revue de litterature convergence mars 08
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revue de litterature convergence mars 08
Florence Le Cam 2008-03-27 La ‘Convergence’ dans la littérature scientifique anglophone Le concept de ‘Convergence’ a été largement étudié par les chercheurs anglophones. Différentes pistes de recherche ont été explorées tant du côté de la définition du terme (la convergence comme concentration ou comme pratique plurimédias et la convergence comme impact ou comme continuum) que du côté des effets sur les supports, les moyens, les outils, les employés et les pratiques professionnelles. Cette revue de littérature tente de présenter les différentes définitions du terme proposés successivement ou conjointement par les chercheurs. Elle écarte les travaux portant sur la concentration économique des médias, pour se concentrer sur des problématiques plutôt socio-professionnelles. Sont ainsi passées en revue les recherches portant sur les salles de rédaction et le travail des journalistes dans des contextes de convergence éditoriale. La nouvelle version 2008 de cette revue de littérature nous montre une orientation des recherches vers deux pôles spécifiques : d’une part, la formation dans les cursus universitaires des jeunes journalistes aux modalités, outils et processus de convergence et d’autre part, les développements technologiques de plus en plus disséminés sur lesquels les produits journalistiques sont diffusés. Tout ceci nous mène d’ailleurs à une question qui apparaît depuis très récemment dans les recherches anglophones : l’importance de la participation du public au processus de diffusion et de production des nouvelles d’actualité et aux logiques marketing, éditoriale et socioprofessionnelle encourageant la prise de participation du public aux stratégies et produits médiatiques. Cette revue de littérature en se concentrant sur les textes de langue anglaise prend peu en compte deux espaces nationaux fortement intéressés par la convergence éditoriale et notamment les Espagnols et les Portugais. Il faudra que l’on se penche davantage sur les travaux du groupe de recherche, Convergencia digital en los medios de comunicacion, financé par le Ministère espagnol de l’Education et de la recherche qui tient un blog sur le sujet : http://infotendencias.com/. Ainsi que sur les travaux plus épars de chercheurs au Portugal avec notamment Anabela Gradim de la Universidade da Beira Interior et Manuel José Damasio de la Universidade Lusofona de Humanidades e Technologias. Parmi les initiatives en ligne qu’il est possible de suivre, il ne faut pas non plus oublier le Convergence Culture Consortium du MIT (http://www.convergenceculture.org/weblog/). Des définitions… Dans un chapitre de l’ouvrage de Rich Gordon, Digital journalism : Emerging media and the Changing Horizons of Journalism (2003), l’auteur rappelle la polysémie du terme de convergence. Celle-ci a été appliquée à des stratégies d’entreprise (l’émergence de AOL et Time Warner), aux développements technologiques (la vidéo à la demande, la télévision interactive), les efforts marketing (les partenariats entre des journaux et des stations de télévision pour promouvoir le travail de chacun), des pratiques professionnelles ou statuts de journalistes (les journalistes ‘backpack’), et les techniques de narration des nouvelles (le mélange du texte et du multimédia sur les sites en ligne) (Gordon, 2003). Emergence du terme. FLC- Revue de littérature ‘Convergence’. 2008-03-25 1 Gordon (2003) retrace l’émergence du terme de convergence estimant qu’il a d’abord été employé dans l’univers des sciences et des mathématiques aux 17 et 18ème siècles. Le terme a alors été employé en référence à des séries mathématiques, à des lignes non parallèles, à la biologie (Charles Darwin aurait employé le mot dans l’édition de 1886 de L’origine des espèces). Au milieu du XXème siècle, le mot a aussi été appliqué en sciences politiques et économiques. Les années 1960 et 70 et le développement des ordinateurs et des réseaux a offert au terme de nouvelles significations ; l’essor des technologies de communication va renforcer l’usage du terme. Le terme va notamment être popularisé avec la parution de l’ouvrage de Ithiel Solar Pool, en 1983, The technologies of freedom, dans lequel il va nommer et analyser ‘la convergence des moyens’, estimant que la technologie entraîne tous les modes de communication à intégrer un seul grand système (Gordon, 2003 ; Lowrey, et al, 2005). Le terme s’est retrouvé aussi largement repris dans les médias spécialisés en économie et business à la fin des années 1980, et en référence à CompuServe. Dans le milieu médiatique, la convergence va devenir un terme populaire à partir de différentes stratégies économiques mises en place par les entreprises médiatiques. Initialement, les relations construites entre journaux et télévision ne vont pas être directement labellisées comme des modalités de convergence. Le terme le plus commun du début des années 1990 était la ‘synergie’. Mais pour envisager le futur de cette ‘synergie’, les promoteurs de ces modalités de développement des médias ont commencé à employer le terme de ‘convergence’. La popularité du mot asseyant de fait son pouvoir symbolique ; l’usage du mot permettant de condenser l’idée du changement, d’une perspective pour le futur qui pouvait, alors, être confrontée à d’autres. (Gordon, 2003). Des auteurs s’emploient par ailleurs à rappeler que la convergence n’est pas une chose nouvelle. Forte Duhe et al (2004) insistent sur le fait que, dans les années 1950, les reporters de UPI (United Press International) fournissent des sons pour le réseau radiophonique de UPI, écrivaient des textes pour les journaux et des contenus audiovisuels pour les radios et les télévisions. Ils devaient aussi prendre des photos pour le service de photos d’actualité de Unifax et faisaient occasionnellement des apparitions sur les plateaux de télévisions locale et nationale. Bien avant encore, il semble que des correspondants du New York Times produisaient aussi pour la station de radio WQXR à New York (Forte Duhe et al, 2004 : 83). La convergence comme processus, comme continuum. Rich Gordon de la Northwestern University (cité par Quinn, 2004 : 112-113) propose d’identifier cinq formes de convergence aux Etats-Unis : - Convergence de propriété (ownership convergence) : synergie dans la promotion croisée des supports et partage du contenu entre journaux et télévisions détenus par la même entreprise. - Convergence tactique (Tactical convergence) : partenariat stratégique entre une télévision et un journal, sous propriété différente ; sorte d’arrangement économique. - Convergence structurelle (structural convergence) : l’entreprise de presse réorganise la salle de rédaction et introduit des innovations (doit, par exemple, réécrire du contenu papier et le transformer en produit télévisuel). - Convergence dans la collecte d’informations (information-gathering convergence) : les journalistes doivent être multi-fonctions. (cf : le journaliste inspecteur gadgets). Avec des freins à cette forme de convergence qui tiennent aux FLC- Revue de littérature ‘Convergence’. 2008-03-25 2 - niveaux d’expertise technique des journalistes et au problème de la couverture d’événements majeurs par une seule personne. Convergence dans la narration d’histoire (storytelling convergence) : implique la création d’un ‘corps’ éditorial qui déciderait, au cas par cas, de la nécessité d’envoyer un seul journaliste multi-fonctions ou une équipe de journalistes selon les supports en fonction de la nature de l’événement. Henry Jenkins conçoit la convergence médiatique en cinq processus (cité par Forte Duhe, 2004 : 84) : - la convergence technologique (technological convergence) : renvoie à la transformation des mots, des images et des sons en informations digitales. Cette forme de convergence facilite le transfert entre les divers médias. - La convergence économique : renvoie à l’intégration horizontale dans l’industrie. Elle permet normalement de réduire les coûts d’opération pour les entreprises. - La convergence sociale : renvoie aux consommateurs des médias qui pratiquent eux-mêmes une forme de convergence p ar la consommation simultanée de médias différents. La personne devient le produit de la convergence sociale. - La convergence culturelle : renvoie aux nouvelles formes de créativité développées au travers des divers médias. Les divers supports permettant de communiquer des informations sous différentes formes. - La convergence globale : le résultat de la circulation internationale des contenus médiatiques. Pour Juan Antonio Giner, un consultant médiatique (cité par Forte Duhe, 2004 : 85), la convergence implique une salle de rédaction réellement intégrée (Fully integrated newsroom) qui agisse comme un outil ‘informationnel’ pour toutes les formes de médias. Les journalistes sont de fait formés aux multiples formes de médias et peuvent travailler en et hors ligne. Un système éditorial intégrant tous les médias et leurs éventuels croisements doit aussi être mis en place, ce qui implique des chartes organisationnelles permettant le contrôle des opérations (Forte Duhe, 2004 : 85). Cette définition lui permet de séparer les entreprises médiatiques en réel processus de convergence de celles qui ne font que coopérer entre elles ou activer des coopérations entre leurs filiales. La coopération n’étant pas, dans ce cas, de la convergence. Cette définition est largement répandue. Dans leur étude sur le journal de Floride, The Tampa Tribune, Huang et al. (2004), définissent le journalisme de convergence ou la convergence en journalisme comme la pratique de production d’information pour des plateformes médiatiques multiples telles que la télévision, les journaux, l’Internet et la radio (Huang et al, 2004 :1). Larry Dailey et ses collègues de la Ball State University proposent de définir la convergence selon un continuum pour aider les chercheurs à analyser la convergence du point de vue des comportements et non pas du point de vue des modèles économique ou technologique. Ils ont identifié cinq niveaux d’activités des entreprises médiatiques (cités par Quinn, 2005 : 6) : - la promotion croisée : la convergence est dans ce cas un outil marketing. - le clonage : le partenaire publie de nouveau un produit déjà diffusé par ailleurs. - la co-opetition : compétition et coopération représentant un nouveau modèle économique dans lequel des entreprises auparavant concurrentes, travaillent ensemble sur certains plans. - le partage de contenus : entre filiales d’une même entreprise. - la convergence totale : les partenaires coopèrent dans la recherche, le traitement et la diffusion des nouvelles. Dans ce cas, l’entreprise utilise toutes les possibilités de FLC- Revue de littérature ‘Convergence’. 2008-03-25 3 supports pour diffuser les nouvelles, et met en place des équipes ‘hybrides’ de journalistes. Dans ce continuum, la position de l’entreprise observée n’est pas forcément fixe. Ce sont des niveaux (le premier étant la promotion croisée) qui peuvent être franchis, mais l’entreprise peut aussi revenir en arrière ou combiner divers niveaux. La convergence peut avant tout être conçue comme un modèle économique. Fred Hilmer, un consultant dans les médias, propose d’ailleurs de concevoir trois scénarii économiques de convergence (Quinn et al, 2005 : 9-10) : - ‘La plateforme agnostique’, permettrait de sauver de l’argent, en distribuant et reproposant du contenu au travers de diverses plateformes. - ‘La recherche de la plus grande audience’ : en multipliant les accès et les offres. - ‘La convergence territoriale’ : l’entreprise médiatique se positionne de fait sur un territoire géographique, comme une ville, pour entreprendre un maillage serré des supports et de la diffusion de contenu. La plupart des démarches proposées par les chercheurs s’organisent autour de continuum. Or, cette idée de continuum est remise en question par certains chercheurs au motif de la nonlinéarité des processus de convergence. Le modèle du continuum pose que n’importe quelle forme de convergence qui n’atteint pas l’intégration complète des supports, des services et des personnes est juste un niveau du processus et non pas le phénomène de convergence en luimême. Or, pour Domingo et al (2007) et Deuze (2004), ces modèles tendent de fait à ignorer que la convergence n’a pas à être un processus linéaire ; ce processus peut s’arrêter, peut aussi ne pas toucher certaines parties de l’entreprise, etc. Domingo et al (2007) proposent dans leur recherche, menée en Espagne, de considérer la convergence comme une structure à quatre dimensions qui couvrent les différentes phases du processus de communication : - la production intégrée (integrated production) - la polymorphie des pratiques professionnelles (multiskilled professionals) - la publication multiplateformes (multiplatform delivery) - la participation du public (active audience) (Domingo et al, 2007 : 2). Ces auteurs défendent la particularité du processus de convergence selon chaque entreprise médiatique observée. Ils tendent à ainsi mettre à distance l’importance des effets techniques et technologiques et des effets entrepreneuriaux sur la convergence ‘journalistique’. Ils rappellent que cette convergence journalistique doit être envisagée comme un processus qui utilise des innovations technologiques pour atteindre des objectifs spécifiques. Cela implique donc que chaque projet de convergence peut avoir diverses conséquences (Domingo et al, 2007 : 3). Les auteurs ont par ailleurs été amenés à préciser la polymorphie des pratiques (Domingo et al, 2007 : 6) : - la polymorphie des pratiques médiatiques : les journalistes produisent du contenu pour plusieurs médias - la polymorphie des pratiques thématiques : les journalistes travaillent l’information pour des rubriques thématiques différentes. - La polymorphie des pratiques techniques : les journalistes sont responsables de la plupart des procédés de production. Certains processus de convergence mis en place par les entreprises médiatiques ne nécessitent pas l’intervention de journalistes. Le processus peut dans ce cas être automatisé FLC- Revue de littérature ‘Convergence’. 2008-03-25 4 pour le reformatage à destination d’un autre support ou pour le raccourcissement des versions, etc. De fait, les auteurs (Domingo et al, 2007) estiment que ces systèmes de distribution automatique (digitale) sont les fils RSS, les Podcast, les alertes MMS, les alertes SMS, les versions PDA. Lowrey, et al. (2005) estiment pour leur part que la convergence doit être définie « as a merging of specialized knowledge areas associated with organizational work for particular media platforms ». Cette définition implique la fusion de niveaux opérationnels (quand une télévision locale et un journal fusionnent des routines professionnelles, des statuts professionnels et des processus de production). Mais elle n’implique pas forcément une fusion technologique (la télévision et le journal pouvant toujours être séparés), ou une fusion des entreprises. Lorsque la convergence est étudiée du point de vue médiatique, en interne, dans le cadre d’une analyse des opinions ou des pratiques professionnelles, elle est définie comme la combinaison des technologies, des produits, des personnels et des territoires qui appartenaient auparavant à des espaces distincts de presse, de radio, de télévision et de journalisme en ligne (Singer, 2004 : 3). Une problématique développée régulièrement dans les écrits recensés questionne doublement la convergence, au sujet d’une part des stratégies économiques et d’autre part, de l’amélioration de la diffusion de l’information et de fait, du journalisme (Quinn, 2004, mais aussi Huang et al, 2004). L’instance sur le modèle économique permet à des auteurs d’introduire la notion de ‘co-opertition’ (GB), donc l’assemblage de deux concepts, la compétition et la coopération (Quinn, 2004 : 114). De fait, des entreprises de presse qui, auparavant, se trouvaient en situation de compétition, travaillent ensemble pour la production d’information différenciée selon les supports. Une insistance particulière est posée dans les différentes études sur l’inévitable particularité de la convergence selon les groupes médiatiques (Quinn, 2004 : 111), chacun développant, à partir de son expertise, de ses supports et de ses outils, des modalités de convergence spécifiques selon les ‘valeurs’ de l’entreprise (Quinn, 2004 : 112). Quinn indique par ailleurs que les acteurs définissent la convergence de façon territorialisée : les opinions diffèrent selon les pays, les entreprises, les cultures (Quinn, 2005 : 5). C’est aussi la perspective envisagée dans la recherche espagnole dirigée par Domingo et al., qui ont étudié 58 entreprises médiatiques en Espagne entre novembre et décembre 2006. Les chercheurs ont réalisé une sélection compréhensive des cas (du local au national) et codé la situation des différents groupes dans une grille analytique basée sur quatre dimensions de la convergence : la production intégrée (integrated production) ; la polymorphie des pratiques professionnelles (multiskilled professionals) ; la publication multiplateformes (multiplatform delivery) ; la participation du public (active audience) (Domingo et al, 2007 : 2). Ils ont ainsi tenté de dresser un premier portrait de la convergence journalistique en Espagne. Ils posent d’ailleurs une hypothèse forte estimant que la participation du public est la forme de convergence qui mettra le plus au défi les pratiques et valeurs professionnelles traditionnelles (Domingo et al, 2007 : 4). Leurs résultats démontrent une convergence beaucoup plus forte dans les entreprises médiatiques locales, ainsi qu’une appropriation de la convergence renvoyant davantage à la collaboration qu’à une intégration multimédia des salles de rédaction d’une même entreprise (cas qui restent minoritaires). La convergence est aussi une question nationale. L’un des aspects du débat de la digitalisation et de la convergence concernent les régulations nationales et les modalités de leur transformation pour accompagner ou accommoder les processus de convergence (Storsul FLC- Revue de littérature ‘Convergence’. 2008-03-25 5 et Syvertsen, 2007). L’étude de Storsul et al (2007) rappelle l’existence d’un acte écrit européen, The EU Green Paper on Convergence (COM 1997 623 final) qui prônait la transformation des législations pour encourager la convergence et les possibilités qui en découlaient. Les auteurs tentent de montrer les possibilités législatives mises ou non en place et analysent les résistances nationales et les forces de stabilité qui mènent au statu-quo des législations. Les limites à la convergence Les limites de la convergence sont clairement énoncées par de nombreux auteurs. Certains facteurs ont tendance à limiter l’évolution de l’entreprise vers la convergence : la législation (qui peut interdire les propriétés croisées), les syndicats ou associations professionnelles, les coûts d’investissement, la résistance des employés (Quinn, 2004 : 117). Des contraintes professionnelles sont aussi mises en avant et concernent l’incompatibilité entre la culture et les processus de production entre les journalistes de presse, de radio et de télévision, le manque de formation, le manque de ressources financières et l’absence de système d’édition multimédia modernes (Lowrey, et al, 2005). Les auteurs rappellent aussi fréquemment que la convergence n’est pas de fait une économie d’argent (Forte Duhe et al, 2004 : 88). La convergence peut alors être analysée du point de vue strict du management. C’est l’objectif de Kenneth C. Killebrew dans son ouvrage Managing Media Convergence : Pathways to Journalistic Cooperation (2005). La convergence et les journalistes L’un des premières études sur la convergence dans les médias et notamment sur la production multimédia des journalistes a été réalisée par les Britanniques Cottle et Ashton en 1999. Leur étude sur la BBC avait démontré la ‘nature superficielle’ des produits multimédias réalisés (Cottle et Ashton, 1999). Les études ont depuis été orientées sur des sondages de perception de la notion de convergence par les journalistes. Ces derniers ont souvent été sondés à partir d’enquêtes quantitatives, et notamment de sondages d’opinion (à partir des échelles de Likert) pour connaître leurs avis et attitudes envers la convergence. C’est le cas de Huang et al (2006) qui ont réalisé une étude à la grandeur des Etats-Unis auprès des journalistes et cadres de médias insérés ou pas dans un processus de convergence. De fait, les résultats montrent que le processus de convergence est encore en formation dans les faits et dans les représentations. Le sens de la convergence technologique, du contenu impliqué dans la convergence et de son rôle sont encore perçus de façon très différenciée par les acteurs (Huang et al, 2006 : 93). Une autre enquête quantitative réalisée dans les chaînes de télévisons américaines recherche l’opinion des journalistes sur la convergence, sur leur définition de celle-ci et sur leurs perceptions des modalités mises en place par leur entreprise médiatique pour mettre en place la convergence (Forte Duhe, et al, 2004). Les résultats démontrent que 9 directeurs de l’information sur 10 estiment que leur station de télévision pratique la convergence, même si la définition varie. Moins de la moitié la définit comme étant une salle de rédaction intégrée. La convergence éditoriale (de la salle de rédaction multisupports) semble, pour les auteurs de l’étude, un processus très minime dans les pratiques des entreprises et relevant encore de prospectives futures. Une analyse de contenu a par ailleurs été menée par Huang et al (2004) sur les nouvelles diffusées par le Tampa Tribune (pionnier de la convergence aux Etats-Unis), composant du News Center in Tampa pour analyser les liens effectifs entre la convergence et la qualité journalistique. Les résultats de l’analyse de contenu ont ensuite été corrélés avec un entretien en profondeur avec l’éditeur du journal. Leur analyse réalisée à partir de matériel de FLC- Revue de littérature ‘Convergence’. 2008-03-25 6 l’année 2003 montre un usage plus fréquent de la promotion croisée entre médias que d’une réelle production d’information pour des supports différents. Les auteurs estiment que la convergence a aidé les journalistes de cette entreprise à coopérer davantage dans le traitement de l’actualité, cela entraînant un traitement de l’actualité plus profond et attrayant pour les lecteurs (Huang et al, 2004 : 18). Boczkowski et Ferris (2005) ont eux aussi étudié la convergence dans une salle de rédaction, et notamment dans un Media center européen dont ils ne citent pas le nom mais qui leur permet d’étudier le rôle des technologies dans le traval médiatique et notamment dans le processus de mise en convergence des différents moyens, des supports et des professionnels. Singer (2004) a, quant à elle, réalisé une étude qualitative et quantitative sur la mise en place de la convergence dans quatre salles de rédaction aux Etats-Unis pour explorer les conceptions des journalistes envers les changements managériaux et pour mesurer et comprendre la diffusion de la notion de convergence en tant que nouvelle idée et nouvelle façon de faire du journalisme. Se basant sur les théories de la diffusion des innovations, elle analyse les réactions des journalistes à la convergence au Dallas Morning News, au Tampa Tribune, au Sarasota Herald-Tribune et au Lawrence Journal-World. Ses résultats montrent l’ambivalence des journalistes qui observent les avantages de la convergence en termes de compétition avec les concurrents, d’augmentation du service public et des opportunités plus importantes de la carrière. Mais les journalistes questionnent aussi beaucoup la compatibilité de l’approche des différents supports et surtout des conceptions divergentes de la production de l’actualité (Singer, 2004 : 16). Les télévision espagnoles sont elles aussi analysées du point de vue des pratiques alors que les journalistes de télévision ont été amenés à produire pour le support traditionnel et évidemment pour le support en ligne, les amenant à devenir des journalistes multifonctions (Garcia Aviles et Léon, 2002). Finalement peu d’études se sont aussi concentrées sur l’émergence des ‘backpack journalistes’ (les journalistes ‘inspecteurs gadgets’). Ils sont cités dans diverses recherches mais sans réel investissement d’analyse dans les recherches. La convergence dans la formation des jeunes journalistes1. La formation des futurs journalistes et managers est aussi une entrée dans les études sur la convergence. L’étude de Huang (et al, 2004) estime d’ailleurs que près de 60% des écoles de journalisme américaines ont adapté leurs cours ou bien développé de nouveaux cursus pour préparer à la convergence. Dès 2001, des auteurs recommandaient à l’AEJMC (Association of Educators in Journalism and Mass Communication) d’enseigner aux étudiants en journalisme les modalités de travail des entreprises ‘intégrées’, qui tentaient alors de supprimer les frontières entre leurs différentes rédactions. Entre 2001 et 2003, 14 panels sur la convergence médiatique ont été mis en place dans les congrès de l’AEJMC2. Ce faisant, les formations au journalisme aux Etats-Unis ont assez vite tenté d’intégrer des modalités d’enseignement de la convergence. Lowrey, et al, (2005) ont mené une étude sur ces formations et ont posé d’emblée trois stades de reforme des cursus : la réforme statique (le cursus continue à former aux médias traditionnels), la réforme ‘complémentaire’ (le cursus continue à former aux médias traditionnels mais ajoute des séminaires ou cours qui permettent de percevoir le 1 Des données peuvent par ailleurs être trouvées dans les rapports annuels du ‘Annual Survey of Journalism and Mass Communication Enrollments’, disponibles en ligne jusqu’en 2006 : http://www.grady.uga.edu/ANNUALSURVEYS/ 2 Pour des détails : Huang et al, (2003), FLC- Revue de littérature ‘Convergence’. 2008-03-25 7 phénomène de la convergence médiatique), la réforme ‘réalignée’ (le cursus a été repensé en terme de convergence des cursus spécialisés dans les supports). Ces réformes ont été réalisées en fonction de la perception que les enseignants avaient des changements médiatiques et de la pression qu’ils pouvaient ressentir, non seulement de la part des entreprises médiatiques (pour garantir à la formation une crédibilité et une adéquation en rapport avec les changements supposés du marché du travail), mais aussi des étudiants (cette pression n’étant pas généralement favorable à la convergence médiatique), voire même des professionnels travaillant pour partie comme enseignants dans ces formations (Lowrey, et al, 2005). L’étude de Lowrey est basée sur un questionnaire destiné aux 463 programmes étatsuniens de formation au journalisme. Les résultats montrent que la transformation des cursus vers la convergence est issue de motivations souvent individuelles et d’une disponibilité dans le temps pour engager les réformes ; la réforme est aussi plus forte pour les formations qui ne sont pas accréditées par l’AEJMC (les formations étant alors plus flexibles). Les formations tendent majoritairement à mixer les tendances : elles conservent les enseignements séparés tout en créant des séminaires ou des cours pratiques sur la convergence (Lowrey, et al, 2005). Vers des recherches sur la convergence comme activateur de la participation du public La participation du public au processus de convergence est peu étudiée. Domingo et al (2007) dans leur étude espagnole s’y attardent en requalifiant cette participation dans la filière de la fragmentation des audiences, de la spécialisation des contenus et de l’essor des modalités de participation active. Ils pointent les initiatives des médias en ce sens : l’ouverture des commentaires sur les sites et d’espaces de production de contenus (dans leur échantillon, seuls 22 cas sur 58 pratiquent ces formes d’ouverture au public). Diverses stratégies sont développées : les interviews du public, les commentaires sur l’information ; des blogs de journalistes, des espaces de soumission de photos ou de vidéo par le public, des blogs du public, des nouvelles publiées par le public. Dans leur échantillon espagnol, seuls deux journaux et une station de télévision invitent leur public à soumettre du contenu informatif, susceptible d’être publié. Un chercheur britannique, Emma Hemmingway, explore le PDP, le Personal Digital Production, dans les locaux de la BBC, en 2004. Elle examine les implications théoriques et pratiques de l’implantation de nouvelles technologies dans les médias, en illustrant ce processus de PDP dans les salles de rédaction (Hemmingway, 2005). Elle pose l’hypothèse que cette personnalisation des pratiques professionnelles entraîne une transformation de la conception d’une ‘information’, d’une ‘nouvelle’, en arguant du fait que le choix d’une information pourrait se faire selon l’adéquation de celle-ci avec les possibilités du PDP. Depuis peu de temps, des chercheurs s’intéressent au ‘transmedia storytelling’. Cette expression issue des travaux de Henry Jenkins renvoie à « une nouvelle esthétique » qui a émergé en réponse à la convergence médiatique, dans laquelle les publics agissent dans un processus participatif qui leur permettent de rechercher, de sélectionner et de rechercher des histoires au travers des différents supports du média. L’exemple britannique de l’émission de fiction (science fiction) Doctor Who est un exemple analysé par Perryman (2008) pour la BBC. Cette série historique de la chaîne s’est progressivement transformée en une tentative multimédia et participative par l’utilisation d’une pléthore de nouvelles technologies : des mini-épisodes sur les téléphones portables, des commentaires sous forme de podcasts, des blogs vidéos sur la série, des webzines ‘métatextuels’, une programmation personnelles, etc. L’idée est donc non seulement d’utiliser le public pour participer à la production du contenu de la série, mais aussi et surtout pour l’entreprise d’utiliser les différentes potentialités techniques et éditoriales pour rechercher son public. FLC- Revue de littérature ‘Convergence’. 2008-03-25 8 La participation du public rencontre donc les fonctions stratégiques de participation multiplateforme du public. Gunn Sara Enli (2008) a étudié les services audiovisuels britannique, suédois, norvégien et étatsunien, pour montrer l’émergence de la participation du public comme une stratégie de légitimation institutionnelle, d’expansion des plateformes, ainsi que de développement de nouvelles sources de revenus. L’auteur renvoie à l’émergence de plus en plus importante des formats multiplateformes, un terme générique qui décrit la convergence entre les mass médias et les médias personnels. Concrètement, cela renvoie au vote par téléphone, aux chats, aux sites webs complémentaires des émissions ou à la contribution directe du public à des sites médiatiques. L’auteur pointe les ambivalences des discours portant sur la participation du public, et donc de la mise en valeur de discours nonprofessionnels tendant régulièrement vers le divertissement plus que vers la mise en valeur d’un espace de débats public. Mais, les chaînes de service public tentent de s’arranger avec le dilemme d’attraction la plus large des publics et de maintien de leur légitimé de service public. C’est ainsi que les chaînes publiques se basent en Europe sur différents textes et notamment sur celui de la BBC, ‘Building Public Value’, pour argumenter la transformation du modèle européen de chaîne publique. Ce texte prône la mise en place d’un dialogue créatif entre les médias et le public, afin que celui-ci ne soit plus seulement passif, mais ‘participant inspiré’. Les stratégies multiplateformes mises en place par les services publics semblent, pour Sara Enli, relever davantage d’une rhétorique de la participation et de l’auto-légitimation qui leur permet de coupler les idéaux classiques du service public dédié aux citoyens actifs et les enjeux de la convergence de l’environnement médiatique (Sara Enli, 2008 : 116). Les différentes stratégies de captation du public sont de plus en plus analysées par les chercheurs, avec des travaux portant sur les ‘médias mobiles’ (Nilsson, et al, 2001), les DVD (Albert Kilker, 2003), les PDA (Domingo et al, 2007), les Personal Digital Production (Hemmingway, 2005). FLC- Revue de littérature ‘Convergence’. 2008-03-25 9 Bibliographie (recherches citées) Blake, M., (2003), The transparent gate : online and print editions at two central Florida newspapers, Thesis, Master of Arts in Mass Communication, University of Florida, 59p. Boczkowski, P., Ferris, J., (2005), « Multiple media, Convergent Processes, and Divergent Products : Organizational Innovation in Digital Media Production at a European Firm », The Annals of the American Academy of Political and Social Science, 597, 32. 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