Dossier pédagogique - Musée des beaux

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Dossier pédagogique - Musée des beaux
Présentation aux enseignants
Mercredi 28 janvier 2015, 14h30
Gilles Aillaud
1928 - 2005
Exposition présentée du 17 janvier au 17 mai 2015
Ouverture en continu le mardi de 10h à 18h,
du mercredi au dimanche de 10h à 12h et de 14h à 18h
(sauf lundis et jours fériés)
Informations pratiques
Musée des beaux-arts
20 quai Émile Zola
35000 Rennes
02 23 62 17 45
www.mbar.org
Ouverture en continu le mardi de 10h à 12h, du mercredi au dimanche de 10h à 12h et de 14h à 18h
(sauf lundis et jours fériés)
Permanence des conseillers-relais, mercredi : 14h - 17h
Fabrice Anzemberg (arts plastiques) et Yannick Louis (histoire-géographie)
02 23 62 17 54
Réservation obligatoire au 02 23 62 17 41 (du lundi au vendredi : 8h45 - 12h15)
Musée des beaux-arts de Rennes
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APPROCHE PLASTIQUE par Fabrice Anzemberg
La Figuration narrative
La Figuration narrative apparaît dans le milieu des années 60. Contrairement au Nouveau Réalisme, qui nait
dès le début des années 60, la Figuration narrative n'est pas un mouvement, c'est pourquoi il semble plus
correct de parler d'un courant.
Gilles AILLAUD (1928 – 2005) est un des artistes de la Figuration narrative, même s'il y occupe une place un
peu particulière. Il est compliqué de dresser une liste précise des artistes de la Figuration narrative, cependant
on peut citer Eduardo ARROYO (né en 1937) et Antonio RECCALCATI (né en 1938). Ces deux artistes ont été
proches de Gilles AILLAUD dans les années 60. Mais il faut aussi parler d'Hervé TÉLÉMAQUE (né en 1937),
de Bernard RANCILLAC (né en 1931), de Jacques MONORY (né en 1934), de Valerio ADAMI (né en 1935), de
Peter KLASEN (né en 1935) ou de Gérard FROMANGER (né en 1939). On pourrait continuer cette liste, mais
aucun de ces artistes ne peut être seulement identifié à la Figuration narrative. Tous les artistes qui croisent les
temps forts de la Figuration narrative ont continué leur carrière artistique au-delà de ce courant. Pour certains
de ces créateurs, leur présence à une exposition de la mouvance de la Figuration narrative a été ponctuelle,
parfois unique.
Un mouvement artistique est souvent théorisé, un manifeste le définit. La Figuration narrative n'a pas de
manifeste, mais un ensemble d'écrits qui donne l'essence de la pensée des artistes : Gilles AILLAUD ou Hervé
TÉLÉMAQUE, par exemple, ont souvent accompagné leur œuvre plastique d'une production écrite. Le critique
Gérald GASSIOT-TALABOT joue un rôle essentiel auprès de ces artistes. En plus de ces écrits, il accompagne
les artistes, organise ou co-organise des expositions.
Des idées communes forment la base de l'image dans la Figuration narrative. La peinture est un moyen
important utilisée par les créateurs de ce courant, mais il faut aussi parler de la photographie, du cinéma, du
dessin d'illustration, de dessin animé, de bande dessinée qui alimentent l'esprit des créateurs de la Figuration
narrative.
D'une manière générale, l'image est porteuse de sens métaphorique, elle peut être réaliste, fantastique, elle
peut opérer un détournement, une parodie.
Quelques événements phare ponctuent les moments importants de la Figuration narrative :
•
Mythologies quotidiennes en 1964 au Musée d'art moderne de la ville Paris, exposition à laquelle Gilles
AILLAUD ne participe pas.
•
La Figuration narrative dans l'art contemporain en 1965 à la galerie Greuze, à cette occasion Gilles
AILLAUD, Eduardo ARROYO et Antonio RECCALCATI exposent la peinture Vivre et laisser mourir, ou la fin
tragique de Marcel Duchamp.
•
Les différentes éditions du Salon de la Jeune Peinture, en 1969 par exemple, Gilles AILLAUD y expose
Vietnam, la Bataille du riz, œuvre de 1968 à l'ARC musée d'art moderne de la ville de Paris, dans le cadre de la
Salle rouge pour le Vietnam.
•
L’atelier populaire, École nationale supérieure des Beaux-arts où, du 14 mai au 27 juin 1968, des
étudiants et des artistes dont Gilles AILLAUD occupent l'atelier Brancion pour marquer leur soutien aux
ouvriers grévistes.
•
La création de la Coopérative des Malassis en 1970.
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La Figuration narrative
La Figuration narrative n'est pas à proprement parler un mouvement. Elle ne se structure pas autour d'un
manifeste, d'un texte fondateur. On peut cependant repérer l'exposition Mythologies quotidiennes comme un
moment clef. La première édition de Mythologies quotidiennes se déroule au Musée d'art moderne de la ville
de Paris en Juillet 1964. Cet événement artistique est organisé par le critique d'art Gérald GASSIOT-TALABOT
(1929 - 2002) et les peintres Hervé TÉLÉMAQUE et Bernard RANCILLAC. Trente-quatre artistes sont
présents, mais Gilles AILLAUD n'est pas invité.
Fonds numérisé Gérald GASSIOT-TALABOT
Sous le vocable Figuration narrative se trouve un cercle d'artistes qui évolue au fil du temps et des expositions.
Après Mythologies quotidiennes, Gérald GASSIOT-TALABOT organise d'autres expositions. Il incarne, comme
Pierre RESTANY (1930 - 2003) pour le Nouveau Réalisme, mouvement artistique fondé lui aussi dans les
années soixante, l'image du critique d'art engagé, co-créateur d'un mouvement ou d'une pensée artistique. Il ne
relate pas seulement des faits artistiques, il n'est pas uniquement un soutien plus ou moins proche d'un artiste
ou d'un groupe d'artistes mais devient acteur du monde de l'art en participant directement à l'élaboration d'une
pensée artistique.
Les artistes de la Figuration narrative appartiennent pour beaucoup à une seule et même génération.
Beaucoup sont trentenaire dans les années 60. Dans le monde de l'art des années 60, les « grands anciens »
sont encore présents et très actifs. Un grand nombre d'artistes des années des avant-gardes du cubisme, les
« conquérants » de l'abstraction, les artistes de Dada, les surréalistes sont souvent encore actifs. Pablo
PICASSO (1881 - 1973) a une production importante ; Marcel DUCHAMP (1887 - 1968) est reconnu comme un
artiste fondamental. Les artistes de la Figuration narrative doivent trouver une place. Ils n'appartiennent pas
non plus aux générations de la 2ème Guerre mondiale, ils n'ont pas pris part au conflit. Le positionnement
politique de certains artistes pendant la guerre a eu parfois un retentissement considérable dans leur carrière.
Ces artistes entrent dans l'âge adulte dans un monde nouveau, aux contours à définir.
La scène artistique a changé avec la guerre. Paris n'est plus la capitale mondiale de l'art. En Europe, d'autres
grandes villes ont des institutions prestigieuses, comme Milan ou Munich, capables d'être à l'origine
d'événements artistiques importants. Puis il y a la place qu'occupent alors les États Unis d'Amérique. Dans les
années 30, des artistes ont fui l'Allemagne avec la montée du nazisme. Pour d'autres raisons, Marcel
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DUCHAMP a aussi vécu aux USA dès les années 20. Pendant la guerre, beaucoup d'artistes européens ont
trouvé refuge en Amérique. Toute une génération d'artistes américains se forge une culture au contact de ces
Européens. Dans les années 60, l'art américain est incontournable. Le marché de l'art a en grande partie
traversé l'Atlantique.
Inauguration de l'exposition de Mythologies quotidiennes, Paris, 1964.
Debout de gauche à droite : Samuel BURI, Jean TINGUELY, Jacques MONORY, Hervé TÉLÉMAQUE, Marie-Claude DANE, Gérald GASSIOTTALABOT, Peter FOLDES, Bernard RANCILLAC, Daniel HUMAIR, Antonio BERNI, ATTILA, CHEVAL-BERTRAND, Edmond ALLEYEN.
Assis de gauche à droite : Peter KLASSEN, Klaus GEISSLER, Niki de SAINT-PHALLE, Jan VOSS.
En 1965, à la galerie Greuze à Paris se tient l'exposition La Figuration narrative dans l'art contemporain. Gilles
AILLAUD, Eduardo ARROYO, Antonio RECCALCATI présentent à cette occasion une série de huit tableaux
intitulée Vivre et laisser mourir, ou la fin tragique de Marcel Duchamp. Des œuvres de DUCHAMP sont citées
ou parodiées. On y voit le Nu descendant l'escalier, peinture à l'huile de 1912, exposée au Philadelphia
Museum of Art, Fontaine (l'Urinoir) réalisée en 1917 (1964 pour la version du Musée national d'art moderne,
Centre d'art et de culture Georges POMPIDOU à Paris), La Mariée mise à nu par ses Célibataires, même ou
LE GRAND VERRE, œuvre réalisée à New York entre 1915 et 1923, exposée au Philadelphia Museum of Art.
Intercalées entre ces citations, des scènes où figurent les auteurs de l'œuvre, montrent l'exécution de Marcel
DUCHAMP. Ce dernier est jeté nu dans un escalier, sur la dernière toile de la série son cercueil, recouvert d'un
drapeau, sans doute américain, est porté par des hommes en uniforme. On y reconnaît des artistes des popartistes et des nouveaux réalistes.
Gilles AILLAUD, Eduardo ARROYO, Antonio RECCALCATI
Vivre et laisser mourir, ou la fin tragique de Marcel Duchamp
1965, acrylique sur toile,
partie haute : quatre panneaux de 162 x 130 cm
partie basse : quatre panneaux de 162 x 130 cm
Musée Reina Sofia, Madrid
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Ces jeunes artistes règlent de manière spectaculaire son compte à Marcel DUCHAMP. Certains y verront une
forme singulière de meurtre du père. Un texte accompagne cette œuvre. Les trois artistes affirment leur volonté
d'inscrire leur œuvre « dans le temps et dans l'espace ». Ils s'opposent à l'idée, sans doute très répandue à
cette période, que la peinture moderne est définitivement abstraite et ils affirment par la même occasion que le
ready-made n'est pas la preuve de la mort de la peinture. AILLAUD, RECCALCATI, ARROYO, mais aussi les
autres artistes de la figuration narrative, affichent leur ancrage dans la peinture, la figuration et, l'évidence,
dans ce qu'ils nomment la narration.
Gilles AILLAUD, Perroquets, 1974, 200 x 250 cm, collection particulière
Ces trois composantes marquent un attachement au contexte historique d'une création, son enracinement
dans un cadre, un lieu, un pays, une période : l'artiste n'est pas individualiste, mais il s'engage. C'est un
engagement qui peut prendre des contours politiques, sociaux… Les artistes de la Figuration narrative
reprochent à Marcel DUCHAMP son détachement, son indifférence face au monde qui l'entoure et face à
l'œuvre dans sa valeur objectale.
La Figuration narrative pose un regard sur l'image déjà très présente dans la société des années soixante.
L'image photographique ou filmique, la publicité, la bande dessinée sont des sources inépuisables d'exploration
pour les artistes.
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Jacques MONORY, Meurtre n°1, 1968, huile sur toile, 160 x 390 cm
Musée d'art moderne et contemporain, Saint Étienne Métropole
Jacques MONORY est un artiste français né en 1934. Ses peintures utilisent un procédé particulier. Au
départ l'artiste utilise des photographies qu'il reproduit, mais petit à petit, il décalque une ou plusieurs
images projetées et agrandies sur une toile monochrome de couleur souvent bleue. La toile, par ses
dimensions, devient un écran et l'ensemble prend un caractère très cinématographique. L'image morcelée,
déchirée, juxtaposée, crée un ensemble narratif puissant renforcé par les dimensions.
La peinture reprend tout son sens par l'emploi du camaïeu : le bleu est décliné par des tons différents.
L'image, violente, est ainsi mise à distance pour prendre encore plus de sens. Le peintre cultive là une
certaine forme de décalage.
Gilles AILLAUD, Les Crocodiles, 1965, huile sur toile, 129,5 x 162 cm
Musée des beaux-arts de Dole
Dans un univers clos, délimité par des grilles aux pointes recourbées, des crocodiles sont couchés sur un
sol lisse. Si les animaux sont effrayants, par nature, les pointes courbées des barreaux sont encore plus
menaçantes. Au premier plan, le haut d'une grille est censée nous protéger. Elle nous met encore plus à
distance de cet univers carcéral. Les couleurs sont froides, avec de très légères variations de tons ou de
teintes. Les éléments métalliques ou minéraux se confondent avec les crocodiles. Là encore le décalage
crée le malaise du spectateur, tout en lui permettant de prendre un peu de distance.
Ces images sont cependant sorties de leur contexte, elles subissent parfois un détournement plus ou moins
léger, un traitement plastique particulier (traitement de la couleur, recadrage...). Dans le texte de présentation
de l'exposition Mythologies quotidiennes, Gérald GASSIOT-TALABOT écrit : « à la dérision statique du pop
américain, ils opposent "tous" la précieuse mouvance de la vie ».
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Hervé TÉLÉMAQUE, Bleu de Matisse, 1982 (œuvre détruite)
Salle "Liberté", Rennes
Aujourd'hui détruite, l'œuvre Bleu de Matisse a été peinte sur le mur ouest de l'ancienne salle omnisport de
Rennes. Conçue en 1961 par les architectes Louis ARRETCHE et Yves PERRIN, la destination de cette
salle va progressivement évoluer. En 1996, la salle omnisport devient le Liberté et après plusieurs
campagne de rénovation est transformée en salle de concert. Bleu de Matisse a pendant des années orné
un pignon de cette salle. Ce mural montre un assemblage d'images. Différentes formes ou représentations
d'objets se juxtaposent. À droite, une masse bleue fait référence aux papiers découpés de MATISSE (1869 1954). La référence à l'assemblage peut se voir comme une citation de l'œuvre de MATISSE et des papiers
collés, mais aussi comme un hommage aux différentes expressions artistiques qui utilisent la démarche de
l'assemblage. On est cependant plus habitué à voir de l'assemblage en trois dimensions, des objets
sculpturaux, ici, ce sont des images mises en relation dans un espace bidimensionnel. On retrouve une
forme de collage à la manière de Dada.
Gilles AILLAUD, Intérieur jaune et bûches, 1973, 130 x 195 cm
Collection particulière
Chez Gilles AILLAUD, l'assemblage est aussi très affirmé. Cependant la construction de ses œuvres se fait
par des rencontres d'espaces dans un système perspectif rendu parfois complexe par l'utilisation de
plusieurs points de fuite. Le regard du spectateur est amené à parcourir des espaces où les lectures de
l'image se multiplient. Des portes pourraient-elles permettre de sortir ? Au premier plan en bas, le
changement de couleur laisse penser à un passage à un plan vertical. Sur le côté droit, un autre espace
apparaît, mais il est difficile à lire. Est-ce vraiment une possible échappée ?
Le monde des années soixante est marqué par des événements graves : Guerre d'Algérie, Guerre froide et ses
différentes crises, Guerre du Vietnam… sont mises en image par la presse. Face à de tels événements, la
presse a aussi ses grands magazines populaires aux images « chocs » : dans un même numéro se côtoient les
photographies de vedettes de la chanson, de stars de cinéma et des photographies terribles prises sur le
terrain de différents conflits.
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Valerio ADAMI, Il gile di Lenine (Le gilet de Lénine), 1972,
Acrylique sur toile, 239 x 367 cm
Centre national d'art et de culture George-Pompidou, Paris
Valerio ADAMI (né en 1935) propose une peinture qui mêle couleur et geste graphique. Les champs de
couleurs plates rencontrent un dessin au trait noir régulier et d'une extrême précision.
Gilles AILLAUD, Rhino, 1980, lithographie, 50 x 65 cm,
Artothèque de Vitré
Gilles AILLAUD utilise ici la lithographie, une technique d'impression avec une matrice en pierre.
L'animal est cadré de près, le travail est en noir, blanc gris.
Ces deux œuvres montrent par leur choix d'images, les cadrages particuliers, les contrastes colorés ou de
valeurs noir / blanc, une vision critique. Les gilets de Lénine, emblème petit-bourgeois, sont en contradiction
avec l'esprit de la révolution d'octobre 1917 ; la maîtrise technique de Gilles AILLAUD contraste avec la vision
de cet animal sauvage enfermé. La puissance de l'animal, sa force, sont brisées par l'enfermement.
En réaction au nivellement de l'information, les artistes de la Figuration narrative ont un regard critique. Leur
positionnement va au-delà du rejet de l'abstraction gestuelle et lyrique américaine, de l'abstraction de l'École de
Paris ou du Pop-art : les artistes de la Figuration narrative s'engagent. Dans Bulletin d’information n°1, Salon
de la Jeune Peinture, Paris, juin 1965, Gilles AILLAUD écrit « Il faut en finir avec ces lois soi-disant
fondamentales qui commandent la structure de l’œuvre d’art, et qui ne font en réalité que maintenir depuis des
années la peinture dans le domaine rhétorique du langage des formes et des couleurs […]. Tant que ce travail
de destruction ne sera pas complètement achevé, il ne sera pas possible d’élaborer l’unique et fondamentale
question dont dépend l’avenir, c'est-à-dire la vie même de l’art : dans quelle mesure, si petite qu’elle soit, la
peinture participe-t-elle au dévoilement historique de la vérité ? Quel est le pouvoir de l’art aujourd’hui dans le
devenir du monde ? ». Le journaliste et critique d'art Georges BOUDAILLE (1925 - 1991) dans un article Le
Salon de la Jeune Peinture, de la revue Les Lettres françaises, n° 1.114, Paris, 13-19 janvier 1966, confirme le
caractère engagé de la Figuration narrative. Il souligne, au moment du 17e Salon de la Jeune Peinture, Musée
d’art moderne de la Ville de Paris en 1966, que la peinture des artistes de la Figuration narrative ne vise plus
« la beauté, ni à l’expression d’une émotion poétique ou psychologique » mais s'oriente vers le « fait politique
ou social ».
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Les artistes les plus militants de la Figuration narrative s'engagent dans différentes formes de militantisme
politique ou / et dans les événements de mai 68. Ils participent notamment à l’atelier populaire organisé par les
étudiants de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris.
La Figuration narrative est parfois mal perçue par les milieux artistiques contemporains. Pierre RESTANY dit
de la Figuration narrative qu'elle est un Pop-art à la française, il ajoute qu'il s'agit même d'un « américanisme
hâtif, mal digéré par de faux blousons noirs ». La Figuration narrative pourtant rejette un certain formalisme que
l'on attribue parfois au Pop-art. Elle ne s'inscrit pas dans un système social établi, elle rejette la société de
consommation.
Gérald GASSIOT-TALABOT : le critique d'art dans les années 60
Sans refaire l'histoire de la critique et des critiques d'art, il faut constater que la fonction du critique d'art
depuis Denis DIDEROT (1713 - 1784) ou Charles BAUDELAIRE (1821 - 1867) a été en constante
évolution. Si le philosophe des Lumières inscrit ses commentaires des Salons dans une démarche plus
générale d'information offerte au plus grand nombre, BAUDELAIRE s'affiche ouvertement comme un
soutien à certains artistes. Son rôle est celui d'un homme engagé dans les grandes métamorphoses de son
temps. Ces quelques traits sont certes grossiers et simplificateurs, voire très réducteurs, mais ils peuvent
nous aider à comprendre la posture singulière de certains critiques d'art au XXème siècle et tout
particulièrement dans les années 60.
Gérald GASSIOT-TALABOT (1929 - 2002) est un homme de lettre et éditeur. Critique d'art, il conçoit sa
fonction comme un engagement auprès des artistes qu'il soutient. On admet qu'il est l'inventeur du concept
et du terme « Figuration narrative ». Dès les années 60, il milite auprès des artistes comme Hervé
TÉLÉMAQUE ou Bernard RANCILLAC. Il ressent alors l'urgence de défendre une certaine création. Son
intervention va au-delà du soutien ou de la conception d'exposition : la critique est aussi pour lui un travail
d'analyse de démarche, elle a un rôle de théorisation. Le critique est alors, comme les artistes, un créateur.
Il témoigne des démarches de son époque. Il appuie les artistes, mais surtout, sa pensée est en
mouvement et s'élabore au même titre que celle de l'artiste. Précédant de très peu l'émergence de la
Figuration narrative, le Nouveau Réalisme est un mouvement marquant des années 60. Comme pour la
Figuration narrative, le Nouveau Réalisme s'intéresse au mouvement Dada, Néo-Dada et à Marcel
DUCHAMP. Ces artistes se situent dans un « après l'abstraction ». Ils observent le Pop-art avec intérêt
mais en pointant certaines limites de l'esthétique Pop. Pierre RESTANY, lui aussi critique d'art, va théoriser
autour de la création de ces jeunes artistes. Son rôle est fondamental ; c'est en 1960 qu'il crée le terme
"Nouveau Réalisme".
La Figuration narrative n'est pas la seule forme d'expression plastique en France à s'inscrire dans la
représentation et la figure. D'autres courants de création, de peinture, par exemple, sont caractérisés par la
question de la figuration. On peut penser en France à Bernard BUFFET (1928 - 1999) ou à André FOUGERON
(1913 - 1998). BUFFET incarne et assume une certaine forme de misérabilisme dans sa peinture,
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FOUGERON, très engagé dans la vie politique (il adhère au Parti communiste français en 1939) est partisan
d'une peinture ancrée dans le réalisme social, il est influencé par le réalisme socialiste. Les artistes de la
Figuration narrative, par leurs engagements artistiques et politiques se démarquent de ces formes de la
figuration. Ces artistes affichent leur volonté de rupture et de repositionnement dans les milieux de l'art
contemporain.
Ne pouvant pas parler de mouvement à propos de la Figuration narrative, mais plutôt de mouvance, il faut alors
constater que les formes d'expressions artistiques sont très diverses. Les artistes ont évolué différemment,
faire un inventaire de ce courant est par conséquent difficile. En revanche, la Figuration narrative a permis
d'ouvrir des voies à des formes de création très riches. En dehors de la peinture, ces artistes ont connu
d'autres média ou d'autres champs de travail. Gilles AILLAUD crée pour le théâtre, pendant les événements de
mai 68 ; certains artistes, en lien avec leurs engagements politiques, travaillent sur l'affiche, la propagande. La
notion d'atelier et de travail collectif se développe beaucoup dans cette période. L'exemple le plus fameux est
la Coopérative des Malassis, composée de six artistes : Henri CUÉCO (né en 1929), Lucien FLEURY (1928 2004) , Jean-Claude LATIL (1932 - 2007) , Michel PARRÉ (1938 - 1998) , Gérard TISSERAND (né en 1934) et
Christian ZEIMERT (né en 1934 ; il quitte la Coopérative au bout d'un an). Créée à la fin des années 60, la
Coopérative se caractérise par une pratique artistique et picturale collective pendant plus de dix ans. Ces
peintres mènent une réflexion sur l'Histoire. Ils s'engagent en bousculant l'ordre établi et en proposant une
réflexion sur des sujets d'actualité. Leurs travaux sont de grand format, ils fonctionnent en images-séquences.
Ils bousculent l'image de l'artiste et son rôle dans la société. Le musée des beaux-arts de Dole dans le Jura
consacre une exposition à ces artistes du 18 octobre 2014 au 8 février 2015. Pour parodier le titre de cet
évènement, « Les Malassis, une coopérative de peintres toxiques (1968 - 1981) », la Figuration narrative vient
à sa manière intoxiquer l'art du milieu du XXème siècle. Elle remet en cause la perception de la peinture et de
son rôle dans l'histoire de l'art, elle repense le statut de l'artiste dans la société, elle s'inscrit dans la mouvance
complexe idéologique des années 60. Au-delà des années 60, elle continue à influencer durablement les
pratiques plastiques et artistiques actuelles.
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Gilles AILLAUD
Nationalité française
Né le 5 juin 1928 à Paris, décédé le 24 mars 2005 à Paris
Gilles AILLAUD, Autoportrait, 1955
Huile sur toile, 75 x 62,5 cm, collection particulière
On pourrait, à propos de Gilles AILLAUD, dire que l'essentiel de son œuvre a été consacré à la représentation
animale. On pourrait remarquer qu'à l'âge de dix ans, il réalise des dessins d'animaux qu'il va observer au
jardin des plantes avec sa sœur. Gilles AILLAUD serait-il un peintre animalier ? L'artiste entrerait alors dans
une certaine tradition de la peinture animalière. Il donnerait à voir aux spectateurs d'une société de plus en plus
urbaine un peu de la vie sauvage, un peu de rusticité ou d'exotisme selon le cas.
Gilles AILLAUD et la peinture animalière ou Gilles AILLAUD peintre des animaux ?
Une telle approche peut rapidement se montrer réductrice. L'œuvre de Gilles AILLAUD est complexe et laisse
voir des aspects souvent difficiles à décrypter dans leur totalité.
Que dire de la diversité du style du peintre qui s'exprime par l'usage de média plastiques différents : la peinture
à l'huile, l'acrylique, l'aquarelle, le dessin, la lithographie.
La peinture à l'huile ou acrylique est parfois faite sur de grands formats. La touche est précise, sans rendu de
matière particulier. La peinture a un aspect lisse, on perçoit une certaine matité de la matière. On ressent une
certaine froideur. Peut-être la couleur ? Pourtant il n'est pas toujours facile de parler de couleurs froides ou
chaudes au contraire, tant cette perception est difficile à mesurer, à définir. Couleur « froide ou chaude » est
plus à lire dans une relation personnelle et subjective avec l'ensemble des jeux chromatiques. Chez Gilles
AILLAUD, pourtant, un élément de froideur semble dominer. En fait, l'artiste nous met à distance de l'œuvre par
ces rapports étonnants à la couleur.
Gilles AILLAUD, Piscines et Otaries, 1974
Huile sur toile, 200 x 300 cm, collection particulière
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Cette mise à distance évolue dans un rapport simple : la toile, le spectateur, chacun est sa place. Une barrière
invisible ou parfois matérialisée crée la distance. Ici une vitre, là des barreaux, ailleurs une surface
indéfinissable en rupture avec le plan central de la scène. Tout semble fait pour interroger le spectateur,
l'interpeler sur le sens même de l'œuvre. Et si ce qui est montré n'est pas le sujet de la peinture. Comme il y a
du hors-cadre chez Gilles AILLAUD, du hors-champ, on découvre un hors-sujet, au sens d'un autre sujet ; ce
qu'on voit n'est pas ce que notre regard est en capacité de supporter.
Gilles AILLAUD, Oiseau, 2001
Aquarelle sur papier, 32,5 x 25 cm, collection particulière
Dans ses œuvres sur papier, l'atmosphère est très différente. La peinture est par sa nature, l'aquarelle, fluide,
presque nerveuse. L'oiseau est ici saisi sur le vif. Peu de touches, mais une grande précision, l'œuvre évoque
la rapidité, la vie, l'instant que l'on capte avec une grande économie de moyens. Seul l'essentiel compte ; dire
l'animal comme il est, dans toute son essence.
Le cadrage a aussi une place très particulière dans l'œuvre de l'artiste. Dans certaines peintures, il ouvre des
perspectives complexes, des points de fuite multiples. Notre regard est alors amené à une porte, mais on la
sait déjà infranchissable. Des obstacles sont là et la particularité du peintre est de nous les montrer mais
parfois surtout de nous les faire ressentir. C'est par ce ressenti que naît alors l'empathie. À ce moment, le
spectateur devient l'Orang-outang de la Havane ou dans L'Éléphant.
Gilles AILLAUD, Orang-outang de la Havane, 1967
Huile sur toile, 195 x 130 cm
Collection particulière
Gilles AILLAUD, L'Éléphant, 1971
Huile sur toile, 300 x 200 cm
Musée national d'art moderne, Paris
La relation à l'enfermement devient alors insupportable. Le rapport de l'homme à l'animal, la relation à notre
propre liberté, nos concepts de Nature et de Culture s'en trouvent bousculés.
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Le parcours d'un peintre
Durant une grande partie de sa carrière artisitique, Gilles AILLAUD est un peintre assez isolé.
Il n'est pas invité à participer à l'exposition Mythologies quotidiennes. Il a sans doute une place un peu à part
dans la Figuration narrative. Souvent très radical dans ses propos et ses actes, il peut déranger. En 1965,
l'œuvre de Gilles AILLAUD, d'Eduardo ARROYO et de Antonio RECCALCATI Vivre et laisser mourir, ou la fin
tragique de Marcel Duchamp est critiquée. Duchamp est reconnu tardivement en France, mais dans les années
60, il accède à un statut nouveau et beaucoup d'artistes s'intéressent à lui. Le propos de Vivre et laisser mourir,
ou la fin tragique de Marcel Duchamp est perçu comme trop radical.
Cependant, il faut souligner qu'avec Antonio RECCALCATI et Eduardo ARROYO, Gilles AILLAUD va former,
dès 1964, un collectif de peintres qui réalisera plusieurs œuvres. Une Passion dans le désert compte treize
peintures collectives exposées à la Galerie Saint Germain en janvier 1965, un peu avant Vivre et laisser mourir,
ou la fin tragique de Marcel Duchamp.
La démarche est nouvelle, les peintres travaillent ensemble, sur les mêmes œuvres et à égalité. On retrouve
cette démarche avec la Coopérative des Malassis dans les années 70.
L'œuvre collective est sans doute un moyen de critiquer le marché de l'art. La signature unique et la main de
l'artiste disparaissent pour laisser place à un travail volontairement neutralisé, lisse. Ce n'est pas la « patte » de
l'artiste unique. Ces peintures laissent place à l'image, à la narration.
Fabrice Anzemberg, conseiller-relais au musée des beaux-arts de Rennes
Musée des beaux-arts de Rennes
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APPROCHE HISTORIQUE par Yannick Louis
[Questionnement introductif à l'œuvre d'Aillaud]
Gilles Aillaud, peintre animalier ?
L'artiste animalier représente les animaux avec le souci de la vraisemblance, de la ressemblance. Il construit
son image de manière à rapprocher le sujet du spectateur, en gros plan, révélant au mieux l'identité de l'animal.
Que peint Gilles Aillaud ?
Sur de grands formats dominés parfois par une couleur, le spectateur voit le plus souvent des espaces
délimités, fermés, habités par un animal le plus souvent immobile, assez régulièrement isolé (à l'isolement ?)
pas toujours immédiatement identifiable, parfois partiellement immergé, ou encore occupant un espace qui se
révèle trop exigu. L'habitat (la cage, la fosse...) peut aussi être vide et quelques signes de présence antérieure
d'animaux demeurent.
En poursuivant l'inventaire, on identifie des aménagements tels qu'une porte, une canalisation, un tuyau, des
escaliers et des installations (bassins, arbres, rochers...) qui constituent un inquiétant univers parfaitement
entretenu, où l'humain n'apparaît pas, sinon à travers cette volonté de maintenir un animal dans un espace qui
permet au public de le voir.
Didier Semin, critique et historien d'art, écrit dans le catalogue de l'exposition (Gilles Aillaud, une éducation
sentimentale du regard) :
"Il ne serait a priori pas scandaleux d'interpréter ses toiles comme autant d'allégories de la claustration, de la
réclusion, et de la réduction du monde à l'état de simulacre par le triomphe du capital sur la machine (...) et
pourtant il s'agit chez Aillaud de tout autre chose. (...) Si les animaux ne sont chez Aillaud ni thème, ni symbole,
que sont-ils donc ? Risquons l'hypothèse qu'ils sont "l'aurore de la peinture" qu'Aillaud nous donnerait de
contempler de nouveau" ; ces animaux qui longtemps n'apparaissaient aux hommes que subrepticement pour
disparaître ensuite sont représentés ici immergés dans un espace dans lequel ils semblent se dissoudre.
Parmi les œuvres retenues, nous privilégions La Fosse qui fait partie de la collection du musée des beaux-arts
de Rennes. Un questionnement a été élaboré précisément pour cette toile mais il peut aisément être transposé
ou adapté à un autre tableau.
Liste des œuvres
Peintures :
Grilles n°2, 1964, 130 x 162,8 cm, FRAC Bretagne
Orang-outang de la Havane, 1967, 195 x 130 cm,
Collection particulière
La Fosse, 1967, 200 x 250 cm, MBAR
Serpent, porte et mosaïque, 1972, 146 x 114 cm,
Fondation Gandur
Piscine vide, 1974, 275 x 345 cm, Mac VAL
Piscine et Otarie, 1974, 200 x 300 cm, Collection
particulière
Mer à Cancale, 1986, 150 x 200 cm, Collection
particulière
Plovan 1993, 81 x 130 cm, Collection particulière
Artothèque de Vitré, lithographies :
Iguane sur fond jaune, 88 x 56 cm
Crocos, 1980, 50 x 65 cm
Œuvres graphiques
Marée basse, 1983, 45,5 x 64 cm, Frac Bretagne
Marée basse-rochers, 1983, 45,5 x 64 cm, Frac
Bretagne
Yannick Louis, conseiller-relais au musée des beaux-arts de Rennes
Musée des beaux-arts de Rennes
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Gilles AILLAUD (1928 – 2005)
La Fosse
1967
Huile sur toile
200 x 250 cm
Musée des beaux-arts de Rennes
Conservée au musée des beaux-arts de Rennes, cette peinture de grandes dimensions met en scène un
animal en cage ou dans un endroit clos. Ici, un lion ou plus vraisemblablement une lionne est représentée
allongée, tournant le dos au spectateur au milieu de cet enclos.
Explorer, lire, regarder
Repérez les deux espaces présents dans l'œuvre. Désignez-les en quelques mots ou par un croquis rapide.
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Décrivez les aménagements qui rappellent l'environnement naturel de l'animal. Trouvez deux éléments.
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Quels aménagements correspondent aux équipements typiquement humains ? Cherchez trois éléments.
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Des codes de représentation sont employés dans ces aménagements. À quoi correspondent-ils ?
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Que dire de l'attitude de l'animal ?
Comment comprendre sa place et sa relation aux dimensions globales du lieu ?
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La représentation du lieu et de l'animal correspond-elle à notre idée du fauve et de la vie sauvage ?
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Observons le cadrage de l'œuvre, essayons de comprendre le sens de la faible profondeur de ce décor.
La perspective donne un sens à cette œuvre : lequel ?
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Gilles AILLAUD est-il un peintre animalier, a-t-il l'ambition de montrer la vie quotidienne d'un animal sauvage ?
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Décrivez la partie inférieure de l'œuvre. Situez-la dans l'espace de la composition.
Dans quel plan la placez-vous ? Comment la percevez-vous ?
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Comment interprétez-vous les deux formes géométriques au premier plan. À quel espace appartiennent-elles ?
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Yannick Louis, Fabrice Anzemberg conseillers-relais au musée des beaux-arts de Rennes
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PROLONGEMENT À TRAVERS LES COLLECTIONS, LA SCULPTURE ANIMALIÈRE
De la bête à l'animal
Il y a loin entre le monstre qui terrorise la ville (détail du tableau de Véronèse, Persée délivrant Andromède –
MBAR) et "Lolita" photographiée en 1990 par son maître (William Wegman – Massachusetts, 1943). L'animal
étudié, classifié, parfois domestiqué et apprivoisé... peut maintenant amuser et prendre place dans une
proximité très grande avec l'humain.
L'exposition Gilles Aillaud nous invite à regarder différemment les relations entretenues entre l'homme et
l'animal ; les œuvres de la collection en lien avec cette thématique animalière ont déjà fait l'objet d'un travail
mené par Mmes Blond et Chapalain intitulé "Bestiaire" toujours en ligne sur le site du musée.
Ce dossier se propose de prolonger et enrichir le "Bestiaire" en présentant les sculptures animalières du musée
des beaux-arts de Rennes : elles nous permettront de suivre l'évolution d'un genre aux XIXè et XXè siècles à
travers un domaine artistique injustement négligé mais pourtant apprécié des élèves.
"Le motif de l’animal, précisément parce qu’il est en marge des grands genres fixés par l’académisme, s’affirme
d’ailleurs à l’époque moderne et contemporaine comme une source d’inspiration et de renouvellement pictural
d’autant plus puissante qu’elle autorise toutes les investigations formelles."
Extrait du discours de M. Arnaud d’Hauterives, Secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts,
Séance solennelle du mercredi 16 novembre 2011 (Les animaux dans l’art)
Le XIXe siècle accorde une large place à l'art animalier, notamment à la sculpture ; précisons que c'est Antoine
Louis Barye (1795-1875) qui, le premier, se libère du prétexte mythologique pour enfin représenter l'animal
pour lui-même en insistant désormais sur ses qualités, l'énergie et la puissance, la vérité et l'authenticité d'une
beauté animale faisant désormais l'unanimité.
L'orientalisme, avec son attrait pour l'exotisme, se conjugue pour explorer de nouvelles espèces : lions, tigres,
pumas, girafes (pensons à l'épisode célèbre de Zarafa, long métrage sorti en 2012)...
Ces références à l'animal se retrouvent également en littérature avec L'Albatros de Baudelaire, La Mort du loup
de Vigny.
Les lieux d'inspirations, depuis la ménagerie de Versailles aujourd'hui
disparue (illustration) qui réunissait des animaux du monde entier,
accompagnent et encouragent cette curiosité ; le rôle du prince est encore
déterminant au XIXè siècle puisque c'est avec le soutien de Napoléon III (et
de l'Impératrice) que le baron Haussmann dirige les travaux du Jardin
Zoologique d'Acclimatation qui voit le jour en 1860, supplanté cependant
par le zoo d'Anvers, confirmation de l'intérêt ancien et renouvelé des pays
nordiques pour les mondes lointains.
Musée des beaux-arts de Rennes
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Les galeristes accompagnent également ce goût nouveau (Petit, Charpentier...)
et accueillent les Animaliers soutenus par la Société des Animaliers qui voit le
jour avant la Première Guerre mondiale.
Au XXe siècle, François Pompon propose une esthétique nouvelle reposant sur
l'effacement des textures pour privilégier l'allure générale de la bête ;
Constantin Brancusi avec Oiseau dans l'espace fait un nouveau pas ; les arts
décoratifs adoptent également cette thématique que les expositions coloniales
diffusent.
Inauguration de la grande serre du jardin zoologique d’acclimatation
Gravure d’Anastasi, parue dans « L’Illustration », 2 mars 1861
Bibliothèque nationale de France, Paris
Textes imprimés et illustrés, DR.
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CINQ ŒUVRES
POUR UN PARCOURS AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE RENNES
Lorenzo BARTOLINI (Savignano, 1777 - Florence, 1850)
Napoléone-Elisa Baciocchi et son chien
1812
Marbre, 113 x 33 x 39 cm, Don du marquis de Piré, 1862
Ce sont Napoléone-Élisa Baciocchi (nièce de Napoléon Ier) et son chien que Bartolini représente
ici ; en reprenant les codes néoclassiques (marbre blanc, des formes simples et pures, la nudité
et l'immobilité...) qu'il adoucit en signifiant la proximité de l'enfant et de l'animal, Bartolini parvient à allier
noblesse (elle tient la coupe - symbole du nectar de l'Olympe - ornée d'une abeille - symbole impérial) et
sentimentalisme exprimant ainsi une sensibilité nouvelle.
Exilée en Bretagne sous le Second Empire, Napoléone-Elisa Baciocchi meurt à Colpo, en 1869.
Remarquez comment le chien répond aux mêmes intentions.
[À proximité de Lorenzo Bartolini, la sculpture de James Pradier (1790-1852), Hébé (terre cuite), correspond
également à un jalon important, permettant de souligner la référence mythologique encore incontournable.]
--------------------------------------------------------------------------------------------------------Emmanuel FREMIET (Paris, 1824- Paris, 1910)
Chevaux conduits par un cavalier ; Cocher romain
4e quart XIXe siècle
Bronze, 37,5 x 36,5 x 22,5 cm, Don Assicot, 1925
Neveu de François Rude, Fremiet apprend la sculpture auprès de son oncle ; familier du
Jardin des Plantes, il connaît parfaitement l'anatomie animale. Il reçoit sa première commande en 1850 et
travaille notamment pour Napoléon III (une suite de 57 statuettes reproduisant les différents costumes
militaires) mais apparaît aujourd'hui comme le sculpteur officiel de la Troisième République.
Sculpteur animalier, il connaît le succès avec L'Éléphant (aujourd'hui sur le parvis du musée d'Orsay) par
exemple ; il sait aussi produire des statues dédiées à des personnalités (Jeanne d'Arc de la rue de Rivoli –
1874 - ou encore Du Guesclin à Dinan).
En mettant en scène l'homme et l'animal, Frémiet parvient ici à représenter l'énergie, la vérité de la scène
obtenue par les mouvements des deux chevaux qu'un homme ne semble plus pouvoir maîtriser.
Remarquez comment les postures des deux chevaux se complètent et donnent du mouvement à la
scène tandis que l'homme semble disparaître.
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Victor PETER (Paris, 1840 – Paris, 1918)
Lionne et lionceaux
2e moitié XIXe siècle
Bronze, 34 x 75 x 33 cm, Don Rothschild, 1894
Élève de Delvaux, ami de Falguière, Peter travaille pour Jules Dalou et
Auguste Rodin. Il se spécialise dans les sujets animaliers en s'inspirant des fables de La Fontaine ; dans un
style naturaliste, Lionne et lionceaux exprime la maternité heureuse loin du fauve redoutable ou menaçant.
Remarquez la pose et l'attitude maternelle de la lionne.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------Rembrandt BUGATTI (Milan, 1884-Paris, 1916)
Éléphant
1909
Bronze, 45,5 x 70,7 x 23,5 cm, Don Chouanard, 1919
Fils du décorateur et architecte Carlo Bugatti, frère d'Ettore Bugatti (le constructeur
automobile), Rembrandt Bugatti commence à sculpter des animaux dès sa
jeunesse ; il s'installe à Paris en 1903, s'associe au fondeur et galeriste Hébrard qui présente ses œuvres dans
la capitale mais également à travers l'Europe (et New York).
Le parc zoologique du Jardin des Plantes de Paris lui permet de s'approcher et de se rapprocher des animaux
mais c'est surtout à Anvers où il s'installe en 1906 (le zoo met un atelier à sa disposition) que l'artiste trouve un
lieu d'inspiration à la mesure de son talent. La disparition du zoo d'Anvers avec la Première Guerre mondiale,
la fermeture de la galerie Hébrard, les difficultés financières et la santé déficiente conduisent Rembrandt
Bugatti au désespoir et au suicide. Sa carrière impressionne encore par sa fulgurance.
L'Éléphant conservé au musée des beaux-arts de Rennes exprime bien le talent du sculpteur animalier :
l'impressionnant animal par sa masse n'en semble pas moins animé et la "course" dirigée vers un point précis
que la trompe semble déjà en passe d'atteindre. Dans un style nerveux et vivant, tout est mouvement et
l'animal semble encore barrir.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------César BALDACCINI, CESAR (dit) (Marseille, 1921-Paris, 1998)
L'Échassier
1969
Bronze, n° de tirage : 6/8 , 27 x 26 x 17 cm, Achat, 1970
De nouvelles techniques, de nouveaux matériaux pour traduire une expression : en 1952,
César fait ses premiers essais de soudure ; lors de sa première exposition en 1954, tubes, boulons, vis,
morceaux de taules deviennent un chat, un scorpion... ou un coq. Les poules seront ensuite régulièrement
présentes (La Pacholette). Proche de Pablo Picasso, César ici utilise donc des matériaux de récupération qu'il
soude pour créer des formes animales (ou humaines).
Regardez attentivement la sculpture pour en faire l'inventaire ; remarquez les éléments qui "donnent
vie et identité" à l'échassier.
Yannick Louis, conseiller-relais au musée des beaux-arts de Rennes
Musée des beaux-arts de Rennes
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Bibliographie
Catherine MILLET, L'art contemporain en France, Paris, Flammarion, 2005
Sous la direction de Cécile DEBRAY, Le Nouveau Réalisme, catalogue d'exposition, Galerie Nationale du
Grand Palais, Paris, Centre Pompidou, 2007
Jean-Christophe BAILLY, Gilles AILLAUD, Le visible est le caché, Le Promeneur, juin 2009
Gilles AILLAUD, Voir sans être vu, Les cahiers dessinés, 2010
Beauté animale, Exposition au Grand Palais, Dossier de l'art, n° 194, mars 2012.
Webographie
http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-figuration-narrative/ENS-figurationnarrative2.html
http://www.musees-franche-comte.com/gallery_files/site_1/821/4965/dp-expo-malassis-musee-dole-jura.pdf
Animaux et Compagnie, dossier pédagogique Site du Musée d'art et d'histoire de Saint Brieuc
Musée des beaux-arts de Rennes
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Gilles AILLAUD
La Fosse
1967
Huile sur toile
200 x 250 cm
Dépôt FNAC, 1990
Musée: Fabrice
des beaux-arts
Rennes
Dossier
Anzemberg,de
[email protected]
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et Yannick Louis, [email protected], conseillers-relais MBAR, janvier 2015
Maquette : Carole Marsac, MBAR - Mise en ligne : Nadège Mingot, MBAR
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