Scève - Free

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D. Guillaume
SPÉCIALITÉ LETTRES : PROGRAMME 4
Maurice Scève, Délie
Bibliographie
— 1) Ouvrages généraux :
. Gérard DESSONS: Introduction à l’analyse du poème, Dunod (Bordas, 1991)
. Jean-Michel GOUVARD, La Versification, PUF, 1999
. Michel JARRETY (dir.) : La Poésie française du Moyen-Âge jusqu’à nos jours,
PUF, « Premier Cycle », 1997.
. Henri WEBER, La Création poétique au XVIe siècle en France, Nizet, 1956
. Daniel MÉNAGER, Introduction à la vie littéraire du XVIe siècle, Dunod (Bordas,
1968).
— 2) Sur Maurice Scève et la Délie
. Françoise JOUKOVSKY, édition critique de la Délie, Dunod, Classique Ganrier,
1996.
. Jacqueline RISSET, L’Anagramme du désir : sur la Délie de Maurice Scève, Fourbis,
1995 (1971).
. Pascal QUIGNARD, La Parole de la Délie, Mercure de France, 2001 (1974)
. Françoise CHARPENTIER, Lire Maurice Scève, Cahiers textuels 34/44, 1988
. Verdun-Louis SAULNIER, Maurice Scève, Slatkine 2003 (1949)
. Paul ARDOUIN, La Délie de Maurice Scève et ses cinquante emblèmes ou les noces
secrètes de la poésie et du signes : esquisse d’un plan raisonné, Nizet, 1982.
INTRODUCTION
I. Complexité de la Renaissance poétique en France
— 1> Les Renaissances : du Moyen Âge à l’Italie
+ a) La culture médiévale
. Plus que faits et idées, un certain état d’esprit, ferveur nouvelle : cf. lettre de
Gargantua à Pantagruel in Pantagruel, chap. 8 (1532).
. Éléments par lesquels on caractérise la Renaissance se rencontrent au MA :
•
Admiration
et
imitation
de
l’Antiquité :
Alcuin
et
Renaissance
carolingienne au 9e siècle, poésie néo-latine à Chartres au 12e, souvenir
d’Ovide ds théorisation de l’amour courtois par André le Chapelain à la
même époque (Ars amatoria).
•
Règle de la critique et de l’établissement des textes : cf. Sic et non
d’Abélard au 12e / exégèse patristique.
•
Confiance plus grande ds pensée humaine, àp du contact avec textes
antiques : 12e multiplications des traductions d’Aristote par l’intermédiaire
des textes arabes (Averroès : Cordoue + Maroc) > scolastique
[outre herméneutique traditionnelle dégageant quatre ses des
Écritures (historique, allégorique = annonce / JC, moral, anagogique =
annonce de la Vie éternelle), intègre à l’exégèse procédés logique de
distinction et division + tripartition de la réflexion en métaphysique,
physique et morale]
comme synthèse entre foi chrétienne et rationalisme grec ds Somme
théologique de Saint Thomas au 13e, ms tendance plus rationaliste et
naturaliste de l’averroïsme chez Siger de Brabant, condamné par Université
de Paris (Sorbonne) en 1277.
. Limite ds l’affranchissement médiévale vis à vis de la pensée religieuse et
traditionaliste.
•
Après condamnation du 13e, stérilisation de la scolastique, qui vire au
formalisme.
•
Humanisme médiéval reste limités à des cercles étroits, monastiques ou
ecclésiastique.
2
•
Courant rationaliste et naturaliste lié à force de la bourgeoisie, alliée à la
royauté contre féodalisme.
. Cf. Roman de la Rose, Guillaume de Lorris (vers 1235) = roman
allégorique proposant exemple de courtoisie > Jean de Meung (après 1275)
= critique de cet idéal, d’un point de vue naturaliste : « bourgeoisie » ≠
courtoisie…
. Ms : guerre de Cent ans (1337-1453) > ruine de la France et paralysie
progrès de la bourgeoisie urbaine.
•
≠ Italie : développement politique et économique des grandes cités,
bourgeoisie puissante 14e et 15e >
•
Recherche méthodique des textes anciens et pratique directe du
grecque (cf. chute de Constantinople 1453 et de l’Empire romain
d’Orient > ms. grecs en Italie).
•
Diffusion de ces textes accrue àp db. de l’imprimerie (vers 1450).
+ b) Un nouvel état d’esprit
. Alliance d’individualisme et de conscience civique.
•
Développement de morales épicuriennes et stoïciennes : cf. De voluptate de
Lorenzo Valla (1431 ; aussi érudit et philologue, Naples et Rome) =
recherche de bonheur et palisir conciliable avec vie sociale, et compatible
avec christianisme (contre ascétisme, ms béatitude chrétienne = plaisir
suprême).
•
Le même : pose histoire et rhétorique comme sup / philosophie, laquelle
source de tte hérésie (précaution) + conduit à négliger activités civiques où
l’homme s’accomplit pleinement.
. Idée de la perfectibilité humaine.
•
Affirmation d’un progrès des connaissances et des techniques (>
conscience historique), d’une dignité de l’homme ds sa lutte avec la nature
[cf. écrits de Vinci, de l’architecte florentin Alberti].
+ c) Trois systèmes de pensée
. Marcile Ficin, éditeur de Platon, de traités hermétiques et pythagoriciens (sens des
nombres), auteur d’une Théologie platonicienne (1482). Pensée spiritualiste et mystique.
•
Oppose dialectique de Platon à la logique d’Aristote, comme moyen de
libérer l’esprit / réalité matérielle.
3
•
Âme définie comme principe de mvt = av tt ascension vers Dieu ; forme
d’animisme : tt vie, unité divine rayonnant jusqu’aux plus secrètes parties
de la matière.
•
Théorie de l’amour, commentaire du Banquet de Platon : amour humain =
échelon de l’amour divin, vers lequel attire perception de la beauté
(physique > de l’âme = liée au bien et au vrai) ; supériorité, à ce titre, de la
vue et l’ouïe (perception d’harmonie visuelle et sonore) / goût et toucher >
amour charnel ne met donc pas en rapport avec la beauté.
•
Élts de psychologie, probablement en rapport avec pétrarquisme : amour
pénètre des yeux au cœur ; âme de l’amant vit ds le corps de l’aimée si elle
répond à son amour, chacun mourant à soi-même pour vivre en autrui
(sinon, âme de l’amant meurt).
•
Marque notamment fin du Courtisan de B. Castiglione (1528 > trad. 1537,
à la demande de F 1e > 5 autres trad. 16e) : insiste sur amour comme moyen
de perfectionnement intellectuel et social > marque Scève (plus
qu’élévation mystique).
•
Léon Hébreu, in Dialogues d’amour (1535 ital.) = insiste sur caractère
cosmique de l’amour, essence d’harmonie universelle et de sa
connaissance ; très lu en France et traduit 1551 ; marque chez Marguerite
de Navarre, Scève.
. Pic de la Mirandole : syncrétisme entre antiquité et christianisme, plus marqué par
tradition scolastique, emprunt à la Kabbale juive et aux spéculations pythagoriciennes
(correspondance entre Écriture et nature par connaissance du secret des nombres).
•
Discours de la dignité humaine (fin 15e) : liberté comme privilège essentiel
de l’homme, auquel Dieu n’assigne pas de nature déterminée, entre essence
divine et matière > peut s’élever ou s’abaisser (sa liberté, image de celle de
D) ; est microcosme, en tant que possibilité de construire et recréer
l’univers.
•
> cf. Microcosme de Scève (1562 : posthume ?)
. Pomponazzi : Padoue, fait revivre rationalisme et matérialisme antique à travers
relecture d’Aristote (+ Lucrèce, traités philosophiques Cicéron).
•
Traité de l’immortalité de l’âme (1516) : critique cette thèse, tant sur un
plan scientifique (union inséparable âme / corps : cf. vieillesse
4
[Montaigne]) que moral (vertu et vice ont récompense et punition en euxmêmes : inutile de poser un au-delà).
•
Oppose connaissance par la raison / certitude par la foi : attitude fidéiste,
qui préserve liberté de la raison [cf. Montaigne ; en même temps que début
d’une tradition libertine, cf. Reichler].
•
Diffusion et effet de cette pensée : par étudiants français passant par
Padoue (nott. Etienne Dolet, travaille à Lyon 1534-8, proche de Scève ;
brûlé à Paris, Place Maubert, 1546 < trad. d’un dialogue attribué à Platon
où négation de l’immortalité de l’âme) ; action plutôt par réaction, après
1540 : poètes catholiques se méfient de la raison + se sentent tenus à
l’apologétique.
— 2> Pensée et poésie française au début du 16e siècle.
+ a) Humanisme et Evangélisme
. Humanisme liée d’abord au développement de l’imprimerie et de la philologie.
•
vers 1470 : Étienne Fichet fait installer première imprimerie parisienne ds
locaux même de la Sorbonne.
•
1530 : première traduction française de la Bible par Lefèvre d’Étaple
(réaction aussi contre idées de Luther, qui se répandent en France àp de
1520 ; cf. Concile de Trente àp de 1535…).
•
1530 : enseignement du grec et du latin par Guillaume Budé au Collège des
lecteurs royaux (indépendant de la Sorbonne) + étude des aspects
institutionnels et matériels de la vie ds l’Antiquité.
. Évangélisme = critique contre corruption matérielle du clergé, ignorance du bas
clergé, formalisme scolastique et religieux.
•
Initiateur = Érasme, moine des Pays-Bas où il retourne après étude ds un
collège parisien d’où il conserve dégoût de la scolastique.
. Exigence d’intériorité ds l’approche de la religion et la morale < tradition
mystique allemande et hollandaise 14-15e + recherche (bourgeoise) d’une
morale personnelle à travers lecture des textes antiques (cf. Adages 1500 ;
maintiendra, contre Luther, liberté humaine contre déterminisme de la
grâce).
. Outre travail d’exégèse biblique, texte satirique qui marqueront db. 16e
(Rabelais) : cf. Éloge de la folie (1511).
5
. Jusque vers 1550, idées nouvelles imprègnent peu à peu mentalité ss nourrir
véritablement de grande œuvre poétique (sf Scève, par certains aspects) : tolérance voir
protection des milieux de cour (cf. évangélisme de M. de Navarre), jusqu’à l’Affaire des
Placards (1534 : affichage de placards hostile à la messe sur la porte de la chambre même du
roi à Amboise > persécutions).
•
Attitude philosophique proche du paganisme chez E. Dolet.
. Transparaît ds poésie néo-latine qui fleurit à Lyon autour de Dolet
vers1536 : enthousiasme pour culture retrouvée + satire de l’ignorance
représentée par la Sorbonne et la scolastique.
•
Seule Marguerite de Navarre (sœur de Fr 1e, devenue Reine de Navarre)
exprime ds poèmes un certain mysticisme néo-platonicien : cf. 1547 Les
Marguerites de la Marguerite des princesses.
+ b) Les « grands rhétoriqueurs »
. Groupe de poètes actifs en Bourgogne (Jean Molinet, Jean Lemaire de Belges) et en
France (Jean Marot, Guillaume Cretin) entre 1460 et 1525 : nommés ainsi par erreur au 19e ;
se nommaient eux-mêmes « acteur » (= auteur), « fatiste » ou « rhétorique ».
•
Accompagnent entreprise de codification regroupée ds Arts de seconde
rhétorique = recueil de principe qui définisse la poésie comme une
rhétorique spécifique (seconde, ≠ prose), cf. nott. Pierre Fabri, Le grand et
vrai art de pleine rhétorique (1521).
•
Grands nombre de préceptes techniques, touchant les formes fixes (rondo,
ballades, chant royal…) et la rime, qui atteint une complexité inégalée :
mot de « rime riche » apparaît vers 1500, cf. aussi : « rime couronnée »
(châtelet laid), « emperière » (Quand du gai bruit d’amour souvent vent
vente), « équivoquée », « vers holorimes ».
•
Poètes bourgeois qui e conçoivent av tt comme accomplissant un service
[rémunéré], pour le Prince, l’État, Dieu > visée politico-didactique
(louange et conseil des grands, propagande) + mémorielle (histoire).
. Poète récompensés lors de concours poétiques en l’honneur de la Vierge
ds diverses villes de Fr. : « puys » > recueils collectifs.
. Place relativisée db. 16e < influence italienne : italianisme de la cour de France, qui
culmine avec mariage d’Henri II et Catherine de Médicis (fille du Pape ; arrive à la Cour en
1533), ms accompagne ttes guerres d’Italie (1494-1559), notamment sous François 1e (15151547) = droits historiques des Valois sur la couronne de Naples (15e : héritage de René, comte
6
d’Anjou, qui lègue ses droits à Louis XI de Valois, roi de France), affirmation de la puissance
française, remise de la Guerre de Cent ans, et qui veut faire pièce à l’Empire des Habsbourg
(Charles Quint : 1519) = passe par l’Italie (< puissance économique + éclat culturel et
artistique ss équivalent).
•
Pas d’opposition tranchée entre grands rhétoriqueurs et humanisme
naissant :
. Jean Lemaire de Belge adapte Virgile et Ovide, imite Pétrarque et intro.
en France la tierce rime ; publie en 1511 La Concorde des deux langages
(fr. / ital.).
+ c) Marot et le marotisme
. Poète le plus reconnu en France avant la Pléiade
•
Imité par François 1e lui-même, dont il fut poète officiel après avoir été
secrétaire de Marguerite de Navarre.
•
Son art poétique synthétisé et théorisé par dernier ouvrage important avant
manifeste de la Pléiade (Défense et Illustration de DB, 1549) = Art
poétique français de Thomas Sébillet (1548).
. Pont entre gds rhétoriqueurs et génération humaniste, nott. L’Adolescence
clémentine (1538) [regroupe poésie de ses années de formation : 1511-26].
•
Malgré reconnaissance (cf. son père Jean) et virtuosité (rimes), certaine
simplification formelle.
. Simplification du ton (expression personnelle, conversation familière : ≠
dignité, hauteur sentencieuse et moralisatrice)
. Simplification voire retrait des formes fixes : chanson, épigrammes (votif,
funéraire ou satirique ; généralement dizain ; se termine sur une pointe ; cf.
huitain initial de la Délie), épitres et élégies à rimes plates.
. Nouvelle rigueur rythmique (> Pléiade, voire classicisme) : s’interdit
césures épiques et lyriques, proscrit l’hiatus autre qu’expressif.
•
Renouveau humaniste : adaptation de Virgile et Ovide, intro. du sonnet.
. Importance de l’évangélisme, qui fait prendre à Marot distance / veine érotique, où se
présente tj. comme amant vertueux et constant (ce qui empêche pas épigrammes grivoises) +
importante composante religieuse de sa poésie (amour de Dieu, de la Vierge ou de l’Église).
•
Poésie satirique de tonalité érasmienne (/ pouvoir temporel, ignorance…)
•
Traduit en vers prières chrétiennes + publie à Genève (1543) traduction des
psaumes, sous la direction de Calvin.
7
•
> à la fois poète de cour et persécuté, exilé : prison 1526 (pour avoir mangé
du lard pendant le Carême…), exil après affaire des Placards (Ferrare puis
Venise) ; passe par Lyon 1536, où abjure le protestantisme.
. Pendant son exil à Ferrare, Marot écrit « Blason du beau tétin » (1535) > organise
parmi poètes français (cour parisienne, et Lyon) un concours de blasons anatomiques du corps
féminin (pê simplement création d’une mode, dont Marot compose un recueil) > 1e édition
1536, augmentée par la suite : pratique ds le style des grands rhétoriqueurs.
•
Genre intéressant pour éclairer dizains de Scève ; concerne tj. un sujet
unique (personne, ville, O…) ; ascendant satirique (satires latines) > blason
satirique, pas forcément très brefs ; et descriptif (épigrammes grecques) ; ds
cette seconde lignée, goût du catalogue MA (comme résumé d’ouvrages
antiques de sciences naturelles en partic. : bestiaires, lapidaires…) > séries
de « blasons-médaillons » : soit glose de figures (cf. Emblèmes d’Alciat,
succès max. 16e > Délie…), soit poèmes à illustrer : cf. recueil de Marot.
•
Deux types : plutôt proche de la tradition satirique, délectation fétichiste du
corps ds sa matérialité (pied, cuisse, ventre, cul…) [pas loin des « contreblasons » dont Marot propose concours ensuite / pétrarquisants et
spiritualistes, chant un corps anobli par une exigeante ascèse.
•
Reine Renée de France, Duchesse de Ferrare, déclare que le meilleur
poème est « Le Sourcil », de Maurice Scève (a écrit aussi : « La Larme » >
en 39 : « Le Front », « La Gorge », « Le Soupir ») = début de la vraie
gloire.
— 3> Ancienne et nouvelle poésie amoureuse
+ a) Le fond antique
. Anthologie grecque (= regroupe épigrammes de l’époque alexandrine et postérieure)
•
Image vive de la passion phyique
•
Amour comme feu, jeu / flèches de l’amour, attributs et généalogies
mythologiques, rivalité de la femme / déesse.
. Élégiaques latins : Catulle, Properce / Cynthie, Tibulle / Délie
•
Paralysie de l’amant devant l’aimée (Catulle < Sapho), déchirement entre
amour et jalousie.
•
Stylisation de l’image féminine : peau comme lys et neige, teint de rose,
yeux comme flambeaux ou étoiles (Properce).
8
•
Voire : aspiration à al fidélité (Prop.).
. Globalement : sensualité forte, femme = courtisane.
+ b) Les traditions médiévales : la courtoisie ou « fin’amor ».
. Liée à l’affirmation des cours seigneuriale (9-12e) [≠ cadre étatique de la royauté] et
affinement des mœurs qui l’accompagne, avec concurrence entre les cours.
•
Promotion de la Dame (sur plan formel plus que des mœurs effectives), qui
a aussi valeur politique, comme double politique du seigneur qu’il s’agit
d’honorer.
•
> grande nouveauté ds tradition amoureuse = valorisation de la Dame, avec
laquelle relation se fait sur le modèle vassal / suzerain [cf. Duby :
composante homosexuelle de la courtoisie].
. 11-13e siècles : poésie des troubadours (chronologiquement : Guillaume IX
d’Aquitaine, Jaufré Rudel / Marguerite de Tripoli, Arnaut Daniel [sextine] > admiré par Dante
13e et Pétrarque 14e).
•
Amour de loin : à la fois image de la sexualité et affirmation de sa nonconsommation ; climat paradoxal, oxymorique +/- de l’amour, entre
douleur et « joie » (entendu comme plaisir physique et principe actif, vital).
•
Vertige formel qui fait de l’amour un néant, àp duquel se développe
poésie ; trois styles : trobar leu (simple et léger) / clus (clo, hermétique) /
ric (richesse formelle).
. 12-13e : roman courtois (Tristan de Thomas et romans de Chrétiens de Troyes — dont
mécène est une descendante de Guillaume IX).
. 13e : en Italie, Dolce Stil Nuovo autour de Dante.
•
Idéalisation de la Dame prend dimension théologique (Béatrice morte, au
paradis in Divine comédie db. 14e ; Vita nuova 1295).
•
Va de pair avec affirmation de la langue nationale / latin.
. 14-15e : crise de la courtoisie, qui se développe àp opposition entre deux versions du
Roman de la Rose (Guillaume de Lorris 1235 courtois > Jean de Meung 1275
bourgeois).
•
Christine de Pisan, Épître au Dieu d’Amour 1400 = à la fois critique /
hyporcrisie du jeu courtois + de Jean de Meung, qui calomnie les femmes
(pt de vue naturaliste).
9
•
Opposition entre pt de vues misogyne (frivole, coquette, cupide…) et
courtois traverse le 16e, notamment à travers néo-platonisme et courant
évangélique : querelle des femmes db. 16e :
. Cf. traces ds Tiers livre de Rabelais 1546, où question pour Panurge =
sera-t-il cocu (semble inévitable).
. Défense néo-platonicienne de la femme : cf. Héroet La Parfaite amie
(1542) = amour épure, source de progrès intellectuel et oral, menant de
l’humain au divin.
. Érasme / mariage > Marguerite de Navarre pour dt de la femme à un
véritable amour (ds le mariage ; cf. Heptaméron 1559 posth.)
+ c) Pétrarquisme et néo-platonisme.
•
Pétrarque = prolonge cette tradition d’un chant de l’amour ds l’absence >
approfondissement nouveau, et source d’une mode poétique :
. Canzoniere (1370)= chante son amour idéalisé pour Laure, rencontrée à
l’église Sainte Claire d’Avignon en 1327 en Avignon, et morte en 1348 de la
Grande Peste (cf. Boccace) ; livre en deux parties, in vita di Madona Laura, in
morte di M L ; 336 poèmes de formes diverses (sonnets, ballades, madrigaux
[courte pièce d’inspiration rustique]) consacrées à une destinatrice unique (élt
qui défini le genre du Canz.)
. Images éclatantes de la beauté féminine :or, lait, pourpre ; voc. de la
chasse, guerre et blessure.
. Importance de l’intériorité ; recueillement et rêverie ds un cadre naturel
. Souffrance comme obstacle à la paix de l’âme, ms qui s’enchante de la
beauté même qu’elle chante.
. Souci chrétien croissant ; souvenir de l’amour comme purificateur,
favorisant la piété ; amour comme voix vers le divin, ms surtout vers
idéalisation du langage lui-même (référent lui-même passe au second plan ;
exacerbation de la position des troubadours).
•
A bien des égards, pétrarquisme = un anti-platonisme :
. Soumission néo-platoniste à l’idée de beauté ≠ soumission à la belle.
. Communion [ss jalousie] ≠ combat et récriminations
. Dame comme instrument de vertu ≠ d’abord promesse de jouissance,
rêverie / menues faveurs ; deux conceptions différents de la vertu : morale /
10
forme de grâce (vertu comme valeur : charme physique et intelligence,
« honnêteté »).
•
Pétrarquisme devient une mode littéraire : prolonge fin’amors et retient de
Pétrarque univers d’image et de contradictions dont fait une préciosité
parfois exacerbée ; mode existe db. 16e [cf. contact de Marot pendant son
exil] > rôle de Scève > ms max. vers années 1550 (cf. L’Olive Du Bellay
1550). Dits « strambottistes » < strambotto, forme poétique à la mode à la
cour de Naples (huitain Ababbebe).
. Chariteo (db. 16e), Tebaldeo
(sonnet, art de la pointe), Serafino
(préciosité et grivoiserie) ; Cal Bembo fait lien avec néo-platonisme.
— nbses réminiscences chez Scève.
. Amour comme fatal : blessure infligée par les yeux, métaphore de la
flèche qui atteint le cœur. Théorie médicale des humeurs engendre une
personnif non pas des sentiments mais des organes ;
. Amour cosmique : assimilé à la nature, incorporé au décor ; symbolique
animale (basilic, salamandre, serpent, phénix), herbier mythique (cédre,
myrrhe, absinthe).
II. Maurice Scève et la Délie
— 1> Le contexte lyonnais
+ a) Situation dans le royaume de France
. Essor économique depuis la fin du MA (15e) : <
•
Ville frontière (France / Savoie), bien desservie par deux fleuves et par
routes, jouissant de privilèges royaux [fin 15e : superficie = celle de Paris].
•
Importance des Foires (< 1420) : surtt ap 1530, industrie et commerce des
étoffes (d’or, argent et soie) ; banques.
•
Installation de nbx étrangers, notamment italiens (indépendamment même
des guerres d’Italie) ; rôle éco, puis culturel.
•
Développement de l’imprimerie > àp de 1520 environ Sébastien Gryphe.
. Un premier humanisme
11
•
Fin 15e libraire Barthélémy Buyer, médecin, botaniste, archéologue et
philologue Symphorien Champier ; premiers salons littéraires et cercles
humanistes db. 16e.
•
Certaine indépendance d’esprit < distance de Paris, et notamment de la
Sorbonne.
. Esprit représentatif du royaume db. 16e : préoccupation de l’avancée
turque à l’est plus que découverte de l’Amérique… ; querelle des femmes.
. Une certaine agitation :
•
Ds relation / étrangers : crainte d’une attaque suisse vers 1500 (achat
d’artillerie et armure, construction de remparts…) ; d’une invasion des
Impériaux 1524.
•
Agitation sociale : rixes quotidiennes vers 1520 (clercs de basoche et
gentilshommes, voire sergents de l’archevêque), émeutes 1529 sous l’effet
disette de blé.
•
Relâchement des mœurs : querelle Dames de Ps / Lyon ; Corneille
Agrippa, vers 1527 à Lyon pas une seule f mariée reste honnête, ni fille
qui se marie vierge.
+ b) Le regain lyonnais des années 1530
. Distinguer cercle mondain / savant :
•
Mondain : salon Marie-Catherine de Pierre-Vive, attachée à Catherine de
Médicis (> quitte Lyon 1541 < gvnante du futur Charles IX) ; trouve son
plus grand éclat ds ces années.
. = gens du monde, poésie en fr., poètes surtt de passage (cf. Marot) ; noble,
goût de la fête et des jeux ; lié à la Cour et regarde vers l’Italie ;
conversations : cf. nvelles Marguerite de Navarre.
•
Savant : Sodalitium lugdunense (sodales = compagnons) = groupe
humanistes et poètes néo-latins, autour d’Étienne Dolet surtt (à Lyon de
1534 à 38, travaille pour l’imprimeur Sébastien Gryphe).
. = bourgeois, composés de lyonnais authentiques ou d’étrangers installés
depuis longtemps.
. outre ateliers des imprimeurs, centre de ce groupe = Collège de la Trinité
(ms fondé seult 1527, par Symphorien Champier et Barthélémy Aneau ; un
milieu, ms pas formation première de Scève) [indépendance de la ville
tenant à absence d’Université]
12
. Milieu et pratique du sodalitium
•
Outre Dolet, collège, Guillaume Scève, cousin de Maurice : bourgeois
auteur d’épigrammes érotiques et bachiques en latin ; pers. max du groupe
avant Dolet.
•
Outre échanges intellectuels (livres > culture) ode d’obligation et de
services mutuels : cette poésie néo-latine = éloge de la culture retrouvée (+
de ses ami, et de leurs amies), satire de l’ignorance rétrograde, traitement
de thème d’actualité, poésie amoureuse, correspondance en vers (invitation,
demande de livre, recommandation.
* échange versifiés de Scève : Pontus de Thyard (futur Pl.), Peletier du
Mans (futur Pl.), Héroet (dialogie paltonicien), Mellin de St-Gelais
(deviendra concurrent de Rons. auteur premier sonnet fr.), Théodore de
Bèze (Abraham) ; Dolet ; Eustorg de Beaulieu (poète marotique),
Charles de Saint-Marthe (pétrarquiste).
•
Dimension épicurienne et amoureuse :
. Présence des Dames, à qui hommages en vers : Saulnier pense que
souvent élève de précepteur rétribué.
. Outre Pernette du Guillet, Louise Labbé (1524-66) : « la belle cordière » ;
salon où reçoit Scève et d’autres, dont Olivier de Magny, ami de Du Bellay
et dont on pense qu’elle chante amour ds ses œuvres (3 élégies + 23
sonnets) ; gde culture et écriture d’un amour ardent (malgré platonisme) ;
Scève participe au recueil d’hommages publiés en 1555.
— 2> Les débuts poétiques
+ a> Situation, formation, apparition
. Né vers 1500 [ø date exacte], d’une famille de bourgeoisie lyonnaise fameuse :
•
Père Maurice = juge-mage au Consulat de la ville, plusieurs fois conseiller
de la ville + lieutenant de la sénéchaussée (= cumul exceptionnel), choisi âr
échevins de la ville pour être envoyé en ambassade eu devant de François
1e à son avènement.
* Richesse : possession de nombreuses terres ; plusieurs membres de la
famille (autres branches) ont titres de noblesse de robe.
•
Trois sœurs, lettrées : Claudine et Sibylle ont reçu chacune un poème de
Marot ; après mort du père 1529, poète devenu chef de famille dote
13
richement Jeanne en ajoutant à l’héritage moitié de ses biens propres > la
marie 1530.
* Montre choix du poète pour vie modeste ; cf. circ..
. Formation et profession :
•
Précepteur privé > pê université italienne (courant à l’époque ms contesté
par Saulnier) : en tout cas, docteur, ss doute en droit ; ms n’exerça jamais
aucun office de robe (retrait / prestige, carrières familiales) > nécessité
aussi que l’écriture soit rémunératrice (cf. participation à la vie publique).
* Formation intellectuelle ss doute autant voire plus à travers lectures
(dvlppt de l’imprimerie) + cercles lettrés lyonnais que par ses études :
cutlture humaniste ms aussi scolastique (cf. Microcosme).
•
Moment obscur : 1520-30 = retraite, sous le coup d’une déception
amoureuse [cf. dizain 112 (DL112), p. 114,: « Longue silence… Hors la
mémoire et des Dieux et des hommes » ; cf. « ce mien feu ancien » >
« trois lustres » = 15 ans, de « paix » avant feu renouvelé ; et DL147 ] ; vie
solitaire ; reçoit pê les ordres mineurs [moins contraignants].
. Avignon et le tombeau de Laure
•
vers 1530, ayant doté sa sœur, MS se rend à Avignon : ss doute secrétaire
de Mge Bontempo, vicaire de l’archevêque d’Avignon.
* Présence aussi d’imprimeries et de librairies.
•
1533, Scève fait partie de ceux qui découvrent tombeau de la Laure de
Pétrarque (Laure de Noves, épouse d’Hugues de Sade), ds la Chapelle de
la Ste-Croix, au couvent St. François, à Avignon.
. Sur demande de Bontempo, voire de François 1e, qui passera voir ce
tombeau, improvisant une épigramme que l’on attribue parfois à Scève .
. Allusions de Pétrarque ms N secret < prudence / intrigue avec femme
mariée + habitude du secret ds poésie provençale, donnant à Dame surnom
allégorique.
. Saulnier conteste que cette découverte (contestée) ait fait si grand bruit,
notamment pour notoriété (locale) de MS + ait relancé mode du
pétrarquisme, en plein essor, tout au plus amplifiée.
+ b> Les premières œuvres :
. 1535 Un roman d’amour
14
•
Mode romanesque sentimentale ds prose narrative db. 16e, outre variations
sur Roman de la Rose et réécriture de chevalerie
•
retour à Lyon 1535 > traduit roman sentimental espagnol = La déplorable
fin de Flamete de jean de Flore < Flammette de Boccace (1472), dont se
présente comme la suite ; ss doute commande de libraire.
. Recherche s’une morale amoureuse : bréviaire du Donnjuanisme ;
verbeux et complexe (sentimentalisme itlian + aventures esp.) ; échec.
. Ms bien des formules (voire des huitains) se retrouvent ds Délie : reprise
transfo en dizains [DL37, 82, 89], formules in [34, 39, 40, 66, 68, 88 =
plutôt db. : indice d’une composition chronologique]
. 1536 Les blasons (cf. / Marot)
•
Lui donne célébrité ; première réussite la plus spécifique (style : concision,
densité) ; fait connaissance de Marot, qui passe à Lyon retour d’exil fin
1536.
. 1536 Le Tombeau du Dauphin
•
Mort du dauphin François, ds condition jugées douteuse (empoisonnement
imaginaire, semble-t-il : gentilhomme italien de la cour accusé [au service
de l’empereur d’Autriche] > torturé, avoue, écartelé] ; cf. dzains 115 et
116) < E. Dolet rassemble un Recueil de vers latins et vulgaires.
•
Scève y contribue : 1 élégie et 4 épigrammes latines, 2 huitains français et
grande églogue allégorique Arion. [> près d’un tiers du total].
* Ressemble à du Lemaire de Belges ; gde rhétorique un peu décantée.
— Moment de plus grande activité ds cercle néo-latin du sodalitium.
. 1538, Le Petit œuvre d’amour, et gaige d’amitié
•
Ouvrage anonyme ms attribuable à Scève [en grande partie] (notamment
devise, « Non si non là », reprise plus tard par MS).
•
84 poèmes dont plupart adressés à une dame, Françoise Péchaud
(chronologie proche de Pernette : née vers 1520, connue 1535, mariée
1537) ; amour ardent, dominance d’une certaine sensualité (même si seult
menues faveurs de la dame).
•
Style anacréontique, alexandrinisme dominant : 17 traductions avouées
(surtt de l’Anthologie grecque, Horace et Martial, 1 Pétrarque) ;
remarquable = résistance au marotisme (clarté, mondanité, badinage, satire
enjouée).
15
. 1537-48 Les festivités de la ville
•
1537 Fête de la basoche = des étudiants en droit ; festin, chants et danse >
Scève récite des poèmes (épique, bucolique, érotique)
•
1540 entrée d’Hyppolite d’Este, nommée Cal de Lyon = invention de
tableaux vivants et de scènes animées pour égayer le parcours.
•
1548 grande entrée d’Henri II : idem + surintendance artistique gale
(direction des peintres, organisation des décors), rédaction d’inscriptions et
d’un livret.
— 3> La Délie (1544)
+ a) Histoire d’un amour ?
. Allusion interne à l’œuvre de MS comme à celle de Pernette du Guillet (1518 ?1545 ; Rymes de gentile et vertueuse Dame Pernette du Guillet, Lyonnoise 1545, = font de
cette dernière destinatrice du premier canzoniere français.
•
cf. lyonnaise, mariée (DL134, 156, 161, 172, 206) ; fréquente le poète et lui
accorde quelques menues faveurs (287, 364) mais l’invite à amitié plus
haute (146) ; leurs relations donnent lieu à des calomnies (261).
•
Jeux de mots de Pernette : Épigrammes 5 et 34 (jeu de mot / fausse
étymologie : Scève dit Saeva > cf. latin saevus = « sévère » ; MS
contrevient à cette fausse étym. en fixant l’orth. de son nom de famille, pê
par rapprochement avec un nom aristocratique).
•
Complémentarité métaphorique : Délie adressé à une femme lunaire
(DL22, 106, 111, 126) / Rymes à un homme solaire (épigr. 8, 40).
. Peu de renseignements sur sa vie.
•
Belle et cultivée (ms attention / stréréotypes) : parle espagnol et italien,
connaissance du latin et rudiments de grec ; joue de plusieurs instruments.
•
Rencontre MS en 1536, à 16 ou 18 ans ; probablement son précepteur >
initiateur en poésie et amour (chaste) ; elle l’aime pour son esprit plus que
pour son corps (< petit et laid… ; cf. chs vii : « la Vertu / dont tu es
ruchement vêtu » ; et ép xvii : « par sa vertu, qui à l’aimer m’attire, plus
que beauté ») ; jalousie / autres amourettes peu sérieuses (épigr. 34), et plus
/ une « bourgeoise » [épigr. 40 ; = Jeanne Péchaud ?].
16
•
Son mari fait mettre en ordre et publier poésies dont il aurait pu
s’offusquer, par Jean de Tournes, gd éditeur lyonnais (qui écrit récit /
découverte Laure).
. Interprétation du titre : < codé : tradition des troubadours + « surnom » selon Scève
même (DL59).
•
Dès 16e, hypothèse que « Délie » = « L’Idée » ; implique pê excessivement
platonisme.
•
Délie comme reprise d la Délia de Tibulle : ms celle-ci = courtisane cupide
et infidèle ; nom de convention en poésie, dès avant 1540 (chez poètes
italiens surtout, et néo-latins dont Du Bellay…).
•
Lecture mythologique :
* Choix italien plus que français, où plutôt Junon (richesse), Vénus
(beauté), Passas (prudence) ; >
* Triple valeur proposée par MS lui-même (DL22) : Hécate, Diane (déesse
de Délos, son île natale) et la Lune = confusion qui existe déjà ds religion
romaine et poésie, impériale.
* Sens 1 : Diane-Artémis (pas de distinction, alors que plus lumineuse chez
romains / plus guerrière chez grecs) ≠ voluptueuse Aphrodite, = déesse
pure, vierge farouche qui n’a pas subi l’amour ; échappe aux téméraires,
châtie les audacieux (cf. Actéon : emblème 19) : comme Dame résiste au
poète.
— > chasseresse (DL327, 131, 89)
* Sens 2 : déesse lunaire, éclairant ds l’obscurité, comme Dame
ds
malheur du poète (DL59, 106, 200 ; 51, 176, 282, 365, 394).
— > déesse guérisseuse, comme Délie (DL378, 372) ; par absinthe (50),
dictame (70), cèdre (372).
* Sens 3 : sœur de Phébus-Apollon, dieu de la poésie et lumière ; or poète
se considère comme frère en poésie de la Dame, et il est son jour comme
elle est sa lune, cf. infra.
+ b) Les 50 emblèmes
. Grande vogue à l’époque >
•
gravure + devise + texte galt en prose, didactique.
•
MS les a probablement trouvés en bonne partie tout faits chez l’imprimeur
de son éditeur (style semble commun ; seuls 2-3 évoquent explicitement
17
l’amour), les choisissant et modifiant pê certaines devises. Situation mixtes
possibles.
. Description :
•
Emblèmes chez MS = thèmes mythologiques et bibliques (9), th. naturels
(4), réalités familières (18), animaux fabuleux ou familiers (19).
•
Devises : semblent souvent traduites de proverbes italiens, ou de prosateurs
et poètes italiens (dont Chariteo, Pétrarque).
. Valeurs de ses emblèmes :
•
En France, mode didactique < traduction en trad. fr. 1534 des Emblemata
d’Alciat 1531 (juriste étudiant dt romain)
* titre bref > gravure > sentances morales en distiques latin > commentaire
en prose sur plusieurs pages.
* Gde vogue 16e, didactique > devient moyen d’enseignement chez Jésuites
et fera partie de l’art de la Contre-Réforme.
* Emblèmes
ont visée morale gale, ms dérivent d’un genre italien,
l’impresa (plur. imprese) qui a valeur subjective ; MS en est plus proche :
. représentation d’une ligne de conduite assumée par un sujet, au moyen
d’une sentance et d’une figure qui s’interprètent réciproquement.
. parfois conçu comme émanant d’un mode de pensée humain
originaire, tt proche du langage divin ou angélique, où parole et image pas
encore distinctes : hiéroglyphe moderne < Égypte = source première de
sagesse et de civilisation.
•
Usage structurant :
* Devise [jamais gravure] commentée ds premier dizain de la série qui suit
> lance thème qui relie de façon assez souple les poèmes qui suivent (ms
existe poèmes qui échappent à ce lien, et séries traitant de thèmes et de
moments ss rapport évident aves l’emblème précédent [revanche de
François 1e DL53-55, trahison de Bourbon 19-21] ; de même : thèmes qui
passent d’une série à la suivante : cf. DL 31-2, 34 > 157-8, 160 > 203-205,
275-77, 347-349).
* Permettent, en scandant régulièrement l’ensemble, son organisation
arithmétique : après huitain initial, 5+(49x9)+3 = 449 dizains ; nombre
total est premier, 7, 9 et 3 ont valeurs partic. ds symbolique des nbres ; ms :
première édition fautive ds numérotation > hésitation, entre occultisme et
18
ironie d’un poète soucieux simplement d’élaboration formelle et de mystère
(trad. du trobar clus…)…
+ c) La question de la composition
. Le dizain :
•
Forme usuelle de l’épigramme chez Marot et ses émules ; par ailleurs :
strophe possible de ballade médiévale (Villon).
•
Pê comprise comme intermédiaire entre huitain strambottiste et sonnet
pétrarquiste.
•
Métrique :
* Structure très galt ABABBCCDCD ; 15 exceptions, en deux autres
combinaisons (ABBAA… db. ou …CCDC fin).
* Pas d’alternance régulière masc. / fém., ms souvent ; admet homophonie
entre rime masc. et fém.. ; admet rime de suffixe et de dérivés ; quelques
unes du type rhétoriqueur (équivoquée 111, 148, 281 ; couronnée : 231).
* Absence de césure épique et lyrique.
. Composition d’ensemble : chronologique
•
chronologie d’écriture : àp 1538 [peu après que Dolet passe de la philologie
latine à l’usage du français]
•
chronologie de l’histoire amoureuse :
* Correspond à un récit factuel et moral, si l’on se fie au sens moral des 50
emblèmes pris ds l’ordre : naissance de l’amour > développement ds joie et
douleur > conclusion ds mort et espoir d’immortalité.
* Possible reconstituer chronologie réelle d’un amour : intimité printemps
1536 (DL323), désir inexorable été suivant (115) ; mariage de la belle en 1538
(28, 318) ; dernier contact datable 1539-40 (389) > suite plutôt mémoire ;
influence à distance 1543(416) ; pê séparation inévitable après « incident du
banquet » (387).
•
grandes scènes typiques (cf. aussi emblèmes, Saulnier 216)
. Symbolique et numérologique
. Typologie : 8
•
Confidence d’amour sans / avec destinataire (140 / 80 pièces)
•
Billet de circonstances (anecdote, incident : 80).
•
Glose de figure (50, / emblèmes).
•
Comparaison : 30
19
•
Saynètes mythologiques : en gros 30
•
Évocations historiques : en gros 12
•
Débat (genre MA à succès > Débat de Folie et d’Amour L. Labbé, in
épigrammes Pernette) : 3 [179 Amour / Raison, 181 et 184 Oui / Non]
•
Dialogue, ss intervention narrative : 2 [71 / mort : pétrarquiste, 107 /
Fortune, Amour et Mort]
+ c) Pensées de la Délie
. Tj. mise en œuvre pbmatique (pbmatisée) des pensées (-sources), àp d’élts (motifs)
précis (qui font travailler logique de ces pensées).
. Pétrarquisme
•
Chez Scève : pétrarquisme = galt point de départ typé ms allusif >
transformation (cf. « erreur » db. du livre).
•
Pétrarquisme = amour non partagé ou du moins tj. déçu + étonnement sur
effet subjectif de l’amour > méditation gale et exemple moral
/ Poésie lyonnaise = réciprocité + interrogation sur nature même de
l’amour, àp de traités platoniciens ms d’un point de vue large, cosmique >
amour reste en relation avec écriture d’une œuvre particulière.
. Charles de Bouëlle : Liber Sapiente (1509) [cf. Hans Staub, / MS]
•
Tentative synthèse entre conceptions de Ficin et Mirandole, définissant
homme par tension qui l’élève hors du monde, et école de Padoue
(Pomponazzi) qui insiste sur son appartenance radicale au monde.
•
Tâche humaine = penser le monde sensible, ce qui est aussi manière pour le
monde de s’accomplir ; = activité sans fin.
* Chez MS, amour comme forme de cette activité : cf. dernier dizain, 449,
p. 312 : « Flamme si sainte en son clair durera »
•
Complémentarité des dimensions : cf. Ange = soleil (domaine de
l’intelligible) et homme = lune (sensible) > « Tu dois faire jaillir le soleil de
la lune. Le tout, de la partie. L’intelligence, des sens […] »
. Léon l’Hébreu (Leone Ebreo = Juda Abarbanel ; Lisbonne > Naples : Dialogues
d’Amour (1535)
•
Amour = « lien qui lie tout l’univers », défini comme désir, apr leur affinité
constitutive au manque (≠ jouissance, qui est possession).
* Non exclusion de l’amour physique < but = union parfaite, à rechercher
ss fin car il manque tj. la jouissance future.
20
* > chez MS valorisation de cette union physique : cf. dizain de la
possession (Charpentier) DL287 p. 211 ; 163 p. 142.
•
Images en commun :
* Mythe de Diane > lune = intermédiaire entre soleil (intellectuelle) et terre
(corporelle).
* Amour comme fusion des eaux.
. Sperone Speroni : Dialogue d’Amour, 1542
•
Traduction, à des degrés variables, in DL428-446
•
Thématique proche de celle d’Ebreo : cf. hermaphrodite (DL435) +
violence faite à la langue par l’amour.
— 4> Retraite et méditation
+ 1) Autour de La Saulsaye, églogue de la vie solitaire (1547)
. Retraite ds la campagne lyonnaise dès 1542 ; ss doute à l’Ile Sainte-Barbe,
régulièrement 1543-7.
•
deuils importants : Pernette, cousin Guillaume, François 1e 1547.
. Simplicité bien plus grande de l’écriture et mélancolique sérénité de la morale.
•
3 parties : débat entre deux bergers / amour > récit d’une métamorphose
(nymphes / satires > saules) > vide de la campagne / ville (mode de ces
années).
+ 2) Le Microcosme (1562) [devise « Non si non là »]
. Participation à la vie publique jusque vers 1555.
•
1547-50 = seult. qqs pièces liminaires et deux traductions de psaumes (>
proximité des évangélistes).
•
1555 participe au recueil d’hommages poétiques accompagnant publication
des œuvres de Louise Labé.
. Le livre : trois chant racontant épopée du progrès humain.
•
Genèse > péché originel rend à la fois nécessaire travail inventif de
l’homme + châtie et limite son orgueil par la mort.
•
Songe d’Adam, puis discours de celui-ci à Eve = progrès technique, puis
révélation des sciences et des arts.
* Chant du progrès humain : cf. Pic de la Mirandole et Charles de Bouëlle ;
ms division des arts et techniques encore scolastique (trivium +quadrivium
).
21
. Pas de trace biographique de Scève après 1559 ; ss doute mort en 1560. Relative
éclipse, au moment où s’impose La Pléiade (1549 Défense).
•
Réception de la Délie = respect et mesure, sur le moment, ms souvent
reproche d’obscurité (> pas la faveur des mondains) ; ironie de Ronsard ;
DB plus respectueux (ss doute, aussi < connaissance personnelle) <
valorisation / mode facile de marotiques.
•
Pourtant, initiateur de la Pléiade à bien des égards : cf. préceptes de la
Défense + pratique effective du groupe (à ses débuts) :
* Insuffisance du « naturel » (Marot) > enthousiasme et travail
* Abandon des genres médiévaux
* Pratique du néologisme et galt de l’enrichisst. lexical et syntaxique : cf.
archaïsmes, adj. en « -able » et « -eux », substantivation des infinitifs et des
adjectifs (cf. « le songer », « l’obstiné de ma loyauté », « ils combattent
obstinés »).
•
Mais discrétion : pas de manifeste.
22
LETTRES MODERNES : PROGRAMME 5
Oral
La Délie : explications de texte
— Typologie générique (V.-L. Saulnier) :
. 1. Confidence d’amour sans / à la dame / à d’autres destinataires (140 / 80 / 20 pièces) : 2, 7, 10… / 1,
3, 4… / 15, 70, 93…
. 2. Billet de circonstances (anecdote, incident : 80) : 27, 28, 31, 32, 387…
. 3. Glose de figure (50, / emblèmes)
. 4. Comparaisons (30) :
— 26, 64, 73, 95 / 360 [poète = montagne / bruits de la ville], 243, 260 [comparant ≈ mer],
— 131, 176, 282, 365, 383, 394 [dame = Diane ou lune et leurs aspects], 199, 200, 247, 386,
418 [dame = x, y, z…],
— 392, 396 / 17, 346, 396 [relation entre amants = x, y…/ Rhône et Saône]
— 73, 77, 291, 316, 345, 347, 359, 376 [son amour = x, y, z…], 148, 171, 333 [amour =
saisons],
* Gloses d’allégories : 9 [bouquet], 36, 37, 38 [attributs de l’amour], 154 [Amour / Mort]
. 5. Saynètes mythologiques ( en gros 30) : 63, 67, 74, 94, 140, 250, 268, 302, 332, 335, 343 [+
Amour], 217, 218 [Amour et Cupidon], 374 [Amour et Vulcain], 83 [Amour,Vulcain et Vénus], 89 [Amour
etVénus], 101 [Cypris], 109 [Mars et Vénus], 110 [Amour et Mars], 120 [Amour et Jupiter], 168, 327 [Diane]…
* Gloses mythologiques de « Délie » : = Hécate-Diane-Délos > 2 [Pandora = Hécate], 89, 131,
327 [Diane Artémis, chasseresse], 51, 59, 106, 176, 200, 282, 365, 394 [lunaire], 50, 70, 372,
378 [guérisseuse]
. 6. Évocations historiques (en gros 12) : 19-20-21 [invective contre la trahison du connétable de
Bourbon > contre amants parjures], 298 [outrecuidance Charles Quint > en général], 53-54-55 + 252-253 [éloges
de François 1e : gloire militaire + vertus], 254-255 [éloges de Marguerite de Navarre : allégories des vertus], 28,
128, 208, 318, 389, 448…
. 7. Débats (genre MA à succès > Débat de Folie et d’Amour L. Labbé, in épigrammes Pernette) : 3
[179 Amour / Raison, 181 et 184 Oui / Non]
. 8. Dialogues, sans intervention narrative : 2 [71 / mort : pétrarquiste, 107 / Fortune, Amour et Mort]
— Typologie thématique (outre allusions au contexte et parcours amoureux global) :
+ La femme aimée :
. 1. Représentation minérale (F. Charpentier) : 172, 296, 418 [physique], 125, 185[moral]
— miroir : 229, 230, 303, 307, 415
. 2. Le portrait (FC) : 277, 288, 291
. 3. Les trois Grâces (F. Joukovsky) : 4, 127, 229
+ Amour :
. 4. Microcosme et macrocosme (FC) : 124, 128, 148, 170
. 5. Lumière (FJ) : 7, 79, 128, 434
. 6. Feu et glace (FJ) : 199-200-201
. 7. Souffrance et mélancolie (FJ) : 45, 77, 82, 114, 292, 401, 407, 413, 441
. 8. Renaissance (FJ) : 144, 413, 419, 435
. 9. Mort (FC+FJ) : 175, 266, 408
+ 10. Une vision maniériste (FJ) : 27, 73 [couleurs non mimétiques mais symboliques], 141 [cadrage
panoramique], 266, 409 [ligne]
. 11. Toucher : 41, 235, 433
23
MAURICE SCÈVE
Délie : quelques problèmes
— 1) La structure : fables, nombres, thèmes
+ a) Possibilité et limites d’une lecture narrative (chronologique)
. Cf. cours d’intro. II.3> c) : premier canzoniere français (avant Olive de Du Bellay,
1549)
•
anecdotes et repères chronologiques permettent de suivre histoire d’un
amour (tvl. de VL. Saulnier).
•
Composition globalement chronologique : reprise de Flamette 1535 [esp.
Jean de Flore < Boccace] db. (D 37, 82, 89) > cf. traduction adaptation de
Speroni (Dialogue d’Amour, 1442) in D428-446.
. Mais : ne rend compte que très partiellement de la réalité du livre, même si un
parcours y importe.
•
Rareté des élts anecdotiques.
•
Série des anecdotes et parcours d’une rédemption = en tension forte avec
écriture de la concentration
* forme poétique : dizain ≠ variété des formes chez Pétrarque : sonnets,
chanson, sextines… ;
* style : concentration jusqu’à l’obscurité = choix de substantifs et adj.
visant à l’essence (id/ substantivation d’infinitif et d’adj. [> préciosité]), ellipse
fréquente des PNP sujets (possible en sx. médiévale et Renaiss.), participiales
(au lieu de conjonctives)
* thèmes et problématiques : « âme de mon âme » (d1), « ce mortel nœud
qui mon cœur entrelace » (d143) = difficulté à cerner ce point central de
l’écriture amoureuse > parcours à la fois labyrinthique (écarts, égarements,
complexité) et répétitif (récurrence).
+ b) Questions de la composition numérique (numérologique)
. Élts laissent penser le caractère concerté de cette composition :
24
•
nombre total (449) : premier, + nbre de fois que le nom de JC apparaît ds
les épîtres de St. Paul (nbre mentionné par Lefèbvre d’Étaple, traducteur de
la Bible).
•
scansion par les emblèmes (5 + 9x49 + 3) :
* thèmes et présentation de ces emblèmes : communs avec Alciat et liés à
la pbmatique de la Délie (deux amours, force de l’amour, amour céleste
comme désir de vertu, lien amour et mort), esthétique de la concentration
(immédiateté sensible) et de l’obscurité (décodage, interprétation) +
singularité des cartouches / production des emblèmes époque : cf. forme
variant, ds édition de 1544 [≠ 1564 que nous avons, pour emblèmes], de
façon systématique (à trois exception près) ds ordre identique [rectangle,
cercle, losange, ellipse, triangle, ovale] = alliance de la géométrie (tvl de
l’idéal) et de l’entrelacs (complexité des vicissitudes amoureuses).
* Une interprétation ésotérique possible : 5 = l’h incarné, 9 = réintégration
finale (rédemption), 49 = étapes de l’initiation, 3 = action divine (mis en
relation avec d22 et triple Hécate, passage poète par 3 règnes, terrestre,
infernal et céleste).
* Goût fin MA et db. renaissance pour lectures allégoriques et symboliques
> tradition hermétique, ésotériste.
. Problème quant à la valeur et à l’importance de ces élts :
•
Emblèmes et devises existant largement avant composition du livre.
•
Erreurs dans numérotation de l’édition de 1544.
•
Nécessité de corrections pour bâtir interprétation cohérente.
+ c) Approche thématique : le retour obsessionnel du même
. Outre mythes et allusions historiques.
. Mystique de la lumière et de la vision : cf. P. Ardouin, remarquant qu’emblèmes 1
(d5) et 26 (d231) mettent en scène licorne [> 50 (d447) = sollicite regard de la Dame et du
lecteur sur poète mort : réflexion accomplie].
•
Compatible avec platonisme (cf. vision des idées — aristotélisme aussi fait
de la sagesse forme de contemplation).
•
Raffinement du visible comme manifestation de l’idéal > cf. maniérisme.
. Lié au dispositif courtois et pétrarquiste de l’amour de loin.
•
Thématique et méditation sur présence-absence
25
•
Difficulté à voir l’autre > enfermement spéculaire (thème du miroir),
toucher compensatoire, dureté (minéralité comme idéalisation) de cette
autre imaginé autant que perçu.
— 2) Les dizains mythologiques
+ a) La trilogie Diane, Hécate, Cynthie
. Diane (Artémis) : 22, 442 [Délia d131, Dictynne 353, Cynthia 356 < honorée sur
mont Cynthus, à Délos (= alors lune), Phébé 200 (= lune / Phébus = soleil, Apollon)] :
•
Fille de Zeus et de Léto, née ds l’île de Délos le même jour que son frère
jumeau Apollon dont partage bien des traits de caractères et attributs.
Globalement chaste et chasseresse.
. Notamment : armées de flèches = tue ss pitié ceux qui attentent à sa
dignité et à celle de sa mère ; cf. enfants de Niobé (7 fils et filles ; se vante
de sa fécondité et moque Léto, seult 2 enfants > niobides tués de flèches +
mère pleurant transformée en rocher d’où coule source), Actéon [emblème
19, d168](prétendait la surpasser à la chasse + la surprend au bain > elle le
transforme en cerf et le fait dévorer par ses propres chiens).
•
Artémis de Tauride = dirige char avec deux taureaux, flambeau à la main +
croissant de lune au front ; on lui sacrifiait les étrangers (Oreste [a tué
Clytemnestre et Égisthe] juste sauvé par Iphigénie).
. ≠ Artémis d’Éphèse = se livre à l’amour ss retenu et nourrit par multiples
mamelles gonflées de lait, la terre et les hommes.
•
Fortune particulière de cette figure mythologique sous le règne de François
1e < goût du roi pour la chasse + Diane de Poitiers (célébrée aussi ds
Regrets de Du Bellay 1558), pê sa maîtresse (< ? faire absoudre son propre
père, le connétable de Bourbon) et en tt cas celle du dauphin, futur Henri II
(1547-59) quoique marié déjà à Catherine de Médicis, àp de 1536 environ ;
embellit château d’Anet + de Chenonceaux ; grande réputation de beauté (>
cf. iconographie, nott ds École de Fontainebleau).
. Hécate : 22, 376
•
Appartient à la première génération des dieux (descend des titans, fils
d’Ouranos et de Gaïa [ciel et terre] — dont un = Cronos) : quand enfants de
Cronos règne sous Zeus, conserve ses prérogatives anciennes, positives =
26
dispenser richesses matérielles et spirituelles, victoires, aux mortels et
immortels (triple pouvoir : ciel, terre et enfer).
. Pouvoirs > déesse magicienne.
•
Acquiert peu à peu caractère maléfique : messagère des démons et
fantômes, suivie d’une meute hurlante, placée à la jonction des routes.
. Représentée à trois têtes (lion, chien, jument < trois parties de l’année
selon ancien calendrier gc), parfois assimilée à Artémis (Diane),
Perséphone (fille de Déméter et de Zeus, femme d’Hadès, roi et juge des
enfers — symbolise grain de blé : 6 mois sous terre, 6 mois sur terre auprès
de sa mère), et Séléné (déesse lune, aux multiples amours — dont berger
Endymion, qu’elle endort pour tj et caresse de ses rayons).
. Triple Hécate = chez Virgile in Énéide.
. d.22, cf. dico mythologique de l’époque (Calepin) = Diane, sous nom
d’Hécate, a pouvoir de faire errer cent ans les âmes des morts privés de
sépulture.
+ b) Les fables vénériennes
. Vénus (Aphrodite) [Cypris, Cytarée]
•
Déesse de l’amour et de la beauté, ambivalente :
* protège mariage, fécondité, naissances.
* symbolise passion ravageuse que rien n’arrête, légitime ou pas ; fatale :
surtout quand assimilation à la Vénus romaine.
•
Double origine possible : fille de Zeus / née du sang qui tomba ds la mer
quand Cronos mutila Ouranos > A surgit des vagues sur une conque,
blanche et belle comme l’écume (Vénus anadyomène) [aborde à Cythère (>
Cytarée) > à Paphos (9), ds l’île de Chypre (> Cypris)] > amour qu’elle
incarne devait régner sur toute créature animée.
•
Épouse d’Héphaïstos (Vulcain), elle le trompe régulièrement, notamment
avec Arès (Mars) [> enfant : Éros-Amour]
* Surprise par son époux avec son amant > avec lui prise ds un filet ; dut
quitter l’Olympe ms le trompa encore avec Dionysos, Hermès et Poséidon
+ le mortel Anchise (> fils = Énée, ancêtre des Julii dont César se se
réclamait).
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* Reçoit d u berger troyen Pâris pomme d’or « À la plus belle » (= jetée par
déesse de la discords à un banquet des dieux) / Athéna et Héra, < lui promet
plus belle des femmes = Hélène, femme de Ménélas, roi de Sparte.
. Éros / Amour / Cupidon
•
Ds religion archaïque, né du chaos, principe vitale d’attraction des êtres ; >
résurgence ds orphisme (= premier être, à la fois mâle et femelle),
platonisme (fils de Pénia et Poros : Pauvreté et Expédient).
•
Tradition courante retient plutôt figure de l’enfant malin et pervers, galt
ailé, armé de l’arc ou de la torche enflammée, parfois aveugle (compagnon
puis) fils d’Aphrodite et d’Arès > victimes tj. nouvelles, y compris Zeus et
sa propre mère (Cupidon = désir amoureux le plus vif).
* ds cette tradition (Apulée, IIe ap. JC) : amour d’Éros et Psyché (l’âme) =
princesse dont veauté suscite jalousie d’Aphrodite > que son fils la
conquière : il tombe amoureux d’elle > obtient de Zeus, pour elle,
l’immortalité.
* ds panthéon gc : existe aussi Antéros, frère d’Éros = hostile à l’amour, ou
vengeur de l’amour trahi ; facteur d’organisation et de pondération > cf.
d217 et 218 comme adaptation de ce mythe : Amour sensuel / pur = lieu
commun pétrarquiste (« celui » = « Amour ardent », pur / « cettui » =
« Cupido bandé », aveuglement du désir > « utérins frères »).
— 3) Les dizains historiques
+ a) Figures et histoire de François 1e (roi 1515-47)
. Dizains 19-21 : trahison du connétable de Bourbon, passé à Charles Quint [< procès
intenté par Louise de Savoie, mère de F 1e, pour récupérer héritage de l’épouse du connétable
malgré testament lui léguant ts ses biens] > perte du Milanais et désastre de Pavie (1525) :
François 1e prisonnier en Espagne > 1526 = signe traité de Madrid, où cède Bourgogne et
Milanais ; intention secrète de pas en tenir compte > 1529 (traité de Cambrai) renoncera à ses
prétentions italiennes contre souveraineté / Bourgogne + épouse en seconde noce [après
Claude morte en 1524] Éléonore d’Autriche, sœur de Charles Quint.
•
d20-21 : Florence républicaine, alliée de la France contre CV (repasse aux
impériaux avec fin de la République 1530) ; trahie par connétable (« Cerf
volant » = cerf ailé ds ses armes : promptitude ds action) qui en 1527
marche sur Rome (Pape Clément VII allié des français alors) avec
28
luthériens et impériaux (Autruche = Autriche), ms meurt avant sac de
Rome (tuerie de 8 jours).
•
Cf. d28 : « grand Pape abouchant à Marseille » = Clément VII (Jules de
Médicis), entrevue d’Aigues-Mortes < négocier mariage de Catherine de
Médicis avec futur Henri II (< par alliance, diminuer emprise de Ch. Quint
/ Pape).
. Dizains 53-55 (+252-3).
•
53 : libération de F1 < traité de Madrid + (F1 se mourant d’un abcès)
intervention de sa sœur Marguerite (alors duchesse d’Alençon) proposant
mariage avec Éléonore.
* cf. dizains 254-55, à la gloire de Marguerite de Navarre : lui sont
attribuées trois vertus théologales (foi, charité [< aussi représentation par
maniériste Andréa del Sarto, ds collection F 1e ], espérance : < théorie trad.
selon laquelle vertus royales procède de la divinité (transmise par) + auteur
de poésies spirituelles, d’inspiration platonicienne et évangélique. ; > aussi
associée 255 à la Vénus anadyomène, qui sort des flots, célestes : qui
admire « Marguerite » [= perle MA et 16e (< lat. margarita), ds sa
coquille ; > aussi irisation qui rassemble couleurs des vertus…] ; « un
temps viendra » = réserve ds alliance Marguerite / lys < séparation et
brouille ap 1531, mort mère Louise de Savoie.
•
54 : « L’hoir [héritier] de Jason » = Charles Quint < ordre de la toison d’or,
fondé par ducs de Bourgogne = passé à la maison d’Autriche après mort de
Charles le Téméraire ; partage des possession de Bourgogne par traité de
Cambrai (1529) mais reprise des hostilité 1535 < nveau conflit / duché de
Milan (> nvelle campagne française).
* Même date, 55 : attaque de Charles Q / Tunis, défendu par pirate
Barberousse (= « nouveau Monstre ») aux ordres du sultan Soliman II le
Magnifique : Bb. sera allié des français en 1543 ; après cette victoire >
attaque de la Provence par les impériaux, semi-échec
* cf. 432 : « froid Allemand » = archiduc Ferdinand, frère puîné de CQ,
futur empereur Ferdinand 1e : 1526, Soliman s’empare de Bude > fin /
indépendance de la Hongrie, partagé entre province administrée par Ferd.,
région de Buda avec pacha turc, et 3e dirigée par voïvode de Transylvanie,
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allié des Turcs. Ms : alliance de François 1e avec Soliman àp 1534 (<
politique et éco).
+ b) Éthique et sémiotique de l’histoire
. Tradition grand rhétoriqueurs et Renaissance : poète et humaniste comme laudateur
et conseiller des princes.
•
Pensée médiévale > humanisme = roi représente sur terre principe
d’autorité (< Dieu), son gouvernement doit réaliser une harmonie qui est à
l’image du cosmos (cf. Plat.).
•
Budé comme Érasme : bonheur du peuple passe par sagesse du Prince (cf.
Plat et le roi philosophe, même si inflexion plus pragmatique) > déplorent
spectacle d’une Europe déchirée par guerre < passions (cupidité, orgueil).
. > chez Scève, composante courtisane et simplification de l’histoire : dénonciation de
l’orgueil de CV, qui ne tient pas compte d’un certain impérialisme de François 1e (cf. candidat
à l’Empire en 1519).
. Vision très morale de la politique, liée à l’ascèse amoureuse :
•
Rupture d’harmonie et excès ds trahison du connétable de Bourbon et
ambitions de Charles Quint : punis (mort de l’un, défaire de l’autre,
notamment à Landrecy ds nord France 1542).
* Même excès et disharmonie de l’amant, si so’bstine à vouloir posséder
l’aimée.
•
Harmonie : d118 Clément VII à Marseille < mariage HII et cath. de
Médicis = médiation entre ordre éternel et temporel, amour humain et
divin.
•
F 1e = image de l’harmonie et de la raison ds la gouvernement des affaires
de ce monde, triomphant des excès de CQ ; image de vertu rehaussé par
Marguerite de Navarre = modèles de perfection, comme Délie.
— 4) Une approche picturale : le maniérisme et l’école de Fontainebleau
+ a) L’école de Fontainebleau (première — une seconde sous Henri IV)
. Née de l’influence exercée par peintres italiens Rosso et Primatice [> Nicolo
dell’Abate], que F 1e fit venir à sa cour àp de 1527 (1e cour d’Europe à adopter ce style).
•
Maniérisme (cf. « manière » = style personnel, selon le peintre et historien
de la peintureVasari) < classicisme de Vinci, Raphaël et Michel-Ange [>
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Pontormo, Bronzino, Parmesan] : tentative de chercher un canon de la
beauté àp réflexion sur les formes et non par simple imitation de la nature ;
cf. déjà chez M. Ange : « conception de la beauté imaginée ou vue à
l’intérieur du cœur ».
•
Associée aussi à instabilité politique et spirituelle
de l’Italie db. 16e :
menace turque, menées impériales, Réforme / Contre-Réforme ; > ds
peinture : climat de terreur, fantastique (nocturne ; cf. aussi succès de la
figure de Diane ds École de Fontainebleau).
+ b) Éléments d’une lecture picturale
. Caractéristiques de ce style :
•
Approche non réaliste du réel > décoratif et symbolique : cf. couleurs (27,
73).
•
Allongement des formes (figures nues étirées) : cf. ligne florentine /
couleur vénitienne > cf. « rais épandus » 409
* Déformation de l’espace : entre panoramique (141) et focalisation théâtral
sur point de densité (regard de la dame).
•
Géométrisation, ms aussi complication des lignes : cf. cadres des emblèmes
(surtt ds édition 1544), complication sxq. et entrelacement des motifs (cf.
396 = aussi périphrase possible / acte d’amour).
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