L`ours brun s`aventure dans son ancienne patrie»

Transcription

L`ours brun s`aventure dans son ancienne patrie»
SpÉcial
L’ours brun s’aventure
dans son ancienne patrie
2009
pro natura magazine
2
Raphael
Weber,
rédacteur
en chef
Ni une peluche
ni un monstre
ni un «suranimal»
Tour à tour jouet de rêve pour la chambre
d’enfant, pilleur de pique-nique, lourdaud
pataud ou monstre sanguinaire adepte
de chair humaine: comme bien d’autres
membres de la gent animale, l’ours brun
jouit d’une multitude d’images au sein de
la population.
Pourtant, le plantigrade n’est pas un
virtuose du camouflage, c’est nous qui
l’affublons de toutes sortes de représentations, au gré de nos fantasmes ou de nos
fantaisies. Il n’y a qu’à se rappeler les débats passionnés suscités par la courte visite de JJ3 en Suisse, visite qui lui fut
d’ailleurs fatale. difficile à éduquer, cabochard, véritable danger public, impossible
à effrayer, héros sans peur et sans reproche, malicieux, sans-gêne, mignon, pauvre: voici quelques-uns des qualificatifs
dont l’ours s’est vu traiter dans les médias
suisses.
La réalité est cependant bien plus sim-
ple: l’ours n’est ni une peluche, ni un
monstre, ni un phénomène, mais tout
bonnement un membre naturel de la faune de l’arc alpin. Il fut durant des siècles
une espèce animale courante et respectée, et sans agressivité. Ce n’est qu’à l’avènement du fusil de chasse qu’il a fini par
disparaître, comme le bouquetin, le castor, le lynx et le loup.
Depuis, ces compagnons d’infortune
ont retrouvé le chemin de la Suisse, et à
présent c’est au tour de l’ours de frapper
à notre porte. Oui, Ursus arctor a sa place dans notre pays, comme jadis; à nous
de nous réaccoutumer à nos anciens voisins – on s’apercevra bien vite qu’ils sont
beaucoup plus discrets que ce que l’on
s’imagine.
Pro Natura Magazine spécial 2009
Neil McIntyre/NHPA/SUTTER
3
Sommaire
4 Le retour. Les ours font partie de la Suisse primitive. 8 Les sens en éveil. Comment les ours traversent les saisons.
10 Le coffre aux trésors. Pourquoi la forêt peut être un paradis pour les ours.
12 Les voisins. En Europe, ours et hommes vivent en paix, l'un à côté de l'autre.
14 Amateurs de bonnes choses. Les ours sont des gourmets.
16 Les gardiens. Les chiens de protection des troupeaux remettent les ours à leur place.
18 Une possibilité. Pourquoi la Suisse pourrait accueillir des ours aujourd’hui encore.
20 Un aperçu. Partout où l’on trouve des ours en Europe.
22 Contribution.
Pro Natura Magazine spécial 2009
Ce que Pro Natura fait pour l’ours.
Le retour d’anciens voisins
La légende raconte que le Duc Berchtold de
Zähringen a donné son nom à la ville de Berne après avoir abattu un ours au cours d’une
chasse organisée lors de la fondation de la ville,
en 1191. Cette légende pourrait être exacte d’un
point de vue purement faunistique: on trouvait
alors des ours vivant en liberté dans les environs
de la ville fédérale. Une douzaine de noms de
lieux du Plateau, évoquant clairement la présence d’ours, suggère que cette espèce était encore
répandue en Suisse vers la fin du Moyen Age.
Mais le recul de l’espèce avait probablement
déjà commencé. «Paix à toutes les bêtes, sauf
aux ours et aux loups», dit une vieille maxime.
Les deux prédateurs étaient les ennemis des
agriculteurs et des bergers. Des lieux-dits comme «Bärenfalle» (piège à ours), «Bärfang» (capture de l’ours) ou «Bärengrueben» (fosse aux
ours) témoignent des méthodes en cours au début de cette guerre d’extermination. La battue
avec des chiens et des lances comme seules armes demandait plus de courage. C’est seulement avec l’apparition, au 16e siècle, des fusils
se chargeant par la bouche qu’on a désormais
pu éviter un périlleux combat rapproché.
Les premiers Pères de l’Eglise ont posé les
fondements idéologiques de cette persécution
acharnée: dans la foi chrétienne, l’ours n’incarne pas seulement la force brute mais, pire encore, la débauche pécheresse. La prouesse de
Saint Lucius, patron de l’évêché de Coire depuis
le 13e siècle, était d’autant plus admirable. Avec
l’aide de Dieu, il est parvenu à amener la bête
féroce sur la voie de la vertu: un ours ayant dévoré un bœuf, Lucius lui a fait tirer la charrue à
sa place.
Après les défrichements… les fusils
Outre la traque dont il a fait l’objet, les grands
défrichements commencés au 7e siècle déjà, ont
également pu nuire à l’ours en le privant d’une
partie importante de son habitat naturel. Autour
Jacques Ioset
de 1500, l’ours avait déjà disparu de la plus
La présence fréquente
de l’ours dans les armoiries
témoigne du respect qu’il
inspire.
Pro Natura Magazine spécial 2009
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En se popularisant au 19e siècle, les fusils se chargeant par la culasse ont signé
la disparition provisoire d’un animal sauvage largement répandu et respecté. En
­dépit de nombreux efforts, aucun ours ne s’est établi en Suisse pendant une centaine
d’années. Mais voici que le plantigrade vient à nouveau frapper à notre porte.
grande partie d’un Plateau largement déboisé et
l’apparente à l’être humain. Cette parenté don-
sures si graves à la tête qu’il est mort le lende-
il n’a pu se maintenir plus longtemps que dans
ne matière à de nombreux mythes et prédesti-
main. «Il est juste de dire que l’ours craint et évi-
les régions périphériques accidentées. La derniè-
ne l’ours à devenir un animal emblématique,
te l’homme dans la mesure du possible», écrit en
re fois qu’on a aperçu un ours en dehors des Al-
symbolisant héroïsme et caractère indompta-
1871 l’inspecteur de la chasse du canton des Gri-
pes et du Jura, ce fut à Riggisberg (BE), en 1743.
ble. Dans son ouvrage «Der Bär in Graubünden»,
sons dans ses chroniques de chasse.
L’espèce disparut du nord des Alpes entre 1800
Christian Metz répertorie 33 armoiries familia-
et 1850, puis du Valais un peu plus tard et un
les comportant des ours ou au moins des pat-
pertes de moutons, de chèvres et de veaux. En
ours du Jura fut aperçu pour la dernière fois au
tes d’ours, et trois communes grisonnes portent
1868, des ours ont causé des dommages au pe-
Creux-du-Van (NE) en 1861.
l’animal dans l’écusson communal.
Sont restés l’Engadine, les vallées du sud des
Par contre, les paysans avaient à souffrir des
tit bétail estimés à 900 francs dans la région de
S-charl – une catastrophe pour une commune de
Grisons et le Tessin oriental. «Pour le moment,
Du bon argent pour un ours mort
montagne, même si l’on peut douter que l’ours
on ne peut pas parler d’une extermination du
Outre une certaine renommée, tuer un ours rap-
ait été le seul responsable.
prédateur dans ces régions inhabitées», écrivait
portait aussi de l’argent. En 1859, le chasseur
Friedrich von Tschudi en 1853 dans son ouvra-
Gian Luzi a encaissé une prime de 110 francs
ge «Thierleben der Alpen». Mais il se trompait:
pour un seul ours. Une vraie fortune pour l’épo-
Le Parc national n’est pas devenu une
réserve d’ours
entre-temps, on avait inventé les fusils se char-
que. Ces primes élevées étaient justifiées par la
La question des ours représentait également un
geant par la culasse, plus pratiques et plus précis.
nécessité de combattre des animaux qui cau-
point central lors de la fondation du Parc natio-
Au début du 19 siècle, les chasseurs grisons mal
saient des dommages mais qui ne représentaient
nal. Ainsi le professeur Carl Schröter écrivait-
équipés abattaient tout au plus une demi-dou-
pas un danger pour l’homme. Et effectivement,
il en 1906 dans la NZZ à propos du Val Scarl:
zaine d’ours par décennie. Entre 1840 et 1870,
sur plus de 700 mentions d’ours en Suisse – la
«Cette vallée conviendrait magnifiquement à la
création d’un Parc national suisse où ne pour-
e
ce nombre a passé à 112, beaucoup trop pour
plus ancienne date de 1342 – seuls cinq font état
une population déjà peu nombreuse. Autour de
d’incidents touchant des êtres humains.
rait retentir le bruit d’aucune hache ni d’aucun
1900, il ne restait plus que quelques individus.
Un seul d’entre eux s’est avéré fatal pour un
tir; elle possède de superbes forêts d’arolles, de
homme: en 1830, deux frères avaient tiré sur un
mélèzes et d’épicéas, des peuplements de pins
Animal emblématique de l’héroïsme
ours en Valais. L’animal blessé a alors asséné un
rampants sauvages, une belle flore alpine et si
On connaît presque tous les chasseurs d’ours
coup de griffe à l’un d’eux, lui causant des bles-
l’on prenait un morceau de la région voisine de
du 19e siècle par leur nom. C’étaient des héros de leur temps. Pas seulement parce qu’ils
avaient éliminé des animaux nuisibles et redoutés. Le respect qu’on portait à l’animal chassé
déteignait également sur la personne qui l’avait
abattu. Car la crainte et la haine n’ont jamais
été les seuls sentiments que l’homme a nourris
à l’égard de l’ours. Son caractère sauvage et sa
force suscitaient aussi l’admiration.
Selon les linguistes, le terme «berserk» pourrait
se rattacher à l’ours (Bär). Il désigne les guerriers particulièrement courageux qui ne connaissent pas la peur et ne sentent pas la douleur.
Dans maintes traditions, ils descendent d’un accouplement entre un ours et un être humain. Le
fait que l’ours puisse se dresser sur deux pattes et que ses yeux soient orientés vers l’avant,
..
)
Ω
Pro Natura Magazine spécial 2009
Yogi l’ours
Exemple type de l’ours de dessins
animés, Yogi l’ours a enchanté d’innombrables téléspectateurs dès les années 50. Yogi vit à
Jellystone, un parc national imaginaire, et son passetemps favori est le pillage des paniers
de pique-nique des visiteurs du parc.
Heureusement, le gardien Smith, dont
la pharse emblématique est «I can’t bear
to watch that bear», est là pour mettre
des bâtons dans les roues de l’ours espiègle et de son ami Boo Boo. Yogi a hérité
son appétit gargantuesque du grizzli, mais
il s’estime «plus malin que l’ours moyen» –
un gag récurrent caractéristique de son
égo surdimensionné. Ses combines pour faucher les pique-niques et toutes ses tentatives de fuites ratées,
quand une fois de plus le gardien Smith l’a
pris en flagrant délit, sont légendaires. raw
6
Knut
Depuis 1980, près de 70 ours blancs sont
nés en tout anonymat ou presque dans les zoos
allemands, mais au début 2007 il en est allé autrement:
Knut, le petit ourson rejeté par sa mère, faisait la une de l’actualité. Né fin 2006, élevé par une équipe du zoo de Berlin, l’ourson
orphelin déclenchait dans les médias une «Knutmania» incroyable: chaque semaine, les progrès du
petit ours étaient relayés fidèlement par les canaux
médiatiques régionaux; il a même eu droit à son propre blog. En mars 2007, 500 journalistes d’Allemagne
et de l’étranger sont venus assister à sa première apparition en public. Puis ce fut une véritable hystérie:
jour après jour, des foules de visiteurs se sont pressés
au zoo de Berlin, Knut a eu l’honneur d’un show télévisé, Knut orne un timbre, Knut est devenu une star de la chanson («Knut
ist gut» / «Moi c’est Knut») et bien sûr, les questions d’argent et de droits de
marque n’ont pas tardé à faire leur apparition. C’est que, durant les premiers mois de sa vie, Knut correspondait parfaitement à l’image que l’on
se fait du petit ourson tout doux et tout mignon; cela peut bien expliquer l’attention démesurée dont il fut l’objet pendant cette
période, ainsi que la relative indifférence dans laquelle il
est retombé une fois devenu adulte. Une bonne
leçon en matière de dynamique des
médias. raw
..
Ω
˘
se fraîchement créé a constitué un comité ours
afin de préparer d’éventuels projets. Paul Frei,
responsable des ours au Zoo de Zurich, a été
chargé d’autres études. «Une tentative de réintroduction pourrait être faite sur la base de tous
les rapports aujourd’hui disponibles», déclaraitil au comité en novembre 1966.
Paul Frei proposait d’opérer les lâchers dans
le Val Mora, une vallée latérale du Val Müstair.
Il avait également étudié les questions d’assurance et d’indemnisation des dommages causés
aux ruches et au petit gibier. La «Winterthur» se
montrait disposée à signer un contrat.
L’Italie rafraîchit la population
On pensait alors lâcher des animaux de zoos ce
qui fut aussi fait à titre d’essai dans le Trentin,
en vue de renforcer la faible population locale.
Les résultats ne furent pas très prometteurs. Les
l’Ofen, de vastes peuplements de pins de mon-
L’espoir d’un retour
jeunes ours lâchés ne voulaient pas retourner
tagne élevés, où vit encore l’ours». Le contrat de
En 1936, Stefan Brunies, cofondateur de la Ligue
à l’état sauvage. Ils mendiaient devant les hô-
servitude de 1913 prend en compte l’éventuelle
suisse pour la protection de la nature, l’actuel-
tels, rôdaient dans les décharges quand ils n’ap-
présence de l’ours: «Si les ours qui vivent dans
le Pro Natura, exprimait l’espoir d’un repeuple-
paraissaient pas en plein jour dans les villages,
la réserve devaient causer des dommages véri-
ment naturel du territoire du Parc national par
au grand effroi des habitants. Il a fallu les cap-
fiables avec certitude en dehors de la réserve,
l’immigration d’animaux depuis l’Italie: la der-
turer à nouveau. Les ours des zoos ne sont pas
une bonne solution. Cette constatation avait fait
sur le territoire de la commune de Zernez, le bé-
nière population de l’espace alpin vivait dans la
néficiaire de la servitude devrait alors répondre
région du massif de Brenta, dans le Trentin.
retomber tout l’enthousiasme du comité ours.
de ces dommages et ordonner éventuellement
Capturer un ours à l’état sauvage, personne n’y
le tir du fautif.»
Stelvio un an auparavant, l’ours disposait désor-
était encore jamais arrivé en Europe.
Avec la création du Parco Nazionale dello
mais de voies d’accès jusqu’à la frontière suis-
Dernière apparition en 1923
se sur la plus grande partie de son trajet, argu-
cé la Suisse jetant les bases d’un retour natu-
Cette mesure n’a pas été appliquée bien qu’un à
mentait Brunies. En 1939, l’Italie déclarait l’ours
rel de l’ours dans certaines parties de nos Alpes.
Quelques années plus tard, l’Italie a devan-
deux ours aient probablement vécu sur le terri-
espèce protégée, ce qui n’a pourtant pas empê-
Dix ours slovènes – sept femelles et trois mâles
toire du parc et dans ses environs au cours des
ché les tirs illégaux. Avec le recul continuel de la
– ont été lâchés entre 1999 et 2002 dans le Parc
premières années. «La constatation de la présen-
population du Trentin, on a vu s’amenuiser les
national d’Adamello Brenta, dans le Trentin. Par-
ce des ours est particulièrement réjouissante»,
chances d’un retour spontané de l’ours.
mi la population locale, seuls deux à trois indivi-
notait la Commission fédérale du Parc national
en 1915 dans son premier rapport annuel. «Un
chose, s’est insurgé dans les années 1940 le Ge-
les âgés.
C’est bien pourquoi il fallait faire quelque
dus étaient encore en vie, et seulement des mâ-
ours de belle taille a déjà été aperçu en octobre
nevois Robert Hainard, graveur sur bois et grand
1914 par une patrouille militaire à Praspöl. En
ami de la nature. Lors de ses expéditions dans
conserver une partie au moins du matériel hé-
Cette action est arrivée trop tard pour
novembre et décembre 1915, une ourse avec un
les forêts bulgares, il avait rencontré des ours vi-
réditaire spécifique de l’ours des Alpes: aucun
petit a été repérée dans la région de La Schera. Il
vant en liberté et il avait conquis l’amitié du der-
des ours indigènes n’a pu s’apparier à une fe-
est pratiquement certain que cette espèce s’ins-
nier roi de Bulgarie avec son enthousiasme pour
melle transférée. Mais les animaux slovènes se
tallera définitivement dans la région.»
les ours. Celui-ci avait généreusement offert de
sont bien acclimatés et se sont bravement mul-
mettre quelques-uns de ses animaux à disposi-
tipliés. Une descendance voit le jour toutes les
tion pour le repeuplement des Alpes suisses.
années depuis 2002. Jusqu’à aujourd’hui, trente
hors du Parc national. Quatre ans auparavant,
Ours de zoos, candidats malheureux
La population compte actuellement 20 à 25 ani-
Elle ne l’a pas fait, comme on le sait. La der-
nière apparition d’un ours sur le territoire suis-
ours au moins sont déjà nés, dont huit en 2008.
se a été constatée en 1923 au col de la Scaletta,
deux lycéens de Coire avaient encore aperçu une
Plus tard, le directeur du Zoo de Zurich, Heini
maux. Une étude de faisabilité avait montré que
ourse avec deux petits au Fuorcla Lavirum, en
Hediger, a également plaidé pour un retour de
le Trentin offre encore un habitat suffisant pour
basse Engadine.
l’ours et, dans les années 1960, le WWF Suis-
une cinquantaine d’ours. L’habitat potentiel va
Pro Natura Magazine spécial 2009
Jacques Ioset
Et de nouveaux ours ne
t­ arderont pas à venir en
Suisse. Ce n’est
qu’une question de temps
bien au-delà du territoire du parc, jusqu’à proximité de la frontière suisse.
Lumpaz a été le premier
Le 25 août 2005, le jour J était venu. A un kilomètre du Parc national, au col de l’Ofen, un ours
était aperçu sur le sol suisse pour la première
fois après presque cent ans d’absence. JJ2 – tel
était le nom que lui avait donné le projet ours
du Trentin – a fait la une de l’actualité durant
tout l'été. Il a été rebaptisé Lumpaz, ce qui signifie petit coquin en romanche. Fin septembre,
il a passé la frontière italienne pour se rendre au
Tyrol du Sud où l’on a perdu sa trace. Lumpaz a
probablement été victime d’un tir illégal.
En 2007, deux ours sont réapparus dans les
Grisons. L’un, MJ4, est resté discret. Après un
séjour d’environ un an en Engadine, il est retourné en Italie. L’autre, JJ3, n’a pu s’empêcher d’aller dans les villages pour y chercher de
la nourriture. Le canton a fini par délivrer une
autorisation de tir d’entente avec l’OFEV. Le 14
avril 2008, JJ3 était abattu par un garde-chasse.
Jurka a perdu sa méfiance de l’homme
Une cohabitation pacifique de l’ours et de
l’homme n’est possible que si tous deux s’évitent mutuellement. Lorsque des ours s’aperçoivent qu’on peut trouver à manger à proximité
de l’homme, cela peut devenir dangereux. La
mère de JJ2 et de JJ3, l’ourse Jurka, en avait fait
l’expérience, notamment parce qu’elle avait été
nourrie près d’une ferme. C’est là qu’elle a pris
son premier poulet. Ce comportement est ensuite devenu notoire, ce qui lui a valu d’être attrapée. Il n’est pas étonnant que ses petits non
plus n’aient pas eu peur de l’homme: la période d’apprentissage auprès de leur mère façonne
le comportement des ours.
En plus d’une protection des troupeaux de
petit bétail, il est donc nécessaire de prendre des
mesures pour empêcher les ours de s’habituer à
des sources de nourriture anthropiques. A l’intérieur de leur territoire vital, les ordures doivent
être jetées dans des conteneurs à l’abris des ours.
S’ils gardent leur méfiance instinctive, les ours
peuvent encore – ou à nouveau – vivre en Suisse. Il y a assez d’habitats naturels appropriés. De
nouveaux ours ne devraient pas tarder à venir
en Suisse. Ce n’est qu’une question de temps…
HANSJAKOB BAUMGARTNER
Pro Natura Magazine spécial 2009