Hépatite et consommation de drogues
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Hépatite et consommation de drogues
info-drogues hépatite et consommation de drogues Qu’est-ce que l’hépatite? Quelles sont les formes connues de cette maladie et quelles en sont les conséquences? A quel point l’hépatite est-elle répandue chez les usagers de drogues? Comment les toxicomanes peuvent-ils se protéger contre une infection? Quelles sont les possibilités de traitement? Qu’est-ce que l’hépatite? L’hépatite est une affection inflammatoire du foie dont les causes peuvent être diverses. Certaines maladies du métabolisme ou les maladies dites «autoimmunes» peuvent notamment provoquer une telle inflammation. A côté des inflammations toxiques du foie qui sont souvent dues à la consommation abusive d’alcool ou à certains médicaments, des virus peuvent provoquer une hépatite infectieuse; chez les consommateurs de drogues, c’est même la cause la plus fréquente. On connaît actuellement cinq virus principaux qui sont à l’origine d’une hépatite infectieuse et qui sont désignés par les lettres A à E (voir tableau «hépatite virale»). De la contamination aux premiers symptômes Chaque jour dans le monde plus de personnes meurent des suites d’une hépatite chronique qu’il n’y a de décès dus au sida en une année. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à plusieurs centaines de millions le nombre des personnes atteintes d’une infection chronique par l’hépatite B et l’hépatite C. Bien que l’Europe occidentale – et de ce fait la Suisse – ne fasse pas partie des régions les plus gravement touchées, le risque de contagion est élevé. Les virus de l’hépatite B sont cent fois plus virulents que le virus du sida (VIH). L’OMS estime à plus d’un million par année le nombre de décès dus aux suites d’une hépatite B (cirrhose du foie, cancer du foie). Certains groupes à risques, comme les personnes qui prennent de la drogue par voie intraveineuse (injections) sont particulièrement menacés. Souvent les personnes infectées ignorent qu’elles ont contracté une hépatite. Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies Case postale 870, 1001 Lausanne, Tél. 021 321 29 35, Fax 021 321 29 40 Le temps d’incubation, c’est-à-dire la période entre la contagion et l’apparition des premiers symptômes de la maladie varie beaucoup d’un virus à l’autre: 2 semaines pour l’hépatite A, 6 semaines à 6 mois pour l’hépatite B et 2 semaines à 6 mois pour l’hépatite C. Durant cette période d’incubation, une personne infectée peut déjà en contaminer d’autres! Comment reconnaît-on une hépatite? Les symptômes les plus fréquents sont les suivants: manque d’appétit, douleurs articulaires, nausées, vomissements, douleurs abdominales, fatigue, urine de couleur foncée, év. selles de couleur claire, blanchâtres, coloration jaune de la sclérotique (blanc de l’œil) ou de la peau. Mais il arrive souvent que l’infection passe inaperçue. Seul un test sanguin permet de détecter une hépatite avec certitude. Les résultats de ce test sont fiables au plus tôt deux à trois semaines après la contamination! Les conséquences de l’hépatite chronique Dans l’hépatite chronique, ce sont les lésions durables du foie qui sont particuliè- info-drogues hépatite et consommation de drogues Hépatite virale Type A (HAV) Propriétés Ne devient jamais chronique Une personne infectée peut contaminer d’autres personnes aussi bien durant la phase aiguë que durant la période d’incubation Modes de contamination Par des aliments souillés, un manque d’hygiène – par exemple: mains sales, vaisselle mal lavée, toilettes malpropres, matériel souillé et eau sale utilisés pour l’injection de drogue Guérison spontanée Mesures de protection Comportements permettant de se protéger Vaccination Hygiène correcte: se laver soigneusement les mains par ex. après les selles, laver la vaisselle à l’eau très chaude, utiliser de l’eau propre et des ustensiles stériles pour l’injection de drogues Vaccination en deux fois (Deuxième vaccin six à douze mois après le premier) En voyage: éviter de manger des aliments non cuits B (HBV) Evolution chronique (10%) ou guérison spontanée Une personne atteinte d’hépatite B chronique peut toujours en contaminer d’autres L’hépatite B est plus contagieuse que l’hépatite C Dans 1% des cas, la maladie évolue de manière fulgurante, avec un taux de mortalité élevé C (HCV) Evolution le plus souvent chronique (jusqu’à 80%) ou guérison spontanée Une personne atteinte d’hépatite C chronique peut toujours en contaminer d’autres Par le sang: Dans tous les cas où le sang d’une personne peut être en contact avec celui d’autres personnes (par exemple: tatouage ou piercing) Utiliser toujours une seringue, une aiguille et une cuillère stériles pour les injections, ou en tout cas ses instruments strictement personnels Par les sécrétions génitales: a) au cours de contacts sexuels b) de la mère à l’enfant pendant l’accouchement Safer sex: utiliser toujours des préservatifs masculins ou féminins lors des rapports sexuels Par le sang: Dans tous les cas où le sang d’une personne peut être en contact avec celui d’autres personnes (par exemple: tatouage ou piercing) Utiliser toujours une Il n’existe pas seringue, une aiguille et de vaccin contre une cuillère stériles pour l’hépatite C! les injections, ou en tout cas ses instruments strictement personnels Bien que la transmission par voie sexuelle soit rare, il est vivement recommandé de pratiquer le safer sex (autres risques d’infection) Par les sécrétions génitales: a) au cours de contacts sexuels b) de la mère à l’enfant pendant l’accouchement Vaccination en trois fois (Deuxième vaccin un mois, et troisième vaccin six mois après le premier) Faire vacciner son enfant D (HDV) L’hépatite D n’apparaît qu’en Voir combinaison avec l’hépatite B hépatite B Voir hépatite B Voir hépatite B E (HEV) L’hépatite E n’existe guère en Europe Elle ne devient jamais chronique Une personne malade peut en contaminer d’autres, mais l’hépatite E est moins virulente que l’hépatite A Une bonne hygiène: se laver soigneusement les mains par ex. après les selles, laver la vaisselle à l’eau très chaude, utiliser de l’eau propre et des instruments stériles pour l’injection de drogues En voyage: éviter de manger des aliments non cuits Il n’existe pas de vaccin contre l’hépatite E! Par des aliments souillés, un manque d’hygiène – par exemple: mains sales, vaisselle mal lavée, toilettes malpropres, matériel souillé et eau sale utilisés pour l’injection de drogue info-drogues hépatite et consommation de drogues rement alarmantes. Or, dans le cas d’une hépatite chronique B ou C, des années, voire des dizaines d’années, peuvent s’écouler avant que n’apparaissent des troubles conduisant à une hospitalisation. Selon des études américaines, il faut compter en moyenne 21 ans pour qu’une hépatite évolue en cirrhose du foie. En moyenne, il faut encore 10 ans de plus jusqu’à la formation d’un carcinome hépatocellulaire (cancer du foie). Propagation de l’hépatite en Suisse En Suisse, les cas d’hépatite doivent être annoncés dans le cadre de la surveillance des maladies infectieuses. Au milieu des années nonante, le nombre de cas d’hépatite A annoncés était d’environ 500 par an. Les chiffres les plus récents (fin 1997) font état de quelque 20 000 cas d’hépatite B chronique en Suisse. Sur la base des nouveaux cas récemment annoncés, il faut s’attendre à 2000 à 3000 nouveaux cas par an; 80% des personnes touchées ont entre 15 et 40 ans et plus des deux tiers sont de sexe masculin. L’hépatite B occasionne chaque année 200 hospitalisations et cause entre 40 et 80 décès. Le nombre des cas reconnus et annoncés d’hépatite C aiguë est faible (1995: 67 cas, 1996: 55 cas), car dans 90% des cas, la maladie évolue sans symptômes. On estime qu’il y a en Suisse de l’ordre de 70 000 cas d’hépatite C chronique. Les cas d’hépatite aiguë D et E sont rares. Dans la population globale, le taux d’infection par le HBV et le HCV se situe entre 0,4 et 1%. Groupes particulièrement exposés aux risques Les groupes suivants sont particulièrement exposés à un risque de contamination: le personnel médical, les intervenants en toxicomanie (contact avec le sang ou les sécrétions corporelles), les personnes changeant fréquemment de partenaire sexuel, les homosexuels ainsi que les personnes vivant en ménage commun avec des porteurs du virus HBV. Les voyageurs qui se rendent dans des régions où l’hépatite est très répandue, les patients subissant des dialyses et les hémophiles sont également menacés. Enfin, parmi les groupes courant le plus grand risque d’infection par le HBV et le HCV, il faut compter les personnes qui s’injectent de la drogue par voie intraveineuse. sonnes qui s’injectent de la drogue par voie intraveineuse, le taux d’infection atteint toujours un niveau alarmant pour l’hépatite B et C. Selon les chiffres recueillis dans divers services d’accueil ou sur la scène de la drogue, on peut estimer que 50 à 60% des consommateurs de drogues sont infectés par les virus HBV ou HCV. 20 à 40% des usagers de drogues sont porteurs d’un virus de l’hépatite après un an déjà. Lorsque la consommation de drogue par voie intraveineuse dure depuis plusieurs années, le taux d’infection se situe entre 80% (HBV) et 90% (HCV). Les infections multiples sont particulièrement fréquentes chez les consommateurs de drogues. Presque tous les toxicomanes atteints du sida sont également infectés par les virus HBV et HCV. Evolution de la propagation • Hépatite A: elle a fortement diminué parmi les consommateurs de drogues. Cela doit être attribué en grande partie à une application plus stricte des principes d’hygiène. • Hépatite B: en recul depuis 1995. • Hépatite C: on ne peut pas dégager de tendance, l’infection par le virus HCV passant souvent inaperçue. Hépatite B et C: modes de transmission chez les personnes qui s’injectent de la drogue par voie intraveineuse a) Partage de seringues: L’utilisation de la même seringue par plusieurs personnes a certes diminué en Suisse, du fait que les seringues stériles sont devenues plus accessibles. Cependant, diverses enquêtes montrent qu’il arrive aujourd’hui encore qu’il y ait occa- sionnellement un partage de seringues. En raison de la virulence du HBV et du HCV et du fait que la majorité des toxicomanes qui s’injectent de la drogue par voie intraveineuse sont atteints d’hépatite – dont un grand nombre d’hépatites chroniques –, le fait de partager une seringue ne serait-ce qu’une seule fois présente déjà un risque élevé de contamination. b) Manque d’hygiène lors de l’injection: Le déroulement d’une injection est décrit ci-dessous, avec les possibilités de transmission des virus HBV et HCV: I Manipulation de la drogue Transmission par des doigts ou des instruments tachés de sang (par exemple: couteau) II Préparation de la solution à injecter Transmission par une cuillère sale; causes possibles: souillée lors d’une utilisation antérieure par des traces de sang sur les doigts ou par le reflux du produit absorbé dans une seringue déjà utilisée III Non-désinfection de la peau avant l’injection Transmission par la présence éventuelle à cet endroit de la peau de traces de sang provenant d’une personne infectée; causes possibles: peau souillée par des vêtements sales provenant d’une autre personne ou aide à l’injection pratiquée par une personne infectée – de simples petites griffures ou frottements effectués par une personne contaminée suffisent en effet à transmettre l’infection. Comment peut-on contracter une hépatite virale? prouvée prouvée, mais rare supposée Causes d’infection Formes d’hépatite A B C Alimentation/eau Membre de la famille infecté Blessure par une aiguille infectée Consommation de drogue par voie intraveineuse Transfusion de sang/de plasma Epuration sanguine Les hépatites chez les usagers de drogues Contacts oraux Contacts sexuels Plus de 50% sont infectés L’hépatite B et C est aujourd’hui largement répandue parmi les consommateurs de drogues. Alors que les nouvelles infections par le VIH ont diminué chez les per- Contacts sexuels oraux/anaux Transmission de la mère à l’accouchement Tatouages, piercing (aiguilles infectées) info-drogues hépatite et consommation de drogues IV Partage éventuel du produit dilué Transmission par des seringues non stériles; causes possibles: les seringues utilisées sont exclusivement réservées à l’usage personnel, mais elles sont utilisées plusieurs fois; lors du partage du liquide, celui-ci est aspiré dans une seringue usagée pour être transvasé ensuite dans les autres seringues; le contenu d’une seringue stérile est injecté à deux personnes au moyen de deux aiguilles stériles; étant donné que pour trouver la veine on aspire un peu de sang, la deuxième injection n’est plus stérile, en dépit du changement d’aiguille V Filtres Transmission par un filtre souillé; causes possibles: le filtre est sali par des mains souillées de sang ou par de la drogue infectée par des virus de l’hépatite (par la cuillère ou par le procédé de partage) VI Après le retrait de l’aiguille Transmission par des doigts souillés et des pansements non stériles; causes possibles: le point d’injection est comprimé avec les doigts, sans utiliser de pansement stérile Important: On croit souvent à tort que le fait de chauffer la drogue dans une cuillère placée au-dessus d’une flamme suffit à la stériliser. Mais ce procédé ne permet pas de chauffer suffisamment la drogue pour désactiver les virus de l’hépatite. Mesures préventives au niveau institutionnel En plus des moyens décrits ci-dessus pour prévenir l’infection par les virus de l’hépatite grâce à certaines règles de Recommandations de la Confédération: vaccination contre l’hépatite B Pour endiguer les infections par le virus de l’hépatite B, la Commission suisse pour les vaccinations et l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) recommandent de vacciner tous les adolescents de 11 à 15 ans. Cette mesure doit être complétée par la vaccination des nouveau-nés dont la mère est infectée par le virus HBV et celle des personnes appartenant à des groupes à risques. Les usagers de drogues sont également un groupe ayant des comportements à risques et devraient eux aussi se faire vacciner, en raison du grave danger de contagion qu’ils encourent. comportement à adopter (précautions lors de l’injection de drogue et lors de relations sexuelles, etc.), il est important de prendre d’autres mesures préventives au niveau institutionnel: • Recommandations à l’adresse des services d’accueil L’information sur l’hépatite doit être renforcée auprès des usagers de drogue par voie intraveineuse. Il faut parvenir à imposer la devise «1 shoot – 1 seringue». Il faut également abandonner l’utilisation répétée d’une même seringue pour l’usage personnel, même lorsqu’il n’y a pas partage. Il faut insister sur le fait qu’il est absolument EXCLU de partager une seringue. Il faut faire clairement comprendre l’importance des mesures d’hygiène en général et de l’hygiène à respecter lors des injections en particulier. Des expériences montrent qu’il est possible d’élever rapidement le niveau d’hygiène dans les ser- vices d’accueil et les locaux d’injection. Des cours de «safer use» devraient être proposés aux usagers de drogues. • Recommandations à l’adresse des responsables politiques Les responsables politiques doivent prendre conscience de l’importance d’une injection hygiénique et «sûre» pour la réduction des infections par les virus de l’hépatite chez les consommateurs de drogues. Ils doivent encourager l’application de mesures qui favorisent un usage de drogue permettant de réduire les risques (par exemple locaux d’injection, services d’aide proches de la scène de la drogue). De manière générale: aucune restriction s’agissant de la remise de matériel d’injection stérile et pas de confiscation de ce matériel par la police! En dépit des possibilités de traitement limitées, il est important de signaler que: Dès l’apparition des symptômes (= phase aiguë de la maladie), la personne atteinte devrait suivre un traitement médical. Autres recommandations utiles: pas de consommation d’alcool comme principale mesure, beaucoup de repos, diminution du stress, alimentation saine et régulière, éventuellement pauvre en graisses. Le traitement de l’hépatite chronique n’a qu’une efficacité limitée. L’interféron, un médicament utilisé fréquemment dans le traitement, n’est pas un remède miracle, mais il ralentit l’évolution vers une cirrhose du foie lors d’infections par le HCV. Le taux de réussite d’un traitement à l’interféron se situe entre 25 et 40% (infection par le HCV). Très souvent l’infection réapparaît lorsque l’on cesse de prendre le médicament. Un traitement à l’interféron est généralement accompagné d’effets secondaires (symptômes ressemblant à la grippe, fièvre, mais aussi états dépressifs). Des Infodrogues sur d’autres thèmes sont également disponibles: «Cannabis», «Ecstasy», «Hallucinogènes», «Alcool et santé», entre autres. Si vous désirez d’autres exemplaires gratuits de ce dossier, veuillez envoyer une enveloppe C5 adressée à votre nom et affranchie à Pas de remède miracle: l’interféron ralentit, chez 25 à 40% des patient(e)s traité(e)s (Photo: ak) pour une hépatite C, l’évolution vers une cirrhose du foie. Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies Case postale 870, 1001 Lausanne Tél. 021 321 29 35, Fax 021 321 29 40 http://www.sfa-ispa.ch