l`affaire du FROUTVEN MEMOIRE EN REPLIQUE ET
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l`affaire du FROUTVEN MEMOIRE EN REPLIQUE ET
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES MEMOIRE EN REPLIQUE ET RECAPITULATIF EXTRAITS POUR : La SARL RUE DE SIAM Dont le siège est ZAC de Ty Ar Menez 29470 – PLOUGASTEL DAOULAS Représentée par ses Gérants en exercice, Monsieur Pierre-Yves HASCOET et Madame Nathalie HASCOET Domiciliés en cette qualité audit siège Ayant pour avocat : Maître Jean-Charles LERICHE-MILLIET Avocat au Barreau de Paris 4, rue Cambon 75001 – PARIS CONTRE : 1°) Le jugement n°0904265 rendu par le Tribunal administratif de RENNES le 16 octobre 2014 2°) La Métropole BREST METROPOLE Venant aux droits de la Communauté Urbaine BREST METROPOLE OCEANE (BMO) Dont le siège est 24, rue Coat-ar-Guéven 29222 – BREST cedex 2 Représentée par son Président en exercice, Monsieur François CUILLANDRE, Domicilié en cette qualité audit siège Ayant pour avocat : Maître Jean-Paul MARTIN Avocat au Barreau de Rennes 8, boulevard de la Tour d’Auvergne 35065 – RENNES cedex -2- EN PRESENCE : 1°) De la SNC ALTA CRP GUIPAVAS Dont le siège est 8, avenue Delcassé 75008 – PARIS Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice 2°) De la SAS IKEA DEVELOPPEMENT Dont le siège est 425, rue Henri Barbusse 78370 – PLAISIR Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice 3°) De la SNC MEUBLES IKEA France Dont le siège est 425, rue Henri Barbusse 78370 – PLAISIR Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice * * * FAITS ET PROCEDURE Depuis 1994, la Société RUE DE SIAM exploite un commerce de vente au détail de meubles d’une surface de 2.500 m2 à PLOUGASTEL-DAOULAS (29470). La Communauté Urbaine BREST METROPOLE OCEANE, qui regroupe huit communes, dont celles de BREST (29222), PLOUGASTEL-DAOULAS (29470) et GUIPAVAS (29490), et est de plein droit compétente en matière de développement et d'aménagement économique de l'espace communautaire (création, aménagement, entretien et gestion de zones d'activité commerciale, actions de développement économique) en vertu de l’article L. 5215-20-1° du code général des collectivités territoriales (cf. P.J. TA n°10), a entrepris de faire du secteur du FROUTVEN à GUIPAVAS, situé à l’entrée Nord-Est de BREST, une zone privilégiée de développement de l’agglomération. Dès le début, dans le cadre de l’aménagement de ce secteur, l’un des objectifs de BMO a été d’attirer l’enseigne IKEA, dont l’implantation était parallèlement prévue, dans le même temps, à RENNES. -3- Pour satisfaire à cet objectif, BMO a d’abord procédé, en juin 2006, à la révision de la charte d’urbanisme commercial conclue en 1993 entre la Ville de BREST et la Chambre de commerce et d’industrie de BREST (cf. P.J. TA n°7). Il a été inscrit dans la charte que « De par sa situation géographique et afin de renforcer la dimension métropolitaine de Brest, un ensemble commercial, avec principalement des enseignes à forte notoriété, capables d’élargir la zone de chalandise actuelle, pourra être mis en place au Froutven » et que « La thématique retenue sera celle de l’équipement de la maison, peu concurrente des activités de centre-ville » (ibidem, page 8). BMO a par ailleurs inscrit son projet d’aménagement dans le plan local d’urbanisme (PLU) approuvé par délibération du conseil de communauté en date du 7 juillet 2006, laquelle a toutefois été ultérieurement annulée par le Tribunal administratif de RENNES (jugement n°s 0603702 et autres du 22 octobre 2009) de même que la délibération du 11 décembre 2009 intervenue en suite de cette annulation (jugement n°s 1000493 et autres du 28 décembre 2012). Le site du FROUVEN a ainsi été identifié comme un « secteur dédié à l’accueil de grands équipements métropolitains de l’agglomération » au projet d’aménagement et de développement durable (PADD). En outre, ce secteur a été classé en zone d’urbanisation future à vocation notamment économique et d’activités. Pour permettre la réalisation de son projet d’aménagement, BMO a encore pris en charge les travaux du tramway de l’agglomération brestoise, dont elle a spécialement modifié le tracé afin d’assurer la desserte de la future zone d’activité commerciale ainsi qu’il résulte des délibérations n°C 2005-12-174 du 16 décembre 2005 (cf. P.J. TA n°12) et n°B 2006-01-005 du 20 janvier 2006 (cf. P.J. TA n°13). Sur le plan produit en première instance, il apparaît clairement que le tramway a été prolongé jusqu’à cet ensemble commercial et même jusqu’au pied du magasin IKEA, aujourd’hui construit (cf. P.J. TA n°38). BMO a encore financé les aménagements routiers liés à l’opération, pour un montant global prévisionnel estimé à l’époque à 1.250.000 euros TTC, comme le montre la délibération n°B 2007-03-052 du 23 mars 2007 (cf. P.J. TA n°14). Parallèlement à l’édiction d’un dispositif réglementaire (PLU, charte d’urbanisme commercial) et à la prise en charge des aménagements des infrastructures (tramway, travaux routiers) destinés à permettre l’aménagement du secteur du FROUTVEN, BMO a offert au promoteur du projet (le groupe ALTAREA) d’acquérir une partie du foncier nécessaire et ce d’ailleurs, en faisant usage de prérogatives de puissance publique. -4- C’est ainsi que plusieurs parcelles ont été déclassées du domaine public pour être ensuite revendues au groupe ALTAREA au prix de 12 euros / m2. Tel a notamment été le cas de la portion d’un ancien chemin d’environ 400 m2 (cf. P.J. TA n°15) et d’un délaissé de terrain d’environ 350 m2 vendu aux mêmes conditions (cf. P.J. TA n°16). A noter également que des terrains de sport municipaux ont fait l’objet d’un échange au profit de la Société SNC ALTA CRP GUIPAVAS, ainsi qu’il résulte d’une délibération n°2008-06-63 du conseil municipal de GUIPAVAS en date du 27 juin 2008, et ce, « afin de permettre une meilleure implantation d’Ikea sur la zone du Froutven » (cf. P.J. TA n°39). Enfin, toujours pour permettre la réalisation de son projet par le groupe ALTAREA et son exploitation par l’enseigne IKEA, BMO s’est dotée de procédures spécifiques, et notamment du droit de préemption, dont la seule institution suffit à démontrer l’existence d’une action ou d’une opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1 du code de l’urbanisme auquel renvoie l’article L.210-1 du même code. L’on était d’autant plus fondé à le penser que, dans le même temps, la création d’une zone commerciale, également destinée à accueillir l’enseigne IKEA, faisait l’objet, par RENNES METROPOLE, d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) et également d’une convention publique d’aménagement (cf. P.J. TA n°18). Force est toutefois de constater que tel n’a pas été le cas à GUIPAVAS où l’aménagement de projet a été confié dans les faits au groupe ALTAREA sans qu’aucune procédure de ce type, ni même aucune ZAC, ne soit jamais mise en œuvre par BMO. Les Sociétés SNC ALTA CRP GUIPAVAS et SAS IKEA DEVELOPPEMENT – en qualité de promoteurs et futurs propriétaires – et SNC MEUBLES IKEA – en qualité de futur exploitant – se sont en effet bornées à déposer un dossier de demande d’autorisation d’exploitation commerciale en février 2006 auprès de la Commission Départementale d’Equipement Commercial (CDEC). C’est dans ces conditions que la zone d’activité commerciale du FROUTVEN, dénommée « Les Portes de Brest Guipavas », a pu être inaugurée en septembre 2008, en présence des représentants de BMO, l’enseigne IKEA ayant pour sa part ouvert dès mars 2008 (cf. P.J. TA n°19). -5- DISCUSSION I- Sur le mal-fondé du jugement Il apparaît que BMO a commis plusieurs fautes au stade de la définition, de la création, de la dévolution et même de l’exploitation de la zone d’activité commerciale du FROUTVEN, de nature à engager sa responsabilité et ce, que ce soit en édictant des règles d’urbanisme illégales (§1) ou en violant les règles de publicité et de mise en concurrence (§2), la réglementation relatives aux aides publiques (§3) et les règles du droit de la concurrence (§4). 1- Sur l’édiction de règles d’urbanisme illégales La délibération du conseil de communauté en date du 7 juillet 2006, et donc le classement du secteur du FROUVEN en zone d’urbanisation future à vocation notamment économique et d’activités, a cependant été annulée par le Tribunal administratif de RENNES aux termes d’un jugement rendu le 22 octobre 2009 (n°s 0603702 et autres). Or, dans sa version antérieure, le plan d’occupation des sols classait ce secteur en zone à vocation agricole, excluant l’implantation d’activités commerciales. Le permis de construire octroyé au groupe ALTAREA le 22 décembre 2006 est donc illégal car il n’aurait pas pu être délivré sous l’empire du précédent document d’urbanisme ainsi remis en vigueur (cf. CE, Sect., 7 février 2008, Commune de Courbevoie, AJDA, 2008, page 582, à propos d’un document d’urbanisme déclaré illégal ; et CE, 16 novembre 2009, SARL Les résidences de Cavalière, précité, à propos d’un document d’urbanisme annulé). Dès lors, en édictant un document d’urbanisme illégal, puis en délivrant des permis de construire eux-mêmes illégaux au profit du promoteur et du futur exploitant du projet, et en autorisant ce faisant ces derniers à construire et réaliser un vaste ensemble commercial sur le site du FROUTVEN, BMO a commis une première faute de nature à engager sa responsabilité car, au cas d’espèce, l’annulation du PLU intercommunal implique, de par son caractère rétroactif, que ces permis ne pouvaient pas être légalement délivrés. -6- 2- Sur la violation des règles de publicité et de mise en concurrence Il résulte également du rappel des faits ci-dessus que BMO a confié l’aménagement de la zone du FROUTVEN au groupe ALTAREA pour permettre son exploitation par le groupe IKEA. Certes, cette décision ne s’est pas matérialisée par un acte, et n’a notamment pas donné lieu à la conclusion d’une convention écrite entre les parties. L’absence de formalisation par écrit des contrats passés par BMO avec les promoteurs semble au demeurant ancrée dans la pratique locale si l’on en croit le rapport de l’Agence Nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL) de février 2010 portant sur la négociation entre élus locaux et promoteurs (cf. P.J. TA n°40). Mais l’existence d’une décision (ou d’un contrat) peut se déduire de certains comportements lorsque, comme en l’espèce, cette décision (ou ce contrat) n’a pas été formalisée ou matérialisée par un acte (unilatéral ou contractuel). C’est par exemple de l’exécution de travaux que le Conseil d’Etat a déduit l’existence d’une décision d’implanter dans la cour d’honneur du Palais-Royal les fameuses « colonnes de Buren » (cf. CE, 12 mars 1986, Cusenier, AJDA, 1986, page 258, conclusions J. Massot). Il convient d’ajouter qu’un marché public peut être verbal (cf. CE, Sect., 20 avril 1956, Bertin, AJDA, 1956, page 221) ou même simplement tacite (cf. CE, 29 décembre 1999, Société FCA Méditerranée, n°188018 : l’existence d’un contrat peut se déduire « à partir d’un ensemble de faits et de pièces »). Même une concession d’aménagement peut résulter du comportement du pouvoir adjudicateur en l’absence de signature d’un contrat écrit (cf. CAA Marseille, 27 février 2008, Commune d’Estagel, n°07MA01727 : « il ressort des pièces du dossier soumis au juge […] que la Commune […], alors même qu'elle n'aurait pas signé de contrat de concession, doit être regardée comme ayant choisi l'aménageur de la future ZAC »). La circonstance que les relations entre BMO et le groupe ALTAREA n’ont pas été formalisées par un acte contractuel n’interdit donc pas de rechercher si celles-ci s’inscrivent dans le cadre d’une convention publique d’aménagement. Or, il va être démontré ci-après que tel est le cas en l’espèce. * * * -7- La définition des concessions publiques d’aménagement est aujourd’hui donnée par l’article L.300-4 du code de l’urbanisme : « L'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent code à toute personne y ayant vocation. L'attribution des concessions d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes […]. Ainsi, même lorsqu’une convention d’aménagement n’est ni une concession ni un marché public soumis à une procédure formalisée en vertu des directives communautaires (par exemple en raison de son montant), elle est quand même soumise à l’obligation de transparence (article R. 300-11-7). A peine est-il besoin de rappeler, en effet, que les règles fondamentales posées par le Traité instituant la Communauté européenne (dit « TCE »), devenu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (dit « FUE »), notamment le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs des Etats membres aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats. Ce dernier décret a en effet eu pour objet de mettre le droit interne en conformité avec le droit communautaire. Or, il va être démontré ci-après que : - les relations de BMO avec les groupes ALTAREA / IKEA s’inscrivent dans le cadre d’une convention tacite qui répond à la qualification de marché public de travaux au sens de la directive n°2004/18/CE du 31 mars 2004, alors applicable, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, et elles étaient soumises, comme telles, à une procédure de publicité et de mise en concurrence (§a) ; - ces relations n’étaient en tout état de cause pas exclues du champ d’application des règles fondamentales posées par le Traité instituant la Communauté européenne, devenu le Traité FUE, et en particulier du principe de non-discrimination en raison de la nationalité, qui soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs des Etats membres aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats (§b) ; En d’autres termes, même dans le cas d’équipements commercialisés à des fins uniquement privées, la jurisprudence « Jean Auroux » s’applique car « Si le contrat -8- définit la destination et les caractéristiques des ouvrages que l’opération doit réaliser, et s’il répond à une initiative d’une collectivité publique, il répond également à une ‘commande publique’ » (cf. A. Vandepoorter, Montages immobiliers et concurrence [2], La délicate question de la qualification du contrat, La Gazette, 27 juin 2011, page 50). Or, force est de constater que tel est bien le cas en l’espèce. Tout d’abord, et comme il a été indiqué dans le rappel des faits ci-dessus, BMO a clairement orienté la vocation du pôle commercial vers la thématique « de l’équipement de la maison » en procédant à la révision en juin 2006, avec ses partenaires, de la charte d’urbanisme commercial conclue en 1993 (cf. P.J. TA n°7). Cette révision a notamment consisté à inscrire dans la charte d’urbanisme commercial que « deux secteurs ont vocation particulièrement à accueillir [le] développement du commerce métropolitain : prioritairement le centre-ville et secondairement, le site du FROUTVEN » (ibidem, page 7). Ensuite, BMO a décidé de faire du secteur du FROUTVEN une « zone majeure de développement d’activités et d’équipements de loisirs », destinée à rendre plus attractive la métropole, et, pour « assurer la cohérence d’ensemble de cette zone », elle a adapté son PLU et s’est dotée de procédures spécifiques, comme « la mise en œuvre des moyens de maîtrise foncière publique et notamment le droit de préemption » (cf. P.J. TA n°17 et pièces adverses TA n°s 16 et 17). Si l’on en croit BMO, cette dernière n’aurait pas eu besoin d’exercer son droit de préemption pour permettre aux Sociétés ALTAREA/IKEA d’acquérir le foncier nécessaire à la réalisation du projet. Mais la seule institution du droit de préemption dans la zone suffit à démontrer l’existence d’une action ou d’une opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1 du code de l’urbanisme auquel renvoie l’article L.210-1 du même code. En outre, même si BMO n’a pas eu à exercer le droit de préemption qu’elle a institué, il est établi que plusieurs parcelles ont été déclassées du domaine public pour être ensuite revendues au groupe ALTAREA au prix de 12 euros / m2. Tel a notamment été le cas de la portion d’un ancien chemin d’environ 400 m2 (cf. P.J. TA n°15) et d’un délaissé de terrain d’environ 350 m2 vendu aux mêmes conditions (cf. P.J. TA n°16). Il faut par ailleurs ajouter que des terrains municipaux ont fait l’objet d’un échange au profit du groupe ALTAREA « afin de permettre une meilleure implantation d’Ikea sur la zone du Froutven » (cf. P.J. TA n°39). Mais ce n’est pas tout : pour permettre la réalisation de son projet d’aménagement, -9- BMO a également pris en charge les travaux du tramway de l’agglomération brestoise, dont elle a spécialement modifié le tracé afin que la future zone d’activité commerciale puisse être desservie (cf. P.J. TA n°s 12, 13 et 38 ; cf. également pièce adverse TA n°9). Ce point n’a au demeurant jamais été contesté par BREST METROPOLE, que ce soit devant le Tribunal ou devant la Cour. BMO a encore financé les aménagements routiers liés à l’opération, pour un montant global prévisionnel estimé à l’époque à 1.250.000 euros TTC (cf. P.J. TA n°14). Il ne saurait dès lors être contesté, dans ces conditions, que c’est BMO, et non pas les Sociétés SNC ALTA CRP GUIPAVAS, SAS IKEA DEVELOPPEMENT et SNC MEUBLES IKEA, qui a été à l’initiative du projet. Certes, ce n’est pas BMO, mais la CDEC, qui a autorisé l’exploitation de l’ensemble commercial. Mais il résulte des pièces du dossier que l’aménagement de cet ensemble commercial procède bien d’une commande de BMO, qui s’est clairement immiscée dans la conception et la réalisation du projet et est allée bien au-delà du simple « exercice […] de sa compétence en matière d’urbanisme » comme l’a estimé le Tribunal (cf. P.J. CAA n°1, page 9), et comme le soutient de nouveau BREST METROPOLE devant la Cour (cf. mémoire adverse, notamment pages 25, 27 et 30). L’article diffusé par le « groupe socialiste BMO » à l’occasion de l’inauguration des enseignes des « Portes de Brest-Guipavas » en septembre 2008 confirme au demeurant cet état de fait (cf. P.J. TA n°20). L’opération y est en effet décrite en ces termes : « Depuis le début du projet, en 2004, le secteur a connu de profonds aménagements, qui ont permis l’ouverture de près de 37 000 m² de commerces. Ces aménagements s’inscrivent dans une volonté de créer un véritable pôle commercial dédié pour l’essentiel à l’équipement de la maison. Cette nouvelle zone d’activités dote l’agglomération d’une véritable entrée de ville identifiée, qui viendra considérablement se renforcer, à terme, avec l’arrivée du tramway ou des projets comme le Zénith ou le Grand Stade. Au-delà d’un aménagement d’agglomération, il s’agit bien de renforcer l’attractivité de notre métropole pour en faire la locomotive de la Bretagne occidentale. L’arrivée d’Ikea, qui attire des clients d’une zone allant de Brest à Guingamp et Lorient, est révélatrice de cette démarche. […] il s’agit également de respecter la diversité des commerces et l’équilibre entre le centre et la périphérie, comme le prévoit la charte d’urbanisme commerciale. Cette charte a été établie en 1993 et révisée en 2006, dans un partenariat entre la Chambre de Commerce et d’Industrie et Brest - 10 - Métropole Océane. Elle prévoit que ‘l’implantation d’enseignes nationales à vocation régionale’ est un enjeu d’attractivité fort ; mais elle pose également les principes pour que soient respectés la diversité des formes de distribution, et l’équilibre entre le centre de Brest et la périphérie. En l’occurrence, le choix a été fait de consacrer cette zone à l’équipement de la maison, et de maintenir les commerces d’équipement de la personne en centre ville. Au total, ce sont près de 450 emplois qui sont générés par ce nouveau pôle, dont nombre d’emplois de qualité, à l’instar des salariés de l’enseigne suédoise dont 79 % sont en C.D.I. et 70 % embauchés à temps plein. C’est donc une nouvelle page qui s’ouvre pour la zone du Froutven, dont l’agglomération tout entière bénéficiera. Une étape de plus dans l’aménagement global de cette zone stratégique, à l’Est de notre agglomération » 1. On peut également citer, dans le même sens, les déclarations à la presse de Monsieur Marc LABBEY, à l’époque Vice-Président de BMO chargé de l’économie, et premier pilote du projet, qui a reconnu, à plusieurs reprises, que le projet résultait d’une commande de la Collectivité : « Puis c'est Altarea, un gros aménageur, qui a acheté et essayé de monter une proposition. ‘Je leur ai dit: Si vous voulez que cela se fasse, trouvez une enseigne qui commence par I et finisse par A’, se souvient Marc Labbey, à l'époque vice-président de Brest Métropole Océane chargé de l'économie. L'accord se fit. «Puissance conviée», en quelque sorte, Ikea est propriétaire de son terrain au Froutven, pas les autres dans le projet Altarea. Ikea a ouvert en mars 2008 sur 17.650m². En septembre, ont suivi Décathlon (8.000m²), Boulanger (2.980m²) ainsi qu'une quinzaine de magasins (équipement de la maison) et une petite dizaine de restaurants. Le tout pour 37.000 m² commerciaux, davantage que les trois hypers brestois réunis » (cf. P.J. TA n°21). Même la CDEC a reconnu, dans sa décision du 6 octobre 2006, « que le projet a été conçu en concertation avec les élus ». Enfin, une étude réalisée sur le projet par des étudiants de l’Institut de GéoArchitecture à BREST, intitulée « Le Froudwenn : une nouvelle zone commerciale pour Brest, résultat d’un choix ou contrainte ? » (cf. P.J. TA n°22), mérite d’être citée car elle corrobore elle aussi l’existence d’une commande de la part de BMO : « 3. Le processus de maturation du projet du Froudwenn « Lors de notre rencontre avec Monsieur ROUDAUT de la CCI, celui-ci nous a parlé de ce projet comme un « Kergaradec Bis » ce qui a donc motivé le refus de la CCI. Pour BMO, le projet était incompatible avec la Charte d’urbanisme commercial élaborée en partenariat avec la CCI qui prévoyait […] l’implantation de commerce métropolitain, donc des enseignes à dimensions régionales ou nationales, au Froudwenn. 1 Souligné par l’exposante. - 11 - « Il est alors demandé à ALTAREA de revenir avec un projet composé d’une locomotive commerciale ‘ayant un nom commençant par un I et terminant par un A’ (G. Kübler, chargé de projet à BMO, le 7 février 2008). « 4. Les tractations « Conscient de ne pas avoir eu toutes les informations concernant les dessous du sujet, notamment parce qu’il nous a été impossible de rencontrer deux des principaux acteurs que sont IKEA et ALTAREA, nous tenterons de comprendre les tractations qui ont eu lieu. « Lors des tractations et des discussions autour du projet, la Collectivité et la CCI ont réussi à obtenir certaines choses de la part du promoteur commercial comme la baisse de 4000m2 des surfaces de vente. Cependant, la CCI reste critique envers le projet de Retail Park mais approuve totalement la venue d’IKEA […]. « En 2004, BMO avait exigé de la part de l’aménageur privé un projet composé d’IKEA. ALTAREA a donc dû, afin de s’implanter sur le site, céder au groupe suédois la surface que désirait l’enseigne pour s’installer ; la politique du géant de l’équipement de la maison étant d’être propriétaire de ses locaux et terrains. « D’après Monsieur ROUDAUT de la CCI, le promoteur financier aurait vendu moins cher ses terrains a IKEA que ce que n’aurait rapporté les rentes de locations. Cependant, le projet ne pouvait voir le jour qu’avec IKEA et cette locomotive commerciale permet au financier qu’est ALTAREA de louer plus facilement ses emplacements commerciaux. IKEA, conscient de sa notoriété et du symbole que représente l’entreprise, bénéficie d’un avantage sur ses partenaires lors de l’élaboration de ses projets d’implantation. « Pour exister au Froudwenn, ALTAREA a besoin d’IKEA mais Brest veut plus que tout IKEA sur son territoire. C’est la collectivité qui a demandé au promoteur d’insérer le géant suédois dans son projet, ne l’oublions pas. En tant que demandeur, Brest est donc ici dans une position où il est difficile de rejeter les exigences de l’enseigne de prestige que représente le groupe suédois. Ainsi, lorsqu’elle a exigé un prolongement du Tramway jusqu’au Froudwenn, la collectivité a accepté » ; D’une part, il est établi que BMO a utilisé des fonds publics pour permettre l’aménagement du secteur et, partant, la réalisation du projet confié au promoteur ALTAREA et au groupe IKEA, en qualité d’exploitant. On a vu en effet ci-dessus que BMO reconnaît avoir financé les travaux du tramway de l’agglomération brestoise et également avoir spécialement modifié son tracé pour assurer la desserte de la future zone d’activité commerciale (cf. P.J. TA n°s 12 et 13). - 12 - Le montant total de ces travaux s’est élevé à 383.000.000 euros HT pour 14,3 km (cf. P.J. TA n°36). En retenant un coût au km de 26.783.216 euros HT, le seul tronçon PONTANEZEN / LES PORTES DE GUIPAVAS (2 km) aura ainsi coûté plus de 53.500.000 euros HT ! On a également vu ci-dessus que l’intimée reconnaît avoir financé les aménagements routiers liés à l’opération, pour un montant global prévisionnel estimé à l’époque à 1.250.000 euros TTC (cf. P.J. TA n°14). Le financement sur fonds publics de ces équipements a donc permis aux Sociétés ALTAREA / IKEA de réaliser une économie substantielle, sans que BREST METROPOLE puisse utilement invoquer le fait que ces opérateurs ont dû s’acquitter de la taxe locale d’équipement (TLE), le versement d’une telle taxe étant en effet obligatoire pour toute opération de construction immobilière depuis la loi d’orientation foncière n°67-1253 du 30 décembre 1967. Ainsi, que ce soit en finançant les équipements liés à l’opération (tramway, voirie) ou en rétrocédant une partie du foncier nécessaire à sa réalisation à un prix nettement inférieur à celui du marché, BMO a clairement renoncé à percevoir une somme d’argent en contrepartie de l’obligation pour le promoteur de construire des ouvrages ou de réaliser des travaux présentant pour elle un « intérêt économique direct ». Au total, toutes les conditions sont réunies pour qualifier un marché public de travaux au sens du a) et du b) du paragraphe 2 de l’article 1er de la directive n°2004/18/CE du 31 mars 2004, dont les dispositions étaient applicables à la date des faits. Les relations de BMO et des groupes ALTAREA / IKEA entrent donc bien dans le champ d’application de la directive2. BMO ne pouvait, par suite, confier l’aménagement du projet de zone d’activité commerciale aux groupes ALTAREA et IKEA en dehors des procédures de publicité et de mise en concurrence prévues par la directive en matière de marchés publics de travaux (articles 4 à 55). Or, il est constant qu’aucune procédure de publicité et de mise en concurrence n’a jamais été mise en œuvre ; BMO l’a même explicitement reconnu dans son courrier du 10 juillet 2009 (cf. P.J. TA n°1). Dès lors, en ne respectant pas les procédures et de mise en concurrence prévues par la directive en matière de marchés publics, BMO a commis une deuxième faute de nature à engager sa responsabilité. 2 Si la Cour de céans avait encore un doute à ce sujet, elle pourrait naturellement poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne - 13 - b- Sur les règles fondamentales du Traité FUE Comme il a été rappelé ci-dessus (cf. supra, §a), les règles fondamentales posées par le Traité instituant la Communauté européenne, devenu le Traité FUE, et en particulier le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs des Etats membres aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats. La Cour de Justice a ainsi précisé que ces règles fondamentales s’appliquent aux marchés ou aux concessions qui n’entrent pas dans le champ d’application des directives, et qu’elles impliquent « notamment, une obligation de transparence [permettant] au pouvoir adjudicateur de s’assurer que [le principe de nondiscrimination] est respecté [consistant] à garantir en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication » (cf. CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria Verlags Gmbh, précité, P.J. TA n°5 ; CJCE, ord., 3 décembre 2001, Bent Mousten Vestergaard, également précité). Or, il résulte de ce qui précède que les relations de BMO avec le promoteur ALTAREA et l’exploitant IKEA sont susceptibles d’être qualifiées de marché public de travaux au sens du droit communautaire. Dès lors, à supposer même que lesdites relations n’entraient pas dans le champ d’application de la directive du 31 mars 2004 alors applicable, sa conclusion était quand même soumise aux obligations minimales de publicité et de transparence (cf., en ce sens, CAA Bordeaux, 9 novembre 2004, Sogedis, AJDA, 7 février 2005, page 257, P.J. TA n°4 ; CAA Versailles, 12 mars 2009, Commune de Clichy-la-Garenne, n°07VE02221 ; CE, 18 novembre 2011, SNC Eiffage Aménagement, précité)3. A défaut pour BMO de s’être conformée à de telles obligations, les relations contestées ont ainsi été conclues dans des conditions manifestement irrégulières. La SARL RUE DE SIAM est donc en tout état de cause fondée à soutenir que BMO a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. * * * Là encore, si la Cour de céans avait le moindre doute sur ce point, l’exposante ne verrait aucun inconvénient à ce qu’elle interroge le Juge communautaire dans le cadre d’une question préjudicielle. 3 - 14 - Au-delà, toutes les conditions sont réunies en l’espèce pour qualifier une convention publique d’aménagement car il s’agit bien d’un contrat ayant pour objet la réalisation d’une opération d’aménagement, c’est-à-dire : - - d’une opération qui traduit et met en œuvre une volonté d’aménagement par un « effort d’organisation des activités et d’ordonnancement de l’urbanisation » (cf. conclusions Lasvignes sur CE, Sect., 28 juillet 1993, Commune de Chamonix-Mont-Blanc, page 2541, citées par F. Llorens et P. Soler-Couteaux, in Le périmètre des concessions d’aménagement, Etudes foncières, n°147, septembre-octobre 2010, page 30, cf. P.J. TA n°37), et qui poursuit l’une des finalités énumérées par l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, en l’occurrence la mise en œuvre d’un projet urbain, l’accueil et l’extension d’activités économiques et la favorisation du développement des loisirs et du tourisme commercial. Même BREST METROPOLE reconnaît que le projet des « Portes de GUIPAVAS » constitue une opération d’aménagement puisqu’elle fait état, dans son propre mémoire, de « la réalisation de l’opération d’aménagement ‘Les Portes de GUIPAVAS’ » (cf. mémoire adverse, page 29)4. En outre, si, dans son mémoire en défense, BREST METROPOLE cherche à relativiser la valeur juridique de l’analyse des étudiants de l’Institut de GéoArchitecture (cf. P.J. TA n°22), dont elle souligne toutefois « la qualité universitaire » (cf. mémoire adverse, page 13), force est de constater qu’elle ne conteste pas les déclarations réitérées de son ancien Vice-Président selon lesquelles BMO est bien à l’initiative du projet (cf. P.J. TA n°21). Et de fait, c’est bien BMO qui a bloqué l’aménagement du secteur du FROUTVEN pendant des années, puis défini l’activité économique, choisi l’aménageur et enfin l’enseigne leader de la zone. Or, comme le rappelle elle-même BREST METROPOLE dans ses écritures (cf. page 30) : 4 Souligné par l’exposante. - 15 - Ainsi, dès lors qu’elle a décidé de confier à un tiers (ALTAREA / IKEA), dans un cadre réglementaire préalablement et spécialement défini pour assurer sa réalisation (cf. pièce adverse TA n°8), la responsabilité d’une opération, dont il est établi qu’elle a pris l’initiative selon les déclarations de ses propres représentants (cf. P.J. TA n°21), BMO était tenue d’utiliser la concession d’aménagement comme mode contractuel de réalisation de cette opération (sauf à réaliser cette opération en régie, choix que n’a pas fait BMO) car c’est ce qui résulte de l’article L.300-4 du code de l’urbanisme. Comme l’expliquent les Professeurs LLORENS et SOLER-COUTEAUX (cf. P.J. TA n°37), dont on regrette qu’ils n’aient pas pris d’écritures dans le cadre de l’instance alors qu’ils s’étaient constitués, devant le Tribunal, dans l’intérêt de la SNC ALTA-CRP GUIPAVAS : « Si la concession d’aménagement a bien l’objet spécifique que nous venons d’indiquer, la question qui se pose à présent est de savoir si cet objet – en l’occurrence la réalisation d’une opération d’aménagement au sens du Code de l’urbanisme – peut être réalisé dans un autre cadre. « La réponse est certainement affirmative si l’on entend par là que la collectivité est libre de réaliser l’opération en régie directe sous sa propre maîtrise d’ouvrage, en passant elle-même les marchés nécessaires. Outre que cette solution est conforme au principe de la liberté de choix par les collectivités publiques du mode de gestion de leurs services ou d’exercice de leurs activités, aucune disposition du Code de l’urbanisme ne la condamne. Bien au contraire, il résulte de son article L 300-4 qu’elles « peuvent concéder » la réalisation des opérations d’aménagement, ce qui signifie que le recours à la concession constitue pour elles une simple faculté et non une obligation. « Il est a priori plus délicat de savoir si, dès lors qu’elle décide de confier à un tiers la responsabilité de l’opération, la collectivité publique est en droit d’utiliser un autre mode contractuel que la concession d’aménagement, soumis à ses règles propres notamment en ce qui concerne la procédure de passation du contrat. En fait, la question est plus simple qu’il n’y parait. Elle appelle sans doute une réponse négative (A) et les collectivités publiques ont d’autant plus intérêt à se tenir à cette réponse que l’on perçoit mal l’avantage qu’elles pourraient retirer du choix – au demeurant fort limité – d’un autre cadre contractuel (B). « A. L’obligation de recourir à la concession d’aménagement « Que les collectivités publiques ne puissent utiliser que la concession d’aménagement comme mode contractuel de réalisation des opérations d’aménagement, c’est ce qui résulte de l’article L 300-4 du Code de l’urbanisme lui-même. - 16 - « Après avoir admis, dans son alinéa 1er, qu’elles peuvent concéder ce type d’opérations, l’article en question dispose, en effet, que « l’attribution des concessions d’aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat ». « C’est dire clairement – quoiqu’en des termes différents – que lorsqu’une personne publique décide de recourir à la concession, elle doit respecter les règles fixées par décret en Conseil d’Etat qui sont relatives aux concessions d’aménagement et se trouvent codifiées aux articles R 300-4 et suivants du Code de l’urbanisme. « Il en va ainsi dans tous les cas, que le contrat qu’elles envisagent de passer ait, au regard du droit communautaire, le caractère d’un marché ou celui d’une concession de travaux publics. […] « Quelles que soient les modalités – financières notamment – du contrat, celui-ci doit donc être passé sous la forme d’une concession d’aménagement soumise aux règles de passation définies par les dispositions précitées. La conception large de la concession d’aménagement et l’exhaustivité de régime qui lui est applicable renforcent ainsi son exclusivité comme mode contractuel de réalisation des opérations d’aménagement. « B. L’absence d’intérêt du recours à d’autres contrats « Pour autant qu’elles soient tentées de se soustraire à cette obligation, on ne voit pas l’intérêt que les personnes publiques pourraient trouver à y échapper. […] « Même si les évolutions récentes du contentieux contractuel sont de nature à atténuer les risques ou la gravité des sanctions en cas de méconnaissance des règles de passation propres à un contrat déterminé, on ne voit donc pas l’intérêt que les personnes publiques pourraient avoir à s’exposer à de tels risques – fussent-ils résiduels – en ne recourant pas à la concession d’aménagement lorsque celle-ci s’impose »5. D’où que l’on se place, BMO était donc tenue de recourir à une convention publique d’aménagement et, à ce titre, de respecter les procédures de dévolution qui s’attachent à ce type de conventions et ce, finalement quelle que soit la qualification des relations entre les parties (marché ou concession). En décidant la dévolution de gré à gré de l’opération aux groupes ALTAREA et IKEA, BMO a donc engagé sa responsabilité à l’égard des concurrents potentiels évincés, au premier rang desquels figure la SARL RUE DE SIAM. 5 Souligné par l’exposante. - 17 - * * * La méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence commise au stade de la dévolution du projet au seul bénéfice des groupes ALTAREA et IKEA se double, en outre, d’une méconnaissance des mêmes règles au stade de la dévolution d’une partie du foncier nécessaire à sa réalisation au profit de la même entité. La doctrine considère toutefois que cette dispense de publicité et de mise en concurrence ne concerne que les contrats dont l’objet est exclusivement de céder un bien du domaine privé (en ce sens : F. Dieu, conclusions sur CAA Marseille, 25 février 2010, Commune de Rognes, AJDA, 2010, page 1203 ; A. Vandepoorter, Montages immobiliers et concurrence [3], Les « principes généraux de la commande publique », La Gazette, 4 juillet 2011, page 50). Ainsi, lorsque, dans un contrat de vente à objet mixte (vente + travaux), la cession des terrains est assortie de l’obligation, pour l’acquéreur privé, d’exécuter des travaux répondant à un intérêt local, il s’agit d’une « cession avec charges » (cf. P. Bejjaji et W. Salamand, « Des alternatives à la concession d’aménagement », La Lettre du cadre territorial, n°419, 1er avril 2011, page 52) car la collectivité se conduit comme demandeur sur le marché et conclut un contrat de commande. En l’espèce, il résulte de ce qui précède que plusieurs parcelles ont été rétrocédées par BMO au groupe ALTAREA après avoir été spécialement déclassées du domaine public en vue de permettre l’implantation de l’enseigne IKEA. Ces rétrocessions sont de surcroît intervenues à un prix ne correspondant manifestement pas à la valeur réelle des terrains, ni même pour un d’entre eux à l’estimation des domaines (cf. supra), et qui s’analyse, dans les circonstances de l’espèce, comme la contrepartie de l’obligation pour le groupe ALTAREA de réaliser les aménagements imposés par BMO pour répondre à un besoin d'intérêt général défini par elle dans le cadre du projet de la zone commerciale du FROUVEN. Force est pourtant de constater que, même pour la cession de ces terrains, BMO n’a procédé à l’organisation d’aucune publicité formalisée permettant de mettre en concurrence les opérateurs fonciers potentiels, ni procédé à leur consultation. La SARL RUE DE SIAM est donc là encore fondée à soutenir qu’en agissant ainsi, BMO a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En conclusion, il résulte de tout ce qui précède que c’est à tort, et au prix d’une double erreur de droit et de fait, que le Tribunal a estimé que « Brest Métropole Océane et Altaréa n’étant liés par aucune convention publique d’aménagement - 18 - […], aucune procédure de publicité et de mise en concurrence n’avait à être mise en œuvre ni en vertu des exigences découlant des principes généraux du droit communautaire de non-discrimination et d’égalité de traitement qu’en application des règles applicables à la conclusion des concessions de travaux au sens du droit de l’Union européenne ou sur le fondement des principes généraux du droit de la commande publique » (cf. P.J. CAA n°1, considérant 5, page 9). BREST METROPOLE a beau le redouter, l’annulation du jugement est donc inéluctable sur ce point encore. 3- Sur la violation de la réglementation relative aux aides publiques Selon l’article 87 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l’article 107 du Traité FUE : « 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». Il ressort de ces stipulations que constituent des aides d’Etat les mesures qui entraînent un transfert de ressources publiques conférant aux seules entreprises qui en sont destinataires un avantage économique et qui ont un effet potentiel sur la concurrence et les échanges entre Etats membres. Or, en ce qui concerne la revente des terrains, la Commission a adopté une communication concernant les éléments d’aides d’Etat contenus dans des ventes de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics. Il ressort de cette communication, dont l’intimée cherche vainement à minimiser la portée juridique, qu’une vente de terrains ou de bâtiments par les pouvoirs publics ne contient pas des éléments d’aide si la vente a été conclue dans le cadre d’une procédure d’offre ouverte et inconditionnelle ayant fait l’objet d’une publicité suffisante et prévoyant la vente de l’actif au plus offrant ou à l’unique offrant, ou si la vente s’est effectuée à la valeur du marché, telle que déterminée par des experts indépendants. A contrario, si une telle vente n’a pas été conclue dans le respect de ces conditions ou selon ces modalités, elle est regardée comme contenant des éléments d’aide. Or, en l’espèce, il n’apparaît pas que BMO aurait eu recours à une procédure d’offre publique préalablement à la revente des terrains après déclassement du domaine - 19 - publique. En revanche, il a été démontré ci-dessus que le prix de revente desdits terrains était très inférieur à la valeur du marché, et même pour l’un d’entre eux, à l’estimation de FRANCE DOMAINE (cf. supra, §I-2-a), ce que ne peut continuer à nier BREST METROPOLE. D’autre part, en ce qui concerne la mise à disposition d’infrastructures, il est admis que les conditions dans lesquelles intervient une telle mise à disposition au profit d’une entreprise peuvent être sources d’avantages assimilables à des aides d’Etat. C’est ainsi que la Commission, dans sa communication C 61/98 concernant les aides accordées à Lenzing Lyocell GmbH & Co KG, a admis que pouvaient constituer des aides les investissements d’infrastructure réalisés par un Land à une entreprise qui avait décidé de s’installer dans un parc d’entreprises. Il ressort des pièces du dossier que ces promoteur et exploitant ont bénéficié de l’aménagement routier et également du passage du tramway, dont le tracé a été spécialement modifié pour assurer la desserte du futur ensemble commercial, alors qu’il avait initialement vocation à desservir l’aéroport (cf. P.J. TA n°s 12 à 14). Ainsi, que ce soit la revente des terrains ou la mise à disposition des infrastructures routières et de transport public liées à l’opération au profit de l’aménageur, ces mesures ont entraîné un transfert de ressources publiques conférant aux groupes ALTAREA et IKEA, qui exercent une activité économique et sont présents sur des marchés où il existe des échanges entre Etats membres, un avantage économique et ayant un effet potentiel sur la concurrence et les échanges entre Etats membres. De telles mesures sont donc assimilables à des aides publiques au regard du droit communautaire. Par suite, en accordant des aides illégales aux groupes ALTAREA et IKEA, BMO a de nouveau commis une faute de nature à engager sa responsabilité. - 20 - 4- Sur la violation des règles du droit de la concurrence Il est aujourd’hui acquis que les règles du droit de la concurrence s’appliquent aux personnes publiques et que le Juge administratif est seul compétent pour se prononcer sur la validité d’un contrat administratif au regard de ces règles. C’est précisément pour cette raison qu’en l’espèce, le Conseil de la concurrence, que la SARL RUE DE SIAM avait saisi en mars 2008 (cf. P.J. CAA n°2), a invité cette dernière à mieux se pourvoir, les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre à l’occasion du projet d’aménagement du FROUTVEN étant surtout à rechercher du côté des pouvoirs publics. En particulier, la jurisprudence considère qu’un contrat administratif est illégal s’il permet à une entreprise d’établir ou de renforcer une position dominante dont elle abuse : l’autorité publique ne peut placer une entreprise en situation d’abuser d’une position dominante sans violer elle-même indirectement les règles du droit de la concurrence (cf. CE, 3 novembre 1997, Société Million et Marais, page 393, concl. Stahl). Une telle pratique anticoncurrentielle peut notamment résulter du refus d’une entreprise en position dominante ou en situation de monopole de donner accès à une infrastructure ou à une ressource essentielle, laquelle ne peut être reproduite selon des moyens raisonnables. Il a par exemple été jugé par le Conseil de la concurrence que le titulaire d’une autorisation exclusive doit être sanctionné pour exploitation abusive de position dominante s’il profite de son monopole pour fermer l’accès à la « facilité essentielle » qu’il a eu la possibilité de mettre en place (cf. Cons. concurrence, 3 septembre 1996, Hélinter Assistance, BOCC, 8 janvier 1997, page 3 ; confirmé par CA Paris, 9 septembre 1997, BOCC, 7 octobre 1997, page 692). Or, en l’espèce, il apparaît que BMO a placé le promoteur ALTAREA et l’exploitant IKEA en situation d’abuser d’une position dominante. Force est en effet de constater que les conditions de l’abus de position dominante, posées par l’Autorité de la concurrence dans son avis précité du 22 mai 2002, sont toutes réunies : - en premier lieu, et comme il a été précédemment démontré, le duo ALTAREA / IKEA s’est vu attribuer par BMO une concession d’aménagement pour la réalisation de la zone commerciale du FROUTVEN. Dès lors qu’il est l’unique promoteur du site, le groupe ALTAREA a la - 21 - pleine maîtrise de son organisation, sa seule contrainte ayant été de respecter les spécifications imposées par BMO au stade de son aménagement (cf. supra, §I-2-a). Le groupe ALTAREA dispose donc de facto d’un monopole pour l’exploitation et la gestion de l’infrastructure du FROUTVEN dont il a notamment le pouvoir d’établir de manière autonome les conditions d’accès. Ainsi, l’infrastructure est-elle bien possédée par une entreprise que l’autorité administrative a placée – en l’occurrence à dessein, en dehors de toute procédure de publicité et de mise en concurrence, et à grand renfort d’aides publiques illégales – en situation de monopole et à tout le moins de position dominante ; - en deuxième lieu, le FROUTVEN constitue la première zone commerciale de la région BRETAGNE et s’affiche comme la vitrine finistérienne de l’équipement et de l’aménagement de la maison et des loisirs. A l’échelle du département du FINISTERE NORD, la zone commerciale du FROUTVEN constitue la référence absolue dans le domaine de l’ameublement et son caractère unique en fait par conséquent un point de passage obligé pour la SARL RUE DE SIAM, qui exploite son activité de commerce de détails de meubles hors et à proximité immédiate de la facilité essentielle. Il s’agit donc bien d’une infrastructure strictement nécessaire à la SARL RUE DE SIAM dont la survie à long terme ne peut être assurée que si elle a accès à cette infrastructure dans des conditions non discriminatoires. Elle n’est malheureusement pas la seule : les effets sont désastreux tant sur les magasins existants que sur les projets de développement depuis l’arrivée de l’enseigne IKEA. Que l’on en juge : LA MEUBLERAIE Plougastel, enseigne pourtant emblématique localement, est fermée (cf. P.J. TA n°41), FLORICANNE (meubles et décoration de jardin, décoration d’intérieur, salles de bain…) et KERBRAT (salles de bain et aménagement) sont en liquidation, les meubles MICHEL ROIGNANT sont en cessation d’activité, etc. Depuis l’ouverture du magasin IKEA, plus aucun projet ne voit le jour, la zone est devenue une friche, comme en témoignent encore la mise en liquidation de la SARL ARTLIGNE (cf. P.J. TA n°42), qui exploitait un commerce de détail de meubles sis 27 rue de Siam… - 22 - Même le groupe FLY, première enseigne française de mobilier jeune habitat, a dû fermer son magasin de BREST en 2015, après avoir vainement tenté de s’installer au FROUTVEN : « Fly ferme […]. Le franchisé indépendant brestois a souffert de la concurrence, notamment depuis l'arrivée d'Ikea au Froutven. Deux ans et demi seulement après son installation rue Romain-Desfossés, l'enseigne Fly fermera ses portes à la fin du mois » (P.J. CAA n°4). C’est dire les conséquences pour la concurrence qu’a eu la mainmise du géant suédois sur l’infrastructure du FROUTVEN ! - en troisième lieu, il n’existe aucun substitut réel à l’installation litigieuse. En effet, la zone du FROUTVEN ne connaît pas d’équivalent dans le secteur de l’équipement et de l’aménagement de la maison et des loisirs, que ce soit à l’échelle du département du FINISTERE NORD ou même à l’échelle de la région BRETAGNE. D’une part, la présence d’obstacles techniques, règlementaires et économiques sont de nature à rendre impossible, pour toute entreprise qui entend opérer sur le marché, de créer, éventuellement en collaboration avec d’autres opérateurs, une infrastructure alternative. D’autre part, cette facilité essentielle ne peut être dupliquée tant pour des raisons de politique d’urbanisme que pour des raisons purement économiques puisque la constitution de ce centre commercial d’envergure a pour effet une sur-saturation des équipements commerciaux. Le Directeur de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes avait d’ailleurs relevé en ce sens dans son avis défavorable du 15 septembre 2006 : « Ce projet va accentuer des surdensités déjà constatées sur la zone de chalandise. Avec ce projet, la densité des GMS spécialisées dans l’équipement et l’aménagement de la maison sera supérieure de 25% à la moyenne départementale, de 18 % par rapport à la Bretagne et 55% par rapport à la moyenne nationale. […] Au regard de ces densités futures, il paraît évident que ce projet va bouleverser les équilibres commerciaux constatés dans la zone de chalandise et plus particulièrement dans le Nord Finistère. […] La création de 13 GMS spécialisées ne répond pas à un réel besoin. […] Cette création de 29 053 m2 (IKEA + 13 GMS) de surface de vente en une seule fois va déstabiliser les commerces locaux. Elle va remettre en cause le tissu commercial réparti sur l’ensemble du nord Finistère. Elle risque d’affaiblir l’offre de proximité actuellement appréciée par le consommateur » (cf. P.J. TA n°8). - 23 - Il est ainsi démontré que l’infrastructure ne peut pas être reproduite dans des conditions économiques raisonnables par les concurrents du groupe ALTAREA qui la gère (pour un précédent en ce sens : cf. Cons. Concurrence, 26 juin 1990, n°90-D-22, à propos de la situation de la concurrence dans le secteur des carburants). - en quatrième lieu, l’accès à l’infrastructure a été refusé à la SARL RUE DE SIAM dans des conditions restrictives injustifiées. Dans sa décision « Hélinter Assistance » précitée, le Conseil de la concurrence a imposé deux contraintes pour le titulaire d’une infrastructure essentielle : d’une part, l’entreprise dominante ou en situation de monopole doit « offrir un accès à ses concurrents, à l’amont ou à l’aval, à l’infrastructure qu’il détient, ou qu’il contrôle, et il n’a pas la liberté de refuser de contracter » ; d’autre part, elle doit « offrir cet accès dans des conditions équitables et non discriminatoires, ce qui l’expose à voir contester les conditions qu’il offre à ses concurrents ». En l’espèce, l’exposante a tenté d’acquérir auprès du promoteur, la SNC ALTA CRP GUIPAVAS, des parcelles sur la zone commerciale du FROUTVEN et ce, notamment afin de pouvoir mener à bien son projet de développement d’une nouvelle enseigne (« Limited Déco ») de meubles contemporains moyen et bas de gamme édités en séries limitées. Mais la seule « offre » qui lui a été faite était la location d’un bâtiment brut sur une base annuelle hors taxes non négociable de 163 euros / m2 (cf. P.J. TA n°25). Ce montant de loyer étant totalement exorbitant, la SARL RUE DE SIAM n’a évidemment pas pu y donner suite. L’« offre » était d’autant plus discriminatoire que la SNC ALTA CRP GUIPAVAS a cédé au groupe IKEA la propriété de plusieurs des parcelles nécessaires à la réalisation du projet pour un prix de l’ordre de 75 euros / m2 (cf. P.J. TA n°26), soit à un prix artificiellement bas puisqu’inférieur au prix d’acquisition de ces mêmes parcelles par la SNC ALTA CRP GUIPAVAS (de l’ordre de 80 euros / m2) et en tout état de cause très inférieur au prix du marché (de l’ordre de 160 euros / m2 ; cf. supra, §I-2-a). Bien plus, et comme si cela ne suffisait pas, l’acte de vente montre que les groupes ALTAREA et IKEA ont cherché à éliminer la concurrence, notamment de commerçants comme la SARL RUE DE SIAM, intervenants sur le segment des meubles contemporains moyen et bas de gamme. - 24 - Il est ainsi précisé à l’acte que « l’acquéreur s’oblige à maintenir l’enseigne IKEA […] pendant une durée de 10 ans à compter de l’ouverture du magasin » (cf. P.J. TA n°26, point 17.5, page 13). Mais le plus choquant est sans aucun doute que « le vendeur s’interdit et interdit à ses ayants-droits, sauf accord express de l’acquéreur, de louer ou de vendre, dans l’Ensemble Immobilier Commercial, à une enseigne de type ‘Jeune Habitat’ (par exemple ALINEA ou FLY), une surface de vente égale ou supérieure à 2.000 mètres carrés, pour une durée expirant six ans après l’ouverture de l’Ensemble Immobilier Commercial »6 (ibidem, point 19, page 14). Ces deux clauses prouvent que le projet contrevient aux règles d’une concurrence claire et loyale, en empêchant la concurrence de s’installer sur le site. Il est par conséquent avéré que la SNC ALTA CRP GUIPAVAS a profité de sa position dominante pour pratiquer, à l’égard des commerçants locaux, et notamment de la SARL RUE DE SIAM, des conditions commerciales inéquitables, de nature à empêcher cette dernière à accéder à l’infrastructure essentielle du FROUTVEN. Or, il convient de rappeler que l’article L.420-2 du code de commerce inclut expressément dans sa liste des exemples d’abus de position dominante le fait de pratiquer des « conditions de vente discriminatoires ». - enfin, en cinquième lieu, lorsque la SARL RUE DE SIAM a formulé ses demandes auprès du promoteur immobilier, l’accès à l’infrastructure était bel et bien possible puisque les parcelles restantes n’ont été attribuées que tardivement et en l’occurrence bien après les demandes de la requérante. La SNC ALTA CRP GUIPAVAS n’a d’ailleurs pas invoqué de motif tenant à la saturation technique de l’infrastructure essentielle pour rejeter la demande de la SARL RUE DE SIAM. En définitive, toutes les conditions de l’abus de position dominante sont donc réunies en l’espèce. Bien plus, il apparaît que le groupe ALTAREA a abusé de la position dominante dans laquelle il a été placé par BMO pour refuser à la SARL RUE DE SIAM le droit d’accéder à la zone commerciale du FROUTVEN dans des conditions équitables et non discriminatoires. 6 Souligné par l’exposante. - 25 - Les récentes affaires mises au jour, qu’il s’agisse des pratiques d’espionnage par IKEA de ses salariés et clients – et pourquoi pas de ses concurrents ou même des élus ? – (cf. P.J. TA n°43) ou des recours abusifs contre des projets immobiliers à l’initiative d’un ancien directeur du groupe ALTAREA (cf. P.J. TA n°44), confirment, s’il était besoin, le caractère éminemment contestable des méthodes utilisées par certains des représentants de ces opérateurs économiques à des fins abusives et anticoncurrentielles. * * * Dès lors, en permettant au groupe ALTAREA d’établir ou de renforcer une position dominante dont il a effectivement abusé en faveur de l’enseigne IKEA et au détriment de la SARL RUE DE SIAM, BMO a elle-même enfreint les règles du droit de la concurrence, ce qui constitue une faute supplémentaire de nature à engager sa responsabilité. En conclusion, que ce soit en édictant des règles d’urbanisme illégales (§1), en violant les règles de publicité et de mise en concurrence (§2), la réglementation relatives aux aides publiques (§3) ou en méconnaissant les règles du droit de la concurrence (§4), BMO a commis une succession de faute, au stade de la définition, de la création, de la dévolution et même de l’exploitation de la zone d’activité commerciale du FROUTVEN, de nature à engager sa responsabilité.