Les déterminants du risque opérationnel : Evidence empirique
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Les déterminants du risque opérationnel : Evidence empirique
Les déterminants du risque opérationnel : Evidence empirique Nsaibi Mariem 1 , Rajhi Mohamed Taher 2 Département de Finance, Université Tunis El Manar, B. P 248 El Manar II 2092, Tunis Résumé L’étude des facteurs explicatifs du risque opérationnel des firmes bancaires est l’objet de ce papier. A partir d’un échantillon de 1176 incidents opérationnels de 14 banques durant la période 2006–2013, nous essayons d’étudier l’impact des facteurs microéconomiques et macroéconomiques sur la sinistralité des pertes opérationnelles d’une firme bancaire. Les tests de régressions révèlent que l’environnement macroéconomique joue un rôle important dans l’explication des pertes opérationnelles bancaires. En effet, les pertes opérationnelles augmentent dans les pays à un niveau de vie élevé et plus précisément lors des périodes de décroissance économique. Quant aux facteurs microéconomiques, la taille et le lieu géographique de la firme bancaire influencent positivement et significativement le risque opérationnel. En outre, nous notons que les principales sources des pertes opérationnelles survenues durant la période 2006-2013 sont de type «Clients, Produits et pratiques commerciales » et «Exécution, livraison et gestion des processus» qui ont eu lieu dans des lignes d’affaires de nature financière (Financement des entreprises, Activité de marché, Banque commerciale…). Dans une deuxième partie, nous étudions l’impact des mécanismes de gouvernance bancaire sur la gestion du risque opérationnel à travers cinq indicateurs. Les résultats d’estimation dévoilent seulement quatre mécanismes de gouvernance qui ont des effets significatifs sur la gestion du risque opérationnel à savoir : la taille du conseil d’administration, l’application des normes IFRS, la présence du comité des risques et des administrateurs indépendants au sein du conseil d’administration.En revanche, le cumul des fonctions du président directeur général et du président du conseil n’a aucune incidence sur l’atténuation des pertes opérationnelles des 14 banques retenues dans notre échantillon. Mots clés : Risque opérationnel, Bâle II, Approche de Mesure Avancée, gouvernance bancaire, dualité. 1 Doctorante au sein de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis Email : [email protected] Téléphone : 00 216 50 60 12 30 2 Professeur à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis Email : [email protected] Téléphone : 00 216 21 10 77 06 1 Introduction Suite à l’occurrence des pertes opérationnelles colossales durant ces dernières années (le cas de l’effondrement de la Barings Bank en 1995, la perte du National Australia Bank en 2001, l’affaire d'Enron en 2005, le cas de la Société Générale et la dernière crise des subprimes en 2007), la prévention des crises bancaires est devenue une priorité pour les banquiers, les gouvernements et les autorités de régulation. Ces scandales bancaires, expliquées par des faiblesses dans les pratiques bancaires de gestion des risques, ont engendré non seulement une mauvaise réputation de l’institution financière, mais plutôt une déstabilisation du système financier dans son ensemble. De ce fait, la seule voie possible pour les institutions bancaires est de préparer leurs fonctions risk-management afin de restaurer la confiance envers leurs actionnaires, leurs clients et les régulateurs et par conséquent garantir leurs pérennités, à long terme, et donc la stabilité du système financier mondiale. En revanche, l’étude des dysfonctionnements opérationnels constitue un défi pour les chercheurs et ce suite à l’indisponibilité des données fiables, en raison de la confidentialité avec laquelle les institutions traitent leurs pertes opérationnelles d’une part et d’autre part, suite à la difficulté de la modélisation du risque opérationnel en raison de l’hétérogénéité de ses origines3 . Bien que ces éventuelles et les scandales financiers, qui ont secoué le monde ces dernières années, aient stimulé la recherche sur les déterminants de ces types de faillites. De ce fait, de nombreuses études empiriques ont été abordées afin d’identifier les facteurs explicatifs du risque opérationnel4 tels que les travaux de : Shih et al (2000), Haturg (2006) Na (2006), Wei (2007) ,Mc Connell(2008), Moosa (2008), Cope et al (2008, 2012), Ammanda (2010), Dahen et Dionne (2010), Chernobai (2011), Imad Moosa (2011), Moosa et Silvapulle (2012), Moosa et Li (2013a,2013b), Ahmad Bello (2013), Christian et al (2015)… La majorité des travaux empiriques ont dévoilé que les incidents opérationnels sont imputables non seulement à des facteurs spécifiques mais plutôt à l’environnement externe dans lequel opère l’institution bancaire. Dans ce cadre, l’étude des déterminants du risque opérationnel fait l’objet du présent papier. La première section s’intéressera à la revue de la littérature traitant les facteurs déterminants 3 Les pertes peuvent être causées par des événements internes (inadéquation des systèmes informatiques) et par des événements externes (catastrophes naturelles ou fraudes externes à l’institution). 4 Le comité de Bâle II en 2001 a définit le risque opérationnel comme étant « le risque de pertes dues à une inadéquation ou à une défaillance des procédures, des personnels, des systèmes internes ou à des événements extérieurs». 2 de la sinistralité des pertes opérationnelles. La deuxième section exposera la méthodologie utilisée ainsi les principaux résultats obtenus. Section 1 : Revue de la littérature La crise des subprimes a fait jaillir le doute sur la méthode dont les institutions bancaires géraient leurs risques de crédit5 et de marché6. Les pertes enregistrées lors de la crise peuvent se comprendre comme une crise classique d’octroi de crédit non maîtrisée. Néanmoins, plusieurs études empiriques ont montré qu’elles sont de nature opérationnelle et plus précisément à des comportements inappropriés, des évaluations erronées d’actifs subprimes, et des pratiques bancaires frauduleuses. En d’autres termes, l’origine des pertes marquées durant la dernière crise sont imputables à des dysfonctionnements opérationnels et non pas au risque d’insolvabilité des clients. De ce fait, la gestion du risque opérationnel est devenue une priorité pour les gestionnaires de risque, les autorités de régulation et les chercheurs. D’importantes avancées dans la compréhension des scandales bancaires ont été abordées et plus précisément l’origine de la survenance des pertes opérationnelles tels que les travaux de : Shih et al (2000), Haturg (2006) Na (2006), Wei (2007), Moosa (2008), Cope et al (2008, 2012), Ammanda (2010), Dahen et Dionne (2010), Hess(2010), Chernobai (2011), Moosa et al (2012,2012b, 2013), Christian et al (2015)…). Cette variété de littérature a été motivée par les répercutions considérables des faillites bancaires sur les différentes parties prenantes de l’institution bancaire et par conséquent sur la stabilité du système financier mondiale. Les facteurs spécifiques à l’institution financière : -Taille comme déterminant du risque opérationnel : La question de la taille de la banque, comme déterminant de la sévérité des pertes opérationnelles, a été évoqué pour la première fois en 2000 par Shih, Samad-Khan et Medapa7. Ces derniers ont étudié la relation entre trois indicateurs de taille et les pertes opérationnelles à travers 4700 incidents opérationnels d’une banque durant une période de cinq ans. Les résultats ont montré l’existence d’une relation non linéaire entre les indicateurs de la taille d’une firme bancaire et l’occurrence des pertes opérationnelles. En effet, le revenu, le 5 Le risque de crédit est le risque d’insolvabilité du l'emprunteur à l'échéance Le risqué de marché est le risque de perte d’ une évolution défavorable des prix actifs financiers sur le marché (taux d’intérêt, cours de change...) 7 Shih, J., Samad-Khan, A., and Medapa, P. (2000), “Is the size of an operational loss related to firm size?” Journal of Operational Risk, 2, 1–2 6 3 nombre d’employé et le total des actifs sont fortement corrélés avec le montant des pertes opérationnelles. Néanmoins, cette étude a été critiqué par l’étude de Haturg (2004) puisque la variable explicative taille n’explique que 5% des montants de pertes opérationnelles (R2ajusté =5,35%). Il a montré que les pertes opérationnelles ne sont pas expliquées seulement par la taille de l’institution mais plutôt par la cause de l’incident opérationnel. Dans le contexte américain, Chernobai et al (2007) ont analysé l’incidence de la taille de l’institution bancaire sur 1159 incidents opérationnels de 160 banques américaines durant la période du 1980-2003. Les résultats suggèrent que la taille, l'effet de levier, la volatilité de la rentabilité et le nombre d'employés sont les facteurs explicatifs des pertes opérationnelles. Quant au contexte Allemand, Cope et al (2008) ont analysé la faillite de la Baring et celle d’Allied Irish Bank. Ils ont résulté que le revenu brut n’a aucune incidence sur l’occurrence des pertes opérationnelles et il ne reflète pas l’exposition réelle au risque opérationnel. Ce constat a été confirmé par ceux trouvés par: Dahen et al (2010), Moosa et Li (2012, 2013,2015) et Christian (2015)…. Ces derniers ont fait la preuve que la taille de la firme bancaire n’a aucun effet sur la fréquence et la sévérité des pertes opérationnelles. En d’autres termes, toutes les institutions bancaires sont exposées aux risques opérationnels quelque soit leurs tailles. - Les lignes de métier8: De nombreuses recherches ont montré que l’occurrence des pertes opérationnelles dépend de la ligne d’affaire où l’incident opérationnel a eu lieu. Les travaux de BIS-4 ont analysé 177 incidents opérationnels de 27 institutions financières durant la période 2001-2004. Les résultats empiriques ont montré que les banques de détail sont plus sensibles à avoir des pertes opérationnelles extrêmes que les banques commerciales. En d’autres termes, les opérations des activités de collecte octroi de crédit, des opérations de conseils en placement et des services de gestions des cartes bancaires sont plus risqués que les activités de financements des projets immobiliers, de financements des exportations et de gestion de crédit bail. Ce résultat a été confirmé par l’étude de Dahen et Dionne (2010).Ces derniers ont analysé 1056 incidents opérationnels survenus sur une période de 10 ans (1994- 8 Le comité de Bâle II a défini huit lignes d’activité (annexe 1) 4 2004). Ils ont montré que la significativité du modèle s’est améliorée lors de l’ajout de la variable Banque Commerciale (de 4,32% à 7,16%). En effet, les incidents provenant de la ligne d’affaire « Services bancaires commerciaux » ont un impact significatif sur la sinistralité des pertes opérationnelles par rapport aux autres lignes. Dans le contexte américain, une étude a été menée par Amandha Ganegoda et John R Evans (2011) afin d’analyser la relation entre le risque opérationnel et l’activité de deux banques sur une période de 15 ans. Les résultats empiriques ont montré les incidents les activités de financements des entreprises, des collectivités locales, des administrations publiques sont plus risqués que les incidents provenant de la ligne d’affaire « courtage de détail ». -Type d’événement et risque opérationnel 9: Amandha Ganegoda et John R Evans (2011) ont entamé le sujet des déterminants des pertes opérationnelles des banques américaines sur une période de 15 ans. Les résultats suggèrent l’existence d’un pouvoir important du type de l’évènement dans l’explication du risque opérationnel. En effet, la majorité des pertes extrêmes sont imputables à la diffusion des informations confidentielles de la clientèle et à une obligation professionnelle envers des clients particuliers. Toutefois, ces résultats ont été révisés par d’autres études dans différents contexte dans la mesure où il existe une forte relation entre le type de l’incident et la perte opérationnelle autre que les incidents provenant de type "clients, des produits et des pratiques commerciales". Nous citons par exemple les travaux de: Cannas et al (2009), Gillet et al (2010), Hess (2011), Li et al (2012b, 2015), Gatzert et Kolb (2013), Biell et Muller(2013), Brechmann et al. (2014), Fiordelisi et al(2014), Christian Eckert et Nadine Gatzert(2015), Li et al (2015) ... Les travaux de Moosa et al (2012b, 2015) révèlent que les événements de type "Fraude interne" et "Fraude Externes" présentent la sensibilité la plus élevée en matière d’explication de la sinistralité des pertes opérationnelles. Cette diversité de revue de littérature, traitant les facteurs déterminants des pertes opérationnelles, est expliquée par le contexte utilisée (c'est-à-dire le secteur d’assurance, d’industrie ou bien bancaire), le pays dans lesquelles les banques opèrent (Europe, Amérique, Irlande, Canada…) et aussi par la fiabilité des données. En effet, nous pouvons noter qu’une évaluation des risques qui ne prend pas en compte toutes les conséquences possibles peut résulter à une éventuelle insuffisance des ressources allouées 9 Les autorités réglementaires ont défini sept types de risque opérationnel (Annexe 2) 5 à la gestion de ce risque et donc une sous-estimation de la pertinence des mesures préventives en matière de risque opérationnel et à la négligence des pertes de réputation10 . Dans cette filature, la réflexion s’est avancée en matière de détermination des facteurs explicatifs de la sinistralité des pertes opérationnelles et a prouvé que ces dernières peuvent être expliquées non seulement aux facteurs spécifiques à la banque mais plutôt aux facteurs macroéconomiques. 1- Facteurs liés à l’environnement de l’institution bancaire Bien que l’indisponibilité des données et la différence du contexte utilisé, certains chercheurs ont essayé d’expliquer la fréquence et la sévérité des pertes opérationnelles par les divers aspects de l'environnement dans lequel opère l’institution11. -Lieu géographique comme déterminant du risque opérationnel : De nombreuses études ont été abordé afin de trouver les preuves de l'effet des facteurs régionaux sur la sévérité des pertes opérationnelles tels que les travaux de : Dahen et Dionne (2010), Chernobai et al. (2011) Cope et al (2012), Moosa et Li (2013b), Fiordelisi et al (2014)... En 2012, Cope et al ont étudié l’effet régional à travers 57000 incidents opérationnels de 130 banques de pays différents durant une période allant de 2002 jusqu’à 2010. Les résultats d’estimation ont montré que la variable région géographique est significativement a un impact positif et significatif sur la sinistralité des pertes opérationnelles. Ils ont dévoilé que les pays de l’Amérique Latine, des Etats-Unis et de l’Europe East sont les environnements les plus risqués en termes de risque opérationnel par rapport aux Canada et l’Europe du Nord. En d’autres termes, l’Amérique Latine, les Etats-Unis et l’Europe de l’Est sont les régions les plus sensibles d’avoir des pertes opérationnelles extrêmes. Une autre étude menée par Moosa et Li (2013b)12 sur 4388 incidents opérationnels survenus dans 11pays13. L’étude a révélé que la distribution des pertes opérationnelles en termes de fréquence et sévérité diffère d’un à un autre pays. Cette différence est attribuable à la 10 Fiordelisi et al., (2014) Li2013 12 Imad Moosa et Larry Li 2013: “The frequency and severity of losses: a cross-country comparaison”. Apllied Economics letters, 2013,20,167-172 13 Afrique, Canada, Chine, Asie de l'Est, Europe, Moyen-Orient, Océanie, Amérique latine, Royaume-Uni et États-Unis 11 6 différence du type de l’incident prévalant dans chaque pays ou groupe de pays 14 et la dominance de certain type d’événement dans une ligne de métier15 . En 2014, Fiordelisi et al ont montré que le lieu géographique représente un déterminant significatif de la sinistralité des pertes opérationnelles. En effet, les pertes opérationnelles des banques européennes sont plus importantes que celles des banques américaines. Ce résultat est justifié par la différence entre les pays en matière de processus de gestion des risques, de système légal du pays, de degré de conformités aux normes bâloises et à la transparence en matière de divulgation des informations. Certes, nous pouvons énoncer qu’il est évident que la fréquence et la sinistralité des pertes opérationnelles varient à travers les pays. La décision de considérer un pays significatif que l’autre dépend de plusieurs éléments à savoir : le nombre d'événements des pertes opérationnels rapporté pour chaque pays, le gouvernement d'entreprise, la situation économique et politique. De ce fait, la réflexion financière s’est orientée dans l’étude de relation entre l’environnement macroéconomique et le risque opérationnel. -Facteurs macroéconomiques comme déterminant du risque opérationnel: Les pertes opérationnelles extrêmes entrainent des effets significatifs sur la réputation de tout établissement de crédit puisque l’activité de ce dernier est fondée principalement sur la confiance16 . De ce fait, les institutions bancaires sont à l’obligation d’améliorer leurs manières de gestion de ce type de risque, afin de restaurer la confiance de leurs actionnaires, leurs clients et les régulateurs. Néanmoins, la crise des subprimes a fait la preuve que les incidents opérationnels peuvent être causés non seulement par une défaillance ou inadéquation interne mais plutôt par l’environnement externe dans lequel la banque opère. Dans ce cadre, une variété des travaux de recherche ont fourni la preuve que les pertes opérationnelles sont environnementaux tels cycliques que les et sensibles travaux aux de : facteurs Allen et macroéconomiques Bali (2007), et Azamat Abdymomunov(2014), Hess (2011, b), Chernobai et al (2011), Moosa Li et (2012,2013 et 2015)…), Hess (2011, b), Chernobai et al (2011), Cope, E. and Carrivick, L. (2013)… 14 Les fraudes internes sont beaucoup fréquent en Afrique, Chine, Japon, Midle East et Amérique Latine mais d’une faible proportion au Royaume Unis 15 En chine, les fraudes internes sont plus fréquents dans la ligne d’affaire « banque commercial » alors que les fraudes internes aux Etats-Unis sont plus fréquent dans les lignes de métier courtage de détail et gestion d’actif 16 Kamiya et al. 2013, Fiordelisi et al, 2014 Cummins et al, 2006 7 Les chercheurs Allen et Bali (2007), Hess (2011, b), Chernobai (2011), Cope, E. et Carrivick, L. (2013) ont analysé l’effet de la conjoncture du pays sur le risque opérationnel. Les résultats empiriques ont montré la valeur du VaR17 est devenue plus importante lors de l’introduction dans leurs modèles de régression d’une variable explicative catégorique appelée période de temps (TP). En d’autres termes, les pertes opérationnelles sont extrêmement significatives pour les lignes de métiers « Activité de marché» et « courtage de détail » lors de l’introduction de la variable TP et plus précisément durant la dernière crise. Des lors, ce constat nous permet de conclure que les risques opérationnels dépendent de la conjoncture économique du pays. En effet, les dysfonctionnements opérationnels sont au cœur des pertes enregistrées lors de la crise et non pas liées à des défaillances d’insolvabilité des clients comme certains chercheurs l’ont pensé. Ainsi, l’effet macro-économique sur le risque opérationnel a été analysé à travers d’autres indicateurs à savoir: le produit intérieur brut, le taux d’intérêt, le taux de chômage et le revenu national par habitant … Dans le contexte américain, Moosa Imad (2011)18 ont étudié l’incidence du taux de chômage sur 3239 incidents opérationnels des firmes américaines durant la période 1990-2007. Ils ont montré l’existence d’une relation significative entre le risque opérationnel et la situation de l’économie américaine. Le taux de chômage a augmenté avec les fraudes internes lors de la crise puisque les firmes réduisent les dépenses en matière de contrôle internes. En d’autres termes, les résultats obtenus font preuve que le taux de chômage est une fonction positive du risque opérationnel. Plus les fraudes internes sont élevés plus les personnels seront licenciés et donc le taux chômage augmente et vice versa. Néanmoins, cette relation a été révisée par l’étude de Cope et al (2012) qui prouvent que le taux de chômage n’a aucune incidence sur les pertes opérationnelles. Ils ont étudié l’effet de l’environnement macroéconomique sur l’occurrence de 57.000 incidents opérationnels de 130 pays durant la période du 2002 au 2010 à travers deux indicateurs à savoir : le produit intérieur brut (noté PIB) et le taux chômage. Les résultats ont révélé que les incidents opérationnels de type « Fraude interne » et « Pratique en matière d’emploi et sécurité sur le lieu de travail » sont fortement corrélés avec la croissance économique du pays. Quant au 17 Value at Risk (Valeur à Risque): la perte maximale qu’une institution bancaire pourrait subir sur période donnée 18 Moosa Imad : « Operationnal risk as a function of the state of the economy»Economic Modelling (2011) NO 28 pp 2137-2142 8 deuxième indicateur, les tests de régression ont montré qu’il n’a aucune incidence sur les pertes opérationnelles. Cependant, certains chercheurs nuancent cette relation entre le produit intérieur brut et le risque opérationnel. De ce fait, Azamat Abdymomunov (2014) a étudié la relation entre la croissance du produit intérieur brut et la survenance des pertes opérationnelles d’une firme bancaire. Les tests de régressions ont prouvé l’existence d’une relation négative entre le produit intérieur brut et les pertes opérationnelles et plus précisément les incidents de type « Clients, Produits et pratiques commerciales» et «Exécution, livraison et gestion des processus ». 19 En 2015, Moosa et Li ont analysé l’effet de l’environnement macroéconomique sur la sinistralité de 4388 pertes opérationnelles survenues 53 pays durant la période 1975-2008 à travers le Revenu National Brut (Gross National Income per capita). Ils ont montré que la majorité des pertes sont survenues dans les pays ayant un niveau de vie très élevé. En d’autres termes, les pertes opérationnelles sont significativement positives avec la variable GNI. -La gouvernance comme mécanisme de gestion du risque opérationnel: Les établissements de crédits constituent l’élément fondamental de la croissance économique mondiale puisque les faillites bancaires n’engendrent pas seulement une mauvaise réputation sur l’institution bancaire, mais plutôt une déstabilisation du système financier à travers les mécanismes de contagion. En raison de leurs spécificités par rapport aux entreprises industrielles, les banques sont exposées à une variété des risques : risque de crédit, risque de marché, risque opérationnel, risque de liquidité... Dès lors, le majeur défi des banques est de gérer leurs risques d’une manière transparente, saine et prudente afin de restaurer la confiance de sa clientèle, de ses actionnaires et des régulateurs et donc garantir leurs pérennités à long terme. La crise des subprimes , qui a ébranlé le monde économique ces dernières années, a révélé que les pertes enregistrées sont imputables à une inefficacité des systèmes de contrôle interne des institutions bancaires qui ont « gravement affecté la vie de milliers et même de millions de personnes, qu’il s’agisse d’employés, de retraités, d’épargnants, de créanciers, de clients, de fournisseurs ou d’actionnaires » (OCDE, 2007, p. 168). De ce fait, nous pouvons signaler que la gouvernance d'entreprise est clairement liée au risque opérationnel, parce qu’elle s'applique non seulement à la défaillance des procédures et des systèmes internes mais fournit 19 Annexe 2 9 l’ensemble des procédures des lois et des règles de conduite qui régissent la structure et la nature des opérations au sein des institutions. Dans le but de garantir la solvabilité et la stabilité financière, les institutions bancaires sont dans l’obligation de mettre en place les bonnes pratiques de gouvernance puisqu’elle représente le premier instrument prévention des risques bancaires. Ainsi, elle est considérée parmi les mécanismes préventifs des difficultés du secteur bancaire en particulier et du système financier en général. En conséquence, il est indispensable de signaler que la gouvernance bancaire diffère de celle des firmes industrielles en raison de leurs spécificités en termes de leurs opacité procréée par l’asymétrie informationnelle [Caprio et Levine, (2002); Levine (2004)], leurs niveaux d’endettement élevé [Macey et O’Hara, (2003)] et leurs réglementations [Prowse, (1997)]. Dès lors, l’étude de la gouvernance, comme déterminant du risque opérationnel, revêt un intérêt particulier des préoccupations des gestionnaires des risques, académiciens, professionnels, gouvernements et organisations internationales. Néanmoins, nous notons que les travaux qui ont traité ce sujet sont rares en raison de l’actualité du sujet et plus précisément dans les pays en développement, de l’indisponibilité des données et des difficultés de modélisation de ce genre de pertes. A l’issue de la dernière crise, Julia Allen et Jim Cebula (2008), Dennis I. Dickstein et Robert H. Flast (2009) ont étudié la relation entre la concentration de propriété et le risque opérationnel. Les résultats ont montré que l’impact de la concentration n’est pas significatif lorsque le contrôle réglementaire est important. Ces constats énoncent que la concentration de la propriété est moins importante dans les firmes fortement réglementées comme les banques. En d’autres termes, c’est la réglementation qui discipline les dirigeants. Toutefois, pour un niveau de contrôle réglementaire faible, la concentration de la propriété a un effet significatif et négatif sur la prise de risque bancaire. En 2011, Chenobai et al ont mené une étude de 925 événements opérationnels de 176 institutions financières américaines durant 1980-2005 afin de tester l’impact de la gouvernance sur la gestion du risque opérationnel. Les résultats ont montré que la gouvernance joue un rôle important dans l’explication des pertes opérationnelles. En effet, le nombre d’audit externes est négativement corrélé avec le risque opérationnel. En revanche, plus la taille du conseil d’administration, le nombre des administrateurs indépendants et les incitations des directeurs sont élevés, plus la banque est exposée à des dysfonctionnements opérationnels importants. 10 Ces constats prouvent que le conseil d’administration est le mécanisme le plus efficace en matière de gestion du risque opérationnel. Le conseil d’administration vise à délimiter les orientations opérationnelles et prendre la responsabilité de la stabilité de la banque [Greuning et Bratanovic, (2004)]. Dans un autre contexte, Ahmad Bello(2013) a analysé l’influence des mécanismes de gouvernance sur l’exposition aux risques. Il a mené une étude qui porte sur des données de 13 banques côtés sur le marché boursier nigérien durant la période 2005-2009. Il a expliqué les pertes opérationnelles à travers les variables explicatives suivantes : taille du CA, qualité d’audit, la rémunération des directeurs, crises, capitalisation et le levier financier. Les résultats obtenus suggèrent que les variables composition du conseil d’administration, qualité d’audit, capitalisation sont négativement corrélées avec l’exposition des banques nigériennes au risque opérationnel. Cependant, l’occurrence des pertes opérationnelles n’est pas influencée par les proportions du block holding et la rémunération des directeurs. En 2015, Moosa et Li20 ont analysé les déterminants de 4388 incidents opérationnels subis dans 53 pays durant la période 1975-2008. Ils ont introduit dans leurs modèles de régression des variables macroéconomiques et six indicateurs de gouvernance (Control of Corruption, Rule of Law, qualité de la réglementation, efficacité du gouvernement, stabilité politique et absence de violence ou de terrorisme, Voice and Accountability(discrimination). Les résultats d’estimation ont montré que les variables macroéconomiques sont positivement corrélés avec la variables RO contrairement aux variables gouvernance qui ont une incidence négative sur l’occurrence de la perte. Ils ont prouvé que le système légal n’a aucune incidence sur le risque opérationnel. Certes, nous pouvons signaler que la revue de littérature ne débouche pas sur un consensus sur le rôle joué par certains dans la gestion des pertes opérationnels et donc le sens de cet impact reste mitigé. En effet, le débat sur le lien entre la gouvernance bancaire et la sinistralité des pertes opérationnelles n’a pas été encore clôturé puisqu’il revêt un sujet d’actualité et que le processus de gestion du risque opérationnel des institutions bancaires et plus précisément celles des pays développées reste toujours en phase embryonnaire. Ceci nous amène à proposer un éclairage nouveau, dans la deuxième section, à travers l’analyse de l’impact 20 Larry Li et Imad Moosa (2015):”Operational risk, the legal system and governance indicators: a country –level analysis”. Applied Economics (2015): Vol47,No 20,PP2053-2072 11 quelques mécanismes de gouvernance sur la sinistralité des pertes opérationnelles des banques. Section 2 : Méthodologie A l’issue des scandales opérationnels marqués récemment, la réflexion des chercheurs, des académiciens et des politiciens est orientée vers l’analyse de l’impact des mécanismes de gouvernance sur la gestion des pertes opérationnelles (Julia Allen et Jim Cebula (2008), Dennis I. Dickstein et Robert H. Flast (2009), Claus Huber et Daniel Imfeld (2012), David Tattam (2012), Benedikt Wahler (2012)…). Cependant, ils ne débouchent pas sur un consensus quant au rôle joué par les caractéristiques des actionnaires et du conseil d’administration dans l’atténuation de ce type des pertes. Les travaux de BIS(2010),Chernobai et al (2011), Ahmad Bello(2013) se focalisent sur les caractéristiques du conseil d’administration et la rémunération des directeurs alors que les travaux de Li et al (2013) , Li et al (2015) sur les normes de conformité Bâloises, la corruption, l’état de l’environnement (absence ou présence de terrorisme, crise ou non), effet de levier, système légal du pays… Avant d’entamer l’étude de l’impact de la gouvernance sur la gestion du risque opérationnel, il est indispensable de déterminer les origines de l’occurrence des pertes opérationnelles d’une firme bancaire. En d’autres termes, nous visons à déterminer quel est l’impact des facteurs microéconomiques et macroéconomique sur les pertes opérationnelles ? Pour ce faire, nous procédons à une analyse multivariée en données de panel 21 de 1176 incidents opérationnelles de 14 banques durant la période 2006 - 2013. Cette section est structurée comme suit : D’abord, nous nous intéressons à la définition des aspects méthodologiques de notre étude empirique, à savoir les hypothèses à tester, l’échantillon et l’explication des variables. Ensuite, nous présentons d’une manière détaillée le modèle économétrique utilisé et les différents tests effectués. Ainsi, nous discutons les principaux résultats obtenus. 1. Les aspects méthodologiques : Dans ce qui suit, nous présentons le modèle économétrique tout en exposant les différentes hypothèses à tester et les variables à utiliser. 21 En économétrie, les données utilisées peuvent être des séries chronologiques (séries temporelles), des données en coupes transversales ou bien des données de panel. L’utilisation des séries temporelles repose sur l’hypothèse d’homogénéité des individus et étudie l’évolution de leurs relations dans le temps. En revanche, l’utilisation des données en coupes transversales repose sur l’hypothèse d’hétérogénéité des individus mais ne tient pas en compte des comportements dynamiques. Les données de panel possèdent les deux dimensions individuelles et temporelles. 12 1.1.Les hypothèses à tester A la lumière de la revue de littérature exposée précédemment, nous développons les hypothèses suivantes: -Hypothèse 1: Les montants de pertes rapportés dans notre base depuis les médias sont fiables et non basés sur des rumeurs ou des prédictions; -Hypothèse 2: Tous les incidents opérationnels ont la même probabilité d’être rapportés dans notre base. En d’autres termes, il n’y a aucun effet médiatique relatifs au type de l’incident; Hypothèse 3: La taille de la banque a un effet positif sur la sévérité des pertes opérationnelles ; Hypothèse 4 : L’environnement macroéconomique a un effet significatif sur la sévérité des pertes opérationnelles; Hypothèse 5 : Les types de l’incident et la ligne d’affaire ont un impact sur la sinistralité des pertes opérationnelles ; Hypothèse 6 : Relation négative entre la gouvernance bancaire et le risque opérationnel. 1.2.Présentation du modèle économétrique Rappelons que l’objectif principal de ce papier est d’identifier les facteurs déterminants de la sinistralité des pertes opérationnelles d’une banque. En se référant à l’hypothèse émise par Na(2006)22 , nous essayons de développer un modèle de régression estimant les pertes opérationnelles à travers non seulement des variables microéconomiques mais plutôt des variables liées à l’environnement dans lequel l’institution opère. De ce fait, la perte opérationnelle est exprimée comme suit: Perte i = f( CompCommune , Compidiosyncratique 22 (1) Hypothèse qui stipule que la perte opérationnelle est décomposée en deux composantes : - composante commune : une composante constante pour tous les établissements de crédit quelque les lignes d’affaires et les événements de perte. Elle fait référence à l’environnement macroéconomique, géopolitique, culturel ou à la nature humaine en général. Toutefois, il est toujours possible de considérer cette relation comme une fonction de variables d’état identiques pour toutes les banques, mais qui varient dans le temps. Par contre, il existe des éléments non observables relatifs à l’environnement de contrôle, qui sont donc difficiles à quantifier.. - composante idiosyncratique : le risque spécifique de l’institution financière. Ce sont les éléments quantifiables ou mesurables, comme la taille de la banque, le type de risque, la ligne d’affaires ou le lieu de l’événement de perte 13 Étant donné que la composante commune est constante, la relation (1) devient alors : Perte i = CompCommune ∗ g(Compidiosyncratique ) (2) Conformément aux travaux de Dahen et Dione (2010), nous exprimons la composante idiosyncratique comme une fonction d’autres facteurs que la taille de l’institution. Cette dernière est exprimée par la fonction h de la manière suivante : 𝑔(𝐶𝑜𝑚𝑝𝑖𝑑𝑖𝑜𝑠𝑦𝑛𝑐𝑟𝑎𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 ) = 𝐴𝑐𝑡𝑖𝑓𝑠 𝑎 ∗ 𝑓𝑎𝑐𝑡𝑒𝑢𝑟𝑠 De ce fait, nous pouvons réécrire la relation (2) sous cette forme: 𝑃𝑒𝑟𝑡𝑒 𝑖 = 𝐶𝑜𝑚𝑝𝐶𝑜𝑚𝑚𝑢𝑛𝑒 ∗ 𝐴𝑐𝑡𝑖𝑓𝑠 𝑎 ∗ 𝑓𝑎𝑐𝑡𝑒𝑢𝑟𝑠 Avec : 𝑓𝑎𝑐𝑡𝑒𝑢𝑟𝑠 = 𝑒𝑥𝑝( 𝑗 𝑏𝑗 ∗ 𝑓𝑎𝑐𝑡𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑖𝑗 ) En appliquant le logarithme, la relation devient alors : 𝐿𝑜𝑔 𝑃𝑒𝑟𝑡𝑒 𝑖 = 𝐿𝑜𝑔 𝐶𝑜𝑚𝑝𝐶𝑜𝑚𝑚𝑢𝑛𝑒 + 𝑎 ∗ 𝐿𝑜𝑔 𝐴𝑐𝑡𝑖𝑓𝑠 + 𝑏𝑗 ∗ 𝑓𝑎𝑐𝑡𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑖𝑗 (3) 𝑗 Notre contribution réside au niveau de l’introduction d’autres facteurs autre que la taille. En effet, nous ne limitons pas aux variables microéconomiques mais nous nous basons sur des variables macroéconomiques et des indicateurs gouvernance pour expliquer la sinistralité des pertes opérationnelles. Pour ce faire, nous testons, dans une première étape, l’incidence des facteurs spécifiques à la banque (taille, lieu géographique, type du risque, la ligne de métier) et des facteurs macroéconomiques (produit intérieur brut, inflation) sur le risque opérationnel. D’où, notre modèle de régression est le suivant : 11 Yit = 𝑎0 + 𝑎1 𝑇𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒 𝑖𝑡 + 𝑎2 𝑈𝑆𝐴 𝑖𝑡 + 17 𝑎𝑗 𝐿𝑀𝑖𝑗 ,𝑡 + 𝑗 =5 𝑎𝑗 𝑇𝑅𝑖𝑗 ,𝑡 + 𝐺𝐷𝑃𝑖, 𝑡 + 𝐼𝑁𝐹𝑖, 𝑡+𝑒𝑖,𝑡 (4) 𝑗 =12 Avec : i: la dimension individuelle qui indique le nombre des banques (i= 1, 2, 3 …., 14) t: la dimension temporelle qui représente l’année (t = 2006,2007, 2008 …, 2013) Yit : représente le logarithme du montant de la perte opérationnelle de la banque i durant l’année t a0 : représente le logarithme de la composante commune 14 Tailleit : représente le logarithme du total actif de la banque i pendant l’année t USAit : variable binaire qui prend la valeur 1 si la perte de la banque i a eu lieu aux Etats-Unis à l’instant t, 0 si non LMijt : une variable binaire qui prend 1 si la perte de la banque i a eu lieu dans la ligne de métier j, durant l’année t, 0 si non TRij,t : représente le type de l’incident opérationnel j de la banque i durant l’année t GDPi,t : correspond à la croissance du produit intérieur brut du pays i pendant l’année t INFit : représente l’inflation (la croissance des prix) du pays i pendant l’année t eit : représente le terme d’erreur qui suit une loi normale (O, σ2) Dans une deuxième partie, nous étudions l’incidence de la gouvernance sur la gestion du risque opérationnel à travers cinq indicateurs (taille du conseil d’administration, présence des administrateurs indépendants au conseil d’administration, existence de comité des risques au conseil, cumul des fonctions et l’application des normes IFRS). D’où le deuxième modèle est le suivant : 11 Yi = 𝑎0 + 𝑎1 𝑇𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒 𝑖𝑡 + 𝑎2 𝐸𝑈 𝑖𝑡 + 17 𝑎𝑗 𝐿𝑀𝑖𝑗 ,𝑡 + 𝑗 =5 17 𝑎𝑗 𝑇𝑅𝑖𝑗 ,𝑡 + 𝐺𝐷𝑃𝑖, 𝑡 + 𝐼𝑁𝐹𝑖, 𝑡 + 𝑗 =12 𝑎𝑗 𝐺𝑂𝑉𝑖𝑗 ,𝑡 +𝑒𝑖,𝑡 (5) 𝑗 =12 Avec i: la dimension individuelle qui indique le nombre des banques (i= 1, 2, 3 …, 14) t: la dimension temporelle qui représente l’année (t = 2006,2007, 2008 …, 2013) Yit : représente le logarithme du montant de la perte opérationnelle de la banque i durant l’année t a0 : représente le logarithme de la composante commune Tailleit : représente le logarithme du total actif de la banque i pendant l’année t USAit : variable binaire qui prend la valeur 1 si la perte de la banque i a eu lieu aux Etats-Unis à l’instant t, 0 si non LMijt : une variable binaire qui prend 1 si la perte de la banque i a eu lieu dans la ligne de métier j, durant l’année t, 0 si non TRij,t : représente le type de l’incident opérationnel j de la banque i durant l’année t GDPi,t : correspond à la croissance du produit intérieur brut du pays i pendant l’année t INFit : représente l’inflation (la croissance des prix) du pays i pendant l’année t eit : représente le terme d’erreur qui suit une loi normale (O, σ2) 15 GOVit : représente cinq indicateurs de gouvernance à savoir : *TCAit : taille du conseil d’administration, *DUALITY : une variable binaire qui prend 1 s’il s’agit d’un cumul de fonction, 0 si non *COMITYRISQ : variable binaire qui prend 1 si le comité de risque est présent au sein du conseil d’administration de la banque i durant l’année t *IFRS : variable binaire qui prend 1 si la banque i est conforme aux normes IFRS , 0 si non *ADMIN INDEP : variable binaire qui prend 1 s’il existe des administrateurs indépendants au sein du conseil d’administration de la banque i pendant t ei,t : représente le terme d’erreur . 1.3.Présentation du l’échantillon Notre échantillon est composé de 1176 incidents opérationnels23 de 14 banques durant la période 2006 - 2013, dont la répartition est représentée dans le tableau ci-dessous : Tableau 1 : Répartition des banques en fonction du pays Pays Nombre des banques Etats-Unis 4 Canada 4 Allemagne 4 Australie 2 Total 14 Le choix de l’année 2006 comme une date de début de la période d’échantillonnage n’est pas arbitraire mais se justifie par l’année qui précède le déclenchement de la crise des subprimes. En d’autres termes, ce choix vise à identifier la tendance de la sinistralité des pertes opérationnelles avant et après la survenance de ce scandale financier. 23 Les incidents opérationnels sont collectés auprès de la base de données ORX 16 1.1.Résultats et interprétations24 1.1.1. Analyse descriptive : -La variable dépendante : Les statistiques descriptives25 montrent que la moyenne de pertes opérationnelles est évaluée à 18.38 millions de dollars, avec un écart-type de 16.38 millions de dollars. La figue ci-dessous énonce que les pertes opérationnelles des banques ont tendance à évoluer au cours du temps et plus précisément durant l’année 2007-2008. Figure 1 : Evolution des pertes opérationnelles durant la période 2006-2013 1800 1600 1400 1200 1000 Evolution des pertes opétionnelles au cours du temps 800 600 400 200 0 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Ce constat paraît logique puisque les pertes enregistrées lors de la crise sont imputables à des évaluations erronées d’actifs subprime, des modèles de pricing focalisées sur l’innovation et des pratiques frauduleuses. -Les variables explicatives : A l’issue des résultats des travaux empiriques antérieurs, nous avons identifié un ensemble de variables explicatives susceptibles d’influencer le risque opérationnel à savoir : total actif, ligne d’affaire, lieu géographique, type de l’incident, produit intérieur brut, inflation et quelques mécanismes de gouvernance bancaire. *La taille : Les résultats descriptifs prouvent que les banques de notre échantillon sont de tailles très variables (taille minimum de 30.398 millions de dollars et maximale de 2416 millions de dollars). Le total moyen des actifs est évalué à 487.0677 millions de dollars. En se référant au graphe ci-dessous, nous remarquons que plus l’institution est grande taille plus elle est 24 25 Les résultats sont obtenus en appliquant le logiciel STATA Annexe 3 17 sensibles à avoir des pertes opérationnelles extrêmes (too big too fail). En d'autres termes, une banque ayant un total d’actifs plus élevé qu’une autre pourrait subir des pertes plus importantes. En effet, nous attendons à ce que la taille d’une firme bancaire soit corrélée aux pertes opérationnelles. Figure 2 : Total actif en fonction montant des pertes opérationnelles 0,6 0,5 0,4 0,3 Pertes opérationnelles 0,2 Total Actifs 0,1 0 Allemagne Australie Etats-Unis Canada *Le lieu: Nous avons introduit une variable binaire nommée USAit qui capte l’effet du lieu géographique sur la sinistralité des pertes opérationnelles puisque les banques de notre échantillon sont localisées dans des zones géographiques différentes (Etats-Unis, Canada, Allemagne et Australie). Le tableau ci dessous expose les statistiques des pertes opérationnelles en fonction du lieu : Tableau 2: Pertes opérationnelles en fonction du lieu géographique Allemagne Moyenne Australie Etats-Unis Canada des 26,081 6,311 28,991 17,455 des 15,794 10,878 18,075 7,6 pertes (M$) Ecart-type pertes (M$) Nous remarquons que la moyenne des pertes aux États-Unis est la plus élevée par rapport aux autres régions. Du point de vue variance, nous relevons que l’environnement Etats-Unis est le plus risqué en termes des pertes opérationnelles en comparaison avec les autres environnements (Canada, Allemagne, Australie). 18 Ce constat nous permet à supposer qu’à priori il existe une relation entre le risque opérationnel et le lieu géographique. Ce constat se justifie par la différence d’environnement, de législation, du processus de gestion des risques, de la situation politique du pays choisi. *La ligne d’affaires (LM): Afin de tester la relation entre l’incident opérationnel et la ligne d’affaire où a eu lieu, nous avons introduit seulement sept variables dichotomiques telles qu’elles sont définies par les autorités réglementaires26. Les résultats de l’analyse descriptive montrent que l’écart-type des lignes d’affaire CF, TS, PS, AS et RB sont élevés que les autres lignes. Ceci nous amène à constater que les pertes opérationnelles d’une banque sont sensibles aux lignes d’affaire. *Les types de risque (TR) : Afin de tester l’effet du type de l’incident opérationnel sur la sinistralité du risque opérationnel, nous avons introduit sept variables27. La figure ci-dessous montre que 33 % des pertes sont de type clients, produits et pratiques commerciales et 67% des pertes sont réparties entre les autres types de risques. Toutefois, les pertes de types « Dysfonctionnement de l’activité des systèmes : DPA » présentent le part le plus faible en matière des pertes opérationnelles en comparaison avec la totalité des types des incidents. De ce fait, ce constat nous mène à supposer que les types de risque ont un incident sur la survenance des pertes opérationnelles bancaires. 26 Annexe 1 CF : Financement d’entreprise (Corporate Finance) TS : Activité de marché (Trading and Sales) RB : Banque de détail (Retail Bankig) Cb : Banque Commerciale (Comercial Banking) PS : Paiement et Règlement (Payment and Settlement) AS : Fonction d’agent (Agency Services) AM : Gestion d’actif (Asset Management) 27 Annexe 2 IFF : Fraude interne (Internal Fraud) EF : Fraude Externe (External Fraud) EPWS : Pratiques en matière d’emploi et sécurité sur le lieu de travail (Employement Practices and Workplace Safety) CPBP : Client, produits et pratiques commerciales (Clients, Products and Business Practices) DPA : Dommage aux actifs corporels (Damage to Physical Assets) BDSF : Dysfonctionnement de l’activité et des systèmes (Business Disruption and System Failure) EDPM : Exécutions, livraison et gestion des processus (Execution, Delivery and Process Management) 19 Figure 3: Répartition des pertes opérationnelles en fonction du type de risque 8,96% IFF EF 21,07% 13,89% 7,73% 8,78% 6,46% EPWS CPBP DPA BDSF 33,11% EDPM *Variables macroéconomiques : Produit Intérieur Brut et Inflation : Nous avons choisi le produit intérieur brut comme indicateur macroéconomique car il représente un des principaux agrégats des comptes nationaux (selon Kok et al (2012)) et le plus utilisé par les chercheurs afin d’analyser l’impact de l’environnement macroéconomique sur l’occurrence des pertes opérationnelles (Chernobai (2011), Cope (2012), Azamet Abdymomunoc(2014))… Nous avons ajouté la variable inflation, comme deuxième indicateur macroéconomique, en raison de l’indisponibilité des études empiriques et théoriques traitant l’effet de l’évolution des prix sur le processus de gestion des pertes opérationnelles. En d’autres termes, cette variable est ajouté afin des tester l’impact de l’effet d’une augmentation des prix sur la survenance des incidents opérationnels au sein des banques. L’introduction de cette variable est parmi les apports empiriques de ce papier. Les résultats descriptifs suggèrent que le PIB moyen des pays retenus dans notre échantillon durant la période 2006-2013 est d’environ 1,36%. Il varie entre -5,6% et 4.1% avec une dispersion de 2,32. Quant à l’inflation, elle varie entre -0.4 et 4.4 avec un écart-type de 1.04. Ces résultats nous amène à noter l’existence d’une période de décroissance économique. En conséquence, nous attendons à ce que le PIB et l’inflation ont un impact significatif sur la sévérité des pertes opérationnelles. *La gouvernance : Bien que la rareté des travaux théoriques et empiriques traitant l’impact de mécanismes de gouvernance sur la gestion du risque opérationnel, nous avons ajouté à notre modèle de base (4), une nouvelle variable explicative GOVit qui représente cinq indicateurs de gouvernance 20 à savoir : taille du conseil d’administration(TCA), Duality (DUAL), ComityRisk (ComityRisk), IFRS28 ,Indépendance des administrateurs (AdminIndep). Les résultats descriptifs29 montrent que le nombre des membres du conseil d’administration des banques varie entre 06 et 20 membres avec une taille moyenne de 12,875. Concernant les variables binaires, nous remarquons que les banques de notre échantillon comportent en moyenne 0.44 d’administrateurs indépendants, en moyenne 0,26 comités de risques. Ainsi, l’application des normes IFRS sont en moyenne de 0.392 avec un écart-type de 0.49. Quant à la variable dualité (DUAL), elles enregistrent en moyenne une valeur de 0.696 avec et une dispersion de 0.461. 1.1.Examen de la corrélation Etant donnée les corrélations entre les variables explicatives sont faibles, l’examen de corrélation30 prouve qu’il n’existe pas un problème de multi-colinéarité. Ce constat a été renforcé par le test VIF puisque sa moyenne est inférieure à 10 pour les deux modèles (3.39 versus 3.68). Nous allons introduire donc l’ensemble des variables explicatives dans les deux modèles. Afin de déterminer la méthode d’estimation adéquate, nous avons réalisé certains tests à savoir : le test de présence d’effets individuels et le test d’hétéroscédasticité. -Test de présence d’effets individuels : Étant donné que les modèles utilisés dans notre étude sont des modèles de données de panel, il est indispensable tout d’abord de vérifier si la structure du panel est homogène ou hétérogène. En d’autres termes, nous testons si le modèle théorique est identique pour toutes les banques ou bien il existe des effets spécifiques à chaque institution bancaire. La perturbation 𝜀𝑖𝑡 est exprimée comme suit : 𝜀𝑖𝑡 = 𝛼𝑖 + 𝜇𝑖 + 𝜇𝑖𝑡 Avec 𝛼𝑖 : représente l’effet spécifique individuel aléatoire , 𝜇𝑖 : représente l’effet spécifique temporel aléatoire, 𝜇𝑖𝑡 : représente la perturbation standard. 28 IFRS (International Financial Reporting Standards): sont les normes internationales d’informations financières éditées par le bureau des standards comptables internationaux afin de standardiser la présentation des documents comptables au niveau international. 29 Annexe 5 30 Annexe 5 21 L’hypothèse nulle qui suppose l’existence d’un effet propre à chaque individu est exprimée comme suit : H0 : 𝛼𝑖 = 0. En effet, le modèle est dit homogène si et seulement si l’hypothèse nulle est acceptée c'est-àdire il existe une intercepte commune pour toutes les institutions et donc aucun effet individuel est marqué. Toutefois, le rejet de H0 conduit à conclure l’existence d’effets spécifiques individuels et par conséquent le modèle est hétérogène. En se basant sur les résultats de l’annexe 3, nous relevons que les modèles sont hétérogènes puisque la probabilité du test de Fisher est inférieure à 5%. -Test d’hétéroscédasticité : Afin de tester l'hypothèse d’homoscédasticité du terme d'erreur, nous avons procédé au test de Breush-Pagan LM31. Le tableau ci-dessous présume les résultats du test d’hétéroscédasticité. Tableau 3: Résultats du test Breush-Pagan LM p-value Modèle 1 Modèle 2 0.0000 0.0000 Les résultats du test d’hétéroscédasticité implique le rejet de l’hypothèse nulle puisque les p-value du test sont inférieures à 5%. En d’autres termes, nous relevons l’existence d’un problème d’hétéroscédasticité intra-individus entre les erreurs. Dans ce cas, l’application de la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO) est biaisée. 1.2.Discussions des résultats d’estimation Afin de pallier les problèmes d’hétéroscédasticité et d’autocorrélation des termes d’erreurs, nous avons opté pour la méthode des Moindres Carrés Généralisés(MCG) et plus précisément la méthode Generalized Least Squares (GLS). Le tableau ci-dessous expose les principaux résultats d’estimation du l’annexe 5: 31 Trevor Breusch et Adrian Pagan (1979), « Simple test for heteroscedasticity and random coefficient variation L’hypothèse nulle de ce test est exprimée comme suit : H0 : σ2 = 0 (variance constante) H1 : σ2 ≠ 0 22 Tableau 4: Résultats d’estimation du modèle 1 Variables Coefficient T statistique Constante 6.020*** 5.82 LnTA 0.162** 2.14 GDP -0.194* -1.76 0.443*** 3.03 IFF 0.042 0.80 EF 0.030 0.63 EPWS 0.069 1.14 CPBP 0.072* 1.70 DPA 0.043 1.06 BDSF 0.089** 2.20 EDPM 0.050 1.16 USA 0.977*** 3.37 CF 1.426** 2.95 TS 0.791** 2.02 RB 0.379 1.05 CB 1.173* 1.75 PS 0.946*** 2.32 AS 1.088** 2.30 AM 0.142 0.45 Indépendantes Inflation Nombre d’observations 112 R2 65.13% ***Significatif au seuil de 1%, **Significatif au seuil de 5%, *Significatif au seuil de 10% Nous observons une relation positive et significative au seuil 1% entre les pertes opérationnelles et la taille de la banque, ce qui permet d’affirmer l’hypothèse H3. La relation positive implique que lorsque la taille de la firme bancaire augmente, les banques deviennent plus sensibles aux pertes opérationnelles extrêmes (TOO BIG TOO FAIL). En d’autres termes, plus la banque est de grande taille, plus elle est exposée à des fraudes internes 23 (commises par ces personnels), fraudes externes et des défaillances au niveau de ces systèmes informatiques… Notre résultat corrobore ceux trouvés par Wei(2007), Aue et kalkbrener (2007), Dahen et Dionne(2010), Chernobai(2011), Fiordesli (2014). Conformément à nos attentes, nous retenons un impact positif et significatif des incidents de type « Clients, produits et pratiques commerciales (CPPC)» et « Dysfonctionnement de l’activité et des systèmes (BDSF)» sur la sinistralité des pertes opérationnelles des banques retenues. Ce constat prouve que la majorité des pertes enregistrées lors de la période 20062013 sont imputables à des violations de la confidentialité de la clientèle, à des ventes agressives envers des clients spécifiques, à des dysfonctionnements des systèmes (matériel, logiciel, interruptions d’un service public…). Notre constat est conforme à ceux obtenus par: LDCE, BIS-4,32 Dahen et Dionne (2010), Moosa et Li(2015), Christian (2013)… Concernant la relation entre la ligne d’affaire où l’incident opérationnel a eu lieu et le montant de la sinistralité des pertes opérationnelles, nous révélons que seulement les lignes financières sont significatifs et de signe positif à savoir : financement des entreprises (CF) , Activité de marché (TS), Banque commerciale (CB), Fonction d’argent (AS) et Paiement et Règlement (PS). Ce constat semble logique puique ces lignes d’affaire sont liées aux activités de titrisation et de financement des projets immobilier qui sont les origines de la crise de 2007. Cette investigation fait preuve que les pertes de la dernière crise sont imputables au risque opérationnel et non pas au risque d’insolvabilité des clients. Quant à l’environnement macroéconomique, nous remarquons que le coefficient de la variable Produit Intérieur Brut est négatif et statiquement significatif au niveau 10%. Cette relation prouve qu’une période de forte croissance d’une année à une autre indique une augmentation de l'activité économique, qui va engendrer une évolution de la qualité des processus de gestion des risques. Ce constat corrobore ceux trouvés par Azamat Abdymomunov(2014). 32 Loss Data Collection Exercise (LDCE) et Quantitative Impact Study 4 (QIS-4) : deux études menées par la Banque Fédérale Américaine et des agences de réglementation économique afin d’évaluer l’impact de Bâle II sur le capital minimum réglementaire requis. 24 L’inflation influence positivement et significativement la sinistralité des pertes opérationnelles des banques au seuil 1%. Cette investigation empirique fait preuve que la majorité des pertes opérationnelles sont survenus dans les pays à niveau de vie élevé. Plus le niveau des prix augmente, plus les banques diminuent leurs dépenses en matière de contrôle permanents des risques et donc elles sont sensibles à avoir des incidents opérationnels extrêmes. Moosa et Li(2015) ont trouvé les mêmes résultats en expliquant la sinistralité des pertes opérationnelles subies dans 53 pays par le Gross National Income per capita (Revenu National par habitant). En ce qui concerne l’impact des mécanismes de gouvernance sur la gestion du risque opérationnel, les résultats d’estimation sont présentés ci-dessous : Tableau5 : Résultats des régressions linéaires en données de panel Variables Explicatives Coefficients T statistique 3.634999* 1.88 TCA 0.1735425*** 3.25 Dual 0.1014728 0.27 ComityRisk -0.8682969*** -3.62 IFRS -0.7526969*** -2.91 INDEP -0.7063956** -2.46 Constante R2 58,66% Nombre d’observation 112 ***Significatif au seuil de 1%, **Significatif au seuil de 5%, *Significatif au seuil de 10% La valeur de R2 est égale à 58,66% ce qui nous amène à conclure que notre modèle possède une bonne qualité d’ajustement linéaire c'est-à-dire significatif. Nous notons une relation positive et significative entre la taille du conseil d’administration et l’occurrence des pertes opérationnelles au sein des banques. Cette relation implique que plus le nombre des administrateurs au sein du conseil d’administration est élevé plus la banque est sensible à avoir des incidents opérationnels importants. Ce résultat semble logique 25 puisque le conseil d’administration sert principalement les intérêts de ses actionnaires aux dépens des autres parties prenantes ce qui entraine des pertes liés à la discrimination entre les employés. Le signe positif du coefficient relatif à la taille du conseil d’administration des banques est conforme aux résultats trouvés par l’étude de Chernobai et al. (2011). En ce qui concerne le cumul du pouvoir au sein du conseil d’administration des banques retenues, notre hypothèse n’est pas validée puisque le coefficient de la variable DUAL n’est pas significatif. Nous remarquons que le président du conseil d’administration en étant aussi le président directeur général n’a aucune incidence sur la gestion des pertes opérationnelles. Bien que le code de bonnes pratiques de gouvernance (2008) recommande la séparation de pouvoirs au sein des banques, il semble que le cumul des fonctions dans 14 banques des pays différents n’a aucune incidence sur la gestion des pertes de défaillance des systèmes, de procédures des personnes ou des événements extérieurs. Quant à la présence d’administrateurs indépendants (administrateurs externes) dans le conseil d’administration, les résultats révèlent une relation significative et négative sur la sévérité du risque opérationnel. Ce constat affirme que la présence d’un administrateur indépendant permet certes de diminuer la sinistralité des incidents opérationnels des banques. En effet, la présence d’un administrateur indépendant peut représenter un contre-pouvoir au sein du conseil d’administration et entraver une politique de risque opérationnel peu prudente. Ainsi, nous notons un impact négatif et significatif de la variable comités des risques (COMITYRisk) sur la sinistralité des pertes opérationnelles. La présence du comité des risques au sein du conseil d’administration indique une bonne gouvernance d’entreprise et que les banques sont en mesure de respecter les normes bâloises en matière d’évaluation de leurs risques. Outre ces mécanismes, les résultats d’estimations nous dévoilent que l’application des normes IFRS a un impact négatif et significatif sur la survenance des pertes opérationnelles. En d’autres termes, plus les banques appliquent les normes IFRS, moins elles sont exposées au risque opérationnel. 26 Conclusion Ce papier de recherche vise à étudier les facteurs explicatifs de sur la sinistralité de 1176 pertes opérationnelles de 14 banques localisées dans des zones géographiques différentes durant la période 2006-2013. Notre étude empirique comprend deux parties : La première partie vise à identifier l’impact des facteurs microéconomiques (taille de la banque, lieu géographique, Type de l’incident, ligne d’affaire) et macroéconomiques (produit intérieur brut, inflation) sur la sinistralité des pertes opérationnelles. Les résultats d’estimation révèlent, d’une part, que plus la banque est grande plus elle est sensible d’avoir des pertes opérationnelles extrêmes. D’autre part, la conjoncture économique a un impact négatif sur le risque opérationnel. De même, les pertes opérationnelles des banques sont sensibles au type de l’incident (CPCP, BDSF) et plus précisément aux lignes de métier de nature financière (CF, CB, TS, AS). Nous notons aussi que les pertes opérationnelles dépendent du lieu géographique de la banque et que l’environnement Etats-Unis est le plus risqué en termes du risque opérationnel par rapport à l’Europe. La deuxième partie de ce papier est réservée à l’étude de l’impact des mécanismes de gouvernance sur la sinistralité des pertes opérationnelles à travers cinq indicateurs à savoir : taille du conseil d’administration, le cumul de pouvoir, présence des administrateurs indépendants au sein du conseil d’administration, existence de comités des risques au sein du conseil, l’application des normes IFRS). Nos résultats révèlent que plus le nombre d’administrateurs siégeant le conseil d’administration est élevé plus le risque opérationnel de la firme bancaire est important. Nous constatons, aussi, que le cumul du pouvoir à la tête du conseil n’a aucune incidence sur la sinistralité des pertes opérationnelles. Ainsi, la présence des administrateurs indépendants et le comité des risques au sein du conseil d’administration permettent d’atténuer les pertes liées au risque opérationnel. L’application des normes IFRS permettent ainsi d’atténuer les pertes opérationnelles. En somme, nos résultats montrent que les mécanismes internes de gouvernance ont un impact sur la politique de gestion des risques bancaires et plus précisément le risque opérationnel. 27 Bibliographie -Amandha Ganegoda (2010): « A Scaling Model for Severity of Operational Losses Using Generalized Additive Models for Location Scale and Shape (GAMLSS) ». https://www.researchgate.net/publication/228232431 -Azamat Abdymomunov (2014):«Banking Sector Operational Losses and Macroeconomic Environment». Working paper - Ahmad Bello: « Corporate governance and risk expoure of banks in Nigeria »The Busness and Management Review, vol 3, Number-2, January 2013 - Basel Committee on Banking Supervision (2006), «International convergence of capital measurement and capital standards », Bank of International Settlements. - Beck, T., Levine, R. and Loayza, N., 2000, «Finance and the source of growth». 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Pearson, 3éme édition, 30 Annexes Annexe 1 : Lignes de métiers (Business line) Niveau 1 Financement des d’entreprises Activité de marché Banque de détail Niveau 2 Groupe d’activité Financement des entreprises Financement collectivités locales / administrations publiques Banque d’affaire Fusions-acquisitions, engagement, privatisations, titrisation, recherche, titres de dette (état, haut rendement), actions, prêts consortiaux, introduction en bourse, placement sur le marché secondaire Service-conseil Vente Tenue de marché Prise de position pour le propre compte Trésorerie Banque de détail Banque privée Cartes Banque commerciale Banque commerciale Paiement et règlement Clientèles extérieures Fonctions d’argent Conservation Prestation d’argent aux entreprises Gestions d’actifs Courtage de détail Services de fiducie aux entreprises Gestion de portefeuille discrétionnaire Gestion de portefeuille non discrétionnaire Courtage de détail 31 Valeurs à revenue fixes, changes, produits de base, crédits, financement, titres sur position propres, prêts et pensions , courtage, titres de dettes , courtage de premier rang Prêts et dépôts, services bancaires, fiducie et gestion de patrimoine Prêts et dépôts, services bancaires, fiducie et gestion de patrimoine conseils en placement Cartes de commerçants/commerciales/d’entreprise de clientèle et commerce de détail Financement de projets immobiliers, financement d’exportation et du commerce, crédit –bail, prêts, garanties, lettres de change Paiements et recouvrements, transferts de fonds , compensation et règlements Dépôts fiduciaires, certificats de dépôts, prêts titres (client), opérations de sociétés Agents émetteurs et payeurs Gestion centralisée, séparée, de détail, institutionnelle, fermée, ouverte, capital investissement Gestion centralisée, séparée, de détail, institutionnelle, fermée, ouverte Exécutions et services complets Annexe 2 : Type d’événements : Event types Catégories d’événements (niveau 1) Fraude interne Fraude externe Définition Sous catégories (niveau2) Exemples Pertes dues à des actes visant à frauder, détourner des biens, ou à tourner des règlements, la législation ou la politique d’entreprise (à l’exception des atteintes à l’égalité et des actes de discrimination) impliquant au moins une partie interne à l’entreprise Activité non autorisée Transactions non notifiées (intentionnellement) Transactions non autorisées (avec pertes financières) Evaluation erronée d’une position (intentionnellement) Vol et fraude Fraude/fraude au crédit /absence de provisions Vols /extorsion / détournement de fonds/Vols qualifiés Détournements des biens Destructions malveillante des biens Contrefaçon Falsification de chèques Contrebande Usurpation de compte /d’identité Fraude /évasion fiscale (délibérée) Corruption /commissions occultes Délit d’initié (pas au nom de l’entreprise) Vol/ vol qualifié Contrefaçon Falsification de chèque Pertes dues à des actes visant à frauder, détourner des biens ou contourner la législation de la part d’un tiers Vol et fraude Sécurité des systèmes Pratiques en matière d’emploi et sécurité sur le lieu de travail Pertes résultantes d’actes non-conformes à la législation ou conventions relatives à l’emploi, la santé ou sécurité, de demandes d’indemnisation au titre d’un dommage personnel 32 Relation de travail Dommages dus au piratage informatique Vol d’informations (avec pertes financières) Questions liées aux rémunérations, avantages, à la résiliation d’un contrat Activité syndicale ou d’atteintes et à l’égalité /actes de discrimination Clients, produits et pratiques commerciales Pertes résultantes d’un manquement, non intentionnel ou dues à la négligence, à une obligation professionnelle envers des clients spécifiques (y compris exigences en matière de fiducie et de conformité ) ou de la nature ou conception d’un produit Sécurité lieu de travail Responsabilité civile (chuta..) Evénements liés à la rémunération sur la santé et la sécurité du personnel, rémunération du personnel Egalité et discrimination Tous types de discrimination Conformité, diffusion d’information et devoir fiduciaire Violation du devoir fiduciaire /de recommandations Conformité /diffusion d’informations (connaissance de ma clientèle…) Violation de la confidentialité de la clientèle Atteinte de la vie privée Vente agressive Opérations fictives Utilisation abusive d’informations confidentielles Responsabilité du prêteur Législation antitrust Pratiques incorrectes Manipulation du marché Délit d’initié ( au nom de l’entreprise ) Activité sans agrément Blanchissement d’argent Vices de production(absence d’agrément ..) Erreurs de modèle Insuffisance de l’analyse clientèle Dépassement des limites d’exposition d’un client Conflits sur l’efficience des prestations Pertes résultantes d’une catastrophe naturelle Pertes humaines dues à des causes externes (terrorisme, vandalisme) Matériel , Logiciel, Télécommunications Pratiques commerciales / de place incorrectes Défauts de production Sélection, parrainage et exposition Service-conseil Dommage aux actifs corporels Dysfonctionnement de l’activité et des Destructions ou dommages résultants d’une catastrophe naturelle ou d’autres sinistres Pertes résultant de dysfonctionnements ou 33 Catastrophes et autres sinistres Systèmes systèmes Exécutions, livraison et gestion des processus de l’activité ou des systèmes Pertes résultantes d’un problème dans le traitement d’une transaction ou dans la gestion des processus ou des relations avec les contreparties commerciales et fournisseurs Saisie, exécution et suivi des transactions Surveillance et notification financières Admission et documentation clientèle Gestion des comptes client Contreparties commerciales Fournisseurs 34 Interruptions/Perturbations d’un service public Problèmes de communication Erreurs dans la saisie, le suivi ou le changement Non respect de délais ou d’obligations Erreur de manipulation du modèle / système Erreur comptable / d’affectation d’une entité Autres erreurs d’exécutions Problèmes de livraison Fautes dans la gestion des sûretés Mauvais suivi des données de référence Manquement à l’obligation de notification Inexactitude dans les rapports externes (pertes) Absence d’automatisation /renonciations clientèle Documents juridiques absents /incomplets Accès non autorisé aux comptes Données clients incorrectes (pertes) Actifs clients perdus ou endommagés par négligence Faute d’une contrepartie hors clientèle Divers conflits avec contrepartie hors clientèle Sous-traitance Conflits avec les fournisseurs Annexe 3 : Statistiques descriptives des variables dépendantes et indépendantes Moyenne Ecart-type Min Max Pertes opérationnelles 18.383 16.389 0.0049 65.71 Total actifs 487.067 542.665 30.398 2416 GDP 1.364 2.328 -5.6 4.1 INF 2.166 1.0442 -0.4 4.4 IFF 103.916 300.948 0 2497.814 EF 161.051 426.869 0 3666.11 EPWS 101.850 240.493 0 1892.958 CPBP 384.021 1246.039 0 10025.36 DPA 74.910 260.337 0 2025.112 BDSF 89.629 260.995 0 2120.919 EDPM 244.374 350.314 0 1395.405 USA 0.285 0.453 0 1 CF 0.375 0.486 0 1 TS 0.330 0.472 0 1 CB 0.25 0.434 0 1 RB 0.366 0.483 0 1 PS 0.258 0.440 0 1 AS 0.294 0.457 0 1 AM 0.205 0.405 0 1 Variables dépendante et indépendantes 35 Annexe 4 : Résultats du modèle 1 -Matrice de corrélation -Test de Fisher et Breush-Pagan 36 -Résultats d’estimation 37 Annexe 5 : Résultats du modèle 2 -Matrice de corrélation 38 -Test Vif -Résultat d’estimation 39