Utopies transversales
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Utopies transversales
12 CULTURE LE COURRIER JEUDI 12 JANVIER 2017 Au carrefour des tendances urbaines, le passionnant blog Norient prolonge ses questionnements dans un festival de films et musique Utopies transversales RODERIC MOUNIR cette nouvelle géographie culturelle. «Ce livre est un rêve devenu réalité. En comptant les participants aux vernissages, expositions et lectures qui l’ont accompagné, plus de 200 personnes ont rejoint l’aventure. On ne ige rien, c’est un instantané et une déclaration d’intention pour le futur de nos activités.» Lausanne X Fenêtre ouverte sur «un monde nouveau» où la créativité et l’échange font i des ba r rières com merciales et culturelles, Norient est un festival pas comme les autres. Il est porté par l’enthousiasme d’un réseau de blogueurs, journalistes, chercheurs et artistes mus par la même passion. Son fondateur Thomas Burkhalter, ethnomusicologue et journaliste bernois, en est sûr: internet et ses réseaux collaboratifs ont rétréci le monde, aboli les hiérarchies et préjugés ethnocentristes. Ce week-end, le Norient Musikilm Festival croisera les regards et les disciplines dans trois lieux, la Reithalle à Berne, le Palace à Saint-Gall et le Bourg à Lausanne. Projection, concert, performance, DJs, le programme naviguera de l’Afrique du Sud à la Lituanie, de l’Allemagne aux Etats-Unis. «On voit émerger de tous les coins de la planète une nouvelle génération hyperconnectée et sans complexes, observe Thomas Burkhalter. Aujourd’hui, un contenu de qualité, un visuel attractif, un propos fort et un ton ludique vous assurent une visibilité.» Prenez Dope Saint Jude, en concert vendredi au Bourg: une rappeuse queer de Cape Town dont le low énergique pointe les inégalités qui perdurent en Afrique du Sud, avec un point de vue féministe radicalement positif. «Elle a une approche très fraîche du rap. C’est une lutteuse qui vous secoue et vous colle un Les bonnes questions Dope Saint Jude, rappeuse queer de Cape Town. DR immense sourire en même t e m p s », a s s u r e T h o m a s Burkhalter, qui l’a rencontrée à Cape Town lors d’une lecture. Nouvelle géographie Car le Bernois multiplie les activités autour de Norient. Au commencement était un blog, il y a une quinzaine d’années, où le journaliste musical publiait les versions longues de ses papiers. A force d’agréger les contributions, Norient devient un carrefour de questionnements sur les musiques urbaines et, plus largement, sur les pratiques culturelles à l’ère numérique. Constitué en collec- Walk The Line, floraison pop-rock transfrontalière Festival X Piocher le meilleur de la scène musicale émergente et le faire circuler par-delà les frontières. Un principe appliqué des deux côtés de la Sarine par Suisse Diagonales Jazz (notre édition d’hier). Pour les musiques pop-rock, Walk The Line est à la manœuvre: la quatrième édition de ce festival lémanique gratuit brandit six groupes jugés prometteurs, du 16 au 21 janvier. Walk The Line est porté conjointement par la FCMA, Fondation romande pour la chanson et les musiques actuelle – basée à Nyon – et la salle Château Rouge à Annemasse. Plusieurs clubs associés ont proposé chacun un groupe qui se produira en tandem franco-suisse. On découvrira la pop romantique d’Eugène et le folk electro des Wood Men le 17 janvier au Chat Noir à Genève, et le 21 à Château Rouge. Le quatuor post-rock Vagues s’acoquinera avec les rockeurs folk francophones Adieu Gary Cooper le 19 janvier au Romandie à Lausanne et le 21 à la Tannerie de Bourg-enBresse. Et le fracassant duo basse/batterie Nevraska se bousculera avec les métalleux Blasted le 18 janvier au Brise-Glace d’Annecy et le 20 au Port Franc à Sion. A noter que Walk The Line, à l’instar des Diagonales Jazz, offre à ses poulains en plus des concerts un encadrement en résidence et des formations théoriques (management, communication, organisation de tournée). Coup d’envoi lundi 16 janvier à Château Rouge lors d’une soirée où les six groupes se présenteront brièvement en showcase (18h), après quoi une conférence-débat (20h30) abordera le rôle des festivals dans le soutien à l’émergence locale, en présence des programmateurs des festivals Electron (Genève), Musiques en Stock (Cluses) et Nouvelles Voix en Beaujolais (Villefranche-sur-Saône). RMR www.facebook.com/wtlfestival tif avec Theresa Beyer, Hannes Liechti, Simon Grab, Michael Spahr, Sandra Passaro et Annegreth Schärli, Norient produit ses contenus entre Berne, Milan et Berlin, avec des apports de tous les continents. Histoire du sampling et du remix, bassmusic à Lima, punk à Los Angeles, electro du Bangladesh, femmes dans la scène metal du Botswana... Ce sont quelques sujets récents à découvrir sur le blog de Norient. En 2015, le collectif a édité un livre, Seismographic Sounds – Visions of a New World, qui compile sur 500 pages richement illustrées une cinquantaine de regards sur Des activités qui, on l’imagine, ont un coût; partiellement couvertes par des aides publiques (pour le livre), elles reposent surtout sur le bénévolat. A l’avenir, Norient vise une juste rétribut ion de s cont r ibut ion s, œuvrant à une refonte du site. En veillant à se poser les bonnes questions: «Faut-il se limiter à publier des auteurs anglophones appartenant aux élites éduquées? Je dis cela en tant que mâle blanc quadragénaire de la classe moyenne», souligne Thomas Burkhalter. Autre ambivalence, celle du confort offert par les nouvelles technologies: «Je peux interviewer via Skype un artiste que je viens découvrir deux heures plus tôt. Est-ce le meilleur moyen d’obtenir un résultat pertinent?» Réléchir aux déis posés par le journalisme culturel global est aussi le rôle de Norient. A l’heure où la presse mainstream privilégie la facilité et la proximité, le point de vue «translocal» de Norient – migrant et interconnecté – apparaît en phase avec l’époque. Vendredi, le volet lausannois du festival de ilms et musique du collectif en donnera un bel aperçu. I musikilmfestival.net, norient.com Délit de faciès et paranoïa d’Amor Scène X A Genève, le Théâtre Le Poche lève le voile sur l’écriture percutante du Suédois Jonas Hassen Khemiri dans J’appelle mes frères. Jonas Hassen Khemiri possède un sacré talent et bien du mérite tant le sujet est délicat. J’appelle mes frères évoque avec intelligence et humour la stigmatisation de l’étranger dans le contexte xénophobe né de la vague de terrorisme qui déferle depuis ces deux dernières décennies. Parue aux Editions Théâtrales en 2013 et traduite avec pertinence par Marianne Ségol-Samoy, la pièce s’inspire d’un premier jet écrit à la suite d’un attentat perpétré à Stockholm en 2010. «J’appelle mes frères et je dis: il vient de se passer un truc complètement fou. Vous avez entendu? Un homme. Une voiture. Deux explosions. En plein centre. J’appelle mes frères et je dis: non, personne n’a été arrêté. Personne n’est suspecté. Pas encore. J’appelle mes frères et je dis: préparez-vous. Ça va commencer.» Juché sur un étage surplombant ses interlocuteurs, Amor enchaîne effectivement les coups de il et sait déjà qu’il fait l’objet d’un délit de faciès. Jeune Suédois d’origine maghrébine, Amor nous livre sa paranoïa dans une sorte de monologue intérieur palpitant. Car l’auteur suédo-tunisien, couronné de succès dans son pays, ne se contente pas de faire parler ce personnage schizophrénique, doué à l’école mais possédant ses petits côtés obsessionnels: rebaptiser LA CHAUX-DE-FONDS JUBILÉ DU CENTRE CULTUREL ABC Lieu culturel réputé à La Chaux-de-Fonds, l’ABC fêtera ses 50 ans tout au long de l’année. Il tire son nom de Amateure Bühne Chauxde-Fonds, compagnie de théâtre amateur d’expression allemande au nombre de ses fondateurs en 1967. Installé à la rue du Coq depuis 1999, l’institution compte une salle de théâtre de 80 places, un cinéma d’une centaine de places, un café-restaurant et gère la programmation des spectacles du Temple-Allemand. Pour célébrer ce demisiècle, son site internet dévoilera des capsules multimédia réalisées par des artistes et des personnalités (vernissage ce vendredi). L’ABC revisitera la production culturelle de 1967 et sortira de ses murs par des promenades littéraires, cinématographiques ou musicales, ainsi que des représentations théâtrales dans la rue. Le public sera enin convié à participer à la création d’œuvres et d’événements. ATS www.abc-culture.ch EXPO, FILM ET SPECTACLE TARDI SUR TOUS LES FRONTS À GENÈVE Le créateur d’Adèle Blanc-Sec est à l’honneur au bout du lac. Dans le cadre des réjouissances de «Bang! Deux mois de la bande dessinée à Genève», la galerie Papiers Gras vernit aujourd’hui à 17h l’expo «Tardi – Un regard sélectif sur son travail», à voir jusqu’au 11 février. Avril et le monde truqué, ilm d’animation inpiré par son œuvre, sera ensuite projeté à l’Abri (20h). Enin, l’Alhambra accueille demain le spectacle musical Putain de guerre! Le Dernier assaut, évocation de l’enfer des poilus de 14-18 par des textes, des dessins de Tardi et des chansons interprétées par son épouse Dominique Grange (lire l’entretien paru vendredi dernier dans notre Mag). MLR www.bangbdgenève.ch PROJECTION-DÉBAT, GENÈVE PENSER L’AFRO-FÉMINISME Etre femmes et noires, issues de l’histoire coloniale européenne en Afrique et aux Antilles. La réalisatrice Amandine Gay a recueilli une vingtaine de témoignages de femmes ayant grandi en France et en Belgique dans Ouvrir la voix, ilm projeté au Spoutnik vendredi et samedi à 20h30. Diplômée de science-po, comédienne et contributrice au site d’information Slate.fr, Amandine Gay traite de l’afro-féminisme, de l’intersection des discriminations, de la pluralité des parcours et la nécessité de se réapproprier son récit. Une initiative conjointe du Spoutnik, du collectif Afro-Swiss et du groupe de recherche PostCit (Penser la diférence raciale et postcoloniale). RMR Ve 13 et sa 14 janvier, 20h30, en présence de la réalisatrice. spoutnik.info ROCK’N’ROLL, LAUSANNE MAUDITS MONSTERS! Quand les Monsters font chaufer pour la première fois leurs amplis un beau jour de 1986 à Berne, c’est en réaction à la pop insipide et au rock de stade qui dominent le paysage musical. Trente ans ont passé et ô surprise, les Monsters sont presque à la mode sans avoir dévié d’une note. C’est que le rock garage primitif du Révérend BeatMan (Beat Zeller à l’état civil) et sa clique, tout poisseux et mal embouché qu’il est, colle à l’esthétique rétro du moment. Sans doute en réaction au r&b pop dégoulinant d’Auto-Tune qui nous crible les tympans plus souvent qu’à son tour. Quoi qu’il en soit, les Monsters ont publié un nouvel album l’automne dernier, baptisé M en hommage au classique de Fritz Lang et au pedigreee douteux de ce gang de freaks. Un coup d’œil aux titres des chansons («Happy People Make Me Sick», «Let Me Spend The Night With Your Wife») suit à s’en convaincre. Samedi, le Romandie leur ouvre néanmoins les bras pour un concert en compagnie des Failed Teachers, de Lucerne. RMR Sa 14 janvier dès 21h au Romandie, Lausanne. leromandie.ch CONCERT, GENÈVE BACH DANS L’ORBITE DU CONSERVATOIRE Une mise en scène sobre. SAMUEL RUBIO son entourage du nom d’un élément («Lithium» pour son meilleur ami Shavi qui voit toujours les choses avec légèreté) ou harceler celle qui ne veut pas de lui, renommée son «Osmium». Le texte tisse aussi des conversations avec ses proches, qui remontent le il de son histoire personnelle et composent en somme un proil dont on n’a de cesse de se demander s’il est celui d’un tueur. Dans le petit écrin du Poche, passé du noir au blanc pour les quatre pièces du Sloop 3 dont J’appelle mes frères referme la série, Michèle Pralong assure une mise en scène sobre. Ce lundi soir de première, la distribution, hélas inégale, a manqué parfois sa cible. Ce qui gâche un peu la mise en relief d’un texte admirable, entre récit et discours direct, qu’il faut se hâter d’aller découvrir. CÉCILE DALLA TORRE Jusqu’au 29 janvier, Théâtre Le Poche, Genève, poche---gve.ch, rés. 022 310 37 59 Dans le cadre des Swiss Chamber Concerts, le Trio Alexander – Willi Zimmermann (violon), Ruth Killius (alto), Daniel Haeliger (violoncelle) – donnera samedi au Conservatoire de musique de Genève un concert intitulé «Planet Bach». Au programme, outre des préludes et fugues de Jean-Sébastien Bach, une Nouvelle œuvre (création mondiale) de Katharina Rosenberger, compositrice née en 1971 à Zurich, sur un fragment de Mozart pour trio à cordes, ainsi qu’un Divertimento de Mozart pour trio à cordes en mi bémol majeur K.563. MOP Sa 14 janvier à 20h au Conservatoire de musique de Genève, place Neuve. www.swisschamberconcerts.ch THÉÂTRE DU LOUP, GENÈVE LE VENT SOUFFLE SUR «JACKSON BAY» Quatre touristes se retrouvent bloqués sur une petite île de Nouvelle-Zélande. Que reste-t-il lorsque la nature pousse au silence, force à l’attente et contraint à vivre avec les autres? Jackson Bay, écrit et mis en scène par Stéphanie Blanchoud, raconte tout cela: «Une histoire de vent. De vent qui soule entre les mots, les doutes et les non-dits.» Lauréate du concours «Textes en Scène» porté par la Société suisse des auteurs, la pièce, bientôt éditée, est à découvrir au Théâtre du Loup à Genève. Une rencontre sur le thème «Ecrire pour la scène» est organisée en présence de l’auteure, comédienne, musicienne et metteure en scène, de Véronique Olmi (mentor du projet d’écriture et comédienne de Jackson Bay) et de la poétesse sonore Cosima Weiter (di 22 janvier à 15h, entrée libre). CDT Du 17 au 28 janvier, Théâtre du Loup, Genève, rés. 022 301 31 00, www.theatreduloup.ch