La benne-école pour une collecte plus sûre

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La benne-école pour une collecte plus sûre
entreprise collecte de déchets
Formation
La benne-école pour une collecte plus
Déterminée à infléchir la courbe d’une
accidentologie élevée, La Rimma, prestataire
de collecte des déchets ménagers pour
la communauté urbaine du Grand-Nancy,
en Meurthe-et-Moselle, a renforcé l’accueil
de ses intérimaires, permettant notamment
une mise en situation à bord d’un véhicule de
formation. Une première nationale pour le groupe
Véolia Propreté, dont l’entreprise est une filiale.
L
aisse-le
manœuvrer,
laisse-le manœuvrer ! »
Alors que le camionécole entame son repositionnement, Christophe Romeu,
tuteur rippeur/conduc­­teur à La
Rimma, entreprise chargée de
la collecte des déchets ménagers pour la communauté
urbaine du Grand-Nancy, rappelle l’une des règles d’or de
la profession au jeune intérimaire qu’il accompagne :
« Lorsque le voyant clignote et
que le signal sonore retentit, tu
le guides en restant bien en vue
du conducteur. » À Heillecourt,
en Meurthe-et-Moselle, Kévin
Darbelet et Ludovic Umeker,
futurs rippeurs et conducteurs, découvrent les aléas
du ramassage des ordures
ménagères et de la conduite
en zone pavillonnaire, sous
l’œil attentif de deux titulaires
expérimentés. Le véhicule de
formation quatre places de La
Rimma est le point d’orgue du
nouveau module d’intégration
des intérimaires mis au point
par l’entreprise, en partenariat avec Adecco. « En 2007 et
2008, nous avons déploré de
nombreux accidents du travail », explique Steve Martin,
responsable d’exploitation de
La Rimma.
Chutes et coups en tous genres
étaient devenus légion dans
une profession régie par le
principe du « fini-quitte », qui
autorise les rippeurs à rentrer
chez eux aussitôt la tournée
terminée. « Si une recommandation nationale (1) préconise
l’arrêt du “fini-quitte”, l’entreprise a choisi une autre voie
et travaillé sur l’ensemble des
conséquences de cette pratique,
en mobilisant notamment les
partenaires sociaux, les acteurs
et les équipes autour des règles
de
prévention,
remarque
Thierry Grosset, contrôleur de
sécurité à la Carsat Nord-Est.
Un dispositif important a été
créé pour renforcer l’accueil
des nouveaux embauchés. » La
Rimma dispose depuis longtemps d’un module d’intégration des intérimaires, auquel
manquait jusque-là une phase
essentielle d’im­mer­sion sur
le terrain. En partenariat avec
Adecco, elle entreprend, il y
a deux ans, de le revoir avec
le double objectif d’affiner le
recrutement des intérimaires
et de proposer un apprentissage du métier plus concret.
Se familiariser
avec la voie publique
© Gaël Kerbaol/INRS
« Nous étions face à un problème d’interprétation des
règles et des consignes auquel
il fallait répondre », poursuit
Steve Martin. Les nouveaux
arrivants suivent dans un
premier temps une demi-
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Travail & Sécurité­­– Février 2011
Ne pas confondre vitesse
et précipitation est le premier
enseignement apporté lors
de la formation en immersion
que prodigue La Rimma
à ses nouveaux arrivants.
sûre
journée de formation théorique encadrée par un chargé
d’exploitation Rimma et le
responsable du recrutement
Adecco. L’occasion de revenir
en détail sur le déroulement
d’une journée type et de les
sensibiliser au matériel. Les
nouvelles recrues découvrent
ensuite le métier en binômes,
accompagnés de deux tuteurs
à bord d’un camion- école avec
lequel sont organisées plusieurs tournées in situ. « Dans
le groupe Véolia Propreté, nous
sommes à ce jour les seuls à
avoir mis à disposition un tel
véhicule de formation, souligne Christophe Aletti, attaché d’exploitation, en charge
de la formation des intérimaires.
L’accompagnement
des nouveaux sur le terrain
s’étale sur une période de
trois à quatre jours (selon les
besoins individuels) au cours
desquels leur sont présentés
les différents environnements
de travail. » Au niveau de
l’agence Adecco de Ludres,
l’expérience est jugée très
bénéfique en termes de recrutement. « Les enjeux humains
sont importants. De l’extérieur, on pourrait penser que
ces postes ne requièrent ni
compétence ni technicité spécifiques. C’est faux. Le métier
est marqué par la répétition
d’actions physiques dans un
environnement sensible, la
voie publique. Un recrutement
adapté est aussi nécessaire
qu’un accompagnement sur
les premières tournées. C’est ce
que nous avons mis en place »,
explique Richard Tolic, directeur d’agences chez Adecco.
« En zone pavillonnaire, les
La Rimma
en bref
F
iliale de Veolia
Proprété, La Rimma est
prestataire de la collecte
des déchets ménagers
pour les vingt communes
de la communauté urbaine
du Grand-Nancy, son
seul client. Elle assure le
ramassage quotidien de
500 tonnes de déchets
pour 270 000 habitants.
L’entreprise emploie
209 salariés dont 140
affectés à la collecte et,
parmi eux, une vingtaine
d’intérimaires.
manœuvres sont beaucoup
plus nombreuses qu’ailleurs »,
souligne Christophe Romeu,
également
délégué
du
personnel, qui s’est porté
volontaire pour former les
nouveaux. Pour lui, ces secteurs tranquilles où se succèdent impasses et passages
étroits constituent le lieu idéal
pour montrer aux nouveaux
arrivants que les risques sont
réels. « Demain nous irons certainement sur Nancy centre
où il faut composer avec une
circulation plus dense », poursuit Laurent Toussaint, tuteur
conducteur et secrétaire du
CHSCT. « C’est pas évident. On
a commencé à quatre heures,
alors qu’il fait nuit noire. Au
départ, on a un peu de mal à
s’arrêter au bon endroit et à
juger de l’encombrement du
véhicule. Les virages se calculent au centimètre et il faut
faire avec les voitures des rive-
rains qui ne sont pas toujours
bien stationnées, estime Kévin
Darbelet. Il y a beaucoup de
choses à assimiler d’un coup. »
Plusieurs mois
sans arrêt
Cette première tournée donne
en effet l’opportunité de rencontrer l’ensemble des points
sensibles recensés par l’entreprise. Les dangers de la collecte bilatérale notamment.
Aujourd’hui, comme le préconise la recommandation on
ne ramasse plus les poubelles
des deux côtés en un seul
passage, sauf dans certaines
petites rues à sens unique,
lorsque le dépassement ou
le croisement avec un véhicule tiers n’est pas possible. À
Heillecourt, les rippeurs sont
également confrontés à une
problématique de ramassage
de sacs en vrac, qui se sont
heureusement raréfiés avec la
mise en place de conteneurs
dédiés. « Fin 2008, lorsque j’ai
pris la direction de La Rimma,
nous étions site critique au
niveau national », reconnaît
Marcel Come. Appuyée par
Adecco et la Carsat, l’entreprise veut donner du temps à
l’intérimaire, aussi bien dans
une approche qualitative
qu’en termes d’immersion
sur le terrain. « Au bout de
quelques jours avec le véhicule,
si le tuteur, qui doit valider l’autonomie du nouvel embauché,
estime qu’il n’est pas suffisamment à l’aise avec le métier, il
n’est pas exclu de poursuivre la
période d’apprentissage ou de
mettre fin à sa mission. C’est
ainsi également que l’investis-
sement prend tout son sens »,
poursuit le directeur.
Chaque année, cinq ou six
modules d’intégration sont
organisés. Les intérimaires qui
reviennent d’une année sur
l’autre sont réintégrés dans
le circuit, avec une validation
des aptitudes plus rapide.
« J’appréhende un peu ma première tournée de conducteur
de benne avec un équipage
d’habitués », admet Ludovic
Umeker. Une inquiétude légitime des nouveaux embauchés, malgré une conscience
du risque qui s’est développée
chez l’ensemble des salariés.
« En 2010, nous avons noté
une diminution significative
du nombre d’accidents du travail. Nous avons même connu
plusieurs mois sans un jour
d’arrêt, affirme Steve Martin.
Les rippeurs se sont eux-mêmes
mobilisés sur la prévention des
risques. Nous organisons également des réunions régulières
avec la collectivité pour étudier
les points noirs signalés sur
la voirie (positionnement des
bacs, présence de sacs en vrac,
respect des zones de station­
nement, élagage…) et rechercher
ensemble les compromis nécessaires. » La dynamique est
bien donnée, mais La Rimma
doit désormais maintenir ce
degré de vigilance. Et poursuivre les efforts engagés pour
étendre ses actions de prévention à l’ensemble de l’activité,
jusqu’au centre de tri.
1. R437 La collecte des déchets ménagés
et assimilés.
Grégory Brasseur
Travail & Sécurité –
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