Fiche pédagogique Entretien avec Khedafi Djelkhir, vice

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Fiche pédagogique Entretien avec Khedafi Djelkhir, vice
Fiche pédagogique
Entretien avec Khedafi Djelkhir, vice-champion
olympique de Boxe, Pékin, 2008
Résumé
- Comprendre des arguments prônant un monde différent (qu’est-ce
qu’une utopie en politique ?)
- Comprendre les enjeux politiques, et pas seulement sportifs, dans une
manifestation mondiale comme les jeux Olympiques
- Découvrir certains aspects de la citoyenneté (concourir pour représenter
son pays…)
Publics et disciplines
Collège et Lycée (Education Physique et Sportive) ; Collège (Éducation
civique) ; Classe de 3e (Français – sur l’argumentation) ; Lycée général et
technologique (classes de 2nde GT, 1re et Terminales S, ES et L (Français –
sur l’argumentation) ; BEP et Lycées professionnels
Durée et nombre de séances
En EPS, une séance d’une heure suffit pour la lecture du texte (et le
visionnage de la vidéo), suivie d’une discussion sur les valeurs portés par
le sport, telles que les présente K.Djelkhir. La séance peut intervenir à
tout moment de l’année scolaire, au tout début comme plus tard, si le
professeur juge nécessaire de redire ce que sont les buts du sport, si
l’esprit général de la classe se dégrade.
En Instruction civique, on peut consacrer une ou deux heures à l’étude de
l’entretien, en axant sur les différents aspects abordés : nationalité,
citoyenneté, représentation du pays à l’étranger, tolérance et résolution
des conflits par d’autres modes que la violence.
En Français (3e), une heure permet de mettre en évidence des arguments
profonds développés dans un style simple et très accessible.
Au lycée, on peut en deux heures explorer de façon approfondie les
ressorts argumentaires, et discuter des idées émises par K. Djelkhir.
Objectifs disciplinaires et éducatifs
En EPS, par le biais d’un sportif exemplaire, prohiber d’emblée toute
pratique violente et le refus du jeu collectif. Faire comprendre aux élèves,
quel que soit leur niveau, que le sport est porteur de valeurs, et n’est pas,
à leur niveau en tout cas, un mode de starification, mais une façon de
jouer en collectivité et de promouvoir des valeurs citoyennes.
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Entretien avec Khedafi Djelkhir, vice-champion olympique de Boxe, Pékin, 2008
En Instruction civique, développer la capacité à s’ouvrir à l’autre, à
résoudre les conflits autrement que par la violence, à découvrir le sens
d’une utopie et son rôle moteur dans l’envie d’un monde meilleur.
En Français, développer la capacité à argumenter, décrypter les raisons de
l’utilisation de certains arguments qui peuvent a priori sembler peu
crédibles de nos jours.
Sur le plan éducatif, développer la capacité de l’élève à comprendre les
individus ou les communautés avec lesquels nous partageons l’espace, le
travail, les souffrances et les joies – comme lors d’une compétition
sportive.
Place dans la programmation
Éducation civique, toutes les classes du collège
*Français 3e « Expression écrite »
Les activités d’écriture permettent à l’élève d’affiner l’expression de soi, de développer et
d’affirmer son point de vue dans l’argumentation, de mettre l’accent sur
l'implication et l'engagement
(opinion, conviction, émotion), ou au contraire, la mise à distance et le détachement
(objectivité, distance critique, humour). (BO spécial 26.08.2008 ; c’est nous qui
soulignons)
* Éducation civique, juridique et sociale 2nde, avec les notions
d’intégration, de droits civils et politiques, sociaux et économiques
« Ces notions [...] permettent de comprendre le sens de la citoyenneté en partant des
expériences des élèves et de leurs représentations. »
* Éducation civique, juridique et sociale 1re S, ES et L, « Exercice de la
citoyenneté. République et particularisme »
« Toute société est diverse. Elle réunit, par définition, des populations dont les origines
historiques, les convictions religieuses et les conditions sociales sont différentes. La
République reconnaît aujourd'hui ces particularismes et organise leur gestion. La
citoyenneté n'implique pas que les individus abandonnent leur identité propre ou leur
volonté d'affirmer leur fidélité à un passé historique particulier ou à des croyances
religieuses personnelles. Tout au contraire, elle garantit que ces manifestations peuvent
se faire librement, à condition que soient respectées les lois qui organisent les libertés
publiques. »
* Éducation civique, juridique et sociale BEP et lycées professionnels
« De grandes questions concernant par exemple l'exclusion sociale des plus pauvres ou
encore les problèmes liés à l'intégration des minorités dans la république, fournissent des
matériaux abondants. »
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Entretien avec Khedafi Djelkhir, vice-champion olympique de Boxe, Pékin, 2008
1. Khedafi Djelkhir, un boxeur pour un monde meilleur
Khedafi Djelkhir est un boxeur français, né à Besançon en 1983. Il a
atteint les huitièmes de finale des Jeux olympiques d’Athènes, en 2004,
puis a été vice-champion olympique dans la catégorie des poids plumes
(57 kg) lors des Jeux olympiques de Pékin en 2008. Suite à cette médaille
d’argent, il est devenu professionnel. Il n’oublie ni ses origines, ni sa ville,
Besançon : il a créé une académie de sport destinée aux jeunes de toutes
origines, et souhaite véhiculer un message de tolérance et de solidarité
entre les êtres humains. Il s’engage dans la vie sociale, et pas seulement
sportive, de sa région.
Le texte qui suit est une version écrite d’un entretien visible sur :
http://migrations.besancon.fr/index.php?option=com_content&task=view
&id=635&Itemid=349
Le site internet personnel de Khedafi Djlekhir est : http://www.khedafidjelkhir.com
Le texte de l’entretien
Le texte proposé est un extrait, tiré de l’entretien de Khedafi Djelkhir,
publié sur le « Parcours jeunes » du site internet migrations.besancon.fr.
Cet entretien figure à la fois en vidéo et en version écrite (les deux
versions sont quelque peu différentes, en fonction des partis pris
éditoriaux retenus).
On utilise souvent le sport pour faire passer un message, et c’est
beaucoup plus facile pour la jeunesse d’aujourd’hui d’entendre un
message à travers le sport plutôt que de d’écouter quelqu’un qui lui fait la
morale. Le sport a valeur d’exemple pour les jeunes et pour les moins
jeunes aussi. Le sport, c’est le respect de l’adversaire, le respect de
l’autre.
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Entretien avec Khedafi Djelkhir, vice-champion olympique de Boxe, Pékin, 2008
Avec la boxe, on touche là à un sport très difficile. C’est un sport de
percussion, on prend des coups. On acquiert beaucoup d’humilité. Et c’est
ça qui fait la beauté de ce sport. Il existe dans la boxe des sportifs qui
prennent la grosse tête, mais au fond d’eux ils le savent : prendre des
coups, c’est pas humain, l’être humain n’a pas été fait pour prendre des
coups, ni pour en donner d’ailleurs. Mais voilà : c’est à travers cette
difficulté-là que l’on prend conscience des choses très rapidement.
Dans la boxe, il y a un règlement à respecter. Dans un combat de boxe,
on voit deux bonshommes qui se tapent dessus – je grossis la chose –, ils
se tapent dessus mais à la fin du combat il y a une accolade. Il n’y a pas
forcément des millions en jeu. Voilà, il y a une accolade, il n’y a pas de
haine. Et pourtant le but, au début, c’est de faire mal à son adversaire.
Mais regardez le foot, un sport extrêmement médiatisé, avec beaucoup
d’argent en jeu. Ce qu’il faut, c’est marquer des buts, et pourtant on voit
des coups qui marquent un manque de respect de l’adversaire. On peut
dire que la boxe est un sport violent, d’accord, mais il y a moins
d’incidents sur un ring que sur un match de foot, à cause du règlement, et
parce que le boxeur a une grande humilité, contrairement à d’autres
sportifs qui, eux, ne prennent pas de coups. C’est le fait de prendre des
coups qui nous fait prendre du recul.
Lorsque j’étais aux Jeux, nous étions tous là, de cultures différentes, de
pays différents, de couleurs différentes, et on s’entendait très bien. Tout
allait bien. On mangeait tous pareil, on se baladait, on échangeait, c’était
ça la beauté des Jeux. Et c’est grâce à quoi ? Grâce au sport. On ne peut
pas avoir un monde pareil, où tout le monde serait heureux comme on est
aux Jeux ? Vivre la même chose à l’échelle mondiale, à l’échelle
planétaire. On ne peut pas l’avoir ? Parce que je ne regarde pas si c’est un
Chinois, si c’est un Black, un Arabe. Je ne calcule pas. C’est un sportif et
je le considère comme tel. Mais dans la société dans laquelle on est
aujourd’hui, on se met des limites. Je pense que c’est un manque
d’intelligence, il faut surmonter ces épreuves-là, il faut passer ces
barrières et passer à autre chose. Avec le sport, aux Jeux, il n’y a pas ce
genre de problèmes.
Au retour de Pékin, je suis rentré à la maison, et volontairement, je n’ai
dit à personne quand je revenais à Paris. Parce qu’on voulait m’envoyer
une voiture avec chauffeur, et tout. J’ai seulement prévenu deux de mes
amis qui sont venus à Paris. On a passé la nuit à Paris, ensuite ils m’ont
ramené chez moi. Ma famille m’attendait, bien entendu, très heureuse. Et
lorsqu’ils m’ont vu, tout fatigué avec mes sacs et tout, ma maman, mes
frères et sœurs sont tombés en larmes. Tout le monde pleurait comme ça,
mais de joie. J’ai pas l’habitude de voir tout le monde pleurer, et lorsque
je les ai vus, moi aussi j’ai laissé tomber quelques larmes. C’était des
larmes de joie, comme pour dire : voilà, la pression est retombée, j’ai
réussi, on l’a fait et on vient de loin. On sait d’où on est partis et on sait
aujourd’hui où on est arrivés. En quelque sorte, leurs larmes, c’est ce
qu’elles voulaient dire : je sais que tu as galéré pour arriver à cette
médaille d’argent, on sait le travail que tu as fait, et c’est pour ça qu’ils
ont pleuré parce qu’ils étaient contents.
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2. Les thèmes abordés
L’entretien a été réalisé à Besançon en janvier 2009, soit quelques mois à
peine après la médaille d’argent décrochée par Khedafi Djelkhir. Les Jeux
olympiques avaient été l’occasion de polémiques parfois intenses sur le
caractère du régime politique chinois, notamment à cause de la répression
des bouddhistes tibétains. L’opportunité de participer ou non aux Jeux
avait même été mise en question par de larges secteurs de la société
française. En filigrane, la critique du totalitarisme bureaucratique du parti
communiste chinois amenait l’idée qu’une autre forme de société était
possible, ou devait l’être forcément pour en finir avec la dictature du parti
unique en Chine.
D’autre part, K. Djelkhir, lui-même issu d’un milieu modeste, né et grandi
dans un « quartier », connaissait cette difficulté que beaucoup de
personnes rencontrent à s’insérer dans la société. Les engagements
associatifs qu’il a pris à son retour des Jeux démontrent son intérêt aigu
pour les questions sociales, l’insertion des jeunes, etc.
Les thèmes qu’il aborde au cours de cet entretien dépassent ainsi très
largement la question du sport par rapport aux migrants et à leur
intégration.
Le découpage thématique de l’entretien, extrêmement simple, correspond
aux paragraphes.
Premier paragraphe : le sport comme moyen de faire passer un message.
Deuxième paragraphe : respect des règles, sur un ring comme dans la
société, respect d’autrui.
Troisième paragraphe : une autre société est sans doute possible.
Quatrième paragraphe : la gloire et le succès ne peuvent faire oublier
l’humanité qui est en chacun de nous.
Le sport peut être une façon efficace de faire passer un message
dans la société contemporaine.
Conscient de la valeur médiatique de sa médaille et de la possibilité que
cela lui donne de faire passer un message, K. Djelkhir pense surtout aux
défis sociaux que doit relever la société dans laquelle il vit, et il ne pense
pas à en retirer un profit personnel.
Le sport comme école de la vie en société, pour des rapports plus
humains, un respect intégral de l’autre.
Il ne s’agit pas seulement de l’intégration des seuls immigrés par
l’intermédiaire du sport de haut niveau, intégration qui pose souvent
problème, car tout le monde ne peut pas avoir le talent d’un Kopa
(footballeur français d’origine polonaise des années 1950-1960) ou d’un
Zidane (d’origine immigrée lui aussi). Dans l’entretien, le boxeur se place
sur un autre niveau, que l’on peut qualifier d’humaniste au sens fort.
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La possibilité d’une société autre, utopique même, que permet
d’entrevoir la vie des sportifs entre eux, lors d’un événement
comme les Jeux olympiques.
Les différentes couleurs de peau, les différences culturelles, les
nationalistes diverses renforcent, dans l’argumentation du boxeur, l’idée
qu’une société autre est possible : selon lui, même ces différences,
extrêmes, n’empêchent pas les individus de se réunir pour vivre en
commun non seulement des moments exceptionnels dans leur vie, mais
aussi pour recréer une société humaine et fraternelle.
Le respect des règles, des lois, des différences entre les êtres
humains.
K. Djelkhir s’appuie sur l’exemple de la boxe pour argumenter en faveur
de règles, fixées entre les êtres humains et acceptées par eux, pour
établir des rapports humains. Le contre-exemple qu’il emploie est les
manquements aux règles dans le football. Dans ce sport, pratiqué par
nombre des jeunes Français, l’enjeu n’est pas, comme dans la boxe, aussi
dramatique, tandis que lors d’un combat de boxe, un coup interdit peut
avoir des conséquences extrêmement grave (cf. le film Million dollar baby,
de Clint Eastwood : l’héroïne, boxeuse, reçoit un coup interdit, qui la rend
tétraplégique et la conduit finalement à la mort). Ainsi, le boxeur bisontin
pose la vie et le respect absolu de l’adversaire comme ce qui lui permet
d’accéder à un niveau de conscience de l’humanité supérieur : c’est parce
que l’on risque sa vie et que l’on peut à l’extrême limite tuer l’adversaire
si l’on fait n’importe quoi que le boxeur apprend le respect des règles.
L’humanité des sportifs, qui ont des sentiments, des émotions,
très fortes à la fois lorsqu’ils pratiquent leur sport et aussi
lorsqu’ils retrouvent les leurs, ceux qui les ont soutenus.
Le sport n’apparaît pas, au cours de l’entretien, comme une fin en soi,
mais bien comme une façon de se réaliser. Lorsqu’il rentre de ses Jeux,
qui constituent pour lui un vrai moment de gloire, K. Djelkhir refuse la
voiture qui vient le chercher tout exprès, et préfère revenir avec ses amis,
afin de retrouver sa famille en toute simplicité. Il donne ainsi une grande
leçon d’humilité, et montre que l’échelle de valeur des événements de la
vie n’est pas forcément de placer la recherche de la renommée et du
prestige au-dessus de tout le reste – il s’inscrit ainsi nettement contre
l’évolution « people » de notre société.
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3. L’adaptation, de la vidéo au témoignage écrit
En classe de Français, on peut travailler sur la comparaison entre le texte
de l’entretien retranscrit et les paroles réellement prononcées par K.
Djelkhir. Ainsi, le texte écrit ne correspond pas exactement aux paroles de
K. Djelkhir. On peut demander par exemple aux élèves : « A votre avis,
pourquoi ? » Cela peut permettre d’en déduire la volonté des responsables
du site internet par rapport aux documents écrits qu’ils publient.
En revanche, Les questions disparaissent, tant dans la vidéo que dans la
version écrite : « A votre avis, pour quelles raisons ? Pourriez-vous
reconstituer les questions posées ? »
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Entretien avec Khedafi Djelkhir, vice-champion olympique de Boxe, Pékin, 2008
4. Bibliographie
Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France (XIXe –
e
XX siècle. Discours publics, humiliations privées, Fayard, 2007.
Et, pour réfléchir à l’hypothèse d’une abolition des frontières :
Migrations sans frontières. Essais sur la libre circulation des personnes,
textes publiés sous la direction d’Antoine Pécoud et de Paul de
Guchteneire, Unesco, coll. « Études en sciences sociales », 2009.
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