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Université Paul Valéry – Montpellier III UFR IV, Département AES Les innovations sociales et leurs impacts sur la santé des usagers Mémoire Master 2 Management International des Territoires et des Entreprises Moerani RAFFIN Année : 2012/2013 Sous la direction de M. Adda BENSLIMANE, Directeur de l’UFR 4 Jury : - M. Adda BENSLIMANE - M. Olivier TORRES REMERCIEMENTS Je remercie le Pr Catherine PEYROUX, directrice du Master 2 Management International des Territoires et Entreprises de l’Université Paul Valéry – Montpellier III de m’avoir acceptée dans cette formation. Je remercie le Pr Adda BENSLIMANE, directeur de l’UFR 4 de l’Université Paul Valéry – Montpellier III et directeur de mon mémoire, d’avoir accepté ce sujet de mémoire et pour être resté attentif au déroulement de mon travail. Je remercie le Pr Olivier TORRES de m’avoir donnée la possibilité d’effectuer mon stage au sein de l’Observatoire AMAROK. Ce stage m’a donné l’opportunité d’aborder de manière concrète et pragmatique la notion d’innovation sociale et de prendre une part active dans le développement de l’Observatoire. Je le remercie également de m’avoir donnée la possibilité de participer au développement de la visibilité de l’Observatoire AMAROK en me permettant de rédiger, sous sa direction, les dossiers de candidature des concours auxquels l’Observatoire va participer cette année. Je remercie l’ensemble de l’équipe de l’Observatoire AMAROK pour leur accueil chaleureux, pour leurs conseils, pour leurs disponibilités et pour avoir toujours accepté de m’apporter les éclairages nécessaires à mes questionnements. Je remercie Mlle Florence GUILIANI pour toute l’aide qu’elle m’a apportée pendant la rédaction de mon mémoire. Je remercie enfin M. Benoit PREVOST et Mlle Regina KHALILOVA de m’avoir fait découvrir cette notion d’innovation sociale et d’avoir stimulé mon intérêt pour ce domaine. 1 RESUME L’innovation sociale est un domaine de recherche qui n’a suscité l’intérêt des chercheurs que tardivement, ceux-ci préférant se consacrer à l’étude approfondie des innovations technologiques. Dans leurs tentatives à définir l’innovation sociale, les auteurs se sont heurtés à la complexité d’un concept peu connu. Les définitions de cette notion sont toutes complémentaires et mettent en lumière le principe qu’une innovation sociale se caractérise d’abord par un projet venant combler les lacunes du marché et de l’Etat qui se retrouvent impuissants à répondre aux problèmes sociaux existants. Les définitions de cette notion sont toutes complémentaires et mettent en lumière le principe qu’une innovation sociale se caractérise d’abord par un projet venant combler les lacunes du marché et de l’Etat qui se retrouvent impuissants à répondre aux problèmes sociaux existants. Les innovations sociales doivent apporter une solution durable et vouée à se propager à d’autres territoires. Elles peuvent aujourd’hui être classées dans les catégories suivantes : les innovations sociales créées par un ou des individus et les innovations sociales issues d’une politique publique. La problématique autour de laquelle s’articule ce mémoire réside dans le questionnement suivant : quels sont les effets à long terme, positifs ou négatifs, d'une innovation sociale pe sur son public cible ? Nous présenterons deux exemples d’innovation sociale centrée sur la prévention de la santé des usagers et de la bonne santé économique. Dans un premier temps, l’Observatoire AMAROK sera étudié dans le cadre des innovations sociales créées par un individu, le Pr Olivier TORRES. Deuxièmement, les télécentres du Pays de Murat, créés par la Communauté de Communes du Pays de Murat, seront étudiés dans le cadre des innovations sociales à l’initiative des collectivités territoriales. Mots clés : Innovation sociale, Observatoire AMAROK, télécentres, isolement, santé 2 SOMMAIRE REMERCIEMENTS ................................................................................................................ 1 RESUME ................................................................................................................................... 2 SOMMAIRE ............................................................................................................................. 3 INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................ 5 CHAPITRE 1- L’INNOVATION SOCIALE : UNE NOTION A DEFINIR ..................... 7 INTRODUCTION ........................................................................................................................ 7 SECTION 1- DEFINITION ET CARACTERISTIQUES ....................................................................... 7 SECTION 2- HISTORIQUE SUR L’INNOVATION SOCIALE ........................................................... 13 SECTION 3- CONTEXTE DE L’INNOVATION SOCIALE ............................................................... 17 CONCLUSION ......................................................................................................................... 21 CHAPITRE 2- L’OBSERVATOIRE AMAROK, UNE INNOVATION SOCIALE A DESTINATION DES TRAVAILLEURS NON-SALARIES ............................................. 23 INTRODUCTION ...................................................................................................................... 23 SECTION 1- LE COMMENCEMENT DU PROJET .......................................................................... 23 SECTION 2- DESCRIPTION DE L’INNOVATION .......................................................................... 27 SECTION 3- LES RESULTATS DE CETTE INNOVATION ............................................................... 31 CONCLUSION ......................................................................................................................... 38 CHAPITRE 3- LES TELECENTRES DU PAYS DE MURAT, UNE INNOVATION A DESTINATION DES SALARIES ........................................................................................ 40 INTRODUCTION ...................................................................................................................... 40 SECTION 1- LE COMMENCEMENT DU PROJET .......................................................................... 40 SECTION 2- DESCRIPTION DE L’INNOVATION .......................................................................... 44 SECTION 3- LES RESULTATS DE CETTE INNOVATION ............................................................... 50 CONCLUSION ......................................................................................................................... 52 3 CONCLUSION GENERALE ............................................................................................... 54 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 56 TABLE DES MATIERES ..................................................................................................... 59 ANNEXES ............................................................................................................................... 62 ANNEXE 1- LA LETTRE DE GEORGES FRECHE DU 24 SEPTEMBRE 2009 ................................ 63 ANNEXE 2- LA LETTRE DE PIERRE LOUE DU 10 AVRIL 2013 .............................................. 64 ANNEXE 3- LA GRILLE DE CARACTERISATION DE L’INNOVATION SOCIALE ............................. 65 ANNEXE 4- LA TRIBUNE DANS LE JOURNAL LE MONDE DU PR TORRES ............................... 66 4 INTRODUCTION GENERALE Mon stage de six mois réalisé dans le cadre de mon cursus universitaire, s’est déroulé au sein de l’Observatoire AMAROK, premier observatoire de la santé des travailleurs non-salariés (dirigeants d’entreprise, les artisans, les commerçants et les professions libérales). L’Observatoire exclue de son champ d’étude les dirigeants salariés. Possédant le statut de salarié, ils ont droit aux mêmes protections sociales. Fondé en 2010 par le Pr Olivier TORRES, l’Observatoire AMAROK étudie la santé de cette population exclue du système de la médecine du travail actuel. Depuis la loi de 1946, en France, la médecine du travail se concentre presque exclusivement sur la santé au travail des salariés, écartant de fait, l’ensemble des travailleurs non-salariés. Au sein de cette association loi 1901, et sous le statut d’enquêtrice, ma mission a été d’administrer les questionnaires composant l’étude suivie par les dirigeants et de saisir informatiquement ces questionnaires pour permettre une analyse statistique des données. La charge qui m’a été confiée se révèle d’autant plus importante que sur les 412 dirigeants que compte la cohorte 2013, j’ai eu la charge de contacter 168 dirigeants, soit un peu plus d’un tiers de la cohorte totale. Une mission annexe m’a également été confiée. Afin d’assurer une visibilité et une propagation des idées de l’Observatoire, celui-ci se porte candidat, chaque année, à divers concours mettant en lumière les innovations sociales. Cette année, l’Observatoire désire se porter candidate à deux concours sur l’innovation : le Concours Européen de l’Entreprise Innovante – édition 2013 et le Prix Georges Frêche Université Sud de France - édition 2013. J’ai la charge de rédiger sous la direction du Professeur TORRES les dossiers de candidature. Le sujet de ce mémoire s’axe autour de l’étude des innovations sociales et de leurs impacts. La question qu’il convient alors de se poser est la suivante : quels sont les effets à long terme, positifs ou négatifs, d'une innovation sociale sur son public cible ? Afin de répondre à cette question, la méthodologie utilisée dans ce mémoire correspond à celle de l’étude de cas. Une approche théorique définissant, dans son ensemble, le concept de 5 l’innovation sociale permettra de mieux comprendre le thème étudié. Ainsi, définir, caractériser et étudier l’historique de l’innovation sociale permettront de mieux concevoir et de mieux appréhender les exemples qui seront étudiés par la suite : l’Observatoire AMAROK et les télécentres du Pays de Murat (Cantal, Auvergne). Mon stage au sein de l’Observatoire AMAROK m’a donnée l’occasion d’étudier une innovation sociale centrée sur les travailleurs non-salariés et de pouvoir obtenir des observations indirectes sur les innovations sociales. De ce fait, l’étude de cet innovation sociale sera façonnée par un exposé du projet, depuis l’origine du projet jusqu’aux premiers résultats observés aujourd’hui. Cette étude comportera également des observations tirées de mon expérience en tant qu’enquêtrice au sein de cette association. Les télécentres du Pays de Murat constitueront un deuxième exemple d’innovation sociale qui sera étudié dans ce dossier. Cette innovation met en relief des problématiques similaires auxquelles l’Observatoire AMAROK apporte une solution durable aujourd’hui. Il sera exposé que les télétravailleurs peuvent obtenir, soit le statut de salarié, soit le statut d’employeur, d’entrepreneur. Cette innovation complètera alors l’étude en offrant une approche complémentaire et qui nécessite de se positionner d’un autre point de vue, celle des collectivités territoriales. Le mémoire sera ainsi composé de trois chapitres. Le premier chapitre proposera une étude théorique de l’innovation sociale afin de pouvoir comprendre plus précisément le sujet. Suivra, dans un second chapitre, l’étude de l’Observatoire AMAROK, depuis les premières motivations de sa création jusqu’aux bienfaits visibles constatés aujourd’hui. Enfin, le dernier chapitre sera consacré aux télécentres du Pays de Murat, depuis leurs créations jusqu’aux résultats observés aujourd’hui. 6 CHAPITRE 1. L'INNOVATION SOCIALE, UNE NOTION A DEFINIR Introduction L’innovation sociale est un domaine de recherche qui n’a suscité l’intérêt des chercheurs que tardivement, ceux-ci préférant se consacrer à l’étude approfondie des innovations technologiques. Ce retard pris se révèle aujourd’hui par l’absence d’une définition unique de l’innovation sociale et le nombre très inférieur d’articles sur le sujet en comparaison aux articles sur l’aspect technologique de l’innovation. Ce chapitre sera consacré à l’étude théorique de la notion d’innovation sociale. Il s’agira alors de définir l’innovation sociale et, suite à cette définition, de lister les différentes caractéristiques de l’innovation sociale (les acteurs, les principes et les critères régissant les innovations sociales), d’étudier l’évolution historique de cette notion et enfin d’exposer le contexte européen et français dans lequel cette notion se développe aujourd’hui. Section 1 : Définition et caractéristiques Cette section a pour but de définir le concept d’innovation sociale dans tous ses aspects. Ainsi, après avoir fourni une définition de l’innovation sociale (I-), nous étudierons les acteurs travaillant et produisant de l’innovation sociale (II-), puis les principes régissant l’innovation sociale (III-) et enfin les critères permettant de qualifier un projet innovant de social. I. Une pluralité de définitions de l’innovation sociale L’innovation sociale a fait l’objet de plusieurs tentatives de définitions. Ces définitions peuvent être considérées comme complémentaires en ce que, bien souvent, les auteurs rajoutent des aspects de définition à celles existant déjà (A.). Néanmoins, s’il en est une à retenir, c’est celle du Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire de 2011 (B.). 7 A. Des définitions complémentaires L’innovation sociale souffre aujourd’hui d’une absence de définition unique qui satisferait l’ensemble des acteurs travaillant dans ce domaine. Cette partie sera alors consacrée à l’exposition de quelques-unes des définitions utilisées aujourd’hui. Dès 1997, le Québec effectue des recherches dans le domaine de l’innovation sociale. La définition qui sera alors retenue sera celle Camil BOUCHARD qui la définit comme suit : « toute nouvelle approche, pratique ou intervention ou encore tout nouveau produit mis au point pour améliorer une situation ou pour solutionner un problème social ou socioéconomique et ayant trouvé preneur au niveau du marché, des institutions, des organisations, des communautés ». Il apparait qu’une innovation sociale se doit d’être nouvelle par rapport à ce qui se fait déjà et doit répondre à un problème en proposant une solution qui sera exécutable, qui sera réalisable. Puis, en 2009, Nadine RICHEZ-BATTESTI, économiste et chercheuse française, complète cette définition en précisant que les innovations sociales répondent à des besoins peu ou mal satisfaits par l’Etat ou le marché et que « sans forcément faire l’objet d’idées neuves », ces idées sont conçues différemment. Ainsi, selon elle, des partenariats entre l’Etat, les collectivités territoriales et les entreprises privées sont nécessaire au développement de ces innovations sociales. Ces partenariats supposent une coopération entre tous les acteurs de l’innovation. Ces différents acteurs peuvent avoir des points de vue différents. Cependant, cette diversité permet une meilleure définition du problème, de ses causes et de ses conséquences. Cette même diversité permettra de trouver les meilleures solutions afin d’aboutir à l’objectif qu’ils se sont fixés : produire une innovation sociale qui apportera un changement durable et souhaitable. La diversité des acteurs semblent alors être une condition essentielle pour créer et mettre en œuvre des innovations sociales efficaces. La Commission Européenne1 offre une définition large de l’innovation sociale : il s’agit « d’élaborer de nouveaux projets, services et modèles afin de mieux répondre aux questions 1 COMMISSION EUROPEENNE. (Page consultée le 02 septembre 2013). Innovation Sociale. [En ligne]. http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1022&langId=fr 8 sociales. Les citoyens et les partenaires du secteur privé, notamment la société civile, sont invités à apporter leur contribution pour améliorer les services sociaux ». Dans cette définition, on retrouve la nécessité de trouver une solution nouvelle à un problème social et de la nécessaire coopération entre les acteurs. B. Une définition à retenir En 2011, le Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire (CSESS) a réuni un groupe de travail chargé d’étudier l’innovation sociale et de faire des propositions pour développer l’innovation sociale en France. Suite à ce travail, un rapport de synthèse2 fut publié en décembre 2011, dans lequel le CSESS propose la définition suivante de l’innovation sociale : « l’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et usagers. Ces innovations concernent aussi bien le produit ou service, que le mode d’organisation, de distribution, dans des domaines comme le vieillissement, la petite enfance, le logement, la santé, la lutte contre la pauvreté, l’exclusion, les discriminations… Elles passent par un processus en plusieurs démarches : émergence, expérimentation, diffusion, évaluation ». Au regard des définitions précédentes, le Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire reprend les différents éléments présents dans l’ensemble des définitions mais elle la complète en précisant que les innovations sociales ne concernent pas que des produits, mais également les services, les modes d’organisation et la distribution. Le Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire termine sa définition en expliquant que le développement d’une innovation sociale nécessite le respect d’un processus : l’émergence de ladite innovation, son expérimentation sur un terrain favorable, sa diffusion pour un partage des connaissances et enfin son évaluation. 2 GROUPE DE TRAVAIL DU CONSEIL SUPERIEUR DE L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (2011), « Rapport de synthèse du Groupe de travail Innovation Sociale – Projet d’avis » [En ligne]. Disponible sur : http://www.lelabo-ess.org/IMG/pdf/GT_IS_CSESS_dec2011.pdf (Page consultée le 15 août 2013) 9 De cette définition émerge des caractéristiques permettant de cerner le concept d’innovation sociale. Ces caractéristiques concernent les principes, les acteurs et les critères de l’innovation sociale. II. Les principes régissant l’innovation sociale Comme énoncé précédemment, parmi la pluralité de définition proposée sur l’innovation sociale, le Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire propose une définition très précise. De ce fait, quatre grands principes peuvent être retirés de sa définition. Premièrement, une innovation sociale doit répondre à un besoin social peu ou mal satisfait. L’innovation doit donc apporter une réponse concrète et efficace aux besoins identifiés, besoins que ni l’Etat, ni le marché ne peuvent satisfaire souvent en raison d’un manque de financement ou de retombées financières jugées insuffisantes au regard des retombées financières offertes par une innovation technologique. Les innovations sociales doivent alors apporter des modifications durables et non de simples changements éphémères. Deuxièmement, l’innovation sociale est, par essence, multidimensionnelle puisque, par sa finalité et par ses modalités, la réalisation de l’innovation sociale peut concerner tant un produit, un processus de mise en œuvre, une organisation… Troisièmement, l’innovation sociale doit permettre un « ancrage territorial fort ». L’objectif ici est de développer des initiatives de proximité, de promouvoir la coopération entre les acteurs locaux et de conserver une offre de biens et services dans des territoires fragiles ou enclavés, ce qui favorisera leur développement durable et participera à renforcer leur attractivité. Enfin, la production d’une innovation sociale suppose une gouvernance multi partie prenante. De ce fait, l’ensemble des acteurs du projet (salariés, collectivités territoriales, usagers, bénévoles…) s’associent dans la réalisation de cette innovation depuis sa construction jusqu’au pilotage du projet. 10 III. Les acteurs de l’innovation sociale La production d’innovations sociales nécessite que des acteurs s’impliquent tout au long du processus, depuis l’étude du concept à mettre en place jusqu’à sa production effective. En France, on dénombre quatre catégories d’acteurs concernés par la production d’innovation sociale. Ces acteurs coopèrent non pas pour leur intérêt particulier mais pour satisfaire l’intérêt général. En premier lieu, on retrouve les associations loi 1901. En contact direct et permanent avec la population, les associations peuvent plus aisément analyser et repérer les nouveaux besoins de la population et proposer des solutions adaptées à leurs problèmes. Le Groupe de Travail Innovation Sociale de Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire définit ces associations comme étant « le plus grand laboratoire d’innovations sociales français ». Subventionnées par l’Etat, ces associations peuvent ainsi définir des objectifs et les proposer aux autorités compétentes pour financement. Les fondations d’entreprise constituent la deuxième catégorie d’acteur. Reconnue d’utilité publique, ses fondations prennent de plus en plus d’essor en France. Certaines fondations comme la Fondation de la Macif, se concentrent sur la production d’innovation sociale. Ensuite, les entreprises sociales, qu’elles soient de forme privée (associative, coopérative, SARL…), à finalité sociale ou environnementale, constituent une nouvelle catégorie d’acteur qui travaille essentiellement sur les innovations sociales. Enfin, les collectivités territoriales produisent elles aussi des innovations sociales. Egalement en contact direct avec la population et devant être attentives à leurs besoins, elles financent les associations. Cependant, être un acteur de l’innovation sociale n’est pas suffisant pour qualifier leur projet d’innovation sociale. Il leur faut satisfaire à des critères précis. 11 IV. Les critères définissant l’innovation sociale Définir un projet de « socialement innovant » peut s’avérer difficile. C’est pourquoi l’AVISE et le Mouvement des Entrepreneurs Sociaux (MOUVES) ont entrepris la création, en 2011, d’une grille de caractérisation de l’innovation sociale3 à l’aide d’une trentaine d’acteurs de disciplines différentes (des acteurs de l’économie sociale et solidaire, des chercheurs, des acteurs de l’innovation, des acteurs publics). Cette grille est constituée de 8 critères socles constituant « le cœur de la caractérisation de l’innovation sociale », et de 12 critères complémentaires. Ces critères sont organisés autour de quatre axes clés d’appréciation du projet : il est nécessaire que le projet réponde à un besoin social mal satisfait, il doit générer d’autres effets positifs, il doit y avoir une phase d’expérimentation et de prise de risque et enfin, il est nécessaire que les acteurs concernés par le projet se soient impliqués dans sa réalisation. Les 20 critères pour caractériser un projet « socialement innovant » (Source : entrepreneur-social.net) Cette grille de critères vise à fournir une base solide et commune à tous les acteurs travaillant dans le domaine de l’innovation sociale. L’Avise et le Mouves fournissent, dans leur Guide de 3 Pour voir la grille de caractérisation, il faut se rendre à l’annexe 5 12 l’Innovation Sociale de juillet 20124, une liste d’acteurs concernés par l’utilisation de cette grille : - L’entrepreneur qui veut diagnostiquer son projet afin d’identifier des pistes d’amélioration ; - L’Organisme ou la collectivité qui cherche à sélectionner des projets innovants pour les financer ; - L’Incubateur qui propose d’accompagner des projets dans leur développement ; - L’Organisateur d’un appel à projets qui souhaite repérer des initiatives pour les mettre en valeur… L’utilisation de cette grille et du nombre de critères complémentaires retenus reste à la discrétion des acteurs concernés. L’innovation sociale est un domaine qui a connu un essor tardif. Historiquement, l’innovation technologique lui était préférée comme moteur de croissance. Section 2 : Historique sur l’innovation sociale Le premier théoricien à être connu pour ses travaux sur l’innovation est Joseph Schumpeter. Cependant, sa conception de l’innovation se borne à son aspect technologique. Cette pensée persistera jusqu’à la fin du vingtième siècle (I-). S’en suit des auteurs dont les recherches mettent en lumière l’importance de l’aspect sociale de l’innovation (II-). I. L’évolution de la pensée Selon la littérature, Joseph Schumpeter apparait comme le théoricien qui a permis l’évolution de l’analyse de l’innovation à travers sa notion de « destruction créatrice ». Bien que sa pensée soit toujours d’actualité, elle doit néanmoins être complétée par des théories nouvelles afin de mieux comprendre ce qu’est l’innovation aujourd’hui (A.). Les travaux de Schumpeter ont contribué à faire prévaloir la notion d’innovation technologique au détriment de la notion d’innovation sociale (B.). 4 AVISE et L’ASSOCIATION DES REGIONS DE FRANCE (2012). « L’innovation sociale, un levier pour le développement des territoires, repères et bonnes pratiques pour développer des politiques régionales de soutien à l’innovation ». Guide à destination des élus et des services, 28 p. http://associations.laligue.org/fr/ressources/paysage-associatif/economie-sociale-etsolidaire/313/publication-d-un-guide-sur-l-innovation-sociale-au-niveau-europeen.html 13 A. La pensée de Schumpeter Schumpeter n’a pas étudié directement le concept de l’innovation. L’innovation n’est qu’une partie de sa théorie première : la théorie de l’obsolescence de l’opportunité d’investir. Dennis HARRISSON5 explicite cette théorie en expliquant que le « développement économique n’est pas infini, que chaque forme tend vers une condition de satiété » (Harrisson, 2012). On peut alors comprendre que la croissance économique dépend fortement du renouvellement constant de l’industrie et des technologies utilisées. Ce renouvellement est fortement impulsé par l’évolution des besoins sociaux. Pour satisfaire ces besoins émergents, l’entrepreneur prend en charge la réorganisation de l’entreprise, ce qui permet à des entreprises plus productives de naître et de se développer, au détriment des entreprises utilisant des « combinaisons de production » (terme utilisé par Schumpeter) plus anciennes. L’entrepreneur qui innove n’agit pas dans son intérêt propre mais pour satisfaire l’intérêt général. Selon Schumpeter, l’entrepreneur n’est pas un inventeur mais un réorganisateur et ces inventions nouvelles seraient soit technologiques, soit organisationnelles et permettrait de bouleverser les modèles existants. Ce bouleversement se bornerait à une dimension économique et pour qu’une nouvelle forme d’organisation apparaisse, cela suppose que les ressources nécessaires au fonctionnement du système en place deviennent insuffisantes. De nos jours, ce même entrepreneur est définit comme un entrepreneur social, c’est-à-dire « un individu ou un groupe d’individu qui agit pour donner une réponse satisfaisante à un problème récurrent dans les systèmes ou qui est en mesure de traiter une nouvelle demande » (Harrisson, 2012). Ce besoin de donner une réponse nouvelle à un problème récurrent correspond aux définitions actuelles de l’innovation sociale. Même si Schumpeter parle de « nouvelles combinaisons de production » et non d’innovation, la pensée est bien présente. Dans sa conception de l’innovation, l’essentiel devient la recherche de la performance technologique, de la performance de l’entreprise. 5 HARRISSON, Dennis (2012). « L’innovation sociale et l’entrepreneur schumpétérien : deux lectures théoriques ». Revue Interventions Economiques [en ligne], 45 / 2012, mis en ligne le 01 mai 2012, consulté le 06 août 2013. URL : http://interventionseconomiques.revues.org/1710 14 B. La prédominance historique de l’innovation technologique Historiquement, l’innovation technologique a prédominé sur l’innovation sociale. Impulsé par Schumpeter, comme vu précédemment, l’innovation sociale n’a pas la « profondeur historique » (Dandurand, 2005)6 de l’innovation technologique. Innovation et technologie étaient si étroitement liées que la précision d’innovation technologique était inutile. Et cette conception persiste au 20ème siècle avec l’orientation donnée par les travaux de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) à travers le Manuel d’Oslo de 1992. En effet, dans les années 1990, l’étude du développement économique étant liée au développement technologique, à la création d’emplois et aux nouveaux marchés, la première tentative de définition de l’innovation se limite aux « innovations technologiques de produit et de procédé », omettant ainsi totalement la dimension sociale de l’innovation. Pourtant, l’histoire est jalonnée d’exemples d’innovations sociales qui ont été importantes pour l’évolution de la société. Louise Dandurand (2005) en cite quelques-unes : la monnaie, les lois, le mariage, les systèmes d’éducation ou de santé… Le deuxième Manuel d’Oslo de 1997 reprend également cette notion d’innovation technologique de produit et de procédé mais il en élargit l’application en incluant les secteurs d’activités de la fabrication, de la construction, des services publics et des services commercialisés. L’innovation sociale apparait réellement au niveau international avec Le Livre Vert sur l’Innovation de la Commission Européenne de 1995. Ce Livre vert permet de mettre en évidence l’évidente prédominance technologique que le Manuel d’Oslo a donné à l’innovation. La Commission Européenne affirme, dans ce même Livre vert, que toute innovation technologique nécessite également une dimension sociale pour son application dans son environnement : « la capacité d'associer de façon accrue, et dès le début, les travailleurs aux changements technologiques et à leurs conséquences sur l'organisation de la production et du travail est à considérer comme un facteur décisif ». 6 DANDURAND, Louise (2005). « Réflexion autour du concept d’innovation sociale, approche historique et comparative ». Revue française d’administration publique, 2005/3 n°115, p. 377-382. DOI : 10.3917/rfap.115.0377 15 Innovations technologiques et innovations sociales présentent des similitudes. Il leur faut l’engagement de plusieurs acteurs, acteurs qui ont pour objectif de résoudre un problème existant ou de répondre à un besoin nouveau. Tout comme l’innovation technologique, l’innovation sociale nécessite au préalable la définition d’une approche à adopter, la conception du produit ou du service à créer ou à modifier. Et enfin, pour que cette invention soit qualifiée d’innovation, il est nécessaire de pouvoir la diffuser et de trouver un public cible qui pourra l’utiliser. La notion d’innovation sociale a très vite fait l’objet de recherches par les auteurs de la deuxième moitié du 20ème siècle. Leurs définitions n’étaient cependant pas celle que l’on peut retenir aujourd’hui mais elles méritent d’être étudiées comme précurseurs. II. L’innovation sociale selon les auteurs du 20ème siècle Nombreux sont les auteurs qui ont tenté de définir le concept d’innovation sociale. Parmi ceux-ci, nous retrouvons Taylor, Chombart de Lauwe, Fontan et Chambon et ses collaborateurs (CLOUTIER, 2003). Ils définissent l’innovation sociale en termes d’objet, de processus, d’objectif, de finalité. La conception de l’innovation sociale selon Taylor recouvre des aspects de la définition actuelle de l’innovation sociale. En effet, on y retrouve les caractéristiques de faire les choses de façon nouvelle, de répondre à un nouveau besoin social, de la nécessité de constituer une équipe pluridisciplinaires. Taylor s’attache d’avantage à l’objet de l’innovation sociale dans sa définition. Selon lui, l’innovation sociale doit être la solution à un problème et la coopération entre les acteurs du projet est alors primordiale à la bonne marche du projet. Cependant, sa théorisation se borne à l’étude de la création et de la production de l’innovation sociale, occultant de fait l’implantation du projet et sa diffusion auprès du public ciblé. Enfin, Taylor propose cinq conditions de succès d’une innovation sociale : l’engagement des acteurs impliqués, la cooptation, la relation égalitaire, la recherche créatrice et le leadership idéologique. Chombart de Lauwe a une vision similaire du concept d’innovation sociale que Taylor. L’innovation sociale doit également être un projet nouveau solutionnant un problème existant, mais il intègre dans ses écrits le besoin de répondre à un idéal social. Il s’agirait alors 16 d’atteindre une « situation sociale désirée » sans que la situation actuelle ne soit nécessairement jugée difficile par les personnes désireuses de nouveauté. A cette notion d’objectif, de nouveauté et de désirabilité, Fontan ajoute que ce sont les futurs usagers de l’innovation sociale qui doivent porter le projet. En les associant directement au processus de production, les initiateurs de l’innovation sociale seraient alors un groupe de personnes qui éprouverait le même problème, qui aurait le même désir social et qui contribuerait ainsi à résoudre eux-mêmes le problème. Enfin, selon Chambon, David et Devevey, le caractère novateur d’une innovation n’est pas suffisant pour qualifier un projet d’innovation sociale. Il est nécessaire que le projet en question présente une discontinuité avec ce qui est déjà mis en œuvre afin de résoudre un problème particulier. Pour eux, « le terme d’innovation sociale recouvre des pratiques qui ne sont pas forcément nouvelles, (…) les pratiques dont il s’agit se posent en contraste des pratiques existantes ». Ils rajoutent que « innover, n’est pas forcément faire nouveau, mais faire autrement, proposer une alternative ». Ainsi, si une innovation sociale apporte la solution adéquate à un problème existant, c’est parce que cette solution novatrice est adaptée au problème et qu’il n’y a pas d’autres façons de faire. Pour produire des innovations sociales, il est alors nécessaire de respecter des conditions strictes. Il est tout aussi important de s’intéresser au contexte dans lequel s’inscrit la production de ces innovations sociales qu’il s’agisse du contexte au niveau européen ou national. Section 3 : Contexte de l’innovation sociale L’Europe ne s’est réellement intéressée à l’innovation sociale qu’à la fin du 20ème siècle (I-). La France, quant à elle, renouvela son intérêt au début du 21ème siècle (II-). I. Contexte en Europe : une prise en compte récente L’étude du contexte européen s’accompagne nécessairement de l’étude de la Stratégie de Lisbonne 2000 (A.), de l’étude de la Stratégie Europe 2020 (B.) et du lancement en 2013 du Common Strategic Framework for Research and Innovation (C.). 17 A. La Stratégie de Lisbonne 2000 Depuis 1995 et le Livre Vert sur l’Innovation de la Commission Européenne, l’Europe n’a eu de cesse d’accorder à l’innovation sociale une place prépondérante dans ses politiques publiques. Ainsi, lors du Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, fut adopté la Stratégie de Lisbonne (2000-2010). L’objectif poursuivi par cette stratégie était de faire face aux évolutions économiques engendrées par la mondialisation en développant, en Europe et au sein de l’Union Européenne plus précisément, une économie plus dynamique et plus compétitive, à l’horizon 2010. Les Etats membres de l’Union Européenne s’étaient engagés à mettre en place les politiques et les réformes nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. Ces objectifs comportaient notamment le besoin d’atteindre « les 70 % de taux d'emploi ou consacrer 3 % du PIB de l’UE aux dépenses de recherche et développement »7. Cependant, dès 2004, en raison d’un contexte économique plus préoccupant qu’au lancement du projet en 2000, une évaluation de mi-parcours de la Stratégie a été effectuée. Les résultats n’ayant pas été à la hauteur des attentes, le projet a été recentré sur la « promotion de la croissance et des emplois » occultant, de fait, la dimension sociale de l’innovation. Ce recentrage s’est traduit par la proposition de « lignes directrices intégrées » applicable pendant une durée de trois ans. Ces lignes directrices proposaient des indications méthodologiques et des objectifs intermédiaires aux Etats membres. La Stratégie de Lisbonne n’a cependant pas atteint tous les objectifs fixés à son échéance en 2010. Mais, elle a permis de recentrer les politiques publiques sur l’innovation. B. La Stratégie Europe 2020 En 2009, au cours d’un atelier sur l’innovation sociale organisé par le Bureau des Conseillers De Politique Européenne (BEPA), le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, réaffirmait l’importance de l’innovation sociale et de la créativité dans un contexte 7 TOUTELEUROPE.EU. (Page consultée le 06 septembre 2013). La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi (2000-2010), [En ligne]. http://www.touteleurope.eu/fr/actions/economie/politiqueeconomique/presentation/strategie-de-lisbonne-2000-2010-introduction.html 18 de crise économique et financière, pour relancer la croissance de manière durable, pour créer des emplois et pour renforcer la compétitivité. Ainsi, en 2010, pour sortir de la crise et relancer la croissance, une seconde stratégie fut adoptée : la Stratégie Europe 2020 « pour une croissance intelligente, durable et inclusive ». Cette stratégie reconnait l’importance de l’innovation sociale et fonde son développement sur trois moteurs de croissance : une croissance intelligente basée sur l’économie de la connaissance et sur l’innovation, une croissance durable basée sur l’utilisation de ressources vertes et compétitives et enfin une croissance inclusive basée sur une économie à fort taux d’emplois favorisant la cohésion sociale et territoriale. Parmi les sept initiatives-phares du projet, l’Initiative « Union pour l’Innovation » lancée en octobre 2010, offre à l’innovation sociale une véritable importance en la reconnaissant comme étant le moyen adéquat pour résoudre des problèmes existants non satisfaits ou nouveaux. Aussi, l’Initiative « Social Innovation Europe » lancée en mars 2011, a créé une plateforme virtuelle en réseau accessible à l’ensemble des acteurs de l’innovation sociale de toute l’Europe (entrepreneurs sociaux, secteur public, organismes à but non lucratif…) afin de pouvoir échanger les idées et retenir les meilleures d’entre elles dans le but de répondre aux objectifs fixés. L’élément clé de la Stratégie Europe 2020 réside dans le lancement en 2013 du Common Strategic Framework for Research and Innovation. C. Le Common Strategic Framework for Research and Innovation Ce cadre stratégique commun pour le financement de la recherche et de l’innovation doit être centré sur le « principe de compétitivité ». Il s’agit de la compétitivité de l’Europe, de ses entreprises, de ses chercheurs… Ce cadre stratégique doit avoir trois objectifs clés : servir le citoyen européen, accélérer « l’allure des perturbations scientifiques » (terme original : ‘accelerate the pace of scientific disruptions’) et renforcer l’industrie européenne et créer de nouvelles et innovantes industries. 19 En parallèle, le Fonds Social Européen et le Fonds Européen de Développement Régional demeurent toujours des leviers efficaces pour soutenir l’innovation sociale. II. Contexte en France : une volonté nouvelle La France porte également un intérêt grandissant pour l’innovation sociale et ainsi, le Programme d’Investissement d’Avenir de 2010 attribua une enveloppe de 100 millions d’euros aux actions de l’économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale. Suite à cela, le premier Ministre en 2009 souhaitait que la France « se dote d’une politique ambitieuse de développement de l’économie sociale et de l’entrepreneuriat social ». Ainsi, le Rapport Vercamer du 28 avril 2010 proposa quelques cinquante mesures et recommandations en faveurs de l’innovation sociale pour qu’elle soit intégrée au mieux dans les politiques publiques à venir. Suite à ce rapport, le Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire constitua un groupe de travail en 2011 chargé de proposer des projets afin de favoriser, en France, l’innovation sociale. Ce groupe de travail s’inscrivit tant dans le prolongement de l’engagement des politiques publiques envers l’innovation sociale, que dans un contexte d’inquiétude des associations qui observaient petit à petit un désengagement des finances publiques dans le financement des innovations sociales des associations. Dans son rapport de synthèse de décembre 2011, le Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire fit neuf propositions de soutien à l’innovation sociale : 1. Inscrire l’innovation sociale dans la loi cadre pour l’économie sociale & solidaire 2. Un socle de critères pour caractériser l’innovation sociale 3. Expérimenter une aide « Oseo Innovation Sociale » en s’appuyant sur 3 à 5 régions pilotes 4. Clarifier le recours au crédit d’impôt recherche en matière d’innovation sociale (CIR) 5. Mettre en place des écosystèmes favorables à l’innovation sociale en région 6. Constituer des fonds propres associatifs pour financer l’innovation sociale 7. Mettre en place un « diagnostic innovation sociale » (DIS) par les acteurs de l’accompagnement associatif 8. Sensibiliser et former pour accélérer le développement de l’innovation sociale 20 9. Stimuler l’innovation sociale par la commande publique Suite à ces propositions, la Boite à outils innovation sociale, disponible sur le site internet www.entrepreneur-social.net/innovation/ , a été créée. Enfin, en France, de nombreuses Régions et l’Association des Régions de France se mobilisent également pour l’innovation sociale à travers la mise en place de Stratégie Régionale d’Innovation (SRI). Ses stratégies concernent tant l’innovation technologique, que l’innovation sociale. Pour les Régions ayant mis en place ses stratégies, l’objectif est de rendre leurs régions plus compétitive économiquement sur le long terme. Des Régions telles que le Languedoc-Roussillon, l’Île-de-France et la région Provence-AlpesCôte-d’ Azur ont développées des projets dans le domaine. Dans le contexte de crise économique actuel, les Régions doivent ajuster leurs politiques publiques afin de répondre aux mieux aux besoins sociaux actuels. Cet ajustement doit nécessairement s’accompagner d’une aide au financement des innovations portées par les entreprises et le milieu associatif. Conclusion L’innovation sociale est un sujet d’étude complexe qui nécessite une étude approfondie du concept pour mieux en cerner les contours. Si son étude a prêté à une succession de tentatives de définitions, elles sont toutes complémentaires et mettent en lumière le principe qu’une innovation sociale se caractérise d’abord par un projet venant combler les lacunes du marché et de l’Etat qui se retrouvent impuissants à répondre aux problèmes sociaux existants. Les innovations sociales doivent protéger la population qui en a besoin et apporter une solution durable, une solution vouée à se pérenniser et se propager à d’autres territoires. L’importance d’une innovation sociale réside dans la rupture claire qu’elle doit apporter avec ce qui se faisait avant. La coopération entre les acteurs au projet est aussi une caractéristique de l’innovation sociale. Si l’on étudie la littérature, on s’aperçoit que les innovations sociales ont été reconnu comme solution efficace que très tardivement et elles peuvent aujourd’hui être classées dans trois catégories majeures : les innovations sociales créées par un ou des individus (les associations 21 notamment), les innovations sociales issues d’une politique publique, issues de la volonté d’une collectivité et les innovations créées par des entreprises sociales. Dans les deux prochains chapitres, nous étudierons deux exemples d’innovation sociale correspond aux deux premières catégories. Premièrement, l’Observatoire AMAROK sera étudié dans le cadre des innovations sociales créées par un individu, le Pr TORRES. Deuxièmement, les télécentres du Pays de Murat, créés par la Communauté de Communes du Pays de Murat seront étudiés dans le cadre des innovations sociales à l’initiative des collectivités territoriales. 22 CHAPITRE 2. L’OBSERVATOIRE AMAROK, UNE INNOVATION SOCIALE A DESTINATION DES TRAVAILLEURS NON-SALARIES Introduction L’Observatoire AMAROK, en tant qu’innovation sociale centrée sur les individus répond à une lacune quasi universelle de protection des travailleurs non-salariés. Si les salariés bénéficient aujourd’hui de protections efficaces et multiples, il n’en est pas de même pour un dirigeant d’entreprise, pour un artisan, pour un commerçant ou pour les professions libérales. A l’origine du projet, une « démarche individuelle de compassion et d’altruisme envers les groupes sociaux les plus démunis et vulnérables de la société » (HARRISSON, 2012). Cette démarche est celle d’un individu éclairé qui s’est intéressé au groupe des travailleurs nonsalariés et à l’impact de leur santé sur leur activité professionnelle. Les innovations sociales centrées sur les individus sont avant tout caractérisé par le fait que son créateur ne sera pas automatiquement bénéficiaire de l’innovation. On retrouve vraisemblablement ici l’explication d’une déclaration du Pr TORRES pour une interview accordée au journal La Croix « toute ma vie de chercheur je me suis intéressé au management des petites et moyennes entreprises et à leurs spécificités. Sans doute parce que je suis issu d’une famille de commerçants » (Le journal La Croix, 2011)8. Dans une première section, nous étudierons comment ce projet a pu émerger. Une seconde section sera consacrée à la description de l’innovation avant de finir avec une troisième section consacrée à l’étude des résultats que l’on peut déjà observé aujourd’hui. Section 1 : Le commencement du projet L’étude de l’Observatoire AMAROK nécessite de s’intéresser en premier lieu à l’origine du projet, c’est-à-dire à la raison première qui a poussé son fondateur à imaginer sa création (I-). Cela nécessite également d’étudier son processus de création (II-). 8 SIX, Anne-Isabelle. « Un observateur de la santé des patrons de PME » La Croix, 26 mai 2011 23 I. L’origine du projet : pourquoi cet observatoire ? L’Observatoire AMAROK, premier observatoire de la santé des patrons de Petites et Moyennes Entreprises (PME), est né d’un constat consternant de notre société actuelle. Alors qu’un suicide d’un salarié d’entreprise sera relayé par toute la presse nationale et traité en tant que fait de société alarmant, comme cela a été le cas pour les suicides des salariés du techno centre du Groupe Renault à Guyancourt, lorsqu’un patron de PME se suicide, seule la presse régionale relaye l’information en l’érigeant trop souvent en faits divers de quelques lignes. Pourtant, les suicides patronaux ne sont pas des cas isolés et chaque année, on dénombre de nombreux cas de suicides de patrons de PME en France, suicides qui se déroulent dans l’anonymat le plus total. Les raisons de ces suicides sont multiples et complexes et tiennent tant aux pressions familiales qu’aux pressions financières et bancaires qu’ils subissent. En effet, lorsqu’une banque décide de « lâcher » son client, cette décision est perçue comme une sentence pour les dirigeants d’entreprise. Echouer dans sa tâche de patron peut affaiblir les dirigeants et surtout affaiblir leur santé. Pourtant, la souffrance patronale est un phénomène largement ignoré. Ce manque de statistiques et d’étude ne semble pas propre à la France. C’est un phénomène générale et, à ce titre, l’expression même de « souffrance patronale » nait à la faveur d’une tribune dans le journal Le Monde : « L’inaudible souffrance patronale » (Torrès, 16 janvier 2009)9. Ainsi, le Pr TORRES, décrypte deux raisons majeures qui causent cette occultation du phénomène. Premièrement, depuis la loi de 1946, la médecine du travail se concentre sur la santé des salariés les spécialistes du travail. De ce fait, les spécialistes du travail, et plus spécifiquement les analystes de la souffrance au travail concentrent leurs travaux sur la souffrance salariale, et laissent supposer « que le patron est le bourreau ou celui qui est à l'origine de cette souffrance » (Torres, Le Monde, 2009). Dans un contexte où la souffrance au travail est causée par la domination, le chef d’entreprise ne peut ainsi souffrir. Le Pr Torrès continue son explication en affirmant que « la souffrance patronale est inaudible car les « souffrologues » sont sourds à cette population, qu'ils tendent 9 TORRES, Olivier. « L’inaudible souffrance patronale » Le Monde, 16 janvier 2009 24 plutôt à diaboliser ». Les dirigeants peuvent alors éprouver le sentiment qu’ils ne sont pas reconnus et compris. Deuxièmement, les dirigeants d’entreprise taisent leurs propres souffrances. Ici, l’explication avancée est celle de l'idéologie du leadership qui « contribue à faire du patron un leader qui impulse le mouvement (…) et qui se transmute en une figure divinisée, celle de l'entrepreneur héroïque ». Dans son article rédigé pour le dixième Congrès International Francophone en Entrepreneuriat et PME10, le Pr TORRES cite les qualités et les connaissances que l’on doit retrouver chez tous les grands chefs d’entreprise décrite par Henry FAYOL. Ainsi, un chef d’entreprise, se doit d’être en bonne santé et avoir une réelle vigueur physique, il doit être intelligent et posséder une vigueur intellectuelle, il doit posséder des qualités morale telles que la persévérance, le courage des responsabilités, de l’énergie… Dans un tel contexte de survalorisation, l’entrepreneur ne peut pas parler et reconnaître ses souffrances sans craindre que son image de leader n’en soit entachée. Un sentiment d’isolement peut alors l’affecter. Pourtant, aujourd’hui, les PME représentent 96 % du tissu entrepreneurial français, deux salariés sur trois et 55% du PIB français. Les dirigeants de ces PME sont alors la première source de richesse et d’emplois du pays. Il est vital de les protéger et il est légitime d’accorder notre intérêt à une dimension aussi importante que leur santé. II. La mise en place du projet L’Observatoire AMAROK a suivi un processus de conquête des esprits pour pouvoir voir le jour. Il a d’abord fallu conclure des partenariats (A.) pour ensuite pouvoir constituer la cohorte de chefs d’entreprise qui participera à l’étude de l’année (B.). A. La conclusion de partenariats Pour pouvoir étudier cette population, l’Observatoire AMAROK a conclu une convention tripartite avec le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) et la Mutuelle Malakoff Médéric pour une durée de trois ans. En devenant partenaires, ils permettent à l’Observatoire d’accéder à 10 TORRES, Olivier. « Quelques pistes provisoires de réflexion sur la santé des commerçants et artisans en France ». 10ème Congrès International Francophone en Entrepreneuriat et PME 25 leur liste de dirigeants d’entreprise et l’Observatoire peut, constituer sa base de données pour l’étude. Le Centre des Jeunes Dirigeants avait fait de la santé des dirigeants, le thème de la rencontre des réseaux du CJD qui s’est déroulé le 25 novembre 2011 à Paris devant plus de 500 chefs d’entreprise. La Mutuelle Malakoff Médéric, quant à elle, a exprimé un réel intérêt pour les recherches de l’Observatoire en ce qu’elles sont complémentaires aux recherches qu’elle mène déjà depuis plusieurs années. En effet, leur étude sur la santé des salariés et leur rapprochement avec l’Observatoire AMAROK leur a fait prendre conscience de l’importance non négligeable de se préoccuper de la santé des dirigeants. Un dirigeant moins attentif à sa santé sera moins attentif à celle de ses salariés. B. La constitution de la cohorte de l’étude La réelle difficulté qui apparait consiste à constituer en elle-même la cohorte de l’étude de l’année. Il faut à l’Observatoire une force de persuasion réelle pour convaincre les dirigeants de participer à l’étude tout au long de l’année. Travaillant de 40 heures à parfois plus de 70 heures par semaine, il faut convaincre les dirigeants du bien-fondé de l’étude à laquelle ils vont participer. Les arguments nécessaires sont alors l’assurance d’une étude anonyme. Chaque dirigeant est identifié avec un identifiant Amarok et, tout au long de l’étude, le dirigeant ne sera connue que sous son numéro d’identification. Seules les enquêtrices qui communiquent directement avec les dirigeants connaissent leur identité. Ceci tend à rassurer les dirigeants, qui, s’ils acceptent de se soumettre à cette étude, ne désirent pas toujours, pour autant, que cela se sache. Un deuxième argument tout aussi important est de leur affirmer que la volonté de l’Observatoire n’est pas de représenter une contrainte mais que son désir est de les aider et de leur faire réaliser de l’importance de se préoccuper de sa santé de manière préventive et non de manière curative. En effet, s’ils se sentent en excellente santé en période de bien être financier, un imprévu majeur peut impacter directement leur santé. Et un problème grave de 26 santé, peut affaiblir le dirigeant qui ne sera plus aussi performant dans son activité. Si la situation perdure, l’entreprise toute entière peut être amenée à disparaître. Section 2 : Description de l’innovation L’Observatoire AMAROK a pour finalité d’étudier la santé des dirigeants de petites et moyennes entreprises (PME) (I-). Pour se faire, elle a mis en place une étude réalisée sur des dirigeants d’entreprise volontaire (II-). I. L’Observatoire AMAROK, un observatoire dédié à la santé des dirigeants de PME Comme dit précédemment, les PME en France représentent 96 % du tissu entrepreneurial français, 2 salariés sur 3 et 55% du PIB français. Les dirigeants de ces PME sont sans conteste la première source de richesse et d’emplois du pays. Et pourtant, à ce jour et à la connaissance de l’équipe de l’Observatoire, il n’existe pas de statistiques sur la santé de ces hommes et de ces femmes qui ont décidé de se mettre à leur compte, à tel point que son fondateur, le Pr TORRES ose la formule « il y a plus de statistiques sur la santé des baleines bleues que sur celle des entrepreneurs ». Il est alors vital de protéger cette population. Cependant, « pour que les dirigeants de PME sortent de leur mutisme, encore faut-il que notre société ne soit pas sourde à leur détresse. Avant d’être sociale, la souffrance est d’abord humaine » (Torrès, Le Monde, 2009). Cette déclaration du Pr Torrès illustre parfaitement le but de la création de l’Observatoire AMAROK et c’est pourquoi, le premier objectif est d’établir des statistiques significatives sur la spécificité de la santé des dirigeants d’entreprise. Parmi les résultats obtenus et publié dans l’ouvrage La santé du dirigeant – de la souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire paru en juin 2012 chez De Boeck11, ceux-ci sont de trois ordres. On exclura cependant les dirigeants salariés de cette étude. En effet, possédant le statut de salarié, ils bénéficient de ce fait de toutes les protections propres aux salariés et sont donc protégés par la médecine du travail. 11 La santé du dirigeant. 2012. Sous la dir. de TORRES, Olivier. Bruxelles : De Boeck, 2012. 27 Le premier résultat affirme que « Entreprendre est bon pour la santé » car ces dirigeants ont le sentiment d’être en contrainte choisie et non en contrainte subie. Ainsi, l’Observatoire a identifié plusieurs facteurs que l’on peut qualifier de salutogène chez les dirigeants d’entreprise : la maîtrise de son destin, l’endurance, l’optimisme, le sens de l’engagement et l’efficacité personnelle sont des facteurs majeurs qui, en contexte de travail, peuvent être considérés comme protecteurs. Toutefois, il est apparu que, bien qu’en meilleure santé que des managers salariés, les travailleurs indépendants présentent un risque plus élevé pour leur santé. Ce risque de santé s’explique par le fait que le dirigeant de PME est soumis, d’une part, à une forte exposition patrimoniale, facteur de risque économique majeur (dépôt de bilan, redressement judiciaire, garantie et cautionnement bancaires…), et, d’autre part, à des risques psychosociaux spécifiques (responsabilité pénale et sociale du dirigeant, incertitude du carnet de commande, salaires résiduels, risque de trésorerie, surcharge de travail constante…). De ces deux premiers résultats, il faut en conclure que le dirigeant d’entreprise a une santé meilleure mais plus risquée. Or, le comportement d’un entrepreneur a tendance à occulter les problèmes de santé. L’idéologie du leadership le pousse à minimiser ses problèmes ou, tout du moins, il se doit de montrer une image d’un dirigeant infaillible. Ces collaborateurs attendent de lui une image rassurante. De ce fait, les dirigeants sont très peu préventifs en matière de santé. On peut ici avancer la thèse d’un déni de santé. II. L’objectif de l’Observatoire : produire des statistiques médicales dédiées aux travailleurs non-salariés Pour établir des statistiques significatives sur la spécificité de la santé des dirigeants d’entreprise et pour pouvoir proposer des actions concrètes réalisables de manière préventive et non curative, l’Observatoire AMAROK, s’est donné pour mission d’étudier l’ensemble des éléments ayant trait à la santé des travailleurs non-salariés et d’étudier les liens entre la santé des entrepreneurs (dirigeants de PME, artisans, commerçants, professions libérales) et la performance de leur entreprise. 28 L'observatoire a une double finalité. Sociétale d’abord, l’objectif est de sensibiliser l'opinion publique à l'importance de la santé des travailleurs non-salariés que ces derniers soient artisans, commerçants, dirigeants de PME ou professions libérales. Scientifique ensuite, il s’agit de construire un pont entre les sciences médicales et les sciences de l'entrepreneuriat. A cela, s’ajoute un objectif entrepreneurial qui est d’établir un télé-service de santé au travail des chefs d’entreprise afin de développer des dispositifs de santé préventive. Afin d’atteindre cet objectif, deux études ont déjà été réalisées sur une cohorte nationale de chefs d’entreprises. La première étude a été réalisée en 2011 et 2012 sur 380 dirigeants dont l’anonymat a été assuré. Grâce au suivi téléphonique mensuel dont ils ont fait l’objet, les dirigeants ont ainsi pu être interrogés sur leur santé physique, mentale mais également sur leur entreprise (problèmes avec les fournisseurs, salariés, de trésorerie…). Aux questions qui se répètent chaque mois, permettant un suivi longitudinal du dirigeant et de son entreprise, s’ajoutent des questions variant chaque mois et permettant d’analyser des thématiques particulières (gestion du sommeil, du stress…). Se sont ainsi 280 000 données qui ont pu être récoltées et analysées pour cette première étude. Une cohorte de 380 chefs d’entreprise de toute la France suivis tous les mois Régions de France Nombre d'entreprises Pourcentage 11* Ile-de-France 21 Champagne-Ardenne 22 Picardie 23 Haute-Normandie 24 Centre 25 Basse-Normandie 26 Bourgogne 31 Nord-Pas-de-Calais 41 Lorraine 42 Alsace 43 Franche-Comté 52 Pays de la Loire 53 Bretagne 54 Poitou-Charentes 72 Aquitaine 73 Midi-Pyrénées 74 Limousin 82 Rhône-Alpes 83 Auvergne 50 7 15 4 7 1 5 10 13 6 11 30 22 20 26 11 1 49 3 13,55% 1,90% 4,07% 1,08% 1,90% 0,27% 1,36% 2,71% 3,52% 1,63% 2,98% 8,13% 5,96% 5,42% 7,05% 2,98% 0,27% 13,28% 0,81% 29 91 Languedoc-Roussillon 53 14,36% 93 Provence-Alpes-Côtes-d ‘Azur 25 6,78% *Les numéros précédant les noms des régions correspondant à leur code officiel. La deuxième étude qui a débuté en janvier 2013 compte une cohorte de 412 dirigeants interrogés tous les deux mois. Le processus et l’objectif de l’étude restent inchangés et se sont près de 119 280 données qui ont d’ores et déjà été collectées. Une cohorte de 412 chefs d’entreprise de toute la France suivis tous les deux mois Régions de France Nombre d’entreprises Pourcentage 11* Ile-de-France 57 14.18 21 Champagne-Ardenne 4 0.99 22 Picardie 10 2.49 23 Haute-Normandie 6 1.49 24 Centre 10 2.49 25 Basse-Normandie 4 0.99 26 Bourgogne 6 1.49 31 Nord-Pas-de-Calais 17 4.23 41 Lorraine 11 2.74 42 Alsace 16 3.98 43 Franche-Comté 3 0.75 52 Pays de la Loire 27 6.72 53 Bretagne 21 5.22 54 Poitou-Charentes 7 1.74 72 Aquitaine 19 4.73 73 Midi-Pyrénées 15 3.73 74 Limousin 1 0.25 82 Rhône-Alpes 93 23.13 83 Auvergne 7 1.74 91 Languedoc-Roussillon 48 11.94 93 Provence-Alpes-Côte d ’Azur 19 4.73 94 Corse 1 0.25 *Les numéros précédant les noms des régions correspondant à leur code officiel. Le caractère innovant de l’Observatoire Amarok réside dans le constat suivant : personne ne se préoccupe de la santé des entrepreneurs et les entrepreneurs eux-mêmes n’accordent pas suffisamment d’importance à leur santé. Or, la santé du dirigeant constitue le premier capital immatériel de son entreprise. Et un chef d’entreprise qui se soucie peu de sa santé sera moins enclin à se soucier de la santé de ses salariés. C’est pourquoi l’Observatoire Amarok s’est donné pour mission de combler ce vide et souhaite faire prendre conscience aux dirigeants d’entreprise de l’importance de leur santé. La santé au travail du chef d’entreprise peut être considérée comme un « océan bleu » : il y a là 30 une opportunité non négligeable de créer quelque chose de nouveau où les entrepreneurs pourront se préoccuper de leur santé sans craindre que leur image de leader ne soit entachée par leurs problèmes de santé et sans craindre une baisse de confiance de la part de leurs collaborateurs. Section 3 : Les résultats de cette innovation Les résultats de la première étude réalisée en 2011 et 2012 sont déjà connus aujourd’hui. Au regard de ces résultats, il apparait qu’une prise de conscience sur l’importance de s’occuper de sa santé lorsque l’on est un dirigeant est à l’œuvre (I-). L’Observatoire AMAROK bénéficie également d’une réelle visibilité (II-) et elle a d’ores et déjà rempli un objectif : l’essaimage à l’international de son antenne française (III-). Reste alors à réaliser le but ultime de l’Observatoire : créer un télé-service de santé des travailleurs non-salariés (IV-). I. Une prise de conscience progressive Au regard des retours obtenus sur la première cohorte de dirigeant de 2011-2012, l’Observatoire AMAROK a obtenu un taux de satisfaction de 8,966 (1 = Très insatisfait 10 = Très satisfait). Les moyennes statistiques réalisées sont plus parlantes encore et plus précises sur l’impact que l’Observatoire a eu sur les dirigeants d’entreprise participants. Ainsi se sont 66% des dirigeants interrogés qui affirment avoir modifié leurs regards sur leur santé, et 40% d’entre eux affirment même avoir changé leur regard sur la santé de leurs salariés. De plus, 60,30% des dirigeants interrogés affirment se préoccuper, aujourd’hui, davantage de leur santé, en comparaison à leurs habitudes précédant leur participation à l’étude. Cela se traduit de diverses manières mais tous les changements observés ont une même finalité : améliorer son quotidien pour une prévention plus efficace. Et c’est bien là le but d’une innovation centrée sur l’individu : il faut montrer aux bénéficiaires de cette innovation comment faire pour améliorer son quotidien. 31 Les entrepreneurs ont ainsi rapporté manger plus sainement et plus équilibré, faire plus de sport, s’accorder le temps d’une sieste pour une meilleure performance au travail... Certains ont arrêté de fumer, d’autres vont consulter un médecin beaucoup plus fréquemment... Les exemples sont nombreux et reflètent l’important impact favorable que l’Observatoire a sur cette portion de la population active oubliée par la médecine du travail. Un autre facteur favorable à cette prise de conscience est le fait même d’appartenir à une cohorte de dirigeants. En effet, un dirigeant interrogé, sans être en contact direct avec les autres participants à l’étude, a conscience de n’être pas le seul à vivre une situation parfois délicate. S’ils connaissent des périodes difficiles dans la gestion de leur activité (perte d’un gros contrat, impayé qui bouleverse les prévisions financières, dépôt de bilan…) et que ces périodes impactent parfois durement leur santé (burn out notamment), ces dirigeants comprennent qu’ils ne sont pas seuls à ressentir de telles pressions et qu’ils ne sont pas les seuls à avoir souffrir de tels problèmes. Il est parfois arrivé que les dirigeants remercient directement l’enquêtrice qui les interroge pour se soucier de leur santé, pour être à leur écoute, parce que, bien souvent, les enquêtrices constituent le seul réceptacle acceptable de leurs souffrances. Un dirigeant à qui j’ai personnellement administré un questionnaire, a reconnu qu’en dehors de cet appel téléphonique, il n’avait parlé à personne de ces problèmes. Les bienfaits de l’Observatoire AMAROK ne se limitent pas aux échanges téléphoniques ni aux résultats observés. En effet, depuis sa création, l’observatoire bénéficie d’une réelle visibilité tant scientifique, que médiatique. II. Une réelle visibilité des travaux L’Observatoire AMAROK a acquis, depuis sa création, une réelle visibilité scientifique (A.) et médiatique (B.). A. Une visibilité scientifique Le 18 juin 2012, l’Observatoire AMAROK a créé la première chaire consacrée à la santé des dirigeants de petites et moyennes entreprises. Inaugurée au sein du LabEx Entreprendre de 32 l’Université de Montpellier 1, cette chaire est tout aussi pionnière dans le domaine de la santé des chefs d’entreprise que l’observatoire. Classé A par le jury international des laboratoires d’excellence, Le Labex Entreprendre, sous la direction du Pr Karim MESSEGHEM, est le seul en France à être consacré à l’entrepreneuriat. Cette chaire a pour programme la constitution d’un réseau international de chercheurs étudiant le domaine de la santé des patrons avec la création d’autres antennes Amarok à l’international, la production de statistiques sur le sujet. S’inscrivant dans la continuité des travaux réalisés par l’Observatoire AMAROK, la Chaire a également comme but ultime de créer un télé-service de santé des travailleurs non-salariés. A son inauguration, était présent plus de trois cents personnes des secteurs économiques et académiques. Parmi eux, figurait notamment le Président de l’Agglomération de Montpellier, le Pr Katsuyuki KAMEI de l’Université de Kansaï à Osaka, plusieurs responsables académiques de l’Université de Montpellier 1 (le directeur de l’école doctorale, le doyen de l’université…) et des spécialistes internationaux travaillant déjà dans le domaine de la santé des dirigeants d’entreprise. Depuis sa création, l’Observatoire a su créer des vocations de chercheurs. En effet, aujourd’hui, il existe un réel programme doctoral sur la santé des dirigeants de petites et moyennes entreprises et ce ne sont pas moins de six thèses sur des sujets différents qui sont actuellement en cours de rédaction : Rose-Myriam MONDELUS travaille sur « le rôle et l’importance de la santé dans l’octroi de crédit aux petites et moyennes entreprises », Yosr BEN TAHAR étudie « le stress et le burn out patronal », Virginie GHARBI analyse « la dimension santé dans les structures d’accompagnement à la création d’entreprise », Eric FROMENTY s’intéresse à « la dégradation de la santé post-transmission d’une entreprise », Florence GUILIANI examine « l’impact de la gestion du sommeil sur la prise de décisions stratégiques d’un dirigeant de petites et moyennes entreprises » et enfin, Thomas LECHAT étudie « l’impact des évènements de l’activité entrepreneuriale sur la santé du dirigeant de petites et moyennes entreprises ». Ces thèses constituent la « charpente » de la chaire et les premières thèses devraient être soutenues prochainement. Ce programme doctoral est d’autant plus important qu’une innovation sociale se caractérise par le fait de partager les connaissances acquises. Enfin, cette visibilité scientifique se traduit également par la production d’articles scientifiques et du premier ouvrage de l’Observatoire AMAROK : « La Santé du dirigeant, de 33 la souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire » paru chez De Boeck en 2012. Cet ouvrage fait état des résultats de la première étude épidémiologique sur la santé des dirigeants d’entreprise réalisé sur la première cohorte de 380 chefs d’entreprise. Ce sont près de 2000 exemplaires qui ont d’ores et déjà été vendus aujourd’hui à travers toute la France aux dirigeants d’entreprise eux-mêmes. L’engouement scientifique créé par le Pr Olivier TORRES avec l’Observatoire AMAROK tend aujourd’hui à combler les lacunes existantes dans le domaine de la santé des entrepreneurs et la vision que l’on peut avoir du chef d’entreprise au contact de cet observatoire et de ses recherches ne peut que s’en trouver modifier. B. Une visibilité médiatique Depuis la parution de la tribune dans le journal Le Monde en 2009 du Pr TORRES, l’Observatoire AMAROK a largement suscité l’attention des médias (Libération, Le Monde, Le Figaro, Les Echos, l’Usine Nouvelle, La Croix, Courrier Cadre, L’Entreprise, les Echos, Capital, L’entreprise, Rue 89…). Au total, c’est plus de 160 articles qui sont déjà parus tant dans la presse nationale que dans la presse internationale. A cela, il est nécessaire d’ajouter les nombreuses participations aux émissions télévisées (France 2, France 3, TV Sud, ATV Martinique…). Cette large propagation des idées de l’Observatoire dans les médias, contribue largement au rayonnement des travaux d’AMAROK. Une conséquence directe de cet engouement médiatique est la réalisation de nombreuses conférences données par M. TORRES ou ses collaborateurs à travers toute la France. Sans cesse sollicité, le thème de ces conférences est tout naturellement la santé des patrons d’entreprise et la prévention. L’une de ces sollicitations avait pour but avoué de sensibiliser les dirigeants appartenant à une fédération du bâtiment à se préoccuper davantage de leur santé. Le solliciteur tenait à cette conférence après avoir entendu le Pr TORRES lors d’une précédente conférence et il voulait propager à son tour ces idées. A ces diverses conférences favorisant l’essor de l’Observatoire, il faut ajouter un atout conséquent pour l’observatoire. Deux courriers le furent adressés. 34 Le 24 septembre 2009, dans un courrier adressé au professeur TORRES, Georges FRECHE, alors Président de la Communauté d’Agglomération et Montpellier et de la Région Languedoc-Roussillon exprima son intérêt quant à l’initiative de création de l’Observatoire AMAROK. En effet, cette initiative correspondait à la volonté de Georges FRECHE de dynamiser les entreprises et de se développer économiquement en se fondant sur la performance et sur le côté humain. Il reconnait également l’importance de protéger les travailleurs non-salariés tant dans leur activité professionnelle que dans leur santé. C’est ainsi le soutien d’une personnalité politique reconnue qui exprima son soutien et son intérêt ce qui légitima davantage le projet de l’Observatoire. Puis suite à une conférence donnée devant la Fédération Française de ROUEN DIEPPE, l’intervention du Pr TORRES reçu un réel écho favorable puisque fut décidé de créer un numéro vert à destination des entrepreneurs désirant contacter un médecin. La visibilité de l’Observatoire et la prise de conscience progressive de l’importance de la santé des chefs d’entreprise ne constituent pas les seuls résultats observables et tangibles que l’Observatoire peut compter à son actif. En effet, quelques objectifs de la chaire ont déjà obtenus des résultats : la création à l’international d’autres antennes AMAROK. III. Un essaimage à l’international L’Observatoire AMAROK avait, dès le départ, vocation à se développer au-delà des frontières de la France. En effet, sur le plan international, deux autres antennes AMAROK ont été inaugurées depuis la création en 2010 de l’antenne française. La première antenne a été créée avec le Pr Katsuyuki KAMEI (management du risque) et le Pr OGYU (psychologie du travail) de l’Université de Kansaï à Osaka. Dans une interview accordée au journal Hérault Juridique et Economique12, le Pr Torrès explique que le Japon a connu, dans les années 1990, le phénomène du « Karoshi », signifiant la mort par surcharge de travail. Cela a affecté de nombreux cadres qui travaillaient de 60 à 70 heures par semaine. Avant l’implantation de cette antenne, il n’existait pas d’étude sur ce phénomène sur les dirigeants de PME. Le Pr KAMEI a obtenu l’accord de son université pour créer une antenne 12 CROCI, Daniel. « L’AMAROK essaime au Japon » Hérault Juridique et Economique, 30 septembre 2010 35 au Japon et pour étudier dans un premier temps, les mêmes axes que l’antenne française, et dans un second temps, pour étudier des axes spécifiques non étudiés en France tel que le Karoshi. La deuxième antenne a été ouverte en Suisse en février 201313 au sein de la Haute Ecole de Gestion de Fribourg avec le Pr Mathias ROSSI, spécialiste de l’entrepreneurship à Fribourg. Confronté à la même absence d’étude sur la santé des dirigeants de PME, l’antenne suisse étudiera ainsi les mêmes axes étudiés en France. L’importance de cette étude est d’autant plus importante que les PME représentent, aujourd’hui, près de 99% du tissu entrepreneurial suisse. D’autres partenariats sont en cours de réalisation avec la Belgique et le Canada. Le but ultime de cet essaimage international de l’Observatoire AMAROK est « d’établir des comparaisons internationales » entre les données recueillies par les différentes antennes. Il reste néanmoins un objectif à réaliser : la création d’un télé-service de santé des travailleurs non-salariés. IV. Un objectif final : créer un télé-service de santé des travailleurs non-salariés Avec ses 270 Services de Santé au Travail Interentreprises sur l’ensemble du territoire national, la santé au travail des salariés a coûté en 2012, 1,2 milliards d’euros aux entreprises14. Les Travailleurs Non-Salariés sont alors exclus du système actuel de la médecine du travail. Pourtant, les chefs d’entreprises, les commerçants, les artisans et les professions libérales représentent aujourd’hui 12% de la population active. Aussi, si l’on souhaitait créer un service équivalent, il serait nécessaire de trouver un financement de 144 millions d’euros, ce qui est devenu totalement inenvisageable, compte tenu de l’état actuel des Finances Publiques. En effet, la crise économique qui sévit depuis 2009 a engendré une 13 GUISAN, Thibaud. « La santé des patrons de PME sous la loupe d’un observatoire » La Gruyère, 26 février 2013 14 CENTRE INTERSERVICES DE SANTE ET DE MEDECINE DU TRAVAIL EN ENTREPRISE (CISME). (Page consultée le 28 août 2013). Une association de Services interentreprises. [En ligne]. http://www.cisme.org/FR/173.aspx 36 récession économique rendant impossible d’allouer un budget à ce projet. Il faut donc trouver une autre solution pour répondre à cette nécessité sociale. La santé au travail des travailleurs non-salariés peut être considérée comme un « désert médical » pour les dirigeants d’entreprise. Ils échappent totalement au système de la médecine du travail actuel. La solution que l’Observatoire souhaite expérimenter à long terme, et qui constitue le but ultime de l’Observatoire et de la chaire, est de créer un télé-service de santé au travail à destination des travailleurs non-salariés (dirigeants de PME, artisans, commerçants, professions libérales) sur la base de rendez-vous téléphoniques mensuels ou bimensuels à l’aide de questionnaires étayées par la science. Il y a là une opportunité non négligeable de créer quelque chose de nouveau où les entrepreneurs pourront se préoccuper de leur santé sans craindre que leur image de leader ne soit entachée par leurs problèmes de santé et sans craindre une baisse de confiance de la part de leurs collaborateurs. Le schéma qui suit représente le mode de fonctionnement actuel de l’Observatoire AMAROK et qui pourrait également correspondre au fonctionnement du télé-service envisagé. 37 Explication du schéma : l’observatoire contacte les dirigeants de toute la France grâce à ses enquêtrices pour leur administrer les questionnaires. A la fin de l’étude, les dirigeants bénéficient d’un diagnostic et d’un suivi personnalisé. Il leur sera remis un rapport personnalisé rendant compte des résultats de l’étude suivie. Un télé-service offrirait des avantages conséquents. Premièrement, sa création coûterait moins cher que de créer des services délocalisés sur l’ensemble du territoire français. En effet, les dirigeants de PME étant installés dans toute la France, il faudrait alors créer autant de services qu’il y a de villes hébergeant les dirigeants. Avec la création d’un télé-service, la création d’un seul service est nécessaire au fonctionnement du système entier. Ceci représenterait la solution idéale face aux difficultés financières actuelles. Deuxièmement, des rendez-vous téléphoniques permettent une plus grande flexibilité face à l’hyperactivité de l’emploi du temps des dirigeants d’entreprise et ils évitent ainsi aux entrepreneurs de se déplacer. En effet, leur emploi du temps étant très variable et très incertain, se déplacer physiquement représente une contrainte de temps et une contrainte financière puisque le temps accordé à un déplacement physique représente du temps en moins accordé à leur activité. Et comme le proverbe le dit, « le temps, c’est de l’argent ». Conclusion L’observatoire AMAROK constitue une innovation sociale centrée sur une catégorie de travailleur délaissé et oublié par la médecine du travail. Les travailleurs non-salariés, avant l’implantation de l’antenne française d’AMAROK, ne bénéficiait d’aucune aide ni d’aucun soutien face au stress qu’ils subissent quotidiennement dans la gestion de leur activité. Suite à la première étude épidémiologique réalisée sur des chefs d’entreprise, il est apparu que, bien qu’en meilleure santé que des managers salariés, les travailleurs indépendants présentent un risque plus élevé pour leur santé. Ce risque de santé s’explique par le fait que le dirigeant de PME est soumis, d’une part, à une forte exposition patrimoniale, facteur de risque économique majeur (dépôt de bilan, redressement judiciaire, garantie et cautionnement bancaires…), et, d’autre part, à des risques psychosociaux spécifiques (responsabilité pénale et sociale du dirigeant, incertitude du carnet de commande, salaires résiduels, risque de trésorerie, surcharge de travail constante…). 38 Là se trouve tout l’intérêt d’un tel Observatoire. Dédié des recherches doctorales et professionnelles sur un domaine aussi méconnu que le stress entrepreneurial et son impact sur leurs santé contribuent à faire évoluer les mentalités, de faire connaître ce problème social et cela permettra un jour de créer le premier télé-service de santé des travailleurs non-salariés. Les dirigeants, même s’ils préfèrent souvent minimiser leur stress pour conserver l’image d’un dirigeant fort, reconnaissent l’utilité de l’Observatoire et au regard des retours observés sur les premiers résultats, l’impact est favorable et les dirigeants qui ont participé à l’étude ont bien souvent modifié leur quotidien pour améliorer leur santé et reprendre le contrôle de leur santé. 39 CHAPITRE 3. LES TELECENTRES DU PAYS DE MURAT, UNE INNOVATION SOCIALE A DESTINATION DES TELETRAVAILLEURS Introduction Les télécentres du Pays de Murat sont localisés dans le département du Cantal. Caractérisé comme une innovation sociale produite par les politiques publiques, l’objectif ici est double et il s’agit de produire une solution durable qui répondrait à un besoin social ressentis tant par les télétravailleurs que par le territoire cantalien. L’implantation de télécentres hébergeant des télétravailleurs répond aux besoins de redynamiser un territoire rural enclavé et de combattre le sentiment d’isolement qui peut gagner les télétravailleurs. Le télétravail a connu un essor très tardivement et il n’en est encore aujourd’hui qu’à ses balbutiements. Dans une première section, nous étudierons comment ce projet a pu émerger. Une seconde section sera consacrée à la description de l’innovation avant de conclure avec une troisième section consacrée à l’étude des résultats que l’on peut déjà observé aujourd’hui. Section1 : Le commencement du projet Etudier le projet d’implantation des télécentres nécessite de comprendre dans un premier temps le contexte dans lequel ce projet s’est inscrit (I-) pour ensuite étudier comment ce projet s’est développé (II-). I. L’origine du projet : pourquoi ces télécentres ? Après avoir étudié le contexte géographique et démographique dans lequel fut développé ce projet d’implantation de télécentres (A.), un rappel historique sur le développement du télétravail sera exposé pour expliquer la volonté du Cantal de s’adonner à ce projet (B.). A. Contexte géographique et démographique cantalien Localisé au cœur du Parc des Volcans et des Monts du Cantal, le Pays de Murat se caractérise par une région montagneuse au cœur du massif central et au cœur du parc naturel 40 des volcans d’Auvergne. Caractérisée par une région rurale, la Communauté de communes du Pays de Murat offre la possibilité aux touristes et aux habitants de la région de faire des randonnées pour explorer la faune et la flore. Le Pays de Murat est composé de 13 communes : - Albepierre-Bredons, - Celles, - Chalinargues, - La Chapelle-d'Alagnon, - Chastel-sur-Murat, Chavagnac, - Dienne, - Laveissenet, - Laveissière, - Lavigerie, - Murat, - Neussargues-Moissac, - Virargues Voici deux cartes illustrant la localisation de la Communauté de Communes du Pays de Murat en France. Source : COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS DE MURAT - Au cœur du parc des volcans d'Auvergne. (Page consultée le 18 novembre 2012). Chiffres clés : La Communauté de communes en quelques chiffres, [En ligne]. http://www.paysdemurat.fr/communaute-de-communes/8_chiffres-cles.html COMMUNES.COM. (Page consultée le 18 novembre 2012). Ville de Murat, [En ligne]. http://www.communes.com/auvergne/cantal/murat_15300/plan.html 41 Cette communauté de communes est dotée d’une population de 5 795 habitants (recensement 2009), d’une superficie totale de 256 km² et 41 habitants/km² et d’une altitude variant entre 738 mètres et 1855 mètres. Cette commune est donc faiblement peuplée et davantage connu pour la région rurale que pour son dynamisme économique. B. Contexte historique du télétravail C’est N. WIENER qui est aujourd’hui considéré comme le père du télétravail. Il concevait déjà cette forme de travail comme étant le moyen de travailler à distance tout en utilisant les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Le télétravail apparaissait déjà comme la solution idéale pour améliorer les conditions de vie au travail des salariés. Cependant aujourd’hui, pour que l’innovation du télétravail puisse se développer de manière effective, les pouvoirs publics doivent avant tout reconnaître qu’il existe un réel besoin social qui ne peut être satisfait autrement que par une solution innovante. En effet, les pouvoirs publics tels que les territoires représentent les premiers écosystèmes favorables à l’innovation sociale puisqu’ils sont en contact permanent avec sa population. De fait, les autorités publiques peuvent ainsi avoir connaissance des besoins sociaux ressentis. En Europe, le développement du télétravail répondait aux orientations données par la Stratégie de Lisbonne 2000. Pour rappel, cette stratégie avait pour but de faire face aux évolutions économiques en développant au sein de l’Union Européenne, une économie plus dynamique et plus compétitive, à l’horizon 2010. Pour respecter les objectifs fixés, la commission européenne et les partenaires sociaux européens (CES, UNICE/UEAPME, CEEP) ont négocié un accord-cadre sur le télétravail ratifié en 2002 et à cette occasion, la définition suivante du télétravail fut retenue : « le télétravail est une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat ou d’une relation d’emploi, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière » (OURLIAC, 2010)15. 15 OURLIAC, Philippe. (Page consultée le 12 novembre 2012). OTEN (Observatoires des Territoires Numériques). http://oten.fr/?Le-telecentre-du-Pays-de-Murat-15 Implantation d’un télécentre et formation au télétravail au sein d’un territoire rural. Initiative analysée (monographie) dans le cadre du projet IRIS, publié le 30 août 2010. 42 Cependant, en France, cette initiative européenne ne fut pas suivie d’effets et le télétravail ne s’est pas développé. Les arguments avancés sont un manque de confiance qui existait entre les partenaires sociaux français qui étaient opposés à certains aspects de l’accord-cadre européen et une particularité culturelle des salariés français qui sont très attachés à leur lieu de travail, empêchant ainsi le développement du télétravail. Cependant, étant consciente de son retard face à ces homologues européens (7% de télétravailleurs en France en 2010 contre 25% dans certains Etats Européens), l’Etat français, via la Délégation Interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale (DATAR), lança en 2005 un appel à projet de 3 millions d’euros dans le but de financer la création « d’espaces professionnels pour les télétravailleurs ou des télécentres ». Le Conseil Général du Cantal se porta candidat à cet appel à projet et vit là une opportunité de contrer le phénomène de désertification rurale qui a causé une perte de 24 000 emplois dans la région en trente ans. Bernard DELCROS, Président de la Communauté des Communes du Pays de Murat, explique ainsi que « après avoir perdu près de la moitié de la population au siècle dernier, (ils devaient) réagir, trouver des solutions, innover pour amorcer une reconquête démographique durable »16. Le développement du télétravail et l’implantation des télécentres apparaissaient alors comme la solution adéquate à la résolution de ce problème. II. La mise en place du projet Véritable pionnier dans le domaine dans le Massif Central, l’originalité de ce projet réside dans la volonté déclarée de créer un réel réseau de télécentres qui auraient chacun sa spécificité. Ce projet s’articule autour de l’idée que « le télétravail préfigure les nouvelles formes de travail » (Bernard DELCROS, Edito du Président du dossier de presse du 4ème forum du télétravail) dans les grands centres urbains ainsi que dans les territoires ruraux comme le Pays de Murat et ainsi le télétravail contribuerait à renforcer l’attractivité du territoire. L’enclavement territorial ne serait plus alors un obstacle au développement économique de la région. 16 PAYS DE MURAT (2012), « Télécentre, espace de coworking de Murat – Cantal », dossier de presse du 4ème Forum du Télétravail, les 18 et 19 octobre 2012, 19 p. 43 La création de ce réseau de télécentre fut d’abord précédée par l’inauguration en 2005, par la Communauté de Communes du Pays de Murat, de sa maison des services. Elle est équipée d’une salle multimédia, d’une borne internet, d’un visio-accueil et d’une salle de visioconférence. Cette maison des services peut être considérée comme un élément test des besoins ressentis dans cette région. Suite au succès que cet établissement rencontra avec une moyenne de mille visites chaque mois et suite au forum Ruralitic de 2006 auquel la Communauté de Communes participa, le projet d’implantation du télécentre de Murat fut activement lancé. En 2007, le premier télécentre du Pays de Murat fut inauguré au sein même de la Maison des Services. L’année 2008 fut marquée par la création du premier centre de formation au télétravail de France et à partir de 2009, les forums du télétravail sont organisés chaque année. Section 2 : Description de l’innovation L’innovation sociale dont il s’agit ici se décline en deux parties. Il convient tout d’abord d’étudier la notion de télétravail (I-) avant d’examiner le concept des télécentres (II-). I. La formation au télétravail Le télétravail nécessite d’abord qu’on définisse le concept (A.) avant d’étudier la diversité des profils des télétravailleurs (B.) et les avantages et inconvénients que représente cette forme de travail (C.). A. Définition du télétravail Outre la définition du télétravail de l’accord-cadre européen sur le télétravail, l’histoire du télétravail est jalonnée par une succession de définitions différentes. Selon Alexandre LARGIER, ces différences s’expliquent par le besoin que ressentent les auteurs de projets sur le télétravail de le décrire « de la manière qui sied le mieux à l’exposé qui suit ». Ainsi, les critères alors retenus pour décrire le télétravail dépendent des conditions environnementales, organisationnelles et juridiques et dépendent de la vision que les porteurs du projet ont du télétravail. 44 Ainsi, pour la Délégation Interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale, le télétravail correspond à « toute activité tertiaire dont le traitement s’effectue à distance de l’utilisateur dans des lieux structurés de façon industrielle et dont la vocation est d’utiliser les moyens de communication électroniques »17. Le télétravail est alors une forme de travail autorisant des salariés de travailler à distance, hors des locaux de son employeur en utilisant les nouvelles technologies de l’information et de la communication comme internet. Cette définition suppose également la création de locaux spécifiquement réservés à l’accueil des télétravailleurs, excluant de fait, les autres formes de télétravail. C’est au regard de cette définition que fut articulé le projet de création d’un réseau de télécentres en Pays de Murat. B. Diversité des profils des télétravailleurs Il existe plusieurs profils de télétravailleurs. Premièrement, existe la catégorie des télétravailleurs indépendants. Ils se caractérisent de la manière suivante, il s’agit d’une personne physique qui exerce, même accessoirement, une activité non salariée, agricole, artisanale, commerciale ou libérale. Leur statut peut être celui de travailleurs indépendants ou d’auto-entrepreneur. Ils sont alors considérés comme employeur et, aux mêmes titres que les dirigeants de petites et moyennes entreprises étudiés dans le chapitre précédent, ils se retrouvent eux aussi exclus du système médical actuel. Deuxièmement, la catégorie des télétravailleurs salariés regroupe trois types de profils différents. Le premier profil concerne les télétravailleurs salariés travaillant à domicile. Ces télétravailleurs alternent le travail à domicile et dans les locaux de son employeur. Ils sont assimilés aux télétravailleurs « pendulaires ». A titre d’exemple, ils peuvent travailler deux jours à domicile et le reste de la semaine, dans les locaux de son employeur. Puis, ils existent les télétravailleurs salariés mobiles ou nomades. Appelé aussi le « remote work », cela concerne essentiellement les salariés commerciaux qui, équipés d’un téléphone et d’un ordinateur, partagent leur temps de travail entre plusieurs lieux : chez le client, à l’hôtel, etc. Le qualificatif de nomade signifie alors une absence de lieu de travail fixe. 17 LARGIER, Alexandre (2001). « Le Télétravail : trois projets pour un même objet », Réseaux, 2001/2 n°106, p. 201-229. DOI : 10.3917/res.106.0201 45 Enfin, les télétravailleurs salariés exerçant en télécentre conservent un cadre professionnel classique de type mais ils ont la particularité de conserver à distance la relation avec l’entreprise de rattachement et avec le management. Ils conservent ainsi le statut de salariés de l’entreprise mais ils effectuent à temps complet leur travail hors des locaux de l’entreprise et plus spécifiquement, ils travaillent dans un télécentre. Il est difficile aujourd’hui d’effectuer un comptage fiable du nombre exact de télétravailleurs en France. En effet, selon les définitions, le nombre de télétravailleurs peut varier d’un millier à plusieurs centaines de milliers en fonction des critères que l’on retient. Cependant, selon le dossier de presse du quatrième forum du Télétravail, il y aurait 12,4 % de télétravailleurs en France. C. Utilités et avantages du télétravail Le télétravail est considéré comme un modèle d’avenir présentant de nombreux avantages mais également des inconvénients auxquels il faut apporter une solution tant pour le bien être des employés que pour la sécurité de les employeurs. Du point de vue des employeurs, les avantages liés au télétravail sont essentiellement liés à l’aspect économique de l’activité. En effet, les salariés ressentant moins de stress, des gains de productivité notoire ont été observés par les entreprises utilisatrices de ce système de travail grâce à l’absence de trajet pour se rendre sur son lieu de travail notamment. Etant moins stressé, les employés sont moins enclins à s’absenter de leur lieu de travail. De plus, de nombreuses économies sont réalisées par les entreprises utilisant le télétravail. Une partie des effectifs travaillant hors des locaux, il y a alors une diminution des coûts liés à l’occupation des locaux, liés aux frais engendrés par cette occupation (électricité, téléphone, fournitures de bureaux…). Enfin, le télétravail leur offre la possibilité de recruter des profils différents, c'est-à-dire la possibilité de recruter à distance des spécialistes se situant dans d’autres régions. L’avantage ici est que les employeurs ne sont plus cantonnés à leur bassin d’emploi et peuvent recruter le personnel dont ils ont besoin dans d’autres zones géographiques. De fait, l’enclavement territorial affectant les territoires ruraux tendraient à ne plus devenir un obstacle au développement d’une activité. 46 Du point de vue des télétravailleurs, obtenir ce statut permet d’améliorer leur qualité de vie et de gagner en productivité, en temps de travail et aussi en liberté. L’autonomie dans la gestion de leur travail tend à réduire le stress qu’ils seraient amenés à vivre s’ils travaillaient dans le cadre classique d’une entreprise. Les employés montrent moins de stress et une meilleure concentration dans l’exécution de leur travail, un gain de temps et une baisse du stress vécu que peut engendrer les trajets en transports. De plus, les employés se sentent valorisés face aux employés classiques de leur entreprise. Travailler hors des locaux de l’entreprise leur donne un sentiment de confiance émanant de leur entreprise de rattachement. L’individu peut alors aménager son temps de travail selon ses besoins. Cependant, quel que soit les motivations à l’origine de la démarche, il n’en demeure pas moins que ce mode de travail opère un bouleversement réel dans le quotidien du télétravailleur, bouleversement auquel il n’est pas toujours préparé. En effet, l’entreprise a toujours constitué un lieu collectif de travail favorisant la socialisation. De fait, travailler hors des locaux de l’entreprise contribue à renforcer le sentiment de solitude naturel et un affaiblissement du sentiment d’appartenir à un groupe peut se faire ressentir. Limiter les échanges avec des collègues de travail peut contribuer à développer une dégradation du sentiment d’efficacité et l’individu peut douter de ses compétences. Sa santé peut alors s’en retrouver affecter. Le sentiment d’isolement affecte directement la santé des personnes et il peut contribuer à la dégrader. Le collectif permet de lutter contre ce phénomène. Il protège la santé mentale et conserve, par voie de conséquence, une bonne qualité dans sa vie privée. Afin de lutter contre ce problème d’isolement, il est nécessaire de trouver une solution adéquate. Le Pays de Murat la trouva dans la construction des télécentres. Ces télécentres répondent à un double objectif : lutter contre l’isolement des télétravailleurs et redynamiser le territoire rural du Cantal. II. L’implantation des télécentres en Pays de Murat Après avoir définit la notion de télécentre (A.), nous étudierons les enjeux que représentent ces télécentres (B.). 47 A. Définition des télécentres Le télécentre peut se définir comme un outil, un espace de travail au service exclusif des télétravailleurs et répondant aux besoins des télétravailleurs. A l’image d’une entreprise classique, les télécentres offrent des services identiques et les télétravailleurs disposent de bureaux privatifs dotés d’outil informatique, d’une connexion Internet à haut débit et d’une ligne téléphonique, d’un point bureautique (photocopieur, télécopieur et scanner), d’une salle de réunion équipée de microphones et de vidéoprojecteurs, d’une salle de Visio-conférence pour permettre les réunions à distance, d’une salle multimédia équipée de 8 postes informatiques pour animer des formations sur place, d’un point Wifi et d’un accueil personnalisé permettant la prise de messages et/ou de rendez-vous pour les télétravailleurs. Chaque télécentre du Pays de Murat a sa spécificité. Ainsi, le deuxième télécentre inauguré en 2011, offre un espace de coworking, c’est-à-dire un espace non cloisonné et placé au centre du télécentre pour permettre aux télétravailleurs de se parler pendant leur pause ou de travailler en groupe. La différence qui existe cependant avec les entreprises classiques résident dans la nécessité de réserver son espace de travail à la journée, à la semaine, au mois ou à l’année pour pouvoir prétendre travailler dans ces télécentres. 48 Voici une photo illustrant le principe des télécentres du Pays de Murat permettant de travailler dans un bureau sans pour autant s’isoler grâce aux parois de verre. (source : PAYS DE MURAT, COMMUNAUTE DE COMMNUES (2011), « Inauguration du nouveau Télécentre de Murat », dossier de presse du samedi 10 décembre 2011, 8 p.). La société étant en constante évolution, les télécentres doivent adapter leur politique et rechercher de nouveaux financements pour continuer à se développer et pour répondre aux besoins sociaux exprimés par cette catégorie de travailleur. Les télécentres remplissent donc une fonction indispensable aux télétravailleurs qui ont besoins de travailler avec des équipements performants qu’ils ne vont pas toujours pouvoir s’offrir lorsqu’ils travaillent à domicile. Les rôles et enjeux de ces télécentres ne se limitent pas à cet aspect. B. Rôles et enjeux des télécentres Même si les télétravailleurs sortent du champ du monde du travail classique, il est cependant prouvé qu’ils ont besoin de retrouver un environnement professionnel de type entreprise. Les besoins ressentis sont la nécessité de rencontrer d’autres professionnels du télétravail, de retrouver des horaires de travail fixe, et de manière plus prosaïque, ils ressentent le besoin de se voir et d’évoluer dans un milieu autre que le milieu familial et de communiquer avec d’autres personnes que ce soit sur des sujets professionnels ou personnels. Les télécentres représentent ainsi la réponse idéale au problème. La Communauté de Communes a saisi cette opportunité de développer le télétravail et elle est devenue la pionnière du télétravail en Auvergne. Les télécentres jouent également le rôle de créateur d’emploi et de désenclavement du territoire. Grâce à ces télécentres, la distance et l’enclavement d’un territoire rural ne seraient plus importants dans la mesure où les télécentres offrent aux télétravailleurs des conditions de travail satisfaisantes et que, de par la définition même du télétravail, la distance avec son entreprise de rattachement ne représente plus un problème. Ainsi les télécentres comblent les manques que peut occasionner le travail à domicile et participe au maintien ou au développement d’activités professionnelles dans la région. 49 De plus, les télécentres participent également à promouvoir le territoire. En effet, l’utilisation de ces télécentres est réservé à un large public, public qui peut être des télétravailleurs déjà en activité souhaitant s’installer dans la région, cela peut être des nouveaux arrivants qui souhaitent poursuivre ou développer une activité en Cantal et fuir le stress des villes et profiter d’un cadre de vie plus sain, cela peut également concerner les habitants locaux demandeurs d’emplois ou encore les personnes considérées comme fragiles telles que les travailleurs handicapés, les seniors exclus du monde du travail… Les télécentres ont alors une fonction de restructuration du territoire, de redynamisation également. Ils constituent la réponse au mal être vécu par les télétravailleurs. Pour pouvoir bénéficier d’un poste de travail dans les télécentres du Pays de Murat, il est primordial d’obtenir le statut de télétravailleur. Pour se faire, il est possible de suivre les formations au télétravail proposées par le centre de formation inauguré en 2008. Section 3 : Les résultats de cette innovation L’innovation sociale des télécentres en Pays de Murat a eu un impact favorable pour son territoire et ses usagers (I-) et il bénéficie aujourd’hui d’une réelle visibilité (II-). I. L’apport de l’innovation et son impact sur son environnement et ses usagers Le télétravail et les télécentres contribuent efficacement au maintien de la population et au développement économique d’un territoire rural. Depuis 2007, date à laquelle le premier télécentre fut inauguré, ce sont 30 télétravailleurs qui travaillent dans ce premier télécentre. Du côté des particuliers, 450 personnes ont été formées au télétravail depuis le commencement du projet et 40% d’entre eux ont créé leur activité en télétravail. 70 % des personnes formées sont originaires d’autres régions de France venus se former au sein d Centre de Formation reconnu par la Direction Régionale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle. Une quinzaine de télétravailleurs se sont installés durablement avec leur famille en Pays de Murat. C’est ainsi une quarantaine de nouveaux habitants qui contribuent au développement de ce territoire. Ces résultats tendent aujourd’hui à se développer. En effet, les télécentres ne sont qu’aux prémices de leur développement en France. Il y a là, une opportunité de développer davantage un secteur en utilisant comme argument un cadre de vie sain. 50 Il existe aujourd’hui un réseau de 7 télécentres dans le département du Cantal ayant chacun sa spécialité. Cela permet un réel partage des connaissances et les télétravailleurs peuvent ainsi avoir de réels échanges sociaux et professionnels favorisant ainsi la chute du sentiment d’isolement vécu par les télétravailleurs travaillant seuls. Ce projet est reproductible dans tous territoires ruraux possédant une connexion Wifi à Haut Débit. L’essaimage de ce concept à d’autres territoires favoriserait une amélioration de la santé des télétravailleurs. Du côté des entreprises, 65 % des entreprises françaises employant de plus de 250 salariés utilisent le télétravail. Seuls 19 % des petites et moyennes entreprises de 10 à 19 salariés l’utilisent. En Pays de Murat, ce sont 22 entreprises qui ont, soit été créées, soit été transférées dans la Région. Cette opération a incontestablement contribué à résoudre deux problèmes sociaux existants : combattre le sentiment de solitude et d’isolement des télétravailleurs et redynamiser économiquement le territoire avec l’arrivée de nouveaux habitants. II. Les Télécentres du Pays de Murat : aujourd'hui, la référence nationale du télétravail Le Pays de Murat est, aujourd’hui, identifié et reconnu pour être le pionnier dans le domaine de télécentres dans le Cantal. Chaque année, ils forment et accueillent des télétravailleurs de toutes les régions de la France. La Communauté de Communes du Pays de Murat fait aujourd’hui figure d’exemple de réussite de développement économique et de revitalisation du territoire qui avait accusé une perte de 24 000 emplois en trente ans. Elle est aussi reconnue pour être innovante, convaincante et possédant un projet reproductible dans d’autres territoires. Chaque année, afin d’assurer la visibilité du projet et pour asseoir sa position de leader en matière de télétravail dans le Massif central, un forum annuel sur le télétravail est organisé avec des partenaires nationaux (le Catalogue Télétravail, la Chambre de Commerce et 51 d’Industrie du Cantal …) et des partenaires locaux (le Conseil Général du Cantal, l’Agence Régionale de Développement des Territoires d’Auvergne…). La communauté de communes bénéficie également de l’appui de l’Europe, de l’Etat, des 6 régions du Massif central et du département du Cantal pour pérenniser cette innovation. L’Agence Régionale de Développement des Territoires d’Auvergne (ARDTA) a pour mission de contribuer à l’installation de nouveaux habitants dans la région auvergnate et d’organiser également leur venue sur le territoire. En septembre 2012, l’ARDTA et la Communauté de communes du pays de Murat ont signé une convention de partenariat dans le but de joindre leurs compétences et leurs savoir-faire pour proposer « un dispositif d’accueil et d’accompagnement renforcé » qui serait réservé exclusivement aux actifs du télétravail. Et depuis 2011, le forum a acquis une dimension européenne. Ces forums sont destinés à toutes les personnes qui sont intéressées par le télétravail. Ils ont ainsi la possibilité d’obtenir des informations auprès des acteurs publics ou privés mobilisés pour répondre à toutes les questions dans le domaine du télétravail. Conclusion Les télécentres du Pays de Murat est une innovation sociale initiée par une collectivité territoriale désireuse de redynamiser son territoire. Après avoir perdu 24 000 emplois en trente ans, il apparaissait vital de trouver une solution pour rendre ce territoire enclavé plus attractif. La solution, la Communauté de Communes du Pays de Murat la trouva à l’occasion d’un appel à projet lancé par l’Etat français via la DATAR. Caractérisé par une distance géographique nécessaire à l’exécution de son travail et l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et des communications, le télétravail présente de nombreux avantages (gain de temps, de productivité, réduction de l’absentéisme, revalorisation de l’employé…). Cependant, le quotidien des télétravailleurs s’en trouve modifier et si certains télétravailleurs peuvent alterner travail à domicile et travail dans les locaux de son employeur, les télétravailleurs indépendants et les télétravailleurs salariés se retrouvaient isolés de leur lieu de travail professionnel ce qui causait un sentiment de solitude et qui tendait à affaiblir leur santé. Il fallait trouver une solution durable pour contrer ce sentiment d’isolement et pour prémunir leur santé. 52 Les télécentres constituent alors cette réponse et a permis à la fois de redynamiser un territoire rural et de donner aux télétravailleurs un lieu de travail de type entreprise où ils peuvent travailler, discuter, voir des professionnels et retrouver des échanges sociaux. Tout ceci contribue à réduire leur isolement et, par voie de conséquence, à préserver leur santé. 53 CONCLUSION GENERALE L’innovation sociale est un sujet complexe qui appelle une étude approfondie pour pouvoir en cerner les contours. Caractérisé par un projet qui doit combler les lacunes du marché et de l’Etat qui se retrouvent impuissants à répondre aux problèmes sociaux existants, la coopération entre les acteurs au projet et la participation des usagers sont des conditions essentielles à la réussite du projet innovant. Cependant, si cette réussite dépend des attentes et des objectifs formulés lors de sa conception, les innovations sociales doivent apporter une solution durable, pérenne et vouée à se propager à d’autres territoires. Les innovations résolument tournées vers le bien être des individus ont pour objectif de garantir la bonne santé des bénéficiaires de cette innovation. Ainsi, l’Observatoire AMAROK, premier observatoire de la santé des travailleurs non-salariés (dirigeant d’entreprise, commerçant, artisan et profession libérale) et les télécentres du Pays de Murat illustrent l’intérêt de se préoccuper de la santé des usagers à titre préventif et non à titre curatif. Les résultats de la première étude épidémiologique menée par l’Observatoire en 2011 démontre que cette catégorie de la population active ont une santé meilleure que les salariés, mais plus risquée puisqu’elle se retrouve impactée par du stress typiquement entrepreneurial. Contrairement aux salariés, les dirigeants d’entreprise doivent souffrir en silence tout en assurant la survie de leur entreprise. L’idéologie du leadership les contraignant à minimiser leurs souffrances, l’Observatoire représente le réceptacle acceptable de la souffrance. Se sentant enfin compris, 60,30% reconnaissent avoir modifié leur quotidien pour préserver leur santé. Les télécentres du Pays de Murat répondaient au double objectif de dynamiser le territoire rural et d’offrir un espace de travail collectif aux télétravailleurs isolés. Aujourd’hui, le Pays de Murat est un pionnier dans le domaine du télétravail en Auvergne, il est un exemple à suivre pour tout territoire rural souhaitant retrouver une attractivité et un développement économique tout en préservant la santé des citoyens. De ce fait, une innovation sociale impactera nécessairement positivement ses bénéficiaires à la condition que le besoin social soit bien défini et que la solution soit adaptée. 54 Il est cependant difficile d’étudier un domaine aussi nouveau que la santé des travailleurs nonsalariés. Caractérisé par une lacune d’étude sur le sujet, il faut alors l’étudier par le biais de notions indirectes telles que l’idéologie du leadership ou l’isolement. Si les résultats des études menées par l’Observatoire AMAROK sont encourageants, il est nécessaire de continuer d’interroger davantage de dirigeants afin que ces résultats puissent devenir représentatifs de la population étudiée et non plus seulement significatifs. Il en est de même pour le télétravail et l’implantation des télécentres. Le télétravail concerne actuellement moins de 10% des travailleurs aujourd’hui et il existe peu de télécentres sur le territoire français. Pour pouvoir améliorer la santé des usagers de ces innovations, il faut que ces projets continuent de se développer et continuent leur travail de diffusion de leurs idées. 55 BIBLIOGRAPHIE AVISE et L’ASSOCIATION DES REGIONS DE FRANCE (2012). « L’innovation sociale, un levier pour le développement des territoires, repères et bonnes pratiques pour développer des politiques régionales de soutien à l’innovation ». 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Une pluralité de définitions de l’innovation sociale ........................................................ 7 A. Des définitions complémentaires .............................................................................. 8 B. Une définition à retenir ............................................................................................. 9 II. Les principes régissant l’innovation sociale................................................................. 10 III. Les acteurs de l’innovation sociale ............................................................................. 11 IV. Les critères définissant l’innovation sociale ............................................................... 12 SECTION 2- HISTORIQUE SUR L’INNOVATION SOCIALE ........................................................... 13 I. L’évolution de la pensée ................................................................................................ 13 A. La pensée de Joseph Schumpeter ............................................................................ 14 B. La prédominance historique de l’innovation technologique ................................... 15 II. L’innovation sociale selon les auteurs du 20ème siècle ................................................. 16 SECTION 3- CONTEXTE DE L’INNOVATION SOCIALE ............................................................... 17 I. Contexte en Europe : une prise en compte récente........................................................ 17 A. La Stratégie de Lisbonne 2000................................................................................ 18 B. La Stratégie Europe 2020 ......................................................................................... 18 C. Le Common Strategic Framework for Research and Innovation............................ 19 II. Contexte en France : une volonté nouvelle .................................................................. 20 CONCLUSION ......................................................................................................................... 21 59 CHAPITRE 2- L’OBSERVATOIRE AMAROK, UNE INNOVATION SOCIALE A DESTINATION DES TRAVAILLEURS NON-SALARIES ............................................. 23 INTRODUCTION ...................................................................................................................... 23 SECTION 1- LE COMMENCEMENT DU PROJET .......................................................................... 23 I. L’origine du projet : pourquoi cet Observatoire ? ......................................................... 24 II. La mise en place du projet............................................................................................ 25 A. La conclusion de partenariats .................................................................................. 25 B. La constitution de la cohorte de l’étude .................................................................. 26 SECTION 2- DESCRIPTION DE L’INNOVATION .......................................................................... 27 I. L’Observatoire AMAROK, un observatoire dédié à la santé des dirigeants de PME... 27 II. L’objectif de l’Observatoire : produire des statistiques médicales dédiées aux Travailleurs Non-Salariés ................................................................................................. 28 SECTION 3- LES RESULTATS DE L’OBSERVATOIRE AMAROK ............................................... 31 I. Une prise de conscience progressive ............................................................................. 31 II. Une réelle visibilité des travaux ................................................................................... 32 A. Une visibilité scientifique ....................................................................................... 32 B. Une visibilité médiatique ........................................................................................ 34 III. Un essaimage à l’international .................................................................................... 35 IV. Un objectif final : créer un télé-service de santé des travailleurs non-salariés ........... 36 CONCLUSION ......................................................................................................................... 38 CHAPITRE 3- LES TELECENTRES DU PAYS DE MURAT, UNE INNOVATION SOCIALE A DESTINATION DES SALARIES ................................................................. 40 INTRODUCTION ...................................................................................................................... 40 SECTION 1- LE COMMENCEMENT DU PROJET .......................................................................... 40 I. L’origine du projet : pourquoi ces télécentres ? ............................................................ 40 A. Contexte géographique et démographique .............................................................. 40 B. Contexte historique ................................................................................................. 42 II. La mise en place du projet............................................................................................ 43 SECTION 2- DESCRIPTION DE L’INNOVATION .......................................................................... 44 I. La formation au télétravail ............................................................................................ 44 A. Définition du télétravail .......................................................................................... 44 B. Des télétravailleurs aux profils divers ..................................................................... 45 60 C. Utilités et avantages du télétravail .......................................................................... 46 II. L’implantation des télécentres en Pays de Murat ........................................................ 47 A. Définition des télécentres ........................................................................................ 48 B. Rôles et enjeux des télécentres ................................................................................ 49 SECTION 3- LES RESULTATS DE CETTE INNOVATION ............................................................... 50 I. L’apport de l’innovation et son impact sur son environnement et ses usagers ............. 50 II. Les télécentres du Pays de Murat : aujourd’hui, la référence nationale du télétravail . 51 CONCLUSION ......................................................................................................................... 52 CONCLUSION GENERALE ............................................................................................... 54 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 56 TABLE DES MATIERES ..................................................................................................... 59 ANNEXES ............................................................................................................................... 62 ANNEXE 1- LA LETTRE DE GEORGES FRECHE DU 24 SEPTEMBRE 2009 ................................ 63 ANNEXE 2- LA LETTRE DE PIERRE LOUE DU 10 AVRIL 2013 .............................................. 64 ANNEXE 3- LA GRILLE DE CARACTERISATION DE L’INNOVATION SOCIALE ............................. 65 ANNEXE 4- LA TRIBUNE DANS LE JOURNAL LE MONDE DU PR TORRES ............................... 66 61 ANNEXES 1. Lettre George Frêche du 24 septembre 2009 2. Lettre Pierre Loue du 10 avril 2013 3. La grille de caractérisation de l’innovation sociale 4. La Tribune du journal Le Monde du Pr TORRES du 16 janvier 2009 62