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Tiré à part NodusSciendi.net Volume 9 ième Août 2014 Jeu d’écriture et guerres de sociétés Volume 9 ième Août 2014 Numéro conduit par ASSI Diané Véronique Maître-Assistant à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan http://www.NodusSciendi.net Titre clé Nodus Sciendi tiré de la norme ISO 3297 ISSN 2308-7676 http://www.NodusSciendi.net Comité scientifique de Revue BEGENAT-NEUSCHÄFER, Anne, Professeur des Universités, Université d'Aix-la-chapelle BLÉDÉ, Logbo, Professeur des Universités, U. Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan BOA, Thiémélé L. Ramsès, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny BOHUI, Djédjé Hilaire, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny DJIMAN, Kasimi, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny KONÉ, Amadou, Professeur des Universités, Georgetown University, Washington DC MADÉBÉ, Georice Berthin, Professeur des Universités, CENAREST-IRSH/UOB SISSAO, Alain Joseph, Professeur des Universités, INSS/CNRST, Ouagadougou TRAORÉ, François Bruno, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny VION-DURY, Juliette, Professeur des Universités, Université Paris XIII VOISIN, Patrick, Professeur de chaire supérieure en hypokhâgne et khâgne A/L ULM, Pau WESTPHAL, Bertrand, Professeur des Universités, Université de Limoges Organisation Publication / DIANDUÉ Bi Kacou Parfait, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan Rédaction / KONANDRI Affoué Virgine, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan Production / SYLLA Abdoulaye, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan 2 SOMMAIRE 1- Profesor Albert DAGO-DADIE, Universidad Félix HOUPHOUËTBOIGNY Abidjan, “ESPAÑA Y ÁFRICA DESDE LOS REYES CATÓLICOS HASTA LA CONFERENCIA DE BERLÍN” 2- Pr DIALLO Adama, INSS/CNRST, Ouagadougou, « PARTENARIAT FRANÇAIS/LANGUES LOCALES DANS LA PRATIQUE ET LA CONVERSATION COURANTE AU BURKINA-FASO » 3- Pr KONKOBO Madeleine, INSS/CNRST, Ouagadougou, « FEMME ET VIE POLITIQUE AU BURKINA FASO » 4- Dr. KOUASSI Kouamé Brice, Université Félix Houphouët Boigny, « L’HUMANISME DANS LES MISERABLES DE VICTOR HUGO » 5- DR KOUASSI YAO RAPHAEL, Université Péléforo Gon Coulibaly de Korhogo, « FORMES ET REPRESENTATIONS DE LA GUERRE DANS QUELQUES TEXTES LITTERAIRES FRANÇAIS DU VIe AU XXe SIECLE » 6- Dr TOTI AHIDJE Zahui Gondey, Université Alassane Ouattara Bouaké, « FONCTION ET SIGNIFICATION DES COMPARAISONS ET DES METAPHORES DANS LE VIEUX NEGRE ET LA MEDAILLE DE FERDINAND OYONO » 7- Dr DJANDUE Bi Drombé, Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, « UN LITTEXTO POUR UNE RADIOGRAPGIE DE LA SOCIETE IVOIRIENNE D’HIER A AUJOURD’HUI » 8- Dr JOHNSON Kouassi Zamina-Université F H Boigny de Cocody, “DEATH AND THE FEAR OF DEATH: A POSTMODERN READING OF WHITE NOISE BY DON DELILLO” 3 9- Dr Kossi Souley GBETO, Université de Lomé-Togo, « LA CITOYENNETE EN PERIL SUR LE RADEAU: UNE REFLEXION REALISTE D’AYAYI TOGOATA APEDO-AMAH DANS UN CONTINENT A LA MER! » 10- Dr KAMATE Banhouman, Université Félix Houphouët-Boigny, « MONOKO-ZOHI: UNE ÉPISATION SPECTACULAIRE DE SIDIKI BAKABA » 11- Dr Mahboubeh Fahimkalam, Université Azad Islamique-Arak Branche-Iran, « ROLE DE LA FOI DANS L’EQUANIMITE DANS EMBRASSE LE VISAGE MIGNON DU SEIGNEUR, ŒUVRE DE MASTOOR » 12- Dr Luc Kaboré, INSS/CNRST, Ouagadougou, « ANALYSE DES DISPARITES ENTRE SEXES DANS L’ACCES A L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE AU BURKINA FASO » 13- Dr. BAMBA MAMADOU UNIVERSITE, ALASSANE OUATTARA DE BOUAKE, « L’ “ETAT ” EPHEMERE DE L’AZAWAD OU L’ECHEC DES ISLAMISTES DANS LE NORD DU MALI » 14- Dr Raphaël YEBOU, Université d’Abomey-Calavi - République du Bénin, « LE MÉCANISME D’EXTENSION DU CHAMP VERBAL EN SYNTAXE FRANÇAISE : DE LA STRUCTURE NON PRONOMINALE DE PLAINDRE À LA CONSTRUCTION PRONOMINALE DE SE PLAINDRE » 15- Dr Stevens BROU Gbaley Bernaud, Université Alassane Outtara, Côte d’Ivoire, « LES ENJEUX DU RATIONALISME SCIENTIFIQUE DANS L’ÉPISTÉMOLOGIE BACHELARDIENNE » 4 16- Dr ASSI Diané Véronique, Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan, « LE ROI DE KAHEL DE TIERNO MONENEMBO : UN ROMAN ENTRE RÉCIT ET HISTOIRE » 17- TAILLY FELIX AUGUSTE ALAIN, Université Félix Houphouët-Boigny Côte d’Ivoire, « FICTION ROMANESQUE, POLEMIQUE RELIGIEUSE ET NAISSANCE D’UNE PENSEE CRITIQUE DANS LA FRANCE DU XVIIIe SIECLE » 18- YAPI Kouassi Michel, Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, « PROJET CONGA AU PEROU: LES "GARDIENS DES LACS" FACE A L’OFFENSIVE MEDIATIQUE DESTABILISATRICE DE LA MULTINATIONALE NEWMONT-BUENAVENTURA-YANACOCHA » 19- LOKPO Rabé Sylvain, Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY « L'AFFIRMATION DE L'IDENTITÉ CULTURELLE ALLEMANDE ET IVOIRIENNE À TRAVERS LE STURM UND DRANG ET LE ZOUGLOU » 20- KOUADIO Kouakou Daniel, Université Félix Houphouët Boigny, « LE SURNATUREL COMME CATALYSEUR DE L’IMAGINAIRE DANS EN ATTENDANT LE VOTE DES BÊTES SAUVAGES D’AHMADOU KOUROUMA » 5 LE MÉCANISME D’EXTENSION DU CHAMP VERBAL EN SYNTAXE FRANÇAISE : DE LA STRUCTURE NON PRONOMINALE PLAINDRE À LA CONSTRUCTION PRONOMINALE SE PLAINDRE Dr Raphaël YEBOU Maître-Assistant de Grammaire et Stylistique françaises Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines Université d’Abomey-Calavi - République du Bénin INTRODUCTION Dans la sphère du verbe français, la structure de certaines constructions non pronominales explique, de manière pédagogique fort heureusement, celle des constructions pronominales. On peut citer, sous cette rubrique, les verbes nourrir et se nourrir, loger et se loger, soigner et se soigner, vêtir et se vêtir, instruire et s’instruire, qui se construisent selon le rapport morphosyntaxique non pronominal/pronominal. Ce critère de discrimination dans le fonctionnement syntaxique des verbes représente un élément intéressant dans toute étude grammaticale de leurs élaborations. Quoique la structure non pronominale/pronominale passe pour un critère attesté dans la description du fonctionnement syntaxique de chacun des verbes, certaines distinctions sont nécessaires si l’on tient compte des implications qu’exposent différents emplois verbaux dans des contextes qui en commandent les changements syntaxiques et morphologiques. A travers la présente analyse, nous nous fonderons essentiellement sur les réalisations des verbes plaindre et se plaindre pour montrer que la définition de « verbe pronominal réfléchi » donnée à se plaindre dans le dictionnaire Le Nouveau petit Robert ne permet pas de déterminer le fonctionnement syntaxique total de ce 6 verbe. Nous proposerons alors une autre voie qui nous paraît mieux élaborée pour y arriver. Deux motivations principales sont à l’origine de l’étude : nous fixer (et les lecteurs avec nous) par rapport aux difficultés d’accord du participe passé auxquelles se heurtent plusieurs locuteurs dans la conversation quotidienne et évoluer dans l’organisation de la classe des verbes pronominaux dont le fonctionnement est très diversifié. Cette étude sera guidée par la démarche méthodologique fondée sur les grammaires descriptives. Celles-ci privilégient, entre autres, comme on en voit la mise en œuvre chez Gustave Guillaume, Marc Wilmet et Dan Van Raemdonck, les rapports qui, dans un groupe verbal, lient les mots et les unités grammaticales. L’avantage de ce choix réside dans la prédilection des positions qui en caractérisent l’application et qui font mieux percevoir les liens de combinaison et d’intégration. 1-FORMES NON PRONOMINALE ET PRONOMINALE En langue française, l’existence des formes non pronominale et pronominale du verbe plaindre permet de comprendre et d’expliquer les rapports morphologiques et syntaxiques qui marquent les constructions des deux verbes : - Je plains Marie. - Marie plaint Paul. - Marie se plaint. Au plan morphologique, l’occurrence d’un « se », pronom personnel conjoint, implique la construction du verbe pronominal. Au plan syntaxique, ce « se » analysable rappelle la position de l’objet direct nécessaire dans l’emploi de la forme non pronominale. S’il est inanalysable, ses rapports au verbe changent 1. Il y a, à notre avis, une condition essentielle pour que s’établisse la construction pronominale des verbes. Puisque, dans la plupart des cas, celle-ci adopte la structure syntaxique des emplois transitifs, il faut, en général, que le verbe à pronominaliser puisse être construit transitivement. En réalité, le pronom personnel conjoint 2 qui est l’élément grammatical de pronominalisation figure le plus souvent en position d’objet direct ou indirect et se réalise si le verbe a, au préalable, la propriété d’accueillir ce type de complément. Si cette condition minimale n’est pas obtenue, la construction pronominale pourrait être identifiée comme une faute grammaticale. Les verbes pronominaux de formes réfléchie et réciproque obéissent à cette structure syntaxique. A l’inverse, les verbes essentiellement pronominaux présentent un statut syntaxique différent, étant donné que la forme du pronom se qui les accompagne n’est pas distincte du verbe et ne peut, à ce titre, remplir la fonction objet. Ce pronom fait donc partie de la forme lexicale du verbe dépourvu, 1 Pour la même raison, se plaindre ne prétendra pas au statut de verbe essentiellement pronominal. La Grammaire méthodique du français le présente comme « une particule préfixée au verbe qui redouble automatiquement le sujet. » (p. 260.) 2 7 lui, de forme simple 3. Il est pourtant nécessaire de faire des distinctions dans le groupe apparemment uni des verbes pronominaux. Dans l’ouvrage Grammaire méthodique du français, les auteurs concentrent leurs analyses sur les verbes essentiellement pronominaux dont ils proposent une répartition tripartite : « - les verbes intransitifs (se démener, s’écrouler, s’évanouir) ; - les verbes transitifs (s’arroger un droit) ; - Les transitifs indirects (se souvenir de quelqu’un, se méfier de quelque chose, se méprendre sur quelqu’un, s’enquérir de la santé de quelqu’un, mais se blottir/se tapir + prép. »4. L’obstacle qu’on pourrait trouver à l’opérationnalisation de cette discrimination vient du choix terminologique : les termes verbes transitifs directs, indirects et intransitifs ont l’héritage d’un usage plusieurs fois séculaire si bien que l’élargissement de leur champ sémantique à de nouveaux éléments est susceptible de créer quelques problèmes à la réception 5. Les verbes, qui nous intéressent, utilisent une préposition contrainte 6 (s’apercevoir de, s’attendre à, se rire de, se plaire à, se complaire à, se plaindre de, etc.), mais ne sont pas pris en compte dans le passage cité. Pour en réaliser une description adéquate, il nous est apparu que l’intégration de la préposition contrainte dans le dispositif d’analyse peut être rentable. Cette idée a permis d’identifier la catégorie des verbes pronominaux de construction 7 fondée sur l’occurrence de cette préposition contrainte. A l’analyse, ces 3 Les verbes essentiellement pronominaux s’emploient toujours à cette forme. Ils ne peuvent se construire sans la particule préfixée se : se désister/*désister, se souvenir/*souvenir, s’arroger/*arroger, se repentir/*repentir, etc. 4 Martin RIEGEL, Jean-Christophe PELLAT, René RIOUL, Grammaire méthodique du français, Paris, Quadrige, 2002 (2ème éd.), p. 260. 5 Il faut tout de même reconnaître que cette distinction paraît économique dans la mesure où elle exploite des termes déjà existants pratiqués en grammaire normative. L’effort qu’elle impliquera, si elle aboutit, concernera la reconstruction sémantique des termes, dont il ne faut pas minorer les conséquences. De plus, elle s’inscrit parfaitement dans l’effort d’analyse systématique du fonctionnement des verbes. 6 La préposition est contrainte parce que son emploi s’impose dans ce type de construction verbale. 7 L’identification de cette catégorie a émergé d’un débat commencé en 2005-2006 à l’Université Libre de Bruxelles dans le cadre des enseignements du Professeur Van Raemdonck. En marge de la distinction classique verbes pronominaux réfléchis, réciproques et essentiellement pronominaux, nous avons constaté que l’emploi de certains verbes pronominaux expose des structures qui n’autorisent pas qu’on les loge dans les classifications traditionnelles. Les débats se sont poursuivis les années 2006-2007 puis 2007-2008 et les idées se sont affinées au fil des jours. Dans la perspective d’une systématisation de l’approche discriminatoire des verbes pronominaux, nous avons discuté de la possibilité de rassembler, sous la rubrique des verbes pronominaux de construction, les verbes tels que s’apercevoir de, se rendre compte de, s’attendre à, se contraindre à, se décider à, se plaindre de, s’adonner à, se permettre de, se rire de, se plaire à, se complaire à, se déplaire, etc. utilisant une préposition contrainte, et de réunir, sous la rubrique des verbes pronominaux de forme, les verbes tels que se réveiller, s’endormir, se hâter, se moquer, se promener, se battre, se regarder, se trouver, se vendre, se lever, s’élever, se pratiquer, s’effondrer, etc. qui sont pronominaux par la forme et n’utilisent 8 verbes s’accompagnent, pour la plupart, d’un pronom inanalysable, quoiqu’ils aient une forme simple dans la langue. Nous faisons un point : contrairement aux verbes pronominaux réfléchis et réciproques qui se construisent selon la structure des verbes transitifs, les verbes essentiellement pronominaux, eux, du fait que leur fonctionnement est caractérisé par une structure grammaticale dans laquelle le pronom personnel conjoint est intégré dans la forme lexicale du verbe, ne se construisent pas avec un complément pronominal ayant la fonction objet. Quelques-uns seulement prennent une structure intransitive comme, par exemple, se suffire, se reposer, s’instruire (où le verbe pronominal a valeur de verbe intransitif). Mais si, d’un point de vue morphologique, se plaindre dépend totalement de la forme non pronominale, au plan syntaxique, son champ d’extension dépasse le cadre suggéré par le statut de verbe pronominal réfléchi dans lequel le limite le dictionnaire Le Nouveau Petit Robert. Dans ce dictionnaire, se plaindre signifie : « Exprimer sa peine ou sa souffrance par des manifestations extérieures », « exprimer son mécontentement au sujet de quelque chose », comme dans « se plaindre de douleurs ». Dans le même ouvrage, plaindre veut dire « considérer (qqn) avec un sentiment de pitié, de compassion ; témoigner de la compassion à (qqn) ». Quand on s’amuse à consulter Le Petit Larousse 2008, se plaindre y est défini comme un verbe pronominal qui signifie : « Exprimer sa souffrance, se lamenter ». Dans un second sens, il signifie « manifester son mécontentement » comme dans : « Elle se plaint du bruit ». La même référence explique que plaindre, c’est « éprouver de la compassion pour quelqu’un ». Mais ces définitions restent fixées dans le cadre sémantique et elles ne nous éclairent pas sur le fonctionnement syntaxique des verbes. Nous verrons que se plaindre peut se réaliser à travers l’une des trois élaborations ci-après : il peut se construire comme un verbe pronominal réfléchi, comme un verbe pronominal réciproque, mais aussi comme un verbe pronominal de construction, lorsqu’on spécifie le cas de la structure « se plaindre de ». La discrimination du verbe pronominal de construction est soustendue par le fait que certains verbes pronominaux, ayant une forme non pronominale, se construisent avec une préposition contrainte sur la base de la forme pronominale qui semble présenter les propriétés d’un verbe essentiellement pronominale : s’apercevoir de (*s’apercevoir), s’attendre à (*s’attendre), etc. puisque le pronom personnel conjoint occurrent ne s’analyse pas 8. 2-STRUCTURE DE VERBE PRONOMINAL RÉFLÉCHI Comme verbe pronominal réfléchi, se plaindre présente une structure incluant un pronom conjoint réfléchi analysable, qui renvoie au sujet de l’action. Comme on le pas de préposition contrainte. Même si les réflexions doivent se poursuivre, nous avons voulu confronter au présent objet d’étude le fruit des échanges à l’étape actuelle des discussions. 8 Il convient de préciser que l’occurrence de l’astérisque indique le caractère agrammatical de la construction marquée. 9 sait, le statut de verbe pronominal réfléchi est fort dépendant, au plan morphosyntaxique, du fonctionnement de la forme non pronominale : - Marie plaint Paul. - Marie se plaint : elle plaint elle-même. - Elle s’est plainte.→ Elle a plaint elle-même. - Ils se sont plaints. →Ils ont plaint eux-mêmes. - Elles se sont plaintes. →Elles ont plaint elles-mêmes. Les phrases ont la structure ci-après : P = GN + GV 9 GV = V + CV Dans ce cas, le participe passé du verbe s’accorde avec le pronom personnel conjoint réfléchi : -Les victimes se sont plaintes : elles ont plaint elles-mêmes. -Marie et Paul se sont plaints : ils ont plaint eux-mêmes. Dans ces constructions, le verbe pronominal est pourvu d’une autonomie syntaxique puisqu’il n’a pas besoin d’un complément pour former le syntagme verbal. La pertinence de ce statut procède de l’identification de la forme pronominale réfléchie10 que prend le verbe et qui inscrit dans sa structure le pronom conjoint réfléchi « se » analysable. Mais il semble que la forme pronominale réfléchie ne se construit qu’en l’absence de la préposition (de en particulier) qui sous-tend, par ailleurs, la forme pronominale de construction. Cette structure peut s’expliquer par le fait que la capacité valencielle du verbe plaindre ne peut dépasser l’inscription d’un seul complément d’objet. -Marie s’est plainte : elle a plaint elle-même. -??? Marie s’est plainte à moi : ??? elle a plaint elle-même à moi. 11 Bien des raisons fondent le lecteur à s’interroger sur la grammaticalité de la construction. Se plaindre se construit avec un complément d’objet direct (se) séparé du verbe. L’adjonction d’un complément prépositionnel apparaît, au plan syntaxique, comme une surcharge que n’autorise pas la valence du verbe : dans sa forme non pronominale, le verbe plaindre ne se construit pas avec ce type de complément, mais plutôt avec un complément directement construit sur lui. Pourtant, avec la préposition à, la phrase est admissible. De même, se plaindre, construit avec un pronom aggloméré et la préposition à, donne lieu à une structure également recevable : Marie s’est plaint à moi. Les étudiants se sont plaint au Recteur. 9 GV = Groupe Verbal ; GN = Groupe Nominal ; V = Verbe ; CV = Complément du Verbe. Et de la forme pronominale réciproque aussi, compte tenu des analogies qui caractérisent la construction de ce verbe au niveau syntaxique. 11 L’occurrence des points d’interrogation indique qu’on s’interroge sur la grammaticalité de la construction. 10 10 L’idée exprimée se structure ainsi : « s’adressant à moi, dans une situation bien déterminée, Marie a manifesté sa peine ou sa souffrance »… Dans les structures qui incluent ce type de préposition, nous avons affaire à un verbe pronominal de construction. Nous retenons que dans les deux emplois (forme réfléchie et emploi pronominal de construction), se plaindre peut se construire avec la préposition à. Avec la préposition de, à l’inverse, l’agrammaticalité de la construction est évidente : *Marie s’est plainte de ce qui arrive. → *Elle a plaint elle-même de ce qui arrive. *Marie s’est plainte de moi. →*Elle a plaint elle-même de moi. Les deux phrases sont totalement agrammaticales parce que l’occurrence de « de » introduisant un complément prépositionnel exclut l’inscription de tout autre type de complément d’objet dans la valence du verbe. Mais avant d’aller plus loin, nous allons examiner la construction pronominale réciproque du verbe. 3-STRUCTURE DE VERBE PRONOMINAL RÉCIPROQUE Construit comme verbe pronominal réciproque, le verbe se plaindre respecte le fonctionnement syntaxique du verbe pronominal réfléchi, c’est-à-dire qu’il emploie un « se » coréférentiel du sujet du verbe, avec la différence d’impliquer, cette fois, une réciprocité de l’action : -Paul et Pierre se sont plaints, l’un l’autre. -Marie et Pauline se sont plaintes, l’une l’autre. -Paul et Marie se sont plaints, l’un l’autre. Comme nous l’avons dit plus haut et sur la base des exemples observés, il semble que l’occurrence d’une préposition contrainte dans la structure verbale fait passer celle-ci, selon l’emploi, de la forme réfléchie ou réciproque à la forme de verbe pronominal de construction. L’occurrence de la préposition modifie ainsi la structure syntaxique verbale. 4-STRUCTURE DE VERBE PRONOMINAL DE CONSTRUCTION Le verbe pronominal de construction est une terminologie résultant des débats dont nous avons synthétisé le contenu plus haut et qui ont permis d’isoler les verbes pronominaux de construction comme s’attendre à, s’apercevoir de, se rendre compte de, se permettre de, se contraindre à, se décider à, se plaindre de, s’adonner à, se rire de, se plaire à, se complaire à, etc. Conformément à la première motivation de cette étude, nous avons retenu de nous concentrer sur les réalisations syntaxiques de se plaindre, se plaindre de/à. Se plaindre à/de quelqu’un/ Se plaindre de quelque chose. -Marie s’est plaint à moi. 11 -Pauline s’est plaint à Pierre. -Marie s’est plaint du bruit du moulin. -Marie et Pauline se sont plaint du bruit du moulin. Il semble ainsi que l’occurrence d’un groupe prépositionnel dans le syntagme verbal (même dans la structure du verbe pronominal réfléchi ou réciproque) présente une incidence sur la nature du pronom réfléchi analysable. À travers les manifestations du verbe pronominal de construction, ce pronom prend la forme du pronom aggloméré et fonctionne comme tel, sans que le verbe (se plaindre) soit essentiellement pronominal. En réalité, se plaindre ne fonctionne pas toujours comme un verbe pronominal réfléchi. Dans les quatre exemples qui précèdent, le verbe n’est pas marqué d’une forme réfléchie ; il fonctionne plutôt, dans sa forme pronominale, comme un verbe transitif indirect 12. Il est alors possible de considérer le verbe pronominal comme le noyau verbal dans le GV. Nous aurons alors la structure : P = GN + GV ; étant donné que : GV = V + CV Et CV= GP Verbe (pronominal) = pronom « se » + Verbe (forme non pronominale) Si l’on s’accorde avec ces explications, on pourra comprendre l’invariabilité du participe passé du verbe dans son emploi de verbe pronominal de construction, ainsi qu’on peut s’en apercevoir dans les exemples qui suivent : - Elle s’est plaint de vos cris. ≠ Elle s’est plainte. - Elles se sont plaint de vos maladresses. ≠ Elles se sont plaintes. - Ils se sont plaint de vos erreurs. ≠ Ils se sont plaints. - Les femmes se sont plaint des hommes. - Les victimes s’étaient plaint des coups violents qui leur ont été administrés. On pourrait, légitimement, penser à une similitude de constructions morphosyntaxiques avec le verbe se servir de qui partage certaines propriétés avec le verbe se plaindre de. Il est vrai, une préposition contrainte est occurrente dans cette structure verbale, mais les rapports tissés entre les constituants du groupe verbal (GV) ne sont pas les mêmes : - On sert quelqu’un. / On plaint quelqu’un. Mais : - Je sers. / *Je plains. -Marie sert. / *Marie plaint. De plus, nous avons : -Marie s’est servie de la poêle. 12 On se souvient que ce type d’emploi (verbe transitif indirect) a été dégagé par les auteurs de l’ouvrage Grammaire méthodique du français dans la restructuration qu’ils proposent des verbes essentiellement pronominaux. Se plaindre à/de, en emploi de verbe pronominal de construction, expose ce fonctionnement sans appartenir à la catégorie des verbes essentiellement pronominaux. 12 -Marie et Pierre se sont servis de la poêle. -Marie et Pauline se sont servies de la poêle. « Se servir », pourvu de la propriété à se construire comme verbe pronominal réfléchi ou réciproque, emploie un pronom « se » analysable, coréférentiel du sujet du verbe. Ce rapport explique l’accord du verbe avec son sujet. Dans cette morphologie, le pronom « se » est détaché du noyau verbal. Le rapport syntaxique, qui le lie à celui-ci dans « se servir de », n’est pas différent si bien que le pronom personnel conjoint est toujours séparé du verbe. De façon littérale, on paraphraserait, mais de manière un peu bancale : Marie a servi la poêle à elle-même pour…. 13 Dans se plaindre de, à l’inverse, nous avons affaire à la forme agglomérée du pronom personnel conjoint, ce qui explique le non-accord et l’usage d’un verbe pronominal de construction. Ainsi, dans « Elles se sont plaint du bruit du moulin », le pronom « se » n’est pas analysable parce qu’il est intégré dans la forme lexicale 14 du verbe. Mais dans « Elles se sont servies du fil pour coudre le tissu », le pronom conjoint « se », analysable, est antéposé au participe passé, ce qui explique l’accord de celui-ci avec lui. On peut toujours objecter en arguant du fait que le fonctionnement des verbes s’apercevoir de, s’attendre à, impose, dans les mêmes conditions, l’accord du participe passé avec le sujet. Mais la différence, nous semble-t-il, provient de deux faits syntaxiques. Premier fait : s’apercevoir de et s’attendre à n’ont pas de possibilité de construction réfléchie ; ils intègrent, dans leur structure syntaxique, le groupe prépositionnel qui est complément de verbe. -Marie s’aperçoit de l’arrivée des honorables invités. -Elle s’est aperçue de votre absence. -* Marie s’est aperçue. -Pauline s’est attendue à cette réponse. -Pauline s’est attendue à votre arrivée. -* Pauline s’est attendue. L’occurrence du complément prépositionnel est donc sollicitée par la valence du verbe. Second fait : ils ont ainsi un fonctionnement morphosyntaxique proche de celui des verbes essentiellement pronominaux dont le participe passé s’accorde toujours avec le sujet. - Marie s’est souvenue de votre cadeau. - Pauline s’est repentie de l’application des sanctions. - Marie s’est absentée à la réunion de dimanche. - Pauline s’est abstenue de parler. 13 Marie s’est servie du riz. →Marie a servi du riz à elle-même. Du est article partitif. Marie s’est servie de la louche pour donner du riz à Paul. → Marie a servi la louche à elle-même pour donner du riz à Paul. 14 Dans la structure syntaxique aussi. 13 - Solange s’était évanouie à la vue du spectacle. - Les étudiants se sont efforcés de vaincre la peur. Il est vrai, les questions d’accord de certains verbes essentiellement pronominaux continuent d’alimenter les débats entre grammairiens 15 et nous sommes loin d’avoir une solution satisfaisante à la description du fonctionnement morphosyntaxique de toute la classe. Mais ceux qui figurent dans les exemples précédents peuvent servir de base à nos analyses. L’impossibilité à détacher le pronom personnel conjoint « se/s’ » explique l’accord. A la différence de ces structures, se plaindre est pourvu d’une autonomie syntaxique sans l’occurrence d’un groupe prépositionnel, comme nous l’avons montré plus haut. - Marie s’est plaint. - Pauline s’est plaint (de douleurs). Cette autonomie est sous-tendue par la forme non pronominale que sa structure intègre, mais qu’elle dépasse pour exposer un champ d’extension et d’expression plus large. Se plaindre marque aussi une autonomie dans la construction syntaxique, mais la prise en compte du contexte est toujours nécessaire à l’intelligibilité de l’énoncé : - Pauline s’est plaint ce matin. - Marie s’est plaint pendant la composition de la dernière épreuve. Ce n’est donc pas seulement dans les formes réfléchie et réciproque que le verbe expose son autonomie syntaxique, structure qui s’harmonise, par ailleurs, avec la définition donnée par Le petit Larousse 2008, en particulier. Mais nous devons garder à l’esprit que le rappel du contexte tout au moins est nécessaire pour la construction d’une phrase grammaticale. CONCLUSION Tout compte fait, le verbe se plaindre se réalise, selon le contexte d’emploi, comme un verbe pronominal réfléchi, réciproque ou comme un verbe pronominal de 15 Des questions relatives à l’accord du participe passé dans les constructions qui suivent : -Marie s’est (désister) de sa candidature au poste de secrétaire. / -Marie et Pauline se sont (arroger) les meilleurs titres. Est-il plus juste d’écrire : Marie s’est désistée de sa candidature au poste de secrétaire. / Marie et Pauline se sont arrogées les meilleurs titres. ? Vu que « se désister » et « s’arroger » n’ont pas de forme non pronominale ? Larousse 2008 mentionne que « s’arroger ne s’accorde qu’avec le complément d’objet », sans en préciser les raisons. 14 construction. Les deux premières formes illustrent sa dépendance vis-à-vis de la forme non pronominale. Mais la dernière expose les limites de cette dépendance puisqu’en tant que verbe pronominal de construction, se plaindre acquiert un statut de verbe qui accueille un objet indirect lié à lui par une relation syntaxique faible, en comparaison de celle qui met le complément prépositionnel en rapport avec les verbes s’apercevoir de et s’attendre à. De la forme non pronominale à la forme pronominale, se plaindre affiche une dépendance limitée, mais un champ d’extension et de signification plus riche, un peu comme on le voit dans le fonctionnement d’autres verbes. Cette disposition morphosyntaxique donne lieu, bien évidemment, à des analyses qui montrent une nécessaire relecture des notions enseignées en grammaire normative pour parvenir, à certains niveaux cruciaux, à des propositions plus claires, mieux élaborées. BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE -ARRIVE (Michel), GADET (Françoise) et GALMICHE (Michel), La Grammaire d’aujourd’hui. Paris, Librairie Flammarion, 1986, 720 p. -CALAS (Frédéric) et ROSSI (Nathalie), Questions de grammaire pour les concours, Paris, Ellipses Editions Marketing S.A, 2001, 301 p. -DUBOIS (Jean), Grammaire structurale du français, Paris, Librairie Larousse, 1965, 192 p. (Coll. Langue et Langage). -ENGLEBERT (Annick), 300 QCM de grammaire française, Bruxelles, éd. De Boeck et Larcier s.a, 2002 (1ère éd.), éd. 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