Histoire n°199 - Nos belles places - Charleville

Transcription

Histoire n°199 - Nos belles places - Charleville
HISTOIRE
Les casernes d’artillerie, vers 1913, sur la
place du Sépulcre, aujourd’hui, place
Jacques-Félix(Coll. GDP).
ÉDIFICES ET MONUMENTS DISPARUS DE NOS PLACES AVANT 1966
Nos belles places
Saviez-vous que 35 places ponctuent aujourd’hui notre cité ? Dix d’entre elles n’existaient pas
en 1966 au moment de la Fusion. Un mariage à l’origine de onze changements de nom (sans
compter les rues). En effet trois « Place de la République », sises à Mohon, Montcy et Mézières
ne peuvent cohabiter au sein d’une même agglomération. Ainsi, la Fusion a eu un impact urbanistique et toponymique important. Mais l’histoire est tenace, et nous exhume ici le récit d’évènements majeurs inscrits dans la mémoire de cinq de nos places remarquables…
À Mohon, autour du kiosque à musique édifié
en 1896, un marché foisonnant de vie,
vers 1907 (Coll. GDP).
La place de Mohon, la maison
du Peuple face à l’église
Elle se nommait, avant 1966, Place de la
République. L’église de Mohon est en
reconstruction en 1523, le chantier va durer
un siècle. Et l’édifice cultuel, d’abord placé
sous l’invocation de saint Gilles, sera alors
dédié à saint Lié. Le cimetière, autour de
l’église, enserré d’un mur, avançait très largement sur la place. Un puits, au centre de la
place, est visible sur les documents jusqu’en
1887. Le 25 octobre 1890, Jean-Baptiste
Clément intervient à la maison du Peuple,
sise sur la place, à côté de la mairie.
La place de Montcy,
son église disparue
Elle se nommait aussi, avant 1966, Place
de la République. Là où se trouve le monument aux morts, s’élevait la vieille église de
Montcy-Saint-Pierre, construite sur des fondations franques et fortifiée au XVIIe siècle
CAROLO Mag n° 199 - avril 2016 - p. 26
avec des échauguettes et petites canonnières.
Ce monument fut rasé en 1900.
La Place de l’Hôtel-de-Ville,
une création de 1919
Un plan parcellaire, dessiné par les ingénieurs Vairin et Bouvard en septembre
1809, localise 25 maisons enserrant la ruelle
des Fiens, à l’emplacement de l’actuelle Place
de l’Hôtel-de-Ville. Parmi ces vingt-cinq
édifices, l’Hôtel du Palais-Royal dans lequel
était descendu Victor Hugo en juillet 1838.
L’îlot fut bombardé en novembre 1918.
Le 16 juillet 1933, le président de la
République Lebrun inaugure le nouvel
Hôtel de Ville. Il vient, accompagné de son
épouse et d’une partie du gouvernement :
Camille Chautemps, ministre de l’Intérieur,
Henri Queuille, ministre de l’Agriculture,
Charles Daniélou, ministre de la Santé,
Appel, sous-secrétaire d’État aux Travaux
publics. Ils sont reçus par le préfet Jules
Scamaroni (le père de Fred, futur grand
La chapelle du Saint-Sépulcre, édifiée en
1625, effondrée en 1926 (Coll. GDP). Un
édifice original en matière d’architecture
dans la cité des Gonzague : remarquez
les imposants dôme et lanternon, le portail encadré de colonnes torsadées, couronné d’une niche votive…
Le beffroi du Bec-en-Haut à Mézières (vers 1890),
là où fut aménagée après les destructions de 1918,
la Place de l’Hôtel-de-Ville (Coll. GDP).
La Place de Nevers, vers 1905. Juste derrière la succursale du Familistère du Nord-Est, les bâtiments de l’ancienne Manufacture d’Armes, vers 1910 (Coll. GDP).
Résistant), le maire et président des anciens
combattants le docteur Lucien Bridoux, le
lord-maire de Manchester Walker, madame
Bronnert représentant le Comité d’adoption. Madame Marguerite Lebrun, l’épouse
du président de la République, vécut cette
journée avec une émotion toute particulière... Sa venue dans les Ardennes ne la
dépaysa point, puisqu’elle vit le jour, en
1878, dans la famille Nivoit, au n°8 place de
l’église à Mézières !
La place de Nevers accueille
un tzar
Une grande partie de l’actuelle Place de
Nevers est aménagée sur l’îlot de l’ancienne
manufacture d’armes. La Manu’ s’élevait
pratiquement à l’angle de la rue de Flandre
et de la Place de Nevers. Le bâtiment XVIIIe
siècle est incendié en mai 1940. En 1667, le
ministre de la guerre, Le Tellier, ordonne à
tous les ouvriers armuriers de Charleville de
ne travailler que pour le nommé Fournier ;
cet ordre est la genèse de la manufacture. En
1688, la manufacture d’armes est érigée en
manufacture royale. Le 23 juin 1717, le tzar
Pierre Ier le Grand, se rendant à Spa pour
prendre les eaux, visite l’établissement. Le
sieur Juchereau, lieutenant-colonel d’artillerie et inspecteur de la manufacture est mis à
mort par la foule, sans jugement, le 4 septembre 1792 ; il avait été accusé à tort de
vouloir faire livrer des armes à l’étranger.
En octobre 1799, la Place de Nevers est
rebaptisée Place de Lille, pour rendre hommage à la récente résistance lilloise face à
l’invasion autrichienne. En août 1803, c’est
au tour du Premier Consul Bonaparte de
découvrir la Manu’. Cet établissement fermera définitivement ses portes en décembre
1836.
Le 19 septembre 1869, en route pour
concevoir son Malgrétout, George Sand
vient à se loger à l’Hôtel de l’Europe (là où
se trouve, aujourd’hui, la pharmacie). Deux
autres hôtels s’ajoutent à la concurrence :
l’Hôtel de Nevers et l’Hôtel Notre-Dame.
Le quartier de la Place de Nevers est détruit
en mai 1940.
La place Jacques-Félix, caserne
d’artillerie entre 1911 et 1914
Elle fut dénommée successivement,
place du Saint-Sépulcre, du Sépulcre, de
l’Agriculture, Jacques-Félix. En 1622, le
prince d’Arches, Charles de Gonzague,
invite les Sépulcrines, originaires de Visé en
principauté de Liège, à créer un couvent à
l’est de la place. Après 1690, des tanneurs
s’installent côté Ouest. En 1730, 45 arbres
sont plantés à l’initiative du sieur Baulmont,
procureur syndic (le même nombre qu’aujourd’hui !). En 1865-1866, trois génies, fréquentent soit le petit séminaire, soit le collège, sis sur la place : Jules Mary, futur
romancier populaire ; Paul Bourde, rédacteur au Temps ; et Arthur Rimbaud ! Le 1er
janvier 1871, trois obus tombent sur la
Place. Le 5 mai 1876, le collège brûle. Le 6
octobre 1906, un ballon gonflé s’envole de
la place pour atterrir deux heures plus tard à
Ham-sur-Meuse. Dans la matinée du 9
février 1926, la chapelle du Sépulcre s’effondre.
En septembre 1913, le 61e régiment
d’Artillerie quitte les baraquements de la
place du Saint-Sépulcre ; il est remplacé par
des batteries du 40e RA. En mai 1940, les
Allemands y rassemblent les carcasses de
véhicules militaires détruits.
Certaines places furent tracées selon des
plans établis ; d’autres, par contre, témoignent d’édifices disparus, des vides remplaçant des volumes détruits, comme la place
du Château ou la place de l’Hôtel-de-Ville.
Gérald Dardart
CAROLO Mag n° 199 - avril 2016 - p. 27