L`oreille malade du bruit
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L`oreille malade du bruit
« L’oreille, malade du bruit > SOMMAIRE Pourquoi des Journées de la Fondation Recherche Médicale ? p. 2 De nombreuses menaces silencieuses p. 3 Les progrès pour réparer l’oreille p. 3 Une recherche qui va faire du bruit p. 4 Témoignages p. 6 Les réponses à vos questions p. 8 À propos de la Fondation p. 16 Propos recueillis à l’occasion de la 4è édition des Journées de la Fondation Recherche Médicale, sur le thème « Sommes-nous malades de notre environnement ? ». Le présent s’et déroulé à la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, le 16 septembre 2005. Débat animé par Laurent Romejko, journaliste de France 2. Document disponible sur le site web de la Fondation Recherche Médicale www.frm.org Publication : novembre 2005 Crédits photographiques : Fondation pour la Recherche Médicale. Avec la participation de : > Dr Gabrielle Favre-Michau, Chef de clinique, service ORL, CHU de Toulouse. > Pr Bernard Fraysse, Chef du service ORL, CHU de Toulouse. > Dr Didier Dulon, Directeur de recherche de l'Inserm EA 3665 "Biologie cellulaire et moléculaire de l'audition", Bordeaux. La Fondation pour la Recherche Médicale a été créée en 1947 pour apporter une aide rapide et décisive aux chercheurs dans tous les domaines de la recherche médicale. La Fondation a ainsi participé à toutes les grandes découvertes médicales françaises. Grâce uniquement aux dons et legs privés, elle soutient chaque année 1 chercheur sur 3 et finance environ 700 programmes de recherche. La Fondation Recherche Médicale remplit également une mission d’information pour favoriser le dialogue entre les Français et les chercheurs. A ce titre, elle s’est vue attribuer par le gouvernement le label « campagne d’intérêt général 2005 ». Pour faire un don : Bullletin à découper en dernière page de ce document. À retourner à : Fondation pour la Recherche Médicale 54, rue de Varenne - 75335 Paris cedex 07 Tél. : 01 44 39 75 75 - Fax : 01 44 39 75 99 ou sur sur www.frm.org (rubrique "aidez la recherche") L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 1 Pourquoi des « Journées de la Fondation Recherche Médicale » ? Plus que jamais, les liens entre environnement et santé sont aujourd’hui au cœur des inquiétudes des Français. Pollution de l’air et de l’eau, risques alimentaires, contamination microbiologique et chimique, rayonnements, stress et bruit… sont autant de facteurs incriminés dans nombre de maladies et auxquels nous sommes tous potentiellement exposés. En outre, les maladies liées directement ou indirectement à notre environnement et à nos modes de vie sont en constante augmentation : cancers, maladies cardiovasculaires, allergies, obésité, stérilité… À titre d’exemple, on estime que 7 à 20 % des cancers seraient imputables à des facteurs environnementaux ! Pourtant, aujourd’hui encore, nombre de questions restent en suspens… Devant le besoin d’information que vous nous manifestez chaque jour, la Fondation Recherche Médicale a décidé en septembre 2005 d’ouvrir ce débat avec vous, en présence des meilleurs experts. La 4e édition des Journées de la Fondation Recherche Médicale1 a posé, en effet, la question « Sommes-nous malades de notre environnement ? ». Au cours de six débats sur six thématiques différentes et dans six villes de France, un public venu nombreux a pu dialoguer avec les chercheurs et trouver réponses à ses questions. Face à ce questionnement, la Fondation Recherche Médicale a également choisi de lancer, dès 2004, le programme « Défis de la recherche en allergologie2 ». C’est une réelle incitation au développement de recherches sur les origines moléculaires et cellulaires des allergies et sur les pistes de traitements. C’est également une initiative ambitieuse qui n’aurait pu voir le jour sans la générosité et la confiance de ses donateurs - peut-être vous ? -. Cette nouvelle édition des Journées de la Fondation Recherche Médicale est finalement l’occasion de mieux comprendre les enjeux de la recherche et de mesurer le rôle essentiel de la Fondation Recherche Médicale. Joëlle Finidori, Directrice des affaires scientifiques de la Fondation Recherche Médicale 1 visitez le site consacré à l’événement http://www.jfrm.org pour plus d’infos, consultez la page http://www.frm.org/demandez/dem_specifiques_allergie.php 2 Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 2 De nombreuses menaces silencieuses conscience de la nécessité de se protéger individuellement contre le bruit. Dr Gabrielle Favre-Michau Chef de clinique, service ORL, CHU de Toulouse Les progrès pour réparer l’oreille malade > Les facteurs favorisant les troubles de l'audition Dans la population générale, l'âge est responsable de la plupart des surdités. La presbyacousie touche une grande partie des personnes de plus de 50 ans et ce problème ira croissant avec le vieillissement de la population. Chez l'adulte jeune, la cause la plus fréquente des surdités, ce sont les séquelles d'otites chroniques. Ces séquelles sont des cicatrices d'infections répétées que peuvent présenter certaines personnes ayant des prédispositions pour ce type de pathologie. Ces lésions sont en régression car les enfants sont beaucoup mieux soignés qu'il y a quelques années, en particulier par des antibiotiques contre les infections. Environ 6 millions de Français seraient atteints de surdité dont plus de la moitié par une surdité légère à modérée. > Et l'environnement ? L'environnement n'est peut-être pas un facteur plus aggravant aujourd'hui qu'auparavant mais il y a une meilleure sensibilisation aux risques d'une exposition sonore répétée sur l'audition. Aujourd'hui, de nombreux efforts sont réalisés, notamment dans les entreprises pour améliorer les conditions de travail. Des actions collectives visent à améliorer le niveau sonore général dans le lieu de travail. Il peut également s'agir de mesures de protection individuelle telles que les casques ou les bouchons antibruit. Ces mesures quasiment systématiques aujourd'hui ne l'étaient pas il y a quinze ou vingt ans. Les personnes étaient alors beaucoup plus exposées au bruit mais elles étaient également moins sensibilisées aux risques. Des efforts ont également été faits dans les boîtes de nuit après la parution de certaines lois limitant le nombre de décibels. Il faut ensuite que chacun prenne Pr Bernard Fraysse Chef du service ORL, CHU de Toulouse > L’implant cochléaire L'implantation cochléaire devient une technique ancienne puisqu'elle a 25 ans. La très grande majorité des surdités sont liées à une atteinte des cellules de l'oreille interne et 95 % des enfants qui naissent sourds ont un problème cellulaire. Le son arrive dans une oreille normalement formée mais la cellule qui doit transformer l'impulsion acoustique en stimulation sur le nerf auditif ne fonctionne pas. Des techniques consistant à remplacer les cellules de l'oreille interne par des électrodes ont alors été développées. Sur le plan chirurgical, il s’agit d'introduire dans l'oreille interne une électrode tous les millimètres. Chaque électrode est connectée à un récepteur situé sous la peau qui capte les sons extérieurs, sélectionne les fréquences aiguës, moyennes et graves et envoie une impulsion sur un groupe de fibres situé à côté. Cela paraît merveilleux. Malheureusement, l'oreille interne comporte 20 000 cellules et il n’est possible d’implanter que 22 électrodes donc il est impossible de reconstituer tout le patrimoine cellulaire. Les résultats permettent néanmoins de sortir de l'isolement des personnes qui ont une surdité sévère ou profonde. > Une technique pour des surdités sévères ou profondes bilatérales L'implantation cochléaire s'adresse avant tout aux patients qui ont une surdité sévère ou profonde, c'est-à-dire qui, à 60 décibels et avec un appareillage, comprennent moins de 50 % d'une liste de mots ou de phrases. Il y a deux populations totalement différentes : les très jeunes enfants qui naissent sourds et les adultes qui le deviennent. Depuis six mois, le ministère de la Santé a décidé un programme national de dépistage systématique de la surdité chez le nouveau-né. Six régions ont été sélectionnées : l'Aquitaine, l'Ile-de-France, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées, le LanguedocRoussillon et le Nord-Pas-de-Calais. Cela est Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 3 très important car c'est la précocité de la prise en charge d'une déficience, quelle qu'elle soit, qui permet d'obtenir un meilleur résultat. Pour les adultes qui deviennent sourds, la technique donne des résultats très satisfaisants en cas de surdité totale due à une otite chronique ou à une exceptionnelle maladie de Ménière bilatérale. > Les progrès de l'imagerie médicale Dans le domaine de l'oreille, le scanner a fait des progrès considérables. Sur un scanner de l'oreille réalisé il y a quinze ans, les plans de coupe étaient de 2 centimètres, ce qui ne permettait que de voir vaguement la mastoïde. Aujourd'hui, ces plans de coupe sont de 0,3 millimètre. Cela permet de distinguer parfaitement les branches des osselets, la fixation de l'osselet ou une pathologie telle que l'otospongiose de manière absolue. Il y a une dizaine d'années sont arrivés les IRM qui ont également fait des progrès considérables dans l'imagerie du nerf auditif et dans la vision des liquides de l'oreille interne. Nous en sommes arrivés aujourd'hui à la troisième génération qui est absolument fascinante : l'imagerie fonctionnelle. Avec les PET-scans, il est aujourd'hui possible d’observer comment le cortex cérébral réagit à une stimulation auditive. La Fondation pour la Recherche Médicale finance d’ailleurs l'un de nos jeunes chercheurs qui étudie comment le cerveau se comporte lorsqu'il y a une déprivation (absence de stimulation auditive) et comment il se modifie après une stimulation auditive par l'implant. Il est donc possible d'évaluer les modifications du cortex avant et après l'implantation cochléaire afin de déterminer la zone qui se régénère. C'est fondamental parce que cette recherche devrait permettre de mieux orienter la rééducation. L'implantation est une technique chirurgicale mais ce qui est crucial, c'est tout l'environnement de la rééducation et de la réhabilitation – le travail magnifique réalisé par les orthophonistes. Une recherche qui va faire du bruit Dr Didier Dulon, Directeur de recherche de l'Inserm EA 3665 "Biologie cellulaire et moléculaire de l'audition", Bordeaux Comme dans tous les domaines de la science, la recherche fondamentale sur l'audition se place dix ou vingt ans avant les applications cliniques qui découleront de son travail. Trois progrès essentiels ont été réalisés. > Une meilleure compréhension du fonctionnement des cellules ciliées Le premier progrès est une meilleure compréhension des mécanismes de fonctionnement des cellules ciliées. Ces dernières sont la structure élémentaire de l'audition qui permet de percevoir les sons et de transformer cette stimulation mécanique en signal électrique. Celui-ci sera interprété par le nerf auditif qui enverra le message au cerveau. Chacune des 20 000 cellules ciliées de la cochlée fonctionne comme un petit microphone quasiment accordé pour chaque fréquence. La recherche fondamentale a isolé la molécule clé transductrice au niveau des cils qui permet la conversion de l'énergie mécanique en énergie électrique. Par ailleurs, la recherche a démontré récemment que l'oreille n'était pas un organe sensoriel passif mais actif et qu’elle possédait des mécanismes amplificateurs dans la cochlée. L'oreille est un microphone associé à un amplificateur (les auto-émissions acoustiques). Cela a permis de mettre au point le test des auto-émissions chez les nouveaunés afin de tester leur audition de manière objective. > Les progrès de la génétique Il faut également souligner les avancées considérables dans la génétique des surdités. La recherche française est leader dans ce domaine. Le laboratoire Inserm de Christine Petit à Paris a identifié de très nombreux gènes responsables de surdités. Cette identification permettra certainement dans le futur d’élaborer des tests de dépistage précoces de la surdité et, à plus long terme, de mettre au point des moyens de réparation des gènes affectés par ces maladies génétiques. Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 4 La thérapie génique en est toutefois encore loin mais de nombreux espoirs reposent sur elle. > La régénérescence des cellules ciliées La régénérescence possible des cellules ciliées donne également beaucoup d'espoirs. Il faut toutefois rester très prudent. Les 20 000 cellules ciliées par cochlée constituent un capital de départ qui s'amenuise avec l'âge (presbyacousie) et qui ne se renouvelle pas spontanément chez les mammifères (contrairement aux animaux à sang-froid). Deux professeurs américains ont récemment démontré une possibilité de régénérescence des cellules ciliées après destruction chez le cobaye et la souris dans des conditions très particulières. Ces découvertes laissent un espoir thérapeutique pour l'homme qui pourrait aboutir à une application dans une dizaine d'années. Laurent Romejko – Pouvez-vous nous parler des travaux de recherche que vous menez avec l'aide de la Fondation pour la Recherche Médicale ? Dr Didier Dulon – La Fondation pour la Recherche Médicale nous a aidés à acquérir des équipements de microscopie nous permettant de travailler au niveau cellulaire, à recevoir des postdoctorants étrangers dans notre laboratoire et à financer des étudiants, ce qui est fondamental pour nous. Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 5 Témoignages Jérôme Goust – J'ai bénéficié d'un implant du côté gauche il y a quinze mois. C'est le Professeur Fraysse qui m'a opéré. J'étais appareillé depuis trente et un ans avec une perte progressive de l'audition. J'ai toujours continué à travailler mais cela devenait difficile. Après l'opération, j'ai récupéré une audition de manière spectaculaire. Cela m'a permis hier de discuter pendant dix heures sur la place de la mairie de Bobigny avec le public nombreux venu assister à l'opération de démarrage du « Bus de l'audition » dont je suis le coordinateur et qui arrivera à Toulouse le 20 octobre. Cette technique est merveilleuse puisqu'il y a quinze ans, ma seule perspective était de devenir très précocement sourd intégral. Je n'ai jamais été sourd, j'ai toujours été malentendant donc j'ai toujours pu communiquer. En revanche, il faudrait mener des recherches pour optimiser l'utilisation dans la vie quotidienne de tous ces outils merveilleux dont nous sommes la première génération à bénéficier. Être sourd n'est pas une maladie, c'est être touché dans les communications. Nous ne sommes pas des malades, nous sommes des malentendants. Pr Bernard Fraysse – J'ai plaisir à recevoir très souvent en consultation Monsieur Goust qui est un exemple de combativité et un malade merveilleux. Sa démarche s'inscrit un peu dans celle de la Fondation pour la Recherche Médicale parce que, quelque part, le progrès médical doit venir du public. La recherche fondamentale ou la recherche clinique doivent avant tout répondre à des besoins et ces besoins sont exprimés par le public. C'est grâce à des manifestations comme celle-ci, à des associations, à des malades, que la médecine progresse à petits pas et non pas simplement grâce aux chercheurs et aux chirurgiens. Un malentendant – Je suis devenu sourd et je n'ai pas de grandes espérances vis-à-vis de l'implant car je ne pense pas redevenir entendant comme auparavant. J'ai rencontré des personnes implantées qui ne disent pas que c'est une réussite. Au contraire, elles le vivent comme un échec. Il faut parler des aspects négatifs. Je crois qu'il ne faut pas rêver parce qu'il faut être conscient que le fait de recevoir un implant ne permet pas de redevenir entendant comme tout un chacun et cela me fait mal au cœur. Je m'accepte en tant que sourd et je me dis que je n'ai pas besoin de l'implant. Il existe la langue des signes. Je peux aller à l'université, travailler et vivre sans implant. Pr Bernard Fraysse – Je respecte tout à fait le mode de communication signé et nous ne sommes pas là pour faire un combat entre la langue des signes et l'oralisme. Chacun a le choix de ce mode de communication. Néanmoins, il ne faut pas non plus apeurer le public sur les résultats de l'implant cochléaire. Il y a plus de 80 000 personnes implantées dans le monde. Des comités de matériovigilance suivent chaque patient implanté. C'est une obligation légale dans tous les pays occidentaux. Aujourd'hui, le taux d'échec de l'implantation est de 2 % et ce chiffre correspond à des pannes ou une absence de résultats. Il faut différencier deux choses fondamentalement différentes. Il y a d'un côté l'aspect éducatif et je respecte tout à fait les personnes qui veulent avoir une éducation signée, ce qui est même encourageant dans certains domaines. En revanche, il ne faut pas donner à ceux qui ont fait le choix de l'oralisme des informations qui ne sont pas les bonnes. Dans le monde entier, des milliers d'articles scientifiques sont publiés sur les effets bénéfiques et négatifs de l'implantation. Jérôme Goust - Après trente ans de malentendance, je ne suis pas redevenu normo-entendant avec l'implant puisque lorsque je l'enlève, je suis totalement sourd (je ne mets plus ma prothèse droite parce qu'elle est trop désagréable par rapport à ce que j'entends à gauche). En revanche, je suis né entendant, c'est ma condition originelle, donc j'ai toujours voulu rester dans le camp des entendants. Je n'ai jamais voulu être handicapé. Le handicap en général renvoie à une dialectique très bien décrite par Jean-Paul Sartre dans Réflexion sur la question juive qui est la dialectique du ghetto. En effet, en tant que malentendant depuis 32 ans, même maintenant avec mon implant, je ne joue pas en première catégorie mais je communique avec l'ensemble de la société ainsi que je l'ai toujours fait. Je communiquais de plus en plus mal et, tout à coup, je communique beaucoup mieux mais tout en restant en "deuxième division". C'est la différence avec un enfant qui naît sourd et que l'on cherche à introduire dans la communication orale ou gestuelle. J'ai effectivement le privilège d'avoir un implant qui fonctionne très bien, ce qui n'est pas le cas de Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 6 toutes les personnes implantées que je rencontre. Cela me permet de rester dans le monde où je suis né. Une malentendante – Je suis la fondatrice de l'association "Sourds en colère" et, en 1993, nous nous étions rendus à Paris où s’étaient déroulés de nombreux débats, notamment contre l'implant cochléaire. On nous avait alors promis la création d'un comité qui publierait les résultats des implants sur les enfants et les adultes mais les pourcentages d'échecs n'ont jamais été publiés. Je n'ai encore jamais rencontré une seule personne implantée qui soit satisfaite de son implant. Je mets donc totalement en doute le pourcentage de 2 % d'échec. Il faut cesser d'implanter à tout-va. Je pense que l'appareillage est suffisant. La langue des signes existe et me permet de vivre comme tout le monde. Ma seule différence est que j'utilise la langue des signes parce que je n'entends pas. Pr Bernard Fraysse – Le ministère a effectivement commandé une série de protocoles qui sont publiés, connus et les résultats du PHRC national sur les implants sont mis à la disposition de chacun. Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 7 Les réponses à vos questions « Quelles sont les parties de l'oreille qui sont atteintes lors d'une surdité d'origine génétique ou consécutive à un accident ? » Pr Bernard Fraysse – Les questions premières sont : À quoi sert d'entendre ? Et comment fonctionne l'audition ? Entendre sert évidemment avant tout à communiquer et à développer le langage. Un enfant qui naît profondément sourd ne pourra pas développer le langage parce que la boucle audio-phonatoire ne se fera pas. Mais cela sert également aux fonctions d'alerte (entendre le crépitement d'un incendie pour se sauver) et à se situer dans l'environnement sonore. C'est parce que nous avons deux oreilles que nous comprenons d'où vient le bruit. Comment fonctionne l'oreille ? Le pavillon est le capteur. C'est la raison pour laquelle des reproductions anciennes de malentendants montrent des grands cornets qui servaient à amplifier le rôle du pavillon. Il y a ensuite un système de transmission qui prend les sons de l'extérieur pour les amener à l'oreille interne qui comprend le tympan et les osselets. Ces derniers sont des petits os qui se mettent en mouvement au fur et à mesure que l'onde sonore les traverse. Dans l'oreille interne, une grande vague se déplace plus ou moins rapidement en fonction de l'intensité et de la fréquence du son. Comme sur les touches d'un piano, cette vague tape sur les fréquences aiguës, moyennes ou graves selon que le son est aigu, moyen ou grave. En fonction de la fréquence du son, différentes zones de l'oreille sont stimulées. L'information ainsi reçue va suivre les voies auditives pour arriver au cerveau. Celui-ci va d'abord prendre l'information puis la rapprocher d'une autre zone qui va la comprendre, la reconnaître, la différencier. Pour répondre à la question, on traite différemment les pathologies de l'oreille moyenne, de l'oreille interne ou du nerf de l'audition. Les diagnostics sont différents en fonction des zones topographiques où l'oreille est atteinte. « Après maintes opérations des oreilles, le fait de mal entendre me gêne mais le bruit également. Par exemple, ce soir, je suis concentrée pour essayer de bien entendre mais la résonance du micro me fait souffrir. Pourquoi ? » Pr Bernard Fraysse – Il y a plusieurs explications. Comme votre niveau auditif est plus bas, vous êtes obligée de porter une attention plus forte donc vous concentrez toute votre énergie à capter une information et votre cortex est alors plus actif. Deuxièmement, en cas de surdité, quelques cellules ont perdu leur activité et d'autres essaient de s'y substituer en travaillant deux fois plus, ce qui les fatigue davantage. « Pourquoi ne puis-je pas supporter le bruit en général et le brouhaha en particulier ? » Pr Bernard Fraysse – En cas de déficience auditive, deux phénomènes se produisent : certaines cellules travaillent davantage que les autres (ce qui entraîne une hypersensibilité au bruit) et il devient difficile d'extraire des mots d'un environnement bruyant. Pour que l'oreille et le cortex soient capables d'extraire les mots dans un environnement bruyant, il faut que les fréquences aiguës soient tout à fait normales. Le brouhaha rend donc sourd parce qu'il empêche l'extraction des mots dans un environnement bruyant. « Existe-t-il des techniques qui permettent de mesurer l'amplitude et la puissance des sons perçus lors d'un acouphène ? » Pr Bernard Fraysse – Il y a deux types d'acouphènes. Les acouphènes objectifs, que le médecin entend, sont souvent secondaires à une pathologie, notamment à des troubles vasculaires. Les acouphènes subjectifs sont des bruits anormaux perçus par le sujet mais que le médecin n'entend pas. Des techniques d'acouphénométrie existent. En envoyant un bruit similaire, il est possible de déterminer la fréquence exacte en hertz et l'intensité en Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 8 décibels de l'acouphène. Il est étonnant de constater qu'il n'y a pas de relation entre l'importance de la gêne ressentie par le sujet et l'intensité mesurée. Certains patients sont très peu gênés par des intensités d'acouphènes très élevées alors que d'autres acouphènes d'une intensité très faible produisent des symptômes très invalidants. Il faut prendre les acouphènes très au sérieux. « Qu'en est-il des médicaments ou des traitements contre les acouphènes ? » Dr Gabrielle Favre-Michau – Les acouphènes sont actuellement traités par des médicaments généraux tels que des vasodilatateurs ou des protecteurs de l'oreille qui permettent de diminuer la souffrance de l'oreille interne. À ce jour, il n'existe pas de médicaments spécifiquement efficaces sur l'acouphène. Les études en cours en sont encore au stade expérimental sur l'animal. « Certains facteurs environnementaux peuvent-ils occasionner des acouphènes ? » Dr Gabrielle Favre-Michau – L'acouphène est un bruit perçu au niveau d'une ou des deux oreilles et peut parfois être mal latéralisé (la personne ne sait pas de quelle oreille provient le bruit). Certaines expositions sonores peuvent être responsables des acouphènes mais également certaines pathologies auditives telles que des infections ou des maladies. « Lors de l'explosion de l'usine AZF, j'ai été blessée aux oreilles et j'ai constamment des acouphènes. Existe-t-il un traitement pour que la situation ne s'aggrave pas ? » Pr Bernard Fraysse – Les problèmes auditifs représentent 44 % des séquelles de l'explosion d'AZF, c'est donc véritablement un problème de santé publique. Ces séquelles sont variables. Elles peuvent se situer uniquement sur le versant de la surdité ou il peut s'agir d'acouphènes. Les acouphènes sont les témoins soit du traumatisme acoustique (l'effet de souffle de l'explosion), soit de la décompensation du processus physiologique qu'est la perte normale de quelques cellules de l'audition. Pour éviter que ces acouphènes s'amplifient, il faut qu'un ORL surveille l'évolution de l'audition. Il s'agira ensuite de recourir à diverses thérapeutiques (médicaments, relaxation, appareillages, stimulation) qui dépendront de l'intensité de l'acouphène. « Je me plains très souvent d'acouphènes, notamment la nuit parce qu'ils m'empêchent de dormir. Je suis ainsi entrée peu à peu dans une autre maladie, celle de l'insomnie. Pourquoi les médecins ne mesurent-ils pas systématiquement ces acouphènes puisqu'ils sont une gêne dans la vie quotidienne ? » Pr Bernard Fraysse – Je ne peux pas parler au nom de tous les médecins. L'une des explications vient peut-être du fait que c'est une prise en charge thérapeutique très difficile qui suppose tout un environnement multidisciplinaire pour traiter l'acouphène. Il ne suffit pas d'évaluer le retentissement auditif, il faut également évaluer le retentissement psychologique, étudier tous les antécédents en termes de pathologie, disposer d'un bilan d'imagerie de qualité. L'acouphène peut effectivement aboutir à l'insomnie. Il n'y a pas de solution thérapeutique miracle comme dans le cas de l'otospongiose parce que l'acouphène est multifactoriel. Sa prise en charge est donc également multifactorielle. Il faut associer des thérapeutiques médicales pour faciliter la diminution de l'intensité de l'acouphène et des thérapeutiques dites « comportementales » pour diminuer l'intensité de la perception de l'acouphène. « Des recherches sont-elles réalisées sur les acouphènes afin de trouver de nouveaux traitements ? » Dr Didier Dulon – L'origine et les conséquences de l'acouphène peuvent être multiples. Les causes ne sont pas encore concrètement connues. Il s'agit probablement d’un dérèglement de la décharge du nerf auditif. C'est-à-dire qu'il y a une destruction des cellules ciliées et que les fibres afférentes se trouvant privées d'excitation par la cellule ciliée envoient des signaux au cerveau qui ne correspondent plus à la réalité. Il y a ensuite une implantation au niveau du cortex auditif qui peut être durable. À l'Université de Montpellier, le Professeur Jean-Luc Puel a développé un modèle de souris acouphénique. Les mécanismes qui génèrent ces bruits Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 9 fantômes en l'absence de sons s’expliqueraient par un dérèglement au niveau de la connexion électrique située sous la cellule ciliée qui s'exciterait toute seule en l'absence d'un signal provenant de la cellule ciliée. « La mise en place d'un appareil auditif freine-t-elle l'évolution de la surdité ou estce un palliatif ? » Pr Bernard Fraysse – Le nerf auditif est semblable à un muscle. Plus il travaille, plus il y a de chance de freiner l'évolution de la surdité. À Lyon, le Professeur Collet a analysé l'évolution du cortex de personnes qui n'étaient appareillées que d'un côté. Alors que le niveau auditif est le même des deux côtés, il a constaté que la stimulation permet un fonctionnement de l'audition qui ralentit le processus de surdité. « Les personnes âgées appareillées se plaignent souvent de leur appareil et d’entendre des bruits intolérables lorsqu'elles se trouvent dans une assemblée bruyante. Elles disent également que certains matériels sont plus performants que d'autres. Est-ce le praticien qui conseille le matériel le mieux adapté ? Et combien cela coûte-t-il ? » Pr Bernard Fraysse – En vieillissant, les fréquences aiguës diminuent parce que le départ de l'oreille interne, la cochlée, a une zone de fragilité sur les aigus. Or les aigus sont absolument nécessaires pour comprendre le bruit. Dans une assemblée, il faut deux éléments : la stéréophonie (deux oreilles qui fonctionnent) et des aigus d'un bon niveau. La difficulté de l'appareillage de ce type de surdité, de loin le plus fréquent, est de parvenir à amplifier suffisamment les aigus sans avoir une distorsion des sons, notamment sur les fréquences graves. La première recommandation est donc d'appareiller le plus tôt possible. Il se produit sinon une déprivation qui fait que le nerf auditif n'a pas fonctionné sur les aigus à une certaine intensité et la stimulation devient de plus en plus difficile. Cela ne restituera pas une audition normale. C'est à chaque fois une suppléance, ce sont des béquilles de l'oreille. En conséquence, il faut accepter un certain nombre d'intolérances et porter l’appareil. Je préconise toujours un appareillage le plus précoce possible, un essai de la prothèse en situation pendant un ou deux mois puis de faire un bilan très précis du gain de la compréhension. Enfin, il faut avoir une discussion en fonction de l'apport avec l'ORL et l'audioprothésiste. « Un rejet de l'appareillage peut-il apparaître au bout d'un certain moment ? » Pr Bernard Fraysse – Plusieurs problèmes peuvent se présenter. Le premier peut provenir du conduit auditif externe et d'une pathologie de corps étranger. Deuxièmement, la surdité peut continuer à évoluer parce que l'amplification n'est plus suffisante pour stimuler le nerf. « Quelle est la durée de vie d'une prothèse auditive ? Par ailleurs, existe-t-il des risques de cancer cérébral induits par une importante stimulation via cette prothèse ? » Pr Bernard Fraysse – Les prothèses doivent effectivement être remplacées à une fréquence qui dépend de l'intensité de leur utilisation. L'École bordelaise, notamment Jean-Marie Aran, a beaucoup travaillé sur l'impact des stimulations sur le cortex par le téléphone. Des crédits européens lui ont même permis de travailler sur l'éventuelle nocivité du téléphone portable. Dr Didier Dulon – Les résultats que nous avons publiés démontrent que pour des expositions à court terme (de quelques mois à une année), il n'y a pas d'effets immédiats sur les seuils auditifs. Il sera toutefois nécessaire de prendre du recul sur plusieurs années, voire plusieurs dizaines d'années. « La prothèse auditive nécessite une manipulation et un entretien qui peuvent s'avérer difficiles pour une personne très âgée ayant des problèmes de vue et de dextérité. Jusqu'à quel âge une personne peut-elle s'occuper de sa prothèse d'une façon autonome ? Comment cette prise en charge est-elle effectuée dans les maisons de retraite ? » Pr Bernard Fraysse – Plusieurs de mes patients ont plus de 95 ans et sont appareillés alors que certaines personnes beaucoup plus jeunes éprouvent des difficultés à manipuler Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 10 leur prothèse. Lorsque l'on vieillit, il est fondamental de ne pas s'isoler et la surdité est une façon de se couper du monde. Le fait que des personnes âgées commencent à ne plus participer à un repas de famille ou à la vie en société parce qu'elles rencontrent des difficultés à communiquer participe quelque part à une absence de stimulation du cortex, ce qui n'est pas une bonne chose. Par conséquent, il faut trouver tous les moyens de poursuivre cette stimulation. J'insiste sur le fait que cette stimulation doit être mixte : plus il y aura d'informations auditives ou visuelles, plus le cerveau restera en éveil, plus il sera facile de symboliser un mot et de participer à la communication. « Existe-t-il des prothèses compatibles avec les téléphones portables ? » Pr Bernard Fraysse – Certaines prothèses sont compatibles avec les téléphones portables. La qualité acoustique d'un téléphone portable est même meilleure que celle d'un téléphone fixe. « En tant que Toulousain malentendant, je suis déçu qu'il n'y ait pas davantage de salles de cinéma équipées de boucles magnétiques qui permettent aux malentendants équipés d'une aide auditive de pouvoir entendre parfaitement le son d'un film. Cela nécessite pourtant un investissement dérisoire. » Pr Bernard Fraysse – Je partage tout à fait votre avis. Je signale d'ailleurs que Jérôme Goust a écrit un livre extrêmement précieux sur toutes les aides techniques. Il m'est difficile d'intervenir sur les salles de cinéma, je pense que c'est aux associations de les inciter à s'équiper. Il arrive effectivement un moment où la manipulation de la prothèse est difficile. Je crois qu'il faut alors sacrifier l'aspect esthétique à l'aspect fonctionnel et utiliser plutôt des contours que des prothèses intra-numériques difficiles à enlever et à manipuler. Par ailleurs, les contours permettent une amplification plus importante. Cela s’inscrit évidemment dans la contribution générale de l'environnement à l'aide aux personnes âgées. Lorsque l'oreille faiblit, l'organe de l'équilibre faiblit également et les troubles de la marche et de la stabilité sont l'une des problématiques essentielles des sujets âgés. Cela provient souvent d'une dégénérescence de l'autre versant de l'oreille interne qu'est le vestibule. Pour aider ces personnes, il faut réaliser une rééducation vestibulaire et également de l'équilibre. Il est donc nécessaire de les aider à marcher et à utiliser d'autres fonctions. Une personne reste en équilibre parce qu'elle dispose de quatre fonctions : la vision qui permet d'avoir un point fixe, l'oreille interne qui envoie des impulsions symétriques des deux côtés, le système moteur qui empêche la chute et le cervelet qui fait fonctionner toutes ces informations. Lorsque la personne vieillit, tous ces organes doivent être stimulés. « À la suite d'une opération d'un neurinome de l'acoustique du côté droit, je suis totalement sourde. Depuis, je souffre également d'acouphènes. Les implants cellulaires peuvent-ils m'apporter quelque chose ? » Pr Bernard Fraysse – Le neurinome de l'acoustique est une lésion qui se développe sur le nerf auditif entre l'oreille interne et le tronc cérébral. C'est une pathologie très sérieuse pour laquelle le pronostic est directement lié à la précocité. En d'autres termes, plus la tumeur est petite, moins les séquelles sont importantes. Plus la tumeur est grosse, plus les séquelles sont lourdes et cela devient un pronostic vital puisque le neurinome comprime alors le tronc cérébral. Dans la majorité des cas, il n'est pas possible de conserver une audition après une chirurgie du neurinome puisque l'essentiel du nerf auditif est envahi par le neurinome. Vous n'êtes pas une indication d'un implant cochléaire puisque celui-ci s'adresse aux surdités sévères bilatérales. En revanche, pour les surdités unilatérales, mon équipe a développé des techniques d'implantations à conduction osseuse. Il faut néanmoins être Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 11 très prudent quant aux résultats. Le fait de n'avoir qu'une seule oreille est essentiellement perturbant dans la mesure où la stéréophonie a disparu donc il n'est plus possible de localiser les sons dans l'espace. Dans certaines circonstances, ces implants permettent de rétablir un peu la localisation dans l'espace. « Concernant les implants cochléaires, le Professeur Fraysse a indiqué que les 20 000 cellules étaient "remplacées" par 22 capteurs. Des recherches sont-elles en cours pour trouver un moyen technique qui permettrait d'implanter 150 capteurs ? » Pr Bernard Fraysse – Aujourd'hui, les techniques d'implants sont très codifiées. Il faut différencier la fiabilité des implants et les résultats. Le résultat peut varier d'une simple restitution de l'environnement sonore permettant de savoir lorsque le téléphone sonne ou lorsqu'une voiture passe à une compréhension dans le bruit qui permet à certaines personnes implantées de téléphoner avec un portable. Le résultat dépend de l'âge, de la durée de la déprivation (combien de temps le nerf n'a-t-il pas été stimulé ?), de la cause de la surdité, de la rééducation, etc. Entre l'audition normale et l'absence totale d'audition, le curseur est très variable mais les implants cochléaires sont loin d'apporter une audition normale. En termes de techniques chirurgicales, il n'est pas très compliqué d'augmenter le nombre d'électrodes à 100 mais il faut qu'il y ait en face suffisamment de fibres capables d'être stimulées. Le problème porte donc plutôt sur le nombre de fibres restées en place que sur la création d'une centaine d'électrodes. Des progrès considérables sont réalisés sur le processeur externe qui capte le son et le traduit. Il est également possible d'imaginer à moyen terme qu'il ne s'agira plus d'une stimulation électrique mais de substances qui favoriseront l'adhésion, la régénérescence ou au moins l'absence de dégénérescence. Dans vingt ans, nous constaterons probablement que certaines pistes auront été abandonnées et que de nouvelles seront apparues. Il y a vingt ans, nous ne pouvions pas imaginer qu'une IRM permettrait d'observer le nerf auditif et le contenu de la cochlée, de voir le cortex cérébral fonctionner avec et sans stimulation auditive. Les progrès sont fascinants et il est difficile de faire de la prospective au sujet des pistes actuelles. « La technique de l'implant du tronc cérébral est-elle arrivée à maturité ou relève-t-elle encore du domaine de la recherche ? » Pr Bernard Fraysse – L'implant du tronc cérébral est une exception qui reste réservée aux personnes ayant été opérées de tumeurs cérébrales bilatérales (très rares), qui n'ont plus de nerfs auditifs et qui ne peuvent donc plus recevoir aucune stimulation. Cette technique ne sera pas développée à d'autres indications puisque le nerf auditif est encore présent dans 90 % des cas. « Quelle est l'origine des vertiges de Ménière et comment les soigne-t-on ? » Pr Bernard Fraysse – C'est un neurologue français, Prosper Ménière, qui a été le premier à constater chez des malades qui souffraient de vertiges que cette pathologie provenait de l'oreille interne et non pas d'une anomalie neurologique. La maladie de Ménière est un trouble de la sécrétion ou de l'excrétion des liquides de l'oreille interne. Parce que la sécrétion est trop importante ou l'excrétion insuffisante, l'oreille interne gonfle tout à coup, ce qui entraîne soit un échange un peu brutal entre le sodium et le potassium, soit une distorsion de l'organe de l'équilibre qui déclenche un grand vertige rotatoire de plusieurs minutes. En même temps que ce vertige, il y a des signes auditifs tels que des acouphènes et une perte de l'audition. Dans la majorité des cas, la maladie de Ménière est parfaitement contrôlée par un traitement médical qui associe des antivertigineux, un diurétique et des vasodilatateurs. Si le traitement médical reste sans effet, il est possible de recourir à une thérapeutique qui agit sur la pression de l'oreille interne ou à une intervention chirurgicale. Néanmoins, grâce au traitement médical et à une rééducation de l'équilibre par des kinésithérapeutes, le nombre de patients nécessitant une intervention chirurgicale est de plus en plus réduit. « Une personne atteinte de la maladie de Ménière doit-elle éviter l'altitude ? Peut-elle prendre l'avion ? Peut-elle pratiquer une activité sportive ? Si oui, laquelle ? » Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 12 Pr Bernard Fraysse – Il est préférable qu'une personne qui a un trouble de l'équilibre évite les situations dangereuses telles que celle de se retrouver en hauteur sur une poutre sans être attachée. En ce qui concerne l'altitude et l'influence des variations de pression sur la maladie de Ménière, les avis sont contradictoires. En Suisse, où il est facile d'atteindre 500 mètres d'altitude en montagne, un chirurgien genevois, Montandon, équipait les personnes atteintes de la maladie de Ménière de drains semblables aux yoyos pour les enfants et le résultat était positif. Les variations de pression semblaient donc avoir une influence sur la maladie de Ménière. C'est la raison pour laquelle nous disposons aujourd'hui en France du protocole d'un traitement décrit par les Suédois qui utilise les variations de pression pour traiter la maladie de Ménière. Quant aux avions, ils sont parfaitement pressurisés donc il ne peut pas y avoir d'incident. diabète...), il faut équilibrer correctement toutes ces pathologies. Des traitements de confort peuvent ensuite être prescrits tels que les anti-glutamates qui permettent une certaine protection de l'oreille. « Les médicaments peuvent-ils provoquer des troubles de l'audition, notamment l'Anafranil et les anticoagulants ? » Pr Bernard Fraysse – Je n’ai pas d’avis. Ce qui est très important, c'est de ne pas introduire un produit toxique dans l'oreille en cas de perforation tympanique. Si l'utilisation de gouttes ou une baignade provoquent une douleur ou un écoulement au niveau de l'oreille, c'est qu'il y a une perforation de la membrane tympanique et qu'il n'y a plus de barrière entre l'extérieur et l'oreille moyenne. Tous les toxiques provenant des gouttes ou de l'eau de piscines sur-infectées peuvent pénétrer dans l'oreille interne et provoquer des catastrophes. Dr Gabrielle Favre-Michau – Certains médicaments sont reconnus comme ayant une toxicité pour l'oreille, par exemple certains antibiotiques. Ils sont alors utilisés avec parcimonie, lorsqu'il n'est pas possible de faire autrement, et après avoir exposé clairement à la personne le risque qu’elle court. Il existe ensuite des médicaments pour lesquels des effets secondaires ont été signalés auprès des centres de pharmacovigilance mais qui n'ont pas une grande toxicité pour l'oreille. Ils sont prescrits dans le but d'améliorer une pathologie générale grave pour laquelle il n'existe pas d'autre solution que de donner ce type de médicaments. Cela pose le problème du principe actif qui entraîne obligatoirement des effets secondaires même s'il est fait en sorte de réduire au maximum ces effets dans les nouveaux médicaments. « Y a-t-il des mesures particulières à prendre pour ralentir l'évolution d'une surdité débutante ? » Dr Gabrielle Favre-Michau – Le plus important est que les personnes atteintes d'une surdité débutante se protègent du bruit. En cas de problèmes de santé associés (problèmes vasculaires, hypercholestérolémie, « L'oreille se fatigue-t-elle ? Autrement dit, le silence permet-il de reposer l'oreille et de réduire les problèmes d'acouphène ou de surdité ? » Dr Gabrielle Favre-Michau – Il faut garder un juste équilibre. Lorsque l'on conseille d'éviter les expositions sonores, il s'agit des expositions sonores importantes. Vivre dans le silence n'est pas une solution puisque l'oreille et les neurones auditifs sont fonctionnels parce que nous les faisons travailler tous les jours. « Que pensez-vous des nouveaux produits d'hygiène de l'oreille arrivés sur le marché ? » Aujourd'hui, lorsque le tympan est perforé, des greffes sont possibles. Il s'agit de greffer du tissu de la personne elle-même à partir de l'enveloppe du muscle situé derrière l'oreille qui a exactement les mêmes caractéristiques que le tympan. On positionne sous microscope cette greffe à la place de la perforation, ce qui permet une cicatrisation et la création d'une nouvelle barrière entre l’extérieur et l'oreille moyenne. « La recherche médicale est-elle actuellement en mesure d'apprécier les risques de surdité chez les générations futures ? En tant que chercheur, quelles mesures pouvez-vous proposer aux autorités publiques pour lutter contre ce risque ? » Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 13 Dr Didier Dulon – Je pense que c'est un domaine éloigné des problèmes de la recherche fondamentale. Il s'agit plutôt d'un problème de santé publique, d'un problème gouvernemental d'éducation pour faire en sorte que chacun se protège contre les bruits extérieurs. « Je suis jeune et je souffre des deux oreilles depuis plus de dix ans. J'ai développé toutes les maladies internes (cholestéatome, maladie de Ménière, acouphène). Après avoir pris des médicaments pendant dix ans, les antalgiques habituels et ceux cités précédemment (Anafranil et vasodilatateurs) restent maintenant sans effet. Quelles sont les solutions pour que je cesse enfin de souffrir ? » Pr Bernard Fraysse – Avant de répondre à cette question, je souhaiterais remercier la Fondation pour la Recherche Médicale de nous aider dans de nombreux domaines et souligner que sa mission d'information participe au progrès médical. Il est difficile de répondre à cette question sans connaître le dossier et je veillerai à ne pas faire une consultation publique. Il faut savoir que les progrès de la recherche se font par petites étapes et, dans le domaine de l'audition, ils sont très grands depuis vingt ans. Le cholestéatome est la tumeur bénigne la plus fréquente de l'oreille. La peau traverse le tympan pour se situer dans la mastoïde ou dans l'oreille moyenne. Aujourd'hui, ces lésions sont bien contrôlées, à la fois par la microchirurgie mais également par la radiologie pour suivre l'évolution s'il y a une contre-indication opératoire. L'acouphène est une façon pour l'oreille d'exprimer qu'elle souffre. Lorsque des cellules ont disparu, le cerveau interprète cette disparition par un acouphène. Si l'acouphène part de l'oreille, il se retrouve très vite au niveau du cortex et est interprété par le cerveau. Par exemple, il existe une pathologie qui nécessite d'enlever le nerf auditif malade. L'oreille n'est alors plus connectée au cerveau mais le patient entend encore des acouphènes. Cela ressemble au cas des personnes qui ont mal au doigt alors qu'elles n'ont plus de main. J'expliquerai donc quelques pistes. Le traitement est avant tout local afin que l'oreille ne souffre pas ou guérisse. Deuxièmement, le traitement obéit au même principe que la douleur. Il peut s'agir de stimulation (acoustique ou électrique). Enfin, le traitement consiste en la relaxation. En diminuant le niveau d'activité corticale, le niveau de réceptivité de l'acouphène ou de la douleur est diminué. Il y a donc un mélange entre le traitement local, le traitement par voie générale et la stimulation. À Toulouse, nous avons la chance d'avoir une association d'acouphéniques qui contribue à apporter sa pierre à l'amélioration des traitements. Grâce à elle, nous avons mis en place une consultation multidisciplinaire qui comporte des psychologues, des ORL, des chirurgiens afin d’avoir une vision globale de l'acouphène. Je n'ai donc pas de solution pour répondre à cette question mais des progrès sont en cours et il existe de nombreuses pistes pour le cas qui vient d'être évoqué. « Comment soigne-t-on l'hyperacousie ? » Pr Bernard Fraysse – Comme l'acouphène, l'hyperacousie est une extrême sensibilité aux bruits. Elle obéit exactement aux mêmes techniques que les acouphènes, c'est-à-dire le partage entre les traitements médicaux, la psycho-relaxation, voire les thérapeutiques de stimulation. « J'ai été opérée d'une otospongiose il y a vingt ans. Mon audition se situe à nouveau au-dessous de la normale. Mes deux oreilles sont atteintes alors qu'une seule l'avait été auparavant. Est-il possible de pratiquer une nouvelle greffe de l'oreille moyenne ? » Pr Bernard Fraysse – Ce n'est pas une question facile à débattre. L'otospongiose est une maladie génétique très fréquente dans le pourtour méditerranéen. Elle se caractérise par une anomalie de l'enveloppe entre l'oreille moyenne et l'oreille interne et, plus exactement, par la fixation d'un petit osselet, l'étrier. C'est maintenant une chirurgie très bien contrôlée puisqu'elle est réalisée sous microscope avec un laser, le plus souvent en ambulatoire. Le laser découpe l'étrier qui est remplacé par un piston de quatre millimètres de longueur. Il s'agit toutefois de traiter la mécanique qui ne fonctionne pas et non pas la maladie génétique. Cette dernière peut donc continuer à évoluer en re-fixant le piston ou en créant un certain nombre de lésions dans Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 14 l'oreille interne. Il est donc nécessaire de réaliser un bilan auditif et un scanner. Selon le résultat, il sera ou non possible de refaire une intervention chirurgicale. « Une malformation des trois osselets de l'oreille moyenne est-elle opérable ? Si oui, quel est le taux de réussite ? » Pr Bernard Fraysse – Il est rare que les malformations des osselets restent isolées. Elles s'associent parfois à des malformations de l'oreille interne ou du pavillon. Si seuls les osselets sont en cause, la chirurgie donne d'assez bons résultats avec une possibilité technique de remplacer les osselets. Lorsque l'atteinte des osselets s'associe à une pathologie de l'oreille interne, c'est beaucoup plus complexe. parlé complété. Ce dernier donne de meilleurs résultats car associer plusieurs stimulations (auditives, visuelles) permet de faire travailler davantage d'activités neuronales. Il paraît évident que plus une personne malentendante reçoit d'informations, plus la communication est riche. Pour prendre un autre extrême, il faut faire comprendre aux personnes atteintes de presbyacousie qu'il n'y a pas seulement l'appareillage et qu'il est également très important de lire sur les lèvres, d'associer une stimulation visuelle à la stimulation par une prothèse. L'association des deux permettra au cortex de recevoir davantage d'informations. Synthèse rédigée pour la Fondation pour la Recherche Médicale par Editelor. www.editelor.com « Les cellules souches pourraient-elles remplacer les cellules ciliées ? » Dr Didier Dulon – C'est une piste pour la recherche mais rien n'est encore concret pour l'instant parce qu'il n'y a pas encore de cellules souches clairement identifiées dans la cochlée. Les chercheurs débattent de la possibilité d'injecter dans la cochlée des cellules souches qui régénéreraient éventuellement les cellules ciliées mais la cochlée n'est qu'un petit escargot d'un demicentimètre assez profondément implanté dans l'oreille interne. Les Journées de la Fondation Recherche Médicale 2005 ont été organisées avec le précieux soutien de l'AG2R, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, IDS France, Matmut, France 5, France Inter, Pleine Vie, Top Santé, Femme Actuelle et La Vie. En régions : les Dernières Nouvelles d’Alsace, France3 Alsace, Ouest-France, France 3 Normandie, Le Dauphiné Libéré, Nice Matin, France 3 Méditerranée, La Dépêche du Midi et France 3 Sud. « En tant que future orthophoniste, que puis-je conseiller aux familles entre la langue signée, la lecture labiale, etc. ? » Pr Bernard Fraysse – Il faut avant tout informer les familles de toutes les options possibles en donnant pour chacune les avantages et les inconvénients. Si vous avez besoin d'une aide, vous pouvez recourir aux Centres d'information de la surdité qui participent à l'information de la manière la plus neutre possible. Toutefois, trois facteurs permettent aux enfants ayant une surdité modérée ou sévère d'avoir une meilleure intégration scolaire, une meilleure communication et un meilleur développement de la qualité du langage : une prise en charge précoce ; l'investissement des familles dans l'éducation et la prise en charge ; le langage Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 15 À propos de la Fondation Recherche Médicale Créée en 1947 et reconnue d’utilité publique depuis 1965, la Fondation pour la Recherche Médicale a pour mission principale de financer la recherche médicale grâce aux dons et legs qu’elle collecte auprès du grand public et des entreprises. Ses aides concernent tous les aspects de la recherche médicale, que celle-ci soit fondamentale, clinique ou épidémiologique. Et ceci, dans toutes les disciplines médicales. Le but est clairement affiché : lutter contre toutes les maladies, sur tous les fronts. Grâce à la générosité de ses donateurs, la Fondation Recherche Médicale est devenue un acteur majeur de la recherche française. Depuis sa création, elle a participé à toutes les grandes découvertes médicales. à travers sa revue Recherche & Santé, ses guides « Santé : 100 idées reçues. L’avis des chercheurs » et son site web www.frm.org. Elle organise chaque année de nombreuses rencontres chercheurs / grand public partout en France pour favoriser le débat scientifique au sein de notre société. À ce titre, elle s’est vue attribuer par le Gouvernement le label « campagne d’intérêt général 2005 ». Quelques chiffres ► 15 millions d’euros sont consacrés chaque année à la recherche. ► 440 000 personnes font chaque année un « don utile » à la Fondation Recherche Médicale. ► Grâce à ces dons, la Fondation soutient un chercheur sur trois en France et finance plus de 700 programmes de recherche chaque année. Rappelons que la Fondation ne bénéficie d'aucune subvention et fonctionne uniquement grâce à la générosité de particuliers et d’entreprises. La Fondation Recherche Médicale remplit également une mission d’information du public > Bulletin de soutien Oui, je souhaite aider la recherche en faisant, par chèque bancaire ou postal à l’ordre de la Fondation pour la Recherche Médicale, un don de : 20 euros 25 euros 30 euros 40 euros 50 euros autre ………….. M. Mme Mlle M. et Mme NOM ………………………………………………… Prénom……………………………………………… Adresse……………………………………………… ……………………………………………………….. Code postal I_I_I_I_I_I Ville……………………. ……………………………………………………….. E-mail ……………………………………………….. Déduction fiscale : 66% de votre don est déductible de vos impôts à concurrence de 20% de votre revenu imposable. Merci de retourner ce bulletin accompagné de votre règlement à l’adresse suivante : Fondation Recherche Médicale 54, rue de Varenne 75335 Paris cedex 07 Conformément à la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978, en vous adressant au siège de notre Fondation, vous pouvez accéder aux informations vous concernant, en demander rectification ou suppression. Sauf avis contraire de votre part, les informations vous concernant seront réservées à l'usage exclusif de notre fondation. CRSUR052 Journées de la Fondation Recherche Médicale y L’oreille malade du bruit ? y www.frm.org 16