Bernard Buffet expli..

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Bernard Buffet expli..
BERNARD BUFFET :
« Je ne suis pas prisonnier de ma chance »
Les J3 d’hier, ont aujourd’hui entre 25 et 30 ans et cette année leur génération prend la
vedette : Bernard Buffet, Roger Vadim, Françoise Sagan, Michel Legrand, Yves-Mathieu
Saint-Laurent… Cent « jeunes » font parler d’eux et l’on assiste peut-être à une relève aussi
importante que celle des années 26.
Mais qui sont ces jeunes gens ? Quelles expériences détient-ils ? Sont-ils dignes de leur
chance ? Quelle volonté les commande ? « Arts » va les présenter, en souhaitant, à travers
eux, faire mieux connaître notre temps.
Et d’abord Bernard Buffet « l’artiste dont on parle le plus en France après Picasso ». André
Parinaud évoque et analyse les évènements de son existence. Nous avons également
demandé au jeune peintre de répondre à des questions précises dont les réponses
permettent de le situer assez exactement dans le mouvement artistique actuel :
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Quel est votre sentiment vis-à-vis du monde extérieur ?
Hors de moi-même, l’univers est douloureux, hostile, dangereux. Je crois que tout le
monde doit avoir ce sentiment.
Votre peinture reflète-t-elle selon vous cette réaction ?
Certainement.
Quelle est, croyez-vous, l’origine de cette attitude de méfiance devant la vie ?
Il ne s’agit pas de méfiance gratuite, mais d’une certitude : j’éprouve une énorme
difficulté à communiquer et d’autre part je sais quelle douleur on doit redouter de
tout ce qui est extérieur.
Vous n’êtes pas familier, j’imagine, avec le vocabulaire psychanalytique, mais avezvous le sentiment d’être dominé dans votre œuvre et dans votre vie par une sorte de
complexe narcissique ? Par exemple, la plupart des portraits que vous peignez vous
ressemblent.
Prenons un exemple célèbre. Tous les portraits peints par Rembrandt se
ressemblent.
Mais ils ne lui ressemblent pas !
Je ne sais pas quoi répondre en ce qui me concerne. Aux autres de juger.
Que pensez-vous de l’art abstrait ?
Je suis violemment contre. Cette peinture ne se base que sur des rapports de
couleurs ; elle méprise la forme. Il lui manque « quelque chose ». Je trouve que
l’expérience abstraite est une impasse. On a voulu la présenter comme la plus haute
forme de l’évolution intellectuelle. C’est un paradoxe. Ce sont des intellectuels
fatigués qui ont inventé cette orgueilleuse formule. L’abstraction est avant tout un
recours à l’enfance, un jeu entre seuls initiés incapables de supporter le poids d’une
vraie discipline. Enfin, cet art ne peut que se répéter. Une impasse : voilà ! A l’origine,
l’abstraction avait un sens par la recherche du bizarre, par la qualité paradoxale d’un
métier qui s’affirmait dans l’anti-peinture. Aujourd’hui, c’est une illusion. La vraie
abstraction est dans Rembrandt et dans Courbet.
Victime d’une famille dissociée et des horreurs de la guerre, Bernard Buffet a
trouvé le succès en peignant son tourment mais il ne connaît pas son public.
Rue des Batignolles, 29, 2ème étage sur une cour close de vingt mètres de côté. En ce soir de
septembre 1943, une lumière s’allume qui éclaire une pauvre pièce de trois mètres sur deux.
Un jeune garçon d'une quinzaine d'années assis sur un tabouret lit une lettre à en-tête du
bureau du proviseur du lycée Carnot. " A notre grand regret nous ne pourrons permettre à
votre fils Bernard de renouveler la classe de 4e. Nous avons pris en considération son état de
santé qui a motivé ses nombreuses absences, mais l'examen de ses notes et le fait qu'il ait
redoublé systématiquement les classes précédentes prouve que le jeune Bernard n'est doué
en aucune matière, excepté peut-être pour le dessin…"
Bernard vient d'allumer la lampe comme pour analyser davantage l'écriture fine du
proviseur. La lumière éclaire crûment sa modeste chambre de jeune homme. Une feuille de
papier Canson fait une tâche blanche sur la table. Quatre tubes de couleur posés en bataille
sont les seuls objet insolites presque beaux et luxueux dans cette modeste pièce. Bernard les
conserve comme des talismans. Avant de quitter le lycée, l'été suivant, sachant qu'il n'y
reviendrait sans doute jamais, il a dérobé dans la classe de dessin ces quatre tubes qui le
fascinaient. De grands tubes pour peinture à l'huile. Après la classe, il s'est glissé dans la salle
de dessin et presque dévotement s'est approché du bureau du professeur : il a regardé
cette classe qu'il ne reverrait plus et où il avait connu les seules joies de sa petite vie
d'écolier. C'est alors qu'i a vu les tubes et il s'en est emparé. Ils sont là, depuis, qui
attendent, comme des remords, prêts à vivre. Ce sont les cadeaux d'anniversaire qu'il s'est
offerts ce soir-là, jour de ses quinze ans.
Depuis le 10 juillet 1928 qui le vit naître, le petit Bernard peut considérer qu'il n'a pas eu de
chance. Mais il ne le dit pas, c'est un taciturne, un calme, une sorte de petit personnage
éthéré qui regarde les grandes personnes avec de grands yeux presque absents. On s'y
trompe en effet… Même son frère Claude de 5 ans son aîné. Seule sa mère peut-être a
deviné le drame intérieur du petit garçon. Elle sait que Bernard est un juge. Comme on l'est
à quinze ans. Juge de son père qui travaille dans une miroiterie et pour lequel sa famille ne
compte guère; juge de sa grand-tante, étrange figure, sorte de Mme Drouet, dame de
compagnie dans une famille bourgeoise propriétaire de la miroiterie où le père travaille.
Toute l'enfance de Bernard est comme écrasée par le personnage tyrannique presque
terrible de cette tante qui régente la famille.
La personnalité effacée de sa mère, si humble, si soumise, si oubliée lui apparaît en contrepoint comme la victime d'un arbitraire monstrueux.
On vit mal au foyer des Buffet, presque pauvrement depuis la guerre qui a encore accru la
triste situation de la famille, et il manque de plus en plus du nécessaire, l'âme, le climat,
cette chaleur humaine qui permet de supporter toutes les adversités mais dont l'absence
accroît tous les malheurs. Dans ce foyer amputé, la pauvreté, la solitude, le mépris sont
ressentis par le petit garçon comme autant de blessures.
Mais Bernard ne confie pas ses peines, ne se plaint pas. Il se tait, paraît presque indifférent :
c'est qu'il se réfugie en lui-même et qu'il se complait dans cette attitude de replis, persuadé
que tout ce qui lui viendra de l'extérieur ne peut être que douloureux. De cette période de
sa vie, le jeune garçon n'a rien à dire. Si : un non. Il a vécu négativement.
- Aviez-vous des camarades habituels ?
- Non, aucun.
- Des lectures qui vous auraient frappé ?
- Non
- Une représentation de théâtre ou le film qui vous aurait intéressé ?
- Je n'allais pas au cinéma ni au théâtre.
- Une exposition de peinture ?
- Je suis allé une fois au Louvre, à 9 ans. Je n'ai vu qu'une toile qui m'a bouleversé : "Les
pestiférés de Jaffa".
- Et vous continuez à admirer cette toile du baron Gros ?
- De plus en plus.
Un psychologue dirait peut-être que déjà tout Buffet est là. La lettre du proviseur ne lui a
causé nul chagrin. Sa mère elle-même a pris ce nouveau coup du sort avec la résignation des
humbles habitués à subir.
D'ailleurs, ce proviseur a vu juste : « Doué en aucune matière exceptée pour le dessin ». Le
petit garçon a toujours détesté ses professeurs et toute autorité lui paraît hypocrite.
Non ! aux adultes
L'exemple de son père l'obsède. Au point qu'il juge que « ce que dit un adulte est forcément
idiot, et qu'il doit faire l'inverse. Si on me vantait un poème, je ne répondais pas, mais
intérieurement je pensais que cette beauté ne pouvait être la mienne. J'avais décidé une
bonne fois pour toutes d'être un élève effacé dont le professeur devait ignorer l'existence, un
de ces élèves qui se situent entre les premiers et les derniers - les seuls que l'on ne remarque
pas - et qui se dissimulent dans l'affreuse et médiocre moyenne. Rien ne m’intéressait. Même
mes camarades. Je n'ai jamais été un enfant, très enfant ".
Seul le dessin a grâce à ses yeux parce que "devant la feuille blanche, on échappe au
monde". Il a peint son premier tableau à dix ans. Il s'est inscrit au cours du professeur
Darbefeuille et tous les soirs, place des Vosges, dans une salle où des vitres peintes en bleu
laissaient filtrer une lumière d'aquarium, il apprend les rudiments d'un métier dont sa main
connaît déjà bien des secrets.
La lettre du proviseur l'a déterminé à se présenter à l'école des Beaux Arts. Concours facile,
avantages matériels nombreux. En décembre 43, il est reçu et entre dans l'atelier de
Narbonne. On remarque immédiatement ce jeune homme silencieux, capable de dessiner
d'un seul trait Moïse ou le Discobole. Un autre fait, moins particulier à l'époque : il a faim
toujours faim.
Bernard Buffet est entré aux Beaux-Arts comme on entre au couvent. Religieusement pour
tout apprendre, espérant la grande révélation, pour trouver le grand secours moral qu'il
espère de l'art.
" Si je n'ai pas appris grand-chose, dit-il, j'ai découvert la bibliothèque de l'Ecole : un trésor, la
plus étonnante qui existe au monde, sur l'histoire de l'art et de la peinture." Et chaque jour,
l'après-midi, le jeune rapin Bernard Buffet se rend à la bibliothèque comme on entre en loge.
Il lit. Il dévore. Il contemple. Il prend des croquis. Il apprend son métier en réfléchissant sur
l'exemple des maîtres. Il est presque heureux, d'autant qu'il a découvert l'affectueuse
camaraderie des élèves, cet étonnant climat de bohème et d'amitié qui unit les "Quatz'arts".
L'adversité cependant va le rendre à ses ombres. Aux premières vacances, Blanche Buffet et
Bernard se rendent en Bretagne à Saint-Gast. Trois jours après leur arrivée, il faut
transporter d'urgence Madame Buffet à l'hôpital de Saint-Brieuc où elle meurt deux mois
plus tard d'une tumeur au cerveau.
La légende veut que ce soir-là, Bernard ait peint sa première descente de Croix en donnant à
Marie le visage usé de sa mère. Elle est fausse. Ce qui est vrai, c'est que de cet instant est né
le terrible ressentiment qui lui trempa le coeur, contre le responsable du calvaire de cette
mère qu'il adorait, contre ce monde cynique d'adultes, indifférent à sa souffrance et lâche
devant sa détresse.
Qu'importe à celui qui n'est qu'un petit garçon orphelin que la France, elle aussi, vive son
grand drame. L'occupant il l'a croisé sur le trottoir et il ne lui paraît pas plus vil que cet
univers de cloportes qui s'agite autour de lui, affamé, sournois, écoeurant. Avant de lui
révéler des exemples, aussi loin qu'il pense, les adultes lui ont d'abord appris comment il
devait les craindre et les mépriser moins.
Narbonne le premier comprend le talent du jeune homme. Un fil est noué. Dans sa chambre
des Batignolles, Buffet, lui, peint. Dix heures par jour devant sa toile. Il se tait. C'est son
bonheur. Brisé de fatigue, il s'endort, mange peu et peint.
Narbonne le fait exposer au Salon des moins de trente ans en 1946, il en a dix huit, deux
toiles : un paysage et une nature morte, puis en 1947 aux Indépendants où il vend sa
première toile.
"Au bureau du Salon, on me dit qu'un monsieur veut acheter une de mes toiles et en
demande le prix. Je rencontre le futur acheteur et je lui propose avec audace 20.000 francs. Il
est d'accord et me paie immédiatement. C'était un médecin qui habitait rue de Vaugirard. Il
était interne dans un hôpital de Paris. Il ne connaissait rien à la peinture et, en visitant ce
salon où j'étais au troisième étage, il n'avait vu que deux choses qui lui avaient plu : une toile
de moi et une toile de Lorjou …Le libraire Michel Brient, auquel un camarade m'avait
présenté, a organisé ensuite une exposition de mes toiles rue des Ecoles. Le jour du
vernissage, il neigeait et le métro était en grève. Personne n'est venu. … Puis il y a eu le prix
de la jeune peinture en 1948."
Girardin l'avait choisi !
Ce prix était organisé par un marchand. Buffet
a envoyé le portrait d'un homme attablé
à un guéridon de café : "Le buveur assis". Sa toile provoque une véritable scission au sein du
jury. Le célèbre collectionneur Girardin qui y siège offre sa démission lorsque le vote désigne
un tableau de Jean Cortot, fils du pianiste : "Le port de la Ciotat". Maurice Girardin est un
docteur "pas comme les autres". On le dit avare. Il vit, en effet, chichement, mais il a une
passion presque monstrueuse pour la peinture et préfère à son standing social sa
magnifique collection de tableaux. En cinquante ans, avec un flair étonnant, Girardin a réuni
plus de cinq cents toiles qui sont depuis entrées dans l'histoire - lorsqu'il les a léguées au
Petit Palais : 17 Dufy, 100 Gromaire, 7 Bonnard, 4 Braque, 1 Chagall, 4 Derain, 2 Léger, 4
Matisse, 5 Modigliani, 98 Rouault, 4 Soutine, 8 Utrillo, 9 Vlaminck…
Lorsque le docteur quitta la salle du jury en claquant la porte, il alla frapper rue des
Batignolles à celle de Bernard Buffet et lui acheta une toile pour 10.000 francs. Le second
visiteur, que le jeune peintre en chandail raide de peinture et séchée reçut peu après, était
le marchand David - qui avait voté contre lui - mais venait lui proposer un contrat et
commença par lui acheter dix toiles pour 15.000 francs.
"A l'époque, il achetait la production de tous les jeunes peintres dont on parlait un peu.
Tôt ou tard, on se serait rencontré. Il s'est trouvé ensuite que mes toiles se sont vendues. Des
gens importants se sont intéressés à moi.
Il a lâché peu à peu les autres pour ne s'intéresser qu'à moi. Tout cela est très simple."
Désormais Bernard Buffet vit de sa peinture. Quarante mille francs par mois pour
commencer. Il songe alors à se marier, mais le destin qui le favorise par ailleurs ne veut pas
lui laisser un havre de grâce. La même année cependant il rencontrera celui qui devait
devenir un des artisans de son succès, le jeune écrivain Pierre Bergé qui le présentera à
Jean Giono.
Invité à Manosque, Bernard Buffet découvre la Provence, le pays de Lurs, au soleil dur, au
paysage écorché, où les hommes vivent presque sauvagement. Il s’installe à Nance, sur un
plateau désolé, dans une ancienne bergerie qui domine le village de Reillane et la vallée de
la Durance. Pendant cinq ans, Buffet vivra austèrement, peignant sans cesse, entouré
d’humbles objets de la vie quotidienne, face à des paysages qui paraissent presque
imaginaires et lorsqu’il se repose c’est pour entendre d’étranges histoires dont celle des
Dominici n’est pas la plus atroce. Fin 1954, il expédie à son marchand la série de ses horreurs
de la guerre, comme s’il traduisait soudain la honte longtemps accumulée et dont le pays de
Lurs avait provoqué l’accouchement.
Degas disait à un jeune peintre : « De mon temps, Monsieur, on ne réussissait pas. » Le
succès de Buffet l’aurait sans doute stupéfié. La Rolls, le château d’Arc qui, à quinze
kilomètres d’Aix, règne sur cent hectares de champs, la villa de Sables d’Or-les-Pins lui
auraient sans doute paru moins scandaleux que l’engouement d’un public pour un peintre
arrivé « si vite ». Peut-être aurait-il été rassuré par la conduite de ce jeune homme de trente
ans qui se lève tard, déjeune, s’enferme dans son atelier vêtu d’un bleu de mécanicien et
peint avec un acharnement hallucinant tard dans la nuit.
Que lui apporte donc cette fortune nouvelle et insolente ? Une enfance retrouvée (il lit
aujourd’hui les livres d’enfants qu’il n’avait jamais eus), une liberté d’adulte qui ne doit pas
de compte ? La certitude de s’être vengé d’un grand mépris et de narguer ceux qui lui « ont
fait tant de mal » ?
Bernard Buffet, en tant qu’homme est, sans aucun doute le représentant parfaitement
symbolique d’une certaine jeunesse.
Disons si l’on veut tenter de donner une explication de son cas, que la tentation de son
drame intérieur était plus forte que la pression des hommes et des faits et que Bernard
Buffet, « enfant sans père » livré à lui-même, insurgé contre toute discipline, trop meurtri
pour attendre d’autrui la confiance, l’espoir ou la leçon capables de le guider, a trouvé, dans
sa révolte et son drame personnel, l’aiguillon de son art. Sa main a choisi le destin dont son
cœur et son caractère ne voulaient pas. Son talent l’a lié par une sorte de pacte à ce monde
des adultes, à cette Société qu’il réprouvait. Le succès le plus éclatant a couronné un effort
qui, paradoxalement incarnait un chant singulier, sombre, intime, expression d’une douleur
secrète, une œuvre qui ne visait qu’à fuir les contingences, à réprouver la réalité objective, à
miner la valeur « normale » de notre code traditionnel moral et affectif. Mais il n’y a pas
d’équivoque entre Bernard Buffet et son public. La plus grande partie de sa réussite est due
à la part négative incarnée par sa peinture. Il a su traduire la passion meurtrie, la honte, la
révolte sans objet, la résignation sourde, un certain degré de haine pour un univers sans
espérance, qui sont les signes de la génération dont l’adolescence a été moulée par les
années noires de la guerre.
Il est évident, si l’on admet cette perspective que la peinture du jeune artiste doit être
appréciée, d’abord selon sa signification sociale, et que son ésotérisme est à la base d’une
psychologie, d’une morale, fondées sur l’attitude vitale d’une génération dont la virilité
singulière est le refus de tout engagement, une sorte d’anarchie indifférente qui masque la
volonté arrêtée, presque farouche, de préserver un narcissisme exacerbé. Il est non moins
évident que l’enthousiasme, la foi, la révolte agissante, l’esprit de sacrifice et de discipline
sont des valeurs dangereuses pour l’ordre fragile des jeunes adultes d’aujourd’hui. Mais le
non-sens est une philosophie peu admissible dans une Société qui a placé l’efficacité au
premier rang de ses préoccupations, ainsi, qu’il le veuille ou non, la peinture de Bernard
Buffet symbolisera bientôt une certaine forme de vie et la réaction qu’elle engendre. Son
oeuvre signifiera plus qu’il ne le souhaite, et l’avenir de sa peinture dépend peut-être de la
grande confrontation qui s’annonce entre les nouveaux adultes et les nécessités
impitoyables du présent qui exigent des volontés trempées et des âmes fortes. Le plus grave
danger qui menace cet art est qu’il apparaisse un jour comme le signe d’un temps révolu,
une sorte d’humour glacé, un jeu d’esthète. Sa grande chance serait qu’il s’inscrive dans le
présent, en marquant les étapes du retour à la vie des ex-J3. Le jeune artiste, dont la lucidité
a triomphé de ses fantômes, est certes capable de cet exploit.
André Parinaud
Arts, n°658, Du 19 au 25 Février 1958