Newsletter - Schellenberg Wittmer
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avocats mai 2 0 1 3 Newsletter Auteurs: Martin Weber Roman Laubscher CORPOR ATE / MERGERS & ACQUISITIONS Révision de la loi sur les bourses : nouveautés en matière de délit d’initié Les règles en matière de lutte contre les comportements abusifs sur le marché ont été soumises à une révision générale avec les modifications de la loi sur les bourses entrées en vigueur le 1er mai 2013. Il en résulte en particulier un renforcement considérable des normes prohibant les opérations d’initiés et les manipulations du marché. 1 V ue d ’ ensem b l e 1 . 1 S ituation initia l e La règlementation en vigueur jusqu’ici en Suisse en matière de lutte contre les comportements abusifs sur le marché s’est de plus en plus avérée lacunaire et dépassée. La dernière révision de la loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (“Loi sur les bourses“ ou “LBVM“) doit permettre de réaligner le droit pénal suisse en la matière avec les standards internationaux et de renforcer l’intégrité et la compétitivité de la place financière suisse. 1 . 2 V ue d ’ ensem b l e d e l a r é vision d e l a Loi sur l es b ourses Les dispositions révisées concernant la lutte contre les comportements abusifs sur le marché entrées en vigueur le 1er mai 2013 concernent principalement les deux niveaux suivants : >> les infractions de l’exploitation d’informations d’initiés et de la manipulation du marché ont été précisées, étendues et transférées du Code pénal dans la LBVM. En particulier, le cercle des auteurs potentiels de ces infractions a été considérablement étendu; >> sur le plan de la surveillance du marché, l’autorité suisse de surveillance des marchés financiers FINMA se voit conférer des compétences élargies pour sanctionner les comportements abusifs commis par des personnes assujetties ou non à sa surveillance. Le nouveau droit apporte par ailleurs diverses adaptations dans le domaine des offres publiques d’acquisition (voir à ce sujet notre nouveau site internet www.takeoverpratice.ch) et de la publicité des participations, domaine dans lequel les instruments de surveillance de la FINMA ont été considérablement développés. La modification la plus incisive en www.swlegal.ch Newsletter mai 2013 matière de droit des OPA est l’interdiction du paiement de primes dites de contrôle préalablement à une offre publique d’acquisition. La FINMA a ouvert fin mars 2013 une procédure d’audition jusqu’au 13 mai 2013 relative au projet de révision totale de la circulaire “Règles de conduite sur le marché“, laquelle remplacera l’ancienne circulaire 08/38 vraisemblablement à compter du 1er août 2013. En sus de l’adaptation de la circulaire aux nouvelles dispositions de la LBVM et de l’ordonnance sur les bourses (“OBVM“), certaines règles seront par ailleurs modifiées afin de tenir compte des expériences accumulées et des standards internationaux. Les devoirs d’organisation en particulier ne devraient plus concerner exclusivement les négociants en valeurs mobilières, mais désormais l’ensemble des assujettis à une surveillance prudentielle en fonction de leur activité, taille et structure. Les commentaires suivants se limitent à la présentation des principales modifications en matière de lutte contre l’exploitation d’informations d’initiés. Les modifications intervenues en parallèle en matière de manipulation du marché ainsi que les nouvelles règles en matière de droit des OPA et de publicité des participations ne sont pas abordées plus en détail (voir à ce sujet la newsletter Schellenberg Wittmer de septembre 2012 sur www.swlegal.ch). 2 I nter d iction d es op é rations d ’ initi é s d u d roit p é na l 2 . 1 é l argissement d u cerc l e d es auteurs Un point capital du nouveau droit pénal réprimant les délits d’initiés est l’élargissement du cercle des auteurs. Alors que jusqu’ici seuls les dirigeants (par exemple membre du conseil d’administration ou de la direction) ou d’autres personnes dans une position de confiance particulière (par exemple représentant de l’organe de révision, conseiller juridique ou fiscal) encouraient une responsabilité pénale, désormais toutes les personnes physiques ayant connaissance d’informations d’initiés sont visées. Selon la raison pour laquelle quelqu’un dispose d’informations d’initiés, une distinction doit être faite entre initiés primaires, secondaires et fortuits, pour chacun desquels des infractions et des sanctions différentes s’appliquent : >> les initiés primaires (art. 40 al. 1 LBVM) sont les personnes qui, en qualité d’organe ou de membre d’un organe de direction ou de surveillance (par exemple membre du conseil d’administration ou de la direction) d’un émetteur (ou d’une société contrôlant l’émetteur ou contrôlée par celui-ci), ou en raison de sa participation (à savoir actionnaire ou sociétaire) ou de son activité (par exemple collaborateurs dans la recherche et le développement ou du département financier ou tiers mandatés), ont par définition un accès direct à des informations d’initiés; >> les initiés secondaires (art. 40 al. 3 LBVM) sont les personnes qui ont obtenu une information d’initié par un crime ou un délit (par exemple le vol de documents) ou d’un initié primaire (par exemple en qualité d’acquéreur potentiel lors d’un examen de due diligence); >> les initiés fortuits (art. 40 al. 4 LBVM) sont toutes les personnes qui ne sont pas des initiés primaires ou secondaires et qui obtiennent une information d’initié. Cette nouvelle catégorie d’auteurs concerne les personnes prenant connaissance par hasard d’informations d’initiés, comme par exemple le lecteur d’un email adressé par erreur ou le personnel de nettoyage prenant connaissance d’informations d’initiés en vidant les corbeilles à papiers, ou quelqu’un surprenant une discussion confidentielle. “Désormais des personnes qui prennent connaissance d’une information d’initié d’une manière purement fortuite sont également visées par l’interdiction des opérations d’initiés.” Comme par le passé, les personnes morales ne peuvent pas directement être des initiés en vertu des nouvelles dispositions pénales. Leur responsabilité pénale pourrait toutefois être engagée, du moins en théorie, si un délit d’initié commis au sein d’une entreprise ne peut pas être imputé à une personne physique déterminée en raison du manque d’organisation de l’entreprise (art. 102 al. 1 CP). 2 . 2 O b j et L’objet de l’infraction sont les informations confidentielles dont la divulgation est susceptible d’influencer notablement le cours de valeurs mobilières de sociétés suisses et désormais également étrangères admises au négoce d’une bourse ou d’une organisation analogue à une bourse en Suisse (dites “informations d’initiés“). Aucune modification matérielle n’a été apportée à ce sujet par rapport à l’ancien droit. La question de savoir dans quelle mesure la notion pénale d’informations d’initiés correspond à la notion de faits susceptibles d’influencer les cours en matière de publicité événementielle reste ouverte. 2 . 3 I n f raction Pour tous les initiés, l’exploitation d’une information d’initié pour acquérir ou aliéner des valeurs mobilières admises au négoce d’une bourse ou d’une organisation analogue à une bourse en Suisse, ou pour utiliser des instruments dérivés relatifs à ces valeurs, est prohibée. Le fait que la transaction soit effectuée sur un marché réglementé ou en dehors n’est pas pertinente. Pour l’initié primaire, la communication d’une information d’initié à des tiers (dit “tipping“) et désormais également l’exploitation d’une information d’initié pour recommander l’achat ou la vente de valeurs mobilières ou l’utilisation d’instruments dérivés relatifs à ces valeurs, sont en outre prohibés. Les valeurs mobilières sont des papiers-valeurs, droitsvaleurs ou dérivés, standardisés et susceptibles d’être diffusés en grand nombre sur le marché. Par conséquent, les transactions en devises et matières premières continuent de ne pas être visées par cette infraction. En revanche l’exploitation d’informations confidentielles pour des opérations sur valeurs mobilières de négociants en devises ou matières premières et les transactions avec des instruments financiers dérivés non standardisés (dits “produits OTC“) sont désormais visées par l’interdiction du délit d’initié, dans la mesure où elles se rapportent à des valeurs mobilières admises au négoce en Suisse. Ce dernier point était discuté sous l’ancien droit. www.swlegal.ch Newsletter mai 2013 2 . 4 S anctions L’initié primaire est punissable d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de trois ans au plus, étendue à cinq ans au plus lorsque l’avantage pécuniaire dépasse CHF 1 mio. Le délit d’initié peut ainsi devenir une infraction préalable au blanchiment d’argent de l’art. 305bis CP. Les initiés secondaires sont punissables d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire. Les initiés fortuits doivent s’attendre à une amende. Les autorités de poursuite pénale peuvent en outre prononcer la confiscation des gains réalisés au moyen d’un délit d’initié conformément à l’art. 70 al. 1 CP. La renonciation au prononcé d’une peine reste possible en cas de paiement d’un montant forfaitaire à titre de réparation (art. 53 CP). Au vu de la genèse des nouvelles interdictions des opérations d’initiés, un doute subsiste si le frontrunning et le parallelrunning en particulier sont effectivement visés par les nouvelles dispositions, et par conséquent prohibés par le droit de la surveillance pour tous les acteurs du marché (ou seulement pour les assujettis à surveillance). En cas de violation de l’interdiction règlementaire des opérations d’initiés, le catalogue des sanctions à disposition de la FINMA est différent si la violation est le fait d’une personne assujettie ou non à surveillance : >> à l’encontre des assujettis, la FINMA peut prononcer différentes mesures conformément à la Loi sur la surveillance des marchés financiers (“LFINMA“) telles que l’interdiction d’exercer, le retrait d’autorisations, la publication de décisions et la confiscation du gain. La FINMA peut en outre sur la base de l’art. 35a LBVM interdire pour une durée limitée ou indéterminée la pratique du commerce des valeurs mobilières; >> à l’encontre des acteurs non assujettis, la FINMA peut imposer en particulier une obligation de renseigner, la publication de décisions, la confiscation du gain ou rendre une décision en constatation (art. 34 LBVM en relation avec les art. 29 ss LFINMA). 4 U ti l isation et communication d ’ in f ormations d ’ initi é s 3 I nter d iction d es op é rations d ’ initi é s d u d roit d e l a survei l l ance 3 . 1 G é n é ra l it é s En alignement avec les standards internationaux applicables, le nouveau droit introduit un régime réglementaire des opérations d’initiés. La FINMA est chargée de son exécution (art. 33e LBVM). Sous le nouveau droit, la FINMA peut sanctionner les acteurs du marché soumis ou non à sa surveillance en cas de délit d’initié. A la différence du droit pénal, une personne morale peut directement se rendre coupable de l’infraction en matière de surveillance. “La FINMA peut depuis la révision sanctionner les acteurs du marché soumis ou non à surveillance.” 3 . 2 o b j et L’interdiction des opérations d’initiés en matière de surveillance reprend pour l’essentiel les éléments constitutifs de l’exploitation d’informations d’initiés du droit pénal. Toutefois en matière de surveillance ni l’avantage pécuniaire, ni l’intention d’enrichissement personnel, ni la culpabilité subjective ne sont des conditions de l’infraction. Il suffit que l’auteur aurait dû savoir en faisant preuve de l’attention requise d’un acteur moyen du marché qu’il s’agissait d’une information d’initié. 3 . 3 I n f raction et sanctions Les comportements visés par l’interdiction des opérations d’initiés du droit de la surveillance correspondent pour l’essentiel à ceux visés par la norme pénale. Selon le message du Conseil fédéral, les comportements suivants en particulier sont visés par les dispositions règlementaires (et pénales également) prohibant les opérations d’initiés, et donc désormais interdits de manière identique pour tous les acteurs du marché : >> >> exploiter la connaissance d’ordres de clients pour effectuer des opérations à son propre compte avant, pendant ou après l’exécution des ordres (“frontrunning“, “parallelrunning“ ou “afterrunning“); recommander publiquement d’acheter ou de vendre des valeurs mobilières, sans dévoiler à cette occasion la possession de telles valeurs mobilières ou des dérivés, ou la détention de positions short correspondantes (“scalping“). l icite En application de l’art. 33e al. 2 LBVM, le Conseil fédéral a spécifié aux articles 55a à 55f OBVM différents cas dans lesquels l’utilisation ou la communication d’informations d’initiés est autorisée et ne conduit à aucune sanction aussi bien en droit pénal qu’en droit de la surveillance. Ceci inclut en particulier : >> rachat de titres propres dans le cadre d’une offre publique de rachat (aux conditions de l’art. 55b OBVM); >> acquisition préalable de valeurs mobilières de la société visée par l’offrant potentiel préalablement à la publication d’une offre publique d’acquisition, pour autant que la décision n’ait pas été prise sur la base d’une information d’initiés (art. 55f lit. a OBVM); >> communication d’une information d’initié aux personnes qui ont besoin de connaître cette information pour remplir leurs obligations légales ou contractuelles. 5 proc é d ures P rincipau x aspects d es p é na l e et d e survei l l ance 5 . 1 A utorit é s comp é tentes La compétence de juger et de sanctionner au pénal en matière de délits d’initiés n’appartient désormais plus aux autorités cantonales de poursuite pénale, mais au Ministère publique de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral. La FINMA reste compétente dans le domaine de la surveillance. 5 . 2 C oor d ination d es proc é d ures Dans les cas où aussi bien la FINMA (procédure de surveillance) que le Ministère publique de la Confédération (enquête pénale) ouvrent des procédures, la coordination de ces procédures exige une attention particulière. La FINMA et le Ministère publique de la Confédération ont dans ce cas le devoir et l’autorisation de coordonner leurs enquêtes (art. 38 al. 2 LFINMA). Des procédures parallèles devraient dans la www.swlegal.ch Newsletter mai 2013 mesure du possible être évitées. La procédure de surveillance ayant principalement pour but d’éliminer les manquements reconnus et de rétablir l’ordre légal aussi rapidement que possible, elle devrait en principe être conduite en priorité. Ceci est toutefois problématique compte tenu de l’obligation de participation qui existe en matière de procédure de surveillance alors qu’en procédure pénale le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination s’applique. Il convient donc en cas de procédures parallèles de préserver les droits de la défense par des mesures de protection appropriées. 6 C onc l usions Compte tenu de l’élargissement considérable d’un point de vue matériel et procédural de la règlementation concernant les délits d’initiés, il est recommandé à toutes les sociétés suisses et désormais aux sociétés étrangères également, dont les valeurs mobilières sont cotées ou admises au négoce auprès d’une bourse ou d’une organisation analogue à une bourse en Suisse, de revoir et d’adapter leur règlement en matière de délits d’initiés. Il convient en particulier de tenir compte de l’élargissement du cercle des auteurs potentiels. Contacts Le contenu de cette Newsletter ne peut pas être assimilé à un avis ou conseil juridique ou fiscal. Si vous souhaitez obtenir un avis sur votre situation particulière, votre personne de contact habituelle auprès de Schellenberg Wittmer ou l’un des avocats suivants répondra volontiers à vos questions: A Genève:A Zurich: Jean Jacques Ah Choon Associé [email protected] Associé [email protected] Jean-Yves De Both Lorenzo Olgiati Associé [email protected] Associé [email protected] Schellenberg Wittmer SA Avocats GENÈVe 15bis, rue des Alpes Case postale 2088 1211 Genève 1 / Suisse T +41 22 707 8000 F +41 22 707 8001 [email protected] Martin Weber Z U ric h Löwenstrasse 19 Case postale 1876 8021 Zurich / Suisse T +41 44 215 5252 F +41 44 215 5200 [email protected] www.swlegal.ch Cette Newsletter est disponible en français, anglais et allemand sur notre site internet www.swlegal.ch.