Projet pilote de soins d`avortement complets dans le Tigray en
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Projet pilote de soins d`avortement complets dans le Tigray en
Projet pilote de soins d’avortement complets dans le Tigray en Éthiopie Résumé du rapport final L’avortement à risque cause chaque année la mort de près de 47 000 mères et des milliers de morbidités dans le monde, pour la plupart dans les pays en développement.1 L’Éthiopie, deuxième pays d’Afrique subsaharienne par sa population, où le taux de fécondité est élevé et l’usage de la contraception peu répandu, pourrait nettement réduire la charge des décès maternels en élargissant l’accès aux services liés à l’avortement sécurisé ainsi qu’à des méthodes modernes de contraception. Le taux de mortalité maternelle en Éthiopie est de 673 décès pour 100 000 naissances vivantes et on estime que 32 % de ces décès sont le résultat d’avortements à risque.2,3 La mise à disposition de l’avortement médicamenteux permettrait d’élargir l’accès à des services d’avortement sécurisé et d’accroître la qualité des soins dans les lieux où les compétences et l’équipement nécessaires à une évacuation par méthode chirurgicale font défaut. En outre, l’extension à d’autres niveaux de formation sanitaire et de prestataires formés à des services d’avortement sécurisé peut élargir l’accès des femmes à ces services, en particulier dans les zones rurales. En mai 2009, le Bureau régional de la santé publique du Tigray, dans le nord de l’Éthiopie, le Bixby Center pour la pérennité et la santé des populations de l’université de Californie a Berkeley et Venture Strategies Innovations (VSI) ont mis en place un projet pilote de prestations de soins complets d’avortement (SCA). Ce projet pilote a été déployé dans quatre hôpitaux, neuf centres de santé et vingt dispensaires dans trois zones de la région du Tigray (Figure 1). Il avait pour but de recueillir des informations empiriques à l’appui du développement de directives de services et de directives cliniques pour la prestation de SCA en Éthiopie et de contribuer à réduire la morbidité et la mortalité liées aux avortements à risque. CONCEPTION DU PROJET Figure 1 : Les sites du Projet SCA : Tigray, Éthiopie Ganta Afeshum Hôpital d’Adigrat 1 centre de santé Kola Tembien Hôpital d’Abiy Adi 3 centres de santé 20 dispensaires Mekele Hôpital de Mekele Hôpital d’Ayder 5 centres de santé La conception de ce projet comprenait cinq stratégies Légende : visant à assurer la bonne intégration des SCA à tous les Site du programme niveaux du système de santé : pilote de SCA – Élaboration de directives sur la prestation de services et de protocoles médicaux pour chaque niveau de prestataires de soins et de formation sanitaire pour assurer des services d’avortement sécurisé; – Formation de tous les prestataires, y compris des agents de vulgarisation sanitaire (AVS), dans les formations sanitaires pilotes, pour l’intégration des composantes des SCA au niveau des dispensaires, des centres de santé et des hôpitaux (Figure 2) ; – Prestation de services d’avortement sécurisé, notamment d’interruption de grossesse sécurisée et de traitement des avortements incomplets, à tous les niveaux du système de santé, en faisant appel à diverses catégories de prestataires de soins ; – Services de contraception après avortement proposés aux femmes ayant sollicité les services d’avortement sécurisé, avec conseil, fourniture de toutes les méthodes disponibles et orientation vers d’autres services ; et – Établissement de liaisons précises pour l’orientation vers d’autres services à tous les niveaux. RÉSULTATS Figure 2 : Composantes des SCA Les centres de santé et hôpitaux ont recueilli des données sur les services de SCA de juillet 2009 à septembre 2010 (15 mois). La Traitement des Interrupcon de avortements prestation par des AVS de services de SCA a été mise en œuvre en grossesse sécurisée incomplets deux phases (sur 18 mois), afin de surveiller et d’évaluer en permanence leur aptitude à fournir des services d’avortement sécurisé : SCA Phase 1 -‐ (juillet-‐décembre 2009) Les AVS ont évalué les patientes se présentant pour des services Services de Orientacon vers d’avortement sécurisé, en déterminant notamment la taille de contracepcon une autre structure l’utérus en semaines de gestation, puis les ont orientées vers un centre de santé ou à un hôpital pour vérification de la taille utérine et traitement. Phase 2 -‐ (janvier-‐décembre 2010) Les AVS ont réalisé des avortements sécurisés et traités les avortements incomplets avec du misoprostol, en orientant les patientes selon les protocoles cliniques. Tableau 1 : Nombre de cas liés à un avortement Les données de cette analyse comprennent des informations dans les formations sanitaires pilotes recueillies sur des formulaires de prestation de services établis pour 4 354 femmes demandant des services d’avortement Centre N=4 354 sécurisé dans les formations sanitaires pilotes et sur 2 210 entretiens de sortie de patientes. Un peu plus de la moitié de ces Dispensaire 78 (1,8 %) cas ont été vus à l’hôpital (63 %), notamment les cas compliqués Centre de santé 1 556 (35,7 %) et ceux présentant une taille utérine importante (Tableau 1). Une Hôpital 2 720 (62,5 %) proportion significative des cas s’est toutefois présentée dans les Source : Formulaire de prestation de services centres de santé et les dispensaires (38 %). Les AVS peuvent assurer des services d’avortement sécurisé de qualité Les AVS ont été efficaces dans la prestation de services d’avortement sécurisé au niveau des dispensaires. Pendant la phase 2, 66 femmes ont demandé des services d’avortement sécurisé auprès des dispensaires. Les AVS ont procédé à des interruptions de grossesse sécurisées avec du misoprostol pour 43 de ces femmes, traité 7 cas d’avortement incomplet avec du misoprostol, et ont orienté 16 femmes vers d’autres structures en raison de leur taille utérine ou de complications. Ils ont ainsi démontré qu’ils pouvaient suivre correctement les protocoles de traitement et d’orientation, en étant conscients de leur aptitude à traiter les patientes dans les dispensaires ou à adresser à des structures de niveaux supérieurs celles dont le traitement requérait des ressources ou des compétences qu’eux-‐mêmes ne possédaient pas. La majorité des services d’avortement dans les centres de santé et les hôpitaux ont été assurés par des infirmières Dans les centres de santé, les infirmières ont assuré environ les trois quarts (73 %) des interruptions de grossesse sécurisées et traité presque la moitié des cas d’avortement incomplet (49 %) ; les cadres des services de santé ont traité la plupart des patientes restantes (Figure 3). Dans les hôpitaux, les infirmières se sont chargées de presque toutes les interruptions de grossesse sécurisées (98 %) et des cas d’avortement incomplet (98 %). Les médecins n’ont effectué que 2 % de chacune de ces procédures. En transférant la majorité des cas aux prestataires des échelons moyens, on réserve le temps des intervenants de plus haut niveau pour les cas compliqués, ce qui économise les ressources humaines et financières du système de santé publique. Adoption rapide des méthodes médicamenteuses La plupart des interruptions de grossesse sécurisées (94 %), à tous les niveaux des formations sanitaires, et plus de trois quarts des cas d’avortement incomplet dans les dispensaires et les centres de santé ont été traités par des méthodes médicamenteuses (mifépristone-‐misoprostol ou misoprostol seul). Figure 3 : Prestataire des services en lien avec l’avortement, par niveau de formation sanitaire et type de service^ Health enter clients Patientes dces centres de santé 100% 80% 3% Hospital clients Patientes des hôpitaux 2% 2% 98% 98% 23% 46% 60% 40% médecin Doctor 73% cadre doe santé Health ĸcer infirmière/ Nurse/midwife 49% 20% sage-‐femme 0% Safe Avortement sécurisé terminaƟon (N=1,523) Traitement d’un Avortement Treatment of Safe avortement sécurisé incomplete terminaƟon incomplet aborƟon (N=2,427) Treatment of Traitement d’un avortement incomplete incomplet aborƟon (N=33) (N=226) Source : Formulaire de prestation de services ^Note : pas de réponse sur le prestataire de la part de 3,7 % des femmes demandant un avortement sécurisé dans les centres de santé et de 0,3 % de celles consultant à l’hôpital. Taux de réalisation conformes aux attentes pour les interruptions de grossesse sécurisées et le traitement des avortements incomplets par les méthodes médicamenteuses Les taux de réalisation ont été élevés avec les trois méthodes d’évacuation utérine (Figure 4). En ce qui concerne l’avortement sécurisé, le misoprostol seul a permis de mener à bien la procédure chez 81,2 % des patientes (IC à 95 % de 77,9 % à 84,5 %), la combinaison mifépristone-‐misoprostol chez 90,3 % des femmes (IC à 95 % de 88,8 % à 91,8 %) et l’aspiration manuelle intra-‐utérine (AMIU) chez 94,8 % (IC à 95 % de 90,3 % à 99,3 %). Le misoprostol seul a permis de mener à bien 93,6 % des traitements d’avortements incomplets (IC à 95 % 87,3 % à 99,8 %), contre 100 % avec l’AMIU. Les prestataires ont utilisé le misoprostol pour terminer la moitié des avortements sécurisés commencés avec le misoprostol seul (58 cas sur 103 ; 56 %) et un tiers des avortements commencés avec la combinaison mifépristone-‐ misoprostol qui étaient incomplets lors de la visite de suivi (57 cas sur 153 ; 37 %). L’orientation des patientes a été faite en suivant le protocole de prestation des services Bien que les patientes aient pu recevoir des services d’avortement sécurisé à tous les niveaux du système de santé selon les protocoles du projet, chaque site pilote était en relation avec un autre établissement auquel il pouvait référer les Figure 4 : Procédures menées à bien, par méthode de traitement ^ ! +, - . /. 01 23 ,/24 3 Avortement sécurisé ! 9 * : 9 () ; 9 < : *: 6 )9 # $ " %9 ' " & ) , * - = . 0 Aspiration manuelle intra-‐utérine (n=96) Mifépristone-‐ isoprostol ! "3 4 $ % "# ' & * 4m5 6 "# & $ %& # ' &((n=1,588) ) ,* - 7 8 1 / / 0 Misoprostol seul (n=553) ! "# $ %& # ' & ()& * (+ ) , * - 1 1 2 0 ! *#( % ! ' #"% (& #)% 5Traitement 0 . , / 1 . 3 / 64d- es 1 8 9 . / . , : 4incomplets 0 /2 4 3 62 3 7a4vortements ! 9m* anuelle : 9 ( ); 9 < : i*:ntra-‐utérine 6 ) 9 # $ "% 9 '" & )(n=43) ,* - > 2 0 Aspiration & '' #'% Misoprostol seul (n=68) ! "# $ %& # ' & ()& * (+ ) , * - . / 0 ! "#$ % '% '% )'% *'% $'% ('% &''% Source : Formulaire de prestation de services ^Exclut les patientes traitées suite à une mort fœtale in utero, par évacuation et curetage, par mifépristone-‐misoprostol après un avortement incomplet, ainsi que les femmes orientées vers d’autres services avant traitement lors de leur première visite. L’avis des patientes « Je suis contente de trouver un tel service près de chez moi. Si ce service continue, je suis certaine que de nombreux problèmes des femmes seront résolus. » -‐ Patiente venue pour un avortement sécurisé en centre m édical, 24 ans, nullipare « La disponibilité d’un tel service dans un dispensaire est une excellente chose. » -‐ Patiente venue pour un avortement sécurisé en centre m édical, 24 ans, secondipare « C’est un nouvel espoir pour la santé des femmes. » -‐ Patiente venue pour un avortement sécurisé en centre m édical, 26 ans, secondipare patientes. De la même manière que les AVS ont montré qu’ils savaient orienter les patientes, les prestataires des centres de santé ont systématiquement adressé au niveau supérieur les femmes qu’ils ne pouvaient pas traiter avec les ressources disponibles, pour des raisons liées à la taille de l’utérus ou à des complications, dans le respect des protocoles. La plupart des femmes ont bénéficié de services de contraception après avortement Les témoignages des prestataires et des patientes attestent que la grande majorité des femmes ont bénéficié d’un conseil de planification familiale (plus de 85 %). Les méthodes contraceptives qui leur ont été le plus souvent fournies étaient des contraceptifs injectables (47 %) et des pilules contraceptives orales (15 %). Il était plus fréquent que les femmes achèvent leur première visite sans méthode contraceptive à l’hôpital (11 %) que dans les centres de santé (6 %) ou les dispensaires (1 %). Ces résultats montrent qu’il est nécessaire de renforcer la planification familiale après avortement dans les hôpitaux. Les patientes sont très satisfaites des trois méthodes et de la qualité des soins reçus Les femmes ont été très satisfaites de leurs prestataires, des services reçus, de la méthode de traitement et des formations sanitaires. La plupart d’entre elles (99 %) ont jugé l’expérience globalement « bonne ». Le seul point négatif rapporté fréquemment par les femmes était qu’elles n’avaient pas passé suffisamment de temps avec le/la prestataire, en particulier à l’hôpital. Parmi les femmes traitées par une méthode médicamenteuse, plus de 73 % se disaient prêtes à recommander ce traitement à leurs amies, contre 51 % de celles traitées par une méthode chirurgicale. CONCLUSIONS En procurant des soins à un total de 4 354 femmes sur 18 mois, ce projet pilote a démontré qu’il était possible de réaliser des prestations de SCA de qualité à tous les niveaux du système de santé, y compris dans les dispensaires. Tous les prestataires, y compris les AVS, ont apporté aux femmes des services liés à l’avortement sûrs et de qualité. Ce projet apporte la preuve solide que les AVS, qui font partie intégrante du système de santé primaires en Éthiopie, sont capables d’apporter aux femmes des régions rurales du pays des prestations de SCA sûres et de qualité. La large acceptation et l’adoption rapide des méthodes médicamenteuses dans le cadre de ce projet pilote illustrent le rôle important des médicaments dans l’élargissement de l’accès à des services complets d’avortement pour les femmes. Ces résultats montrent que les méthodes médicamenteuses sont comparables aux méthodes chirurgicales en termes de faisabilité, d’acceptabilité et de sûreté, et permettent à un plus grand nombre de prestataires dépourvus de connaissances chirurgicales de réaliser des prestations liées à l’avortement sécurisé. REMERCIEMENTS Les partenaires remercient les participants au projet de leur coopération et de leur soutien, les AVS et les autres prestataires pour leur engagement dans la réalisation de prestations de qualité en matière de santé de la reproduction, les coordinateurs de Woreda et l’équipe de direction du projet pour son leadership et les femmes du Tigray qui ont participé au projet. Notre reconnaissance va tout particulièrement au Dr Amanuel Gessessew, de la Faculté de médecine de l’Université de Mekele, pour son soutien, ses conseils et son aide. DKT a fourni le matériel médical et les contraceptifs utilisés dans ce projet. Ce projet pilote a bénéficié du soutien du Bureau régional de la santé publique du Tigray. 1 Singh S, Wulf D, Hussain R et al. Abortion Worldwide: A Decade of Uneven Progress. Guttmacher Institute; 2009. Ethiopia Demographic and Health Survey 2005. Addis Ababa, Ethiopia and Calverton, Maryland, USA: Central Statistical Agency [Ethiopia] and ORC Macro; 2006. 3 Gebrehiwot Y, Liabsuetrakul T. Trends of abortion complications in a transition of abortion laws in Ethiopia. Journal of Public Health 2008;31(1):81-‐7. 2 Ce rapport a été rédigé par VSI ©2011. Pour obtenir un exemplaire du rapport technique complet, contacter : [email protected].