 – Conclusions
2 – Recommandations
33
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Bibliographie
38
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Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
30
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3
Remerciements
Je souhaite exprimer toute ma reconnaissance aux membres de l’équipe de Terre des
hommes qui ont organisé mes contacts, accepté de prendre sur leur temps pour m’expliquer
leur point de vue et me faire part de leur expérience, dans les deux locaux successifs
occupés par le projet, dans le quartier d’al Menzeh, à Rabat. Justin Cruanes, responsable du
projet Tamkine-Migrants (Tdh Espagne), Vincent Tournecuillert, conseiller régional en
protection de l’enfance (Tdh Lausanne) et Leila al Maslouhi, responsable de l’équipe médicosociale (Oum el-Banine) m’ont inlassablement pilotée et m’ont fourni une abondante
documentation.
A tous les représentants des autorités marocaines (ministères de la santé et de la migration),
et de l’Union européenne à Rabat,
Aux membres des associations partenaires,
Aux responsables et agents des services publics (maternités, hôpitaux),
Aux collègues universitaires et chercheurs marocains, aux collègues du Centre Jacques
Berque à Rabat pour leur aide bibliographique et leur partage de vues sur la situation du
Maroc : Baudouin Dupret, Saadia Radi, François Ireton, et à Ruth Maman-Grosrichard,
Sciences-Po Paris, Fouad Abdoulmounim, université de Rabat.
Aux migrantes et aux migrants qui m’ont accordé leur confiance et m’ont créditée du pouvoir
de faire un petit peu évoluer leur situation.
Acronymes
ALCS, Association de Lutte Contre le Sida
AMANE, Association Meilleur Avenir pour Nos Enfants
ANAM, Agence Nationale de l’Assurance Maladie
AMERM, Association Marocaine d’Etudes et de Recherches sur les Migrations
ARV, Antirétroviraux
CNDH, Conseil National pour les Droits de l’Homme
CAM, Centre d’Accueil des Migrants (Caritas)
CEI, Comité d’Entraide Internationale
CISS, Cooperazione Internazionale Sud/Sud
CESE, Conseil Economique, Social et Environnemental, Royaume du Maroc
CNDH, Conseil National pour les Droits de l’Homme
DELM, Direction de l’Epidémiologie et de la Lutte contre les Maladies
FOO, Fondation Orient-Occident
GADEM, Groupe Antiraciste d’Accompagnement et de Défense des Etrangers et Migrants
HCR, Haut –Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés
INSAF, Institution Nationale de Solidarité pour les Femmes en détresse)
OEB, Oum El Banine
OIM, Office International des Migrants
OPALS, Organisation PanAfricaine de Lutte contre le Sida
RAMED, Régime d’Assistance Médicale
SUD, Association SUD contre le Sida, Maroc.
Tdh, Fondation Terre des hommes
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Résumé
Le projet Tamkine Migrants, financé par l’Union européenne pour 80% et par l’ONG Terre
des hommes pour 20%, est mis en œuvre par Terre des Hommes Espagne, en partenariat
avec les associations marocaines Oum El Banine, et GADEM et France Volontaires. Il a duré
trois ans, du 15 mai 2011 au 15 mai 2014. Terre des hommes Lausanne a pris en charge
une continuation des activités médico-sociales jusqu’en décembre 2014, afin d’assurer une
transition vers d’autres acteurs.
Le projet visait à diminuer les effets de la vulnérabilité des migrantes subsahariennes et de
leurs enfants en bas-âge, à travers une triple action dans les domaines de l’accès à la santé,
à l’éducation, et aux services juridiques, et à développer des activités de plaidoyer en faveur
des droits des migrants et de l’idéal d’interculturalité, auprès des autorités, des
professionnels impliqués et de la société civile marocaine, ainsi que des organisations
nationales et internationales.
Les principaux partenaires sont : Oum el Banine, principal opérateur marocain du volet
médicosocial, le GADEM et France Volontaires.
Le projet a touché plus de 800 femmes et 400 enfants. Le projet, centré initialement à
Rabat, a répliqué certaines activités au niveau d’Oujda et de Tanger.
Le présent rapport de capitalisation porte sur le volet médico-social du projet TamkineMigrants. Le centre Tamkine de Rabat fournissait un accueil et une orientation des femmes
migrantes enceintes et accompagnées d’enfants de moins de 6 mois. L’objectif principal était
d’améliorer l’accès aux soins de santé pour diminuer le risque de morbidité et de mortalité
materno-infantiles, d’informer les femmes sur les risques de santé et de les rendre le plus
autonomes possible dans la société d’accueil.
La mise en œuvre du droit à la santé des migrantes touche à beaucoup d’autres droits que
défend le GADEM.
Le projet Tamkine-Migrants a contribué :
•
•
•
•
à améliorer l’accès des femmes migrantes enceintes et de leurs enfants aux services
de santé ;
à démontrer la faisabilité d’une nouvelle politique migratoire, incluant une nouvelle
législation et aussi un changement dans la société, comprenant, acceptant et
appliquant la nouvelle réglementation ;
à identifier les bonnes pratiques ;
à créer des courroies de transmission entre les institutions publiques, les
organisations caritatives et les associations. Le rapport de capitalisation, processus
démocratique de recueil des opinions des intervenants du projet, de tous les
partenaires concernés, des autorités marocaines et de l’Union européenne, et des
bénéficiaires, fournit un retour d’expérience, met en valeur les acquis du projet,
donnant lieu à des recommandations aux parties prenantes. Ces recommandations
prolongent et spécifient dans le domaine de la santé les 72 recommandations
sectorielles émises par Tdh Tamkine à la fin du projet.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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I – Introduction
1 – Le projet Tamkine-Migrants
Le projet Tamkine-Migrants, « Pour une égalité des chances pour les femmes et les enfants
migrants » (en français, arabe et anglais), a été conçu par l’ONG Terre des hommes,
présente depuis très longtemps au Maroc (Agadir 1965). Il a été mis en œuvre de 2011 à
2014 par TDH-Espagne, en partenariat avec les associations marocaines Oum el Banine,
GADEM et France Volontaires. Son budget est d’un million d’euros (80% provenant de
l’Union Européenne, 20% de Tdh Lausanne). Il porte le nom de Tamkine qui en arabe
signifie empowerment (autonomisation en français).
Il vise à diminuer les effets de la vulnérabilité des migrantes subsahariennes et de leurs
enfants en bas-âge, à travers une triple action dans les domaines de l’accès à la santé, à
l’éducation et aux services juridiques, et à développer des activités de plaidoyer auprès des
autorités marocaines, des professionnels impliqués et de la société civile.
Le volet médico-social, objet du présent rapport, vise à faciliter l’accès aux structures de soin
aux femmes, en particulier aux femmes enceintes, et à leurs jeunes enfants
(accompagnement aux consultations, accouchement, suivi de grossesse et de post-partum,
suivi des nouveau-nés), à leur fournir un appui matériel (paniers alimentaires, kits d’hygiène,
kits de naissance) et psychologique (séances d’écoute), une formation en matière d’hygiène
et de santé reproductive, et à les orienter vers les structures adéquates pour résoudre leurs
différents problèmes. Il s’efforce d’insérer les femmes et leurs enfants dans les structures de
soin existantes.
Le projet a touché plus de 800 femmes et 400 enfants. Il devait initialement permettre le
suivi des enfants jusqu’à deux ans ; ce délai a été ramené à six mois, en raison du nombre
toujours croissant des consultantes. Le projet était principalement centré à Rabat mais a
étendu certaines activités à Oujda et Tanger, villes connaissant de fortes concentrations de
migrantes dans les zones frontalières.
Les partenaires sont :
Oum el Banine, principal opérateur marocain du volet médicosocial. L’association, créée à
Agadir en 2001, est dédiée aux femmes en détresse et à leurs enfants et se charge des
séances d’écoute, d’orientation et de formation ;
Le GADEM (Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants)
se charge de l’accompagnement des migrants auprès des instances juridiques, de la
formation des avocats et des intervenants et du plaidoyer auprès des pouvoirs publics et des
institutions concernées ;
France Volontaires met à disposition un personnel spécialisé dans la défense des droits
des migrants.
Tous visent ensemble à faire prendre conscience aux femmes qu’il existe un droit positif des
migrantes au Maroc, et à encourager leur autonomie. Ils échangent des informations,
recensent les problèmes concrets posés par l’accès aux soins, à l’éducation des enfants et
aux services juridiques, reconnaissent qui agit sur le terrain, participent à des ateliers de
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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concertation pour émettre des recommandations précises et ciblées et créent une “chaine de
sensibilisation” dans la société.
2 – Rapport de capitalisation sur le Projet Tamkine-Migrants
(2011-2014)
Un rapport de « capitalisation » dégage l’enseignement des expériences liées à la réalisation
d’un projet et permet son partage avec tous les acteurs et partenaires, de façon que le
savoir accumulé soit applicable à la gestion de cas similaires. Le processus de capitalisation
fait le pont entre un passé scruté et mis en mémoire, et les projets du futur qui bénéficieront
de ses leçons.
Etant donné les transformations politiques actuelles du Maroc et l’évolution rapide de la
question de la migration subsaharienne dans ce pays, d’autres projets relatifs à la situation
des migrantes et de leurs enfants relaieront le projet Tamkine-Migrants. Il est
particulièrement important de léguer un « capital » d’expérience sous une forme aisément
transposable dans un contexte mouvant.
Je suis venue au Maroc avec une expérience antérieure de la recherche biomédicale et des
problèmes de santé publique dans ce pays. J’ai par ailleurs pendant plusieurs années assuré
en France une consultation médicale pour les demandeurs d’asile, principalement
subsahariens, qui m’a fait vivre le projet de vie et d’enfant des migrantes. Une partie de
cette expérience m’a été utile pour ma compréhension de la situation marocaine.
3 – Objectifs de la capitalisation
Les objectifs généraux de ce rapport de capitalisation (Termes de références, voir Annexes)
sont :
•
Tirer les leçons du projet Tamkine-Migrants Maroc dans sa dimension médico-sociale;
•
Identifier les bonnes pratiques qui ont pu être observées et expérimentées;
•
Mettre en valeur les arguments appuyant une politique multisectorielle et intégrative
à l’égard des migrant(e)s, dont un volet médico-social ;
•
Emettre des recommandations à l’égard des autorités et des parties prenantes de la
politique des migrants.
4 – Le contexte politique et social du projet Tamkine-Migrants
Maroc
Le projet s’est inscrit dans une conjoncture de la migration particulière au Maroc. Avec la
fermeture de l’espace de Schengen et la sécurisation de ses marges, le Maroc n’est plus
seulement une terre de transit de migrants en partance pour l’Europe, mais une terre de
migration avec une population croissante. Dans le cadre du nouveau concept de
« partenariat pour la mobilité », l’UE négocie les accords de réadmission des migrants
marocains et la surveillance des frontières, en échange de l’aide à une immigration ciblée et
choisie par les états européens et certains avantages commerciaux. Dans cette négociation
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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sont de plus en plus oubliées de part et d’autre les conventions internationales sur la
circulation des hommes et le respect de leurs cultures et de leurs droits. Le Maroc a signé
plusieurs conventions sur les droits de l’homme énoncés comme universels, chaque habitant
du Maroc, citoyen ou migrant régulier ou pas, jouit théoriquement des droits de l’homme
dont le droit à la santé, mais la loi est en contradiction avec ces conventions dans un certain
nombre de cas (Rapport CNDH).
Le droit à la santé peut se comprendre a minima comme le droit aux soins, qui suppose :
1. Des ressources disponibles: installations en état de marche, personnel qualifié,
médicaments essentiels définis par l’OMS en quantités suffisantes…
2. Des ressources aisément accessibles (transports, conditions d’admissibilité,
gratuité ou coût réduit) ;
3. Des prestations de qualité ;
4. Un respect des cultures de l’Autre au cours des admissions et des examens
médicaux.
En 2013, Médecins Sans Frontières a produit un rapport sur les violences quotidiennes
autour des villes d’Oujda et de Nador, à la frontière avec l’Algérie et aux confins de l’enclave
espagnole de Ceuta. Le Conseil National pour les Droits de l’Homme (CNDH) a produit un
document également alarmant, remis au roi Mohamed VI, le 9 septembre 2013.
Le roi a vivement réagi en demandant à son gouvernement de prévoir toutes les réformes
nécessaires et de mettre en chantier une législation et une réglementation nouvelles sur les
migrants. Il a annoncé l’extension des régularisations, qui faciliterait de meilleures conditions
d’existence. Ces déclarations ont suscité une intense activité dans l’entourage ministériel et à
la Chambre des députés, et l’effervescence dans l’opinion publique nationale et
internationale. Le 9 octobre, le ministère de l’éducation nationale a fait passer une circulaire
autorisant l’accès aux écoles marocaines pour les enfants migrants, en situation régulière ou
pas. Le 10 octobre, les affaires des migrants ont été rattachées à un nouveau ministère qui a
pris le nom de ministère en charge des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la
migration, établissant ainsi un lien entre ses propres migrants à l’étranger et les migrants sur
son sol, et visant explicitement un changement de politique migratoire.
En juin 2014, le ministre de l’Intérieur Charki Draïs a annoncé la création d’une commission
de recours mise à la disposition des migrants, pour remédier aux « éventuels manquements
de l’administration… et faciliter l’intégration et l’insertion sociale des personnes régularisées
et sensibiliser la population à l’importance de cette migration ainsi qu’à la qualité de l’accueil
réservé aux nouveaux immigrés. » (PanoraPost.com, 29 juin 2014).
« L’avenir des migrants au Maroc, si l’état marocain formulait une vision claire,
pourrait être un modèle pour nombre de pays d’Europe. » (MDM Belgique, Oujda)
Le présent rapport de capitalisation doit tenir compte de la persistance d’un certain nombre
d’inconnues, sachant notamment que, quels que soient les dispositifs des lois à venir, ils ne
résoudront pas les problèmes de toute la population de migrants, qui va continuer à évoluer
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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en fonction du sort politique et social des pays d’Afrique subsaharienne, des prises de
position européennes et de la globalisation économique.
5 – La longue histoire des rapports entre le Maroc et les pays
subsahariens
L’émergence dans les années 1990 d’un flux de migrants d’origine subsaharienne passant
par le Maroc ou s’y installant, est souvent, de façon sommaire, rapportée à la situation
chaotique de l’Afrique, facilitant la stigmatisation, voire la criminalisation d’étrangers perçus
comme indésirables. Cette médiatisation d’un problème public ne doit pas faire oublier douze
siècles d’histoire commune.
La migration subsaharienne au Maroc est un phénomène ancien qui a laissé une trace
profonde dans les mémoires et les comportements. Le Maroc a une longue histoire africaine,
au cours de laquelle il a atteint à plusieurs reprises les rives du Niger et intégré des pans de
ce qui est aujourd’hui la Mauritanie, le Sénégal et le Niger. Un commerce caravanier
multiséculaire a uni le Maroc et les pays subsahariens: les villes de Fès et Al-Saouira à
Sijilmassa et Tombouctou. La circulation entre les pays a inclus religieux missionnaires et
pèlerins, voyageurs, commerçants et étudiants.
L’esclavage et le métissage qui en a résulté ont fait aussi partie des échanges à travers le
Sahara. Il a subsisté après la colonisation et n’a été officiellement interdit qu’en 1922 (M
Ennaji, 1994). En 1934, des juristes (fouqaha) ont dénoncé l’esclavage comme une «
monstruosité « (Comité d’Action Marocaine, Plan de réformes 1934). Le souvenir de
l’esclavage dans l’inconscient populaire peut favoriser la stigmatisation des migrants, les
sobriquets désignant les noirs étant encore couramment employés.
A ce jour, des accords de visa se sont maintenus pour six pays dont le Sénégal, à bien des
égards privilégié: de grandes familles marocaines y remplissent encore de hautes fonctions
en gardant des liens avec le pays d’origine. De nombreux étudiants et étudiantes africains,
souvent bénéficiaires d’une bourse marocaine, viennent acquérir ou compléter leur formation
au Maroc. De nombreux marocains vont commercer et étudier à Dakar. Pèlerins,
commerçants et étudiants constituent ainsi un tissu social qui peut faciliter l’insertion des
migrants.
En 2003, le Maroc a adopté une législation très répressive par rapport aux étrangers. Or il
avait été le second état à signer la convention internationale du 21 juin 1993, qui protège les
droits des travailleurs étrangers et leurs familles dans le pays. Le rapport détaillé du CNDH a
pointé la façon dont le Maroc ne respectait pas la plupart des clauses de la convention, à
propos des migrants subsahariens sur son sol.
Le terme de migrants, aujourd’hui plus ou moins synonyme de vulnérabilité, marque donc
une discontinuité en contradiction avec une familiarité culturelle de longue date et une
tradition d’échanges témoignant d’un mutuel intérêt et d’un enrichissement réciproque. La
prédominance actuelle du sens des transmigrations vers le Maroc indique néanmoins des
rapports d’inégalité qui se répercutent sur les pratiques aux frontières où, en dépit des
accords diplomatiques évoqués plus haut, on bloque des voyageurs, dès lors qu’ils sont
soupçonnés de ne pas appartenir aux catégories désirables (hommes d’affaires, étudiants
dûment inscrits ou touristes aisés).
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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« Un portrait à bon droit des ’’migrants subsahariens en galère’’ doit aussi
rappeler qu’il y a au Maroc 19000 étudiants dont 9000 boursiers, et aussi des
médecins, des musiciens, des journalistes. », Massimiliano Di Tota (Cooperazione
Internazionale Sud/Sud)
6 – Données sur les migrantes
On dispose de peu de données globales sur les migrants subsahariens au Maroc, en raison
des difficultés pour cerner une population qui vit parfois dans une semi-clandestinité. Les
enquêtes par questionnaires (AMERM, 2008) ou entretiens et les thèses de sociologie
(Alioua, 2011) ont atteint un nombre limité de migrants, pas nécessairement représentatifs.
Dans l’ensemble, les migrants viennent aujourd’hui avec plus de moyens, intellectuels et
financiers (même s’ils sont délestés de leur argent au cours du voyage), ils sont éduqués
(des masters !) et pour la plupart en bonne santé. La migration correspond souvent à un
désir de jeunes qui sont « des orphelins d’états déficients qui n’assurent ni l’éducation de
leurs enfants ni la sécurité de leurs travailleurs » (Claire Escoffier, 2006, p 100).
Les migrantes n’ont guère fait l’objet d’enquêtes séparées. En 2013, Lisa Johnston a réalisé
pour l’UE la première enquête par questionnaire sur plus de 700 femmes. Les femmes
comptent pour 20 à 30% des migrants, et la féminisation de la migration augmente depuis la
deuxième moitié des années 90. Il s’agit d’une population très jeune (moyenne 30 ans), en
âge de procréer: une grande partie d’entre elles a ou aura des enfants sur place. Toutes les
femmes interviewées sont scolarisées au moins dans l’enseignement primaire, 80% auraient
fréquenté le secondaire. Le niveau d’éducation monte comme pour les hommes, et la
moyenne dépasse celle du pays d’origine. Cette surqualification relative plaide pour une
intégration intelligente de ses migrant(e)s par le Maroc.
25 à 50% des femmes se déclarent mariées, mais le statut matrimonial est parfois difficile à
déterminer, une difficulté dans un pays où le mariage reste fortement valorisé. Alors,
migration de femmes sans hommes ? Si le statut matrimonial légal ne concerne au plus que
la moitié des femmes, une partie des femmes ont des compagnons, qu’ils soient ou non les
pères de leurs enfants et le biais des consultations ciblées femmes/enfants tend à laisser
dans l’ombre le rôle des hommes. Il faut réintroduire les hommes dans le tableau
psychosocial et sanitaire, en ce qui concerne le VIH, mais aussi plus généralement (colloque
de Dakar La santé du couple, ministère de la santé, octobre 2010).
Les membres de l’équipe Tamkine connaissent bien le trajet des femmes migrantes: long et
douloureux, semé d’agressions, elles ont besoin d’en parler et d’exorciser leurs cauchemars.
Venir d’aussi loin que le Congo en bus, en bateau, à pied... L’Europe est un mirage: au
Maroc, elles espèrent avoir des papiers, acquérir une formation professionnelle.
Rabat compte plusieurs quartiers de migrants : Taqaddum, Youssoufiya, Yacoub el Mansur,
Amal. Les migrants habitent, parfois mélangés hommes et femmes, dans de petites
chambres, en général réunis entre francophones: Cameroun, Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali,
Guinée, ou anglophones: nigérians, ghanéens, gambiens. Si la plupart des femmes parlent
français ou anglais, leur maitrise de plusieurs langues africaines permet de communiquer
entre communautés.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Les femmes font de « petits boulots » : vente de poisson fumé aux autres Africains, jus de
fruits, elles font des tresses (très apprécié des marocains). Le « commerce à la valise » est
très féminin, ancré au Maroc par un réseau de courtiers dont certains sont des étudiants
sénégalais, maliens, guinéens ou ivoiriens arrondissant leur fin de mois. Ce commerce porte
sur objets d’art africain comme sur gandourahs marocaines, téléphones portables et gadgets
électroniques.
1.4
Anglophones
5.7
15.
6
27.3
Francophones
Célibat
aire
71.3
78.
7
Statut marital des migrantes (enquête Lisa Johnston, UE, Atelier national
de réflexion sur la
promotion de la santé des populations migrantes en situation administrative irrégulière au
Maroc, ONUSIDA/Fonds Mondial, 8-9 Octobre 2013)
4%
1%
2% 2%
1% 3%
4%
Democratic
Republic of Congo
Cameroun
26%
5%
14%
Nigeria
19%
19%
Cote I’voire
Répartition des nationalités (Lisa Johnston, UE,)
1.9
Francophones
12.4
4
2.4
9.3
17.9
16.3
Francophones
Maladie de la peau
Paludisme aiguë
Tuberculose
Hôpital public /
centre de santé
22.4
Médecin privé
65.5
Pharmacie
7.5
6.9
3.3
Problèmes
pulmonaires
Principales pathologies (LJ), 2013)
10.9
4.6
Premier recours de santé (LJ, 2013)
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II – Mission au Maroc (Rabat et Oujda)
En qualité de consultante pour Tdh, je suis venue à Rabat plus tard que prévu, en raison de
difficultés administratives, et le retard pris par rapport aux échéances prévues a été tel, de
report en report, que j’ai dû arriver à Rabat fin avril seulement, alors que le projet, sur le
point de clore, passait par une phase à effectif réduit qui doit se terminer en décembre 2014,
et n’ai pas pu me rendre à Tanger.
Il n’y a pas eu d’atelier final de restitution auprès des bénéficiaires et partenaires, qui a été
remplacé par un séminaire de plaidoyer le 20 mars 2014. D’autre part, un atelier de synthèse
à Oujda, le 23 avril 2014, qui a été le point de départ de ma mission, a récapitulé les
multiples aspects de la vulnérabilité des migrantes: administrative, financière, juridique,
accentuée par des barrières linguistiques et culturelles, et souligné la façon dont chaque
aspect avait été pris en charge. Ce rapport de capitalisation, prévu par un avenant dans le
projet (en avril 2014), tient lieu de restitution et devrait faciliter le transfert d’expérience à
une autre ONG/association qui reprendra le projet suivant une autre approche, « dans la
transparence et la netteté » (Vincent Tournecuillert, Tdh). Il est par conséquent doublement
crucial de faire un bilan précis des savoirs faires déployés, des compétences acquises et des
écueils rencontrés.
1 – Calendrier des missions
Date
Activités
Lieu
En attente de
l’avenant : avril 2014
Briefing par Skype et téléphone, et envois de
documents (Justin Cruanes, coordinateur de projet et
Vincent Tournecuillert, délégué de Tdh au Maroc)
Mardi 22 avril
Voyage de Paris à Oujda
Mercredi 23 avril
Atelier de concertation (Resp. Laila El-Maslouhi,
coordinatrice volet médicosocial)
Oujda
Jeudi 24 et vendredi
25 avril
Rendez-vous à Oujda avec la direction de la Santé,
Médecins du Monde, l’association Ayn al-Ghazal, des
sages-femmes de la maternité de l’hôpital al–Farabi ;
contacts informels au marché d’Oujda et à proximité
de l’université (sites de migrants)
Oujda
Paris
Paris Oujda
- Debriefing avec Justin Cruanes,
Du Lundi 28 avril
Au jeudi 1er mai
- Rencontre de l’équipe au Centre Tamkine, quartier alMenzeh,
- Debriefing avec Vincent Tournecuillert, Centre
Tamkine,
Rabat
- Entrevues avec différents membres de l’équipe
médicosociale, Centre Tamkine.
Du 1er au 4 mai
- RV à la maternité Souissi avec une assistante sociale
chef
Rabat
- RV avec le Président du GADEM, Mehdi Alioua
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
12
- RV avec Vincent Sibout, directeur de Caritas, Centre
Caritas
- RV avec des chercheurs marocains, turcs et français
en sciences sociales, Centre Jacques Berque
- RV avec Massimiliano Di Tota (CISS)
Lundi 5 mai
- RV avec Caroline Frieh-Chevalier, Délégation de
l’Union européenne
Mardi 6 mai
Rabat-Paris
Mardi 27 mai
Paris-Rabat
Rabat
- RV à la maison d’accouchement al-Farah, Rabat
Mercredi 28 mai au
Lundi 2 juin
- RV avec le Dr Rhoufrani, ALCS
Rabat
- RV Caritas (CAM)
Mardi 3 juin
- RV au centre INSAF
Contacts avec des migrants
Casablanca
- RV à la maison d’accouchement Kouass,
Mercredi 4 juin
- Mme Ghita Zouggari, Direction des Affaires de la
Migration, Ministère de la Migration et Mehdi
Mounchid, ministère de la migration, Rabat-Agdal
Rabat
- Roustane Hamdi, expert, Capital Consulting.
- RV de concertation annulé avec personnel Centre de
santé Karma,
- Focus group avec des femmes migrantes, Centre
Tamkine,
Jeudi 5 et
- RV avec Hélène Yamta
et Constantin Ibanda Mola
vendredi 6 juin
- RV avec des migrants, Gare routière Karma,
Rabat
- RV à la maternité des Orangers, Dr Rachid Bezzad
- RV avec le Dr Amina Latifi (DELM), ministère de la
santé,
- RV avec Fouad Abdelmoumni, chercheur marocain,
université de Rabat.
Samedi 7 juin 2014
Retour en avion Rabat-Paris
Nombre total de journées de travail: 21 jours, en deux missions successives.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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2 – Méthodologie
J’ai suivi la méthodologie du manuel Tdh de référence sur la capitalisation (Manuel Terre des
hommes de cycle de projet, pp. 87-93, et annexe 6, p. 18).
La capitalisation n’est pas l’évaluation, même si l’analyse des résultats implique des
commentaires sur des difficultés rencontrées ou les obstacles survenus. C’est un processus
démocratique qui signifie la collecte des avis et opinions de tous ceux qui ont été impliqués à
des titres divers dans le projet.
Le présent rapport repose sur:
•
La consultation de l’abondante documentation rassemblée par Tdh et complétée sur
place et la bibliographie (Annexes);
•
Des entretiens avec les différentes équipes du projet Tamkine et la délégation Tdh au
Maroc ;
•
Des visites du centre Tamkine et dans les structures de santé à différents niveaux
(CHU, hôpitaux régionaux, maternités, maisons d’accouchement);
•
La consultation de la base de données Pillango, qui a enregistré les activités de
l’équipe du centre Tamkine, et en particulier tout ce qui concerne le volet
médicosocial du projet, permettant notamment de fournir des indicateurs sur les
activités ;
•
Des entretiens avec les partenaires GADEM, OEB, les ONG et les associations
(Caritas, ALCS, Conseil des Migrants…) ;
•
Des rencontres avec les autorités marocaines (Ministère de la santé, Direction de
l’épidémiologie et de la lutte contre les maladies (DELM), Ministère de la migration,
direction de la migration), bureau de consultants auprès du ministère de la migration;
•
Un focus group avec des migrantes, Centre Tamkine (Annexes) ;
•
Des entretiens informels avec les migrant(e)s rencontrés au Centre, dans les
différentes ONG, et dans les sites où ils sont nombreux, par exemple à la gare
routière de Karma à Rabat et au marché d’Oujda.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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3 – Observations du volet médico-social du projet Tamkine
3.1 – Le contexte du système de santé marocain
Il est important de comprendre le fonctionnement du système de santé marocain pour aider
les migrantes à en trouver le chemin.
Les soins de santé primaires gratuits, dits soins de santé de base au Maroc, sont la pierre
d’angle du système qui compte un secteur public et un secteur privé, lucratif et non–lucratif.
Le secteur public est régulé par l’état et hiérarchisé, le secteur privé est professionnel et
faiblement régulé par l’état. Les soins de base sont assurés à des communautés sur un
territoire défini (CESE, 2013).
Dans les centres de santé, urbains (28%) et ruraux, on dispense les soins de base préventifs
et curatifs « essentiels », les soins d’urgence de premier niveau, et on pratique les
accouchements dans les « maisons d’accouchement » (dâr al-wilâda). Au-dessus se trouvent
les Centres Hospitaliers Régionaux (CHR) et les Centres Hospitalo-Universitaires (CHU).
Théoriquement, le parcours est organisé de manière que la patiente puisse franchir les
différents échelons du système (dispensaire, maison d’accouchement, maternités, CHR,
CHU), en fonction de la gravité de son cas. A chaque étape, le transfert se traduit par une «
fiche de liaison » entre les structures. Le secteur privé (près de la moitié des médecins)
concerne surtout les migrantes par les pharmaciens (90% des pharmacies), qui jouent
souvent le rôle de premier recours (évidemment payant).
L’ALCS (Association de Lutte Contre le Sida) assure le dépistage anonyme et gratuit du VIH
et la prise en charge des affections liées au VIH et des MST, y compris pour les migrants et
migrantes.
Le Maroc connaît une pénurie de personnel soignant, de médecins (6,2 médecins pour 10000
habitants), d’infirmières et de sages-femmes (CESE, 2013). Le Maroc connait encore un taux
élevé de morbidité et de mortalité maternelles (112 mères sur 100 000 naissances) et
infantiles (28,8 pour 1000 naissances). Les taux sont beaucoup moins élevés en zone
urbaine où 91, 6% des citadines enceintes seraient suivies (Enquête nationale sur la
population et la santé familiale, Ministère de la Santé, 2011).
Un dispositif de prise en charge des femmes et des enfants victimes de violences a été prévu
dans des hôpitaux (mais pas dans tous les hôpitaux).
Les migrants et migrantes ont des difficultés d’accès au système de santé, en raison de
l’illégalité de leur statut et de différents obstacles financiers, linguistiques et culturels. «
Jusqu’en 2013, (loi 02-03), tout étranger se trouvant au Maroc sans documents était un
criminel » (CESE, 2013). D’où l’action des ONG internationales et des associations nationales.
« Il faut reconnaitre les efforts réalisés par la police d’Oujda pour « s’impliquer
avec Médecins Sans Frontières et d’autres associations, pour chercher conseil et
soutien sur la façon de gérer les cas des femmes… En revanche, à Nador, où MSF
n’a pas été autorisée à travailler, les migrants subsahariens sont arrêtés et
expulsés. » (Rapport sur les migrants en situation irrégulière au Maroc, MSF, mars 2013).
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Dès 2003, une circulaire du ministère marocain de la santé avait autorisé les traitements des
migrants clandestins en cas de maladies infectieuses. Elle a fondé l’action des associations
(ALCS) en vue d’obtenir la prise en charge gratuite des migrants subsahariens vivant avec le
VIH.
Les accidents du travail et les maladies professionnelles sont au Maroc mal suivis et mal
prévenus. Cette pathologie peut a fortiori concerner les travailleurs migrants du marché
informel, qui sont invisibles dans le champ de la prise en charge sanitaire.
Compte tenu du rôle du médicament pour les plus pauvres, qui remplace souvent la
consultation médicale au Maroc, l’accès aux médicaments est un problème que les migrants
partagent avec plusieurs catégories démunies de la population locale. Dans les centres de
santé, la gestion compliquée et coûteuse des médicaments au Maroc entraine des ruptures
de stock qui renvoient le malade à la pharmacie d’officine. L’insuffisance de l’utilisation des
génériques (CESE) augmente encore la charge de dépenses pour les patients (rôle des
pharmaciens du Centre d’Accueil aux Migrants (CAM) de Caritas dans la substitution de
génériques) pour abaisser le coût des ordonnances.
Une réforme est en cours: les centres de santé « intégrés » disposeront de plus de moyens
humains, diagnostiques et thérapeutiques, et produiront des statistiques.
3.2 – La question du RAMED
La loi de 2002 sur la couverture médicale de base (CMB) fondant la protection sociale en
matière de santé au Maroc matérialise l’engagement de l’Etat. Le système de la CMB est
formé du régime de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) pour certaines catégories de la
population, et du RAMED (Régime d’Assistance Médicale), instauré par la loi du 3 octobre
2002 et par le décret modifié du 6 septembre 2011 assurant la gratuité des soins aux
personnes qui ne sont assujetties à aucun régime obligatoire d’AMO et ne disposent pas de
ressources suffisantes. Le RAMED a remplacé l’ancien régime des certificats d’indigence. Il a
un financement mixte (Etat et collectivités), auquel contribue indirectement l’Union
européenne, via le ministère de la santé. Il représente théoriquement 13 millions d’ayants
droit, dont prisonniers, sans domicile fixe (SDF), orphelins: environ les trois quarts de la
population ciblée (6, 5 millions de personnes) en bénéficieraient (CESE). Mais d’après les
enquêtes de 2013, près de la moitié de la population marocaine ne bénéficierait pas encore
d’une couverture de base. Bien qu’en augmentation, la couverture reste insuffisante par
rapport aux besoins et aux attentes d’une population de plus en plus consciente des progrès
de la médecine.
Le RAMED a été conçu pour les démunis, les SDF par exemple, donc pas pour les seuls
marocains: les migrants peuvent donc être intégrés comme ayants droit. Mais, de fait, il
fonctionne essentiellement pour les Marocains, et encore pas tous, en raison de certaines
conditions limitatives. L’application des critères d’éligibilité par des commissions locales
(parfois jusqu’à treize pièces réclamées) demanderait des aménagements, notamment pour
la preuve de résidence. Du temps du certificat d’indigence, les assistantes sociales
disposaient d’une marge de manœuvre; aujourd’hui, elles ne peuvent plus décider de la
gratuité.
Deux possibilités s’offrent pour améliorer l’accès aux soins des migrants via le RAMED : soit
changer les procédures qui font que les migrants ne peuvent pas monter leur dossier, soit
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
16
créer pour eux un régime à part. Un régime unique et une caisse unique sous la
responsabilité de l’ANAM (Agence Nationale d’Assurance Maladie) permettraient d’optimiser
les frais de gestion, d’améliorer la transparence et la lisibilité, « de donner tout son sens au
principe d’équité et de solidarité et d’harmoniser les procédures d’accès aux soins. » (CESE,
2013, p 70).
3.3 – Le volet médico-social du projet Tamkine
La demande des migrantes se présentant à l’accueil, peut être totale : « seule, sale, sans
habits, sans chaussures, sans pièce d’identité, demandant une prise en charge
après violence subie… » (une sage-femme, Oujda).
La vulnérabilité des femmes est administrative (manque de couverture sociale, absence
d’adresse, de preuve de domicile, et de pièce d’identité), financière (absence d’emploi ou
sous-emploi, faible réseau de solidarité, souvent ni voisins, ni famille) juridique,
culturelle :
« La communication n’est pas toujours facile, en raison d’un « double écran de
peur de part et d’autre » (une sage-femme, Oujda),
Enfin, la vulnérabilité est sexuelle (viols, prostitution, traite).
La grossesse et les six mois de la petite enfance sont une période clé qui se poursuivra
ensuite pour les mères dans les centres de santé. En conséquence, le volet médicosocial qui vise à améliorer l’accès des femmes et des enfants migrants aux
services de santé constitue un axe important du projet Tamkine.
A Rabat, l’équipe médicosociale du projet, dirigée par le responsable Tdh Espagne, est
composée d’une coordinatrice, d’une secrétaire à la réception, de 2 aides-soignantes et de 2
assistantes sociales et d’un chauffeur. Au Centre Tamkine, elle associe plusieurs activités.
a. Activité d’écoute et d’analyse des besoins des migrantes, et référence
vers les structures publiques ou les ONG et associations susceptibles de leur apporter
une réponse.
L’équipe médico-sociale d’OEB a bénéficié des relations historiques de l’associé Terre
des hommes avec les services de santé à Rabat. Au cours du projet, à l’inverse s’est
précisé un mouvement de référence des migrantes par les structures publiques et
associatives au Centre Tamkine, illustrant la reconnaissance de son rôle.
Ce sont les problèmes de logement qui arrivent largement en tête (difficultés à le
trouver, payer le loyer, problèmes de cohabitation, d’insalubrité, d’insécurité). Ensuite
viennent les problèmes de santé de la bénéficiaire, liés ou non à la grossesse, et ceux
du/des enfant(s). L’équipe médico-sociale enregistre les cas de traumatismes (abus
sexuels, incestes, harcèlement, persécutions, situations de guerre, décès d’un
proche) chez 30% des personnes reçues au centre, ainsi que les demandes de
dépistage du VIH. Les séances d’écoute débouchent sur des orientations vers le HCR
(pour le statut de réfugiée), la Fondation Orient-Occident, le CEI, Caritas, l’ALCS,
l’OIM, le GADEM ou les ambassades.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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b. Organisation de cycles de causeries (7 à 12 femmes par séance) sur des
thématiques comme la santé reproductive, grossesse et accouchement, hygiène,
allaitement, soins aux nouveaux-nés, MST/Sida. L’équipe médico-sociale parle aux
migrantes du respect du personnel de santé et conseille l’adoption d’un
comportement similaire à l’ensemble des usagères des services.
c. Actions de sensibilisation des personnels de santé par rapport au projet
Tamkine et à ses objectifs, réalisation d’ateliers en concertation avec les directions
locales, entre autres pour encourager le personnel à envisager l’accès aux services de
santé sous l’angle des droits des migrants et développer leur intérêt pour
l’interculturalité. « Sensibiliser, c’est plus qu’informer » (Laïla El-Maslouhi,
coordinatrice OEB).
d. Accompagnement des bénéficiaires dans les services de santé publics
par une aide-soignante ou une assistante sociale, pour leur faciliter l'accès,
réduire les coûts de prise en charge ou obtenir la gratuité. L’objectif à terme est que
les femmes apprennent à se débrouiller seules et obtiennent le certificat de naissance
pour leurs enfants (voir plus loin).
e. Distribution de kits bébé (trousseau de l’enfant), de kits hygiène et de paniers
alimentaires.
f. Visites à domicile (après accouchement, suite à la détection d’un problème
d’environnement ou d’hygiène, soutien à l’allaitement maternel).
g. Plaider pour l’amélioration de l’accès à la santé des femmes migrantes
aux différents niveaux du système de santé (local, régional, ministériel). Ces
activités sont généralement faites en collaboration avec les partenaires du projet à
travers la Plateforme Protection Migrants.
A la fin de chaque mois, la coordinatrice de l’équipe récapitule les données,
reconsidère le planning et établit la statistique des activités.
4 – Analyse des bonnes pratiques
4.1 – Disparités et contradictions dans les pratiques de santé
La province de l’Oriental, avec ses 600 kilomètres de côtes frontalières avec l’Algérie et
l’Espagne, offre un exemple de disparité géographique. Oujda possède un CHU, mais
aussi un hôpital régional où l’accouchement est gratuit. La situation est de ce point de vue
meilleure à Oujda que dans les villes où on a affaire surtout aux CHU. Les hôpitaux
régionaux reçoivent leur dotation du ministère tandis que les CHU ont une autonomie
financière et recouvrent directement le prix des soins. L’accouchement est pris en charge sur
une base de trois jours, y compris les médicaments ; même la césarienne est gratuite.
L’expérience de Nador, évoquée par MDM Belgique au cours du séminaire d’Oujda d’avril
2014, a des côtés paradoxalement positifs. Si les femmes ne peuvent entrer à Nador (risque
d’être arrêtées) sans être accompagnées par une ONG après l’accouchement, elles peuvent
rester à l’hôpital non pas deux jours comme il est de règle hors complications, mais une
semaine et même parfois un mois. Elles vivent en effet dans la forêt, et même après
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
18
accouchement normal, ne peuvent y revenir étant donné les conditions sur place. Les sagesfemmes n’y font pas de difficultés pour donner l’avis de naissance avec le seul nom de la
maman.
« Il n’y a pas de condition d’origine : vous êtes enceinte, c’est tout. » (une sagefemme, Oujda)
A Oujda, la plupart du temps, les migrantes viennent avec un carnet de santé. Lorsque le
test pour la syphilis est positif, le test du VIH est pratiqué (parfois sans demander la
permission, et le résultat n’est communiqué que lorsqu’il est positif !). Les accouchements
des migrantes ne connaissent pas de complications particulières. Le vrai problème est social
plus qu’obstétrical: la femme vient souvent avec un autre enfant, qui n’a nulle part où aller,
donc il reste avec la mère, et ce sont les autres femmes de la maternité qui s’en occupent. Si
aucune remise de kit ou de secours n’est prévue, les familles marocaines très souvent font
des dons de vêtements ou d’argent aux migrantes démunies (une sage-femme).
En même temps, beaucoup de migrant(e)s ont peur, à Oujda (comme à Tanger),
d’approcher des structures officielles, par peur d’être rejetées, et ne se déplacent pas
facilement, alors même qu’ils ont le plus grand besoin de soins.
« Ma première migrante était une prisonnière, on m’avait prévenue : attention,
elle va essayer de se sauver » (sage-femme, Oujda)
C’est pour cela que MSF utilisait des équipes mobiles, que MDM tente de mettre en place,
depuis son enregistrement officiel (juin 2014). L’idée est que des migrants prennent le relais
des accompagnateurs (formation de pairs migrants).
La cellule chargée à l’hôpital d’accueillir les femmes victimes de violences (fréquentes dans la
région) existe bien, mais dispose de peu de moyens, l’accueil est sommaire, la psychologue
n’en est pas une. Aucun suivi n’est prévu, ni évaluation de ce qu’on fait et de ce qu’on
pourrait faire (MDM). La femme concernée peut recevoir un certificat attestant les violences,
mais en l’absence de directive ne sait pas quoi faire, et peut retourner chez l’homme qui la
bat, parce qu’elle n’a pas d’autre issue. Enfin, pour la question de la traite, il y un manque
d’acteurs spécialisés pour faire face aux besoins, il faudrait disposer de maisons cachées ou
discrètes pour sortir les filles du milieu.
A Rabat, la plus ancienne de l’équipe Tamkine, qui a une connaissance de longue date du
milieu médical, insiste sur l’importance du travail en réseau avec les institutions de santé
concernées et l’établissement de relations de confiance durables avec leur personnel.
Evidemment l’entretien de ces bonnes relations demande du temps et peut être compromis
par les mutations. Il doit donc s’accompagner d’un changement en profondeur des attitudes
professionnelles dans le système de santé, et d’une bonne articulation du médical et du
social.
« Le médical, au Maroc, c’est d’abord du médicosocial » (Amina Smimine, Tdh), et
encore: « L’espace social est ouvert dans toutes les directions ».
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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4.2 – Disparités suivant les établissements
Les observations recueillies dans les maternités et les maisons d’accouchement et auprès des
migrantes sont quelque peu contradictoires.
Une circulaire prévoit la gratuité dans les centres de santé : examens et consultations
prénatales, accouchements, suivi post natal. En théorie, les accouchements non compliqués
qui représentent 90% des accouchements devraient avoir lieu dans les centres de santé ou
maisons d’accouchement (dâr al-wilâda), gérées par les sages-femmes, où il n’y a pas de
médecin présent de façon permanente. Le projet Tamkine a fait le choix d’essayer d’intégrer
les migrantes dans la filière qui passe par ces maisons d’accouchement de quartier.
Ce choix logique et bien intentionné, dans la réalité, s’est heurté à de nombreux obstacles.
Le personnel des maisons dit accueillir toutes les parturientes, même s’il s’agit de primipares,
pourvu qu’elles ne présentent pas de complication, auquel cas elles sont référées (fiche de
liaison, voir p. 17) aux maternités des Orangers ou Souissi. Si le travail est bien avancé,
même sans bilan (dont test VIH), elles ne réfèrent pas. Ce sont les migrantes, selon le
personnel, qui s’adresseraient directement aux grandes maternités, voire au CHU, parce
qu’elles recherchent des soins de meilleure qualité et plus techniques. Les migrantes, de leur
côté, se plaignent d’être mal reçues et systématiquement transférées, même en l’absence de
complications, et aussi de ne pas toujours disposer de la fiche de liaison. La visite aux
maisons d’accouchement a montré que de fait, peu d’accouchements de migrantes s’y
déroulent (en moyenne un par mois). Le système est donc fréquemment court-circuité, soit
que les sages-femmes délèguent souvent les migrantes comme une responsabilité trop
lourde, soit que les migrantes considèrent le passage par les maisons comme une perte de
temps (associations de migrants). Mais dans ces conditions, ces dernières se présentent sans
la feuille de liaison fournie par la maison d’accouchement, qui leur garantirait la gratuité.
Le document ci-joint, qui indique les coûts généraux de suivi médical des bénéficiaires,
illustre leurs disparités en fonction des cas mais aussi des établissements.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Les coûts généraux de suivi médical des bénéficiaires au centre Tamkine
-Migrants
Action
Consultation
générale
Coût
Gratuit
Entre
Bilan de grossesse
800 MAD et
1000 MAD
Lieu sur Rabat
Commentaires
Centre de santé
60 MAD dans les maternités de CHU
en cas de grossesse difficile ou
urgence
Laboratoire
privé
Le projet bénéficie cependant d’une
réduction : réduisant les coûts à 310
MAD
Centre de santé
Chaque trimestre
(3)
Centre de jour
Gratuit
Echographie
Consultation
gynécologie
Gratuit
Achat des
médicaments
Hôpitaux de
zone (Temara,
Salé)
Echos sur RDV
Payante (300 – 600 MAD) dans les
maternités CHU selon l’état de la
grossesse
Centre de santé
Chaque mois (au premier mois de
grossesse, puis chaque trimestre)
Environ
1000 MAD
Pharmacie
Après chaque consultation / échos,
etc. pendant les 9 mois de
grossesse (le traitement n’est pas
systématique)
Ordonnance de
sortie
500 MAD
Pharmacie
Automatiquement après
l’accouchement
Accouchement (avis
de naissance)
1000 MAD
(parfois
plus)
Maternité
Souissi ou
Orangers.
Accouchement (avis
de naissance)
Maison
d’accouchement
Gratuit
Hôpitaux de
zone (Temara,
Salé)
Consultation postnatale
Gratuit
Centre de santé
Consultation postnatale
200 MAD
Cabinet privé
En cas de complication /
césarienne (à partir de 2000-3000
MAD)
Sur orientation des maisons
d’accouchement et des hôpitaux de
zone avec un mot de liaison en cas
de complications
En cas de complication l’orientation
vers SOUISSI pour faire
l’échographie et pour plus
d’investigation
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Action
Coût
Lieu sur Rabat
Commentaires
Consultation
générale et suivi
pédiatrique de
l’enfant
Gratuit
Dispensaire
Vaccination, suivi post natal,
allaitement maternel, conseil
diététique et hygiène
Consultation
60 MAD
Hôpital
d’enfants
Si besoin de spécialistes
Prestation
hospitalière ou
hospitalisation
A Partir de
300 MAD
Hôpital
d’enfants
Selon la prescription médicale
(analyses, scanners, écho, …)
Dispensaire
Parfois en cas de maladie grave de
la mère et contre-indication de
l’allaitement maternel, achat de lait
artificiel maternisé
Médication de
l’enfant
A partir de
100 MAD
Hôpital
d’enfants
En fait, la fiche de liaison permettant d’assurer la gratuité des soins pour l’accouchement
dans le but d’abaisser la mortalité maternelle et infantile avait été instituée avant le RAMED,
elle n’assure maintenant la gratuité que si la personne bénéficie du RAMED, ce qui n’est pas
le cas des migrantes. Les discussions avec le personnel montrent bien qu’il existe une grande
confusion à cet égard, et que, faute de principes clairement perçus, le résultat en fait résulte
de négociations qui peuvent varier suivant les interlocuteurs.
Dans les maternités dépendant du CHU, l’accouchement n’est pas gratuit. Il y a négociation
au cas par cas ; en cas d’accouchement compliqué (césarienne ou réanimation) une
diminution de 50% du forfait a pu être négociée avec l’équipe Tamkine. Le suivi s’opère sur
place en cas de complications (éclampsie, hémorragies), sinon il s’effectue au dispensaire.
Les différences de prise en charge entrainent un coût important pour la patiente, supporté
par le projet Tamkine (dont le retrait peut donc mettre en difficulté un certain nombre de
migrantes).
La gratuité des soins est relative. Les bilans sont gratuits mais la plupart du temps
incomplets, ce qui oblige à payer des suppléments (que Tamkine prend en charge par
entente directe avec des laboratoires privés). L’amélioration de la batterie d’examens
biologiques effectués (et de sa prise en charge) pourrait constituer un axe d’intervention.
Enfin, la malade sort le plus souvent de la consultation avec une ordonnance qu’il faut payer
chez le pharmacien :
« Pour résumer, il faut en fait tout payer hormis la consultation. » (MDM) Enfin,
une ancienne tradition prévoit une rémunération pour la sage-femme, à laquelle les
« anciennes » sont attachées.
Dans les maternités comme les maisons d’accouchement, l’assistance aux migrants est
souvent vue par le personnel comme une forme de charité. Avec les plus démunies, les
employés interviennent à titre personnel : dons de layette, de nourriture. Leur réseau fournit
des vêtements et du lait en poudre pour celles qui ne peuvent allaiter (VIH). Le personnel
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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est sensible aux difficultés des patientes migrantes : logement, travail, nourriture, mais
constate que beaucoup de marocains manquent aussi du nécessaire. Il est en faveur de
l’ouverture d’un programme de gratuité inclusif, c’est-à-dire ouvert à la fois aux
migrantes et aux marocaines dans le besoin. Il se dit parfois choqué par la façon dont
certaines migrantes refusent la contraception, et malgré l’adversité, veulent d’autres enfants
qui représentent tout leur avenir. Le langage du corps des migrantes les surprend aussi; la
façon africaine ou supposée telle de danser, de s’exprimer avec véhémence pour
communiquer, dérange chez des femmes dont on attend une certaine retenue, en lien avec
l’idéal de sabra wa hachouma, patience et pudeur. Certaines pratiques attribuées à la
sorcellerie suscitent aussi un malaise en réveillant de parfois le souvenir de rituels tombés en
désuétude au Maroc.
Au passage, le personnel des maisons d’accouchement se plaint d’être isolé, non intégré. Il
souhaite être mieux formé aux problèmes particuliers rencontrés avec les migrantes, à des
actions en réseau. Il se sent un peu oublié, pas assez considéré. Il apprécierait la convivialité
de journées de formation et d’échanges (repas en commun).
4.3 – L’ALCS et le modèle de la lutte contre le VIH
L’ALCS (Association de Lutte Contre le Sida) a été fondée en 1988. Le Maroc a joué un rôle
pionnier au Maghreb et dans le monde arabe par son action précoce et vigoureuse d’appui
au dépistage anonyme et gratuit et à la mise en route des traitements, dès qu’ils ont été
disponibles. D’abord avant tout médicale, l’association a très vite évolué vers une association
de type communautaire collaborant avec les pouvoirs publics mais n’hésitant pas à
s’exprimer sur la défense du droit à la santé des migrants. Son siège est à Casablanca, elle
comporte 19 sections régionales, 28 centres de dépistage dans des villes et quatre centres
mobiles. Un réseau d’agents dont des « pairs intervenants » s’active au contact des
populations vulnérables dont les migrants. Le projet Tamkine réfère donc à l’ALCS les
femmes enceintes pour des tests ou des prises en charge thérapeutiques et plus
généralement pour les MST (maladies sexuellement transmissibles) et les violences sexuelles
(consultations d’écoute).
Le centre de Rabat s’est récemment installé en face de la mosquée Ohoud, dans de
nouveaux locaux, affichant sur le mur les symboles du Sida. L’ALCS adosse son action
technique contre le sida à une conviction dans le devoir de lutter contre l’épidémie, sans
discriminer ni culpabiliser les séropositifs et les malades, et entérine la stratégie des droits de
l’homme comme manifestation des « droits de Dieu » (huqûq Allah) (Dr Rhoufrani).
L’ALCS, jusqu’à récemment, effectuait 80% des dépistages par tests rapides, confirmés par
Western blot au CHU. D’autres associations œuvrent également dans le domaine:
l’Organisation PanAfricaine de Lutte contre le Sida (OPALS) ; le SUD, Association contre le
Sida.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
23
L’ALCS, en partenariat avec Caritas, Tdh et OEB, assure la « médiation thérapeutique »
ou l’accompagnement des personnes vivant avec le VIH dans les structures de santé. Elle
assure également:
•
l’éducation facilitant l’observance et le respect du suivi biologique régulier ;
•
la prise en charge de la PTME ou prévention de la transmission du virus de la mère à
l’enfant ;
•
le soutien psychologique, l’information et l’aide à la prévention secondaire ;
•
le suivi médical et biologique.
L’ALCS opère depuis 2008 avec un financement du Fonds mondial pour une durée de 5 ans.
L’administration des antirétroviraux est gratuite et comporte des médicaments de deuxième
et même de troisième ligne.
L’accès facile et gratuit au traitement du VIH constitue aujourd’hui un acquis au
Maroc. Le programme de l’ALCS a été novateur dans son approche de prévention et son
action sur le terrain auprès des populations vulnérables, approche qu’elle a étendu aux
migrants avec l’accord du ministère de la santé : des étudiants africains ont joué le rôle d’«
éducateurs-pairs » (EP), proches des « agents de proximité » de Caritas.
Le programme sida tel qu’il a été mis en œuvre par l’ALCS a eu un effet
d’entrainement sur le programme santé au Maroc, y compris pour les migrants, et
a donné l’exemple de bonnes pratiques et d’un modèle de gouvernance. L’information du
milieu, à laquelle collabore Tamkine, est primordiale, pour éviter les contaminations inutiles
dans la société. Beaucoup de migrants subsahariens arrivent négatifs et se contaminent sur
place.
« Nous produisons des virus marocains en djellabas et babouches. » (Dr Fatiha
Rhoufrani, ALCS)
Il reste à appliquer ce modèle à d’autres affections qui au Maroc touchent un beaucoup plus
grand nombre de personnes, comme les hépatites, en particulier l’hépatite C, mal
diagnostiquée et mal suivie, et qui ne dispose pas malheureusement d’un vaccin. La
tuberculose est un autre domaine sur lequel on manque de données: on ne sait rien sur le
taux de tuberculoses résistantes, voire ultrarésistantes, chez les migrants, qui suscitent un
peu partout de difficiles problèmes de diagnostic et de gestion.
4.4 – L’apport juridique du GADEM au projet Tamkine
Mehdi Alioua, sociologue, a cofondé en 2006 le GADEM (Groupe Antiraciste de Défense et
d’accompagnement des Etrangers et des Migrants), qui défend l’idéal d’une société plurielle
tolérante et riche de ses différences, « une société positive, hospitalière, qui se juge
sur la façon dont elle traite les étrangers. » (MA, GADEM)
Le GADEM a trois volets d’activité :
•
Droit des étrangers : accompagnement juridique des migrants ; formation des
avocats et collecte d’une jurisprudence de référence ;
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
24
•
Interculturalité ; ce volet est porté par un groupe venant de plusieurs horizons et
plusieurs pays (Maroc, Italie, Sénégal, Burkina, RDC), engagé dans la réflexion sur les
moyens d’améliorer la « santé de l’opinion ». Il se préoccupe de promouvoir une
meilleure connaissance de l’histoire du Maroc, et de combattre l’ignorance et
l’indifférence à l’égard de l’étranger. Une mallette pédagogique est mise à la
disposition des enseignants: analyse des réactions à des photographies, construction
d’arbres généalogiques… Pour Massimiliano di Tota, le terme « altérité
interculturelle » irait plus loin dans la reconnaissance de l’Autre.
•
Plaidoyer auprès des institutions et des organisations internationales, et
documentation
Le droit à la santé est conditionné par d’autres droits dont celui au travail, pour donner les
meilleures chances d’une vie saine et intégrée à la société. La santé est par définition
multifactorielle et implique des conditions de vie et de travail qui débordent le domaine
médical. Le droit à la santé ne peut être défendu isolément des autres droits. L’activité du
GADEM, partenaire à part entière du projet Tamkine-Migrants, de lutte pour l’accès aux
droits fondamentaux, recoupe donc le souci du projet d’améliorer la santé de ses
bénéficiaires.
L’accompagnement juridique proposé aide les migrants à retrouver une dignité bafouée qui
est une composante essentielle de l’estime de soi et du bien-être qui en résulte. Le
volumineux rapport du Collectif sous la direction du GADEM sur l’application au Maroc de la
Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des
membres de leur famille, août 2013, décrit précisément les violations de la convention, et
plaide pour la prise en charge sanitaire des travailleurs, étrangers et marocains, dans l’esprit
d’une justice inclusive (pour tous), qui correspond à l’esprit du projet Tamkine.
« A tous égards, on est encore souvent dans le registre de la charité, de
l’interpersonnel, pas du langage des droits civils, reconnus et garantis par l’Etat »
(MA, GADEM)
4.4.1 – L’avis de naissance, un enjeu crucial
Les parents, la mère disposent d’un mois après la naissance pour faire l’enregistrement à
l’état civil, c’est très court, d’autant que l’obtention du certificat de naissance n’est pas facile.
Les administrations de santé diffèrent dans leurs exigences, certaines demandant les papiers
du père, le certificat de mariage..., rarement disponibles.
« J’exige une pièce d’identité (fiche consulaire) pour donner un certificat de
naissance. J’ai eu affaire à de fausses déclarations d’identité. » (sage-femme en
maternité).
A Rabat comme à Oujda, les associations peuvent se porter garantes de l’identité des
femmes. Mais certains centres de santé sont réticents à remettre le certificat de naissance
aux parents ne pouvant prouver leur situation régulière au Maroc. Il arrive aussi qu’on refuse
le certificat de naissance en cas de non-paiement des frais médicaux.
Or l’enregistrement à l’état civil n’est pas seulement un droit, c’est un devoir. En
n’enregistrant pas l’enfant, la mère se met dans son tort. Le certificat de naissance est une
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
25
pièce essentielle : tous les droits de l’enfant sont en jeu. Secondairement, il y aura aussi les
difficultés pour enregistrer l’enfant à l’ambassade du pays d’origine (frais à payer) et obtenir
des papiers d’identité.
4.4.2 – Sensibiliser à l’interculturalité
Ce concept dont la création est revendiquée par certains collectifs de migrants traduit un
souci d’intégrer les nouveaux venus dans la société d’accueil. Il existe déjà des liens
privilégiés entre sénégalais et marocains.
« Histoire commune, pas de visa etc. De plus, l’islam est pratiquement la religion
de tous les musulmans. Il y a un grand pèlerinage annuel des Sénégalais à Fes.
Les autres migrants affichent volontiers la nationalité sénégalaise. » (Ousmane,
migrant sénégalais)
Mais la solidarité de l’umma (communauté musulmane) face aux migrants est parfois
relative. « Quand un migrant subsaharien va faire ses prières à la mosquée, les
hommes ne viennent pas se serrer contre lui pour s’aligner au coude à coude. »
(migrante ivoirienne). Les enquêtes scolaires ont aussi montré les réticences des parents à
l’endroit des enfants migrants.
Cependant il y a eu des changements, la musique des subsahariens joue un grand rôle dans
la vie culturelle marocaine, dans les festivals comme celui des Gnawas. Les jeunes se
pressent dans les lieux qu’ils animent. Des sujets tabous comme le métissage sont évoqués
dans les médias.
« Je suis content du projet Tamkine. Il faut continuer à sensibiliser dans des
quartiers qui ne connaissent pas les migrants. » (Un migrant ivoirien rencontré au
GADEM)
4.5 – Participation de Tamkine à la plateforme « Protection des femmes et des
enfants migrants »
La plateforme sous le nom de « Plateforme protection des femmes et des enfants migrants
victimes de violences sexuelles » a été impulsée par Terre des hommes en 2009, afin de
mieux coordonner les actions des partenaires et d’impliquer davantage des institutions
publiques et la société civile marocaine. Au départ, elle était uniquement orientée vers le
secours aux migrant(e)s victimes de violences sexuelles puis, sous l’impulsion de Tdh et du
GADEM, elle s’est élargie à la protection des migrant(e)s en général (charte finalisée début
2011). La plateforme, par la diversité de sa composition, répond à la diversité des facteurs
entrant dans la vulnérabilité des migrants: Caritas, FOO, AMANE, CEI, GADEM, Tdh, ALCS,
OEB, MDM, APS.
Les réunions de la plateforme ont pour but d’effectuer une synthèse des informations et
d’évaluer l’évolution de la situation globale, d’analyser des questions de fond au regard de
l’expérience des participants, et d’optimiser la complémentarité des services offerts par les
associations et collectifs spécialisés sur des questions spécifiques comme la santé. Des
réunions techniques entre les équipes ont lieu une fois par mois. Un comité de pilotage
permet une gestion concrète des cas avec échange d’informations confidentielles, en jouant
sur la complémentarité des ONG et le chevauchement (non pas la redondance) de leurs
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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compétences. Un collectif santé tous les mois répartit les tâches entre les associations,
chaque cas pouvant être pris en charge par deux ou trois.
« On discute entre gens de terrain sur les cas lourds, et on s’entraide à trouver
des solutions » (Caritas)
4.6 – Le point de vue des migrants et de leurs associations sur Tamkine
Le projet Tamkine-Migrants témoigne de l’expression croissante par les migrants eux-mêmes
de leurs besoins matériels, sociaux et symboliques. Ils ont mis en place des “collectifs” qui
jouent un rôle croissant, quoiqu’officieux, de médiateurs entre les ONG, la société civile et les
autorités marocaines. On parle de collectifs dans la mesure où ces groupes ne peuvent
encore se constituer en associations étrangères de droit marocain, cela supposerait que les
membres des bureaux soient titulaires de cartes de séjour, ce qui est rarement le cas. Les
associations de migrants (étrangers) peuvent théoriquement exister avec une autorisation
spéciale. Mais à ce jour, aucune association de migrants n’a été officiellement
enregistrée.
En 2011, plusieurs migrants du Maroc comme Reuben, musicien et chanteur ghanéen (treize
ans de vie au Maroc), sont partis à Dakar: trois semaines de bus pour le Forum mondial
alternatif et un forum musical du monde entier, « pour donner une voix aux migrants »
(Reuben, fondateur du groupe musical The Minority Globe (CD disponible)
Le Collectif des communautés subsahariennes de migrants au Maroc, présent dans
plusieurs villes, entend être à l’écoute de tous les problèmes liés à la condition de migrants
et promouvoir toutes les activités de sensibilisation à la question. Il dénonce les violences,
les arrestations, les zones de non-droit. Il entend aussi sensibiliser les migrants à
l’importance de l’accès aux soins et fournit des accompagnements dans le
système de santé. Il vise à servir de médiateur entre associations et pouvoirs publics.
L’ALECMA (dont le nom à l’origine Association de Lutte de l’Emigration au Maroc signifie
aujourd’hui Association Lumière sur l’Emigration Clandestine au Maghreb) a pour objectif de
faire la pleine information (la « lumière ») sur les conditions de vie des migrants. Elle est
localisée à Al Taqaddum à Rabat, où vit une grosse communauté de nigérians.
« J’ai pris conscience du « problème des femmes » en les voyant accoucher à la
maison, dans des conditions lamentables, sans accès au système de santé. » (Eric,
migrant camerounais, membre fondateur de l’ALECMA)
Le Conseil des migrants s’occupe de logement et de distribution de médicaments. La
Voix des Femmes migrantes, dirigée par une tchadienne, Hélène, répond aux femmes
ayant subi des violences sexuelles et les aide à trouver du travail.
Les associations souhaiteraient être davantage associées aux activités de la Plateforme
(PPM). Elles soulignent l’importance de tirer les leçons d’initiatives et expériences
informelles parmi les migrants.
« Parmi eux, il ya des professeurs, des soignants, des spécialistes des soins
d’urgence, des infirmières, des artisans et bien sûr aussi des artistes » (migrant
congolais).
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Les associations soulignent leur souhait de participer directement à la solution de leurs
propres problèmes, pourvu qu’on leur en donne la possibilité juridique.
« Les migrants ont des idées, il faut les juger sur les faits et prévoir des aides
pour la gestion et la comptabilité. » (Reuben) « Ce genre de choses n’a jamais été
tenté : utiliser les compétences des migrants. » (Eric, migrant camerounais)
4.7 – Capitalisation du logiciel et de la banque de données Pillango du projet
Tamkine
L’apport de Pillango, logiciel utilisé par le projet, est un point important de la capitalisation,
puisque se pose le problème de son utilisation ultérieure pour d’autres projets, par Terre des
hommes ou d’autres ONG.
L’outil est un système de gestion de données IMS (Information Management System), qui a
été produit dans le cadre d’un accord-cadre entre Tdh Lausanne et la société française
Wopata, qui s’en partagent la propriété intellectuelle. Il a été spécifiquement pensé par et
pour Tdh. C’est un système d’information pour des programmes, avec des modules
indépendants. Tdh Lausanne a mis gracieusement l’outil à disposition de Tdh Espagne qui ne
prend en charge que les coûts de développement et de l’adaptation au projet TamkineMigrants.
Tandis que la méthode de gestion de l’information est couramment employée dans les pays
du nord, elle l’a rarement été jusqu’à présent dans le cadre de l’action humanitaire. Le
logiciel a été conçu autour des problèmes, prioritaires pour Terre des hommes, de l’enfant à
protéger, et appliqué à Tyr au Liban, et au Maroc dans le cadre du projet dit des Petites
Bonnes (Winarouz) à Agadir en 2012 et 2013, où il a donné de bons résultats.
Le logiciel est fait pour la gestion des cas (« case management »). Il permet d’organiser et
de superviser le suivi des mères et enfants, d’améliorer la qualité du travail tout en gagnant
du temps et permettant le travail collectif à plusieurs mains sur l’ordinateur sécurisé. Il s’agit
d’un outil qui « permet tout simplement la réalisation du travail » (Vincent Tournecuillert,
Tdh). ll permet de calculer rapidement des indicateurs: nombre de séances d’écoute, de
femmes enceintes suivies, de naissances, de séances de formation…
Le logiciel a été élaboré sur la base d’une analyse des démarches entreprises par l‘agent
travaillant avec des personnes en difficultés d’un point de vue à la fois social et médical. Il
permet théoriquement de vérifier qu’on a « fait le tour » d’une situation, et d’envisager
immédiatement toutes les actions à conduire. Le caractère systématique et exhaustif du
bilan de départ correspond à une démarche rationnelle satisfaisante. Le logiciel transforme
une vision laborieuse d’éléments ponctuels successifs en un ensemble constamment mis à
jour, et suggère des améliorations de l’activité menée : par exemple, la base permet de
repérer si des bénéficiaires sont suivis régulièrement et si le niveau de risque reste inchangé,
ce qui incite à explorer d’autres démarches.
L’utilisation de la base a été une semi réussite en termes d’amélioration du suivi et des
performances de l’équipe Tamkine. Il nécessitait un temps important de compréhension et
d’adaptation, il s’est trouvé relégué au second plan par la gestion du quotidien et les
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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impératifs de l’action immédiate. L’utilisation de la base a coexisté avec le maintien d’autres
systèmes d’enregistrement jugés complémentaires.
Ces péripéties remettent-elles pour autant en cause la durabilité et l’utilité de la base sur le
long terme au sein de Tdh, dès lors qu’un certain nombre de précautions et d’adaptations est
respecté?
Recommandations pour Tdh et les ONG
Le logiciel Pillango peut être utilisé pour la gestion des cas dans un projet humanitaire, à
condition de :
•
Bien analyser la démarche initiale de l’agent dans le projet ;
•
Vérifier la pertinence des données sélectionnées ;
•
Consacrer du temps à la formation du personnel en informatique et sciences sociales
avec prise en compte de ses remarques, y compris celles sur les « défauts » du
logiciel ;
•
Tirer parti de l’outil pour des statistiques susceptibles ultérieurement d’être
compilées ;
•
Bien réfléchir à ses usages, à une vision pour le module, à une stratégie de son
déploiement, et aux moyens à mettre en œuvre pour vérifier la pertinence du
dispositif ;
•
Rester vigilant sur la charge de travail et l’adaptation intellectuelle que l’outil requiert
et valoriser les compétences acquises.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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III – Capitalisation
1 – Transfert des activités de Tamkine à d’autres structures
Le projet Tamkine s’achève. Il a contribué à prouver que les besoins médico-sociaux des
migrantes peuvent trouver solution, mais le travail reste grand: aussi se pose le problème de
la translation du savoir-faire à d’autres structures, étatiques ou non, suivant des approches
similaires ou un peu différentes.
Par le passé, des transferts ont eu lieu en fin de projet, à destination d’autres ONG et
associations marocaines. C’est dans cet esprit que des contacts ont été pris avec Ayn al
Ghazal, à Oujda, consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes, et avec l’INSAF
à Casablanca. Mais la première a fait valoir sa faible capacité d’hébergement, et une
difficulté à intégrer dans le groupe des marocaines en difficulté, déjà hétérogène, des
femmes « différentes ». La seconde (Institution Nationale de Solidarité pour les Femmes en
détresse) fondée en 1999, gère un foyer pour mères célibataires à Casablanca. L’INSAF
comme Ayn al-Ghazal démontrent que la situation bouge au Maroc : des mères célibataires
illettrées peuvent acquérir un métier, aller à l’école et même à l’université. En 2014, l’INSAF
a accueilli 800 femmes, dont 15 migrantes. L’association ne refuse pas a priori de les
mélanger (toutes les femmes rencontrent des problèmes analogues), et prône un droit
inclusif. Mais avec ses locaux de Casa et ses effectifs, elle ne couvre que 4% des besoins et
n’a donc pas les moyens d’une politique étendue aux migrantes, sauf si l’Etat intervient,
appliquant concrètement sa PIP (Politique Intégrative de l‘Enfant).
L’évolution de la situation politique marocaine, les appels d’offre du royaume et de l’Union
européenne vont ouvrir de nouvelles opportunités. Les actions comme le projet Tamkine,
menées par Tdh Espagne, Oum el-Banine et le GADEM, en particulier le volet médico-social,
trouveront leur place dans ce nouveau contexte, moyennant adaptations, et leur efficacité en
sera augmentée, dès lors que les obstacles juridiques et politiques à leur plein « rendement
» seront levés.
2 – Vers une amélioration de la santé des migrants et de la
société marocaine dans son ensemble
2.1 – Le programme ministériel
Le tournant historique se confirme en effet. Le ministère de la migration (120 personnes)
déploie une intense activité (entretien avec Mme Zouggari, directrice du département de la
migration et avec Mehdi Mounchid, chargé du partenariat avec les associations et les
institutions). Le gouvernement relaie la volonté royale d’assurer une meilleure égalité des
chances entre les citoyens et relève le défi de l’immigration.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Selon le ministère, il y aurait environ 40000 immigrants irréguliers (chiffres plus élevés que
ceux des journaux et de la littérature). 15000 se sont présentés pour la régularisation. Il y a
8200 migrants régularisés avec cartes de séjour, 4000 réfugiés statutaires enregistrés par le
HCR, dont certains en situation précaire. Les informations restent insuffisantes : une étude
biocomportementale sur les migrants a été diligentée. Trois projets de loi sont en
préparation : sur le droit d’asile, sur le statut de réfugié et ses multiples acceptions, et sur la
répression de la traite.
Conscient du caractère interdisciplinaire du programme impliqué, le département prépare
des conventions avec d’autres ministères : santé, travail, justice, éducation, culture,
jeunesse et sports, et … finances. Au titre du budget 2015, il lance un appel à projets en
direction des associations pour l’intégration des migrants résidant au Maroc. L’appel d’offres,
très large, ne porte pas mention de la santé, mais peut évidemment admettre des projets
dans ce domaine. Le département s’occupe aussi du dossier de régularisation des
associations de migrants. Pour un certain nombre de projets, il faudra rechercher des
bailleurs de fonds et se tourner vers l’Union européenne.
Il est aussi prévu de signer des accords de coopération avec d’autres pays d’Afrique, et de
déployer une politique africaine du Maroc: le roi a effectué de nombreux déplacements sur le
continent.
L’agence dirigée par le Dr Roustane Hamdi (Capital Consulting) accompagne le nouveau
ministère dans une démarche diagnostique. Il est prévu, d’ici septembre 2014 :
1. d’organiser des rencontres avec différents intervenants ;
2. de lancer une grande enquête auprès de 1000 migrants ;
3. de tirer les enseignements des dispositifs migrants dans d’autres pays (benchmarking
ou parangonnage)
4. d’aider à l’élaboration d’une vision stratégique ;
5. d’élaborer un plan d’action.
2.2 – Le point de vue de l’Union européenne
L’Union européenne à Rabat a suivi attentivement ce projet qu’elle a financé, en particulier le
volet santé. Caroline Frieh-Chevalier, UE, chargée du secteur santé, confirme son intérêt
pour les résultats de Tamkine. L’Union européenne a un programme, le PASS (Programme
d’Appui Sectoriel Santé) avec 4 axes dont la santé des migrants, qui sera reconduit en 2015.
Les ONG pourront rebondir sur le prochain appel d’offres. Les indicateurs seront revus à
cette occasion. L’étude biocomportementale sur la santé des migrantes en situation
irrégulière (Johnston, 2013) sera refaite tous les deux ans. Un Plan intégré pour la
promotion de la santé auprès des migrants a été élaboré, (il n’était pas encore
diffusé à la date du 6 juin), qui a tenu compte des apports de Tamkine. Il pourrait y avoir un
« concours de qualité » au niveau des maisons d’accouchement, création d’équipes mobiles
de santé et un remaniement du statut des sages-femmes.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
31
Le gouvernement marocain a créé une instance consultative sur les questions de
« gouvernance sanitaire ». Certains membres ont été désignés comme « focal points »,
interlocuteurs privilégiés auprès de l’UE, comme la responsable de l’appui psychologique et
social dans la lutte contre le sida à la direction marocaine de l’épidémiologie et de la lutte
contre les maladies (DELM), le Dr Amina Latifi, qui est soutenue par le Fonds mondial et
l’ONUSIDA.
« Quand le plan sera adopté, les choses changeront. » (Caroline Frieh-Chevalier,
Délégation de l’UE, Rabat, secteur santé)
Le présent rapport pourrait être utilisé pour la mise en place du plan, ainsi que les
recommandations sur lesquelles il se termine.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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IV – Conclusions et recommandations
1 – Conclusions
Le rapport de capitalisation du projet Tamkine-Migrants est une forme de restitution et de
retour d’expérience et de renforcement d’un message destiné aux autorités et aux décideurs.
De l’avis même de la délégation de l’Union européenne à Rabat, le projet Tamkine et de
façon plus générale les ONG jouent un rôle crucial en ce qu’elles mettent le doigt sur les
points faibles des politiques (en l’occurrence de santé) et les faiblesses du système pour les
éléments les plus vulnérables de la population (dont les migrants). Les ONG détiennent des
informations précises qu’elles sont parfois les seules à posséder en raison de leurs activités
sur le terrain et de leur écoute des populations et des groupes à risque. Elles « pointent les
problèmes là où ils sont » (Caroline Frieh-Chevalier, UE), pour que l’initiative soit relayée
sans délai par les pouvoirs publics, les ONG et les associations.
Le projet Tamkine-Migrants a contribué:
•
A identifier les violations des droits des migrants
•
A démontrer la faisabilité d’une nouvelle politique migratoire, incluant une
approche multisectorielle de la santé ;
•
A identifier les bonnes pratiques en matière de santé;
•
A créer des courroies de transmission entre les organisations humanitaires et les
services publics.
Mais les acquis restent fragiles, les migrants ne sont pas encore intégrés au droit
commun, le programme reste « inabouti ». Le droit à la santé pour tous, y compris
les migrant(e)s ne peut prendre tout son sens que dans une société comprenant,
acceptant et appliquant la nouvelle réglementation. Le fer de lance de la
capitalisation est l’institutionnalisation des dispositifs expérimentés d’écoute
et d’orientation.
Le rapport de capitalisation permet de dégager un certain nombre de principes :
•
Reconnaître la complémentarité des fonctions de l’Etat et des rôles assumés par
la société civile ;
•
Exhorter l’Etat à autoriser les associations (y compris de migrants) et travailler
avec elles. De leur côté, il faut que les associations sortent de leur principale
fonction de critique et de dénonciation et élaborent des propositions
constructives ;
•
Prêter attention à la formation et à la sensibilisation du personnel marocain du
système de santé aux besoins et droits des migrants, et valoriser le statut de ce
personnel ;
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
33
•
Considérer les migrants comme des citoyens potentiels et comme une source de
richesses sur le sol marocain, en accord avec les investissements importants,
matériels et symboliques, consentis par le Maroc à l’Afrique.
En conclusion, il s’agit, sans perdre le réflexe de « charité », ancré dans une histoire et une
tradition respectable au Maroc, d’introduire et diffuser la notion de droit, qui peut s’ancrer
dans une réflexion sur l’honneur et la dignité des membres de la société marocaine, toutes
origines confondues.
2 – Recommandations
Nous recommandons à Terre des hommes
1. De valoriser la base de données Pillango du projet Tamkine : de tirer parti de sa
richesse documentaire en termes d’état des lieux de la migration subsaharienne
féminine, d’analyse des enjeux sociaux de la santé, de repérage et évaluation des
risques de santé encourus et du degré de vulnérabilité ;
2. De poursuivre son exploration prospective comme outil de gestion et de recherche ;
3. D’impulser des événements autour des réalisations des programmes de santé
migrants, donnant sa pleine visibilité au bilan du projet Tamkine et au problème de
l’environnement de l’enfance migrante, avec l’appui de l’Union européenne.
Nous invitons les autorités marocaines à examiner les propositions suivantes :
En termes d’accès à la santé
4. Permettre l’accès des migrant(e)(e)s en situation irrégulière aux soins de santé de
base, en application des engagements du Maroc en matière de droits humains, et en
conformité avec l’esprit de la déclaration du Roi de septembre 2013 ;
5. Poursuivre l’action visant à intégrer les migrant(e)s dans les programmes de santé
publique ;
6. Simplifier les procédures pour bénéficier du RAMED, inclure les professions dites
indépendantes, ce qui veut dire le secteur informel, et y adjoindre les migrants ;
7. Soutenir un programme de RAMED élargi et consolidé commun pour les démunis ;
8. Informer les migrants sur les filières de soins et le fonctionnement des services
publics de santé ;
9. Emettre une circulaire pour faciliter l’obtention du certificat de naissance par les
mères, sans condition financière ou administrative ;
10. Développer des instruments pour protéger les femmes victimes de violence ou
d’exploitation sexuelle.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Concernant les associations de migrants
11. Reconnaitre officiellement des associations de migrants, sans condition non appliquée
aux autres associations d’étrangers sur le sol marocain, comme celle de compter
dans leurs rangs des marocains ;
12. Leur permettre ainsi d’être éligibles pour déposer des projets directement auprès des
bailleurs de fonds, et pouvoir les faire évaluer ;
13. Explorer et mettre en valeur les ressources et les compétences des communautés de
migrants pour le pays d’accueil.
Concernant le renforcement des compétences professionnelles en santé
14. Inclure dans l’enseignement médical des connaissances sur le diagnostic des
affections tropicales et parasitaires ;
15. Développer un enseignement de sciences sociales (économie de la santé,
socioanthropologie, psychologie, éthique) au sein des curriculums du futur personnel
de santé ;
16. Adapter la formation initiale du personnel du système de santé, en particulier sagesfemmes, médecins, pharmaciens, infirmier(e)s, aide-soignant(e)s et assistantes
sociales, à la prise en charge des malades démunis (migrants et autres) ;
17. Prévoir des sessions de formation du personnel de santé concerné aux problèmes
particuliers des migrant(e)s et à leurs droits ;
18. Former le personnel à l’anglais en vue des relations avec les anglophones ;
19. Repérer les compétences d’infirmières ou de sages-femmes migrantes, qui pourraient
contribuer au fonctionnement des structures de santé et à l’approche interculturelle
du personnel de ces structures ;
20. Prévoir la formation spécifique de migrant(e)s (pairs intervenants), y compris dans
les zones frontières où sont concentrés les migrants, pour intervenir à propos
d’hygiène, de dépistage, de vaccinations auprès des communautés (peer education).
Concernant les maladies transmissibles
21. Continuer à soutenir le rôle joué par l’ALCS et ses partenaires dans la lutte contre le
VIH et les MST d’un point de vue médical et social à la fois ;
22. Appliquer ce modèle de dépistage et médiation thérapeutique à d’autres affections
qui au Maroc touchent un grand nombre de personnes, comme les hépatites, en
particulier l’hépatite C ;
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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23. Développer des outils pour mieux évaluer la prévalence des maladies transmissibles,
dont les hépatites et aussi la tuberculose et ses formes résistantes, voire
ultrarésistantes, qui soulèvent de difficiles problèmes de diagnostic et de gestion ;
24. Recueillir l’information épidémiologique aux différents échelons du système de santé
pour vérifier la pertinence des dispositifs de surveillance et de dépistage introduits et
éventuellement les modifier ;
25. Vérifier l’institutionnalisation et le fonctionnement d’un dispositif de prise en charge
des violences sexuelles dans les hôpitaux.
Pour une sensibilisation multisectorielle
26. Favoriser dans les écoles primaires l’intérêt pour la reconnaissance de l’Autre ;
27. Rechercher et souligner les bases historiques profondes de l’interculturel au Maroc
dans les manuels à destination des écoles et dans la formation des enseignants ;
28. Renforcer cet enseignement dans les instituts de formation comme l’IFAD (Institut de
formation des agents de développement à Rabat), l’Agence de développement social
à Rabat, l’Institut national de l’action sociale de Tanger, etc. ;
29. Permettre à tous les citoyens une meilleure connaissance de l’histoire marocaine et
des échanges avec le reste du continent africain ;
30. Présenter dans les médias des figures de cette migration: marchands, savants,
religieux, étudiants, illustrant l’enrichissement mutuel.
Pour une politique à long terme
31. Intégrer le soin aux jeunes enfants dans une politique à long terme concernant son
éducation et le suivi de son développement physique et intellectuel, en tenant
compte des ressources variées et variables de son milieu maternel, familial et
communautaire.
Nous recommandons aux autorités marocaines et aux ONG
32. De collaborer au sein de la Plateforme pour la Protection des migrants, fonctionnant
comme une zone d’échange permettant de mener des actions transversales en
commun ;
33. De poursuivre des discussions, au sein de la plateforme ou non, avec les
représentants des ambassades concernées ;
34. De prendre le relais des initiatives telles que celles de Tamkine-Migrants, et mettre en
œuvre les bonnes pratiques qui ont été expérimentées et signalées à cette occasion.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Nous encourageons l’UE et les organisations internationales
35. A ouvrir encore l’offre à des programmes transsectoriels (santé, éducation, formation
professionnelle des migrants), reconnaissant ainsi le caractère multifactoriel du droit
à la santé ;
36. Et à continuer d’appuyer les initiatives marocaines pour améliorer les services de
santé et faciliter l’accès des migrants.
Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
Rapport de capitalisation sur le volet médicosocial du projet « Tamkine-Migrants »
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Bibliographie
1 – Documentation primaire
2 – Documentation secondaire
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Une approche médicosociale pour les femmes migrantes au Maroc – Septembre 2014
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Projet cofinancé par
l’Union Européenne
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