L`insaisissabilité du domicile du travailleur indépendant

Transcription

L`insaisissabilité du domicile du travailleur indépendant
L’insaisissabilité
du domicile du
travailleur
indépendant
Fiche juridique
Travail indépendant
Le travailleur qui choisit de développer sa propre activité en nom propre et non sous
couvert d’une société prend des risques financiers plus importants.
En effet, les dettes issues de l’activité pourront être récupérées sur le patrimoine du
travailleur indépendant voire du ménage.
Quelques précautions permettent toutefois de limiter ce risque.
L’insaisissabilité du domicile
La loi du 25.04.20071 permet de rendre insaisissable la résidence principale du travailleur
indépendant. Il s’agit bien ici du domicile où réside principalement le travailleur indépendant
et non son contenu.
Qui peut bénéficier de cette protection ?
Les personnes physiques qui exercent une activité indépendante à titre principal en
Belgique, à savoir : les commerçants, les artisans et les titulaires de professions libérales.
1
Articles 72 à 83 - M.B. 8.04.2007.
Les travailleurs qui exercent leur activité à titre complémentaire ou assimilé (étudiants de
moins de 25 ans, personnes veuves ou mariées) ne peuvent demander l’application de cette
protection.
Quel immeuble peut bénéficier de la protection ?
L’immeuble concerné par la protection doit être la résidence principale du travailleur
indépendant, c’est-à-dire le lieu où il séjourne durant la majeure partie de l’année même si
celui-ci est différent du domicile légal.
Le travailleur indépendant doit avoir un droit sur l’immeuble :
-
de propriété,
d’usufruit,
Attention : à l’extinction de l’usufruit, la déclaration d’insaisissabilité ne s’étendra pas
automatiquement à la pleine propriété. Une déclaration nouvelle devrait être faite.
-
emphytéotique,
de superficie.
Le droit de superficie est un droit réel par lequel un superficiaire peut détenir
provisoirement en propriété des bâtiments, ouvrages ou plantations sur le terrain
d’un autre.
Si l’immeuble est destiné en partie à l’exercice des activités, des règles particulières sont
appliquées :
Si la surface réservée à l’activité est inférieure à 30% de la superficie totale,
l’entièreté de l’immeuble sera insaisissable.
Exemple : un comptable occupe deux bureaux et une salle d’attente pour un total de
50m2 dans un immeuble de 250m2. La partie professionnelle occupe donc 20% du
total. L’immeuble sera dès lors totalement insaisissable.
Si la partie professionnelle occupe plus de 30% de la surface totale de l’immeuble,
seuls les droits sur la partie de l’immeuble affectée à la résidence pourront être
déclarés insaisissables sur base d’un acte préalable de copropriété.
Quelles sont les démarches à entreprendre ?
La déclaration d’insaisissabilité doit être faite auprès d’un notaire qui vérifiera la qualité de
travailleur indépendant2.
2
L’activité de mandataire d’une personne morale constitue une activité professionnelle indépendante (art. 72 Loi
25.04.2007).
Le travailleur indépendant doit établir une description détaillée de l’immeuble et le type de
droit détenus.
En cas d’usage mixte, cette description doit clairement établir la distinction entre la partie
privée et professionnelle.
Le notaire déposera l’acte notarié auprès du bureau conservateur des hypothèques de
l’arrondissement dans lequel le bien est situé, où il sera conservé.
L’établissement de la déclaration par le notaire coûte 500€. Le même montant sera versé
pour son inscription au registre des hypothèques. Le coût total de cette procédure s’élève
donc à 1.000€.
Les honoraires ne sont dus qu'une seule fois lorsque la déclaration ou sa révocation
concerne un travailleur indépendant et son conjoint aidant ou deux travailleurs
indépendants mariés ou cohabitants légaux exerçant conjointement leur activité dans la
même unité d'établissement.
Si l’indépendant est marié, quel que soit le régime, l’accord du conjoint est demandé, même
si l’indépendant est seul propriétaire de l’immeuble.
En cas de divorce, la protection subsiste pour autant que le bien soit attribué au déclarantindépendant. On peut toutefois supposer qu’il faut établir une différence entre des ex-époux
mariés sous le régime de la communauté qui acquièrent pour le compte de leur
communauté, et ceux mariés sous un régime de séparation des biens. Pour le régime de
séparation, même si le bien est attribué à l’indépendant, la déclaration d’insaisissabilité
pourrait ne pas s’étendre sur la partie du bien appartenant à l’ex-épou(x)(se). Il pourrait être
prudent de faire une nouvelle déclaration.
En cas de partage où l’immeuble est attribué au travailleur indépendant, une nouvelle
déclaration devra également être faite pour produire ses effets sur la totalité du bien.
Quelles sont les créanciers concernés par l’insaisissabilité ?
L’immeuble sera insaisissable à partir de la date où la déclaration est inscrite au registre
hypothécaire. Cela signifie que seuls les créanciers auprès desquels des dettes sont ouvertes
après cette date, ne pourront saisir la résidence principale.
Les dettes antérieures à l’inscription permettront aux créanciers de saisir l’immeuble.
Par ailleurs, la déclaration n’a pas d’effet en ce qui concerne les créances résultant d’une
infraction qui a donné lieu à une condamnation pénale, une transaction ou une amende
administrative même si elle concerne des activités professionnelles.
Signalons que l’insaisissabilité concerne aussi une créance née d’une faute professionnelle,
pour autant que cette faute ne fasse pas l’objet d’une condamnation pénale ou d’une mise
en cause de la responsabilité d’administrateur.
Quand cette protection prend-elle fin ?
Le travailleur indépendant peut renoncer à l’insaisissabilité. Celle-ci est alors
présumée n’avoir jamais existé et TOUS les créanciers pourront faire état de leurs
dettes à valoir sur la valeur de l’immeuble.
Le travailleur arrête ses activités. L’immeuble ne sera plus sous protection pour les
dettes contractées après la cessation d’activité.
L’insaisissabilité prend fin au décès du travailleur indépendant.
Remarque : elle continue à produire ses effets indépendamment de la perte de qualité
de travailleur indépendant suite à une faillite.
Que se passe-t-il en cas de changement de résidence ?
En cas de vente de l’immeuble servant de résidence principale, la protection sera reportée
sur le prix obtenu, à condition que l’indépendant utilise le montant obtenu pour acquérir,
dans un délai d’un an, un autre immeuble qui servira de nouvelle résidence principale.
Pour davantage de garantie, le prix de vente obtenu par l’intéressé restera bloqué en l’étude
du notaire qui a passé l’acte de vente. L’acte d’acquisition du nouvel immeuble devant servir
de résidence principale devra inclure une déclaration expresse de réutilisation des fonds.
Quel est le succès de cette mesure ?
En 2010, cette mesure a fait l’objet d’une question/réponse au Sénat qui en faisait un bref
bilan.
Entre le 18 mai 2007, date d’entrée en vigueur de la loi et le 9 septembre 2010, quelque
2.720 actes notariés de déclarations d’insaisissabilité ont été présentés à l’inscription aux
bureaux des conservateurs des hypothèques.
Cette mesure est le résultat d'un équilibre entre la nécessaire stimulation de la création
d'entreprise, qui s'opère ici par une mise à l'abri du logement familial du candidat
entrepreneur, et la protection des tiers, fournisseurs, banquiers, etc. qui voient leurs
moyens de poursuivre le remboursement de leurs créances ainsi limités. Pour atteindre cet
équilibre, le passage obligé est la parfaite information des tiers de la protection juridique
dont bénéficient leurs débiteurs. Cette information qui comprend, le cas échéant, la
description exacte de la partie du bâtiment restant saisissable, ne peut se concrétiser
actuellement qu'avec l'intervention d'un notaire et d'une inscription au registre des
hypothèques.
Dès lors, si cette procédure peut apparaître comme pouvant faire obstacle au succès de
cette législation, elle constitue aussi la garantie de son existence.
En ce qui concerne l'impact négatif que pourrait avoir la déclaration d'insaisissabilité sur
l'accès au crédit des entrepreneurs, que ce soit vis-à-vis de leur banquier ou de leurs
fournisseurs, les créanciers sont conscients qu'une saisie immobilière sur le logement
familial est peu efficace, voire contreproductive, dès lors que ce bien est dans la plupart des
cas hypothéqué en faveur d'un autre créancier qui aura priorité sur le produit de la vente du
logement. Par ailleurs, si ce bien est le siège de l'activité, sa revente privera le débiteur de
revenus et ses créanciers de remboursements. Les fournisseurs disposent, quant à eux, de
mécanismes plus adaptés que la saisie immobilière pour récupérer leurs créances,
notamment la clause de réserve de propriété, le privilège sur le prix des marchandises non
payées, etc.
On peut dès lors raisonnablement considérer que l'impact négatif redouté restera marginal.
Serena Bergamini
Janvier 2013
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